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759. (1915) La philosophie française « II »

Assurément ce trait ne pourrait plus suffire, comme le précédent, à définir la tradition française, car l’aptitude à se sonder soi-même, et à pénétrer sympathiquement dans l’âme d’autrui, est sans doute aussi répandue en Angleterre et en Amérique, par exemple, qu’elle l’est en France. Mais, tandis que les grands penseurs allemands (même Leibniz, même Kant) n’ont guère eu, en tout cas, n’ont guère manifesté, de sens psychologique, tandis que Schopenhauer (tout imprégné, d’ailleurs, de la philosophie française du XVIIIe siècle) est peut-être le seul métaphysicien allemand qui ait été psychologue, au contraire il n’y a pas de grand philosophe français qui ne se soit révélé, à l’occasion, subtil et pénétrant observateur de l’âme humaine. […] La vision d’un Pascal était aussi aiguë quand elle s’exerçait dans les régions mal éclairées de l’âme que lorsqu’elle portait sur les choses physiques, géométriques, philosophiques. […] Il traduit probablement l’aspiration la plus profonde de l’âme française, qui va tout droit à ce qui est général et, par là, à ce qui est généreux.

760. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

L’âme et la solitude. […] M. du Clésieux, pour ceux même qui ne connaîtraient de lui que son volume, est évidemment une de ces âmes rares, mais non pas introuvables en nos temps, un de ces jeunes hommes qui, de bonne heure, ont cherché le port dans l’antique croyance. […] Quoi qu’il en soit de nos critiques sincères, ce volume, qui vient de l’âme, et qui est une douce émanation, charmera les lecteurs dispersés de la même famille ; les lecteurs plus artistes et plus difficiles y verront au moins les promesses d’un poète.

761. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ackermann, Louise (1813-1890) »

Caro Au moins dans la forme d’un sentiment, sinon d’une doctrine, cette philosophie du désespoir a troublé, dans ces dernières années, plus d’une âme qui a cru se reconnaître dans l’accent amer, hautain, d’un poète de grand talent, l’auteur des Poésies philosophiques . […] Ses cris sont tout virils ; le soupir élégiaque, si fréquent dans la poésie féminine, ne l’est point dans la sienne… Madame Ackermann a trouvé, en poésie, des accents qui lui sont propres pour exprimer le dernier état de l’âme humaine aux prises avec l’inconnu : c’est là le caractère éminent de son œuvre. […] Elle y souffre comme toutes les âmes fortes, qui périssent d’orgueil, déchirées dans leur force vaine.

762. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Ceci est l’indice d’une âme délicate ; — et la vraie poésie a fait des âmes délicates ses vases de prédilection. […] Prêter une âme à la matière, tout est là. […] Ne prêtaient-ils pas aussi une âme à la matière ? […] L’âme de Melpomène dans la peau d’un débardeur ! […] Mademoiselle Thuillier est une âme en peine.

763. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Et elle se tourna, —  son sein secoué par un soudain orage de soupirs. —  Toute son âme brillait comme une aube dans la profondeur de ses yeux noirs. […] Bien des soirs, auprès des eaux nous avons suivi les grands navires, —  et nos âmes s’élançaient l’une dans l’autre à l’attouchement de nos lèvres. […] Le sourire d’une jeune fille parée, un éclair de soleil sur une mer violente ou sur une touffe de roses jette tout d’un coup dans les âmes passionnées ces illuminations subites. […] Avec un art admirable, Tennyson en a renouvelé les sentiments et le langage ; cette âme flexible prend tous les tons pour se donner tous les plaisirs. […] Nous découvrons bien vite que son esprit et son âme ont toujours été en équilibre.

764. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Vous vous répondrez : C’est celui qui puise toutes ses lois dans le code de la conscience, ce code muet écrit en instincts dans notre âme par Dieu. […] “Les six vertus, dit Han-Tchi, sont comme l’âme du Chi-King ; aucun siècle n’a flétri les fleurs brillantes dont elles y sont couronnées, et aucun siècle n’en fera éclore d’aussi belles.” […] Selon l’usage du pays à cette époque, il se démit de toutes ses dignités pour revêtir un deuil extérieur moins lugubre encore que celui de son âme. […] Son seul délassement, disent-ils, était son instrument de musique, sur lequel il s’exerçait quelquefois pour exhaler ses lamentations ou ses invocations à l’âme de sa mère. […] La première de ces vertus, l’âme de ces rites ou devoirs, est l’humanité, sentiment inspiré par Dieu pour la conservation de la race.

765. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

C’étaient quelques vers lyriques ; ils me plurent, mais sans m’enivrer : le génie du jeune homme n’était pas là ; le cadre était trop étroit pour son âme ; il lui fallait, comme à Jasmin, cet autre chanteur sans langue, son épopée pour se répandre. […] J’ai l’âme peu poétique en ce moment ; je lutte dans une fièvre continuelle avec une catastrophe domestique qui, si elle s’achève, entraînera malheureusement bien d’autres que moi. […] Attentive et émue jusqu’au fond de son âme, Mireille, assise sur un fagot de feuilles coupées, n’aurait pas fermé les yeux jusqu’à la première aube du jour. […] Mireille va et vient dans la foule, semblable à la jeune âme de la maison et de la saison. […] Les oiseaux couchés sur les arbustes voisins s’envolèrent d’épouvante, et le parfum, cette âme de la fleur, embauma longtemps tout le golfe.

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