L’imagination active qui fait les poëtes leur donne l’enthousiasme, c’est-à-dire, selon le mot grec, cette émotion interne qui agite en effet l’esprit, & qui transforme l’auteur dans le personnage qu’il fait parler ; car c’est-là l’enthousiasme, il consiste dans l’émotion & dans les images : alors l’auteur dit précisément les mêmes choses que diroit la personne qu’il introduit.
Elles peuvent sentir ensuite, si elles raisonnent ou comprennent, pourquoi elles ont fait ceci plutôt que cela ; mais, sur le moment, elles l’ignorent, car elles sont les jouets de leur sensibilité à surprises, les esclaves étourdies des événements, des milieux, des émotions, des rencontres et de tous les effleurements dont tressaillent leur âme et leur chair ! […] Qui me rendra l’émotion naïve et sublime qui m’agitait alors devant ce type délicieux de la beauté humaine ? […] Léon Hennique cache de nobles émotions sous l’enveloppe hérissée et contournée de sa forme littéraire. […] Ce roman, que je viens de lire, m’a profondément touché ; et je suis encore sous l’empire de la noble émotion qu’il m’a causée.
Alors, si les genres, comme celui du sermon, ont une autre raison d’être et de se continuer que de procurer des émotions nouvelles aux auditeurs, spectateurs et liseurs, c’est un parti qu’il faut savoir prendre : il n’y a plus qu’à marcher sur les traces des maîtres. […] Ils ne seraient pas en effet des peintres si ce qu’ils peignent, ils pouvaient tout aussi bien le dire, ou le chanter, et cependant éveiller en nous les mêmes émotions. […] Il a mis devant ce qui était derrière, et du principal il a fait l’accessoire ; il a parlé de l’art de peindre absolument comme si l’art de peindre visait à provoquer l’émotion littéraire, et de l’art dramatique absolument comme si l’art dramatique était avant tout l’art d’« ordonner » des tableaux vivants.
Celui qui raille, au contraire, sera compris de tous ; en revanche, il sera peu aimé, car il n’aura fait naître aucune émotion profonde : s’il plaît à l’esprit, il le paiera en devenant incapable de prendre les cœurs.
L’Histoire de Napoléon est un drame plus complet, mieux machiné, plus riche en péripéties et en coups de théâtre ; et un drame aussi qui contient plus de passion, d’émotion et de larmes. […] Et sans doute je me contente d’exprimer ici des prédilections personnelles, et l’on peut me dire que ce n’est plus de la critique ; comme s’il n’y avait pas toujours, au fond et à l’origine de la critique, l’émotion involontaire de notre sensibilité en présence d’une œuvre, et cette simple et irréductible déclaration : « j’aime » ou « je n’aime pas ».
C’est le tableau de cette carrière pleine de mouvement et d’intérêt que nous nous proposons aujourd’hui de décrire ; c’est la peinture des émotions profondes dont fut agité cet homme supérieur que nous allons essayer de retracer. […] Quand je la vois, une émotion et des transports qu’on peut sentir, mais qu’on ne saurait exprimer, m’ôtent l’usage de la réflexion ; je n’ai plus d’yeux pour ses défauts, il m’en reste seulement pour ce qu’elle a d’aimable : n’est-ce pas là le dernier point de la folie, et n’admirez-vous pas que tout ce que j’ai de raison ne serve qu’à me faire connaître ma faiblesse, sans en pouvoir triompher ? […] La Fontaine, dans sa Psyché, a dépeint ces heureux entretiens ; et le tendre souvenir qu’il en avait conservé, la douce émotion avec laquelle il en parlait encore quelques années après, peuvent faire juger du bonheur qu’y goûtèrent ces hommes que leur amitié réunit de leur vivant, comme l’admiration de la postérité les réunit après leur mort.
Si, dans les sciences même les plus sévères, aucune vérité n’est éclose du génie des Archimède et des Newton sans une émotion poétique et je ne sais quel frémissement de la nature intelligente, comment, sans le bienfait de l’enthousiasme, les vérités morales saisiraient-elles le cœur des humains ?