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259. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

D’autre part, on ne peut classer les émotions esthétiques sous les différents chefs que l’on applique aux émotions ordinaires, parce que celles-là manquent précisément du caractère sur lequel se basent les classifications rationnelles de celles-ci : le plaisir et la peine5 cq — ou tout au moins ne le possèdent qu’à un degré très faible. […] Cependant on peut tout au moins attendre de ces tentatives de mensuration l’utilité de fixer, une fois pour toutes, dans le langage critique, le sens des adjectifs : médiocre, faible, moyen, fort, intense, extrême, qui s’emploient aujourd’hui au hasard. […] Que l’on joigne à cette observation générale le fait que les personnes capables et désireuses d’entreprendre des travaux d’esthopsychologie seront évidemment des lecteurs d’une curiosité universelle et impartiale, habiles à sentir tout le charme de presque toutes les œuvres, disposés tout au moins à s’assouplir à les comprendre, et partant du principe que toute œuvre qui émeut n’importe quel barbare ou quel raffiné a des propriétés qui justifient cet effet.

260. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Lorsque la Révolution fut venue déranger quelque peu ces petites existences littéraires, au lieu des lectures dans les salons, on eut les Déjeuners dominicaux : c’est là que, durant quinze années au moins, les convives littérateurs se faisaient leurs confidences réciproques entre la poire et le fromage ; c’est là qu’on racontait à ses amis le sujet, le pian de son ouvrage, avant d’en avoir écrit une seule ligne ; à peine les premiers actes étaient-ils jetés sur le papier que l’on en faisait une lecture. […] En vérité, il serait temps qu’un journal qui se pique de représenter quelque chose en France songeât à purger sa littérature do tant de vénalité jointe à tant d’ineptie, et qu’il essayât au moins de la rajeunir comme sa vieille politique.

261. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Il paraît, au premier coup d’œil, que les troubles civils, en renversant les rangs antiques, doivent donner aux facultés naturelles l’usage et le développement de toutes leurs forces : il en est ainsi, sans doute, dans les commencements ; mais au bout de très peu de temps, les factieux conçoivent pour les lumières une haine au moins égale à celle qu’éprouvaient les anciens défenseurs des préjugés. […] Il ne craint plus de consumer en lui-même le flambeau de la raison, sans pouvoir jamais porter sa lumière sur la route de la vie active ; il n’éprouve plus cette espèce de honte que ressentait le génie condamné à des occupations spéculatives devant l’homme le plus médiocre, si cet homme, revêtu d’un pouvoir quelconque, pouvait sécher des larmes, rendre un service utile, faire du bien au moins à quelqu’un sur la terre.

262. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Avec les bergères, au moins, point n’était besoin, comme avec les dames, d’allégorie ni de métaphysique. […] Il prit deux fois femme ; et la deuxième au moins, laide, vieille et pauvre — mais pourquoi l’épousait-il ?

263. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

. — Au moins, dit la jeune fille, aimez-moi un peu. […] Mort que je vois venir, que j’appelle et que j’embrasse, je voudrais au moins que tu fusses utile à quelqu’un, à quelque chose, fût-ce à la distance des confins de l’infini… » Il est vrai que lorsqu’il a vu, par le cynique dialogue de Ganeo et de Sacrificulus, ce que deviennent ses doctrines en passant dans des âmes basses qui n’en comprennent que les négations, il recule épouvanté et renie son œuvre involontaire.

264. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Tout au moins les cellules cérébrales ont vibré comme quand telle série d’impressions amène à sa suite tel chiffre qui la résume. […] Il faut remarquer, à l’appui de notre thèse, que le cerveau est un organe double, comme les yeux ou les oreilles, tout au moins qu’il est composé de deux hémisphères.

265. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Or, pour peu que l’on fasse ce partage entre les plaisirs, on s’aperçoit que, parmi les œuvres de l’esprit, il en est précisément qui plaisent toujours, qui plaisent à tous, ou au moins aux esprits éclairés, capables de les comprendre, qui plaisent à l’esprit et au cœur, et non aux sens : ce sont ces œuvres que l’on nomme belles, et elles le sont plus ou moins, suivant qu’elles se rapprochent plus ou moins du modèle que je viens de tracer. […] Et cependant n’y avait-il pas là une source nouvelle de sagesse, une source de vie, un flot d’idées, de sentiments et de vertus incompréhensibles à l’antiquité, et qui devait l’engloutir, au moins pour un temps ?

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