Bientôt les ailes lui viennent : les incidents se multiplient ; les géants et les monstres foisonnent ; la vraisemblance disparaît, la chanson du jongleur s’allonge en poëme sous la main du trouvère ; il parlerait, comme le vieux Nestor, cinq années ou même six années entières, sans se lasser ni s’arrêter. Quarante mille vers, ce n’est point trop pour contenter leur bavardage : esprit facile, abondant, curieux, conteur, tel est le génie de la race ; les Gaulois, leurs pères, arrêtaient les voyageurs sur les routes pour leur faire conter des nouvelles, et se piquaient comme eux « de bien se battre et de facilement parler. » Avec les poëmes de chevalerie, ils ont la chevalerie ; d’abord, il est vrai, parce qu’ils sont robustes, et qu’un homme fort aime à se prouver sa force en assommant ses voisins ; mais aussi par désir de renommée et par point d’honneur. […] Il faut, pour qu’il comprenne, que la seconde idée soit contiguë à la première, sinon il est dérouté et s’arrête ; il ne sait pas bondir irrégulièrement ; il ne va que pas à pas, par un chemin droit ; l’ordre lui est inné ; sans étude et de prime abord, il désarticule et décompose l’objet ou l’événement tout compliqué, tout embrouillé, quel qu’il soit, et pose une à une les pièces à la suite des autres, en file, suivant leurs liaisons naturelles. […] On ne l’écrit plus ou on ne l’écrit guère ; insensiblement, on voit dans la chronique saxonne le vieil idiome s’altérer, puis s’éteindre ; cette chronique s’arrête un siècle après la conquête102. […] Nul homme libre ne sera arrêté ou emprisonné, ou dépossédé de sa terre, ou poursuivi en aucune façon, si ce n’est par le jugement légal de ses pairs et selon la loi du pays. » Ainsi protégés, ils se relèvent et ils agissent.
Si l’effort de la pensée s’arrête alors, l’idée auxiliaire sensible et l’idée nouvelle se confondent ; celle-ci ne vient pas à l’esprit sans le concours d’images sensibles, sorte de voile par lequel sa véritable essence est cachée à la conscience ; l’homme qui parle par métaphores ignore sa vraie pensée ; il croit pourtant la connaître, il la proclame avec assurance, et il en tire des conséquences qui lui paraissent irréfutables ; mais sur une base indécise il ne peut édifier rien de solide, et l’on récuse à bon droit la déduction dont les prémisses ne sont pas pures de toute métaphore. […] Sans doute, il fut arrêté par ce fait que la représentation des visa est entourée de grandes difficultés ; le geste, si souvent employé aux époques primitives, est un procédé d’imitation très imparfait ; puis il est fugitif, nouvelle inexactitude, car les visa sont, en général, permanents ; quant à la représentation par le dessin, qui est beaucoup plus exacte, elle demande toujours un travail assez long, même quand les doigts y sont assouplis par l’exercice. […] Il arrive assez souvent, dans certaines poésies modernes, qu’un des mots de la phrase n’a pas de sens connu du lecteur ou de l’auditeur ; celui-ci n’est pas arrêté par cette lacune ; il s’en aperçoit à peine ; il ne réclame pas le lexique indoustani ou malais dont l’ouvrage aurait besoin pour être entièrement compris. […] Quand donc nous dirons que deux idées semblables pour l’observation psychologique peuvent être différentes pour l’esprit, nous entendons par là qu’indiscernables, si on les considère en elles-mêmes, elles se distinguent par leurs effets : l’une fait la paix dans l’âme et l’invite à suivre librement la série de ses conceptions ; l’autre engendre le trouble et l’inquiétude ; à cause d’elle, l’esprit s’arrête dans sa marche spéculative et revient en arrière pour tenter dans la même direction un nouvel effort297; tandis que la première est approuvée et reconnue, parce qu’elle est en bons rapports logiques avec les idées qui la précèdent ou l’accompagnent, la seconde paraît une intruse, parce qu’elle est en désaccord avec les mêmes faits, ses antécédents et concomitants. […] Les caractères propres d’un grand nombre d’idées peuvent être effacés par l’habitude sans que la pensée dans son ensemble ait approché d’assez près de l’inconscience pour être arrêtée ou gênée dans sa marche, sans que les actions et réactions mutuelles des idées cessent de se faire avec une parfaite rigueur logique ; la possession d’un esprit par lui-même n’implique pas la possession actuelle et complète de toutes les idées qui le constituent ; les faiblesses de la conscience peuvent être compensées à mesure par un système naturel de suppléances et de reflets.
. — Je ne m’arrêterai point cependant à analyser cette comédie, qui vous intéresserait peu. […] Elle a pris aussitôt la résolution d’en arrêter le cours. […] Toutefois la question vaut bien qu’on s’y arrête. […] Je crois, cependant, qu’elle n’eût arrêté ni Guillem de Castro, ni Shakespeare. […] Inutile de nous arrêter à celle-ci.
Ce style, qui est arrêté dans ses détails, est flottant dans son allure générale. […] La pensée une fois mise en mouvement ne s’arrête plus. […] Il a arrêté un plan de réforme allant à doubler exactement les forces de son pays. […] Ce progrès, on ne peut l’arrêter, et il ne sert de rien de le nier. […] Seulement, il y a des endroits où il s’arrête, il prend un temps.
Il fait arrêter des places à la diligence (aux frais de la famille), et court sauver le petit sot. […] La voilà qui passe, aérienne, les yeux au ciel, un faible sourire arrêté sur ses lèvres roses, touchante sylphide, si consolante pour tous ceux qui l’entourent que chacun la souhaite au fond d’un puits. […] Il faut s’arrêter ; un volume n’épuiserait pas la liste des perfections que Thackeray découvre dans l’aristocratie anglaise. […] Au bout d’une scène violente, il s’arrête sur un moment vide, et la montre, paresseuse, étendue sur des divans, comme une chatte qui bâille et se détire au soleil. […] Ailleurs les minutieuses descriptions paraissent souvent puériles ; nous blâmions l’auteur de s’arrêter, avec un scrupule de peintre anglais, sur des aventures d’école, des scènes de diligence, des accidents d’auberge ; nous jugions que cette attention intense, faute de pouvoir se prendre aux grands sujets de l’art, se rabaissait enchaînée à des observations de microscope et à des détails de photographie.
Mais comme l’intérêt est passé des Empereurs, des Rois de l’antiquité, aux marquis des xviie et xviiie siècles, puis des marquis aux gros bourgeois du xixe siècle, ils entendent qu’on s’arrête à ce personnage noble de l’heure présente, et qu’on ne descende pas plus bas. […] Mais arrêté dans son désir par le caractère de ses œuvres, qui étaient les œuvres d’un artisan, et non d’un poète ou d’un savant, il lui demandait une fois, s’il n’avait pas un autre talent que celui d’ornemaniste. […] Et je m’arrêtais à de plus humbles représentations, à celle de « l’écrivain de la maison des chanteuses » et aussi à celle de cet humble fonctionnaire de l’intérieur, Se-Kherta, qui dit : « J’ai donné de l’eau à celui qui avait soif et des vêtements à celui qui était nu. […] Un chauffeur d’un train qui passe à un chauffeur d’un train arrêté : « Pas le temps d’arroser seulement sa casquette ! […] Pourquoi une figure aimée, souvent regardée, ne revient pas, précisée, arrêtée, lignée, dans votre œil, comme ce bouchon de liège.
Tantôt il les empruntait à des sons qu’il saisissait au passage ; par exemple, pour arrêter (to stop), il disait ohoer (to woh), ayant entendu les charretiers dire oho ! (woh), quand ils crient à leurs chevaux d’arrêter. […] Pour qu’un corps en repos se meuve, il faut l’intervention d’une force ; si cette intervention manque, il demeure indéfiniment en repos, et sa tendance à persister dans son état est si bien inhérente à toutes ses particules, que, selon sa masse plus ou moins grande, il faut une force plus ou moins grande pour lui imprimer la même vitesse. — D’autre part, pour qu’un corps en mouvement s’arrête, ou change sa vitesse, ou dévie de la ligne droite, il faut aussi l’intervention d’une force. Cette pierre que je lance en l’air, ce boulet chassé du canon par l’explosion de la poudre, continueraient leur chemin, l’une vers les étoiles, l’autre selon une tangente à la terre, indéfiniment, en ligne droite, avec la vitesse initiale, si la pesanteur et la résistance de l’air ne venaient infléchir cette droite, diminuer cette vitesse et à la fin arrêter ce mouvement.