Ces rivalités et ces jalousies de serviteur à maître ont été assez bien rendues dans l’Histoire des amours de Henri IV, composée par une personne et un témoin du plus haut rangh, Mlle de Guise, depuis princesse de Conti, qui a trouvé par avance dans ce petit écrit quelques-unes des touches que Mme de La Fayette mettra plus tard à raconter les amours de Madame. […] En contraste avec ces misères présentes, on mettait involontairement les ballets de cour, les mascarades et collations où les femmes chargées de pierreries faisaient assaut de luxe, et où Gabrielle donnait le ton : Le samedi 12 novembre (1594), écrivait L’Estoile, on me fit voir un mouchoir qu’un brodeur de Paris venait d’achever pour Mme de Liancourt, laquelle le devait porter le lendemain à un ballet, et en avait arrêté de prix avec lui à dix-neuf cents écus, qu’elle lui devait payer comptant. […] Je vous écris, mes chères amours, des pieds de votre peinture (de votre portrait), que j’adore seulement pour ce qu’elle est faite pour vous, non qu’elle vous ressemble. […] Mes chères amours, il faut dire vrai, nous nous aimons bien : certes, pour femme, il n’en est point de pareille à vous ; pour homme, nul ne m’égale à savoir bien aimer… Il est dommage qu’on puisse écrire de ces charmantes choses à plus d’une personne en si peu de temps : car les lettres à la marquise de Verneuil suivirent de près celles que j’indique, et leur ressemblent. […] [NdE] Sainte-Beuve a écrit « gauffré ».
Tout annonçait en lui la supériorité et un mérite fait pour briller, et l’on s’explique peu comment, vers cette époque, il écrivait au général de l’Oratoire Sainte-Marthe « que, son talent et son inclination l’éloignant de la chaire, il croyait qu’une philosophie ou une théologie lui conviendraient mieux ». […] Buffon, qui estimait Massillon le premier de nos prosateurs, semble l’avoir eu présent à la pensée lorsque, dans son Discours sur le style, il a dit : Pour bien écrire, il faut donc posséder pleinement son sujet ; il faut y réfléchir assez pour voir clairement l’ordre de ses pensées et en former une suite, une chaîne continue, dont chaque point représente une idée ; et, lorsqu’on aura pris la plume, il faudra la conduire successivement sur ce premier trait, sans lui permettre de s’en écarter, sans l’appuyer trop inégalement, sans lui donner d’autre mouvement que relui qui sera déterminé par l’espace qu’elle doit parcourir. […] Est-ce Massillon, est-ce Bernardin de Saint-Pierre plus chrétien, est-ce Chateaubriand faisant parler le père Aubry à la mourante Atala, mais dans un langage plus pur et que Fontanes aurait retouché, — lequel est-ce des trois, on pourrait le demander, qui a écrit cette belle et douce page de morale mélodieuse, cette plainte humaine qui est comme un chant ? […] J’ai sous les yeux son Oraison funèbre du prince de Conti publiée en 1709, et avec des notes critiques, écrites à la main en marge par un contemporain qui avait assisté à la cérémonie même et qui marque les différences entre le morceau imprimé et le morceau débité8. […] On y voit que le prince de Conti avait écrit de sa main les derniers entretiens qu’il avait eus avec le Grand Condé à Chantilly sur la guerre et les autres sujets.
Mais Bailly avait sa prédilection ; il tenait pour Sedaine, l’auteur d’opéras-comiques, qui écrivait comme un maçon, mais qui composait comme un architecte. […] Comme il est écrit qu’avec Bailly on ne sortira des âges d’or qu’à la dernière extrémité, on rencontre ici le moins prévu assurément de tous ces âges fortunés en temps de révolution, celui dans lequel il se donne comme le plus heureux des présidents d’assemblée. […] Il y a une lecture pénible et dont j’ai voulu me donner l’amertume, c’est celle des écrits et des pamphlets qui insultent et calomnient Bailly maire de Pariso, magistrat intègre, et faisant tout ce qu’il peut, trop désarmé qu’il est, pour le bon ordre et pour le salut public. […] Un petit écrit d’un genre bien différent m’est tombé entre les mains70 et nous ramène au Bailly bon, juste, honnête, sensible et lettré, tel que nous le connaissons. […] [1re éd.] c’est celle des écrits et pamphlets qui insultent et calomnient Bailly maire de Paris
Je ne me dédis en rien de ce que j’ai écrit autrefois dans ce même journal23 ; seulement ceux qui ont cru que, de ma part, c’était une manière de commencer, se sont mépris sur mon intention ; c’était une manière de finir. […] D’autres journées sont moins heureuses ; il y a des jours gras (1811) où, faute d’argent, le carême commence pour lui plus tôt qu’il ne devrait : « Je n’ai pris aucun divertissement ; j’aurais bien voulu être auprès de vous, écrit-il à Quenescourt. […] « Encore dix mois, mon ami, écrit-il à Quenescourt en janvier 1812, et je m’embarquerai au milieu des écueils du goût, de la satire, de l’envie et du succès. » Cependant il chassait, comme on dit, deux lièvres à la fois ; il voit que ses chansons ont réussi devant desaristarques en renom, et dorénavant il s’y applique ; il sent lui-même qu’il s’y applique trop : « Je fais toujours des chansons, mais moins pour mon plaisir que par une sorte de calcul. […] « N’y comptez pas, lui écrivait Béranger ; il n’osera jamais entrer en lutte avec Rossini, je vous le prédis. » Et tout aussitôt : « Ce dont je vous félicite bien, c’est d’avoir une bonne redingote d’hiver, voilà du bonheur. » Cette redingote d’hiver nous amène à une certaine lettre du pantalon, qui est impayable. […] écrivez-vous ?
La polémique, à laquelle Rigault était très porté, aurait pu l’entraîner, s’il n’y avait pris garde, à de petites cruautés de ce genre : il sut s’en abstenir quand il écrivit. — Dans la leçon orale qu’il débita pour cette même agrégation, il avait à parler d’un traité de saint Augustin sur la Vie heureuse ; il commença vivement, a peu près en ces termes et dans cette donnée (je ne réponds que du trait) : « Saint Augustin était jeune, brillant, amoureux, entouré d’amis ; il avait remporté des prix de poésie et s’était vu applaudi en plein théâtre ; il était professeur de rhétorique à vingt-deux ans, et sans concours ; et cependant il n’était pas heureux ! […] Plus tard, hors du cercle de l’école ; dans la page écrite pour le public, ce soin continuel, cette perpétuité, cette contention d’élégance, se feront sentir au milieu même des vivacités heureuses et pourront devenir un défaut. […] Il a écrit sur Baour-Lormian un agréable article (25 janvier 1855), mais qui n’est pas du tout exact et juste comme chapitre d’histoire littéraire. […] Celui qui écrit tous les jours ou très habituellement dans les journaux, même quand il aurait tout l’esprit du monde, est en danger parfois de souffrir de la disette d’idées ou de sujets : mais ayez un adversaire, et il n’y a plus à vous inquiéter ; l’adversaire, au besoin, vous fournira chaque matin la moitié de vos idées : vous n’avez qu’à retourner les siennes contre lui. […] Le souvenir de Rigault mérite de vivre, et par ses écrits, et parce qu’il est le représentant d’une forme d’esprits, le dernier rejeton brillant d’une race qui, je l’espère, n’est pas près de finir, qui est un peu compromise pourtant dans son intégrité et sa rectitude, celle du parfait normalien, de l’universitaire pur.
Ordre fut donné par Napoléon d’écrire au ministre de l’intérieur qu’il accordait à Lebrun une pension de 6,000 francs. […] Les vers coulent de ma veine sur le papier sans que j’aie même le temps de les comprendre et de les écrire. […] Dans les pièces écrites en Italie, je recommande les jolies stances fort spirituelles et fort gaies sur la République de Saint-Marin, adressées avec à-propos à Béranger, le sujet faisant un pendant exact à son Roi d’Yvetot. — Dans un rhythme plus savant, et marchant par couplets de cinq vers chacun, il est une autre pièce écrite en pendant et en contraste du sacre de Charles X, toute champêtre, un peu ironique, et à la manière d’Horace, la Vallée de Champrosay ; celle-ci était déjà connue. […] Lebrun peut se présenter avec confiance aux générations actuelles, si différentes qu’elles soient de celles pour lesquelles il avait écrit d’abord et chanté.
Il avait même fini par pousser si loin l’horreur de la prose, qu’il n’écrivait plus ses rares petits billets, toujours fort courts, à ses amis, qu’au crayon et dans un caractère à peine visible, de peur sans doute quelles lignes qu’il risquait ainsi ne vinssent à être lues un jour et à le compromettre. […] Bernardin de Saint-Pierre écrivait le 1er janvier 1772 ce qu’il aurait pu redire aussi exactement soixante ans après : « L’art de rendre la nature est si nouveau, que les termes mêmes n’en sont pas inventés. […] C’est alors, dans une de ces heures de satisfaction et de naturel orgueil, qu’il put écrire ces vers qu’il a intitulés spirituellement Fatuité (le propre du poète est d’exprimer au vif chaque sentiment qui le traverse et qui fut vrai, ne fut-ce qu’un moment) : Je suis jeune, la pourpre en mes veines abonde ; Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu, Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu. […] Je ne sais pas étrangler en deux ou trois tours de phrases convenues à l’avance un homme de talent qui écrit depuis plus de trente ans. […] Théophile Gautier, depuis que ceci est écrit, s’est lui-même expliqué sur la fonction de feuilletoniste, et ce qu’il en a dit, au moment où je le lisais, m’a dicté, à moi-même, cette remarque : « On admire chez Fontenelle la description des fonctions d’un lieutenant de police dans l’Éloge de d’Argenson, — chez Cuvier, la description des fonctions et des qualités d’un intendant général d’armée dans son Éloge académique de Daru.