L’émotion la trouve sans réfléchir, et le talent qui réfléchit en fait de la poésie. […] Et que de fois encore du milieu de toutes ces thèses si animées, de tout ce déplacement soudain de raison virile et d’éloquence, je l’avais vue passer vivement à des intérêts privés, les faire valoir avec le même feu, donner à quelque mérite modeste ou disgracié un appui décisif, par ces paroles d’une séduction impérative ou d’une bonté touchante, comme elle en savait dire aux hommes politiques le plus à l’abri de l’émotion !
Mais l’amour et la poésie même, selon Brantôme, étaient impuissants à reproduire à cette période encore croissante de sa vie une beauté qui était dans la forme moins encore que dans le charme ; la jeunesse, le cœur, le génie, la passion qui couvait encore sous la sereine mélancolie des adieux ; la taille élevée et svelte, les mouvements harmonieux de la démarche, le cou arrondi et flexible, l’ovale du visage, le feu du regard, la grâce des lèvres, la blancheur germanique du teint, le blond cendré de la chevelure, la lumière qu’elle répandait partout où elle apparaissait, la nuit, le vide, le désert qu’elle laissait où elle n’était plus, l’attrait semblable au sortilége qui émanait d’elle à son insu et qui créait vers elle comme un courant des yeux, des désirs, des âmes, enfin le timbre de sa voix qui résonnait à jamais dans l’oreille une fois qu’on l’avait entendu, et ce génie naturel d’éloquence douce et de poésie rêveuse qui accomplissait avant le temps cette Cléopâtre de l’Écosse sous les traits épars des portraits que la poésie, la peinture, la sculpture, la prose sévère elle-même nous ont laissés d’elle ; tous ces portraits respirent l’amour autant que l’art ; on sent que le copiste tremble d’émotion, comme Ronsard en peignant ; un des contemporains achève tous ces portraits par un mot naïf qui exprime ce rajeunissement par l’enthousiasme qu’elle produisait sur tous ceux qui la voyaient : « Il n’y avoit point de vieillards devant elle, écrit-il : elle vivifioit jusqu’à la mort. » VI Un cortége de regrets plus que d’honneur la conduisit jusqu’au vaisseau qui allait l’emporter en Écosse. […] Ses émotions furent si profondes, que l’enfant qu’elle portait, qui fut depuis Jacques Ier ne put jamais voir une épée nue sans un tressaillement d’effroi.
L’émotion fut telle, que la reine crut devoir quitter Holyrood et se réfugier dans la citadelle. […] Elle adressa ses adieux à chacun avec ce tact délicat qui lui était si naturel, avec bonté, avec émotion.
Les années de discordes et de misères qui chez nous retrempèrent l’énergie des âmes, les disposèrent à se faire un catholicisme viril, dur, ascétique, qui, demandant beaucoup à l’homme, lui rendit beaucoup en profondeur d’émotion et en force pour l’action. […] Il l’est, comme tous les autres, parce qu’il est obstinément réaliste : son imagination représente les réalités concrètes dont sont extraites les abstractions sur lesquelles il opère ; — et parce qu’il est profondément sensible : chaque acte de sa pensée, chaque idée qu’il conquiert met en jeu, exalte on blesse toutes les émotions, les affections de son âme singulièrement délicate.
— Ma foi, c’est vrai, avoue en riant Flaubert, même avec les femmes de maison, que j’appelle mon petit ange… ……………………………………………………………………………………………………… — C’est curieux, — laisse échapper Tourguéneff, écoutant avec des yeux effarés et presque inquiets, ce qui se dit, — c’est curieux, moi, je n’aborde la femme qu’avec un sentiment de respect, d’émotion, et de surprise mon bonheur… Daudet, vous n’avez pas connu de femmes russes ? […] Les livres, les livres de valeur, ne se font que du contrecoup de toutes les émotions produites par les beautés belles ou laides de la terre, chez une nature exaltée.
Mais je ne vis pas dans le passé, je ne crois pas à la pérennité d’une forme de « classique », et je voudrais que l’émotion, dans une œuvre que l’émotion pénètre et soulève fut marquée termes d’une eulogieas plus térébranteat.
Le rire n’a pas de plus grand ennemi que l’émotion. […] En un mot, si l’on trace un cercle autour des actions et dispositions qui compromettent la vie individuelle ou sociale et qui se châtient elles-mêmes par leurs conséquences naturelles, il reste en dehors de ce terrain d’émotion et de lutte, dans une zone neutre où l’homme se donne simplement en spectacle à l’homme, une certaine raideur du corps, de l’esprit et du caractère, que la société voudrait encore éliminer pour obtenir de ses membres la plus grande élasticité et la plus haute sociabilité possibles.