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28. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

On ne croyait plus son cœur, mais l’analyse ; au lieu de sentiments, on avait des raisonnements. […] On était allé jusqu’au bout de l’analyse, de la défiance et de la critique. […] S’ils avaient perdu les habitudes d’analyse, ils avaient gardé la passion de la métaphysique ; ils étaient à la fois sentimentaux et systématiques, et demandaient des théories à leur cœur. […] L’analyse systématique et universelle, inconnue à Voltaire, a changé la foule éparse des événements en un corps de lois fixes, et M.  […] Royer-Collard avaient plu, par transition, au sortir des analyses prudentes de M. 

29. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Edmond et Jules de Goncourt n’est rien de plus qu’une analyse. […] Le Réalisme et le Naturalisme ne seraient donc, en fin de compte, que l’analyse cruelle de MM. de Goncourt et Zola. […] Une analyse seulement ? Mais pourquoi cette analyse est-elle cruelle ? […] Zola tiennent leur analyse pour bien faite, puisque, pour eux, leur analyse seule a créé cette littérature nouvelle qu’ils s’imaginent avoir inventée.

30. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Ce minutieux détaillement descriptif des choses et des personnes, appliqué à la représentation d’un état d’âme, devient la plus subtile analyse. […] Cet exemple d’analyse est un indice. […] Cette analyse de soi-même en des parties douloureuses ne dégénère jamais en confession ou en étalage. […] L’originalité et l’horreur dans l’imagination de Poe, son amour de l’artifice dans le style, les plans, la brièveté, l’analyse, sont irréductibles. […]Analyse spéciale).

31. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Il est donc nécessaire de ne pas s’en tenir à une analyse psychologique ou même physiologique fondée sur une analyse littéraire, si rigoureusement que puissent être opérées l’une et l’autre. […] On soumet tout cela à une analyse rigoureuse, comme on a fait pour l’œuvre même. […] Sans insister sur les précautions qu’il convient de prendre, disons que la formule cherchée, pour être complète et féconde, doit répondre à cette définition 16 : « L’analyse d’un caractère, si elle est bien faite, donne un air de nécessité à tous les actes d’un homme. » § 3. — On inaugure en ce moment en France un troisième procédé d’étude qui consiste à déterminer directement les facultés, les habitudes, les particularités d’un individu. […] L’enquête est multiple, poursuivie durant des mois et des années, compliquée d’analyses et de vérifications nécessaires. […] Tantôt celle que fournit la biographie confirme et complète celle où aboutit l’analyse de l’œuvre.

32. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Il ne faut pas oublier que les lois de l’esprit peuvent être des lois dérivées des lois de la vie animale, et que par conséquent elles peuvent dépendre en dernière analyse des conditions physiques... Mais, d’un autre côté, je regarde comme une erreur tout aussi grande en principe, et plus sérieuse encore en pratique, le parti pris de s’interdire les ressources de l’analyse psychologique, et d’édifier ainsi la théorie de l’esprit sur les seules données que la physiologie peut actuellement fournir. […] Stuart Mill demande d’ailleurs qu’on soit exigeant relativement aux explications fondées sur l’association : il ne faut pas se borner à des semblants d’analyse. […] En résumé, deux sortes d’investigations tout aussi nécessaires pour l’étude des phénomènes de l’esprit que pour celle des phénomènes matériels : la première, dont la généralisation de Newton est le type le plus parfait, ramène les faits à des lois et celles-ci à d’autres lois plus générales ; la seconde, dont l’analyse chimique est le type, s’applique non aux successions de phénomènes, mais aux phénomènes complexes eux-mêmes, et les résout en éléments simples, comme cela se fait en chimie pour tout corps composé. La première analyse les lois en lois plus simples, la seconde analyse les substances en substances plus simples77.

33. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Tous les théorèmes s’y démontrent par analyse, par l’analyse des termes des définitions. […] Cette double propriété étant incluse dans la définition, on l’en extrait par analyse et on a le premier des intermédiaires cherchés. — On l’analyse, et, en se reportant aux propriétés des parallèles, on découvre que, si l’on trace la diagonale AC, l’angle BAC et l’angle ACD, l’angle DAC et l’angle BCA sont égaux deux à deux comme alternes internes ; ce qui donne un second intermédiaire. […] Il est une portion de la géométrie qui fait ainsi l’analyse d’une ligne ou d’une surface et qui, la décomposant en ses éléments, dégage en eux un caractère algébrique commun à tous ; cette science s’appelle géométrie analytique. […] Il est donc probable que ce grand axiome a la même nature que les autres, et que, comme les autres, l’analyse va suffire à le démontrer. […] De cette façon, le raisonnement devient une analyse et non un jeu logique comme le syllogisme ordinaire.

34. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Au milieu des intérêts haletants de ce pays de la matière, Poe, ce Robinson de la poésie, perdu, naufragé dans ce vaste désert d’hommes, rêvait éveillé, tout en délibérant sur la dose d’opium à prendre pour avoir au moins de vrais rêves, d’honnêtes mensonges, une supportable irréalité ; et toute l’énergie de son talent, comme sa vie, s’absorba dans une analyse enragée, et qu’il recommençait toujours, des tortures de sa solitude. […] Ce procédé d’Edgar Poe est l’analyse, que jamais personne peut-être ne mania comme lui. […] Mais pour le faire, ce drame, pour grossir cet atome en le décomposant, il se sert d’une analyse inouïe et qu’il pousse à la fatigue suprême, à l’aide d’on ne sait quel prodigieux microscope, sur la pulpe même du cerveau. […] Il établit le tour du cadran de l’analyse sur le pivot de son mouvement interne. […] Il y aurait quelque chose de plus à faire que ses Contes, ce serait sa propre analyse, mais pour cela, il faudrait son genre de talent… Quand on résume cette curieuse et excentrique individualité littéraire, ce fantastique, en ronde bosse, de la réalité cruelle, près duquel Hoffmann n’est que la silhouette vague de la fumée d’une pipe sur un mur de tabagie, il est évident qu’Edgar Poe a le spleen dans des proportions désespérées, et qu’il en décrit férocement les phases, la montre à la main, dans des romans qui sont son histoire.

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