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399. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Quant aux lettres de Frédéric, on leur a rendu plus de justice ; en lisant dans la correspondance de Voltaire celles que le roi lui adressait, entremêlées à celles qu’il recevait en retour, on trouve que non seulement elles soutiennent très bien le voisinage, mais qu’à égalité d’esprit, elles ont encore pour elles une supériorité de vue et de sens qui tient à la force de l’âme et du caractère. […] « Il a été grand surtout dans les moments les plus critiques, a dit Napoléon ; c’est le plus bel éloge que l’on puisse faire de son caractère. » Ce caractère moral est ce qui ressort encore chez Frédéric à travers le guerrier, et qui demeure bien au-dessus ; ç’a été une âme d’une forte trempe et un grand esprit qui s’est appliqué à la guerre parce qu’il le fallait, plutôt que ce n’était un guerrier-né. […] Doué d’un esprit supérieur, d’un caractère et d’une volonté à l’unisson de son esprit, Frédéric s’est mis au militaire comme il s’est mis à bien d’autres choses, et il n’a pas tardé à y exceller, à en posséder, à en perfectionner dans sa main les instruments et les moyens, bien que ce ne fût peut-être pas d’abord chez lui la vocation d’un génie propre et qu’il n’y fût pas d’abord comme dans son élément. […] Chez Frédéric ; la volonté et le caractère dirigèrent en tout l’esprit. […] Frédéric, du reste, ne varia jamais dans son opinion sur le caractère des Polonais comme peuple : cette opinion est énergiquement exprimée en dix endroits de ses histoires, et bien avant que l’idée de partage fût née.

400. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

S’il y avait une ordonnance, des incidents, une figure, une tête, un caractère, une expression empruntée des Carraches, du Titien ou d’un autre, je reconnoitrois le plagiat, et je vous le dénoncerois. […] Et si vous ne reconnoissez pas aussi promptement, aussi sûrement, à des caractères aussi certains, l’ongle portrait que le visage portrait, ce n’est pas que la chose ne soit, c’est que vous l’avez moins étudiée ; c’est qu’elle offre moins d’étendue ; c’est que ses caractères d’individualité sont plus petits, plus légers et plus fugitifs. […] Par une longue observation, par une expérience consommée, par un tact exquis, par un goût, un instinct, une sorte d’inspiration donnée à quelques rares génies, peut-être par un projet naturel à un idolâtre d’élever l’homme au-dessus de sa condition, et de lui imprimer un caractère divin, un caractère exclusif de toutes les contentions de notre vie chétive, pauvre, mesquine et misérable, ils ont commencé par sentir les grandes altérations, les difformités les plus grossières, les grandes souffrances. […] Avec le tems, par une marche lente et pusillanime, par un long et pénible tâtonnement, par une notion sourde, secrette, d’analogie, acquise par une infinité d’observations successives dont la mémoire s’éteint et dont l’effet reste, la réforme s’est étendue à de moindres parties, de celles-cy à de moindres encore, et de ces dernières aux plus petites, à l’ongle, à la paupière, aux cils, aux cheveux, effaçant sans relâche et avec une circonspection étonante les altérations et difformités de nature viciée, ou dans son origine, ou par les nécessités de sa condition, s’éloignant sans cesse du portrait, de la ligne fausse, pour s’élever au vrai modèle idéal de la beauté, à la ligne vraie ; ligne vraie, modèle idéal de beauté qui n’exista nulle part que dans la tête des Agasias, des Raphaëls, des poussins, des Pugets, des Pigals, des Falconnets ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont les artistes subalternes ne puisent que des notions incorrectes, plus ou moins approchées que dans l’antique ou dans leurs ouvrages ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie que ces grands maîtres ne peuvent inspirer à leurs élèves aussi rigoureusement qu’ils la conçoivent ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie au-dessus de laquelle ils peuvent s’élancer en se jouant, pour produire le chimérique, le sphinx, le centaure, l’hippogriphe, le faune, et toutes les natures mêlées ; au-dessous de laquelle ils peuvent descendre pour produire les différents portraits de la vie, la charge, le monstre, le grotesque, selon la dose de mensonge qu’exige leur composition et l’effet qu’ils ont à produire, en sorte que c’est presque une question vuide de sens que de chercher jusqu’où il faut se tenir approché ou éloigné du modèle idéal de la beauté, de la ligne vraie ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie non traditionelle qui s’évanouit presque avec l’homme de génie, qui forme pendant un tems l’esprit, le caractère, le goût des ouvrages d’un peuple, d’un siècle, d’une école ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont l’homme de génie aura la notion la plus correcte selon le climat, le gouvernement, les loix, les circonstances qui l’auront vu naître ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie qui se corrompt, qui se perd et qui ne se retrouveroit peut-être parfaitement chez un peuple que par le retour à l’état de Barbarie ; car c’est la seule condition où les hommes convaincus de leur ignorance puissent se résoudre à la lenteur du tâtonnement ; les autres restent médiocres précisément parce qu’ils naissent, pour ainsi dire, scavants. […] Surtout, mon ami, comme il faut que je me taise ou que je parle selon la franchise de mon caractère, Mr le maître de la boutique du houx toujours verd, obtenez de vos pratiques le serment solennel de la réticence.

401. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

la voilà l’évolution de caractère ! […] Le caractère de Claire est très mal tracé. […] Voilà le caractère. […] Avec l’évolution de caractère on sauve tout. […] Et quel joli caractère !

402. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Ce caractère s’effacera au dix-septième. […] Son caractère est remarquablement bon et humain. […] Cette loi même n’a point les caractères d’une religion. […] En 1687 il publia une traduction des Caractères de Théophraste, avec les Caractères ou les Mœurs de ce siècle. […] Cependant il a son caractère à lui, que nous n’avions point rencontré encore.

403. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Jusque-là le caractère d’Alice appartient au roman vulgaire. […] Le ridicule de ce troisième acte fait le plus grand honneur à son caractère. […] Le caractère et la condition des personnages suffiraient pour absoudre M.  […] L’analyse individuelle des caractères mis en jeu par M.  […] Juliette ne manque pas d’ingénuité ; mais son caractère est à peine esquissé.

404. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Champfleury ne se dément pas une fois dans ce caractère, il le suit pas à pas, étudie ses moindres actions. […] Champfleury a dû les étudier beaucoup, car il rend fort bien leurs caractères, et ce n’est pas facile. […] L’action est dépendante des caractères, et n’est faite que pour expliquer ces caractères. […] Ce n’est qu’à l’ensemble de ses manifestations qu’elle imprime un caractère grandiose et libre. […] Le fantasque renie, non seulement le caractère humain, mais tous les caractères.

405. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Il y a beaucoup d’exemples de braver la première en respectant la seconde ; alors le caractère prend une sorte d’amertume et de misanthropie, qui exclut beaucoup des bonnes actions que l’on fait pour être regardé, sans anéantir toutefois les sentiments honnêtes qui décident de l’accomplissement des principaux devoirs : mais dès qu’on a rompu tout ce qui mettait de la conséquence dans sa conduite, dès qu’on ne peut plus rattacher sa vie à aucun principe, quelque facile qu’il soit, la réflexion, le raisonnement étant alors impossible à supporter, il passe dans le sang une sorte de fièvre qui donne le besoin du crime. […] Quelle que soit l’horreur qu’inspire un scélérat, il surpasse toujours ses ennemis dans l’idée qu’il se fait de la haine qu’il mérite ; par-delà les actions atroces qu’il commet à nos yeux, il sait encore quelque chose de plus que nous qui l’épouvante, il haït dans les autres l’opinion que, sans se l’avouer, il a de son propre caractère ; et le dernier terme de sa fureur serait de détester en lui-même ce qu’il lui reste de conscience, et de se déchirer s’il vivait seul. […] Si l’on pouvait encore avoir quelque prise sur un tel caractère, ce serait en lui persuadant tout-à-coup, qu’il est absolument pardonné. […] D’ailleurs, un caractère particulier aux grands coupables, c’est de ne point s’avouer à eux-mêmes le malheur qu’ils éprouvent, l’orgueil le leur défend ; mais cette illusion, ou plutôt cette gêne intérieure ne diminue rien de leurs souffrances, car la pire des douleurs est celle qui ne peut se reposer sur elle-même.

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