Ce coup de force & de lumière est suivi d’une exhortation pressante aux supérieurs de la compagnie, pour qu’ils arrêtent le cours d’une doctrine bien plus dangereuse que le jansénisme ; d’une doctrine qui n’attaque pas seulement quelques dogmes, mais les fondemens de la religion ; d’une doctrine qui rend suspecte la bonne foi des jésuites, qui en a perverti cinq dont l’irreligion n’a que trop éclaté, qui causera un schisme dans le corps (l’événement l’a bien prouvé) ; d’une doctrine enfin, qui, représentant comme des athées tout ce qu’il y a eu de grands génies & dans le paganisme & parmi les chrétiens, semble mettre en honneur l’athéisme. […] A la première nouvelle qu’eurent de cet événement nos grands défenseurs des idées innées, ils se rendent à Chartres, interrogent le jeune homme pour en tirer des éclaircissements favorables à leur systême : mais ses réponses ne satisfirent point ces messieurs. […] L’université rentrée en grace avec la cour, célébra cet événement par une procession solemnelle, & par des harangues latines. […] Cet accord mutuel fut un événement remarquable dans la nation.
On prétend que cet événement accéléra l’ordre de fermer le tombeau de saint Médard. […] Sans ce cruel événement, on ne l’eût pas impunément insulté. […] Les choses y prenoient une si mauvaise tournure pour le père Mabillon, qu’on tâchoit de le consoler d’avance sur l’événement. […] Elle sembla prendre de l’ardeur, & travailler sérieusement à mettre la dernière main à l’ouvrage ; elle chercha les meilleurs copistes pour transcrire ses cahiers : tout annonçoit que le public alloit être satisfait, quand elle eut une crainte que l’événement prouva n’avoir été que trop bien fondée.
Mlle Anne-Geneviève de Bourbon, fille d’une mère bien belle155, et dont la beauté, si fort convoitée par Henri IV, avait failli susciter aussi bien des guerres, parut très-jeune à la cour, et y apporta, près de Mme la Princesse, encore hautement brillante, « les premiers charmes de cet angélique visage qui depuis a eu tant d’éclat, et dont l’éclat a été suivi de tant d’événements fâcheux et de souffrances salutaires156. » Ses plus tendres pensées pourtant furent à la dévotion ; sa fin ne fit que réaliser et ressaisir les rêves mystiques de son enfance.
On n’imaginait pas la structure de son esprit encore primitif, la rareté et la ténacité de ses idées, l’étroitesse de sa vie routinière, machinale, livrée au travail manuel, absorbée par le souci du pain quotidien, confinée dans les limites de l’horizon visible, son attachement au saint local, aux rites, au prêtre, ses rancunes profondes, sa défiance invétérée, sa crédulité fondée sur l’imagination, son incapacité de concevoir le droit abstrait et les événements publics, le sourd travail par lequel les nouvelles politiques se transformaient dans sa tête en contes de revenant ou de nourrice, ses affolements contagieux pareils à ceux des moutons, ses fureurs aveugles pareilles à celle d’un taureau, et tous ces traits de caractère que la Révolution allait mettre au jour.
Rousseau, constitutionnelle sous ses Mirabeau, démagogique sous ses Danton, républicaine et sanguinaire sous sa Convention, conquérante et despotique sous son Napoléon, insatiable de liberté sous sa dynastie légitime, agitée et indomptable sous sa dynastie élective de 1830, sublime, mais épouvantée d’elle-même, sous sa seconde république, rejetée par terreur de l’utopie sous l’épée d’un second empire ; prête à tout ce qui peut la grandir, la sauver, l’illustrer ou la perdre ; ni républicaine, ni constitutionnelle, ni monarchique, ni théocratique, mais changeante, révolutionnaire et contre-révolutionnaire selon les temps ; nation de volte-face pour faire face, sous toutes les formes, à tous les événements, pour rester grande !
Les événements innocents ne laissent rien de pareil.
L’événement d’ailleurs est bien déplorable, soit que l’on considère son génie ou sa bonté. » Que peuvent répondre les accusateurs gratuits de la maison d’Este, dans cette circonstance, à une preuve aussi authentique de leur innocence, écrite sur place aux ennemis de cette maison par l’ambassadeur de ces ennemis ?