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501. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

La vérité scientifique ou philosophique n’est pas forcément un moyen en vue de la sociabilité (unité sociale, bonheur collectif, rationalisation collective de l’humanité ou d’une fraction importante de l’humanité). […] La fin à poursuivre est-elle le bonheur ou la grandeur ? […] Le souci exagéré du progrès de la sociabilité conduirait le savant à négliger les recherches qui n’ont pas une relation directement visible avec le bonheur humain. […] Ne blâme-t-il pas les recherches astronomiques en dehors de notre monde solaire, comme indifférentes au bonheur de l’humanité ? […] Sans nous préoccuper de vaines terreurs, nous tendons alors à écarter davantage un excès de prévoyance et de présomption qui altère beaucoup notre véritable bonheur privé et public.

502. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Il y joint une conscience scrupuleuse jusqu’à en être timorée, si bien qu’elle a fini par faire de la pensée du poète une timide ; — une timide vraiment, car elle n’ose parfois se porter en avant plutôt qu’en arrière ; pour chercher le bonheur, pour chercher l’idéal, elle s’arrête hésitante entre le passé lointain — incompris peut-être — et l’avenir indéterminé ; elle s’oublie volontiers dans l’un et se perd dans l’autre à la recherche de « l’étoile suprême », De celle qu’on n’aperçoit pas, Mais dont la lumière voyage Et doit venir jusqu’ici-bas Enchanter les yeux d’un autre âge. […] La Justice, le Bonheur, les deux plus hautes aspirations de l’âme humaine, et dont la Nature semble s’inquiéter le moins, voilà ce qu’il a chanté, — et parfois un peu trop étudié en vers. […] Nous préférons, dans le Bonheur, ce tableau enthousiaste de la philosophie grecque, où semble passer le grand souffle des Heraclite, des Empédocle, des Parménide : Par-dessus tout la Grèce aimait la vérité ! […] Une simplicité un peu affectée et un naturel un peu artificiel n’empêchent point le poète d’égrener partout sur son chemin, avec sa fantaisie, les plus jolis vers : Le sourire survit au bonheur. […] Puis le poète entre dans une église, au mois de Marie, et il entend le sermon d’un prêtre : Je l’entendis longtemps parler d’une voix dure, Mêlant son dogme trouble à la morale pure Et, dans son rêve noir et respirant l’effroi, Jetant les mots d’amour, d’espérance et de foi, Pareil à l’orateur qui, sous le drapeau rouge, Parlait aux malheureux réunis dans le bouge De progrès, de bonheur et de fraternité.

503. (1940) Quatre études pp. -154

Tout ce qui, par impossible, manquerait à la perfection de son bonheur, il l’obtiendrait lors de cette seconde naissance. […] Elle n’aspire plus aux félicités du ciel ; elle ne croit plus aux peines de l’enfer : le bonheur se trouve sur la terre et il suffit de le saisir. […] Il en est des passions, par rapport au bonheur, comme des vents, par rapport à la navigation. […] Elle est la puissance, puisqu’on passera de la connaissance qu’elle assure à l’action qu’elle garantit : et donc, elle apportera le progrès, le bonheur. […] Cependant l’ennui dure, il augmente, il est insupportable, et il détermine avec force toutes les facultés vers le bonheur dont elle sent la perte.

504. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

— Ô bonheur ! […] Ô bonheur ! […] Molière, en ce moment, était dans toute la joie et dans tout le bonheur du triomphe. […] Quelle vie et quelle suite incroyable d’émotions, de triomphes, de calomnies, de haines, de bonheur, de désespoirs ! […] L’amour habite de préférence l’hôtel de l’impécuniosité, cette humble maison toute remplie de sourires, d’insouciance et de bonheur.

505. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Il veillait à leur bonheur ; elles n’ont enfin dédaigné que sa constance. […] Et l’on est touché de sentir qu’en 1895 encore il eût préféré à la gloire le bonheur. […] Pour empêcher leur bonheur, il y a Octave. […] Plus je prends de précautions, plus j’épure ma vie et moins le bonheur me vient. […] Ce bonheur est assez grand.

506. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

S’apercevant que l’humanité avait été dirigée jusqu’à eux par des idées où certes on peut être conduit par la raison, mais qui cependant la dépassent, par des théories auxquelles l’observation n’est pas étrangère, mais qui, cependant, la dominent, et par des sentiments qui, certes, mènent au bonheur, mais qui y mènent sans le chercher, précisément parce que, au lieu de le chercher, ils le produisent : les Encyclopédistes ont pris sinon exactement, car il faut se méfier de la symétrie quand on expose l’évolution des idées humaines, du moins approximativement le contre-pied de ces idées, de ces théories et de ces sentiments, et ils ont rêvé une humanité guidée par la seule raison, armée de la seule science, n’ayant pour but que le bonheur et ne cherchant le bonheur que dans le bien-être matériel. […] La Déclaration des Droits de l’homme en ses meilleures parties est pénétrée de l’esprit encyclopédique : « Le but de la société est le bonheur commun. — La loi est la même pour tous ; elle ne peut ordonner que ce qui est utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible. — Nul ne doit être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi. — Tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ; toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être réprimée par la loi. — Nul ne doit être jugé qu’après avoir été légalement entendu. — La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires, proportionnées au délit et utiles à la société. — Les secours publics sont une dette sacrée. » — Et surtout l’idée même de la Déclaration est une idée encyclopédique. […] René Bazin semble s’être proposé de faire un livre qui contint à la fois L’Assommoir et Le Bonheur des dames, et qui fût plus vrai que l’un et l’autre ; et il a réussi ; et qui fût meilleur que l’un et l’autre, et il ne s’en faut pas de tant que cela qu’il n’ait réussi. […] » Je ne vous ferai pas l’injure de vous avertir que cette page est étonnante de vérité, de profondeur et de bonheur d’expression. […] Il n’eut guère que du bonheur et il ne faisait pas difficulté d’en convenir.

507. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

C’est le saccage inutile, la scélératesse au petit bonheur, le gâchis de la honte et du meurtre. […] Autant de biais pervers et malsains qui sont à la fois bonheurs d’architectes et désespoirs de cœurs desséchés. […] Tout bonheur qui dure est malheur. — Ne dis pas : je vis maintenant, je mourrai demain. […] Car le bonheur est dans le médiocre. […] Il marchait les mains en avant, à la recherche d’un bonheur ou d’un but.

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