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1326. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Alfred de Vigny voit en elle une étrangère inquiétante : On me croit une mère et je suis une tombe, dit-elle par la bouche du poète, qui a peur de son impassible beauté. « La nature pour moi est ennemie, s’écrie Edmond de Goncourt54. […] On voit par là combien il importe à l’historien de déterminer dans chaque période quel est le genre, et, si je puis ainsi parler, quel est le degré des beautés naturelles qu’on a su y apprécier.

1327. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Depuis que j’ai vu M. de Lamartine trouver de la beauté à toutes les femmes et du talent à tous les hommes de sa connaissance et en comparer quelques-uns à Horace ou à Phédon, j’ai besoin avec lui de garanties. […] Sous la plume de M. de Lamartine, un tableau des grandeurs et des beautés littéraires de la Restauration doit être nécessairement incomplet, puisque lui-même y manque, puisqu’il ne peut s’y assigner la place qu’il mérite, c’est-à-dire l’une des premières, et proclamer qu’entre les influences d’alors, il a exercé la plus pénétrante assurément, la plus vive et la plus chère, la plus sympathique de toutes.

1328. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Réfléchir sur une œuvre d’imagination consiste surtout en ceci : se demander si les personnages sont vraisemblables et naturels et goûter leur vérité, comme en lisant l’on a goûté la beauté, l’intensité de leur vie morale. […] — En une certaine mesure au contraire, parce que c’était la façon dont, généralement, les auteurs classiques nous étaient montrés, qui nous les faisait prendre en horreur ; parce que Virgile et Horace ne pouvaient rester dans nos souvenirs qu’accompagnés de l’idée d’ennui ; et parce que, laissés de côté par les professeurs d’à présent, ils se présenteront aux écoliers dans toute leur beauté propre, avec leur charme inaltéré et, si j’ose ainsi parler, sans encrassement.

1329. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Les poésies malades de Joseph Delorme ne sont pas un livre : c’est moins ou c’est plus… Philarète Chasles n’a rien écrit, lui, que des fouilles sibyllines que le vent emportera, malgré leur beauté. […] Dans la notice que Philarète Chasles a consacrée à Macaulay, c’est bien plus de l’auteur du Guillaume III qu’il s’est occupé que du reviewer, qui, pour les connaisseurs, valait cent fois mieux que l’historien, et il n’est pas étonnant qu’il l’ait jugé avec la bienveillance d’un whig qu’il était lui-même et qui, par conséquent, ne pouvait rien comprendre à la beauté morale de Jacques II, — méconnu par toute l’Angleterre et par la France, très humble servante de l’Angleterre, — de ce Jacques II qui aura un jour son historien si Dieu prête vie à celui qui écrit ces lignes, de ce Roi qui n’a eu que le tort grandiose de rester fièrement catholique, quand la masse imbécile — comme toute masse — ne l’était plus, et qui oppose à la grivoiserie sceptique d’Henri IV écrivant à sa maîtresse Corisandre : « Paris vaut bien une messe », le mot plus grand : « un royaume ne vaut pas une messe », et, pour une messe, perdant héroïquement le sien !

1330. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Son Esthétique, avant de définir le beau, dépense un demi-volume sur des beautés qui ne sont pas la vraie beauté, et n’en omet pas une seule.

1331. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Ainsi métamorphosé, il a réfuté par une équivoque le scepticisme, doctrine immorale ; réduit la psychologie à l’étude de la raison et de la liberté, seules facultés qui aient rapport à la morale ; défini la raison et la liberté de manière à servir la morale ; prescrit à l’art l’expression de la beauté morale ; institué Dieu comme gardien de la morale, et fondé l’immortalité de l’âme comme sanction de la morale. […] Le rêve et l’abstraction, telles furent les deux passions de notre renaissance : d’un côté l’exaltation sentimentale, « les aspirations de l’âme », le désir vague de bonheur, de beauté, de sublimité, qui imposait aux théories l’obligation d’être consolantes et poétiques, qui fabriquait les systèmes, qui inventait les espérances, qui subordonnait la vérité, qui asservissait la science, qui commandait des doctrines exactement comme on commande un habit ; de l’autre, l’amour des nuages philosophiques, la coutume de planer au haut du ciel, le goût des termes généraux, la perte du style précis, l’oubli de l’analyse, le discrédit de la simplicité, la haine pour l’exactitude ; d’un côté la passion de croire sans preuves ; de l’autre la faculté de croire sans preuves : ces deux penchants composent l’esprit du temps.

1332. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Le Cabaliros envoie vers le Gave un ravin à pente rapide qui, dans sa beauté grandiose et sauvage, se précipite des flancs déchiquetés de la montagne. […] Son vin, c’est la beauté, son pain la bonté et son chemin la vérité. […] Mireille peint tout cela, et si, au point de vue de l’art, le poème est défectueux, plusieurs de ses défauts contiennent des beautés. […] D’ailleurs, n’est-ce pas là qu’est la grâce, et en poésie la grâce ne vaut-elle pas parfois la beauté, parce qu’elle est la beauté elle-même ? […] beauté suprême… Mais avant, les papillons bleus, vois-tu, fuiront les pervenches et les boutons de prunelliers !

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