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727. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Quand il parlait pour son compte dans ses missions, dans ses instructions pastorales, dans ses homélies de diocèse, je ne fais nul doute que Fénelon ne fût arrivé à une sorte de perfection, délicieuse pour les gens d’esprit qui l’écoutaient, en même temps que salutaire et persuasive pour tous. […] M. de Tréville, dont il m’arrive de parler quelquefois et qui était un personnage considérable aux yeux de la société d’alors, venait de retomber dans des habitudes mondaines après quelques années de retraite et d’austérités. […] Il arrive seulement que cette idée varie dans son mode et dans ses degrés. […] Reprenez les lectures qui vous ont touchée, elles vous toucheront encore, et vous en profiterez mieux que la première fois. » Dans sa correspondance spirituelle avec Mme de Montberon, il se croit ou il se dit quelquefois sec, irrégulier ; il entre, au contraire, d’une manière fine et rapide dans les délicatesses de l’amour divin ; il en donne en termes prompts et menus la théorie, comme nous dirions, les préceptes ; il le veut simple, mais d’une simplicité à laquelle on n’arrive pas du premier coup.

728. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Si je le voulais, des exemples très récents justifieraient ma comparaison ; mais je fâcherais les momies, et Dieu sait ce qui m’en arriverait ! […] C’est ainsi encore qu’à l’occasion des Crétins du Valais dont les hommes notables du pays semblent rougir, les regardant comme une tache pour leur nation, et dont ils n’aiment guère à parler avec les étrangers, mais que le peuple et les enfants même respectent et considèrent au contraire comme une bénédiction, « comme des innocents marqués par le ciel pour n’avoir nulle part aux crimes de la terre et pour arriver sans obstacle au séjour des récompenses », il dira sans hésiter : « Laquelle de ces deux opinions est la plus respectable ? […] Par un de ces accidents de chaleur qui ont lieu quelquefois jusqu’au milieu des glaces et des neiges les plus élevées, tout d’un coup les voyageurs sont surpris d’arriver à un endroit entièrement découvert de neiges : Rien de plus délicieux dans la nature que le gazon que nous foulions ; à peine abandonné par les neiges, il était déjà émaillé d’une innombrable quantité de fleurs dont les couleurs étaient d’une vivacité que les fleurs de la plaine n’atteignent jamais, et qui répandaient l’odeur la plus suave. […] Elles sont si peu connues aujourd’hui du grand nombre des lecteurs et elles sont tellement dignes de l’être, elles sont si belles de vérité et si irréprochables de forme, que j’éprouve un extrême embarras de choix dans le désir que j’aurais de les faire lire par amples extraits et de les faire goûter de tous : Arrivé dans cette forêt, dit-il quelque part, et prêt à descendre, j’éprouvais une sorte de tristesse que, depuis ce temps-là, j’ai toujours retrouvée, quand du haut des Alpes je suis descendu dans les plaines.

729. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Ce sont là les dispositions naturelles et sincères, c’est le point de départ d’où l’esprit français eut à s’élever graduellement pour arriver à la connaissance et à l’admiration sentie de Dante ; mais par combien d’efforts ! […] Toutes les fois qu’il s’engagea dans des actes par lesquels il semblait y déroger, il lui arrivait bientôt de s’en repentir, d’en rougir à ses propres yeux dans le secret, et de désirer expier sa faute et la réparer. […] Dans le calque trop complet et trop systématique qu’on veut faire d’un texte original, il arrive quelquefois qu’on reste plus voisin de l’idiome étranger que du nôtre, et que la traduction aurait besoin d’être traduite elle-même : c’est là un inconvénient que M.  […] Il lui arrivait souvent d’en rêver et de voir Homère en songe.

730. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

À Venise, où il arrive très recommandé, Marius éblouit le premier jour ses illustres protecteurs : « Il parut devant le doge et devant le Sénat, et dicta sans aucune préparation, à trente-deux secrétaires, des compositions sur autant de sujets différents qui lui avaient été proposés sur-le-champ. […] C’est une loi en effet : chez les nations qui n’avaient pas l’imprimerie, sous les gouvernements qui n’avaient pas leur Moniteur, il arrivait très vite que les personnages glorieux qui avaient frappé l’imagination des peuples et remué le monde, livrés au courant de la tradition et au hasard des récits sans fin, se dénaturaient et devenaient des types purement poétiques. […] Dans ce qu’il a écrit Sur la littérature des Goths et sur la partie profane de cette littérature, sur les traditions héroïques dont l’origine remonte au temps d’Attila, et qui ont été la source des grands poèmes germaniques du Moyen Âge, Favre a été plus achevé, ou du moins un peu plus pressé d’arriver ; sa forme y a gagné, sinon pour la rapidité, du moins pour la cohésion et pour la suite : c’est qu’il a publié ce morceau dans la Bibliothèque universelle de Genève en 1837, et que la publicité oblige. […] Toutes les fois qu’on voudra citer les hommes qui ont eu le goût passionné de la lecture, de l’étude, de la critique historique désintéressée, de l’érudition en elle-même, à la suite de ces noms fameux et toujours répétés des Huet, des Gabriel Naudé, des président Bouhier et de tant d’autres, lorsqu’on arrivera à notre siècle si rare en esprits de ce genre, en esprits aussi avides de savoir que peu empressés de le dire, on ne pourra s’empêcher de nommer Guillaume Favre.

731. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Il n’avait pas douze ans lorsque, dans les premiers jours de janvier 1822, il sortait pour la première fois, pauvre oiseau exilé, de ses tourelles du Cayla, et arrivait à Toulouse pour y faire ses études, — je crois, au petit séminaire. […] Il arriva à La Chênaie à l’entrée de l’hiver ; il y était le jour de Noël 1832 ; il avait trouvé son asile. […] L’heure à laquelle Guérin y arriva était des plus mémorables, des plus décisives pour le maître ; on peut le dire avec certitude et précision, aujourd’hui que l’on a lu la correspondance intime de Lamennais durant ce temps. […] Guérin est arrivé à La Chênaie en hiver, au cœur de la saison morte, et quand tout est dépouillé, quand les forêts sont couleur de rouille, sous ce ciel de Bretagne toujours nuageux « et si bas qu’il semble vouloir vous écraser » ; mais vienne le printemps, le ciel se hausse, les bois reprennent vie, et tout redevient riant.

732. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

… Vénérable et vertueux vieillard, etc. » C’est ainsi qu’était arrivé à la plupart d’entre nous le nom d’Abauzit, bombardé modeste et vertueux par cette apostrophe de Jean-Jacques. […] De même pour les Français, qu’il goûte sans les flatter, qu’il déshabille hardiment, cherchant le solide sous les belles manières, et à qui, dès qu’il n’y trouve pas son compte (ce qui lui arrive souvent), il dit des vérités suisses avec beaucoup d’esprit. […] Il lui arrive de s’élever, mais il a de la peine à se soutenir ; il a le vol court, et ses poésies sentent l’effort et le travail ; on s’aperçoit que la recherche du beau, d’un certain éclat, en fait le grand ressort : de là viennent les bons mots où il lui arrive si souvent de s’échapper, aussi bien que toutes ces malignités hors d’œuvre, ces traits qui divertissent le lecteur, mais qui ne font pas honneur au poète.

733. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Je m’étonnerais donc (si je ne le savais si absolu dans sa manière de voir) qu’aujourd’hui qu’il examine à loisir ces affaires du passé, il ne se soit point posé un seul moment cette question : Que serait-il arrivé en 1830, si dans les rangs de ce ministère Laffitte, ou à côté, il s’était trouvé à temps un homme véritable, un Casimir Perier du mouvement et d’une politique plus hardie, agressive et non plus défensive ? […] Que s’il traite son homme comme si rien n’était arrivé, s’il veut lui persuader qu’il n’a fait que sauter un ou deux degrés d’un perron et qu’il le remette au régime ordinaire, l’homme, au bout de quelques jours, sent un malaise suivi de désordres intérieurs plus ou moins graves. […] C’est ce qui arriva à la France de Juillet. […] J’arrive à la seconde question que suggère la lecture des Mémoires de M. 

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