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12. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Ils sont excessifs, raffinés, prompts aux larmes, au rire, à l’adoration, à la plaisanterie, enclins à mêler l’une à l’autre, précipités par une verve nerveuse à travers les contrastes et jusqu’aux extrêmes. […] À présent, j’irai1537. » Elle meurt, et, selon sa dernière prière, ils l’emportent « comme une ombre à travers les champs qui brillent dans leur pleine fleur d’été », et la posent sur la barque toute tendue de velours noir. […] Nous revenons à la maison, et avant d’entrer je regarde la perspective ; décidément ils ont le sentiment de la campagne ; comme on sera bien, à cette grande fenêtre du parloir, pour contempler le soleil couchant et le large treillis d’or qu’il étale à travers la futaie ! […] Il s’est lâché à travers la vie comme un cheval de race cabré dans la campagne, que l’odeur des plantes et la magnifique nouveauté du vaste ciel précipitent à pleine poitrine dans des courses folles qui brisent tout et vont le briser. […] Les fenêtres sont fermées ; une lumière çà et là perce à travers un volet mal clos et montre un dahlia mort sur le rebord d’une croisée.

13. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

On n’entendait plus le hurlement des chiens à travers la ville, ni aucun bruit de loin retentissant : le silence occupait l’obscurité tout entière. […] Elle-même prit les rênes, et, tenant le fouet élégant de la main droite, elle conduisait à travers la ville. […] Et mets quelque complaisance à me dire où sont tes palais et de quel côté tu vas te diriger d’ici avec ton vaisseau à travers les mers. […] Par malheur, le poëte, redevenu érudit, ne veut rien omettre, et il nous promène ensuite à travers toutes les vicissitudes d’un retour où certains tableaux, ménagés de distance en distance, ne suffisent pas à racheter la fatigue pour le lecteur. […] Il suffit de ce qu’on a pu entrevoir à travers nos rapides traductions, pour mettre tout lecteur équitable à même de répondre.

14. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

A défaut de chants héroïques perdus, on a plusieurs vieilles chansons familières, piquantes ou touchantes, et demeurées populaires à travers les âges. […] Bonstetten, qui vécut longtemps à Nyon avant d’être à Genève, était, à travers son accent allemand de Berne, un homme du xviiie  siècle accompli. […] Vinet en faveur de la liberté de tous les cultes, un peu antérieur, mais animé par une action si prochaine, ait été pour lui autre chose qu’une thèse philosophique où sa raison se complaisait : c’était une sainte et vivante cause ; et, à travers la surcharge des preuves et la chaîne un peu longue de la démonstration, à travers le style encore un peu roide et non assoupli, cette chaleur de foi communique à bien des parties de cet écrit, et surtout à la prière de la fin, une pénétrante éloquence. […] C’est dans les classiques qu’il faut aller la cueillir, la respirer, s’en pénétrer ; c’est là qu’on la trouvera vivante ; mais il ne suffit pas, je le répète, d’une promenade inattentive à travers ces beautés. » J’ai voulu, en citant cette belle page, donner idée encore moins de la méthode que du succès. […] En rencontrant ces bouts de landes arides qui reviennent de temps en temps à travers une si riche nature, un homme d’esprit disait : « Ce sont là de ces petites mortifications que M.

15. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Benjamin Constant a été un grand esprit, et il a eu un assez grand rôle ; politiquement et à travers quelques inconséquences singulières, il a rendu des services à une cause qui était, en somme, celle de la France. […] J’ignore s’il est quelqu’un de nos amis qui ait su garder, à travers les épreuves diverses, cette fleur de libéralisme primitif, de libéralisme pour ainsi dire platonique et en dehors de toute action, et cette tendresse extrême de conscience qui ne souffre examen ni doute à l’endroit des anciennes idoles ; s’il en est de tels, je les admire et je les envie. […] Elles sont assez gracieuses, vives et spirituelles sans doute, mais d’une exaltation nerveuse et comme fébrile, sans velouté, sans fraîcheur à travers ces vertes campagnes. […] Quand je dis que ce qui dominait chez Benjamin Constant à travers tant de diversités et de formes spécieuses, c’était l’esprit, je n’oublie pas l’espèce de sensibilité dont il fournit un si singulier exemple, et qu’il a personnifiée dans Adolphe. […] Au moment où il parlait de la sorte, il était sincère, ou il se le persuadait ; son esprit constamment nourri, à travers tout, d’études sérieuses, avait puisé ses premiers instincts politiques dans l’exemple des États-Unis d’Amérique et dans les institutions de l’Angleterre.

16. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

L’enfantement de la société moderne, de l’égalité civile, du respect des droits de tous, s’y opérait péniblement à travers des scènes barbares et au moyen du fanatisme même. […] Elle ne répondit d’abord à cette ouverture qu’en parlant du divorce et de la difficulté de l’obtenir ; mais ces hommes peu scrupuleux, par la bouche de Lethington, le plus habile et le plus politique d’entre eux, lui dirent : Madame, ne vous inquiétez de rien ; nous sommes ici les principaux de la noblesse et du Conseil de Votre Grâce, et nous trouverons bien le moyen de vous délivrer de lui sans aucun préjudice pour votre fils ; et quoique milord Murray, ici présent (le frère naturel de Marie Stuart) soit un peu moins scrupuleux pour un protestant que Votre Grâce ne l’est pour une papiste, je suis sûr qu’il regardera à travers ses doigts, nous verra faire et ne dira rien. Le mot était lâché, il ne s’agissait, pour Marie comme pour son frère Murray, que de regarder à travers ses doigts, selon l’expression vulgaire, et de laisser faire sans se mêler de rien. […] Durant dix-neuf ans toute la catholicité s’agite, se passionne pour elle, et elle est là, à demi héroïne et à demi martyre, qui fait le signal et agite sa bannière à travers les barreaux. […] L’humanité, la pitié, la religion, la grâce poétique suprême, toutes ces puissances invincibles et immortelles se sentent intéressées dans sa personne, et crient pour elle à travers les âges.

17. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

La vie humaine, l’histoire, la nature, sont plus larges assurément qu’on ne les voit quand on s’accoutume à les regarder seulement à travers la fente d’un créneau ou par l’embrasure où fume la mèche d’un canon. […] Et les voilà, eux partis le matin de leur rue Saint-Denis, cheminant en belle nuit par un chemin creux, pour gagner la plaine et de là, à travers champs, découvrir le château inespéré. […] Mais supposez que le récit soit partout sur le ton simple et de la vérité, représentez-vous nos amoureux en peine, à travers champs, dans cette marche de nuit, et cherchant depuis une heure ou deux leur invisible château. […] Je ne vais pas continuer l’analyse bien longtemps : le château est trouvé, on y arrive à travers les fossés sur une planche fragile. […] Je prendrai une image que je crois fidèle pour rendre la manière dont le xviiie  siècle apparaît à travers le dernier roman de M. 

18. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Les physiologistes modernes ont montré que l’embryon humain, à travers les formes passagères de son développement, reproduit d’une manière provisoire et fugitive plusieurs formes arrêtées et permanentes dans les espèces inférieures : il traverse à la hâte, en quelque sorte, la nature animale, il la résume en une esquisse rapide, avant d’être homme. […] Selon cette hypothèse le monde réel, tout achevé à l’avance, n’a plus, comme dit encore Schopenhauer, « qu’à entrer tout bonnement dans la tête à travers les sens et les ouvertures de leurs organes ». […] Il n’a pas su montrer dans cette « volonté de vivre » qui, selon lui, fait le fond commun de tous les êtres, la vraie origine de nos idées universelles et nécessaires, des formes à la fois cérébrales et mentales à travers lesquelles nous apercevons toutes choses.

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