Rien n’a troublé ce bel azur. […] , passé classique en sortant de ses classes, et qui continuait (disait-on) de parler la belle langue du dix-septième siècle. […] C’était l’occasion d’une belle inspiration dernière pour Villemain, cet humaniste émérite parfumé de grec depuis son enfance, plus sensible à ce grec, s’il ne le savait pas mieux, car nos souvenirs, même littéraires, nos plus pâles fleurs de rhétorique sont comme les autres fleurs et donnent un parfum plus fort-vers le soir. […] Ainsi, quand il a la bonté de constater dans les Prophètes le plus beau lyrisme qui ait jamais brillé sur la terre, il l’impute à l’amour de la patrie, à la pureté des mœurs, à la pratique des vertus les plus hautes, mais il se tait sur l’inspiration divine. […] Fox, je l’ai dit, était pour Villemain la plus belle incarnation du wighisme, qui est le libéralisme de l’Angleterre.
Ce n’est point là une œuvre qui n’a de père que celui qui l’a faite, qui a jailli, un beau matin, d’une originalité isolée. […] le charcutier, qui transporte l’art, des sphères élevées et nobles où il devrait rester, dans les charcuteries, et qui pose l’axiome insolent, barbare et crapuleux, « que c’est là qu’il faut chercher le Beau et sa loi désormais ! […] À côté des pains de beurre à la livre, dans des feuilles de poirée, s’élargissait un cantal géant, comme fendu à coups de hache ; puis venaient un chester, couleur d’or, un gruyère, pareil à une roue tombée de quelque char barbare (c’est beau et glorieux pour un fromage !) […] Zola, c’aurait été trop beau ! […] Zola a voulu travailler exclusivement dans le Dégoûtant… Nous avons su par lui qu’on pouvait tailler largement dans l’excrément humain, et qu’un livre fait de cela seul avait la prétention d’être beau !
N’est-ce pas un assez bel éloge ? […] On eut beau le supplier d’entrer dans la vie politique, il repoussa toutes les avances qui lui furent faites. […] Il faisait à cet égard de beaux rêves. […] Pascal a beau railler Montaigne, il est heureux en le lisant de trouver un homme là où il s’attendait à voir un auteur. […] On trouvera, dans le beau livre de M.
Il ne se contenterait même pas volontiers d’entremêler de réflexions judicieuses, saines ou fines, les beaux endroits des auteurs qu’il étudie et dont il offrirait des exemples choisis à ses lecteurs. […] Ayant à écrire de la littérature française et à la suivre dans son développement à travers les siècles, il s’est demandé tout d’abord au début ce que c’est que l’esprit français ; il s’en est fait préalablement une idée, il s’en est formé comme un exemplaire d’après les maîtres les plus admirés, d’après les classiques le plus en honneur et en crédit ; il a présenté aux lecteurs français un portrait tout à fait satisfaisant de l’esprit français vu par ses beaux côtés et en ses meilleurs jours. […] Nisard flatte peut-être l’esprit français dans la définition générale qu’il en donne, il ne flatte nullement les auteurs français en particulier ; et, tout au contraire, en les comparant, en les confrontant sans relâche un à un avec ce premier idéal qu’il s’est proposé et qu’il a dressé comme une figure grandiose au vestibule de son livre, il leur fait subir la plus périlleuse des épreuves, le plus sévère des examens : plus d’un, et des plus célèbres, y laisse une part de lui-même, la partie caduque, éphémère et mensongère ; et, comme après un jugement de Minos ou de Rhadamanthe, c’est l’âme immortelle, c’est l’esprit dans ce qu’il a eu de bon, de pur, dans ce qu’il a de durable, de moral, de salutaire, de conforme et de commun avec le génie français (une des plus belles représentations de l’esprit humain), c’est cela seul qui survit, qui se dégage et qui triomphe.
Il redisait de beaux vers de Lucrèce qu’il savait par cœur : il l’avait commenté bien avant Homère, peut-être avant Virgile ; il s’en était nourri dès l’adolescence181. […] Tour à tour chaque belle enflamme mes désirs, Et j’effleure en courant la coupe des plaisirs. […] Nouveaux Lundis, tome X, page 108. — Et à propos de cette même page, à un ami qui lui écrivait : « Cette fois je vous y prends, je crois que vous êtes spinoziste… », Sainte-Beuve répondit : « Je ne me doutais pas de mon spinozisme ; vous m’avez fait relire ma page ; mais savez-vous que le spinozisme est quelque chose de beaucoup trop beau pour moi et de beaucoup trop artificiellement compliqué ?
La pleine décadence du Théâtre-Français, le décri absolu où est tombé surtout l’ancien genre tragique, l’ennui profond que causent à la scène, non pas seulement tant de plates amplifications de notre temps, non pas même ces tragédies de Voltaire décorées du nom de chefs-d’œuvre, mais jusqu’aux pièces si belles et si accomplies de Racine, tout cela peut se déplorer avec plus ou moins d’affliction et d’amertume, mais à coup sûr ne saurait plus se nier. […] Cette œuvre du loisir et du recueillement, où viendront sans doute contraster et se confondre en mille effets charmants ou sublimes la vérité et l’idéal, la raison et la fantaisie, l’observation des hommes et le rêve du poète, arrivée dans le monde réel, exposée aux regards de tous, enchantera les âmes et ravira les suffrages ; les esprits les plus graves, philosophes, érudits, historiens, se délasseront à la contempler, car l’impression d’une belle œuvre n’est jamais une fatigue ; les politiques surtout, en n’y cherchant que du plaisir, y puiseront plus d’une émotion intime, plus d’une révélation lumineuse, qui, transportée ailleurs et transformée à leur insu, ne restera stérile ni pour l’intelligence de l’histoire, ni pour les mouvements de l’éloquence ; la tribune et la scène, en un mot, rivales et non pas ennemies, pourront retentir ensemble et quelquefois se répondre. […] La belle objection, vraiment !
Le lendemain, aux bureaux du National, la foule qui circula et s’inscrivit fut immense ; on y remarqua nombre d’ouvriers, Il y avait, sans doute, dans cette démonstration profonde, intérêt amical pour l’homme même, pour l’individu atteint ; il y avait hommage à un talent énergique, infatigable ; quelque chose de ce respect qu’on porte en France à toute belle intelligence que la valeur accompagne, à tout noble front où l’éclair de la pensée s’est rencontré volontiers avec l’éclair d’une épée ; mais il y avait aussi un sentiment dominant de solidarité, d’adhésion à des principes communs, de reconnaissance pour des services rendus, de confiance placée sur une tête forte et rare. […] Carrel s’était acquis une belle réputation de courage et de résolution dans le jeune carbonarisme par sa conduite en Espagne et ses condamnations à mort ; il s’était fondé également une position fort solide d’écrivain et d’historien, par sa coopération à plusieurs journaux, par son excellent volume sur la Révolution anglaise de 1688. […] Mais ç’a été un beau et véritable succès, un succès invincible dont l’étreinte dramatique n’a épargné personne là présent.