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368. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

. — Si l’on veut un exemple frappant de l’action que l’enseignement et les méthodes qu’on y pratique peuvent exercer sur la littérature, on n’a qu’à regarder ce qui s’est passé au moyen âge. […] On devine l’écart immense qui séparera les hommes ayant subi l’action de deux disciplines si opposées. […] Mais autant il serait puéril d’amplifier jusque-là leur action, autant il serait déraisonnable de la nier. […] En notre siècle, sous l’action des idées démocratiques, le purisme a été vaincu ; les mots nouveaux ont fait en foule irruption. […] Leur principale utilité, c’est d’être un principe d’action.

369. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Un fait absolument nouveau ne peut donc être jugé que par la sensibilité elle-même, qui seule prononce sans intermédiaire, sous l’action immédiate de l’impression bonne ou mauvaise, c’est-à-dire des gradations et des nuances du plaisir et de la douleur. […] Sa musique était à exprimer, pleinement, une action entière, pénétrée de noble émotion et de hautes douleurs. […] Et toute l’action dramatique que tient le livret de l’opéra Léonore, qu’est-elle, sinon une répétition affaiblie du Drame vécu dans l’Ouverture, quelque chose pareille à l’interminable commentaire explicatif d’un Gervinus sur une scène de Shakespeare ? […] Le Drame dépasse les limites de la Poésie, de la même façon dont la Musique dépasse celles de tous les autres arts, notamment des arts plastiques : tous deux ont leur action, seulement, dans les régions très élevées de l’âme. […] Ce qui, dans le drame, nous apparut, immédiatement, au travers de l’action vivante, nous le saisissons ici, et comme le fond très-intime de cette action : et les émotions sont également précises que nous produisent, dans le drame, la force naturelle des caractères, ici, les motifs du musicien recréant l’être profond agissant en ces caractères.

370. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

On a constaté que ces plantes donnaient des graines lorsqu’elles étaient fécondées avec du pollen d’une espèce distincte, quoique complétement stériles sous l’action de leur propre pollen, et bien que celui-ci fût en parfait état et capable de féconder d’autres espèces. […] Chacun peut aisément se convaincre de l’efficacité de l’action des insectes en examinant les fleurs des Rhododendrons hybrides les plus stériles qui ne produisent aucun pollen, et dont les stigmates sont cependant toujours couverts de pollen provenant d’autres fleurs. […] Lorsque le pollen d’une plante est placé sur le stigmate d’une autre plante de famille distincte, son action est aussi nulle que pourrait l’être celle d’une égale quantité de poussière anorganique. […] De même, parmi les hybrides, il y en a qui n’ont jamais produit et probablement ne produiront jamais une seule graine féconde, même sous l’action du pollen de l’une des deux espèces pures. […] Pareil fait nous fait ressouvenir de l’aptitude extraordinaire des Hippéastrums, des Lobélies, etc., à donner plus de graines, quand on les féconde avec le pollen d’une espèce distincte, que sous l’action de leur propre pollen.

371. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Comme ils paraissent alors supérieurs à leur œuvre, à leur action ! […] Tout esprit est plus ou moins armé, en présence des idées, du bouclier ou miroir de la réflexion, et du glaive de l’invention, de l’action pénétrante et remuante : réfléchir et oser. […] Jouffroy, dans ses lucides et placides représentations d’intelligence, en est venu souvent à ne pas tenir compte de l’action, de l’impulsion communiquée aux hommes par les hommes, à ne croire que médiocrement à l’efficacité d’un génie individuel vivement employé. […] Violer tous les droits d’une nation pour les rétablir, est à la fois l’inconséquence la plus étrange et l’action la plus injuste. […] Guizot, seul parmi les doctrinaires d’alors, prit une action.

372. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Qu’on lise sans exception tous les mémoires de ses plus intimes courtisans de Versailles ou de Trianon, publiés avant et depuis les Girondins, on se convaincra qu’à cet égard ils sont tous plus sévères même que l’histoire sur l’action politique de la reine ; et qu’on lise dans les Girondins les pages du cinquième volume consacrées par moi aux malheurs et au supplice de cette princesse, dont l’apothéose, juste alors, eut pour piédestal un cachot et un échafaud, certes on ne m’accusera plus d’avoir voulu ternir cette sublime ascension de la victime. […] La monarchie ou la république correspondent exactement chez un peuple aux nécessités de ces deux états opposés : le repos ou l’action. Nous entendons ici ces deux mots de repos et d’action dans leur acception la plus absolue ; car il y a aussi repos dans les républiques et action sous les monarchies. […] À une action soudaine, irrésistible, convulsive du corps social, il faut les bras et la volonté de tous. […] Une telle action est le contresens de la monarchie : comment le voudrait-elle ?

373. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Pour quelques-uns, l’action de reconnaître une idée est la chose du monde la plus secondaire ; c’est un phénomène d’éclairage intérieur qui se surajoute à tout le reste, mais qui n’est nullement nécessaire ; qu’importe que la mémoire soit consciente ou inconsciente ? […] Si un savant, après avoir reçu un coup violent sur la tête, oublie tout ce qu’il sait de grec sans oublier autre chose, et si plus tard, par l’effet d’un second coup, il retrouve soudain son grec perdu, il est bien difficile de voir dans le souvenir une « action toute spirituelle ». […] En effet, ayant une première fois surmonté cette résistance, l’effort a amené, parmi les conditions du milieu où il s’exerce, un changement dans le sens de son action, un changement favorable à la répétition du même acte avec un effort moindre. […] Pour nous, l’idée est l’effet conscient, l’expression d’un certain état total de l’esprit, en relation avec telle ou telle action extérieure : c’est un rapport déterminé et constant du moi au non-moi. […] On croit qu’il y a des représentations de perceptions et de pensées, mais non de sentiments ; on se figure je ne sais quelles images réfléchies, je ne sais quels fantômes intermédiaires entre la réalité et la non réalité ; mais, en fait, on ne peut se rappeler une pensée qu’en la repensant, une impression éprouvée qu’en l’éprouvant de nouveau à un degré plus faible, une action accomplie qu’en la recommençant sans la continuer ni l’achever.

374. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

C’était le temps, il est vrai, où la philanthropie dans toute sa confiance et son ingénuité se donnait carrière, où le sentiment exalté d’humanité qu’aucun échec n’avait encore averti se passait toutes ses espérances et tous ses rêves, où des zélés en venaient jusqu’à proposer de créer des espions du mérite et de la vertu pour dénoncer les beaux génies inconnus et modestes, pour découvrir les belles actions cachées, avec la même vigilance et la même adresse qu’on met à découvrir les mauvaises. […] Rien ne met d’accord les bons esprits et les bons cœurs comme l’idée et surtout la vue du bien, le bien en action. […] Il y a des actions qui nous arrivent si bien présentées, que l’on peut craindre que l’art et l’habileté du narrateur n’y soient pour quelque chose. […] Et c’est l’auteur de l’Histoire de la Grande Armée, c’est un brave et éloquent guerrier dont la jeunesse s’est prodiguée sur les champs de bataille, c’est lui-même qui, depuis vingt ans et plus, a donné ainsi ses soins scrupuleux, minutieux, à compulser, à peser les actions d’humbles filles, de pauvres domestiques, à tâcher que rien d’essentiel n’échappe, que chaque mérite atteigne juste à son degré de rémunération. […] Cette année, Messieurs, l’Académie n’a pas d’action d’éclat à célébrer et à couronner ; elle a mieux, si j’ose dire : elle a des existences, des vies tout entières dévouées au bien à récompenser et à raconter devant vous.

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