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417. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

D’écrivain éternel qu’il aurait pu être, il devint cette charmante mais éphémère chose, un causeur, dans une société de la corruption la plus raffinée. […] Or, quel que soit l’accent de Rivarol à certaines places des écrits qu’il nous a laissés, il n’est jamais, même pour une minute, l’écrivain accompli et de tenue irréprochable que Joseph de Maistre est toujours. […] C’était là, il me semble, ce qu’il fallait dire, puisqu’on risquait ce nom de de Maistre auprès du nom de Rivarol, il fallait tirer de la vie de Rivarol, jetée à tous les vents du monde et des ouvrages plutôt parlés qu’écrits de cet écrivain, un enseignement sévère et un avertissement utile. […] À la veille de la Révolution qui s’annonçait, il compta parmi les écrivains qui mirent leurs plumes, dévouées comme des épées, au service de la monarchie et d’une Cour qui ne savait plus se défendre. […] L’écrivain est surtout dans les Tableaux de la Révolution.

418. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

De ce que, justes envers le passé, quand ils n’en sont pas enthousiastes, mais l’étudiant avec trop de persévérance et d’efforts pour ne pas finir par l’aimer, — car il est de la nature de l’homme de mettre son amour où il a mis sa peine, — des écrivains se prennent d’une haute bienveillance ou d’un sentiment plus respectueux encore pour quelques grands caractères de l’Église romaine, est-ce une raison suffisante pour déclarer que les écrivains en question ne trouvent d’absolument vrai que les idées au nom desquelles ces grands caractères ont agi ? […] Il y a là, comme partout, des écrivains à fantaisie et à système, plus capables d’admirer le passé que de dire ce qui conviendrait au présent ; mais l’Allemagne n’est pas plus catholique que jamais et que le reste de l’Europe. […] Il faut voir avec quelle légèreté dédaigneuse Saint-Chéron traite des écrivains comme Thierry, Michelet, Barante et Guizot. […] L’admiration de l’historien étant sans réserve, en jugeant le héros du livre nous avons jugé l’écrivain. […] Du reste, il l’aurait pensé qu’il faudrait s’étonner encore de la grave injustice qu’il y a vis-à-vis de tout un pays libéral, éclairé, comme l’Allemagne, à le faire solidaire des préjugés et des erreurs d’un écrivain isolé.

419. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Littéralement, Buffon n’avait pas à grandir ni à déchoir ; le grand écrivain en lui est dès longtemps hors de cause et ne saurait dépendre de ce qu’il peut y avoir d’un peu commun dans ses lettres : moralement, sa correspondance nous le montre partout, et dans toute la teneur de sa vie, sensé et digne. […] Avis aux grands écrivains quand il en viendra ! […] Buffon, grand écrivain et homme de génie, a son genre, sa manière, ses disciples. […] Ainsi pour Buffon : sans lui qu’eussent été, comme écrivains, Gueneau et Bexon ? […] Nadault de Buffon qui appartient, comme son nom l’indique, à la famille du grand écrivain, et qui est son arrière-petit-neveu.

420. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Un écrivain qui n’est pas un maître, mais qui est au moins un connaisseur en matière d’abrégé chronologique, le président Hénault, a écrit un mémoire où il passe en revue les principaux auteurs qui y ont excellé. […] Pour moi, si j’avais eu à donner un avis en telle matière, j’aurais peut-être incliné pour Florus, Florus écrivain élégant et ingénieux, dont l’ouvrage est moins une narration d’histoire qu’un morceau oratoire et un panégyrique du peuple romain, mais qui y porte de la nouveauté, une vue déjà moderne et un commencement de philosophie de l’histoire. […] Il le propose comme le modèle inimitable des abrégés : « Cet écrivain, dit-il, que je ne me lasse point de lire ; que, par pressentiment, j’ai admiré toute ma vie ; qui réunit tous les genres ; qui est historien, quoique abréviateur ; qui, dans le plus petit espace, nous a conservé un grand nombre d’anecdotes qu’on ne trouve point ailleurs ; qui défend son lecteur de l’ennui d’un abrégé par des réflexions courtes, qui sont comme le corollaire de chaque événement ; dont les portraits nécessaires pour l’intelligence des faits sont tous en ornement ; enfin l’écrivain le plus agréable que l’on puisse lire… », cet écrivain sans pareil n’est autre pour lui que Velléius. […] S’il n’était qu’un abréviateur, s’il n’avait prétendu que faire un abrégé chronologique, il se trouverait inférieur peut-être dans le détail à ces deux élégants écrivains que j’ai cités : mais il a voulu bien autre chose, il a un bien autre but.

421. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve au Temps incompréhensible, inexplicable (pour me servir des expressions les plus douces) de la part d’un écrivain dont la plume devait être et rester avant tout inféodée (c’est presque le mot qui a été employé) à la littérature officielle de l’Empire. — M. Sainte-Beuve, fort et convaincu d’un droit selon lui professionnel, et que tous les écrivains revendiqueraient avec lui, d’écrire dans un journal de son choix, fut tout étonné de l’avalanche de récriminations et de reproches dont il eut à se garer le lendemain de l’insertion de son premier article au Temps. […] Mais de toutes les collaborations qui lui furent offertes dans cet intervalle de fin d’année où l’on guettait dans la presse la dislocation du Moniteur gouvernemental, qui allait rendre libres les écrivains liés antérieurement par un traité, celle du Journal officiel est la seule que M.  […] « Les affaires de la presse et celles de l’esprit ont été tellement conduites dans ces dernières années, que lorsqu’un écrivain dévoué à l’Empire veut insérer désormais quelque part un assez long travail littéraire, il ne trouve d’autre Revue que des Revues d’opposition. […] « S’il est en effet singulier qu’un sénateur, resté écrivain, croie ne pouvoir mieux placer des articles littéraires que dans un journal d’opposition, cela n’est arrivé qu’à la suite de beaucoup d’autres faits également singuliers que M. le ministre d’État doit connaître mieux que personne.

422. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

La poésie et les beaux-arts enivrent l’imagination en Italie, par leurs charmes inimitables ; mais les écrivains en prose ne sont, en général, ni moralistes, ni philosophes ; et leurs efforts, pour être éloquents, ne produisent que de l’exagération32. […] On voit dans les romans de chevalerie, un singulier mélange de la religion chrétienne, à laquelle les écrivains ont foi, et de la magie qui leur fait peur, et dans les écrivains de l’Orient, un combat continuel entre leur religion nouvelle et l’ancienne idolâtrie dont Mahomet a triomphé. […] L’Europe, et en particulier la France, ont failli perdre tous les avantages du génie naturel par l’imitation des écrivains de l’Italie. […] Le bruit retentissant de l’italien ne dispose ni l’écrivain, ni le lecteur à penser ; la sensibilité même est distraite de l’émotion par des consonances trop éclatantes. […] Mais ce n’est point sous un point de vue philosophique qu’ils attaquent les abus de la religion ; ils n’ont pas, comme quelques-uns de nos écrivains, le but de réformer les défauts dont ils plaisantent ; ce qu’ils veulent seulement, c’est s’amuser d’autant plus que le sujet est plus sérieux.

423. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Un tel fouillis, dans lequel la nature humaine disparaît sous l’artifice et les chinoiseries et les dépravations d’une civilisation dégoûtée, qui ne sait que faire pour se ragoûter, est un défaut qui peut devenir grave, même dans un écrivain léger. […] C’est un jeune écrivain ayant les idées jeunes de ce temps, qui sont des sensations plus ou moins raffinées, et un scepticisme plus ou moins spirituel. C’est un écrivain, je l’ai dit déjà, sorti de La Vie parisienne, la plus jolie indécence du xixe  siècle l’Indécent. […] Et cet écrivain de ce temps, ce sceptique, ce brillant oseur de La Vie parisienne, — cette brillante osée !  […] D’écrivain délicieusement personnel, Gustave Droz est passé romancier impersonnel et pénétrant, et c’est comme romancier qu’il faut le prendre et le juger.

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