Aussi avait-il soin dans ses ouvrages d’effacer complètement toutes les différences essentielles d’opinions sur lesquelles les hommes entiers et sincères ne peuvent pas transiger sans cesser d’être eux-mêmes. […] Il cessa d’affecter alors avec le roi le libéralisme bonapartiste qu’il affectait à Paris avec ses amis les libéraux de France. […] Sa pensée accompagna son épouse dans un monde plus élevé ; l’image de celle qu’il avait perdue ne cessa d’être présente à son âme, elle se mêla à toutes ses pensées, elle ennoblit sa propre existence.
Quand il vit cela, il cessa, un certain temps, de rôder dans la montagne ; mais un jour que ma sœur était seule à la maison, parce que j’avais suivi Hyeronimo et Fior d’Aliza au ruisseau pour tondre les brebis et pour laver avec eux les toisons, un petit monsieur sec, mince et noir comme un homme de loi ou comme un huissier, entra dans la cabane en saluant bien bas et en présentant un papier à ma belle-sœur. […] J’entendis toute la nuit chacun de nous se retourner dans sa couche et soupirer le plus bas qu’il pouvait, pour cacher son insomnie à la famille ; jusqu’au chien qui ne dormit pas cette nuit-là, et qui ne cessa pas de gronder ou de hurler du côté de Lucques, comme s’il avait compris que les hommes qui étaient partis par ce sentier n’étaient pas nos amis. […] Il n’aimait pas que ces sbires rôdassent sans cesse ainsi autour de nos limites.
Cet exil, qui reposait sa main et cultivait son esprit, cessa par un retour de fortune des Médicis rentrés à Florence. […] Les juifs de Rome trouvèrent la figure de leur législateur tellement divinisée par Michel-Ange, qu’ils ne cessèrent plus, depuis le jour où la statue fut dévoilée au public, d’aller le jour du sabbat contempler leur prophète transfiguré en marbre avant le jour de la suprême transfiguration. […] Quand on promène ses regards autour de cette salle du Jugement dernier, de la base aux murailles, des corniches à la voûte, on éprouve un vertige des yeux tout à fait semblable à ce vertige de l’âme éprouvé par la pensée, quand, dans une nuit sereine et profonde, on se plonge dans l’infini du firmament, dont les avenues d’étoiles illuminent la voie en reculant sans cesse le fond.
Toute ton indulgence sur le talent, que je dédaignerais complètement sans le prix que ton goût y attache, ne me console pas d’une arrière-pensée pénible qu’il aura fait naître en moi… Tu vois que j’avais raison, mon bon ange, en n’éprouvant pas l’ombre de contentement d’avoir employé du temps à barbouiller du papier au lieu de coudre nos chemises, que j’ai pourtant tâché de tenir bien en ordre, tu le sais, toi, cher camarade d’une vie qui n’a été à charge à personne. » Il suit peut-être de ces jalousies sans cesse recommençantes que, dans cette union bizarre, c’était le jeune mari qui aimait le plus ; et cela est assurément flatteur pour notre Marceline. […] Valmore a cessé de trouver étrange l’ardeur de certains vers de sa femme. […] Il écrit dans la lettre que je citais tout à l’heure : « C’est à vous, poète et mère, qu’il appartient de recueillir et de rassembler toutes ces chères reliques, toutes ces reliques virginales, car je ne puis m’accoutumer à l’idée qu’elle ait cessé d’être ce qu’il semblait qu’un Dieu clément et sévère lui avait commandé de rester toujours. » Peut-être, parmi les raisons qui l’empêchèrent d’épouser Ondine, faut-il compter ce scrupule et ce respect devant une vierge, et la terreur d’abolir ou seulement de transformer ce par quoi elle l’avait surtout séduit : terreur d’autant plus invincible que celui qui l’éprouve est plus habitué, — et c’était le cas de Sainte-Beuve, — aux rencontres grossières.
Enfin il n’est pas plus logique d’exiger l’emploi continu des vers de 8, de 10 ou de 12 syllabes, — ou même du vers de 3, 4 ou 5 toniques, — que de forcer un musicien à écrire en 32 : ou en C tout un mouvement de son quatuor, toute une scène de son drame, On pourrait, il est vrai, alterner sans cesse les mesures comme s’y appliqua La Fontaine, ou comme c’est l’usage depuis un certain nombre d’années pour les musiciens. […] Que le Rythme y demeure libre et souple, guidé par le désir du poète et prêt à se doucement courber ou à se raidir comme une barre de métal selon les inflexions de la voix ; mais jaillie des assonances et des allitérations, sans cesse mêlée au Rythme qu’elle absorbe et répercute en ses intérieurs échos, que l’Harmonie du verbe enrichisse la période. — Enfant de la durée, le Rythme au vol changeant s’élève à travers l’étendue qu’il conquiert ; il a tout l’espace pour domaine ; multiple et simple, geste dur et massif ou de lignes dégagées, il est pimpant et bref ou vastement élargi comme le sujet pensant, comme le vouloir, comme l’être mouvant qu’il désigne. […] Bien qu’il ait en général comme racine les nombres 2 et 3, le rythme n’est pas fatalement identique à lui-même et sa force comme sa richesse est de se renouveler sans cesse.
Vous croiriez que j’en ai beaucoup, car je suis sans cesse dans les plus aimables et les plus brillantes sociétés du monde ; eh bien ! […] D’ailleurs, on me sollicite sans cesse à partir pour Vienne, où l’on m’assure que je serai avec toute sorte d’agrément ; et, comme le service est en Autriche beaucoup mieux récompensé, que j’y ai des recommandations très fortes, que je reçois des invitations de m’y rendre, il faut que je me détermine immédiatement après l’élection. […] J’espère que vous n’en serez pas embarrassé comme de ma provision de tabac de Finlande que vous m’échangeâtes pour une montre d’or que je garde comme une preuve de votre amitié qu’elle me rappelle sans cesse.
Ce sont là les véritables portraits dans lesquels une femme se transfigure réellement sur la toile vivante de notre imagination ; portraits dont les couleurs ne noircissent ou ne s’éraillent jamais, parce que la mémoire vit et les renouvelle sans cesse. […] Ce jeune homme avait les yeux sans cesse attachés sur Delphine ; il lui parlait bas ; elle détournait négligemment son beau visage pour lui répondre, ou pour lui sourire par-dessus le dossier de sa chaise. […] Ses beaux vers faisaient taire en nous tous ces bruits du dehors ; les insectes cessaient de bourdonner près de la ruche ; son visage, encadré de chèvrefeuille et de vigne vierge, respirait plus de poésie encore que ses vers.