. — Poèmes anciens et romanesques (1890). — Épisodes, sites et sonnets (1891). — Tel qu’en songe (1892). — Contes à soi-même (1893). — Le Bosquet de Psyché (1894) […] Camille Mauclair À Pise, au Campo-Santo, attardé devant les fresques de Benozzo Gozzoli, si Shelley avait pu lire, au retour, les Poèmes anciens et romanesques, Tel qu’en songe ou les Contes à soi-même, il eût cru retrouver sa propre vision écrite là dans une nuit d’inconscience ; car, si le poète dont je parle présentement a, seul et sans effort dans notre époque d’art, recréé les grandes traditions décoratives de la pure beauté florentine, il n’y enclot pas une beauté froide, mais la souffrance passionnée de son âme d’outremer. […] Il en est de la composition comme du rythme : moins amples, ce sont déjà les allégories des Poèmes anciens et romanesques, de Tel qu’en songe et de l’Homme et la Sirène, et, à côté, les élégies, modulées à mi-voix, qui alternent en strophes plus mystérieuses avec les grands poèmes. […] Quand on a écrit les Poèmes anciens et romanesques, la Gardienne et ce livre : Aréthuse, beau tout entier, quand on a écrit le Vase, les Roseaux de la flûte et cette pièce : La Couronne, dans les Médailles d’argile, quand on a dressé tant de beautés souples, harmonieuses et mélancoliques, on est un grand poète ; et que d’aucuns le nient ou bien le reconnaissent, cela n’importe pas.
L’idée du droit s’est dissociée en deux idées secondaires : l’une, l’idée ancienne, celle du droit social, consigné dans les codes, garanti par la contrainte légale ; et l’autre, l’idée nouvelle, celle du droit individuel, du droit considéré comme un fait de conscience, une idée, une force intérieure qui pousse l’individu à soutenir certaines prétentions, à revendiquer certains avantages comme lui étant dus soit par ses semblables pris isolément, soit par l’ensemble de la société. […] Dans l’ancienne conception du droit, l’idée de l’institution sociale prime, domine et écrase l’individu de toute sa hauteur. […] Et il y a un autre individualisme, positif celui-là et évolutif, qui oppose à l’ancienne conception dogmatique et autoritaire du droit, une conception plus large, plus souple ; qui adapte le droit à la diversité des individus et des cas particuliers, au lieu de plier la diversité des individus et des actes humains à la règle inflexible du droit. […] En tous cas, le droit nouveau, en tant qu’il reflète les mœurs nouvelles, ne fait comme le droit ancien, qu’affirmer la suprématie de la volonté sociale sur la volonté individuelle.
Tacite nous apprend qu’il n’y avait point de testament chez les anciens Germains. […] Le droit de cité ne s’était donné dans les temps anciens qu’à d’illustres étrangers qui avaient bien mérité du peuple romain ; ils l’accordèrent à quiconque était né à Rome d’un père esclave, mais d’une mère libre, ne le fût-elle que par affranchissement. […] Toutefois dans cette confusion, ils rencontrent par hasard une vérité, c’est que plusieurs coutumes anciennes des Romains reçurent le caractère de lois dans les deux dernières tables ; ce qui montre bien que Rome fut dans les premiers siècles une aristocratie. […] Ces lois doivent avoir été postérieures aux décemvirs, auxquels les anciens peuples les ont rapportées, comme au type idéal du législateur.
Mais ces matériaux, peut-on lui répondre, étaient tellement sous la main et de telle qualité, et si appropriés au dessein une fois conçu, ils étaient d’une nature si vive, si combustible, qu’ils donnaient terriblement envie sinon de bâtir une nouvelle maison, du moins de commencer par brûler l’ancienne. […] Ce même homme qui vient de nous dire que la Révolution a été purement accidentelle dans son explosion, reconnaît qu’une fois enfantée, elle ouvre une ère entièrement nouvelle : La Révolution deviendra une époque nationale, comme la captivité de Babylone chez les juifs, et l’an de l’Hégire chez les arabes et les Turcs ; et une infinité de familles dateront de ce temps une illustration méritée par des services éclatants, ou un attachement héroïque à la monarchie, qui les rapprocheront des anciennes maisons. L’émigré paye sa dette à son opinion en mettant là l’ancienne monarchie ; mais pour tout le reste, comme il sent qu’on a rompu à jamais avec tout un passé, et qu’on est entré sous l’invocation des tempêtes dans un océan nouveau ! […] Ces recommandations d’un père philosophe dans une Révolution m’en ont rappelé d’autres d’un très ancien poète grec, Théognis, qui avait assisté également à des révolutions politiques, et subi des confiscations, des exils : « Ô misérable pauvreté, s’écrie Théognis, pourquoi à cheval sur mes épaules déshonores-tu mon corps et ma pensée ? […] Dans tous les cas, nous avons rafraîchi par des impressions nouvelles et bien nettes l’ancienne connaissance que nous avions de lui.
Trois siècles et demi après, l’autre Bacon ne fera que le répéter, lorsqu’il dira dans un autre aphorisme mémorable : « Antiquitas sæculi, juventus mundi ; ceux qu’on appelle les anciens sont de fait les plus jeunes ». […] Mais nous, préoccupés de je ne sais quelles idées traditionnelles que nous éternisons, nous ne raisonnons plus comme ces Anciens que nous invoquons toujours. […] C’est l’esprit et la manière de raisonner des anciens architectes, non la lettre et la forme qu’il faut prendre. […] Viollet, c’est d’abord qu’on ne prenne pas l’antique pour le transporter, tel quel, chez nous, sans motif, sans égard à tout ce qui diffère profondément entre des sociétés si dissemblables ; et de notre passé à nous, de notre ancienne architecture nationale, il veut qu’on n’en prenne que ce qui s’applique à nos mœurs actuelles, à notre objet, aux matériaux dont nous nous servons, et surtout qu’on s’inspire du bon sens extraordinaire dont ces vieux architectes du XIIIe siècle ont fait preuve. […] Le Roux de Lincy avait donné des extraits dans ses Femmes célèbres de l’ancienne France, a été intégralement publié par M.
Si en lisant la Relation de Jean-Bon on ne savait d’avance qui l’a écrite et qu’elle est de l’ancien conventionnel, on ne s’en douterait pas, tant les souvenirs et le ton de cette époque antérieure y sont étrangers et y ont laissé peu de trace ! […] Le consul de France avait compté qu’on le traiterait sur le pied des anciens ambassadeurs en disgrâce ; il se méprenait de beaucoup. […] Lui-même, Jean-Bon, est destiné avec quelques-uns de ses compagnons désignés au hasard pour être relégué au dernier et au plus éloigné de ces lieux de détention et d’exil, à Kérasonde, l’ancienne Cérasus, d’où Lucullus envoya en Europe l’arbre du cerisier, mais qui, malgré ce souvenir aimable, n’était plus qu’une résidence misérable, et pour tout dire, immonde. […] c’est par là qu’il rentre en lui-même et qu’il se bonifie, qu’il redevient compatissant : Non ignara mali… Très certainement l’ancien Jacobin, sans le dire, dut faire quelques retours sur lui-même et sur son passé, et je ne doute pas qu’il n’en ait fait. […] La vigueur, pourtant, de l’ancien membre et délégué de la Convention se trahissait-elle encore parfois et se laissait-elle deviner ?
Tantôt même ce sont des ouvrages à part, et vraiment considérables, dans lesquels le critique essaye de reprendre et de résumer avec étendue, de fixer et d’approfondir sur un point les études jusque-là plus vagues, qui l’ont pourtant occupé de préférence ; tantôt, ce sont tout simplement d’anciens morceaux, déjà publiés en divers lieux, qu’on rassemble avec ordre, avec suite, en les revoyant pour la correction, mais en leur conservant leur premier caractère. […] Magnin, qui a dès longtemps entrepris dans ses Origines du théâtre moderne un ouvrage d’importance et de longue haleine ; mais il s’est accordé comme diversion et intermède et il nous fait le plaisir de publier un recueil d’anciens articles très-goûtés en temps et lieu lorsqu’ils parurent, et très-dignes de réclamer cette seconde lecture qui, seule, vérifie les bonnes pages. […] L’ancien répertoire, Racine en tête, a fait sa rentrée par mademoiselle Rachel : ç’a été toute une restauration. […] L’ancienne critique, à voir paraître cet adversaire inattendu, ne pouvait méconnaître ni son propre costume, ni ses formes mêmes, en ce qu’elles avaient de net, de judicieux et d’excellent ; elle s’étonnait d’autant plus des conséquences : Miraturque novas frondes et non sua poma. […] Magnin, et de ne pas reconnaître avec émotion et sourire tout ce que lui doivent de gratitude d’anciens essais pris d’abord en main par lui et proposés du premier jour à l’indulgence.