Le caractère prêtre est fait pour la solitude ; les ménagements, les abandons et les grâces, l’agrément et la douceur nécessaires à toute société lui font défaut ; on l’admire, mais on le plante là, surtout quand on est comme la femme de Milton un peu bornée et vulgaire442, et que la médiocrité de l’intelligence vient s’ajouter aux répugnances du cœur. « Il avait, disent les biographes, une certaine gravité de nature…, une sévérité d’esprit qui ne condescendait point aux petites choses », et le maintenait dans les hauteurs, dans une région qui n’est pas celle du ménage. […] Il se donnait la joie d’admirer, comme Shakspeare la joie de créer, comme Swift celle de détruire, comme Byron celle de combattre, comme Spenser celle de rêver. […] Comme un Cromwell vaincu et banni, il reste admiré et obéi par ceux qu’il a précipités dans l’abîme. […] L’enfer trembla comme il marchait. — L’ennemi, intrépide, admira ce que ceci pouvait être, — admira, ne craignit pas533.
Ces maîtres du monde, qui sont comme au-dessus de la fortune, ne regardent qu’indifféremment la plupart des choses que nous admirons, et, parce qu’ils en sont peu touchés, ils n’en parlent que négligemment. […] Et parce que tout le monde veut être heureux, et que c’est le but où tendent toutes les actions de la vie, j’admire que ce qu’ils appellent vice soit ordinairement doux et commode, et que la vertu mal entendue soit âpre et pesante. […] Un de mes amis fit voir à Mme la marquise les endroits que j’avois remarqués, et cette dame, que toute la Cour admire, me parut encore admirable en cela qu’elle ne les eut pas plutôt vus qu’elle se rendit sans murmurer.
C’était un sentiment généreux : et c’est à ce seul titre que les hommes doivent admirer les paroles ou les actions d’un homme. […] Je me rappelai combien de fois nous avions admiré ensemble de certaines morts volontaires parmi les anciens, et je tombai dans des réflexions profondes comme si les lumières du Christianisme s’étaient tout à coup éteintes en moi, et que je fusse livrée à cette indécision, dont l’homme même dans les plus simples occurrences a tant de peine à se tirer. […] Asham revint le lendemain et nous allâmes encore une fois sur les bords de cette Tamise, l’orgueil de notre belle contrée ; j’essayai de reprendre mes sujets habituels d’entretien, je récitai quelques passages des beaux chants de l’Iliade et de Virgile, que nous avions étudiés ensemble, mais la poésie sert surtout à se pénétrer d’un noble enthousiasme pour l’existence, le mélange séducteur des pensées et des images, de la nature et de l’âme, de l’harmonie du langage et des émotions qu’il retrace, nous enivre de la puissance de sentir et d’admirer ; et ce n’était plus pour moi que ces plaisirs étaient faits !
En relisant ce chef-d’œuvre d’exposition historique dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs, nous ne nous reprochons qu’une chose, c’est de ne l’avoir pas assez admiré. […] C’est une faute de goût autant que de point de vue : il faut savoir admirer. […] C’étaient les ministres de la religion, avec lesquels sa dernière signature l’avait réconcilié quelques jours auparavant, et qui venaient constater tardivement sa résipiscence ; les ambassadeurs de toutes les cours, avec lesquelles il avait négocié depuis Louis XVI, le Directoire, la République, l’Empire, les deux Restaurations, la monarchie légitime et illégitime, qui lui devaient les mêmes honneurs ; les anciens sénateurs, les nouveaux pairs de France, les membres de l’Institut, fiers d’avoir compté dans leurs rangs l’art de négocier comme le premier des arts de la paix ; les employés du ministère des affaires étrangères sous tous les régimes, qui tous avaient eu à se louer de sa bonté et à profiter de ses leçons ; enfin quelques vieux survivants de son cabinet intime, rouages inconnus de la grande machine européenne, rédacteurs consommés de ses hautes pensées, qui l’avaient d’autant plus admiré qu’ils avaient, pour ainsi dire, plus vécu à son ombre ou dans sa sphère.
« Je loue les autres et je les admire », dit-il dans ces vers à la belle inconnue ; « mais toi, je te célèbre et je t’adore ! […] Sans cette vérité, le poème n’est plus épique, il est romanesque ; le poète ne chante plus, il joue avec son imagination et avec celle de ses auditeurs ; on l’admire encore, on ne le croit plus ; il fait partie des fables, il ne fait plus corps avec les traditions sérieuses, historiques, nationales, religieuses du genre humain. […] Là-dessus le Tasse se mit en colère, et s’écria que Muretus était un pédant, qu’il admirait l’audace d’un si mince compagnon.
Il avait les quatre conditions nécessaires pour donner à l’Europe ce chef-d’œuvre si longtemps inconnu : la philosophie pratique, la passion de son modèle, la connaissance du grec et la vertu antique, cette condition supérieure qui force l’homme de ressembler à ce qu’il admire. […] C’était certainement, en effet, le plus étonnant spectacle que la Providence ait jamais offert aux hommes sur un point presque imperceptible du globe, que d’avoir non pas donné à un petit peuple une telle réunion de vertus, de talents et de génies dans ces grands hommes, mais que d’avoir donné à ces grands hommes, dans Athènes, quatre cents ans avant Jésus-Christ, un peuple capable de les discuter et de les admirer. Reverra-t-on jamais une telle époque, où tant de génies concentrés dans une petite ville étaient le premier miracle, et où un peuple plus miraculeux était digne de les voir, de les entendre et de les admirer, lors même que ses passions civiques et religieuses pouvaient de temps en temps, témoin Socrate, témoin Démosthène, témoin Aristote lui-même, les forcer à accepter ou à se préparer la ciguë ?
Je connais la grande-duchesse depuis 1805, et j’ai eu une foule d’occasions d’admirer son esprit et son caractère. […] Elle agit avec beaucoup de savants comme une malicieuse jeune fille, qui nous attire par mille charmes, et qui, au moment où nous croyons la saisir et la posséder, s’échappe de nos bras8. » XVIII La religion chrétienne l’occupait de plus en plus, et il l’admirait d’une affection éclectique. […] Arrivé au sommet, il promena longtemps son regard sur le panorama immense qu’il avait si souvent contemplé et qu’il admirait pour la dernière fois.