Et enfin, répandant sur tout le drame les reflets de sa pénétrante sagesse et de sa plus touchante pitié, et y éteignant toute cette vie qui y pétille et brûle pour la rendre plus douce à la Mort, — à la Mort qui va venir tout à l’heure, — il y a un des personnages les plus délicieusement nuancés de tout le théâtre de Shakespeare, le frère Laurence, l’aimable prêtre, la bonté de Dieu dans un homme, ce rôle savamment composé que s’était réservé Shakespeare, quand il jouait, ce délicat Shakespeare, ce grand acteur exquis, à la voix de médium veloutée et à la physionomie « purement humaine », comme l’a très bien remarqué Tieck ; — car rien d’animal ou d’inférieur ne pourrait tacher, même une minute, en y passant, la calme splendeur de l’angle facial de Shakespeare !
Darwin a tracé une peinture saisissante des réactions consécutives à une douleur de plus en plus aiguë : « Elle pousse l’animal à exécuter les efforts les plus violents et les plus variés pour échapper à la cause qui la produit… Dans la souffrance intense, la bouche se contracte fortement, les lèvres se crispent, les dents se serrent.
La réparation de dessous le nez lui paraissait besogne misérable d’entretien animal, et il envoyait la fourchette voisiner, dans le secret du cabinet de toilette, avec la brosse à dents… Depuis, il s’en est pris à l’amour. […] Certes, un sens moral s’en dégage, mais la matière morale n’y a été incorporée qu’une fois assimilée par l’art, comme un animal n’incorpore qu’assimilées par le végétal les substances chimiques dont il vit. […] Le style c’est l’homme, non l’animal, c’est l’homme non seulement en tant que sensibilité, mais en tant que contre-sensibilité, c’est-à-dire en tant qu’intelligence et que volonté. […] Il se sert du premier et pour terminer une énumération, toutes les fois que l’énumération est donnée comme complète, ne l’emploie pas quand elle est indéterminée ou incomplète, et il fait là comme tout le monde : « Il contenait des écuries pour trois cents éléphants, avec des magasins pour leurs caparaçons, leurs entraves et leur nourriture, puis d’autres écuries pour quatre mille chevaux avec les provisions d’orge et les harnachements, et des casernes pour vingt mille soldats avec les armures et tout le matériel de guerre. » Mais : « Des arborescences, des monticules, des tourbillons, de vagues animaux, se dessinaient dans leur épaisseur diaphane. » Je prends ici deux phrases limites, qui se passent de commentaires, mais il est bien évident que Flaubert a plus souvent à faire des énumérations évocatoires du second genre que des énumérations inventaires du premier.
L’animal, naturellement tendre, se trouva cuit à point. […] Combien un tel livre laisse derrière lui ceux qui ne vivent que par l’imagination, et quelle littérature, quelle éloquence d’artiste consommé vaudra jamais le cri chaud et vivant poussé par l’homme, l’animal blessé ! […] » Vient une page intéressante pour la Société protectrice des animaux, où il est dit que sous la Terreur un juré proposa, en pleine audience, de mettre un chien en jugement parce qu’il allait chaque jour pleurer son maître sur la place de la Révolution, au pied de l’échafaud où il avait péri.
L’auteur de l’Oiseau, de l’Insecte, ne pouvait rester indifférent à la vie animale d’une parenté quelquefois mystérieuse avec l’existence humaine. […] L’esprit ingénieux et compatissant de Michelet en tire une comparaison rapide avec le sort des pauvres gens du pays (p. 57-58) : « Tel l’animal et tel l’homme. […] Pour tant d’animaux vils, d’idiots et de nains, Pour tant d’avortements et d’œuvres imparfaites, Tant de monstres impurs échappés de tes mains, Nature, tu nous dois encore bien des poètes.
Lorsque Rousseau écrit : « … L’état de réflexion est un état contre nature, et l’homme qui médite est un animal dépravé », il a bien la figure (si l’on ose dire) du renard à la queue coupée. […] Il est vrai que Michelet conclut pour la centralisation et le déracinement, parce que l’esprit l’emporte sur la matière et la liberté sur les fatalités naturelles ; parce que c’est pour les barbares que rien n’existe que de local et de matériel ; parce que le mollusque aussi a une vie locale bien autonome, tandis qu’à mesure qu’un animal monte dans l’échelle des êtres, la centralisation devient chez lui plus complète. […] Tout ce que le chimiste peut faire, c’est de les extraire des végétaux ou des cadavres des animaux. […] Berthelot, qui constatait le progrès depuis les origines de l’espèce, comme un fait d’expérience, ne se portait pas garant que ce progrès dût être indéfini ; il admettait que les sociétés humaines pourraient atteindre un maximum indépassable, comme les sociétés animales, et ne le fixait même pas très haut.
C’est aussi que Cybèle, Diane et Minerve sont vierges, et aussi les neuf Muses, et pareillement les dix Sibylles ; et, parmi les animaux, la licorne. […] … Quelle différence seroit entre la personne et les animaux, n’étoit l’instruction ? […] Les plus beaux sont de La Bruyère : « Il faut des saisies de terre », etc… « Il y a des misères qui saisissent le cœur », etc… « L’on voit certains animaux farouches », etc… « Petits hommes, hauts de six pieds », etc… « Faut-il opter ? […] Car sa voix a été presque aussitôt couverte par des rires, des cris d’animaux, un tapage, un « boucan » le plus inconvenant du monde.