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199. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

On se réveille, et du journal dont les lignes s’estompent il reste une tache blanche avec de vagues raies noires : voilà la réalité. Ou bien encore le rêve nous promenait en pleine mer ; à perte de vue, l’océan développait ses vagues grises couronnées d’une blanche écume. […] Voici des lignes noires sur un fond blanc. […] Voici par exemple, dans le champ de la vision, une tache verte parsemée de points blancs.

200. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

En compensation, La Motte prête à Homère l’esprit galant et les pointes : il nous donne un Achille fait à souhait pour les Nuits blanches de Sceaux. […] « La prose dit blanc dès qu’elle veut, et voilà son avantage. » Les meilleurs vers sont chargés d’impropriétés, d’incorrections, de louches équivoques : dans leur perfection idéale, ils doivent être comme de la prose, nets, clairs, précis ; pourquoi, dès lors, ne pas écrire tout de suite en prose ?

201. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Voyez ci-contre Scapin, d’après la planche 8 de l’Histoire du Théâtre italien : « Nous avons, dit Riccoboni, une estampe de cet habit dessinée et gravée à Paris par Le Bel, qui était un fameux dessinateur italien de ce temps. » Le costume traditionnel du premier zanni, c’est la veste et le pantalon blancs galonnés sur les coutures avec des lamelles d’étoffe ordinairement vertes, la toque blanche bordée d’un galon vert, le manteau à brandebourgs de même.

202. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il les préviendra d’abord que ce mot, seconde édition, est ici assez impropre, et que le titre de première édition est réellement celui qui convient à cette réimpression, attendu que les quatre liasses inégales de papier grisâtre maculé de noir et de blanc, dans lesquelles le public indulgent a bien voulu voir jusqu’ici les quatre volumes de Han d’Islande, avaient été tellement déshonorées d’incongruités typographiques par un imprimeur barbare, que le déplorable auteur, en parcourant sa méconnaissable production, était incessamment livré au supplice d’un père auquel on rendrait son enfant mutilé et tatoué par la main d’un iroquois du lac Ontario. […] Il faut avouer qu’outre l’agrément de voir les sept ou huit caractères romains qui forment ce qu’on appelle son nom, ressortir en belles lettres noires sur de beau papier blanc, il y a bien un certain charme à le faire briller isolément sur le dos de la couverture imprimée, comme si l’ouvrage qu’il revêt, loin d’être le seul monument du génie de l’auteur, n’était que l’une des colonnes du temple imposant où doit s’élever un jour son immortalité, qu’un mince échantillon de son talent caché et de sa gloire inédite.

203. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Ailleurs, ce n’est plus le gracieux enfant, c’est Andromède exposée au bord des flots, qui appelle la muse d’André : il cite et transcrit les admirables vers de Manilius à ce sujet, au Ve livre des Astronomiques ; ce supplice d’où la grâce et la pudeur n’ont pas disparu, ce charmant visage confus, allant chercher une blanche épaule qui le dérobe : Supplicia ipsa decent ; nivea cervice reclinis Molliter ipsa suae custos est sola figurae. […] Sous leur tête mobile, un cou blanc, délicat, Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. […] Il s’arrêta longtemps à contempler leurs jeux ; Puis, reprenant sa route et les suivant des yeux, Dit : Baisez, baisez-vous, colombes innocentes, Vos cœurs sont doux et purs, et vos voix caressantes ; Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat, Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. » L’édition de 1833 (tome II, page 339) donne également cette épitaphe d’un amant ou d’un époux, que je reproduis, en y ajoutant les lignes de prose qui éclairent le dessein du poëte : Mes mânes à Clytie. — Adieu, Clytie, adieu. […] Dans ce fragment d’élégie : Mais si Plutus revient, de sa source dorée, Conduire dans mes mains quelque veine égarée, A mes signes, du fond de son appartement, Si ma blanche voisine a souri mollement…, je croyais n’avoir affaire qu’à Horace : Nunc et latentis proditor intimo Gratus puellae risus ab angulo ; et c’est à Perse qu’on est plus directement redevable : … Visa est si forte pecunia, sive Candida vicini subrisit molle puella, Cor tibi rite salit. . . . . . . . . . . […] Je trouve ces quatre beaux vers inédits sur Bacchus : C’est le Dieu de Nisa, c’est le vainqueur du Gange, Au visage de vierge, au front ceint de vendange, Qui dompte et fait courber sous son char gémissant Du Lynx aux cent couleurs le front obéissant… J’en joindrai quelques autres sans suite, et dans le gracieux hasard de l’atelier qu’ils encombrent et qu’ils décorent : Bacchus, Hymen, ces dieux toujours adolescents… Vous, du blond Anio Naïade au pied fluide ; Vous, filles du Zéphire et de la Nuit humide, Fleurs… Syrinx parle et respire aux lèvres du berger… Et le dormir suave au bord d’une fontaine… Et la blanche brebis de laine appesantie..

204. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Le grincement des roues des charrues, qui fendent la glèbe fumante des champs au penchant des collines ; les mugissements des troupeaux sortant des étables ; le sifflet des bergers enfants, qui gazouille à l’orée des bois ; la clochette qui tinte au cou des chèvres sur les rochers ; les branles sonores de la cloche, qui appellent les femmes du hameau à l’église ; le roulis des sabots de bois des paysannes sur la roche vive des sentiers qui descendent des deux flancs de montagnes vers le cimetière ; la fumée du feu du matin, qui s’élève çà et là à travers les châtaigniers, comme autant de drapeaux bleuâtres arborés par les toits disséminés des chaumières ; les ombres et les éclats du jour, qui se combattent, se déplient et se replient alternativement, au gré des légers brouillards de rosée, depuis le faîte des sapins noyés dans l’aurore jusqu’au creux des prairies noyé dans la brume blanche du matin : voilà les bruits et les aspects qui tintent à l’oreille ou qui éclaboussent les yeux des hôtes, au réveil du château. On voit successivement s’ouvrir une fenêtre, puis une autre, comme pour entendre ces bruits et pour respirer cet air matinal embaumé par la nuit ; on aperçoit, entre les rideaux blancs des fenêtres flottant au souffle des bois, quelques charmantes têtes de jeunes filles, ou de beaux enfants qui regardent les pigeons fuyards ou les hirondelles voleter autour des corniches, dans les rayons transparents du jour. […] Sa seule physionomie me l’aurait nommé ; il était jeune, grand, élancé, la tête chargée de modestie, un peu inclinée en avant, le regard bleu et nuancé de blanches visions comme une eau de golfe traversée par beaucoup de voiles, le front plein, les traits mâles, quoique avec une expression générale mélancolique, le teint pâli par la lampe, la physionomie pieuse, si l’on peut se servir de cette expression, c’est-à-dire la physionomie d’un jeune solitaire qui écoute des voix célestes entendues de lui seul, et dont la pensée, consumée du feu doux de l’encensoir, monte habituellement en haut plus qu’elle ne se répand sur les choses visibles d’ici-bas. […] D’une main supportant son corps demi-penché, Rejetant de son front ses longs cheveux, Psyché Écarte l’herbe haute et les fleurs autour d’elle, Respire, et sent la vie, et voit la terre belle ; Et, blanche, se dressant dans sa robe aux longs plis, Hors du gazon touffu monte comme un grand lis. […] Lisez seulement ces vers, pleins des mêmes parfums dont Madeleine brisait le vase aux pieds de son Sauveur : Dans l’urne aux blancs contours que de fleurs ont pleuré Pour l’emplir jusqu’au bord d’un encens épuré !

205. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

C’est la loi du pays, c’est de ce qu’ils appellent la spécialité : retire-toi de notre soleil, chante quand il faut parler, cache-toi quand il faut combattre, et fais l’amour en cheveux blancs !  […] Cette poésie qui marche à pied, qui ne se drape pas à l’antique, qui ne se met ni blanc ni rouge sur la joue, qui ne porte ni masque tragique ni masque comique à la main, mais qui a le visage véridique de ses sentiments, et qui parle la langue familière du foyer, cette poésie qui semble une nouveauté parce qu’elle est la nature retrouvée de nos jours sous les oripeaux de la déclamation et de la rhétorique en vers, sera la poésie de ce nouveau venu dans la famille qui chante. […] La lune du foyer, la lampe, luit dans l’ombre ; La flamme du sarment l’enivre de chaleur, Et le feu, la lumière, harmonieux mélange, Éclairant le poète avec un jour étrange, De leur chaude auréole enflamment sa pâleur ; D’un geste familier sa main gauche caresse Ses deux blancs lévriers, amis et fils d’amis, Dans l’épaisse fourrure à ses pieds endormis. […] Quand on voit jusqu’ici monter les robes blanches, Notre semaine, enfants, a toujours deux dimanches !  […] Sur cette clairière jaunissante où Laprade et tant d’autres étaient venus se transfigurer depuis Hugo, comme sur un humble Thabor des poètes, les chênes ont été abattus, pour convertir en une poignée d’or nécessaire les rêves mille fois plus dorés qui tombaient avec leur ombre de leurs cimes ; les sentiers battus par les pieds d’amis s’effacent, le château est désert ; le cheval Saphir, qui me portait, dans les grandes journées de feu de Paris, à la défense des foyers et des familles, et que la popularité honnête soulevait quelquefois des pavés sur les bras du peuple, erre seul aujourd’hui dans le pré sous ma fenêtre, paissant en liberté l’herbe d’automne ; de temps en temps je le vois relever la tête, regarder par-dessus le buisson, écouter les chars lointains, et hennir au vent, croyant toujours que ce sont ses maîtres qui reviennent le seller et le monter pour le conduire à la victoire ; puis, détrompé par l’attente vaine, il retourne tristement brouter près des bœufs roux et des vaches blanches, à la lisière des bois qui lui versent l’ombre !

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