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45. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Rencontrée à Lintz, aimée et enlevée de son gré par M. […] Un singulier intérêt s’y mêlait pour Christel : évidemment ce jeune homme aimait, il était aimé. […] Ainsi chacun aime d’un amour souverain et parfait, s’il aime vraiment. […] Comme si, pour être aimé, il était besoin de mériter ! […] Elle avait fait semblant de l’aimer un peu, ou elle l’avait cru.

46. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Elle se donne à lui ; ils s’aiment avec une sombre fureur. […] Dès lors, hanté d’une image qui le torture et l’affole, il repousse celle qu’il aime (puisque cela s’appelle aimer). […] Ou plutôt, on ne fait rien de mal quand on aime seulement. […] je vous aime !  […] Est-ce qu’on possède jamais ce qu’on aime ? 

47. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Madame Geoffrin était la femme la plus équilibrée qui fut jamais, — normalement, la plus incapable de passion et même de caprice, la moins apte à se faire une illusion quelconque sur quoi que ce soit ; et si elle n’avait pas aimé les arts et les artistes (mais elle les aimait !) […] pour n’avoir pas à reconnaître, en Madame Geoffrin, de l’amour, M. de Mouy aime mieux l’accuser d’amour-propre. […] elle aima, cela est certain et ressort et jaillit pour moi de toutes les lettres de la Correspondance que voici ; mais son amour ne fut pas plus fort que sa raison, restée imperturbablement la maîtresse de son logis et la faiseuse de son ménage ; et si cet amour, qui lui vint tard, fut fou, — car tout amour est fou, — ses folies ne dépassèrent point les limites de son pauvre cœur, résolu à être aussi sage que sa tête, mais qui ne le fut pas toujours… Elle aima, tout l’atteste. […] au lieu de cacher, il montrait… Ressource, du reste, de toutes les femmes qui aiment trop loin d’elles dans la vie ! […] On n’aime jamais qu’une femme entre toutes les femmes qu’on croit le plus aimer, et Catherine fut cette femme-là pour Poniatowski.

48. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Mais il l’aime. […] Ou bien, ceux qui n’aiment pas avant aiment après, et c’est pire. […] Enfin, parce que je suis une comédienne ; je suis incapable d’aimer un homme ; je ne l’aimais pas ; je ne vous ai pas aimé. […] Or, on n’aime pas une idée pure, pas plus qu’on n’aime un axiome de géométrie ; on aime une personne. […] Elle l’aimait ange ; homme, elle l’aime ; elle l’aimerait diable, et toujours de la même façon.

49. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

« Qui que tu sois, dit-elle, hélas Tu vois une ombre malheureuse, Furieusement amoureuse, Et qui n’aime que des ingrats. […] Maintenant les dieux me punissent : Je haïssois ceux qui m’aimoient, Et j’aime ceux qui me haïssent. […] Je n’ai déjà que trop aimé. […] Tu sais ce qu’elle devroit faire, Et si tu peux l’en informer, Dis-Iui qu’elle soit moins sévère, Et qu’elle se hâte d’aimer. « Et puisque les destins terribles La forceront, avec le temps, D’aimer quelques morts insensibles, Qu’elle aime quelque bon vivant. » Après ces mots, cette pauvre ombre Se tut, rêvant à son destin, Et retombant dans son chagrin Reprit son humeur triste et sombre.

50. (1893) Alfred de Musset

J’aime à croire qu’il en rendit. […] Tu es aimée, adorée ! […] J’en meurs, mais j’aime, j’aime… Qu’ils m’empêchent d’aimer !  […] Pouvons-nous nous aimer ? […] Est-ce que vous aimez les romans ?

51. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

serais-je assez heureux pour sentir encore une fois en ma vie le plaisir charmant d’aimer et d’être aimé49, et serait-ce à vous que je le devrais ? Mais je suis un fou de me flatter de cette espérance ; peut-être que vous êtes engagée ailleurs ; peut-être que cette lettre sera sacrifiée ; peut-être que je vous déplais, et jamais je ne peux être aimé comme je l’ai été. […] Il me déplaît de voir Lassay se servir de cette ancienne affection sacrée comme d’une amorce ou d’un aiguillon dans ses conquêtes nouvelles, et d’une manière d’ingrédient pour se faire aimer. […] Il lui représentait avec force et douceur les inconvénients de cette versatilité, et il faisait tout pour l’en guérir : « Une honnête personne qui a tant fait que d’aimer et de le dire, ne doit pas imaginer qu’elle puisse jamais cesser d’aimer ; vous ne m’aimez point assez, et, à mesure que mon goût augmente pour vous, il me semble que le vôtre diminue. » Mlle de Châteaubriant paraît avoir été une personne romanesque qui voyait avant tout dans la passion la difficulté à vaincre, et dont la pensée était toujours ailleurs, en avant : Présentement que cet obstacle est levé, lui disait Lassay, vous en imaginerez d’autres… Vous n’aimez qu’à penser et à imaginer… Notre plus grand ennemi est votre esprit… — Il y a, lui disait-il encore en lui faisant voir son caractère à elle comme dans un miroir, il y a une bizarrerie dans votre humeur, à laquelle il est impossible de résister ; je comptais de passer des jours heureux avec une personne qui m’aimait, et que j’aimais plus que ma vie : vous me forcez à perdre cette espérance ; je ne sais plus comme vous êtes faite, mais je sais bien que vous trouvez moyen de faire que c’est un malheur d’aimer et d’être aimé de la personne du monde la plus aimable ; il y a bien de l’art à cela. […] Après des années d’un fidèle attachement, il eut encore la douleur de la perdre, et, à soixante-douze ans, il put se dire une dernière fois avec amertume : Je n’ai plus personne qui m’aime par préférence à tout ce qu’il y a dans le monde et que j’aime de même, à qui je puisse dire tout ce que je pense et les jugements que je fais des personnes et des choses qui se présentent à mes yeux et à mon esprit ; je perds une amie avec qui je passais ma vie.

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