Toute sa personne avait de la roideure, de l’audace, un air de décision et de certitude auquel il manqua toujours quelque chose pour être de l’autorité entière et véritable. […] Dans le monde on pouvait sourire quand on le voyait arriver d’un air de conquête, « bien poudré, en habit de velours noir, avec sa veste dorée et ses manchettes de filet brodé », dans sa double coquetterie d’homme galant et de bel esprit, comme il était enfin quand il allait faire une de ces cent lectures de son drame de Mélanie, pour lesquelles on se l’arrachait. […] Sur cette prétention que témoignait La Harpe d’être haï d’une foule de personnes, on faisait, dans l’une de ces deux lettres, cette remarque assez spirituelle : Un jeune petit maître se vante par air d’être aimé de beaucoup de femmes ; les jeunes poètes ont la même vanité, ils se supposent beaucoup d’ennemis. […] Je dis cela de tous les ouvrages de La Harpe en vers, soit qu’ils s’intitulent Warwick ou Mélanie, soit même qu’ils aient, comme dans Philoctète, une intention de goût plus sévère, mais à laquelle la vraie simplicité savante a manqué ; soit que l’auteur se joue d’un air plus léger, et qui vise au gracieux, dans des poèmes tels que Tangu et Félime, genre de poésie dans lequel Voltaire est à la fois, chez nous, le seul maître et le seul supportable ; car on ne peut lire que lui.
Saint-Simon, qui nous l’a peinte à ravir dans sa première forme, nous la montre encore dans le plein de sa beauté et dans la grandeur de sa représentation, qu’elle sut soutenir à travers toutes les fortunes : C’était une femme plutôt grande que petite, brune avec des yeux bleus qui disaient sans cesse tout ce qui lui plaisait, avec une taille parfaite, une belle gorge, et un visage qui, sans beauté, était charmant ; l’air extrêmement noble, quelque chose de majestueux en tout son maintien, et des grâces si naturelles et si continuelles en tout, jusque dans les choses les plus petites et les plus indifférentes, que je n’ai jamais vu personne en approcher, soit dans le corps, soit dans l’esprit, dont elle avait infiniment et de toutes les sortes ; flatteuse, caressante, insinuante, mesurée, voulant plaire pour plaire, et avec des charmes dont il n’était pas possible de se défendre quand elle voulait gagner et séduire ; avec cela un air qui, avec de la grandeur, attirait au lieu d’effaroucher ; une conversation délicieuse, intarissable, et d’ailleurs fort amusante par tout ce qu’elle avait vu et connu de pays et de personnes ; une voix et un parler extrêmement agréables, avec un air de douceur ; elle avait aussi beaucoup lu, et elle était personne à beaucoup de réflexion. […] Il s’était attendu, d’après tous les rapports, à trouver dans Mme des Ursins une femme de la Fronde, qui venait trop tard : au lieu de cela, il trouvait quelqu’un qui avait peu à faire pour être naturellement une personne d’autorité et de gouvernement, et qui ne cessait pas d’être de la plus agréable société dans le plus grand air.
Ce sont de ces mots qui peignent, qui sont pris à la source même, et qui sont agréables par un certain faux air de double sens, mais qui ne nuit pas à la clarté. […] Elle a toujours cru que les ressources étaient plus grandes qu’on ne disait, si les hommes ne se décourageaient pas ; elle ne conçoit rien à ces généraux (comme Tessé) qui se méfient d’eux-mêmes et qui ont toujours l’air de compter d’avance sur une défaite. […] Elle s’attache de bonne heure à Villars et semble deviner que ce général qu’on appelle fou sera en définitive le sauveur : « Car il y a trop de sages, dit-elle, ou au moins trop de gens qui croient l’être quand ils ne hasardent rien ; et je suis persuadée qu’il faut quelquefois laisser les choses au hasard, pourvu qu’on ne les pousse pas jusqu’à une témérité qui n’appartient qu’aux héros de romans. » Ce dernier défaut, elle le sent bien, serait volontiers celui de Villars ; elle le lui pardonne pourtant au milieu de l’abaissement trop universel : « Ce maréchal de Villars parle et agit, dit-elle, comme ces héros de romans qui croient porter la victoire partout où ils vont : j’aime assez ces airs-là présentement, si opposés à ceux qui nous ont jetés si près du précipice. » L’héroïque défense du maréchal de Boufflers dans Lille la transporte et tire d’elle de nobles accents : L’exemple que ce maréchal a donné en défendant Lille comme il l’a fait devrait bien causer de l’émulation et de la honte en même temps, si l’on compte encore pour quelque chose l’honneur. […] L’ironie se montre plus fréquente chez Mme des Ursins à travers tous les compliments et les politesses, et l’aigreur piquante se glisse sous la plume de Mme de Maintenon : « Le roi et la reine d’Espagne ont bien des raisons de vous aimer, madame ; la passion que vous avez pour eux vous fait cesser d’être Française. » Et encore : « Consolez-vous, madame, il n’y a nulle apparence de paix. » En ces moments, Mme de Maintenon (on la voit d’ici) se tire et se fronce ; elle prend un air mortifié et de victime : « Je suis accoutumée, dit-elle, à vivre de poison. » Elle en laisse distiller des gouttes ; chaque trait pique.
De là cette loi : Si toute représentation tend à s’agréger avec les représentations semblables, c’est en vertu de l’identité structurale de leur siège dans le cerveau, ou en vertu de la connexion établie entre deux centres différents ; cette connexion suppose une communication et un trajet commun entre les deux centres, par exemple l’Opéra de Paris et un air des Huguenots que j’y ai entendu. […] Cette série de classifications, quand quelque autre série de causes ne l’entrave pas, est immédiate, aussi involontaire que la propagation d’un ébranlement à la masse de l’air ou de l’eau. […] Il m’est plus facile de me rappeler un paysage en écoutant un air de musique que de me rappeler un autre air de musique, surtout si les sons de l’orchestre ont de la force.
La poésie comme la science a une racine abstraite ; la science sort de là chef-d’œuvre de métal, de bois, de feu ou d’air, machine, navire, locomotive, aéroscaphe ; la poésie sort de là chef-d’œuvre de chair et d’os, Iliade, Cantique des Cantiques, Romancero, Divine Comédie, Macbeth. […] Il savait d’innombrables choses, entre autres celles-ci : — La terre est plate. — L’univers est rond et fini. — La meilleure nourriture pour l’homme est la chair humaine. — La communauté des femmes est la base de l’ordre social. — Le père doit épouser sa fille. — Il y a un mot qui tue le serpent, un mot qui apprivoise l’ours, un mot qui arrête court les aigles, et un mot qui chasse les bœufs des champs de fèves. — En prononçant d’heure en heure les trois noms de la trinité égyptienne, Amon-Mouth-Khons, Andron d’Argos a pu traverser les sables de Libye sans boire. — On ne doit point fabriquer les cercueils en cyprès, le sceptre de Jupiter étant fait de ce bois. — Thémistoclée, prêtresse de Delphes, a eu des enfants et est restée vierge. — Les justes ayant seuls l’autorité de jurer, c’est par équité qu’on donne à Jupiter le nom de Jureur. — Le phénix d’Arabie et les tignes vivent dans le feu. — La terre est portée par l’air comme par un char. — Le soleil boit dans l’océan et la lune boit dans les rivières. — Etc. — C’est pourquoi les athéniens lui élevèrent une statue sur la place Céramique, avec cette inscription : À Chrysippe, qui savait tout. […] Et Aristote croyait au fait d’Andron d’Argos, et Platon croyait au principe social de la communauté des femmes, et Gorgisippe croyait au fait de la terre plate, et Épicure croyait au fait de la terre portée par l’air, et Hermodamante croyait au fait des paroles magiques maîtresses du bœuf, de l’aigle, de l’ours et du serpent, et Echécrate croyait au fait de la maternité immaculée de Thémistoclée, et Pythagore croyait au fait du sceptre en bois de cyprès de Jupiter, et Posidonius croyait au fait de l’océan donnant à boire au soleil et des rivières donnant à boire à la lune, et Pyrrhon croyait au fait des tignes vivant dans le feu. […] Je me souviens qu’étant adolescent, un jour, à Romorantin, dans une masure que nous avions, sous une treille verte pénétrée d’air et de lumière, j’avisai sur une planche un livre, le seul livre qu’il y eût dans la maison, Lucrèce, de Rerum Natura.
Les antiquaires prétendent que c’est la destinée de toutes les peintures anciennes, qui durant un grand nombre d’années ont été enterrées en des lieux si bien étouffez, que l’air exterieur ait été long-temps sans pouvoir agir sur elles. Cet air exterieur les détruit aussitôt qu’elles redeviennent exposées à son action, au lieu qu’il n’endommage les peintures enterrées en des lieux où il avoit conservé un libre accès, que comme il endommage tous les tableaux peints à fresque. […] L’air exterieur s’étoit conservé un libre accès dans les tombeaux dont elles ornoient les murailles ; mais par la faute du proprietaire elles ne subsisterent pas long-temps. […] Quoique son air de tête soit naïf, quoique son maintien paroisse ingénu, on devine à son sourire malin, qui n’est pas entierement formé, parce que le respect le contraint, comme au mouvement de ses yeux sensiblement gêné, que cet enfant veut paroître vrai, mais qu’il n’est pas sincere.
Mais il l’a si traîtreusement déformé, il l’a tant et tant de fois jeté en l’air, que le sombrero en est tout grotesquement bossué ; il a roulé à l’entour tant de rubans ridicules, il en a tourmenté les bords d’une telle façon, que le grave couvre-chef du conspirateur est devenu un chapeau d’arlequin. […] Sur l’un des tabourets, un jeune homme fume invariablement dans une pipe de porcelaine auprès d’une jeune fille qui égrène, grain à grain et d’un air distrait, le chapelet du sentiment. […] Un barbarisme contemporain qui veut dire… Si vous voulez des renseignements précis, allons ensemble à Cette échoppe aux vitres poussiéreuses qui se dresse là-bas avec de faux airs de temple. […] Assis, l’été, sous la tonnelle, Nous boirons encor ce vin clair Où ta chanson mouillait son aile Avant de s’envoler dans l’air !