Il me semble qu’un littérateur serait assez content de lui-même, s’il avait composé une page qu’on prît pour une citation d’Horace, de Virgile, d’Homère, de Cicéron ou de Démosthène, une vingtaine de vers qu’on fût tenté de restituer à Racine ou à Voltaire.
N’est-ce pas enfin le premier coup de sifflet qui ait retenti distinctement contre l’enthousiasme de la guerre, la charité chrétienne et armée de la chevalerie, le dévouement, le culte de la femme, la poésie de toutes les exaltations, la défense de toutes les faiblesses, le premier coup de sifflet auquel Voltaire, dans Candide, allait, un siècle plus tard, répondre par un autre tellement aigu qu’il ne peut plus être surpassé ?
Voyez Spinosa et une foule d’autres, Heine lui-même, — Heine l’apostat, qui, en se jetant dans le vif argent de l’esprit français, est devenu le Voltaire allemand, et qui n’a pu enlever complètement cependant le caractère juif à son génie.
Il répondait convenablement à ce qu’avaient répandu çà et là de restrictions et de critiques Fontenelle, Voltaire, Marmontel, d’Alembert et Helvétius ; il répondait plus vertement à ce que les littérateurs désordonnés, tels que Mercier et autres, étaient en train de débiter d’impertinences. […] » Boileau, dans sa satire de l’Équivoque, a parlé des chrétiens martyrs dune diphthongue, et Voltaire, à son tour, s’est égayé là-dessus. […] Daunou ne fait guère qu’en tirer prétexte pour retracer en douze leçons un tableau succinct de l’histoire universelle, dès avant Homère, jusqu’à la mort de Voltaire. […] « Ainsi, messieurs, disait-il, le xviiie siècle, sans tenir compte de ses vingt-deux dernières années (il s’arrêtait en 1778, à la date de la mort de Voltaire), est à jamais mémorable par le rapide et vaste progrès des sciences mathématiques et physiques, et des arts qui en dépendent. […] Racine et Boileau, ou même Voltaire et Chénier à part, il goûtait plus, on le conçoit, la prose française que les vers.
Pénétré de l’excellence et des avantages de l’état sauvage et primitif, Rousseau défendit sa thèse jusqu’à donner envie de marcher à quatre pattes, disait spirituellement Voltaire, et il demanda que l’égalité fût appliquée d’une manière si illimitée que le fils du roi épousât la fille du bourreau. […] Le mérite littéraire qu’on ne peut dénier à Rousseau, c’est celui d’introduire des méthodes nouvelles dans la langue française, desséchée par la plume corrosive et incisive de Voltaire. […] Voltaire contait mieux que Rousseau. […] Voltaire conte : il ne lui est pas possible d’écrire un roman. […] Voltaire sait de la littérature, mais Diderot est artiste, un artiste qui peint avec la plume.
Ne touchez pas à Voltaire ! […] C’était assez pour qu’il survécût à l’oubli que voulait lui infliger de son vivant le dépit satirique de Voltaire. […] Michelet, l’un opposant si spirituellement à la prose poétique de nos grands hommes contemporains la prose nette et simple de Voltaire ; l’autre racontant l’histoire du moyen âge. […] Victor Hugo, auquel je ne veux pas comparer Voltaire, pour ménager son amour-propre, est un de ces écrivains-là. […] C’est parce que Voltaire a été un de ces hommes privilégiés que ses chefs-d’œuvre sont vrais, bien qu’ils soient le miroir et comme l’écho de l’âme d’un seul homme.
En pareille affaire, c’est Voltaire, un peu plus clairvoyant que Stendhal, qui avait raison. […] Il abhorre le xviie siècle, il méprise profondément Voltaire et Buffon, et quand il arrive au xixe siècle, ses exécutions sont une hécatombe. […] Déjà, au commencement du xviiie siècle, Voltaire disait qu‘il y a une telle différence entre l’homme qui peut vivre de ses rentes et celui qui ne le peut pas, qu’ils semblent n’être pas de la même nature. […] Voltaire (c’est une erreur) et Beaumarchais se trouvaient bien du premier genre de vie ; Rousseau et Saint-Pierre n’ont été ce qu’ils furent que par le second… Je déteste la civilisation parisienne. […] C’était à peu près celui de Voltaire.