Millevoye Quand on cherche, dans la poésie de la fin du xviiie siècle et dans celle de l’Empire, des talents qui annoncent à quelque degré ceux de notre temps et qui y préparent, on trouve Le Brun et André Chénier, comme visant déjà, l’un à l’élévation et au grandiose lyrique, l’autre à l’exquis de l’art ; on trouve aussi (pour ne parler que des poëtes en vers), dans les tons, encore timides, de l’élégie mélancolique et de la méditation rêveuse, Fontanes et Millevoye. […] » Millevoye a surtout mérité ce bonheur, j’imagine, parce qu’il ne le cherchait pas avec intention et calcul. […] Je cherche, j’attends quelque écho de ce grand vers résonnant d’Eschyle, et je ne trouve que notre alexandrin clair et flûté. […] quel plus beau mouvement, quel plus désolé délire que dans l’étincelante élégie : J’ai cherché dans l’absence un remède à mes maux !
Nous y chercherons une raison plus profonde. […] Observez-les à une représentation : à voir ces prétendus dieux s’abaisser au rang de bas farceurs, à les voir conduisant à l’agonie sinistre une malheureuse que son amant forçait, malade, à le chercher sous la neige, à six heures du matin, dans les cabarets de barrière, ils éprouvent une telle satisfaction d’eux-mêmes, de leur budget bien réglé, de leurs femmes bien vêtues et de leurs enfants bien casés par « l’ordre, l’économie et le travail utile », qu’ils s’attendrissent. […] Il y a des jeunes gens qui, dans la misère, s’habillent sans cravates sang de bœuf, ne cabossent pas leur chapeau, sont polis, travaillent, et vont discrètement et fièrement chercher leur « ordinaire » à la crémerie pour le manger dans une mansarde ou un atelier où il n’y a pas de poussière ni de désordre. […] Que si la noblesse de l’art engage encore certains braves et bons artistes à chercher sous leur cape le pommeau d’une dague imaginaire, ou à boucler sous un feutre Louis XIII une chevelure exagérée, c’est un travers qui, par son inoffensif, dégénérerait vite en vicieuse tournure d’esprit ; c’est une inélégance morale et un défaut d’indépendance que de songer à se signaler par une recherche de costume lorsqu’on a professionnellement le devoir d’exempter ses sentiments de ceux du vulgaire, et l’artiste ici rejoint le photographe et le coiffeur, inutilement.
Ce domaine, c’est une certaine liberté honnête, difficile à définir, mais très aisée à sentir, qui fait qu’on n’est pas d’un parti, qu’on n’est pas toujours sur l’attaque et la défensive, qu’on cherche le bien, le beau ou l’agréable en plus d’un endroit, qu’on tient son esprit ouvert comme sa fenêtre au rayon qui entre, à l’oiseau qui passe, à la matinée qui sourit. […] La singularité me convient, la subtilité ne me déplaît pas ; l’excès est un écueil, un bel écueil… C’est le droit de l’écrivain, qui ne cherche qu’à plaire un instant, de chercher avant tout la forme, le son, le bruit, la couleur, l’ornement, la prodigalité, l’excès. […] Réveillé par le chant de l’oiseau, le bonhomme Hilaire, colon d’une masure et d’un petit champ voisin, secoue, en bâillant, le sommeil de ses yeux ; il quitte à regret ce lit si dur, il s’habille à tâtons, et, dans son foyer froid, il cherche quelque étincelle du feu de la veille.
Mais la plupart des artistes ne se bornent pas à produire aveuglement, en suivant les indications latentes de leurs aptitudes, lis se font un idéal imité ou original dont ils tâchent de rapprocher le plus possible leurs productions, une image composite d’une œuvre d’art ou d’une propriété d’œuvre d’art, conçue comme douée de toutes les qualités que l’artiste admire et qu’il cherche à réaliser. […] Leur art, à l’exemple de la nature muette, s’adresse aux sens et à l’intelligence, pour provoquer par elle l’émotion que les artistes passionnés cherchent à produire directement, sachant que l’on s’émeut de voir un semblable ému. […] D’autre part, celui-ci réalise nécessairement dans son œuvre son idéal de beauté, et cherche à susciter certaines émotions esthétiques pures, auxquelles il sera légitime de le croire enclin. […] Son nom restera attaché à la « loi de régression » (« loi de Ribot ») qu’il a cherché à établir.
Du Jourdain aux bords de l’Oronte et de l’Euphrate, des fleuves de Babylone aux rives de l’Alphée, du Nil au Tibre, des plaines brûlantes de la Cyrénaïque à Tagaste ou à Carthage, nous avons recueilli les veines éparses de l’esprit poétique, sans le chercher ailleurs. […] Le seul travail permis à notre scrupule, c’est de chercher un reflet de l’inspiration septentrionale dans ce génie puissant et mixte de l’Angleterre, où la veine du Nord est demeurée si forte. […] Cowley lui-même, celui qui, dans une vision en prose sur Cromwell, a rencontré quelques images dignes de Milton ou de Bossuet, n’a tiré du moule pindarique, chauffé à grand renfort de souffle, que de grossières scories ; et, pour trouver dans ce temps même d’obsession biblique un écho, et comme dit Horace, une image de la lyre thébaine, il faut chercher loin de la foule l’abri suspect et solitaire de l’aveugle Milton, et là, pieusement écouter quelques-uns des accents dont il fait la prière des anges en présence de Dieu, ou qu’il chante lui-même à l’entrée du bocage nuptial d’Éden. […] Elle n’a pas été inutile, cependant ; elle n’a point passé stérilement sur la terre : elle y a donné à qui saura le chercher l’exemple de l’amour des lettres dans son pur et noble idéal ; elle y a relevé le culte de l’art, la statue de la grande poésie.
Deplace prêtait souvent sa plume aux idées et aux ouvrages de ses amis ; pour lui, il ne chercha jamais les succès d’amour-propre, et je ne saurais mieux le comparer qu’à ces militaires dévoués qui aiment à vieillir dans les honneurs obscurs de quelque légion : c’est le major ou le lieutenant-colonel d’autrefois, cheville ouvrière du corps, et qui ne donnait pas son nom au régiment. […] Plus d’une fois il a cherché à rétablir au complet, et dans un sens différent, des citations que de Maistre tirait à lui ; cette discussion positive a de l’utilité. […] De nos jours, les esprits aristocratiques n’ont pas manqué, qui ont cherché à exclure de leur sphère d’intelligence ceux qui n’étaient pas censés capables d’y atteindre : de Maistre, par nature et de race, était ainsi ; les doctrinaires, les esprits distingués qu’on a qualifiés de ce nom, ont pris également sur ce ton les choses, et par nature aussi, ou par système et mot d’ordre d’école, ils n’ont pas moins voulu marquer la limite distincte entre eux et le commun des entendements.
Peut-être les deux hommes n’en font-ils qu’un au fond, mais je n’ai pas le loisir de le chercher aujourd’hui et je m’en tiens aux superficies. […] » Pour moi, je l’avoue, je n’en suis pas allé chercher si long. […] Disons tout d’abord que la conclusion de l’œuvre est qu’il y a, dans chaque individu, des milliers de « moi » et qu’il est fou d’espérer pouvoir les réduire à un seul, absolu, unique ; il ne faut, par conséquent, pas chercher un paradis, mais des paradis sans nombre ; le poète nous les montre dans les Îles d’or, qui ne sont autre chose que les bonheurs épars qu’il est permis à chacun de conquérir ou de rêver… On retrouve, dans ce volume, écrit avec une prodigieuse facilité, toutes les brillantes qualités du grand producteur qu’est M.