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1828. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

La reine régente a des colères où elle oublie sa dignité ; témoin le jour où elle déclare au coadjuteur qu’elle aimerait mieux étrangler Broussel de ses propres mains que de le rendre aux Parisiens… Et ce disant, elle lui portait ses ongles au visage comme si elle eût voulu l’égratigner. […] Les tragédies qu’il aimait, c’étaient celles qui pouvaient créer des soldats, lui fournir des recrues, exciter l’amour de la gloire militaire, ce qu’il appelait lui-même « de bonnes pièces de quartier général  ». […] Elle avait un double tort ; elle aimait la liberté ; elle avait en littérature des opinions qui ne portaient pas l’estampille officielle. […] En tout pays et de tout temps, les hommes aiment à parler d’eux et à occuper les autres de leur personne ; mais, en ces moments-là, ce désir devient une passion et pour beaucoup un besoin véritable. […] Le peuple en tout temps, je parle du peuple mal dégrossi, tel qu’il l’est encore par la faute d’une élite trop longtemps insouciante ou malveillante à son égard, aime ce qui émeut fortement  ; il a le goût du grandiose, du passionné et en même temps du simple ; il comprend peu ce qui est savant et raffiné.

1829. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Il s’ensuit qu’elles redoutent la philosophie qui invite à réfléchir et incline à discuter les opinions traditionnelles ; c’est pourquoi sans doute les Jésuites étouffèrent avec tant d’acharnement les théories de Descartes, bien qu’il fût sorti d’un de leurs collèges ; c’est pourquoi ils aimaient mieux passer sous silence que réfuter les doctrines non orthodoxes. […] Seulement il est fils d’une Grecque et né à Constantinople  ; il aime d’un amour quasi filial Ce langage sonore aux douceurs souveraines, Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines. […] N’aimeront-ils pas mieux essayer d’acclimater dans la société ce qu’ils y cherchent en vain ? […] Toute institution permanente est conservatrice de sa nature ; elle aime la stabilité, par cela seul qu’elle est stable. […] Il n’aime pas plus les étrangetés ou les nudités de formes que les audaces de pensée.

1830. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Quand l’émotion, au contraire, est extrême, exaltée, infinie ; quand l’imagination de l’homme se tend, et vibre en lui jusqu’à l’enthousiasme ; quand la passion réelle ou imaginaire l’exalte ; quand l’image du beau dans la nature ou dans la pensée le fascine ; quand l’amour, la plus mélodieuse des passions en nous, parce qu’elle est la plus rêveuse, lui fait imaginer, peindre, invoquer, adorer, regretter, pleurer ce qu’il aime ; quand la piété l’enlève à ses sens et lui fait entrevoir, à travers le lointain des cieux, la beauté suprême, l’amour infini, la source et la fin de son âme, Dieu ! […] Ô vierge à la taille svelte et élancée, nous avons vu des dieux, des demi-dieux, des hommes, des géants, des génies ; mais nous n’avions rien vu de semblable à celui qui t’aime ! […] Ils veulent l’éprouver ; ils lui ordonnent, au nom de leur divinité, d’aller lui-même annoncer au père de celle qu’il aime que les dieux, charmés de la beauté et des vertus de Damayanti, viennent briguer son choix pour en faire l’épouse de celui qu’elle aura préféré entre eux tous. […] « Prédestinés l’un à l’autre », dit le poète, « ils ne s’étonnent pas de se voir pour la première fois ; ils semblent s’être vus toujours ; ils ne se reconnaissent pas, ils se connaissent ; ils se regardent immobiles et ravis, avec ce charmant sourire qui dit : Nous ne commençons pas, nous continuons de nous aimer. » Cependant le cruel message sort des lèvres de Nala. […] C’est là la première épreuve de l’âme aimante, entraînée par un mystérieux instinct vers l’âme aimée, qui signifie ici l’être de l’être.

1831. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Adieu, mon cher fils, aimez en moi votre père comme il vous aime. […] On ne l’aime que dans la bouche de ses acteurs ; au lieu que, sans fatiguer les gens du monde du récit de mes ouvrages, dont je ne leur parle jamais, je me contente de leur tenir des propos amusants et de les entretenir de choses qui leur plaisent. […] Elle avait goûté, aimé, protégé la fortune du poète, il n’était pas beau à lui de célébrer, dans sa chute, le triomphe de sa rivale. […] Il s’est surpassé : il aime Dieu comme il aimait ses maîtresses ; il est pour les choses saintes comme il était pour les profanes.

1832. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Je n’ai pas eu d’autre maître, et voilà pourquoi on m’aime. » XI À ces mots, un vigoureux coup de sonnette retentit comme un tocsin dans la petite antichambre de Talma ; la porte s’ouvrit avec fracas, et une femme toute tumultueuse et toute familière entra sans se faire annoncer dans le cabinet. […] Je n’aime pas les Bourbons, mais je ne veux la mort de personne. […] Il était, de plus, un homme justement aimé et estimé pour son cœur. […] Que Dieu veut être aimé ; Qu’il venge tôt ou tard son saint nom blasphémé ; Qu’il est le défenseur de l’orphelin timide ; Qu’il résiste au superbe et punit l’homicide. […] Il aimait la gloire présente, et il ne savait pas l’attendre.

1833. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Écoutez ces quelques éjaculations brûlantes où le traducteur hébreu a concentré le feu du cantique dans sa langue : « Je disais : Je t’aime ! […] Que j’aime à les chanter, soit sur l’instrument à dix cordes, soit sur le nébel, soit dans des hymnes méditées sur la harpe ! […] J’aime à me retracer encore aujourd’hui la mémoire des sites et des impressions que j’y recevais des lieux, des noms et des chants sacrés. […] Devant lui des jardins fertiles, descendant en pentes mourantes, le pouvaient conduire jusqu’au fond du lit du torrent dont il aimait l’écume et la voix. — Plus bas, la vallée s’ouvre et s’étend ; les figuiers, les grenadiers, les oliviers l’ombragent. […] Mais il n’y a plus de chant dans le cœur de l’homme ; les lyres restent muettes, et l’homme passe en silence, sans avoir ni aimé, ni prié, ni chanté.

1834. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Adenet, Jean Bodel, Jendeus de Brie, Bertrand de Bar-sur-Aube ne veulent pas perdre le bénéfice de leur travail ; s’ils tiennent au profit, ils aiment aussi la gloire, dont la recherche est un des symptômes caractéristiques de l’individualisme : cela seul nous avertirait que les temps épiques sont passés. […] Le public voulait du nouveau : quoi de plus simple, pour exciter son intérêt, et pour utiliser encore une part de ses émotions antérieures, que de lui présenter les pères ou les fils des héros qu’il aimait ? […] Il n’y a point de milieu : ou la femme est l’ange de pureté, l’idéale et rarement vivante Geneviève de Brabant, stéréotypée dans sa douloureuse fidélité, banale réplique d’une des plus primitives traditions ; ou bien, et plus souvent, plus vivante aussi parfois, c’est l’impudente, la sensuelle, fille ou femme, qui d’un regard s’enflamme, et qui donnera pour être aimée, s’il le faut, la tête d’un père37. […] Mais le Français aime à rire : parallèlement au romanesque, le comique s’insinue dans les chansons de geste, et y fait aussi tache d’huile. […] Même le type du héros, que nous avons vu déjà dégradé, s’abaissent encore plus bas qu’on ne saurait dire : après les deux types épiques, dont le second est déjà moins grand, après le preux défenseur de la France ou de la foi, après le violent batailleur qui garde ou gagne des fiefs, on aura les types romanesques, le féroce baron, l’extravagant chevalier, tous les deux aimés des dames, et l’on aboutira au soudard ; le mauvais sujet, casseur de cours, bâtard et semeur de bâtards, vulgaire, jovial, et surtout fort comme Hercule ou Porthos, délices du populaire par le sans-façon de ses manières et parce qu’il dit son fait à la noblesse, c’est Baudouin de Sebourc49, dernier et indigne rejeton de la lignée de Roland.

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