En 1896, au cours d’une préface, déjà, violemment, j’écrivais : « L’excès de sensibilité où vont se porter de nouveaux auteurs, les défaillances qu’ils montreront, les larmes, les soupirs, les sanglots dont ils paraîtront tout à fait prodigues, incommoderont fort le public. […] Ainsi voilà donc deux auteurs, M. […] Gide, très vagabond, moins par ses écrits sans doute que par ses entretiens légers, a modifié les formes de deux ou trois auteurs. […] Des auteurs comme M. […] Cet auteur admire ses confrères.
Déclarons-le bien vite et dès à présent, dans tout ce qu’on vient de lire comme dans tout ce qu’on va lire encore, l’auteur de ce livre, et cela devrait aller sans dire, est aussi loin de songer à lui-même qu’aucun de ses lecteurs. […] L’auteur l’a déjà dit ailleurs et plus d’une fois, il est un de ceux qui tentent, et qui tentent avec persévérance, conscience et loyauté. […] L’auteur pense que tout poëte véritable, indépendamment des pensées qui lui viennent de son organisation propre et des pensées qui lui viennent de la vérité éternelle, doit contenir la somme des idées de son temps. […] On trouvera dans ce volume, à quelques nuances près, la même manière de voir les faits et les hommes que dans les trois volumes de poésie qui le précèdent immédiatement et qui appartiennent à la seconde période de la pensée de l’auteur, publiés, l’un en 1831, l’autre en 1835 et le dernier en 1837. […] Plusieurs pièces de ce volume montreront au lecteur que l’auteur n’est pas infidèle à la mission qu’il s’était assignée à lui-même dans le prélude des Voix intérieures : Pierre à pierre, en songeant aux croyances éteintes.
Les ouvrages de Racine, devenant toujours plus purs à mesure que l’auteur devient plus religieux, se terminent enfin à Athalie. […] Un écrivain qui refuse de croire en un Dieu auteur de l’univers, et juge des hommes dont il a fait l’âme immortelle, bannit d’abord l’infini de ses ouvrages. […] Il est possible que la somme de talents départie aux auteurs du dix-huitième siècle, soit égale à celle qu’avaient reçue les écrivains du dix-septième201. […] Les plus belles choses qu’un auteur puisse mettre dans un livre sont les sentiments qui lui viennent, par réminiscence, des premiers jours de sa jeunesse. […] Au lieu de cette tendre religion, de cet instrument harmonieux dont les auteurs du siècle de Louis XIV se servaient pour trouver le ton de leur éloquence, les écrivains modernes font usage d’une étroite philosophie qui va divisant toute chose, mesurant les sentiments au compas, soumettant l’âme au calcul et réduisant l’univers, Dieu compris, à une soustraction passagère du néant.
Pélissier ; ce n’était l’avis ni de Chateaubriand, ni de Mme de Staël, ni de Chénier, qui non seulement croyaient qu’on peut demander des leçons aux grands écrivains, mais conseillaient même d’étudier leurs manuscrits. « Je conseillerais, dit Chateaubriand, l’étude des manuscrits originaux des auteurs du grand siècle. […] Pélissier nous excusera de préférer l’opinion de ces trois auteurs, pour ne citer que ceux-là, et d’avoir écrit un ouvrage dont ils nous indiquaient si clairement l’utilité, le sujet et même le titre, sans qu’ils crussent pour cela se « rabaisser » ni rabaisser n’importe qui. […] Uzanne, limite le style au pastiche adroit… Il se dispose à vous faire acquérir, grâce à quelques règles rapides et faciles d’assimilation, un style inspiré de celui des auteurs illustres. […] On n’emprunte pas l’âme d’un auteur. » Voilà comment nous limitons le style au pastiche adroit41. Quant à soutenir qu’on peut avec quelques procédés acquérir le style des grands auteurs, et que tout grimaud, en y mettant le temps, peut devenir un Chateaubriand, il n’est pas en mon pouvoir d’empêcher M.
Camille Doucet, à la différence du candidat précédent, est un auteur et rien qu’un auteur, en ce sens qu’il n’est pas du tout un critique. […] L’auteur est content d’avoir fait quelque chose d’impossible, là où on ne croyait pas que personne pût aller. Est-ce à dire, maintenant, et quand on a tout expliqué de son mieux à de respectables confrères un peu étonnés, que toutes ces curiosités, ces ragoûts et ces raffinements leur semblent des titres pour l’Académie, et l’auteur lui-même a-t-il pu sérieusement se le persuader ? […] Ancelot fut jugé très suffisant à la tâche de louer l’auteur de la Législation primitive. […] Scribe, que l’embarras du choix parmi les auteurs dramatiques, sans aller y mêler des écrivains purement critiques ; l’Académie regorge déjà de critiques.
Quand vous avez à parler d’un auteur, commencez par le lire vous-même attentivement, notez les endroits caractéristiques, prenez bien vos points, et venez ensuite lire et dérouler des pages habilement rapprochées de cet auteur, qui va ainsi, moyennant une très légère intervention de votre part, se traduire et se peindre lui-même dans l’esprit de vos auditeurs. […] C’est ainsi qu’il vous suivra avec une honnête liberté, et qu’il tirera la conclusion en même temps que vous, sans croire accepter l’autorité d’un maître, sans l’accepter en effet, et en se faisant par lui-même une idée distincte de l’auteur en question. […] L’art de la critique, en un mot, dans son sens le plus pratique et le plus vulgaire, consiste à savoir lire judicieusement les auteurs, et à apprendre aux autres à les lire de même, en leur épargnant les tâtonnements et en leur dégageant le chemin. […] Pour les explications, en tout cas, et même en les réduisant à ce qu’elles ont de moindre, le lecteur ne saurait se dispenser, par un préambule, de mettre l’auditoire au point de vue, de faire connaître en peu de mots l’auteur dont il va lire quelque chose, de montrer cet auteur en place dans son siècle, et d’amener tellement, pour ainsi dire, les deux parties en présence, que l’effet, à un certain degré du moins, soit immanquable. […] Chaque fois, par exemple, qu’on introduit un livre, un auteur nouveau, à chaque cadre de lecture nouvelle qu’on a, en quelque sorte, à suspendre dans l’esprit des auditeurs, on se voit obligé de dresser un appareil tout exprès.
Dangereux : Il le serait non seulement par le fond des choses, mais encore par le talent de l’auteur, d’autant plus troublant qu’il est plus troublé. […] Ce n’est pas pour rien que dans un livre célèbre, dix ans auparavant, l’auteur de l’Amour a essayé de déshonorer l’Église dans son prêtre : il voulait prendre à ce prêtre sa succession. […] Sans le ridicule abondant en beaucoup de détails de cette production incroyable, et le comique grotesque de certains enthousiasmes et de certaines attitudes de l’auteur, le livre peut-être aurait un succès. […] Nous qui l’avons lu, comme nous lisons tout ce qui vient de son auteur, bien plus pour l’expression que pour le renseignement, bien plus pour l’agrément que pour les profits graves, nous ne sommes pas, du reste, de ceux qui croient qu’un livre ne peut avoir qu’un seul accent. […] Je la crois très vraie, très observée sur le vif, réelle enfin, mais la manière de l’auteur y est inférieure, enfantine et lakiste.