Maxime Gaucher Le poète de Cris d’amour admire les grands lutteurs qui ne se sont pas laissés terrasser dans le combat de la vie.
Il adorait Arioste, il fut tenté d’imiter ce qu’il admirait : le Roland furieux, moitié burlesque, moitié héroïque, lui inspira la malheureuse idée de chercher dans l’histoire de France une page qui se prêtât par sa nature aux deux genres. […] La langueur finit par amortir le sentiment même de cette liberté ; la perversité morale du roi détacha le poëte ; les vices honteux de cet Alcibiade de caserne scandalisèrent même la tolérance de l’homme de goût ; le despotisme du roi admiré de loin, mais pesant de près jusque dans son Académie de Berlin, la jalousie du président de cette Académie Maupertuis, des querelles d’abord sourdes, puis éclatantes, des factions dans cette intimité, le climat rude, la santé atteinte, la monotonie, pédantisme allemand, désenchantèrent trop tard Voltaire. […] Qu’on lise cette page sur l’essence du mot religion, mot impliquant à la fois la croyance et la morale : « Cette nuit je méditais ; j’étais absorbé dans la contemplation de la nature, j’admirais l’immensité, le cours, les rapports de ces globes lumineux infinis, que le vulgaire ne sait pas admirer. « J’admirais encore plus l’intelligence qui préside à ces vastes ressorts ; je me disais : il faut être aveugle pour n’être pas ébloui de ce spectacle, il faut être stupide pour n’en pas reconnaître l’auteur, il faut être en démence pour ne pas l’adorer.
Pour moi, je suis de ceux qui admirent simplement toute la marche du soleil et toutes les évolutions du génie. […] On fut étonné d’abord et l’on rougit ensuite de trouver devant soi un génie de la taille de ceux qu’on admire depuis des siècles ; car l’orgueil humain n’aime pas à respecter les lauriers verts encore. Victor Hugo n’est-il pas aussi grand homme que Racine, Calderon, Lope de Vega et tant d’autres admirés depuis longtemps ? […] Il a raison, il faut admirer et aimer, toute la force est là. Malgré la légende, j’ai beaucoup aimé et beaucoup admiré Victor Hugo, et voici ce que j’écrivais il y a longtemps : « Quelle brusque et prodigieuse fanfare dans la langue que ces vers de Victor Hugo !
C’est à la faveur de cette Traduction que les Prédicateurs, qui l’ont suivi, se sont crus autorisés à puiser, dans cet Orateur, plusieurs beaux traits admirés ensuite dans leurs Discours.
J’ai admiré l’heureuse liberté avec laquelle tous les acteurs passent en un moment, d’un vaisseau en pleine mer à cinq cent mille sur le continent. […] Quoi de plus misérable que cette sotte querelle, où l’on ne sait quels aveugles on doit le plus admirer, ceux qui ne voyaient pas l’incomparable beauté de tout ce que l’antiquité avait fait, ou ceux qui ne voyaient pas qu’il fallait faire autrement que l’antiquité ? […] Pour moi, je crois qu’il faut être tolérant pour le goût des Hottentots ; mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’admirer leur Vénus. […] Et si, plus tard, vous accompagnez Hegel à Paris, si vous allez avec lui aux Variétés, si vous écoutez ses francs éclats de rire quand Odry et Vernet lui font admirer M. […] Ce Descartes, que les femmes savantes admiraient et lisaient, avait commencé, contre l’esprit de routine et de stupide respect pour l’autorité, la guerre de l’indépendance intellectuelle.
Faut-il attendre qu’on soit loin de l’édifice, et séparé par la poussière et la foule, pour l’admirer ? […] qui de nous, au lieu de prétendre accuser et prendre en défaut la sincérité de celui qui fit René, n’admirera, ne respectera en lui ce mélange de velléités, d’efforts vers ce qu’on a besoin de croire, et de rentraînements vers ce qui est difficile à quitter ? […] Voilà celle pourtant qui plus tard brillera si poétique et si belle, dont le front pâle se nuancera de toute sérieuse pensée, qu’il comparera muette et inclinée à un Génie funèbre, et qui sera pour lui la Muse, quand, dans une des promenades au grand mail, il lui parlera avec ravissement de la solitude, et qu’elle lui dira d’une voix de sœur qui admire : « Tu devrais peindre cela. » La grand’mère maternelle du chevalier habitait à l’Abbaye, hameau voisin de Plancoët, avec une vieille sœur non mariée, mademoiselle de Boisteilleul. […] Si j’osais adresser un seul reproche à quelques rares endroits de cette douleur presque innée que je comprends et que j’admire, ce ne serait pas de s’exagérer et de se surfaire, ce serait de se croire plus unique au monde, plus privilégiée en amertume qu’elle ne l’est en effet.
Un poëte des premières années du xviie siècle, Desyveteaux115, lequel avait été à la fois témoin du retour du goût qui se marque en Desportes et en Bertaut, et de la réforme opérée par Malherbe, parle ainsi de Desportes, comparé aux poètes de l’école de Ronsard Lorsque du plus haut ciel les Muses descendues N’avoient qu’en peu d’esprits leurs flammes épandues, De leurs chastes amours les premiers inspirés Ouvrirent des trésors de la France admirés ; Mais rien n’étant jamais parfait de sa naissance, Ils ne purent trouver parmi tant d’ignorance Ce qu’avecque plus d’art les autres ont cherché Voyant par les premiers le terrain défriché. […] Cette discipline n’est faite que pour les poëtes de génie, et c’est ce que j’en admire. […] Nos pères y ont admiré, il y a plus de deux siècles, ce que nous y admirons encore aujourd’hui, l’esprit français entrant enfin dans sa virilité, et une langue poétique conforme à sa nature et à ses destinées.