Nous reconnûmes donc trois modes épiques sur lesquels purent se jouer toutes les diversités du génie humain ; une seule sérieuse, et deux riantes et malignes, que nous caractérisâmes par les définitions, et dont notre soin rechercha l’objet, la marche, et le but indiqué par le goût des siècles et des peuples différents. […] Ceux qui me méconnaissent crurent que je recherchais un moyen d’éclat en des allusions inévitables aux circonstances précédentes : c’était, dans leur opinion, me déchaîner sans danger et sans but sur les réminiscences d’un péril passé. […] « On a prétendu, dit le professeur, que le sujet étant la conversion de Henri IV à la religion catholique, et par conséquent le triomphe de cette religion, l’auteur avait été contre son but en y insérant des morceaux satiriques contre l’ambition des papes et contre la cour de Rome. […] De l’autre côté, le but du poème épique est d’intéresser et d’étonner ; or on y parvient également par une action héroïque et merveilleuse que suit un grand revers, ou que couronne un grand succès. […] Néanmoins, la quantité des objets qu’il fait reluire, en passant, ne l’écarte, ni ne le détourne de l’unité d’action, vers laquelle il tend sans cesse, comme au seul but où doivent converger tous ses rayons poétiques.
Persuader aux hommes qu’il faut s’attacher au devoir et que le monde a un but, c’est toute la propagande à faire. […] Quelle qu’elle soit, elle me dit : il y a un devoir, il y a un but ; il y a une foi, il y a une espérance. […] L’abaissement de l’Autriche est le premier but ; mais ce premier but lui-même n’est qu’un moyen, et le but suprême est ailleurs. […] On sait assez combien ce vaste et minutieux plan, admirablement suivi à travers tous les obstacles, atteignit son but dernier, la réduction de la France au rang de puissance de second ordre. […] Scheffer pût jeter quelques clartés, mais je comprends assez qu’il n’ait pu scruter) qui avait pour but de mettre Bernadotte sur le trône de France.
Il ne se déplaçait jamais sans but, il ne sortait jamais sans motif : de toute sa vie, nous dit M. […] qui se monte d’autant plus fort et qui tombe dans l’excentrique, dans le particulier, dans le paradoxe spirituel, étincelant, mystique et hautain, encore semé d’aperçus, de lueurs merveilleuses, mais non plus fécond ni frappant en plein dans le but. […] les éclats d’un homme d’esprit impatienté d’avoir entendu durant des heures force sottises, et qui n’y tient plus ; les nerfs s’en mêlent : il va lui-même au-delà du but, comme pour faire payer l’arriéré de son ennui. […] Puis, tout en goûtant ces savoureuses douceurs, il ne s’y laisse point piper ni amuser ; il veut le sens, le but sérieux. […] , mais dans un but plus sérieux et plus grave, pour suggérer aux doctes dans l’usage et l’administration de leur science un meilleur régime, de meilleures méthodes, une prudence et une sagacité plus éclairées. « Il y a lieu, ajoute-t-il en concluant, de se donner le spectacle des mouvements et des perturbations, des bonnes et des mauvaises veines, dans l’ordre intellectuel comme dans l’ordre civil, et d’en profiter. » — Ainsi s’exprime Bacon en termes formels, et ce n’est que de nos jours, et depuis très-peu d’années, qu’en France une telle histoire est ébauchée à grand’-peine !
Le but de la poésie masculine est la conquête de la femme : le poète fait la roue comme un paon ; son ramage est son plumage. […] La poésie, comme la peinture, a pour but de fixer des impressions fugitives, arrêtées, figées dans leur mouvement. […] Sans doute la théorie de Schopenhauer demeure toujours vraie : c’est par l’éclectisme de l’amour que les races se maintiennent et se perfectionnent ; mais ceci est le but caché, l’individu ne le voit pas, ne veut pas le voir, c’est son bonheur personnel qu’il cherche dans la passion. […] La vie est son propre but à elle-même. […] La vie est son propre but à elle-même : c’est une raison sérieuse pour ne pas la gâcher, une invite à cultiver son être, comme une plante unique, qu’aucune Providence ne protège, et qui n’aura d’autre valeur que celle que nous lui imposerons.
Comme, selon lui, le propre de l’ honnête homme est de n’avoir point de métier ni de profession, il pensait que la cour de France était surtout un théâtre favorable à le produire : « car elle est la plus grande et la plus belle qui nous soit connue, disait-il, et elle se montre souvent si tranquille que les meilleurs ouvriers n’ont rien à faire qu’à se reposer. » Ce parfait loisir constitue véritablement le climat propice : être capable de tout et n’avoir à s’appliquer à rien, c’est la plus belle condition pour le jeu complet des facultés aimables : « Il y a toujours eu de certains fainéants sans métier, mais qui n’étoient pas sans mérite, et qui ne songeoient qu’à bien vivre et qu’à se produire de bon air. » Et ce mot de fainéants n’a rien de défavorable dans l’acception, car « ce sont d’ordinaire, comme il les définit bien délicatement, des esprits doux et des cœurs tendres, des gens fiers et civils, hardis et modestes, qui ne sont ni avares ni ambitieux, qui ne s’empressent pas pour gouverner et pour tenir la première place auprès des rois : ils n’ont guère pour but que d’apporter la joie partout39, et leur plus grand soin ne tend qu’à mériter de l’estime et qu’à se faire aimer. » Voilà les f ainéants du chevalier. […] Monsieur, de son côté, prenant un visage riant, but à ma santé, et, me faisant goûter d’excellent vin, m’en demanda mon avis. […] Et parce que tout le monde veut être heureux, et que c’est le but où tendent toutes les actions de la vie, j’admire que ce qu’ils appellent vice soit ordinairement doux et commode, et que la vertu mal entendue soit âpre et pesante.
Associés successivement, appelés à coopérer tous à un même résultat, les arts avaient fourni, par leur concours, le moyen de rendre intelligibles à un peuple assemblé les buts les plus élevés et les plus profonds de l’humanité ; puis les différentes parties constituantes de l’art s’étaient séparées, et désormais, au lieu d’être l’instituteur et l’inspirateur de la voix publique, l’art n’était, plus que l’agréable passe-temps de l’amateur, et, tandis que la multitude courait aux combats de gladiateurs ou de bêtes féroces dont on faisait l’amusement public, les plus délicats égayaient leur solitude en s’occupant des lettres ou de la peinture. […] Leur but doit être le style, qui consiste dans l’expression parfaite et dans l’union libre des tendances musicale et dramatique. […] La musique de la Passion, par exemple, reflète les sentiments les plus profonds de l’âme ; n’évoque-t-elle pas en même temps des visions d’un ordre supérieur à tout ce que peut nous donner le théâtre contemporain, ce théâtre qui a pour but principal la distraction ?
Bien plus, qui donc, dans la presse actuelle, aura assez d’intelligence et de pénétration pour reconnaître que, dans l’écrit qui m’a été le plus reproché, composé au pire moment de la guerre, dans une disposition amèrement ironique, j’ai eu surtout pour but de ridiculiser l’état du théâtre allemand ? […] Mais son Unité est bonne, sainte, non funeste comme pour Schopenhauer ; le but de notre vie est, précisément, réaliser cette Unité bienheureuse ; la réaliser, — la reconstruire, plutôt : car le Mal, qui était, pour Schopenhauer, le lot originel et constant, le Mal paraît à Wagner l’effet d’une volontaire décadence, un état anormal et que nous pouvons finir. […] La doctrine de Jésus, dit Tolstoï, a un seul but : donner à l’homme le royaume de Dieu, c’est-à-dire le bonheur et la paix (p. 110).