M. de Régnier conserve l’attitude et la ligne arrêtée dans l’Espace ; il pratique aussi un art plus strictement objectif au regard de M. […] L’harmonie proprement dite me paraît correspondre à ce que sont les rapports des « valeurs » dans un dessin ou un tableau ; mais elle peut, par son objectivité, susciter aussi le reflet d’une pose arrêtée et permanente. […] Il ne pouvait tolérer longtemps une forme littéraire restrictive de l’action et du fol instinct, et qui, en régularisant avec rigueur l’expression de l’idée, arrête l’élan du cœur pour le discipliner à de traditionnels mouvements. […] Des hommes au goût sûr et au clair regard peuvent, il est vrai, devancer l’heure présente ; ils ne le font jamais avec succès que dans des limites restreintes et Hugo, par exemple, n’avait point deviné le « vers libre » ; il est douteux qu’il y eût excellé, malgré son génie, s’il avait voulu le tenter : l’équilibre momentané des idées et des formes ne s’était pas encore arrêté sur ce point. […] Le rythme est une série de mouvements successifs indépendants de la mesure mais qui souvent s’arrêtent aux limites de celle-ci ou de ses multiples.
Dans une réforme de ce genre, où s’arrêter ? […] Mais avant de dire par où il pèche, je voudrais m’arrêter un moment sur ses beautés. […] La foi qui devient de plus en plus impérieuse, le sang que chaque minute fait parler plus haut, peuvent bien arrêter sur ses lèvres tremblantes les paroles trop tendres ; mais ils ne la forceront pas à simuler la trahison ou l’indifférence. […] Que Gengis-kan redevienne un moment Témugin, que Mahomet arrête sa course victorieuse pour parler d’amour à une esclave, soit : nous avons passé à Racine Mithridate amoureux ; ne soyons pas plus difficiles pour Voltaire. […] A peine de tant de tragédies imitées des siennes est-il resté quelques vers brillants ; encore ne faut-il pas s’y arrêter : en les regardant, on les dissipe.
Mon cadre d’enseignement fut dès lors arrêté ; tout ce que j’ai fait depuis en philologie est sorti de cette modeste conférence que l’indulgence de mes maîtres m’avait confiée. […] Cette théorie de l’inspiration, impliquant un fait surnaturel, devient impossible à maintenir en présence des idées arrêtées du bon sens moderne. […] Je ne m’arrêtai jamais à une objection sur les dogmes de la Trinité, de l’incarnation, envisagés en eux-mêmes. […] Je n’aime ni Philippe II ni Pie V ; mais, si je n’avais pas des raisons matérielles de ne pas croire au catholicisme, ce ne seraient ni les atrocités de Philippe II ni les bûchers de Pie V qui m’arrêteraient beaucoup. […] Croyez bien qu’il faut que j’aie été rudement éprouvé, pour m’être arrêté un instant à une pensée qui me paraît plus affreuse que la mort.
Puis, quand on a dit tout ce qui convient sur ces rares fleurs et ces exquises inutilités, il est bon de s’arrêter à temps et de ne rien exagérer. […] Il avait le tempérament ardent et prompt ; il était homme, dans la rue, à s’arrêter et à oublier même une conversation sur le grec, que son interlocuteur poursuivait tout seul, pour regarder une beauté du peuple qui passait. […] Sa note promet et ne tient pas ; là où il faudrait discuter ou trancher, elle s’arrête. […] Wyttenbach s’était occupé d’Eunape, et il avait déjà fait sur cet auteur bon nombre de remarques, lorsqu’il fut arrêté par l’état de ses yeux ou par toute autre cause.
Senior, en des termes qui méritent qu’on s’y arrête : « Chez nous, pour le moment du moins, disait-il (27 janvier 1836), tout semble rentré dans l’ordre habituel des choses. […] La Révolution de 1789 est sortie du cerveau et du cœur de la nation ; mais celle-ci a pris en partie naissance dans son estomac, et le goût des jouissances matérielles y a joué un rôle immense. » Ici nous arrêtons l’homme excellent, délicat, généreux, et nous lui disons : Il n’y a rien de plus respectable que l’estomac, et il n’y a pas de cri qui parle plus haut que celui de la misère. […] Louis de Kergorlay, sa disposition intérieure, son hésitation entre plusieurs projets et le plan final auquel il s’arrête, est, pour moi, des plus essentielles : elle dispenserait, au besoin, de tout autre document sur Tocqueville ; elle est le portrait le plus parfait, le miroir fidèle de son esprit : « … Au milieu de toutes ces belles choses, lui dit-il (15 décembre 1850), je ne tarderais cependant pas à m’ennuyer si je ne parvenais à me créer une forte occupation d’esprit. […] Le modèle inimitable de ce genre est dans le livre de Montesquieu sur la Grandeur et la Décadence des Romains : on y passe, pour ainsi dire, à travers l’histoire romaine sans s’arrêter ; et cependant on aperçoit assez de cette histoire pour désirer les explications de l’auteur et pour les comprendre.
Soyez convaincu que rien de tout cela ne peut, à la longue, arrêter votre carrière. […] Il se croyait plus résolu intérieurement qu’il ne l’était : il eût suffi jusqu’au dernier moment sans doute d’un retour de justice pour l’arrêter et faire rebrousser le cours de ses pensées. […] Alexandre lui communiqua le plan de campagne qui avait été arrêté pendant l’armistice entre les quatre puissances dans les conférences militaires tenues à Trachenberg. […] Après Leipsick, Jomini crut devoir se retirer du quartier général des Alliés ; il en demanda, dès Weimar, l’autorisation à l’empereur Alexandre, alléguant « que rien n’arrêterait plus les armées alliées jusqu’au Rhin ; que de deux choses l’une : ou que l’on ferait la paix, si l’on se contentait d’avoir assuré l’indépendance des puissances européennes ; ou que, si l’on continuait la guerre, on marcherait vers Paris ; que dans ce dernier cas il lui paraissait contre sa conscience d’assister à l’invasion d’un pays qu’il servait encore peu de mois auparavant. » Jomini estimait, à la fin de 1813, que l’invasion de la France serait pour les Alliés une beaucoup plus grosse affaire qu’elle ne le fut réellement : « J’avoue, écrivait-il en 1815, qu’aussitôt qu’il a été question d’attaquer le territoire français mon jugement politique et militaire n’a pas été exempt de prévention, et que j’ai cru qu’il existait un peu plus d’esprit national en France… Est-il besoin, ajoutait-il pour ceux qui lui en faisaient un reproche, de se justifier d’un sentiment de respect pour un Empire que l’on a bien servi et auquel on a vu faire de si grandes choses ?
Lui et M hiers, d’ailleurs, ils arrivaient à Paris avec une pensée arrêtée en politique, avec une opinion déjà faite, qui aidait beaucoup à la résolution de leur marche et qui simplifiait leur conduite. […] Cette opinion chez eux, non pas de pur instinct et de passion comme chez plusieurs, mais très-raisonnée, très-suivie76 et beaucoup plus arrêtée que chez leurs jeunes amis libéraux du monde, donna du premier jour à leur attaque toute sa portée et imprima à l’ensemble de leur direction intellectuelle une singulière précision. […] Bolingbroke, parlant d’un écrit de Pope (son Essai sur l’Homme, je crois) et du bien qui pouvait en résulter pour le genre humain, écrivait à Swift (6 mai 1730) : « J’ai pensé quelquefois que si les prédicateurs, les bourreaux et les auteurs qui écrivent sur la morale, arrêtent ou même retardent un peu les progrès du vice, ils font tout ce dont la nature humaine est capable ; une réformation réelle ne saurait être produite par des moyens ordinaires : elle en exige qui puissent servir à la fois de châtiments et de leçons ; c’est par des calamités nationales qu’une corruption nationale doit se guérir. » Voilà encore une de ces paroles qui serviraient bien d’épigraphe et de devise à une histoire de la Révolution française. […] Et en général, c’est quand un personnage s’identifie avec une idée, avec un système et une des faces de la pensée publique, que M.Mignet s’y arrête le plus heureusement et excelle à le peindre.