Telle est pourtant la force des bonnes traditions, que ce fut assez de sa fidélité intelligente à l’art des maîtres, pour lui mener heureusement la main dans quelques odes que l’on peut appeler belles, dans la rareté de celles qui le sont. […] Pourvu que l’auteur évitât ce qu’on appelait les longueurs de l’Iliade et la grossièreté des mœurs homériques, qu’il eût soin de ne pas prendre pour héros un homme pieux comme Énée, ces prétendus défauts de moins lui étaient comptés comme des qualités. […] Pour ceux qui, soit meilleur goût, soit prévention contre le poète, pensaient que la France pouvait attendre encore, et qu’il valait mieux passer pour n’avoir pas la tête épique que de se tenir pour content de la Henriade, à grand’peine s’empêchait-on de les appeler mauvais citoyens. […] Facilité, pétulance, esprit jaillissant et intarissable, art de plaire, flatteries qui ont l’air d’amitiés caressantes, louanges qui demandent du retour, art d’occuper les autres de soi sans les en fatiguer, et d’intéresser leur vanité à sa gloire ; toutes les grâces du langage poli dans la patrie de la société, comme Voltaire appelle Paris : c’est la France elle-même en coquetterie avec toutes les nations civilisées. […] Lebrun, appelé aujourd’hui, par sobriquet, le Pindarique, l’était alors à titre de louange, et pouvait, du consentement de tous, dire de son bonheur en ménage : Le bonheur m’attendait dans les bras de la gloire.
C’est l’ensemble de ces règles que l’on appelle la science. […] Galilée et le Grand-Inquisiteur pouvaient-ils, pour se mettre d’accord, en appeler au témoignage de leurs sens ? […] C’est grâce à ces artifices que par un nominalisme inconscient, les savants ont élevé au-dessus des lois ce qu’ils appellent des principes. […] C’est l’ensemble de ces principes que l’on appelle géométrie. […] Les autres sciences ont également des principes et cela n’empêche pas qu’on doive les appeler expérimentales.
Madame Gros a rassemblé, dans un travail qui nous a été communiqué, les souvenirs les plus originaux de ses chers petits sauvages, comme elle les appelle, leurs bons mots, leurs hauts faits et surtout leurs progrès dans le bien. […] « L’enfant de feu », comme l’appelle madame Gros, était dans l’école un véritable fléau, par l’abus qu’il faisait de sa force sur ses camarades. […] Il paraît que, pendant que madame Gros raconte ses histoires à ceux qu’elle appelle ses « brigands du dimanche », son auditoire est tout oreilles. […] Maintenant la bénédiction de Dieu est sur moi. » Dans la clientèle de madame Gros, il y une catégorie que madame Gros appelle, on ne voit pas bien pourquoi, la « série des Mongols ». […] Dans son petit budget, il y avait tous les ans une réserve pour être adressée (c’était sa joie) à la bonne tante Albert, comme elle l’appelait, depuis qu’elle savait que la vieille nourrice n’était pas sa mère… Pauvre fille !
L’Initié de Déméter fut aussi, par excellence, « un homme de Bacchus » comme on appelait les poètes du théâtre. […] Il y était appelé par Hiéron, un de ces rois de Syracuse qu’on prendrait pour les précurseurs des princes italiens de la Renaissance. […] De même, Hiéron était un tyran cruel et rapace, mais aussi un protecteur magnifique des muses, tenant cour ouverte aux poètes qu’il appelait de tous les points de l’Hellade. […] Niobé, « la couveuse de tombeaux », comme il l’appelait, restait assise sur le sépulcre de ses enfants, enveloppée d’un voile qui la couvrait de la tête aux pieds. […] Il appelle la poussière « sœur altérée de la boue », ou « messager muet de l’armée » ; la fumée, « sœur chatoyante du feu ».
Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. […] Elle s’appelle la Surintendante de ses plaisirs, et se plaint que la charge, entre ses mains dépérit. […] Si vous voulez la laisser au monde, elle vous assure sans hypocrisie qu’elle retrouvera pour lui encore plus de temps qu’il ne lui en faut ; elle ne voit après tout que les cabales (elle appelait ainsi sa coterie familière, Mme de Dangeau, Mme d’O, etc. […] Que ce fût un petit mouvement du cœur ou seulement un goût vif de l’esprit, elle avait pour cette nièce-là un faible qu’elle n’avait pour aucune autre ; elle l’appelait sa vraie nièce, et, surtout depuis la mort de Louis XIV, on la voit se porter vers elle avec une solide amitié. […] Mme des Ursins avait toujours pris parti pour Mme de Caylus, pour cette jolie amie qu’elle appelle « une des plus charmantes personnes du monde ».
Michelet l’a appelé un polisson de génie ; je crois que c’est bien assez, quand on a lu son Discours de la lanterne et ses Révolutions de France et de Brabant, de l’appeler un polisson de verve et de talent. […] Je consultai ensuite mes amis, et leur demandai si je devais lui répondre pour confondre ses inepties, le faire rougir de son insigne mauvaise foi, et détruire, autant que je pourrais, le venin dont son nouvel écrit est rempli : ils m’observèrent tout d’une voix que lorsqu’un auteur tronque ou falsifie tout ce qu’il cite, en dénature le sens, vous prête des intentions qu’il est évident que vous n’avez point eues, un homme d’honneur ne doit point lui répondre, parce qu’il est au-dessous d’un homme d’honneur de prendre la plume contre un homme à qui l’on ne peut répondre que par des démentis ; que vouloir le faire rougir est une entreprise folle qui passe tout pouvoir humain ; que détruire ses discours, est inutile, parce que cet homme est trop connu pour être dangereux ; que, même dans ce qu’il appelle son parti, il ne passe que pour un bouffon, quelquefois assez divertissant, et qu’il serait difficilement méprisé par personne plus qu’il ne l’est par ses amis, car ses amis le connaissent mieux que personne. […] Dans son Brissot démasqué, surtout dans son Histoire des Brissotins, il accuse toute la Gironde ; il s’attache à démontrer en ceux qu’il appelle injurieusement Brissotins, des conspirateurs, des royalistes, des instruments d’intrigue et de vénalité. […] Pour faire passer sa modération nouvelle, Camille sent le besoin de la déguiser plus que jamais en bonnet rouge ; il n’a même pas de honte de la mettre sous l’abri de Marat, qu’il ose appeler divin. […] Ouvrez les prisons à ces feux cent mille citoyens que vous appelez suspects… De tels cris rachètent beaucoup, surtout quand on les profère tout haut et tout seul, au milieu de cette insensibilité stupide de la foule et de cette sécurité dénaturée qu’il flétrit énergiquement et par un mot, cette fois, vraiment digne de Tacite.
Mais les filles de sa suite découvrent une folle enfermée dans un cachot : vite elles appellent Mademoiselle pour la divertir du spectacle de ses extravagances : « Je pris ma course vers ce cachot, dit-elle, et n’en sortis que pour souper. » Le second jour, l’abbesse, voyant qu’elle y avait pris goût, la régala d’une seconde folle : « Comme il n’y en avait plus pour un autre jour, ajoute-t-elle plaisamment, l’ennui me prit ; je m’en allai malgré les instances de ma tantej. » C’est de ce ton que les misères humaines sont traitées, et de la part de quelqu’un qui avait de la bonté au fond, mais personne, encore une fois, pour l’éclairer et l’avertir. […] Celle qui s’appelait Mademoiselle par excellence ne pouvait se décider à cesser de l’être, et cela dura jusqu’au moment où la nature tant ajournée reprit ses droits et parla une fois pour toutes à son cœur. […] Son père se défiait d’elle et de sa raison : « Cette chevalerie serait bien ridicule, disait-il le jour où elle partit, si le bon sens de Mmes de Fiesque et de Frontenac ne la soutenait. » C’étaient les deux dames qui accompagnaient Mademoiselle, et qu’on appela, moitié courtoisie et moitié raillerie, ses maréchales de camp. […] On appellera cela comme on voudra ; pour moi, j’appelle cela suivre mon inclination et aller mon chemin ; je suis née à n’en pas prendre d’autres. […] Elle montre que, comme il est difficile de supprimer tout à fait la galanterie et l’amour, le mieux peut-être serait encore d’en revenir à cette erreur si commune qu’une vieille coutume a rendue légitime, et qui s’appelle mariage.