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23. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Passant encore en revue chacune de ces séries, on prend chacune des idées qui les composent comme le petit centre d’un groupe inférieur, et l’on ne s’arrête que lorsqu’on a épuisé les idées que l’analyse du sujet avait fournies, lorsque sont déterminés ainsi la place de chaque partie dans le tout, et son rapport au tout et aux autres parties. […] On ferait des têtes de chapitres sous lesquelles on n’aurait rien à mettre ; ces trous, devant lesquels le lecteur serait brusquement arrêté, l’empêcheraient de nous suivre où nous voulons le mener, et lui ôteraient toute confiance. […] Il est bon d’avoir conçu le plan idéal qui convient au sujet, et d’essayer de le remplir : si l’on n’y peut parvenir, on s’efforcera d’en rapprocher le plus qu’on pourra le plan qu’on arrêtera conformément à ses forces et aux nécessités accidentelles.

24. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

D’où vient cette soif dévorante de métaphores qui ne s’arrête pas au calice sacré ? […] Mme Pierson, durant toute cette première situation attachante, est une personne à part, à la fois campagnarde et dame, qui a été rosière et qui sait le piano, un peu sœur de charité et dévote, un peu sensible et tendre autant que Mlle de Liron ou que Caliste : « Elle était allée l’hiver à Paris ; de temps en temps elle effleurait le monde ; ce qu’elle en voyait servait de thème, et le reste était deviné. » Ou encore : « Je ne sais quoi vous disait que la douce sérénité de son front n’était pas venue de ce monde, mais qu’elle l’avait reçue de Dieu et qu’elle la lui rapporterait fidèlement, malgré les hommes, sans en rien perdre ; et il y avait des moments où l’on se rappelait la ménagère qui, lorsque le vent souffle, met la main devant son flambeau76. » Pour bien apprécier et connaître cette charmante Mme Pierson, il faudrait, après avoir lu la veille les deux premières parties de la Confession, s’arrêter là exactement, et le lendemain matin, au réveil, commencer à la troisième partie, et s’y arrêter juste sans entamer la quatrième : on aurait ainsi une image bien nuancée et distincte dans sa fraîche légèreté. […] Je me figure que si le livre de M. de Musset s’arrêtait à cet endroit, si sa Confession expirait, en quelque sorte, en s’exhalant dans cet hymne triomphal et tendre, il aurait bien plus fait pour le but qu’il semble s’être proposé que par tout ce qu’il a mis ensuite. […] Pourquoi le petit crucifix d’ébène aperçu l’arrête-t-il au moment de frapper ?

25. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Elle anime ses images, elle préside à son harmonie, elle répand la vie et une grâce sublime sur les fonds qui représentent ses idées ; souvent elle donne à son style ce caractère céleste que les artistes grecs donnaient à leurs divinités ; comme l’Apollon du Vatican, comme le Jupiter olympien de Phidias, son expression est grande et calme ; son élévation paraît tranquille comme celle des cieux : on dirait qu’il en a le langage ; son style ne s’élance point, ne s’arrête point ; les idées s’enchaînent aux idées, les mots qui composent les phrases, les phrases qui composent les discours, tout s’attire et se déploie ensemble ; tout se développe avec rapidité et avec mesure, comme une armée bien ordonnée qui n’est ni tumultueuse, ni lente, et dont tous les soldats se meuvent d’un pas égal et harmonieux pour s’avancer au même but. […] Souvenez-vous de vos serments… et prononcez selon ce qui conviendra le plus à votre intérêt et au mien. » Socrate s’arrête… les juges se lèvent pour recueillir les voix, et il est condamné. […] Il s’arrête sur quelque colonne à demi brisée. […] Je me suis arrêté avec plaisir sur ces ouvrages, parce qu’on les cite beaucoup et qu’on les lit peu.

26. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Il sent tous les dangers et toutes les chimères de la prétendue perfectibilité ; il n’est nullement opposé d’ailleurs à ce qu’on appelle lumières : il voudrait les voir s’étendre là seulement où il faut ; et, comme il l’a dit, la question n’est pas de savoir s’il faut tromper les hommes, et à quel point il faut les tromper, « mais seulement à quel point il faut tâcher d’arrêter la curiosité humaine ». […] Pendant qu’Aladin voyage monté sur un coursier, et s’arrête ou se détourne toutes les fois que sa curiosité ou son humanité intéressée le lui suggèrent, il rencontre un autre voyageur monté sur un âne, qui va d’un pas égal, mais qui ne se détourne ni ne s’arrête jamais. […] Dans un autre écrit, M. de Meilhan va même plus loin : il est persuadé que Louis XV, tout amolli et apathique qu’on le connaît, aurait eu plus que Louis XVI l’espèce d’énergie suffisante pour arrêter à temps cette suite d’entreprises et d’insubordinations qui ouvrirent la Révolution française. Il le montre jaloux de son autorité, sentant le danger de la laisser attaquer, et capable, à cette seule idée, de violents mouvements de colère qui avaient des suites ; il cite une lettre vigoureuse de ce roi au duc de Richelieu sur les envahissements de pouvoir du Parlement : Cette lettre, dit-il, doit prouver que Louis XV aurait employé la force pour arrêter, dès les premiers moments, les entreprises des révolutionnaires. […] Le prince de Ligne s’arrête avec complaisance sur cette idée secrète et chère de M. de Meilhan, que celui-ci a manqué sa fortune et sa destinée et qu’il aurait dû être ministre à la place de Necker ou de Calonne : Avec l’air de mépriser tous les détails, les regardant au-dessous de vous, il n’y en avait pas un de votre intendance de Valenciennes qui vous échappât, et vous racontez très plaisamment ce que c’est que de travailler légèrement, quand M. de Calonne écrivait sur le coin de la tablette d’une cheminée sur ce que vous aviez été vingt-quatre heures à penser.

27. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Charcot s’était arrêté au Braidisme j’arrivai jusqu’à la suggestion. […] Nous nous sommes arrêté au cas d’éthylisme chronique qui se déroule, à travers l’Assommoir, justifié en ce choix par l’indication précise de l’auteur même. […] Ça partait toutes les trois ou quatre secondes, roulait un instant ; puis ça s’arrêtait et ça reprenait, juste le petit frisson qui secoue les chiens perdus, quand ils ont froid l’hiver, sous une porte » (p. 555). […] La mort seule avait arrêté les pieds » (p. 565). […] Il s’arrête un instant à l’anthropologie préhistorique, disserte sur les mégalithes, effleure l’anatomie, la physiologie, définit, en passant, l’amour avec des grâces lourdes, parvient à la pathologie et s’y multiplie.

28. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Mais enfin nous ne pouvons-nous arrêter à toutes ces promesses, germes, équivalents de l’éloquence politique. […] Girondins et montagnards Nous n’avons pas à nous arrêter aux défenseurs de l’ancien régime contre lesquels lutta Mirabeau : le cynique et violent Maury, le sincère et mesuré Cazalès629. […] On les arrête en Hollande, et Mirabeau est enfermé à Vincennes (1777-1780). […] Guadet, né en 1755 à Saint-Emilion, avocat à Bordeaux, député de la Gironde à la Législative et à la Convention, fut arrêté à Bordeaux le 29 prairial an II, condamné et exécuté. — Gensonné, né à Bordeaux en 1758, avocat, puis juge à la cour de Cassalion, député de la Gironde à la Législative et à la Convention, fut arrêté et exécuté à Paris en 1793. — Isnard, né à Draguignan entre 1750 et 1760, député du Var à la Législative et à la Convention, se déroba à la chute de son parti, rentra en 1795 à la Convention, fut député aux Cinq-Cents, et applaudit en 1804 à l’Empire : il mourut en 1830. — Barbaroux, né en 1767, député de Marseille à la Convention, décapité en 1794. — Louvet, né à Paris en 1700, publia son Faublas de 1787 à 1790, fut député du Loiret à la Convention, se cacha dans le Jura, et rentra à Paris après le 9 Thermidor ; il fut élu aux Cinq-Cents, et mourut en 1797. — Buzot, né en 1760, député à la Constituante, président au tribunal d’Evreux sous la Législative, député à la Convention, ami de Mme Roland, essaya de soulever la Normandie, passa dans la Gironde, et s’empoisonna. […] Vergoiaud, né à Limoges en 1753, avocat à Bordeaux, député à la Législative et à la Convention, arrêté le 2 juin 1793, guillotiné en octobre.

29. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

On a mainte fois raconté cette fameuse fête donnée à Vaux par Fouquet à Louis XIV le 17 août 1661, et durant laquelle le roi avait résolu d’abord de le faire arrêter, comme si le scandale d’une telle opulence devait étouffer tout respect de l’hospitalité. […] Pendant la journée, Fouquet reçut un petit billet de son amie Mme Du Plessis-Bellière, qui lui apprenait le projet qu’avait eu le roi de le faire arrêter sur les lieux mêmes et séance tenante. […] Pellisson, qui avait été premier commis de Fouquet, et qu’on avait arrêté en même temps que lui, composa à la Bastille et fit paraître, durant le cours du procès, des Mémoires et Discours au roi, dans lesquels il alléguait en faveur du surintendant tout ce qui se pouvait dire de plus ingénieux, de plus élégant, de plus éloquent même, sous la forme académique alors en usage. […] Il fallut donc, avant de songer à l’arrêter, l’amener à se démettre de cette charge de procureur général. […] Mais le plus grand témoignage rendu à Fouquet dans sa disgrâce, fut assurément celui du poète Brébeuf, lequel, dit-on, mourut de chagrin et de déplaisir de le savoir arrêté : voilà une mort qui est à elle seule une oraison funèbre.

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