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1165. (1930) Le roman français pp. 1-197

Ils sont assez amusants pour que j’aie regretté parfois qu’on ne choisît pas l’un des meilleurs — en l’expurgeant ad usum puerorum, bien entendu — pour le mettre entre les mains des écoliers qui commencent l’étude du latin, en même temps que le De viris ou les Selecta. […] Cette manière évoque la vieille définition comique : « Pour faire un canon, on creuse un trou, et l’on met du bronze autour. » Le roman à thèse choisit un trou et le garnit. […] Fierté d’appartenir à une religion qui permet, qui ordonne même de « choisir sa voie ». Mais quand l’esprit veut choisir sa voie, injonction températive, au nom de cette foi, de ne pas aller plus loin. […] Il saura choisir, ramasser, composer.

1166. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Ayant choisi sa route lui-même et lui seul, il aurait honte de s’en écarter ; il repousse les tentations comme des ennemis ; il sent qu’il combat et triomphe818, qu’il fait une œuvre difficile, qu’il est digne d’admiration, qu’il est un homme. […] Wesley les rassemblait en sociétés, instituait des réunions d’examen et d’édification mutuelle, soumettait la vie spirituelle à une discipline méthodique, bâtissait des temples, choisissait des prédicateurs, fondait des écoles, organisait l’enthousiasme. […] « Nous pouvons observer, dit-il, que c’est ordinairement dans le milieu des cités, aux endroits les mieux garantis, les plus beaux et les plus marquants, qu’on choisit une place pour les statues et les monuments dédiés à la mémoire des hommes de bien qui ont noblement mérité de leur patrie ; pareillement nous devrions dans le cœur et le centre de notre âme, dans le meilleur et le plus riche de ses logis, dans les endroits les plus exposés à la vue ordinaire et les mieux défendus contre les invasions des pensées mondaines, élever des effigies vivantes et des commémorations durables de la bonté de Dieu832. » Il y a ici comme une effusion de gratitude, et sur la fin du discours, quand on le croit épuisé, l’épanchement devient plus abondant par l’énumération des biens infinis, où nous nageons comme les poissons dans la mer, sans les apercevoir, parce que nous en sommes entourés et inondés. […] Si celui-ci serre ses phrases et choisit ses épithètes, ce n’est point par amour du style, c’est pour mieux imprimer l’insulte. […] Sans doute il y a de l’écume sur ses remous, il y a de la bourbe dans son lit ; des milliers d’étranges créatures se jouent tempêtueusement à la surface ; il ne choisit pas, il prodigue ; il précipite par myriades ses imaginations pullulantes, emphase et crudités, déclamations et apostrophes, plaisanteries et exécrations, tout l’entassement grotesque ou horrible des régions reculées et des cités populeuses que sa science et sa fantaisie infatigables ont traversées.

1167. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Ce sont les femmes qui, parmi les poèmes, choisissent ceux dont l’émotion est adéquate à la sensibilité ambiante : alors, elles s’en font les propagatrices, les vulgarisatrices. […] Mme Catulle Mendès, dans ce premier recueil, ne s’abandonne pas encore à toute l’éloquence de son inspiration : elle sait régler le jeu de ses effusions, et a écrit des petits poèmes verlainiens, d’une ligne pure et dont les mots sont choisis. […] Dis-leur le désenchantement Divin d’être choisie, aimée, Que chaque amante est sans amant Et que chaque âme est blasphémée. […] Ta bouche, en le scellant d’une empreinte brûlante, Semble asservir plus fort celle qui le reçut, Celle-là dont le cœur ne t’aura point déçu, Oui garde, obstinément tenace et patiente, L’ardent et douloureux bonheur qu’elle a choisi, Et librement t’a dit : « Je t’aime et me voici. » Elle rêve à chaque instant que le navire qui ramène son amant a jeté l’ancre dans la nuit ; mais le retour des saisons « a plusieurs fois dressé le décor des adieux » et voici que d’autres images se réveillent : rappelle-toi : Une abeille rôdait dans la chambre, obstinée, La joie et l’abandon m’avaient fermé les yeux, Le soleil à mon front tissait des fils de cuivre, Mes lèvres attendaient ton souffle pour en vivre, Tu me soulevas vers ta bouche encore un peu, Et, prenant notre amour pour une fleur vivante, L’abeille, interrompant sa course bourdonnante, Lourde du miel des fleurs, tomba sur mes cheveux. […] S’il avait seulement feuilleté les Pages choisies, il aurait vu que l’immoralisme était quelque chose de plus complexe que l’immoralité.

1168. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Il y a Lucrèce enfin tout à l’opposé de Pétrone ; il y en a quelques autres encore dans l’intervalle, et l’on n’est pas absolument tenu de choisir entre l’historien d’Eucolpe et le vertueux académicien Thomas. […] Il me semble aussi que ceux qui ont l’esprit fait entendent tout ce qu’on dit, et qu’il ne leur faut plus après cela que de bons avertisseurs. » Quand le Dictionnaire de l’Académie, continué par nos petits-neveux, en sera au mot incompatible, quel meilleur exemple aura-t-on à citer, pour le sens absolu du mot, que ce trait du chevalier contre les raffinés qui ne savent causer, dit-il, qu’avec ceux de leur cabale, et qui voudraient toujours être en particulier, comme s’ils avaient à dire quelque mystère : « Je trouve d’ailleurs que d’être comme incompatible, et de ne pouvoir souffrir que des gens qui nous reviennent, c’est une heureuse invention pour se rendre insupportable à la plupart des dames, parce que, d’ordinaire, elles sont bien aises d’avoir à choisir. » Je pourrais continuer ainsi et varier les détails sur ce mérite d’écrivain et presque de grammairien du chevalier, qui s’en piquait tant soit peu ; mais il ne faut pas abuser. […] Le chevalier oublie ici un de ses préceptes les plus essentiels, car il a dit : « Un jeune homme, pour apprendre à chanter, à danser, à monter à cheval, à voltiger ou à faire des armes, peut choisir de ces maîtres qui ne cachent pas leur science, parce que, s’ils excellent dans leur métier, ils s’en peuvent louer hardiment et sans rougir.

1169. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

… Car, ou dans le tronc, ou dans le rameau, l’oiseau vient s’abriter et construire son nid, et la bête féroce choisit sa tanière ; la nature les guide et leur offre les eaux pures, douces, rafraîchissantes, le pré, la colline, la montagne ; respirant l’air salubre et vital, le ciel libre et la lumière qui les enveloppe, les réchauffe, les ravive… « Ah ! […] Or c’est un autre principe de toute vérité, qu’il faut travailler sur un fond antique, ou, si l’on choisit une histoire moderne, qu’il faut chanter sa nation. […] « J’irai, dit-il enfin au marquis Manso, qui lui reprochait son hésitation, j’irai, mais ce sera pour mourir, et non pour me parer de la couronne. » XX Il partit enfin à la fin d’octobre ; il visita en chemin le monastère du mont Cassin, et s’y arrêta quelques jours pour méditer sur le tombeau de saint Benoît, un des patrons qu’il s’était choisis dans le ciel.

1170. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

« Mais quand ces douloureux événements arrivent entre des personnes qui s’aiment, et que, par exemple, un frère tue ou doive tuer son frère, un fils son père, une mère son fils, un fils sa mère, ou qu’il se commet d’autres malheurs de ce genre, voilà les situations qu’il faut rechercher. » Suivent des exemples célèbres et choisis dans la tragédie grecque. […] Platon non plus, tout grand artiste qu’il est, n’aurait certainement pas choisi de lui-même une telle forme, et son génie livré à lui seul n’en eût pas tiré un tel parti. […] En voulant reproduire l’esprit, si ce n’est tout à fait les doctrines de Socrate, Platon n’avait pas à choisir.

1171. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Si je ne cite aucun des écrits plus récents qui ont pu paraître sur Swift, c’est que je n’ai trouvé dans ceux que j’ai pu lire que la collection habituelle de ces anecdotes, que d’innombrables notices sur Swift ont déjà répandues dans le public, et parmi lesquelles j’avais déjà choisi le petit nombre de celles qui me semblent nécessaires pour la parfaite intelligence du caractère de ce grand écrivain ; et celles-là, Craufurd, Walter-Scott, et les œuvres mêmes de Swift me les avaient fournies. […] Swift pouvait choisir entre eux et, après avoir choisi, l’indulgence du siècle et sa propre conscience ne lui interdisaient pas de changer.

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