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158. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Il faut admirer et encourager l’opiniâtre et très consciencieux travailleur qui a assumé la lourde tâche de mettre en français ces sept grands drames wagnériens, et qui a jusqu’à présent réussi à nous donner en somme les plus sérieux et les plus honorables essais de traduction musicale qui aient encore été chantés sur nos théâtres. […] Cet élan de reconnaissance envers la nuit qui les rapproche, cette haine pour le jour qui les sépare, formaient une antithèse poétique heureuse ; mais le développement qui suit n’est plus qu’une dissertation philosophique, et voici ce que Wagner leur fait chanter au moment le plus délicieux de leur étreinte amoureuse : « Descends sur nous, nuit de l’amour, donne-moi l’oubli de la vie, recueille-moi dans ton sein, affranchis-moi de l’univers. […] Au début de la quatrième partie de la Damnation des fragments de la retraite et du chœur latin des étudiants de la partie précédente, chantés derrière la scène, comme venant de loin, ainsi que des bouffées de souvenirs, viennent rappeler à Marguerite abandonnée la nuit fatalement, délicieuse où Faust pénétrait chez elle … Encore une fois Francesca ! […] C’est ainsi qu’à peine entrevu, Tristan rentra dans l’ombre pendant quatre années, jusqu’au jour où M. et Mme Vogl le chantèrent avec grand succès, toujours à Munich, en juin 1869. […] Le ténor Ludwig Schnorr von Carolsfeld créa le rôle de Tristan à Munich en 1865 avec son épouse, Malvina Garrigues (1825-1904), soprano d’origine danoise qui chantait Isolde.

159. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

l’auteur du Génie du Christianisme, celui même à qui l’on a dû de connaître d’abord l’étoile poétique d’André et la Jeune Captive 55, a rempli comme à plaisir la comparaison désirée, lorsqu’il nous a montré les missionnaires du Paraguay remontant les fleuves en pirogues, avec les nouveaux catéchumènes qui chantaient de saints cantiques : « Les néophytes répétaient les airs, dit-il, comme des oiseaux privés chantent pour attirer dans les rets de l’oiseleur les oiseaux sauvages. » Le poëte, pour compléter ses tableaux, aurait parlé prophétiquement de la découverte du Nouveau-Monde : « Ô Destins, hâtez-vous d’amener ce grand jour qui… qui… ; mais non, Destins, éloignez ce jour funeste, et, s’il se peut, qu’il n’arrive jamais !  […] » Et, comme post-scriptum, il indique en anglais la chanson du quatrième acte d’Hamlet que chante Ophélia dans sa folie : avide et pure abeille, il se réserve de pétrir tout cela ensemble64 ! […] Le poëte berger, témoin jaloux de leurs caresses, chante ainsi : « Que les deux beaux oiseaux, les colombes fidèles, Se baisent. […] A son brusque début, on l’a pu prendre pour un fragment, et c’est ce qui l’aura fait négliger ; mais André aime ces entrées en matière imprévues, dramatiques ; c’est la jeune Locrienne qui achève de chanter : « Fuis, ne me livre point. […] pompe et magnificence Dignes de notre liberté, Dignes des vils tyrans qui dévorent la France, Dignes de l’atroce démence Du stupide David qu’autrefois j’ai chanté !

160. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Plank et Scheidemantel notamment étaient devenus excellents, le premier dans les rôles de Kurwenal et de Klingsor, le second dans celui d’Amfortas ; tous deux ont chanté avec une exactitude et une sûreté de style admirables, donnant la note expressive sans exagération et avec une absolue fidélité. […] Gudehus, Gura et Scheidemantel chantèrent des scènes Wagnériennes accompagnées au piano par MM.  […] Scheidemantel chanta deux mélodies de Schubert, et madame Materna la scène finale de Gœtterdamerrung ; MM.  […] L’adjonction aux sons des paroles, ce n’était nullement une survenue de l’art littéraire dans la musique ; car les paroles, toutes destinées à être chantées, n’exprimaient point des notions précises, elles dirigeaient seulement l’émotion, indiquant sa nature exacte. […] Scheidemantel a chanté pour la première fois, avec un grand succès, le Hollandais Volant, LONDRES. — Nous recevons de M. 

161. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

De la vie moderne, grossière sous son élégance apparente, ricane en s’efforçant au plaisir superficiel ; mais tout autour, joie et douleur, profondeur et poésie et noblesse farouche, la vie des imagiers bretons sourit, pleure, chante. […] Il chante « la Métamorphose couronnée de fleurs odorantes comme une femme des îles lointaines ». […] Puis, comme il dit tout ce qui lui passe par la tête, le bavard incohérent prononce quelques paroles assez justes, encore que trop vagues ; « Ils chantent vraiment, ces vers d’Émile Boissier. […] Le soleil se lève et toute la nature chante à celui qui va mourir un hymne de vie. […] Souvent, par besoin inconscient de renouveler leur musique, ils chantent des théories jeunes encore ; mais ils n’ont pas la puissance de les créer eux-mêmes.

162. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Ceux qui ont pris parti pour l’ode, et qui lui donnent le premier rang dans la poësie, s’imaginent qu’elle ne doit chanter que les loüanges des dieux et des héros ; et ils tirent de ces sujets mêmes à quoi ils la bornent, une preuve de sa dignité. […] Parmi nous, elles ne se chantent point ; et leur harmonie consiste seulement dans l’égalité des stances, dans le nombre et l’arrangement des rimes, et dans certains repos mesurés qu’on doit ménager exactement dans chaque strophe. […] Horace raille le début d’un poëme de son tems, qui commençoit par ces mots : je chanterai la fortune de Priam, et toute la fameuse guerre de Troye . Monsieur Despréaux condamne aussi ce commencement de l’Alaric : je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre. et ces deux grands critiques après avoir donné un exemple du ridicule, proposent pour modéle de la perfection, l’un, le début de l’odissée : muse, raconte-moi les avantures de cet homme, qui après la prise de Troye, vit tant de pays et tant de moeurs différentes ; l’autre, ce commencement de l’Enéïde : je chante cet homme qui contraint de fuir les rivages de Troye, aborda enfin en Italie . mais supposons un moment que ces quatre propositions soient des commencemens d’ode. […] Il dit dans sa premiére ode que sa lyre ne veut chanter que les amours, et il raconte que, quoiqu’il l’eût remontée de cordes nouvelles pour chanter les actions des héros, elle ne rendoit cependant que d’amoureux accords.

163. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Les parties rythmées et chantées. […] L’amandier (Grimm et Bechstein) et La fille qui veut apprendre à chanter. […] En ce qui concerne les parties rythmées, et chantées je les ai transcrites textuellement. […] Ces petites strophes se chantent sur un rythme monotone. Le conteur, pour les chanter, adoucit la rudesse de sa voix masculine en prenant une voix de tête dont l’effet devient assez comique, par contraste, lorsque c’est, par exemple, un garde-cercle qui raconte.

164. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Pour qui veut conjecturer ce passé ineffable, ne vaudrait-il pas mieux recourir à l’hymne que Milton fait chanter dans le paradis, et qui semble la reconnaissance du premier homme saluant son créateur avec la voix et dans l’idiome qu’il en a reçus ? […] Essayons de loin d’en recueillir l’accent : « Alors chanta Moïse, et avec lui les fils d’Israël, ce cantique à Dieu ; et ils disaient : « Je chanterai pour le Seigneur, car il a fait éclater sa gloire. […] Malgré ce que l’exacte sagacité des modernes et leur subtile esthétique peuvent ajouter à l’intelligence du texte antique, ne croyons pas que ces Hellènes judaïsants du second ou du premier siècle avant notre ère, que les Septante, que plus tard un Origène d’Alexandrie, qu’un saint Jérôme, entre les docteurs de Béthleem, et les pieuses Romaines qui chantaient pour lui les psaumes dans la langue hébraïque, n’aient pas entendu ce texte que rendait avec tant de force une nouvelle diction grecque ou romaine. […] C’est dans les herbages abondants qu’il me fera reposer et près des eaux doucement ruisselantes qu’il me conduira. » Et ailleurs, avec plus d’étendue, dans un de ces cantiques nommés cantiques d’ascension que le peuple chantait en montant les degrés du temple : « Oh ! […] Ce chant d’Isaïe sur la ruine du roi de Babylone, cette réponse à d’insolentes menaces, cet orgueil du roi des rois brisé de si haut, ne nous conduisent-ils pas, comme par un même souvenir, aux grands jours de la Grèce, à l’invasion de Xerxès, à l’abandon d’Athènes, à la retraite victorieuse des Athéniens sur mer, à la fuite du barbare repassant l’Hellespont, à toutes ces merveilles, enfin, qu’a partagées et qu’a chantées le tragique Eschyle, contemporain du lyrique-Pindare, et, sous une autre forme, enfant du même génie ?

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