« Examinons, disions-nous encore, ce que c’est que l’homme ; oublions que nous sommes nous-même une de ces misérables et sublimes créatures appelées de ce triste et beau nom dans la création universelle ; échappons, par un élan prodigieusement élastique de notre âme immatérielle et infinie, à ce petit réseau de matière organisée de chair, d’os, de muscles, de nerfs, dans lequel cette âme est mystérieusement emprisonnée ; supposons que nous sommes une pure et toute-puissante intelligence capable d’embrasser et de comprendre l’univers, et demandons-nous : Qu’est-ce que l’homme ? […] Considérez sa structure, vous reconnaîtrez que chacun de ses organes corporels, autrement dit ses sens, n’a pas d’autre objet que de mettre son intelligence ou son âme en communication avec le monde extérieur qui l’enveloppe, de lui donner une sensation, de produire en lui une idée, de lui faire comparer en lui-même ces sensations et ces idées, et enfin de les exprimer pour lui-même ou pour les autres, ou, ce qui est plus beau, pour Dieu par la parole ; la parole qui dit Je vis, la parole qui dit Je pense, la parole qui dit J’adore, mot sublime et final où se résume toute la création. […] Notre critique est la recherche et la contemplation du beau ; nous ne citerons que les belles choses : les mauvaises n’ont pas besoin d’être jetées à l’oubli, elles meurent d’elles-mêmes.
Si la nymphe eût été belle, l’amour charmant, le satyre de grand caractère, elle en eût fait ce qu’on en pouvait faire de pis ou de mieux, que son tableau eût été admis, sauf à le retirer sur la réclamation publique ; car enfin n’avons-nous pas vu au sallon, il y a sept à huit ans, une femme toute nue étendue sur des oreillers, jambes deçà, jambes delà, offrant la tête la plus voluptueuse, le plus beau dos, les plus belles fesses, invitant au plaisir et y invitant par l’attitude la plus facile, la plus commode, à ce qu’on dit même la plus naturelle, ou du moins la plus avantageuse ? […] On arrive, on s’adresse à des hommes blasés sur le beau, qui vous accordent à peine un coup d’œil, un signe d’approbation.
Ce jugement des oies a donné lieu à une scène assez vive entre Marmontel et un jeune poëte appellé Chamfort, d’une figure très-aimable, avec assez de talent, les plus belles apparences de modestie et la suffisance la mieux conditionnée. […] Les jeunes élèves qui les avaient faits, et qui ne doutaient point que le prix n’allât à l’un d’eux, se disaient amicalement : j’ai fait une assez bonne chose, mais tu en as fait une belle, et si tu as le prix, je m’en consolerai… eh bien, mon ami, ils en ont été privés tous les trois ; la cabale l’a adjugé à un nommé Moette, élève de Pigalle. […] Le premier qui se présenta pour sortir, ce fut le Bel abbé Pommier, conseiller au parlement et membre honoraire de l’académie. […] Cochin avait beau crier : que les mécontents viennent s’inscrire chez moi… on ne l’écoutait pas, on sifflait, on honissait, on bafouait.
C’était un des plus beaux fronts d’alors (tout était dans le front !) […] Ce livre, intense et individuel comme la passion qui l’a dicté, n’est point le plus beau que Lefèvre ait écrit (car Lefèvre n’a fait qu’une seule fois cette chose complète qu’on appelle un beau livre, et ce n’a pas été en vers) ; mais, à coup sûr, c’est celui où, malgré d’atroces bizarreries, des viols de langue dans des alliances de mots forcenées, il y a le plus de ces beautés humaines que le comble de l’art est d’imiter, et qui jaillissent parfois du fond de la vie. […] Avec une telle manière de sentir et de concevoir la beauté poétique, l’auteur du Couvre-feu, qui, nous devons en convenir, a, pendant ces dix dernières années, accompli un rude travail de lime sur lui-même, a eu beau se polir, se dépouiller, s’élever, — et qui s’élève se simplifie !
Victor de Laprade vient de publier un dernier volume de poésies sous ce titre d’Idylles héroïques, un beau titre, n’est-il pas vrai ? Plus beau que le livre à coup sûr. […] L’épée est faite du même fer que la charrue, et, fût-elle ensanglantée, sa lame brille plus belle à travers une guirlande d’épis. […] Laprade qui, depuis dix ans, n’a ni renouvelé son inspiration ni modifié sa manière, ne pouvait être au niveau du beau sujet qu’il avait aperçu… de loin.
» à tous ceux qui ont le respect des belles choses. […] Jules Lemaître La reprise du Lion amoureux (au théâtre de l’Odéon) nous a montré, une fois de plus, que l’honnête Ponsard, tant raillé, est un bon et solide auteur dramatique, un de ceux qui parlent le mieux aux plus honorables instincts de la foule, un de ceux qui savent, le plus habilement et le plus naïvement à la fois, lui enseigner l’histoire simplifiée, lui donner les plus nobles et les plus claires leçons de vertu, lui développer les plus beaux traits de « morale en action », et la renvoyer, après un dénouement heureux, satisfaite, tranquille et toute pleine de bons sentiments dont elle se sait gré. […] Ses vers, assez souvent gauches et gris, surtout quand il s’agit d’exprimer les détails de la vie extérieure, s’affermissent singulièrement pour traduire les beaux lieux communs de la morale, les sentiments généreux ou les généreuses pensées.
Ces vers sont remarquables, parce qu’ils sont assez beaux comme vers. […] Toutefois il y a de beaux traits dans le Messie. […] Pour une imagination vigoureuse, c’était pourtant une belle carrière à parcourir, qu’un monde antidiluvien.