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1490. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Il les pleure, il s’occupe du soin d’honorer leur mémoire, il leur élève un cénotaphe : ce qui suppose un intérêt tendre, car enfin leurs corps étaient dispersés.

1491. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Là tout m’en parle encor208 : là revit ta mémoire ; Là du toit de Fulbert j’ai revu les débris.

1492. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Je voudrois que des mémoires fidéles nous apprissent à quel point l’imagination de Virgile s’échauffat et s’enrichit, lorsqu’il lut l’iliade pour la premiere fois.

1493. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Si nous consultons les mémoires de son temps, qui n’en parlent pas assez, ce grand Spectateur ne se mêla guères à l’action de son époque, et voilà pourquoi il la vit si bien !

1494. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Esprit petit, vif, mais étroit, antithétique et pointu, qui passe sa vie à faire des oppositions et des parallèles, cette vieille rubrique des orateurs vides du xviiie  siècle, ce n’est toujours que l’homme du contentieux, comme on l’avait appelé spirituellement sous Louis-Philippe, et il a, comme écrivain, — je ne m’en doutais pas, je l’avoue, — l’imagination la plus commune, la plus faite à coups de mémoire et de livres.

1495. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Mais c’est précisément l’ennui qui s’exhale de cette publication incompréhensible, qui pourrait empêcher d’achever le meurtre qu’une spéculation assassine est en train d’accomplir sur Madame Sand et sur sa mémoire.

1496. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Très inférieur à Daniel de Foe par le génie, Swift a cette ressemblance avec Daniel de Foe qu’il n’est guères célèbre maintenant que par son Voyage en Lilliput, comme Daniel par son Robinson Crusoé ; mais, comme Foe, il n’a pas laissé sous les yeux indifférents des hommes qui ne lisent point un tas de chefs-d’œuvre : les Mémoires du capitaine Carleton, la Vie de Roxane, l’Histoire d’un cavalier, le Colonel Jacques, l’Histoire politique du Diable, etc., etc.

1497. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Quel est le lettré de ce temps où les Mémoires de mademoiselle Céleste Mogador trouvent des plumes galantes qui en écrivent, quel est le lettré qui, par un mot, ait seulement donné une idée juste de ce beau et utile travail de bénédictin que M. 

1498. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

sombrer aux flots mouvante ; L’homme peut, sans frémir, rejeter ta mémoire Comme on livre une cendre inerte aux quatre vents !

1499. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Hugo, les larges strophes A la mémoire d’Alfred de Musset, qui rappellent celles de Musset lui-même sur la Mort de la Malibran, et enfin les vers à Blanche, si splendidement et mélancoliquement limpides et lamartiniens ; malgré cette triple puissance, la personnalité de M. de Gères n’est pas dans ce doublement et redoublement d’accords avec les trois grandes lyres du xixe  siècle.

1500. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

… Ce Rochereuil et cet abbé Goujet, ces figures de premier plan, ont-ils une individualité qui leur appartienne, qui émeuve l’imagination et qui s’impose à la mémoire ?

1501. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

… La gloire de de Musset ce sillon rose dans l’air que le temps n’efface pas et qui traînera longtemps encore derrière ce jeune homme, lient autant à la légèreté de son esprit qu’à sa passion et à son éclat ; et, pour mon compte, je suis persuadé qu’un livre moderne, plein des choses modernes, qui aurait le bonheur d’être écrit avec la légèreté perdue des Mémoires du chevalier de Grammont, par exemple, nous paraîtrait un phénomène et nous tournerait la tête à tous, graves caboches du dix-neuvième siècle !

1502. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Depuis, il avait été témoin des honneurs extraordinaires rendus à sa mémoire ; il avait vu les Athéniens, ce peuple léger, cruel et sensible, qui tour à tour féroce et tendre, après l’avoir laissé périr, le vengeait.

1503. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Il suffit de lire les Mémoires de Voltaire pour voir comment le péril prussien, que Louis XIV pressentait en 1701, Voltaire ne le soupçonnait pas après Rosbach. […] On le dirait : dans le roman, le moi se dissimule ; et il s’exhibe, dans les mémoires. Du reste, les mémoires ont pullulé, quand le roman personnel fut à la mode. […] Ou bien, il préludait ; et la phrase de sa mélodie n’a pu se développer : du moins, les notes que nous avons entendues demeurent dans notre mémoire. […] Certes, oui ; même si, consultant leur mémoire et leurs sympathies, les uns hochent la tête et insinuent que le modèle y est flatté, les autres qu’il y est calomnié.

1504. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Vous auriez été heureux de voire succès. » Il avait de ces grâces de mémoire qui révélaient combien cet homme si fort était demeuré tendre. […] Peu d’écrivains sont demeurés plus muets que lui sur le roman intime que chacun de nous porte dans sa mémoire sentimentale. […] Ces vagabondages de sa mémoire ont d’ailleurs laissé leur trace évidente dans les vagabondages des héros de ses romans. […] Il faut que les sens aient leur mémoire instinctive, car l’instinct seul est infaillible. Cette mémoire instinctive n’existe que pour des sens vraiment jeunes.

1505. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

L’imagination ne s’en tient plus aux souvenirs ; elle s’émancipe ; elle prend le pas sur la mémoire. […] Les visions de souvenir sont d’ordinaire discontinues ; on dirait que la mémoire ne sait bien prendre que des instantanés. […] De tant de scènes auxquelles la vie nous a fait assister et qui pourtant nous avaient émus, que gardons-nous dans notre mémoire ? […] Dans le sommeil profond, la mémoire est abolie. […] Si la mémoire est abolie, en revanche l’imagination prend une aisance surprenante ; on invente constamment, par impuissance à se souvenir.

1506. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Dès le tems de Louis XI, l’Histoire prit une forte de forme dans les Mémoires de Comines. […] Page 84, ligne 4 ; c’est un vers cité de mémoire. […] Ils ambitionnaient moins de fatiguer la mémoire que d’éclairer les talens. […] La mémoire de Henri IV nous est infiniment plus présente & plus précieuse que celle de Clovis. […] Il fait voyager ensemble Dom Jugement, Dame Mémoire, & Demoiselle Imagination.

1507. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Cousin dans un « Mémoire » demeuré célèbre, déclara que le vrai Pascal était à rétablir en pleine intégrité de son texte, les éditions se sont succédées. […] Il avait jadis, dans un de ses mémoires au roi Louis XVI et dès 1792, écrit cette phrase : « Les émigrants, sans s’en douter, ont donné jusqu’ici un grand degré d’énergie à l’Assemblée. […] … » Il suffît encore, pour que cette rêverie indéterminée surgisse en nous, d’un mot rencontré dans un volume de mémoires ou de correspondance, — mot qui nous révèle toute une délicate et passionnée manière de sentir. […] A coup sûr, il a dans ses Mémoires une phrase bien égoïste sur Pauline, et qui détonne singulièrement lorsque l’on vient de lire le livre de M.  […] Il a pu ainsi, de mémoire et sans notes, décrire le quartier de Paris par où s’échappe Jean Valjean dans les Misérables, et cette description est strictement exacte, rue par rue, maison par maison.

1508. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Je cite au hasard de ma mémoire. […] Celle des probabilités du bonheur et du malheur dans le mariage moderne est prise et reprise particulièrement dans le Lys de la vallée, la Femme de trente ans, le Contrat de mariage, la Fille d’Eve, Honorine, les Mémoires de deux jeunes mariées, la Double Famille. […] Là est le pilon dont le jeu perpétuel émiette le territoire, individualise les fortunes, en lui ôtant une stabilité nécessaire, et qui, décomposant sans recomposer jamais, finira par tuer la France. » Et dans les Mémoires de deux jeunes mariées : « Il n’y a plus de famille aujourd’hui, il n’y a plus que des individus. […] Il était opportun, à une époque où ce mouvement grandit d’une manière remarquable, que l’intime unité de la pensée de son initiateur fût dégagée une fois de plus et sa mémoire défendue contre d’équivoques insinuations que même la mort n’a pas fait taire. […] Je voudrais, dans ce livre consacré à cette glorieuse mémoire, montrer qu’en effet la place occupée par le poète de Joseph Delorme, des Consolations et des Pensées d’août dans le mouvement lyrique du dix-neuvième siècle est très importante et par l’œuvre elle-même et par la voie ouverte où d’autres talents se sont engagés à la suite de l’initiateur.

1509. (1802) Études sur Molière pp. -355

Les opinions ou les définitions m’ont paru très variées : je vais donner la mienne, telle que je l’ai risquée dans un mémoire lu à l’Institut : Que faut-il entendre par tradition théâtrale ? […] Cependant ma mémoire me sert assez bien pour conseiller à nos Gros-René, à nos Mascarille, si cet ouvrage est jamais repris, d’imiter dans ces deux rôles Armand et Préville ; le premier y était plus vigoureux, le second plus agréable, mais tous les deux n’y avaient qu’un gros bon sens, et jamais de l’esprit. […] Ma mémoire me sert encore assez bien, pour que je puisse dire à nos jeunes premiers 15 : si vous avez jamais le bonheur de jouer la belle scène qui donne le titre à la pièce, ne cherchez pas à mettre la manière à la place de la nature. […] Deux scènes après, le tuteur s’acquitte si bien de la commission, qu’il débite à Isabelle, sans se tromper d’un seul mot, les douze vers que lui a dit Valère ; il a la mémoire heureuse, va me dire un plaisant : il est vrai ; mais ne serait-il pas plus naturel que Sganarelle eût, du moins, l’air de chercher, l’air de faire travailler sa mémoire, et la crainte scrupuleuse d’oublier une syllabe de cette singulière commission ? […] Cher parterre, quelques Laflèche prennent des lunettes pour lire à Cléante le mémoire de son usurier ; rien ne nous dit que Laflèche soit vieux, et ses lunettes nuisent certainement à l’effet que doivent produire celles d’Harpagon, lorsqu’il paraîtra devant sa maîtresse.

1510. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Et il ajoute « qu’on n’aurait pas eu de peine à en faire un usage plus fâcheux encore pour la mémoire de Poe ». […] Woodberry, « de tirer un parti beaucoup plus fâcheux encore pour sa mémoire que celui qu’en a tiré Griswold ». […] Du moins il garda l’espoir, jusqu’au bout, que son ami Griswold prendrait soin de sa mémoire. […] Ses restes furent brûlés en secret : on célébra la mémoire sacrée de son martyre. […] L’opinion des Aksakof sur les Mémoires d’un chasseur ne semble pas avoir été extrêmement favorable.

1511. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Fussé-je mort avant lui, comme c’était mon droit, à coup sûr il aurait fait de même envers ma mémoire ; il aurait taillé sa pierre et l’aurait incrustée dans un monument d’amitié pour me faire honorer et excuser par la postérité. […] Sa mémoire est riche, exacte et presque infaillible ; son jugement est sain, exempt de troubles autres que ceux qu’il cherche, de passions autres que ses colères contenues ; il est studieux et calme. […] Puissamment construite, son âme retient et juge toute chose avec une large mémoire et un sens droit et pénétrant ; mais l’imagination emporte ses facultés vers le ciel aussi irrésistiblement que le ballon enlève la nacelle. […] Lisez les mémoires du temps, vous verrez sa conduite.

1512. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Nous n’offensons pas sa chère mémoire en l’avouant ici, car lui-même, quand il eut généreusement déposé les armes après la victoire, reconnaissait devant nous que la sainte colère de la liberté l’avait emporté quelquefois, dans sa jeunesse, au-delà du juste. […] Ici nous le laisserons parler lui-même avec autant de fidélité que notre mémoire, aidée de quelques notes prises au crayon sur le fait, peut donner d’exactitude et de littéralité à ses paroles. […] Ma popularité libérale parmi la jeunesse lettrée, mon républicanisme présumé parmi les républicains, mon nom, mes chansons dans la mémoire du peuple, mon costume d’artisan aisé qui coudoie sans l’offusquer la multitude, me faisaient passer, entrer, sortir, acclamer partout. […] Garde dans ta mémoire et transmets à celle de tes enfants ce beau mouvement de ton cœur national.

1513. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Chateaubriaud a fait le sien ; il faut l’entendre, dans ses Mémoires, nous décrire ce prodigieux événement et s’efforcer d’en exprimer le grandiose à force d’images, il veut nous montrer Napoléon en marche, qui s’avance sans rencontrer d’obstacle : « Dans le vide qui se forme, dit-il, autour de son ombre gigantesque, s’il entre quelques soldats, ils sont invinciblement entraînés par l’attraction de ses aigles.

1514. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Telle est l’idée générale de ce volume qui se compose d’une suite de petits Mémoires, et dans lequel l’auteur semble n’avoir pris son sujet principal que comme un prétexte à quantité de remarques nouvelles, à des dissertations curieuses, et, ainsi qu’on aurait dit autrefois, à des aménités de la critique.

1515. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

« Veuillez, Monsieur, agréer l’expression de mes sentiments respectueux, « Sainte-Beuve. » Une note du Cabinet résumait ainsi le mémoire de l’auteur des Causeries : 5 avril 1856.

1516. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Platon n’aurait pu rassembler dans sa mémoire ce qu’à l’aide de cette méthode les jeunes gens retiennent sans peine aujourd’hui ; et les erreurs s’introduisaient beaucoup plus facilement avant qu’on eût adopté dans le raisonnement l’enchaînement mathématique.

1517. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Je réponds à cette objection que les images et les pensées les plus habituelles, dans Ossian, sont celles qui rappellent la brièveté de la vie, le respect pour les morts, l’illustration de leur mémoire, le culte de ceux qui restent envers ceux qui ne sont plus.

1518. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Il n’y a point en Angleterre de mémoires, de confessions, de récits de soi faits par soi-même ; la fierté du caractère anglais se refuse à ce genre de détails et d’aveux : mais l’éloquence des écrivains en prose perd souvent à l’abnégation trop sévère de tout ce qui semble tenir aux affections personnelles.

1519. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Vous tâcherez encore ici que la mémoire ne fasse point l’office de l’intelligence et du sentiment.

1520. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

« Les comédiens, disait Niccolo Barbieri, étudient beaucoup et se munissent la mémoire d’une grande provision de choses : sentences, concetti, déclarations d’amour, reproches, désespoirs et délires, afin de les avoir tout prêts à l’occasion, et leurs études sont en rapport avec les mœurs et les habitudes des personnages qu’ils représentent4. » Ainsi, l’on verra l’un des capitans les plus renommés, Francesco Andreini, publier ses Bravure, ses bravacheries, divisées en plusieurs discours.

1521. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

On lui manda cette triste nouvelle dans les termes les plus propres à soutenir une épouse désolée, & les plus honorables à la mémoire d’un tel époux.

1522. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Cet ouvrage, le fruit de tant d’années de leçons données à la jeunesse, & que l’auteur, selon ses enthousiastes, a composé comme César nous a laissé ses mémoires ; cet ouvrage, qui est un livre du métier, & dans lequel la marche qu’il faut tenir durant le cours des études paroît sûre, a été singulièrement vanté, de même que tous les autres ouvrages de Rollin.

1523. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Après qu’elle fut à sa Majesté, Monsieur de Molière continua de donner plusieurs Pièces de Théâtre, tant pour les plaisirs du Roi que pour les divertissements du public, et s’acquit par là cette haute réputation qui doit éterniser sa mémoire.

1524. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Il avait le plus grand talent pour les négociations, comme on le voit dans les mémoires de Dalrimple imprimés de nos jours ; mais de son temps, il ne passait que pour un homme de beaucoup d’esprit et un homme de plaisir.

1525. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Ses pensées se gravent aussi facilement dans la mémoire que nos meilleurs vers : preuve non équivoque de l’énergie & de l’harmonie de son style.

1526. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

En érudition, ils avaient beaucoup lu les mémoires de notre académie des Inscriptions, et, en littérature, ils renouvelaient souvent des formes oubliées.

1527. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Seulement, le vers plaisant et fameux : À mon gré le Corneille est joli quelquefois, nous revenait à la mémoire ; car il s’agissait ici d’un sublime encore plus touchant que celui du vieux Corneille.

1528. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Seulement le vers plaisant et fameux : À mon gré le Corneille est joli quelquefois, nous revenait à la mémoire, car il s’agissait ici d’un sublime encore plus touchant que celui du vieux Corneille.

1529. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

» (sous le grand Charles-Quint, qui paraît bien moins cruel que Philippe II, ce lieu commun de cruauté, parce que l’opinion est femme, et, dans cette question, était une femme flamande, et que le Flamand couvrait Charles-Quint, comme l’Espagnol perdait Philippe II), — cette main sans passion n’a pas une seule fois dans cette histoire, si tentante pour les plumes ardentes, tracé un de ces portraits terribles qui flambent éternellement sur une mémoire et empêchent éternellement de voir clair à travers ce feu.

1530. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Marin, le Marsyas écorché avec une gaieté si féroce dans les Mémoires de Beaumarchais, leur succéda, quand le duc d’Aiguillon remplaça le duc de Choiseul, et descendit jusqu’à lui l’honneur de la vieille publication des Renaudot.

1531. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

III Voilà ce que cette publication remet en mémoire.

1532. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Mais Saint-René Taillandier n’a pas la piété que je ressens pour la mémoire de Madame de Staël.

1533. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Depuis La Révellière-Lépeaux, d’inepte et fade mémoire, rien de pareil ne s’était vu.

1534. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

prenez seulement le dictionnaire de Bayle, l’histoire de la philosophie de Brucker et le vocabulaire de Tennemann, et vous verrez quelle masse de rêveurs inutiles, de cracheurs dans les puits pour faire des ronds, se trouvent mêlés, pour l’encombrement de nos mémoires, aux quelques noms et aux quelques idées, très rares, très clairsemées, et pour les raisons providentielles les plus hautes, qui ont réellement allongé la corde de l’esprit humain et un peu étendu de la circonférence de ses efforts !

1535. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

La critique, qui exigera davantage, sera bien obligée de reconnaître que le Remède au paupérisme a pour tout mérite une consciencieuse vulgarité, et on n’expliquera son succès qu’en disant qu’il est une de ces œuvres qui reposent une Académie lasse de penser, comme madame Grant, d’apathique et de somnolente mémoire, reposait le prince de Talleyrand.

1536. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

Il n’a fallu rien moins, pour m’apaiser, que la supériorité absolue du Mémoire (car c’en est un) de Barthélemy Saint-Hilaire ; de ce chef-d’œuvre de critique impartiale, juste et presque généreuse, dont le double caractère est d’augmenter, par la manière dont il les expose et par le parti qu’il en tire, le désir de lire ces histoires, et de pouvoir en dispenser.

1537. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

mais dans un ton aigre et écourté, ces beaux vers si largement phrasés et qui chantent dans toutes les mémoires : Une mélancolique et piteuse chanson Respirant la douleur, l’amour et la tristesse.

1538. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Aussi une voix (celle de la veuve du poète allemand) s’éleva-t-elle contre cette Correspondance indûment publiée, qui déshonorait ou du moins qui n’honorait pas assez la mémoire de l’homme dont elle portait le nom.

1539. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

les inventions que sa fantaisie produit ou dont sa mémoire se souvient ?

1540. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Il a voulu aussi les instruire, et il a jeté dans leurs mémoires, aussi grand ouvertes que leurs yeux, des tournures de langue oubliées, de charmantes choses tombées en désuétude, des mots divins que La Fontaine, qui n’était pas fier, ramassait, et qu’il faut rapprendre à l’enfance, si on ne veut pas qu’elle périsse, l’ancienne langue française, exténuée dans les maigreurs du xviiie  siècle.

1541. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

En donnant leur vie pour l’État, ils ont mérité la plus honorable des sépultures : je ne parle pas de celle où reposent leurs ossements, la gloire des grands hommes n’est pas renfermée sous le marbre qui les couvre : la terre entière est leur mausolée ; leur nom vit dans toutes les âmes : c’est là que leur mémoire habite éternellement, au lieu que les tombeaux élevés de la main des hommes sont détruits par le temps.

1542. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

et qui de nous a des mémoires secrets sur ce qui fut avant l’Orient ? […] Royer-Collard, en vous les citant de mémoire : mais je suis bien sûr de n’en pas fausser le sens, et d’être fidèle à sa pensée. […] à la condition de la mémoire. À quelle condition y a-t-il mémoire ? […] L’homme, ne se croyant pas digne de mémoire, abandonne le monde à l’action des forces de la nature, et l’histoire aux dieux, qui la remplissent seuls.

1543. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Ces règles, qui essayaient de se fixer depuis deux siècles, furent négligées, oblitérées : les œuvres, — une grande moitié des œuvres qui avaient le plus occupé les imaginations populaires, sortirent de la mémoire et tombèrent en désuétude, — au moins sous la forme littéraire épique qu’elles avaient d’abord revêtue. […] Quand la Renaissance, plus retardée chez nous qu’en Italie, vint donner un tout autre cours aux idées, aux études, et communiquer un véritable rajeunissement aux esprits, l’imprimerie, qui s’inventait et se perfectionnait dans le même temps, se mit au service des grandes résurrections d’abord, grecque et latine, et seulement, pour le langage vulgaire, des productions nouvelles ou de celles de la veille encore et qui allaient devenir surannées ; mais elle ne s’adressa point aux œuvres déjà vieilles de deux ou trois siècles, et depuis cent ans déjà sorties de la mémoire des hommes. […] Aussi Chapelain lui répondit-il, non sans esprit, qu’il était un ingrat et que l’envie ne lui avait pris à lui-même de jeter les yeux sur ce bouquin que pour y observer un peu le langage et le style de nos ancêtres : « Et je m’y déterminai principalement, ajouta-t-il, par l’espérance que j’eus d’y rencontrer un fonds d’importance pour le traité des Origines de notre langue que ce dédaigneux a entrepris. » (De la Lecture des vieux romans, par Chapelain, dans la Continuatum des Mémoires de Sallengre, t. 

1544. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

il est déjà dans ma mémoire, il sera bientôt sur les lèvres de toute la Provence. […] Il se hâta aussi d’oublier les langues savantes et importunes dont on avait obsédé sa mémoire et la chicane dont on avait sophistiqué son esprit. […] « Devant le mas des Micocoules, ainsi Vincent déployait tous les replis de sa mémoire ; la rougeur montait à ses joues, et son œil noir jetait de douces lueurs dans la nuit.

1545. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Le récit de cette campagne contre Dumouriez, et des désastres de cette retraite de 1792, est écrit dans les Mémoires de Goethe avec cette placide impartialité qui prouve une âme supérieure à ses propres impressions. […] Elle aura du moins un titre au bénéfice et à l’honneur de ma mémoire. » Et il épousa mademoiselle Vulpius la veille du jour qu’il croyait être le jour suprême de sa patrie et de sa vie. […] Ce dithyrambe, réfléchi et vociféré tout à la fois sur l’instrument aérien qui sonne à la fois les prières, les douleurs, les glas funèbres, les naissances, les effrois de l’homme, est digne de rester dans la mémoire de la postérité.

1546. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Déjà, vous le savez, je me plaisais à réunir dans ma mémoire, comme ils l’étaient dans mon portefeuille oriental, les plus antiques et les plus modernes accents des muses bienfaitrices de l’humanité. […] demanderont les hommes qui ne sont pas familiers avec ces noms à qui le bruit a manqué ici-bas, mais à qui la mémoire intime des grandes âmes et des grands talents dans le dernier jour ne manqua jamais. […] Ce sont, si vous aimez mieux, des oiseaux de nuit, des rossignols, qui nichent très haut dans les flèches des cathédrales, qui chantent pour eux-mêmes pendant que l’homme dort, ou qui ne se révèlent pas par des notes étranges et sublimes à ceux que l’insomnie tient éveillés, qui, comme des mystères inentendus en bas, traversent l’air d’une plainte ou d’un cri dont l’oreille ne perd jamais la mémoire.

1547. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Une imagination vive, une mémoire vaste et prompte qui sert comme d’une seconde intelligence, le talent d’écrire, la science du langage ; on n’est pas rhéteur à moins. […] Massillon, en l’omettant tout à fait, ou, ce qui est pire, en ne le rappelant que pour mémoire, fit du sermon une leçon de morale, où le christianisme ne paraît être que la plus sévère des philosophies humaines. […] Il nous rappelle ce qui échappe à notre mémoire fragile ou subornée.

1548. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Dieu crée des existences, l’homme d’imagination crée des vies fictives, qui quelquefois, dans la mémoire du monde, laissent un souvenir plus profond, pour ainsi dire, plus vécu. […] Nous le trouvons aujourd’hui tout enflammé d’un projet de publication sur Mme de Staël et son groupe, un pendant à son fameux Chateaubriand, et avec les mêmes nids de vipères, comme notes, en bas des pages, — et cela non par intérêt ou curiosité de la mémoire de Mme de Staël, non par la sollicitation de documents inédits, mais simplement pour être désagréable aux de Broglie qu’il déteste. […] 31 décembre Fini l’année avec la mémoire de l’homme que nous avons, qui nous a le mieux aimés : Gavarni, — dont nous relevons les souvenirs sur nos notes.

1549. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Le peintre aveugle lui disait, qu’éveillé, il n’avait plus la mémoire des couleurs ; mais qu’il la retrouvait dans les rêves de son sommeil. […] Il nous parle du mois de prison, qu’il a fait après la publication des Mémoires d’un chasseur, de ce mois où il eut pour cellule les archives de la police d’un quartier, dont il compulsait les dossiers secrets. […] Il croit que les morts aimés nous entourent, sont présents, écoutent la parole qui s’occupe d’eux, jouissent du souvenir de leur mémoire.

1550. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Chaque idée claire et distincte emporte sa vérité du moment où elle est conçue, mais elle n’en transporte rien par la mémoire. Ainsi Mallarmé rejette le développement, mémoire extériorisée. […] Je ne saurais rattacher bien expressément à des lignes générales de sa nature intérieure l’importance curieuse qu’ont prise chez lui les faits de fausse mémoire ou paramnésie. […] La durée était déjà au fond, avec sa conséquence la mémoire, le « malin génie » de Descartes. […] Comme dans les pertes de la mémoire, cela lui reste en dernier qui a été acquis en premier, et cela c’est le mot que tous, enfants, nous avons chanté pour lui-même avant de l’employer comme un signe.

1551. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Des Auteurs ont crû que quelques-uns des Livres saints de l’ancien Testament n’étoient que des abregés des Livres de Gad, d’Iddo, de Nathan, des Mémoires de Salomon, de la Chronique des Rois de Juda, &c. […] On reproche aux abréviateurs des Transactions Philosophiques, d’avoir fait un choix plûtôt qu’un abregé, parce qu’ils ont passé plusieurs mémoires, par la seule raison que ces mémoires n’étoient pas de leur goût. […] Ils ont compris, ils ont conçu avant que de faire le mot d’entendement ; ils ont voulu avant que de dire qu’ils avoient une volonté, & ils se sont ressouvenu avant que de former le mot de mémoire.

1552. (1886) Le roman russe pp. -351

En entrant dans leurs œuvres, nous sommes désorientés par l’absence de composition et d’action apparente, lassés par l’effort d’attention et de mémoire qu’ils nous demandent. […] Leur cas n’est pas nouveau, et pour deviner ce qu’il présage, on ne saurait trop relire le livre qui éclaire le mieux tout le début de notre siècle, ces admirables Mémoires de Ségur. […] C’est la gloire de la vieille Russie et la grande mémoire de Catherine qu’on respecte dans son œuvre, plus que la rhétorique ampoulée de ses vers. […] L’autocrate puise sa sagesse en lui-même et dans l’amour de son peuple, conclut le mémoire. […] Déjà, du vivant de Tourguénef, les feuilles de Moscou avaient mené contre lui une violente campagne, à la suite de la publication, dans un journal français, des Mémoires d’un nihiliste.

1553. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Ravivons des souvenirs : images enregistrées dans notre mémoire, si peu que soit vivace en nous l’impression des physionomies observées. […] D’où la valeur unique de ces documents : Lettres et Mémoires, qui précisent leurs agitations par refus d’accepter les dures conditions de la vie. […] Mais d’avoir pris ses ébats d’enfant sur la peau d’ours blanc que foulait son oncle en scandant, d’une vigoureuse intonation, les accents de Madame Bovary, il subsista dans sa mémoire des rythmes qu’elle n’oublia pas, si toutefois elle fut inhabile à les faire passer dans ses phrases. […] Il subsiste encore la chance que cette âme porte en soi sa littérature et sa musique, auquel cas rien au monde ne saurait les empêcher d’en sortir, tandis que les réminiscences d’une mémoire trop fidèle risquent d’anéantir toute spontanéité. […] Par bonheur, aucun des traits physiques que lui prête le romancier ne venait contrarier ceux que ressuscitait ma mémoire.

1554. (1932) Le clavecin de Diderot

A notre tour de citer parmi ce qui a été cité : Supposez au clavecin de la sensibilité et de la mémoire, et, dites-moi s’il ne répétera pas, de lui-même, les airs que vous aurez exécutés sur ses touches ? […] Et cependant, si détaché que je sois de ces faits anciens, je pourrais encore les situer, à une minute près, car j’ai le sens, donc la mémoire du temps, avec, en compensation, d’ailleurs, l’ignorance, l’effroi de l’espace. […] Or, le premier, s’il raconte ses tourments dans René, s’attendrit au souvenir de Lucile dans les Mémoires d’outre-tombe, de quelle complaisance envers le Christianisme et son génie, de quel conformisme diplomatique n’a-t-il point racheté son lyrisme incestueux ? […] Se fussent-ils couverts du plus imperméable enduit, que la mémoire, encore, ressusciterait l’univers qu’ils refusent. […] Selon lui, si j’ai bonne mémoire, la cure, pour porter ses fruits, doit imposer au patient, entre autres sacrifices, un sacrifice d’argent.

1555. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Ne laissons pas, au bout de quelques années, pâlir et s’effacer les nobles mémoires. […] D’autres lettres fort belles, et quelques-unes capitales, sont dispersées dans des Catalogues d’autographes, dans des Mémoires de sociétés de province.

1556. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Je vous dirai même entre nous que le Périple d’Hannon m’est complètement odieux pour l’avoir lu et relu avec les quatre dissertations de Bougainville (dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions), sans compter mainte thèse de doctorat, — le Périple d’Hannon étant un sujet de thèse. […] Pour ce mobilier et les costumes, je vous renvoie aux textes réunis dans la 21e dissertation de l’abbé Mignot (Mémoires de l’Académie des Inscriptions, tome 40 ou 41, je ne sais plus).

1557. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Plus efficacement que nos paroles, elle ravivera, elle achèvera dans leur mémoire une image déjà vieillie, mais toujours présente. […] Sa vie se passa de la sorte, à penser d’abord, à penser surtout et toujours, puis à parler de ses pensées, à les écrire à ses amis, à ses maîtresses ; à les jeter dans des articles de journal, dans des articles d’encyclopédie, dans des romans imparfaits, dans des notes, dans des mémoires sur des points spéciaux ; lui, le génie le plus synthétique de son siècle, il ne laissa pas de monument.

1558. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

J’ai sous les yeux un mémoire ou une note très-digne de considération, qui m’a été remise à ce sujet et qui, répondant point par point aux arguments allégués, conclut à l’admission et au rétablissement de la preuve contre les fonctionnaires. […] De temps immémorial en France, l’humeur gauloise, on le sait, s’en est donné à cœur joie sur les moines, les femmes et les maris : témoins les fabliaux qui couraient déjà du temps de saint Louis, les noëls licencieux et les couplets du temps de Louis XIV, et tous les mémoires secrets sous Louis XV.

1559. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

» Pic de la Mirandole, le prodige lettré d’Italie, dans ses Mémoires, disait que le génie de Laurent était à la fois si énergique et si souple, qu’il paraissait avoir été formé pour triompher dans tous les genres. « Ce qui m’étonne surtout, ajoutait ce juge si compétent, c’est qu’au moment où il est le plus engagé dans les affaires de la république, il peut ramener l’entretien sur des sujets de littérature et de philosophie avec autant de liberté et de facilité que s’il était le maître de son temps comme de ses pensées. » Il écrivait des sonnets, restés classiques, et s’excusait en ces termes de se livrer à la poésie, crime illustre dont on l’accusait : « Il y a quelques personnes, dit-il, qui m’accuseront peut-être d’avoir perdu mon temps à écrire des vers et des commentaires sur des sujets amoureux, précisément lorsque j’étais plongé dans des occupations très-graves et très-multipliées. […] Sa taille était noble et élégante ; il y avait dans toute son apparence quelque chose de divin ; doué d’une pénétration d’esprit inconcevable, d’une mémoire infaillible, d’une ardeur infatigable au travail, parlant avec autant d’éloquence que de netteté, on ne savait ce que l’on devait le plus admirer, de ses talents ou de ses vertus.

1560. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Il avait, dit un biographe, Horace dans son cabinet, sous le chevet de son lit, sur sa toilette, dans sa mémoire, à la ville et aux champs ; et il l’appelait son bréviaire. […] Que prétend Malherbe en défendant les rimes du simple et du composé, temps, printemps jour, séjour, ou des mots qui ont quelque convenance, montagne, campagne, ou des dérivés, mettre, permettre, sinon empêcher la poésie de devenir un exercice de mémoire et un vain jeu de mots ?

1561. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

La secte de Luther remplaça presque généralement celle de Jean Huss ; mais la mémoire du supplice atroce infligé à ce dernier continua d’animer les esprits des novateurs, même après qu’ils se furent écartés de sa doctrine. […] Les noms de Wallstein, de Tilly, de Bernard de Weymar, d’Oxenstiern, de Mansfeld, réveillent dans la mémoire de tous les spectateurs des souvenirs qui n’existent point pour nous.

1562. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

À vrai dire, toute personne qui, dans sa jeunesse, a vécu d’une vie d’émotions et d’orages, et qui oserait écrire simplement ce qu’elle a éprouvé, est capable d’un roman, d’un bon roman, et d’autant meilleur que la sincérité du souvenir y sera moins altérée par des fantaisies étrangères : il ne s’agirait pour chacun que de raconter, sous une forme presque directe et avec très-peu d’arrangement, deux ou trois années détachées de ses mémoires personnels.

1563. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Les extraits des Mémoires de Jefferson, par feu M. 

1564. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Qui sait si les calomniateurs, après avoir déchiré la vie, ne dépouilleront pas jusqu’à la mort des regrets sensibles qui doivent accompagner la mémoire d’une femme aimée ?

1565. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

J’espère que la mémoire de mes lecteurs, si j’en ai, voudra bien se rappeler ce volume charmant de leur édition de Voltaire, intitulé Facéties, et dont je rencontre souvent dans le Miroir des imitations fort agréables.

1566. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

. — À consulter : l’abbé Trublet, Mémoires pour servir à l’histoire de la vie et des ouvrages de M. de Fontenelle, in-12, 1761 ; Faguet, xviiie siècle.

1567. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Bref il fait œuvre estimable d’historien ; même les qualités de perspicace, de connaisseur, aussi d’écrivain, qui lui sont nécessaires feraient de l’archéologue le plus désigné des critiques si sa familiarité avec, les œuvres anciennes ne le rendait un peu indulgent jusqu’aux plus inutiles copistes qu’il aime pour les originaux évoqués à sa mémoire érudite, conséquemment un peu sévère aux novateurs, et si ses habitudes scientifiques de travail complet où les œuvres sont étudiées non seulement morphologiquement, mais dès leurs genèses et jusqu’à leurs influences, ne lui interdisaient presque la besogne hâtive et jetée de la chronique salonnière.

1568. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Page pénultième des Mémoires de Dumaurier, citée dans le Ducatiana, ire  partie, p. 103.

1569. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Le second est l’aperception d’une différence : je jouissais, je souffre ; j’aperçois la différence, et l’image de la jouissance reste dans ma mémoire pendant que je souffre.

1570. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

Autour de lui, hommes et femmes écoutaient, « devenaient clers et sçavants en peu d’heures, et parloyenl de prou de choses prodigieuses, élégantement et par bonne mémoire : pour la centième partie desquelles sçavoir ne suffirait la vie de l’homme : des Pyramides, du Nil, de Babylone, des Troglodytes, des Himantopodes, des Blemmyes, des Pygmées, des Caníbales, des mons Hyperborées, des Egipanes, de tous les diables, et tout par ouydire. » Or la satire ne vise pas ici seulement le savoir populaire, car autour d’Ouydire et prenant attentivement des notes, Rabelais n’a pas manqué de faire figurer Hérodote et Pline, Marco-Paulo, Strabon, Albert le Grand, tout un lot d’auteurs dont les livres en vogue dispensaient aux écoliers de son temps les notions enregistrées jusque-là par la science humaine.

1571. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Les contemporains, les auteurs de mémoires, les comiques et les moralistes du temps, les représentations graphiques, des tableaux aux caricatures, les mille faits épars de la vie de tous les jours, la reconstitution architecturale et géographique des lieux, des monuments et des villes, tous les départements de la vie publique, de la politique à la théologie, seront mis à contribution, fouillés en quête de détails typiques et significatifs ; ces notions sur le vêtement, la demeure, le séjour, sur les habitudes intimes et sociales, sur le type ethnique, sur les relations célestes et humaines, sur toute la vie en somme du groupe formé autour d’une œuvre ou autour d’une famille d’œuvres, groupe qui comprendra tantôt tout ce qui est notable d’une nation, tantôt toute une classe, tantôt enfin un nombre épars d’individus dont il faudra rechercher les points d’union, — seront dégagés, fondus ensemble, ordonnés, et plaqués enfin sur la sorte de squelette psychologique que l’on aura obtenu antérieurement par l’ordre de recherches que nous avons exposé au précèdent chapitré.

1572. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

On vouloit qu’on admit les vers, ne fut-ce que parce qu’ils gravent mieux que la prose les faits dans la mémoire.

1573. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

La correspondance de la délicieuse femme qui s’était fait pendant trente ans adorer vertueusement de toute l’Europe, ne consistait qu’en quelques billets du matin que n’importe qui était capable d’écrire, et on put se plaindre, pour la mémoire d’un être charmant qui devait rester comme un idéal de femme dans nos esprits, d’un livre qui rabaissait évidemment, en nous la montrant dans les insignifiances de la vie.

1574. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

En ces proverbes, naïfs ou sublimes, brillants ou profonds, moqueurs ou tendres, ils reconnaissaient une pensée, parente de la leur mais moins heureuse, car elle était entrée sans signature dans la mémoire des hommes, et en y restant elle n’y laissait aucun nom !

1575. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Ce livre, d’une haleine très saine et très pure, ressemble à un verre d’eau versé pieusement sur une mémoire qu’on veut faire refleurir ; mais ce n’est qu’un verre d’eau, et pour faire relever la tête à cette fleur, piétinée et souillée par les boueux du xviiie  siècle, il faudrait davantage.

1576. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Jusque-là, c’est un enfant encore, qui ne sait rien, quoi qu’il ait appris ; car on ne sait pas pour avoir déposé dans sa mémoire des notions qu’on peut y reprendre, a dit profondément un penseur.

1577. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Pour nous, il en a deux qui sont oubliés et qu’il faut remettre en mémoire.

1578. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

C’est avec les citations tirées des Mémoires ou des écrits de ces gens-là, que l’histoire de M. 

1579. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Pendant qu’il était en train de si bien faire en nous montrant l’antiquité, cette vaine parolière, descendant du sophiste au rhéteur et du rhéteur au grammairien, ces trois marches qui l’ont conduite au gouffre, je souhaitais que l’esprit qui voyait si clair en histoire tirât des faits, si curieux et si nombreux qu’il avait colligés, des conséquences plus circonstanciées et plus hardies, et qu’il osât des rapprochements entre des époques de décadence dont il est impossible de ne pas voir l’analogie… À certaines pages du livre en question, la décadence de l’antiquité, livrée à la phrase et aux mots pour les mots, rappelait à l’auteur d’autres décadences ; des rhéteurs grecs lui mettaient en mémoire d’autres rhéteurs, qui n’étaient pas grecs.

1580. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

Voltaire, comme il l’appelle en ses Lettres inédites : « le plus prodigieusement bel esprit que la nature ait créé avec une vaste mémoire », est jugé avec une impartialité froide qui n’était pas du temps.

1581. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Sans ces lettres intimes, ce flot de fange pouvait rester sur sa mémoire.

1582. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Pour nous, il en a deux qui sont oubliés et qu’il faut remettre en mémoire.

1583. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

… Dans l’art de la peinture et du dessin, il faut déjà beaucoup de profondeur dans l’inspiration pour s’affranchir des tyrannies de la mémoire, mais que n’en faut-il pas quand on traite, les unes après les autres, deux cents scènes appartenant à l’histoire du peuple le plus un qui ait jamais existé sur la terre ?

1584. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Créatures de courte mémoire, qui ne peuvent pas même avoir peur longtemps, et dont les sensations ne sont que des éclairs qui passent, les hommes oublient ces deux questions redoutables, malgré l’impression qu’ils en reçoivent quand on les soulève devant eux.

1585. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Celui qu’on ne croyait qu’un vieux théologien aveugle devient l’Homère de l’Angleterre, et la mémoire de ce puritain en habit gris, qui serait maintenant évaporée comme les sons de l’orgue dont il jouait, disent les Histoires, près de sa porte ouverte, aux derniers rayons du soir, se fixe en immortalité.

1586. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

On ne peut douter que les deux oraisons funèbres de Le Tellier, où Fléchier et Bossuet le représentent comme un grand homme et comme un sage, le jour et le lendemain qu’elles furent prononcées, n’aient été fort applaudies à la table et dans l’antichambre de Louvois, qui était son fils, et qui était tout-puissant ; mais si elles avaient été lues à ceux qui avaient suivi la vie entière de Le Tellier, qui l’avaient vu s’élever par degrés, et qui, si l’on en croit les mémoires du temps, n’avaient jamais vu en lui qu’un courtisan adroit, toujours occupé de ses intérêts, rarement de ceux de l’État, courant à la fortune par la souplesse, et l’augmentant par l’avarice, flatteur de son maître, et calomniateur de ses rivaux ; si elles avaient été lues à Fouquet dans sa prison, à ce même Fouquet dont Le Tellier fut un des plus ardents persécuteurs, qu’il traita avec la basse dureté d’un homme qui veut plaire, et qu’il chercha à faire condamner à mort, sans avoir cependant le bonheur cruel de réussir ; si elles avaient été lues en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, à toutes ces familles de Français que la révocation d’un édit célèbre, révocation pressée, sollicitée et signée avec transport par Le Tellier, fit sortir du royaume, et obligea d’aller chercher un asile et une patrie dans des contrées étrangères ; qu’auraient pensé tous ces hommes, et des oraisons funèbres, et de l’éloquence, et des orateurs ?

1587. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Son érudition inépuisable perpétuera les redites et les digressions : sa mémoire fera tous les frais, et son esprit ne fournira rien qui enrichisse les nôtres. […] Oui, que leurs haines parvinssent dans quelque temps à le perdre, on oublierait l’intervalle des années qui séparerait mes poursuites des leurs, on me soupçonnerait d’avoir occasionné sa condamnation, et sa mémoire grandie aggraverait ma faute. […] Me voici, comme lui, le mémoire à la main ; allons en avant, et tâchons de l’additionner en expert, le plus nettement qu’il nous sera possible, sauf à laisser aux railleurs le droit d’en rabattre, si toutes nos parties ne sont pas raisonnables. […] à laisser dans le souvenir du spectateur une idée de quelque ridicule assez forte pour l’en corriger : il ne peut aspirer à en imprimer plusieurs à la fois très profondément ; car une comédie ne saurait contenir un grand nombre de moralités différentes sans qu’elles se nuisissent entre elles par leur multitude, qui sortirait de la mémoire. […] Strépsiade, trop vieux pour être un bon disciple, n’a ni l’entendement mieux ouvert, ni la mémoire plus sûre que M. 

1588. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Quand il n’y a pas de cerveau, les sensations peuvent difficilement se fixer et devenir de la mémoire. […] J’ai connu un bibliothécaire qui faisait ses délices des Mémoires de Casanova et qui estropiait son nom, l’appelant toujours, et avec emphase, Casanova de Seignalt, au lieu de Seingalt, qui est le nom exact. […] Il n’est pas sûr de ses yeux : c’est que ses yeux et sa mémoire sont en lutte avec son imagination. […] Il pêche à la ligue dans sa mémoire et ne retire rien. […] Si, en effet, notre œil fonctionne mécaniquement, à peu près comme un objectif photographique, nous sommes obligés, pour ne pas encombrer les magasins de notre mémoire, de faire un choix parmi les images que nous y classons.

1589. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Ils ont beaucoup de mémoire, écrivent d’une manière nette et concise ; ils comprennent fort « vite. […] Même dans des pièces moins réussies, par exemple dans les Espagnols en Danemark, il y a des personnages, le lieutenant Charles Leblanc et sa mère l’espionne, qui resteront à demeure dans la mémoire humaine. […] Cette trame immense aux innombrables nœuds, nulle mémoire, nulle imagination n’est capable de se la représenter distinctement tout entière. […] Ajoutez aux lettres intimes les imprimés de toute dimension et de toute espèce, non seulement les œuvres littéraires, économiques et politiques, mais encore les papiers d’affaires, projets, comptes, mémoires à l’appui, requêtes, factums et autres documents judiciaires. […] Désormais, quiconque voudra le connaître devra recourir à M. de Loménie ; aux célèbres Mémoires, au Mariage de Figaro, son livre reste attaché comme un commentaire indispensable.

1590. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Cette surcharge de la mémoire donne quelquefois au lecteur l’illusion de la candeur inventive. […] J’aboutis à ceci : de toute cette vie, pompeuse et bruyante, il me restait la mémoire d’une heure. […] La vue de la réalité leur ferait prendre en dégoût les « cahiers d’expressions » qui surchargent leur mémoire. […] Certes, les mémoires sur des points de détail, les veilles des travailleurs obstinés à fouir dans un trou, les remarques des phonétistes, des métriciens, des mythographes, des numismates, des diplomatistes sont la condition de ces synthèses. Mais il me semble que la construction d’un système d’idées générales suppose des qualités plus rares que les vertus qui président à la rédaction d’une note sur le rhotacisme ou d’un mémoire sur le digamma.

1591. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Et, quand il sera mort, sa mémoire continuera de hanter l’âme de Christophe, pour lui être bienfaisante. […] Il est tombé sur la mémoire des prêtres inquiétants un étrange silence, composé de vergogne et de pitié. […] L’œuvre de notre mémoire : de notre qualité la plus fragile. […] Mathieu, de Mézerai, de Daniel, de Boulanger, les mémoires, souvenirs et correspondances, les recueils de pièces et d’archives. […] Mais le professeur affirmait qu’une mémoire humaine ne sait pas garder tant de vers intacts.

1592. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Si la détente était complète, il n’y aurait plus ni mémoire ni volonté : c’est dire que nous ne tombons jamais dans cette passivité absolue, pas plus que nous ne pouvons nous rendre absolument libres. […] Remarquons que les questions de situation et de grandeur sont les premières qui se posent à notre activité, celles que l’intelligence extériorisée en action résout avant même qu’ait paru l’intelligence réfléchie : le sauvage s’entend mieux que le civilisé à évaluer des distances, a déterminer une direction, à retracer de mémoire le schéma souvent complexe du chemin qu’il a parcouru et à revenir ainsi, en ligne droite, à son point de départ 80. […] Nous avons développé ce point dans Matière et Mémoire, chap.  […] Matière et mémoire, chap.  […] Serkovski, mémoire (en russe) analysé dans l’Année biologique, 1898, p. 317.

1593. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Tous-et-Un, voilà l’authentique et l’universel auteur des grandes choses qui sont dans nos mémoires. […] Ce n’est pas seulement pour la mémoire des hommes que le poëte agit, et dût-il n’être pas compris il s’en consolerait. […] Une erreur accompagne le nom de La Fontaine dans les mémoires modernes. […] Sa mémoire est triste et charmante. […] Il a la mémoire très bonne et un grand esprit de discernement.

1594. (1900) La culture des idées

Il est cependant imprudent de dire : « La mémoire est toujours inconsciente17. » La mémoire est la piscine secrète où, à notre insu, le subconscient jette son filet ; mais la conscience y pêche aussi volontiers. […] Schopenhauer comparait à la rumination le travail obscur et continu du subconscient au milieu des perceptions prisonnières dans la mémoire. […] Lisez, mais vite, afin de lire beaucoup et d’engrosser rapidement votre mémoire. […] Les mots dont l’épellation est la plus anormale sont précisément ceux qui se gravent avec le plus de netteté dans la mémoire. […] Dureau de la Malle, Mémoire sur sainte Venise, lu à l’Académie des Inscriptions.

1595. (1927) Des romantiques à nous

Trente ans plus tard, il avait encore ce passage dans sa mémoire. […] Il n’a cure qu’elle garde éternellement en mémoire la doctrine des universaux et l’exacte définition de l’empirisme. […] Les épisodes d’amour et de bataille où s’étaient illustrés ces quatre jeunes gens étaient nombreux dans sa bonne mémoire, pas assez pour que mon imagination enchantée ne l’obligeât d’en recommencer indéfiniment le conte. […] Les chansons populaires de nos jours (En r’v’nant de la Revue, Madelon et autres) sont de la mélodie facile (dans le pire sens du mot) que sa facilité, son rythme de marche, quelque heureuse conjonction de circonstances fixent promptement dans la mémoire du peuple de Paris. […] Cette tête-là, cette tête ronde et forte, dont, après trente ans écoulés, les moindres traits gardent dans ma mémoire leur entier relief, ce n’était pas une tête d’accessit.

1596. (1886) Le naturalisme

Diderot écrivit la Religieuse en feignant que ce fussent les mémoires d’une jeune fille, obligée par sa famille à devenir religieuse sans vocation, et qui, après mille luttes, s’échappe du cloître. […] Le sujet de Madame Bovary, — qui a été si blâmé et qui a soulevé un tel scandale, — fut suggéré à Flaubert, à ce que déclare Maxime Ducamp, par le hasard, qui évoqua dans sa mémoire le souvenir d’une malheureuse femme qui vécut et mourut comme son héroïne. […] On peut assurer qu’il n’y a pas de détails, pas de caractères, pas d’évènements dans ses romans qui ne soient tirés de ses carnets ou du riche trésor de sa mémoire. […] Son incapacité absolue d’inventer et la force invincible avec laquelle le modèle vivant s’incrustait dans sa mémoire, au point de ne lui laisser pas de repos jusqu’à ce qu’il l’ait transporté sur le papier. […] Sa résolution est-elle dictée par la coquetterie de se retirer, quand le public l’aime le plus, en laissant derrière lui une mémoire radieuse ?

1597. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Une fois nommé, qui eût dit à notre collègue Le Prévot-d’Iray, qu’on irait lui demander le Mémoire couronné qu’il jura de ne jamais imprimer ? […] Lemercier, où, si j’ai bonne mémoire, le public, embarqué dès le premier acte dans la caravelle du navigateur génois, descendait au troisième sur les rivages d’Amérique ? […]  » Notre histoire, ou plutôt nos mémoires historiques, car nous n’avons pas d’histoire, sont remplis de ces mots naïfs et charmants, et la tragédie romantique seule peut nous les rendre10. […] Si la Pandore n’avait pas gâté ce mot, je dirais que ce sera un genre éminemment français, car aucun peuple n’a sur son moyen âge des mémoires piquants comme les nôtres.

1598. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Ce mot nous remet en mémoire les grandiloquents manifestes de la vaniteuse et, babillarde École Romane. […] Les Confessions, les Mémoires d’un Veuf, Mes Prisons restent de précieux documents sur les événements d’âme d’où naquirent tour à tour les Poèmes Saturniens, la Bonne Chanson, Sagesse. […] ……………………………………………………………………………………… Parce que Paul Verlaine négligea « l’écriture artiste » pour le culte de l’émotion, parce qu’il nous délivra, littérairement, de l’influence romantique et parnassienne, pour la grâce impressionniste et le charme réaliste de son œuvre, et aussi et surtout parce qu’il chanta perpétuellement la vie, sa mémoire nous est sacrée et nous saluons en lui, sans lyrisme et sans phrase, le Libérateur. […] Pétris de la poussière, du sang et de la chair de toute une race, ils en gardent la mémoire auguste, et ils y sont consubstantiels. » Ainsi dans les tragédies qu’il rêve, M. de Bouhélier ne placera point des personnages légendaires ou allégoriques.

1599. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Dimanche 8 mars Daudet me confiait qu’il avait cherché ces jours-ci à retrouver dans sa mémoire son enfance, et que la légende qui faisait de lui, à cette époque, un catholique fervent, était une légende. […] Et à peine sorti de table, dans cette maison à l’atmosphère littéraire, on cause poésie ancienne et grâce à la mémoire admirable de Léon, ç’a été la curieuse pièce de Villon : Comme je suis povrette et ancienne, Ni rien ne sais… Puis la mélancolique pièce de Ronsard sur la vieille maîtresse : Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle… Assise au coin du feu, devisant et filant. […] Vendredi 11 septembre Dans la bataille littéraire du moment, on n’a pas dit — ce que j’ai affirmé à propos de Flaubert — que le grand talent en littérature était de créer, sur le papier, des êtres qui prenaient place dans la mémoire du monde, comme des êtres créés par Dieu, et comme ayant eu une vraie vie sur la terre. […] nous voyons les choses, le jour, comme les autres les voient, la nuit, dans une insomnie, après un cauchemar. » Vendredi 25 septembre Ce soir, Valentin Simond racontait la dernière soirée de Delescluze, où il se faisait accompagner par lui au Comité de Salut public, disant qu’il avait besoin de causer avec un ami, et lui confiant dans le trajet, qu’engagé dans une cause qu’il n’avait pas choisie, il ne laisserait pas une mémoire déshonorée, et qu’il ne lui restait plus qu’à mourir, ajoutant que la République était décidément fondée, et qu’il restait assez de Jules Simon pour la défendre.

1600. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

On lui attribue la rédaction des Mémoires du général Canuel, et même celle du Voyage à Jérusalem du Père de Géramb.

1601. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Ferdinand Brunetière) toute cette « littérature personnelle », journaux, mémoires, souvenirs, impressions, est fort en faveur aujourd’hui.

1602. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Francisque Sarcey, feuilletant du pouce le Testament de César Girodot et Athalie, qui accroche à sa mémoire exercée quelques situations et quelques vers ; les fragments adroitement cueillis, lui sont un texte suffisant pour la parallèle qu’il va conférencier l’heure d’après.

1603. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Ce genre de triomphe, si glorieux pour sa mémoire, prouve que, si l’esprit peut s’égarer parce qu’il est faillible, la droiture des sentimens, l’élévation de l’ame, la générosité du cœur, sont des ressources puissantes pour contenir l’amour-propre, & faire naître la véritable gloire du sein même de ce que les hommes vulgaires seroient tentés de regarder comme une humiliation.

1604. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

Nous ne rappellerons que pour mémoire certaines opinions fantaisistes sur lesquelles il est inutile d’insister.

1605. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

C’est une belle couleur de victime. » Comme les causeurs charmants dont le monde a gardé la mémoire, Rivarol, Boufflers, et surtout ce prince de Ligne, auquel elle fait penser sans cesse, elle pousse la gaieté jusqu’à la folie et même quelquefois jusqu’à la bêtise, ce genre de bêtises dont le prince de Ligne écrivait : « Je me les dis tout bas, pour me faire rire tout haut », et qu’il se disait tout haut aussi, l’indisciplinable aimable homme !

1606. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

pour le compte de sa mémoire.

1607. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

III Et d’ailleurs, dans le livre de Fournier, j’ai cherché vainement les scandales non prouvés, les crimes sans authenticité dont il se vante, c’est-à-dire, en définitive, les grandes choses qui changent l’aspect des annales du monde et importent à la morale des nations parce que ces mensonges-là sont des oppressions et des injustices, et à cela près de deux ou trois faits remis sur la pierre du lavoir et sous le battoir, comme, par exemple, l’arquebusade de Charles IX, par cette fenêtre équivoque, le jour de la Saint-Barthélemy, — ce qui ne blanchit pas beaucoup, du reste, la mémoire tachée de sang de cet insensé du fait de sa mère, — je ne vois guères que des faits de très peu d’importance et je comprends mieux le sous-titre de ce livre de l’Esprit dans l’histoire : L’Esprit dans l’histoire, ou recherches et curiosités sur les mots historiques.

1608. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

un peintre d’hommes, et qu’il porte l’esprit d’un jurisconsulte dans l’histoire, il a trouvé, enterrée sous sa correspondance et ses mandements épiscopaux, la figure d’un évêque, d’un grand homme oublié par la gloire, mais payé de Dieu, maintenant, dans le ciel, et il l’a restituée à la mémoire superficielle de notre temps.

1609. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Ainsi encore, après Théroigne de Méricourt, une figure moins terrible, une sainte plus douce, mademoiselle Kéralio, madame Robert, une fille noble, mal mariée, devenue ambitieuse, et tombée, à force d’abjection et de folie, dans le mépris de madame Roland, et si bas que Michelet, ému jusqu’aux entrailles dans la personne de cette petite madame Robert, se risque à protester contre le portrait déshonorant qu’en fait madame Roland dans ses Mémoires : « Ce qui prouve — ajoute-t-il mélancoliquement — que les plus grands caractères ont leurs misères et leurs faiblesses ! 

1610. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Ils l’ont trouvée dans les correspondances secrètes, les papiers intimes, les mémoires, les recueils de scandale ou de mode, les journaux, les comédies, les vaudevilles, les chansons, dans toutes les plus futiles publications d’une époque passionnée et futile.

1611. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Il s’en fait l’acteur par la pensée, ou du moins le chœur qui épousait l’action même et la vivait dans le drame antique, et cela communique à son récit un accent très particulier, qui n’est pas la particularité d’un faiseur de Mémoires qui raconterait simplement sa vie, et qui donne au sien une passion que n’a pas ordinairement l’Histoire.

1612. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

I C’est au moment où l’on publia les Mémoires de Philarète Chasles, auquel je reprochais d’avoir écourté le portrait de Balzac, qui, pour être ressemblant, aurait dû être colossal, que parut la Correspondance de ce grand homme de lettres, comme une immense réplique à Philarète Chasles et à tous ceux qui se sont permis de parler, avec plus ou moins de renseignements ou de fatuité étourdie, de l’auteur de la Comédie humaine.

1613. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Et cependant l’admiration que nous avons pour le grand poète saigne dans nos cœurs quand nous voyons, en ses Mémoires, cette glace d’une magique beauté mais qui nous l’a tant rapetissé en le réfléchissant, qu’il eût pu, s’il avait voulu, arracher encore aux riens de son existence de dandy assez d’heures pour achever le Don Juan, ou pour nous écrire quelque autre poème comme Lara ou le Giaour.

1614. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

. — L’homme est un clavecin, doué de sensibilité et de mémoire… Que ce clavecin animé et sensible soit doué aussi de la faculté de se nourrir et de se reproduire, et il produira de petits clavecins. » Il disait : « Même substance, différemment organisée, la serinette est de bois, l’homme de chair. » Et encore : « Nos organes ne sont que des animaux distincts que la loi de continuité tient dans une identité générale », et il concluait comme s’il l’avait vu : « Quand on a vu la matière inerte passer à l’état sensible, rien ne doit plus étonner ! 

1615. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

« Rien de certain, rien qui se démontre, la philosophie radicalement impuissante, la raison, sotte, Dieu donc et Dieu, c’est-à-dire Jésus-Christ », tel est le fond : mais la forme et plus que la forme, — car, au point de vue extérieur, cette forme, c’est Montaigne, Montaigne, c’est l’écorce du style de Pascal, — mais l’âme inouïe qui circule dans tout cela, qui passe à travers ce fond de si peu d’invention et cette forme de tant de mémoire, voilà le Pascal en propre, voilà l’originalité qu’on n’avait pas vue et qu’on ne reverra peut-être jamais !

1616. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Flourens n’avait qu’une seule importance, — s’il n’était qu’un savant d’un ordre supérieur, enfermé dans la carapace d’une grande spécialité, impénétrable à tout ce qui ne serait pas savant, sinon du même niveau que lui, au moins du même courant d’études, — nous ne nous hasarderions point à vous en parler… Nous laisserions aux livres purement scientifiques ou aux Mémoires de l’Académie, dont il est le secrétaire perpétuel, à vous entretenir de ses découvertes en anatomie et de ses travaux en physiologie et en histoire naturelle.

1617. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Mais ce n’était pas assez : l’influence de saint Vincent de Paul a transpercé jusqu’aux détails du livre que l’abbé Maynard a consacré à sa mémoire.

1618. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Il a pu y avoir, sans doute, par éclats, par réminiscences isolées (car ce n’est pas pour rien que les Grecs, ces rois du symbole, avaient fait les Muses — toutes les neuf — filles de la Mémoire), il a pu y avoir, à certaines places et à certaines reprises, de l’André Chénier en Guérin.

1619. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Galt, dans son Histoire, ne nous a pas donné un détail que nous ne tenions de lord Byron lui-même, et s’il y a des vides dans ses Mémoires qui embrassent la haute société de l’Angleterre contemporaine du poète, c’est le lâche Moore, épouvanté par les noms propres, c’est le lâche Moore qui les a faits !

1620. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

… Pour avoir quelque livre à comparer à cette Chronique, il faut, selon moi, remonter jusqu’aux adorables Mémoires du sire de Joinville.

1621. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

vous direz, je vois clair avec vous, Vous êtes la lampe au fond de ma mémoire !

1622. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Mais moi, par exemple, qui n’ai point de reconnaissance à garder envers la mémoire de Mme de Girardin, moi qui n’ai pas été reçu chez elle et qui n’ai pas bu dans les verres à champagne de ses soupers cette décoction de lotus qui fait oublier la Critique, j’oserai très bien écrire qu’en somme Mme de Girardin, cette Philaminte, mais sans le bourgeois, le cuistre et le grammatical de la Philaminte de Molière, Mme de Girardin, l’auteur des Deux amours, du Lorgnon, de La Canne de M. de Balzac, et dont les deux meilleures chosettes, La Joie fait peur et Le Chapeau d’un horloger, sont des comédies de paravent, ne fut guère qu’un talent de salon qui ne s’élevait pas beaucoup plus haut que les corniches.

1623. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Walckenaer a publié un livre exact, ramassé partout où il y avait un renseignement à prendre, et dans lequel il a répété, en digne érudit, c’est-à-dire en cultivateur exclusif de la faculté de la mémoire, toutes les formules de l’admiration classique sur La Fontaine, sans une phrase nouvelle ni un aperçu nouveau.

1624. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Amédée Pommier contint son cœur, et par piété pour la mémoire de sa femme, il s’attendit… il attendit qu’il fût capable d’écrire simplement cette vie à trois dont ils avaient vécu, et, simplement, il l’a écrite.

1625. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

la pièce de vers qui roucoule dans toutes les mémoires : Oh !

1626. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Et cependant l’admiration que nous avons pour le grand poëte saigne dans nos cœurs quand nous voyons, en ses Mémoires, cette glace d’une magique beauté, mais qui nous l’a tant rapetissé en le réfléchissant, qu’il eût pu, s’il avait voulu, arracher encore aux riens de son existence de dandy assez d’heures pour achever le Don Juan ou pour nous écrire quelque autre poème, comme Lara ou le Giaour.

1627. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Septime Sévère, orateur dans les deux langues, composa les mémoires de son règne.

1628. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Il va retracer dans notre mémoire les grâces que Dieu leur a faites, pour qu’on loue la miséricorde qu’il vient de leur faire.

1629. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

À la fin de chaque campagne, ou du moins de chaque guerre, on instituerait une fête publique pour célébrer la mémoire de ces braves citoyens.

1630. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Voici où furent des palais, voici où vécurent des rois prodigieusement fastueux, de qui l’on ne sait plus rien, qui ont passé à l’oubli sans laisser même un nom gravé sur une pierre ou dans une mémoire. […] Tout de même, à une époque où l’industrie des transports a réalisé d’incontestables progrès, il est permis de circuler davantage à travers le monde, et il n’est pas défendu d’emporter dans sa valise un sérieux attachement à la mémoire des aïeux et à la terre natale. […] Cette jeune fille qui a une si vive piété pour la mémoire de ses parents et tous les legs du passé, avait commencé de l’aimer : elle est épouvantée et le repousse avec dégoût. […] André du Fresnois étaient piquantes, mais nullement compromettantes pour la mémoire du romancier, et j’ajoute qu’il n’y avait pas grand’chose à en conclure. […] en notre possession, a dit Verlaine, et que notre mémoire ne saurait reconstituer, mais qui nous a laissé l’impression la plus forte que jamais vers nous aient causée.

1631. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

J’ai beau chercher dans la mémoire de ma prime jeunesse ; je n’y trouve qu’un de nos aînés qui nous ait préconisé la revanche : c’est Déroulède. […] Veuille sa mémoire excuser l’affectueuse familiarité de mon respect. […] et qui, dans l’esprit, se placenta côté de l’invocation à Cynthie des Mémoires d’outre-tombe. […] N’a-t-il pas consacré le meilleur de son génie à ses Mémoires ? n’a-t-il pas dit que ses ouvrages et son activité politique étaient « les matériaux » de ses Mémoires ?

1632. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Ce sont les héros créés par l’imagination des grands poètes ; ils ont pris possession de la mémoire humaine, et ils ne seront plus oubliés. […] Nous pourrions demander déjà si la poésie de cette idée consiste dans l’idée même, ou dans les expressions diverses qu’elle a revêtues successivement ; mais un exemple se présente à notre mémoire, qui éclairera encore mieux notre pensée. […] Malgré ses aspirations et ses fièvres, elle est reléguée dans la mémoire parmi la foule banale des Mélina, des Laërtes et des Serlo. […] Leurs corps sont épars dans la poussière, leur gloire est éclipsée, leurs actes sont en partie inconnus, et leur souvenir sombrera bientôt dans l’oublieuse mémoire humaine ; il ne reste d’eux que ces rayons fugitifs par lesquels ils attestent qu’ils vivent encore. […] Pour moi, mon ambition serait satisfaite, si le lecteur, après avoir achevé ces quelques pages, leur donnait lui-même pour titre : Mémoire pour servir à l’histoire de l’ennui au dix-neuvième siècle.

1633. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Il est demeuré grand lecteur de mémoires érudits, de brochures rares, de commentaires peu connus. […] Écrivant, en un jour de fantaisie, une préface pour les Mémoires d’une glace, recueillis et illustrés par le bon féministe Albert Guillaume, il avouait ses prédilections avec une friandise un peu apprêtée et très savoureuse. […] J’allais, le long de la côte ligurienne, au retour d’un voyage dont les visions n’avaient point effacé les images gravées dans ma mémoire par les premières pages de cet émouvant récit. […] Les traits essentiels de notre caractère ethnique nous apparaissent avec un relief qui s’impose désormais à notre mémoire. […] Jean Moréas n’ont encore pu imposer à notre mémoire cette douce sujétion du souvenir involontaire où apparaît, mieux que dans les plus solides gloses, le sortilège divin des poètes.

1634. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Et ces êtres, créés de pied en cap par la main puissante du génie, resteront en nos mémoires, éternellement gravés et marqués d’une empreinte ineffaçable. […] Lenôtre a retrouvé aux archives des papiers signés de lui, lettres, fragments de mémoire, qui sont des monuments de jactance. […] Il n’y demeure pas inactif, il y écrit ses mémoires, des brochures, des vers et même une tragédie. […] Il se moquait d’elle… Elle s’est vengée… Par bonheur, ses lettres intimes ont réhabilité sa mémoire. […] Il la doit à l’Empereur et, peut-être aussi, aux Mémoires de Marbot.

1635. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Dessein, ordonnance, pensées, sentimens, expression, tout est inimitable dans ses ouvrages ; c’est l’homme de tous les talens : mémoire prodigieuse, imagination vaste, délicate et toujours sublime, jugement supérieur, universel et infaillible. Ces qualités qui se nuisent d’ordinaire dans les autres, semblent, en lui, se donner mutuellement la perfection ; et cette perfection est si sensible et si reconnuë, qu’il faut être aveugle pour ne la pas voir, et insensé pour n’en pas convenir. à suivre d’autres mémoires, Homere n’étoit qu’un homme. […] Il chargea sa mémoire de toutes les folles opinions répanduës de son tems ; et faute d’intelligence, ou par un fol amour du merveilleux, il en outre encore le ridicule et l’absurdité. […] Des auteurs chrétiens, sensés et religieux d’ailleurs, ont voulu réhabiliter la mémoire de ces dieux, qui n’ont pas toujours trouvé grace devant leurs propres adorateurs. […] Des sentences Les sentences font un double effet dans le poëme, elles l’embelissent et le rendent utile : après que les exemples ont frapé l’imagination, et échauffé le coeur, elles fixent dans l’esprit les impressions qu’ils y ont faites, par des préceptes courts, qui invitent d’eux-mêmes la mémoire à s’en charger.

1636. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

C’est à Dante poëte, à Dante, surtout citoyen et patriote qu’il s’adresse et qu’il demande assistance et recours dans cet abaissement du présent : « O père illustre du mètre toscan, si à vos sacrés rivages il parvient quelque nouvelle encore des choses de la terre et de cette patrie que tu as placée si haut, je sais bien que tu ne ressens point. de joie pour toi-même, car moins solides que la cire et que le sable sont les bronzes et les marbres au prix du renom que tu as laissé de toi ; et si tu as jamais pu, si tu pouvais un jour tomber de notre mémoire, que croisse notre malheur s’il peut croître encore, et que ta race inconnue de l’univers soit vouée à d’éternels gémissements ! […] Que si, nous-même, il nous a été possible en ce moment de payer un tribut, bien tardif, à la mémoire d’un si grand esprit, d’un si vrai poëte, nous le devons à cet autre ami de Leopardi, déjà cité plus d’une fois, et qui nous en a donné l’idée en même temps que le secours ; si nous avons eu l’honneur de verser un tombeau, comme disaient les Grecs, sur cette noble victime du sort, il ne serait que juste d’inscrire sur la petite colonne du monument le nom de M. de Sinner autant que le nôtre. […] Qu’autour de moi le sombre vautour agite en rond ses ailes ; que la bête féroce serre sa proie, ou que l’orage entraîne ma dépouille inconnue, et que le vent accueille mou nom et ma mémoire ! 

1637. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Phrase sur phrase, coup sur coup, les idées et les faits viennent dans le dialogue peindre une situation, manifester un personnage, dégorgés de cette mémoire profonde, dirigés par cette solide logique, précipités par cette réflexion puissante. […] Nous sommes comme des apprentis naturalistes, gens paisibles et bornés qui, voulant se représenter un animal, voient le nom et l’étiquette de son casier apparaître devant leur mémoire avec quelque indistincte image de son poil et de sa physionomie, mais dont l’esprit s’arrête là ; si par hasard ils veulent compléter leur connaissance, ils conduisent leur souvenir, au moyen de classifications régulières, à travers les principaux caractères de la bête, et lentement, discursivement, pièce à pièce, ils finissent par s’en remettre la froide anatomie devant les yeux. […] On pourra suivre cette idée en psychologie : la perception extérieure, la mémoire sont des hallucinations vraies, etc.

1638. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Il mourut bientôt après son grand rival Pitt ; il laissait une mémoire, mais il laissa peu de regrets. […] Arrêtons-nous ici, et voyons si l’écrivain aura la constance de conduire son héros jusqu’à Waterloo, où il tombe enfin dans le sang de ses derniers compagnons d’armes pour ne plus se relever que dans l’imagination sans mémoire des peuples. […] Les Mémoires si injustement contestés, mais si vrais et si informés du maréchal Marmont ; les correspondances récemment publiées de Napoléon avec son frère Joseph et avec le vice-roi d’Italie, Eugène ; les séances du conseil d’État ; les conversations diplomatiques de Napoléon, rapportées et élucidées par M. 

1639. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Elle me parlait donc et de mon père et d’elle ; Et ce qu’aimait surtout sa mémoire fidèle, C’était de me conter leurs destins entraînés Loin du bourg paternel où tous deux étaient nés. […] Et, poursuivant toujours, je disais qu’en la gloire, En la mémoire humaine, il est peu sûr de croire ; Que les cœurs sont ingrats, et que bien mieux il vaut De bonne heure aspirer et se fonder plus haut, Et croire en Celui seul qui, dès qu’on le supplie, Ne nous fait jamais faute, et qui jamais n’oublie. […] j’ose à peine le croire, Mais ce jour à jamais emplira ma mémoire.

1640. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

La Providence n’a pas permis que le philosophe de la raison pure servît de texte aux erreurs de la mémoire ou aux écarts de l’imagination populaire. […] XII Il y avait en Grèce un nombreux parti populaire et soi-disant politique, que la mort soudaine d’Alexandre avait exalté, que le retour de l’armée grecque à travers l’Asie Mineure, appelée la retraite des dix mille, animait contre la mémoire du héros. […] C’est le moment que choisirent les ennemis naturels d’Alexandre pour s’élever contre sa mémoire et pour tourner contre lui des rancunes et des reproches égaux au moins à l’immensité de sa gloire.

1641. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

La Henriade n’est qu’une chronique en bons vers que j’ai vue en soixante ans seulement grandir et déchoir sans gloire et sans mémoire ; Candide et ses autres romans sont des facéties à peine philosophiques ; Jeanne d’Arc, qu’on ne lit plus, est une mauvaise plaisanterie que son cynisme n’empêche pas d’être fade ; ses Annales de l’Empire et ses Mœurs des nations sont des ouvrages d’érudition laborieuse et de spirituelle critique, les commentaires de l’esprit humain écrit par un ennemi des moines et du moyen âge. […] Je pensais à la jeunesse de Goethe, qui appartient à une époque si heureuse du siècle précédent ; je sentis passer sur mon âme le souffle d’été de Sesenheim, et dans ma mémoire revinrent les vers : L’après-midi toute la bande de la jeunesse Allait s’asseoir sous les frais ombrages… « Hélas ! […] Il avait lu les Mémoires du général Rapp, ce qui amena la conversation sur Napoléon et sur les sentiments que Mme Laetitia a dû éprouver en se voyant la mère de tant de héros et d’une si puissante famille.

1642. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Swift publia l’édition, la dédia au roi, ne reçut aucune réponse de Guillaume, et se décida à lui adresser un mémoire dont il attendit inutilement l’effet. […] Les deux récits qui nous sont laissés de sa mort sont tous deux aussi déchirants et aussi accablants l’un que l’autre pour la mémoire de Swift. […] Il se brouillait et se réconciliait sans cesse avec ceux qui l’entouraient, et perdait par degrés, avec le commerce du monde, les consolations qui se tirent de la mémoire et de la pensée.

1643. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

À chacun de ces beaux ou gracieux tableaux des labours, des semailles, des foins, de la moisson, des glaneuses, des chars fleuris, des repas champêtres, des moutons rentrant ou sortant de la bergerie sous la garde des chiens, des taureaux présentant leur cou nerveux aux jougs entrelacés de feuillages pour écarter de leurs yeux les mouches ; à ces épisodes des danses sur l’aire, des noces villageoises, et des cérémonies religieuses qui poétisent tout en rattachant tout au premier anneau qui porte le monde, une allusion inattendue à une de ses lectures, une citation d’un verset des Écritures, d’un vers traduit d’Homère ou de Virgile, d’un passage de Fénelon ou de Bernardin de Saint-Pierre, s’échappait comme involontairement de ses lèvres et gravait dans notre mémoire une empreinte juste et pittoresque du spectacle que nous avions sous les yeux. […] L’agrément qui résulte de ces sons réguliers et harmonieux pour l’oreille, ainsi que l’agrément qui résulte des images, des peintures, des compositions, pour les yeux de l’âme, enchantent l’auditeur ou le lecteur de son histoire, et la gravent ainsi, comme un air dont on se souvient ou comme un tableau qu’on se retrace, dans la mémoire des hommes. […] C’est cependant là ce que fait Homère, et ce sont précisément ces naïvetés descriptives, si fidèles et si minutieuses, qui portent l’intérêt dans ses chants et qui gravent l’ensemble du poème dans la mémoire.

1644. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Il paraîtra peut-être un peu froid à ceux qui ont beaucoup lu les Mémoires de cette époque dégradée et sont descendus jusqu’au fond de tous ces ignobles cratères ; mais, pour nous, cette froideur est celle de l’élévation. […] Déjà, dans ses Mémoires, Chateaubriand avait dit un mot sur ce Distrait de la Terreur, qui signait, sans en avoir conscience et par préoccupation de ses berquinades, des arrêts de mort entre deux romances ; seulement, ce qui n’était qu’un mot dans Chateaubriand, devient dans Cassagnac toute une accusation longue et déduite, appuyée sur une masse de témoignages. […] Ces souillures qui ont taché la France : Marat, Danton, Robespierre, et tant d’autres noms hideux ou bouffons qu’il rencontra dans son histoire, des mains dévouées, des mains habiles, avaient tenté déjà et tenteront encore de les éponger et de les essuyer ; mais, tant qu’il restera une mémoire, l’indélébile tache de ces noms rongera, comme une lèpre, jusqu’à l’idée de République, et voilà pourquoi Cassagnac peignit si à fond ceux qui les portèrent.

1645. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Ce n’est pas ce groupe digne de Polyclès, noyé dans la lumière et les morbidesses du Corrège, et dont le monde, tant que le sentiment de l’idéal vivra en lui, retiendra dans sa mémoire charmée les trois immortelles attitudes, les trois inoubliables gestes : — le baiser donné par Roméo à Juliette et rendu par Juliette à Roméo avec la fougue naïve de l’amour vrai et l’intrépidité de l’innocence ; — l’adieu au balcon dans l’air auroral, empli des joyeux cris de l’alouette qui ne sont plus les chants du rossignol ; — et enfin l’entrelacement, sur le marbre du même mausolée, de ces deux êtres si vivants, devenus par la mort deux pâles statues ! […] Je ne veux pas de la fabrication d’un Shakespeare que je ne connais pas et qu’on veut me faire connaître, sans avoir découvert des mémoires secrets et authentiques qui le révèlent ! […] Seulement, ce que nous savons de Lord Byron, de science certaine, par ses Mémoires, par ses lettres, par ses vers à Ada, dans Childe Harold, par cet Adieu que madame de Staël, au prix d’un égal malheur à celui de Lady Byron, eût voulu avoir inspiré, nous ne le savons pas de Shakespeare, le grand inconnu, le grand mystérieux, auquel François Hugo veut, à toute force, ôter ce mystère qui lui donne davantage l’air d’un dieu !

1646. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Trouver les sources d’un auteur, c’est un travail relativement facile ; il y faut beaucoup de lectures, de la mémoire, un certain flair et de la chance aussi ; ce travail est nécessaire, mais il n’est qu’une première étape ; reste à comparer l’œuvre d’art avec ses sources, comparaison qui porte sur toutes les nuances du fond et de la forme ; et reste enfin à juger la « combinaison » nouvelle dans son ensemble, et à en trouver la genèse intime dans le tempérament même du poète ; grosse difficulté, devant laquelle on recule le plus souvent. […] Il semble bien que, par une lecture attentive des Prophètes, D’Annunzio s’est profondément pénétré de leur esprit ; s’il lui arrive de faire des citations textuelles, c’est involontairement, par un effet de sa mémoire infiniment sensible aux images et à la musicalité. […] Les Mémoires retentissants d’une princesse royale ne disent-ils pas comment elle a dû fuir la cour pour ne pas y étouffer et pour vivre ailleurs sa « pleine vie », d’ailleurs moins tragique que celle d’Emma Bovary ?

1647. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Et là où il faut se souvenir, sa mémoire vaste, distincte, actuelle, et qui a un certain tour d’invention, devient un nouvel étonnement. De même que son érudition classique est sans calepin, sa mémoire d’orateur porte tout avec elle ; elle égale, je le parierais, celle d’Hortensius ; elle n’a pas l’air, je vous assure, de se rattacher du tout aux compartiments du plafond, comme Quintilien le raconte de Métrodore.

1648. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Nous appelons sur nous l’éternelle mémoire ; Nos forfaits, notre unique histoire, Parent de nos cités les brillants carrefours. […] Il est vrai, il est incontestable, et, de manière ou d’autre, il faut que je le démontre. — Alors, plus ils ont d’esprit, de pénétration, de savoir, plus ils sont habiles à se faire illusion, à inventer, à unir, à colorer les sophismes, à tordre et défigurer tous les faits pour en étayer leur échafaudage… Et pour ne citer qu’un exemple et un grand exemple, il est bien clair que, dans tout ce qui regarde la métaphysique et la religion, Pascal n’a jamais suivi une autre méthode. » Cela est beaucoup moins clair pour nous aujourd’hui que pour André, qui ne voyait Pascal que dans l’atmosphère d’alors, et, pour ainsi dire, à travers Condorcet. — Dans les fragments de mémoires manuscrits de Chênedollé, qui avait beaucoup vécu avec des amis de notre poète, je trouve cette note isolée et sans autre explication : « André Chénier était athée avec délices. » 54.

1649. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

J’en fus tellement frappé, et elles se gravèrent tellement dans la mémoire des gens du château, par suite de l’émotion de la scène qui les suspendit, que je me les rappelle en ce moment aussi nettement qu’au moment où elles résonnaient du creux de la vallée dans mes oreilles d’enfant. […] Les chants de la nuit remontèrent avec peine dans sa mémoire comme les impressions d’un rêve.

1650. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Son père nous l’avait amené un jour à Paris : bien que nous fussions resté plusieurs années sans le revoir, sa figure nous était demeurée gravée dans la mémoire de l’œil, comme un de ces songes qui passent devant notre esprit dans la nuit, et qu’on ne peut chasser de ses yeux après de longs jours écoulés. […] Quand on compose laborieusement le diadème littéraire de son siècle pour les princes de l’art en tout genre, il ne faut pas laisser de telles perles orientales éparses sur les rivages de notre mer du Midi, sans les ramasser et sans les enchâsser dans la mémoire.

1651. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Mais l’idée d’écrire sur l’œuvre d’un homme proscrit par lui-même sans doute, mais enfin proscrit par les circonstances, comme ferait à peine un ennemi, cette idée, sans convenance et sans mémoire, ne me vint même pas ; il y a des tentations qui ne surgissent que dans des âmes infimes, dignes d’être tentées par ce qui est abject comme elles. […] Qu’on se peigne ces quatre misères : l’amante dont on va faire mourir le sauveur dans l’ignominie ; la tante qui va perdre sa fille unique ; le père qui va voir tuer son fils et son gagne-pain par la mort du coupable involontaire ; le fils, enfin, couché sur la paille de son cachot, qui pense à sa cousine expirant de douleur, à sa tante, à son père expirant de misère, de faim et de honte dans leur masure réprouvée des honnêtes gens, à sa propre mort, à lui, et à sa propre mémoire entachée d’un meurtre innocent.

1652. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

si la céleste gloire Leur eût ravi tout souvenir humain, Tu nous aurais enlevé leur mémoire : Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ? […] Ce qui nous émeut fortement, ce qui revient perpétuellement dans notre mémoire, fait partie de notre vie.

1653. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

La femme du bargello, son mari, la fiancée et le sposo me dirent poliment de rester, de boire et de manger à leur table, à côté du petit bouvier leur frère, et de jouer, après le dîner de noces, tous les airs de danse qui me reviendraient en mémoire, pour faire passer gaiement la nuit aux convives, monsieur. […] Je jouai donc l’air à nous deux, avec autant de mémoire que si nous venions de le composer, sous la geôle, et avec autant de tremblement que si notre vie ou notre mort avait dépendu d’une note oubliée sur les trous d’ivoire du chalumeau ; je jetais l’air autant que je pouvais par la lucarne, pour qu’il descendît bien bas dans la noire profondeur de la cour et qu’il n’en tombât pas une note sans être recueillie par une oreille, s’il y avait une oreille ouverte, dans cette nuit et dans ce silence des loges de la prison.

1654. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Mémoires, souvenirs, impressions, voyages (Histoire de ma vie, 1855, etc.), 8 vol. in-18. […] Il publie, en 1817, Rome, Naples et Florence, et une Histoire de la peinture en Italie ; en 1822, son Essai sur l’Amour, et sa brochure sur Racine et Shakespeare ; en 1827, Armance, son premier roman ; en 1831, le Rouge et le Noir ; en 1838, les Mémoires d’un touriste ; en 1839, la Chartreuse de Parme.Éditions : Calmann Lévy, 22 vol. in-18 (Corresp. inédite, 2 vol.).

1655. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Ce double hommage que mérite si bien sa mémoire contribuera peut-être à mettre en lumière son génie qui fut et reste méconnu. […] Il s’en aperçoit bien un peu ; comme il a été à l’école, qu’il a beaucoup lu et qu’il a la mémoire des mots, il fait des descriptions qui, quelquefois, peuvent tromper le grand nombre.

1656. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Voltaire y présente des mémoires sur le feu. […] On a souvent cité ce toast d’un poète anglais120 : Honnie soit la mémoire de Newton !

1657. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

  Analyse du numéro XI   1° Karl Alberti : En mémoire du comte Auguste de Platen (mort le 5 décembre 1836). […]   Carl Alberti : En mémoire du comte Auguste de Platen.

1658. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

On peut encore s’exciter avec la mémoire gentille et falote de cette pauvre petite « maîtresse d’esthète » morte sous le nom de Jean de Tinan. […] À propos de Verlaine lui-même, il délaie en quelques pages un mot de Charles Maurras que je répète de mémoire — car l’élève pillard ne cite pas toujours ses maîtres — sur « le catholique aux cuisses de faune ».

1659. (1904) En méthode à l’œuvre

Instruments percutants les Basses, Alto-viole et Violons   Ainsi, si le caractère originel de la parole avait pu n’être pas dénaturé, par, dès primitivement, le naturel instinct de contracter, en moindre attention et pour plus de rapidité de la vie de relation, — et, aux époques de l’Écriture, par l’emploi de plus en plus étendu en signes de mémoire visuelle, des idéogrammes de plus en plus dédaigneux de leurs phonétismes correspondants et que venaient ensuite asservir de mutilations ou d’augments d’empiriques règles de grammaire qui ne se doutent plus, maintenant, du sens primordial des langues : ainsi, le langage eût pu demeurer en organisme intégral, sous la double valeur phonétique et idéographique. […] (Nous ne noterons que pour mémoire des assertions vraiment trop puériles que : la mesure du vers est le résultat d’une entente entre la raison, qui organise le mouvement de la parole, et notre pouvoir de sensation qui limite la dite organisation, pour la mieux sentir !)

1660. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Et une admirable mémoire lui fournissant un arsenal pour la démolition des illusions et des prétendus dévouements, mémoire servie par une ironie bonhomme, et un sourire de vieil homme revenu de tout, et qui appelait Louis-Philippe : le papa Doliban de la chose.

1661. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

De là ses romans allant de coups de théâtre en crises de conscience, de situations extrêmes, en soudaines catastrophes, sans que même les interstices soient comblés par des files de petits incidents médiocres et quotidiens, tels que les chroniques et les mémoires nous les montrent exister sous les plus grands remuements de l’histoire. […] Les mots s’allient ainsi aux choses en une relation immédiate et essentielle par des actions et des réactions réciproques, qu’il faut tenir en mémoire.

1662. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Passons donc sur ces exclamations qui sont agréables, mais un peu fades, et lisons ce qui suit : Echo, qui ne tait rien, vous conta ces amours ; Vous les vîtes gravés au fond des antres sourds : Faites que j’en retrouve au temple de Mémoire Les monuments sacrés, sources de votre gloire, Et que, m’étant formé sous vos savantes mains, Ces vers puissent passer aux derniers des humains ! […] Ce serait dans une fable, à la fin d’une fable ou même à la fin d’un conte, on trouverait ces vers charmants et on les aurait mieux en mémoire.

1663. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari ne nous imposera pas la mémoire et que son livre, si éloquent qu’il puisse être, ne tirera pas de la mer Morte du mépris ! […] Ferrari ; mais ce talent qui n’a pu conserver dans la mémoire des hommes le détail de ces actions et de ces conflits de fourmilières que M. 

1664. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Ô le profane, ô le libertin) s’écria-t-on de toutes parts ; mais on le savait par cœur aussi, on retenait, on récitait de ce Mardoche des dizains entiers sans se bien rendre compte du pourquoi, si ce n’est que c’était plein de facilité, de fantaisie, parfois d’un bon sens inattendu jusque dans l’insolence, que c’étaient des vers amis de la mémoire, et les rêveurs eux-mêmes, et les plus tendres, allaient d’un air de gloire se répétant tout bas le couplet : « Heureux un amoureux, etc. » Quant au don Juan de Namouna, à cette forme nouvelle du roué qui pouvait sembler l’enfant chéri de l’auteur, l’idéal, hélas !

1665. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Je reviendrai tout à l’heure, avec plus de détail, sur l’ensemble des conditions qui me semblent à réunir pour aborder avec avantage de tels problèmes biographiques ; mais, en ce qui est de Chateaubriand, l’auteur d’abord s’est peint lui-même, s’est analysé en tous sens dans des portraits de jeunesse ; il s’est réfléchi et projeté à tout moment dans ceux mêmes de ses écrits subséquents qui, par le sujet, auraient dû être le moins personnels ; il s’est, dans sa vieillesse, raconté de nouveau et avec toutes sortes de variations dans des Mémoires dits d’Outre-Tombe.

1666. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Au sortir de la messe du bout de l’an, on est allé inaugurer le monument érigé à sa mémoire : l’initiative en est due à M. 

1667. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Mais c’étaient là des suffrages suspects, nuisibles à Lucrèce, et qui donnèrent cours aux reproches d’athéisme et d’immoralité dont est chargée sa mémoire.

1668. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Mais savez-vous bien que cela donne envie à quelques-uns de ceux qui ont connu Victorin Fabre et qui voudraient d’ailleurs observer le respect dû à sa mémoire (et je suis du nombre), que cela leur donne envie de dire tout net que cet écrivain de talent était surtout un écrivain de labeur, qu’il pensait peu, hormis dans les sillons déjà tracés, que sa rhétorique, pour ne s’être pas faite à temps au collége, se prolongea trop longtemps dans les concours académiques, que ces concours académiques où il triompha coup sur coup en vers et en prose ne firent jamais de lui qu’un magnifique écolier, que son front de lauréat ploya, à la lettre, sous le poids de ses couronnes, et que, dès qu’un premier échec l’eut jeté hors de l’arène des concours, on ne retrouva plus en lui, devant le grand public, qu’un talent fatigué et non pas un esprit supérieur ?

1669. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Voilà sans doute une rencontre harmonieuse, et comme il en faut peu pour remplir à souhait et décorer la mémoire ; mais il y a loin de ces hasards-là à une soirée priée à Paris, même quand nos trois poëtes y assisteraient.

1670. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Ils y perdraient peut-être un peu en éloges généraux, en hommages traditionnels, mais ils gagneraient en originalité ; ils se graveraient dans la mémoire de manière à ne s’y plus confondre avec personne, et quand ils sont surtout de la nature de M. 

1671. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

La déclaration de 1776, tout éclatante qu’elle est et glorieuse pour sa mémoire, ne surpasse pas, à mon gré, le mérite de celle restauration difficile des vrais principes qui fait époque dans l’histoire de la République américaine.

1672. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Le voilà enfin qui parle, quand il fait la langue vulgaire, dans les fabliaux, les mystères, les chansons de geste ; mais toute cette littérature s’arrête au milieu de sa poussée ; elle ne s’achève point ; elle n’a point son Dante ou son Boccace ; elle s’enfouit, s’efface de la mémoire des hommes ; les écrivains du dix-septième siècle n’en savent que deux ou trois noms, et les derniers, Villon, Marot, la reine de Navarre ; elle n’a été qu’un babil d’enfants malicieux et gentils.

1673. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Et pourtant, par un jeu mécanique de la mémoire, ces mêmes esprits pensent avec des mots abstraits, généraux, collectifs : les ayant pensés et exprimés, ils semblent avoir épuisé du coup leur puissance d’invention, et ne peuvent passer outre.

1674. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

J’espère qu’il sera utile aux jeunes gens qui font de cette lecture une étude, aux élèves des deux sexes de nos lycées, aux étudiants de nos Facultés : d’autant plus utile qu’il n’est point fait exclusivement pour leur usage, à la mesure d’un examen, livre pour la mémoire, et livre d’entraînement.

1675. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

A travers toute sorte d’écrits éphémères ou vulgaires, injurieux, partiaux, mesquins, deux genres s’y éprouvèrent et se formèrent : les mémoires et l’éloquence.

1676. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Les chroniques des journaux, en vieillissant, deviennent mémoires.

1677. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Crépet a bien raison de dire dans sa Préface : « J’ai la conviction que ces documents ne peuvent que servir la mémoire de Baudelaire, en la dégageant, sous certains aspects, des ombres qui la couvraient. » On constatera, en feuilletant le volume, que Baudelaire fut un bon fils.

1678. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Mais peut-être direz-vous que, si elle est philosophe dans ses propos, c’est qu’elle reçoit Paul Vence à sa table et qu’elle a de la mémoire ; que c’est un instinct secret qui lui fait trouver plaisir aux rues mal soignées et fortement odorantes où grouille de l’humanité en tas, et qu’enfin son absence de préjugés lui vient de son tempérament et de son hérédité, car elle est la fille d’un rapace.

1679. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Si les analystes s’étaient abandonnés à leurs tendances naturelles, ils n’en auraient jamais connu qu’un, celui qu’a traité Mme de Kowalevski dans son célèbre mémoire.

1680. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Notre auteur semble admettre que le lien, « l’union organique », qui existe entre la conscience présente et la conscience passée, en constituant la mémoire, constitue aussi le moi.

1681. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Toute la suite de sa vie a montré qu’en cette occasion sa peine la plus sensible fut la perte des espérances qu’elle avait déjà conçues de ramener le roi à une conduite plus conforme aux sentiments de religion et de piété dont elle était pénétrée. » M. de Beausset se fonde sur les Mémoires de Saint-Simon, et il en cite l’extrait suivant : « Bossuet était un homme dont les vertus, la droiture et l’honneur étaient aussi inséparables que la science et la vaste érudition.

1682. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Il prend pour lui les fonctions de prévoyance et de mémoire, les idées et les réactions à l’égard d’objets absents ; il ne laisse aux ganglions inférieurs que le soin de réagir à l’égard d’objets présents, sous l’aiguillon immédiat de la sensation actuelle.

1683. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

L’abondance des termes distincts est une pauvreté, par la difficulté que tant de sonorités étrangères trouvent à se loger dans une mémoire et aussi parce que chacun de ces mots, réduit à une signification unique, est en lui-même bien pauvre et bien fragile.

1684. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Quelques-unes sont d’une étrange obscurité et l’on s’étonne que la mémoire les garde aussi fidèlement.

1685. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Ses ennemis répandirent à sa mort des bruits capables de faire tort à sa mémoire.

1686. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

« Il n’y a que le corps qui prêche ; la mémoire seule dirige la langue, les yeux, les bras : l’esprit & le cœur semblent absens.

1687. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Fouillée, dont l’Académie des sciences morales vient de couronner un mémoire sur la philosophie de Platon, aussi remarquable par la pensée que par la science.

1688. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Sa mémoire s’arrête et aussi son regard.

1689. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Vous remplissez cette jeune tête d’un fracas de nombres et de figures qui ne lui représentent rien du tout ; vous l’accoutumez à se satisfaire d’une somme donnée, à ne marcher qu’à l’aide d’une théorie, à ne faire jamais usage de ses forces, à soulager sa mémoire et sa pensée par des opérations artificielles, à ne connaître, et finalement à n’aimer que ces principes rigoureux et ces vérités absolues qui bouleversent la société.

1690. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Voilà, si j’ai bonne mémoire, toute la nouvelle.

1691. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Et, remarquez-le bien, Messieurs, ce n’est pas le travers, la manie de quelques individus, c’est le préjugé à la mode, Qu’on me cite des pièces historiques, des mémoires particuliers qui caractérisent mieux les désordres de la régence.

1692. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Quand nous sommes éloignés de la patrie, nous nous rappelons toujours avec délices les jours où nous vivions sous les arbres qui ombragèrent notre berceau ; nous aimons à retracer à notre mémoire et la prairie et le ruisseau et la forêt qui étaient près du toit paternel : nous visitons mille contrées fameuses ; nous admirons les aspects les plus variés d’une nature tantôt belle, tantôt agreste et sauvage ; mais nulle part il ne sort de la terre que nous foulons sous nos pieds des souvenirs animés ; nulle part nous ne reconnaissons et le vent et la lumière et les ombres.

1693. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Mais avec ou sans talent, du reste, être un bas-bleu, avoir toutes les affectations du bas-bleu, l’exorbitance insupportable de toutes les prétentions du bas-bleu, l’extravagance de l’orgueil et le pédantisme des connaissances du bas-bleu, entassées, comme des affiquets dans un sac à ouvrage, dans une pauvre mémoire qui en crève ; mais joindre à cet affreux bagage les frivolités de la femme, qui plaisent dans la femme et qui ne sont que des puérilités ridicules dans ce gonflement monstrueux du bas-bleu, voilà le mal !

1694. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

II Ce Génie militaire, caractéristique et traditionnel de la France, un jour ceux qu’il avait écrasés l’avaient nommé « la furie française (furia francese) », mais ce vol de l’alouette des Gaules vers l’ennemi, qui devait plus tard devenir le vol de l’aigle porte-foudre, un homme, en ces derniers temps, l’avait rabaissé dans un mot pervers, taillé comme un proverbe pour qu’il s’incrustât mieux dans toutes les mémoires de l’Europe.

1695. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

De toutes les facultés qui la distinguaient, elle n’a gardé que les inférieures, la mémoire, et cette imitation facile que les bêtes partagent avec l’homme.

1696. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Il n’était point athée d’ailleurs, il n’était que sceptique, mais tellement poète qu’il se retrouvait catholique à certaines heures, — par exemple quand il entendait l’orgue dans les églises, — nous disent les mémoires de sa vie, — et plus profondément encore quand il écrivait ces strophes adorables (dans Don Juan) qui commencent par Ave Maria, la salutation angélique du soir, Shelley, lui, était un atheist froid, résolu, obstiné, au signe de la bête qu’il avait mis sur son front par-dessus le signe du génie !

1697. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

C’est un discours sur la cause de l’écho ; un mémoire sur la Transparence des corps, sur le Mouvement relatif ; un Projet d’histoire physique de la terre.

1698. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

C’est un de ces infortunés historiques plus hauts que leur destin, et qui sont malheureux jusque dans la mémoire qu’on en garde.

1699. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Elle peut coiffer un jour intégralement la mémoire de nos neveux.

1700. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Alors une voix dans cette nuit noire, rougie de la lueur du bûcher funèbre, prononça la plus terrible des excommunications de l’Église contre la mémoire de ce supplicié d’outre-tombe qui avait été Charles-Quint, et, chose plus terrible encore !

1701. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Quand son infernale sœur eut pris sa place dans ce lit de roi qui allait devenir une place publique, madame de Mailly mourut, ce cilice ensanglanté de la pénitente pour toute peau de tigre, embaumant et purifiant sa mémoire souillée dans le mot sublime d’humilité qu’elle dit, un jour, sous l’atroce injure qui la nommait : « Si vous la connaissez, priez Dieu pour elle ! 

1702. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Enfin, octroyez-lui de l’érudition, c’est-à-dire des faits ; mais encore plus dans le casier que dans la tête, car Μ. de Girardin est un preneur de notes, un compilateur à la Trublet, un paperassier, — puisqu’il faut dire le mot, — bien plus qu’un érudit substantiel, à la mémoire pleine et toujours prête.

1703. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

« Racine — dit-il — est une vieille botte. » Il est évident qu’un polisson, tel polisson qu’il soit, est dans l’humanité au-dessus d’une vieille botte, et que la mémoire de Racine, tout humiliée qu’elle fût depuis longtemps par un premier coup de pied romantique, ne s’attendait pas à cette botte-là !

1704. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

L’un et l’autre ont parfaitement absous Lamennais des accusations d’orgueil, d’ambition, de haine et d’envie accumulées sur sa mémoire par ses contemporains, à qui ses actes et ses écrits avaient donné sur lui cette terrible barre.

1705. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Sa prétention est de les écrire avec un tour d’imagination des plus rares et qui fait fleurir la poésie jusque dans le giron austère de la Vérité, et cette prétention a sa racine peut-être dans une ambition légitime ; car, esprit intermédiaire bien plus que primaire, il peut engrener, l’un dans l’autre, deux ordres de faits différents, — les faits de l’imagination et ceux de la mémoire exacte, — et il a ce style poético-scientifique ou scientifico-poétique, comme on voudra, dans lequel l’abstrait et le concret se balancent, mais pour s’énerver tous les deux !

1706. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Crébillon le fils est démodé. » Lui encore, qui avait appris ce qu’il savait de français dans les adorables Mémoires du comte de Grammont, édités d’admiration par lui, il se demande où, dans l’empâtement philosophique universel, s’en était allée la délicieuse et ancienne vivacité française, cette furie qui gagnait les batailles de l’esprit comme les autres !

1707. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

« Élever à des vertus inconnues l’humble airain d’une tranquille mémoire » (page 178), cela ne vous est-il pas parfaitement inconnu comme à moi ?

1708. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Sa prétention est de les écrire avec un tour d’imagination des plus rares et qui fait fleurir la poésie jusque dans le giron austère de la Vérité ; et cette prétention a sa racine peut-être dans une ambition légitime, car, esprit intermédiaire bien plus que primaire, il peut engrener, l’un dans l’autre, deux ordres de faits différents, — les faits de l’imagination et ceux de la mémoire exacte, et il a ce style poético-scientifique ou scientifico-poétique, comme on voudra, dans lequel l’abstrait et le concret se balancent, mais pour s’énerver tous les deux !

1709. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

La Chute, ce cataclysme de l’âme, qui a laissé sa trace dans la mémoire de tous les peuples, comme le Déluge, ce cataclysme de la matière, a laissé la sienne à tous les points, à toutes les fissures de ce globe, est niée d’un mot, au mépris de toutes les traditions connues.

1710. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Elle était née sans aucune mémoire, sans aucune imagination, disait-elle, et de plus parfaitement incapable de discourir avec l’entendement : mais la Prière, la Prière plus forte que toutes les sécheresses, lui donna toutes les facultés qui lui manquaient, car la Prière a fait Térèse plus que sa mère elle-même.

1711. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Et c’est ainsi que, pour la place de Schopenhauer dans la mémoire des hommes, il lui aura certainement plus servi d’avoir lu Chamfort que d’avoir médité sur Kant.

1712. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

Ce fut Eugène IV qui, par la date et la durée de son pontificat, fut le plus spécialement chargé de cette besogne ; mais, comme tous les restaurateurs, qui ne restaurent guères en définitive, comme tous les réparateurs des maux commis, qui sont presque toujours irréparables, il se crut obligé à des habiletés et à des concessions qui restent sur sa mémoire, malgré les efforts de l’abbé Christophe pour les en ôter… C’est du concile de Bâle, en effet, que date l’établissement dans l’opinion ecclésiastique de ces prétentions démocratiques, si contraires, quoi qu’on en ait dit, au gouvernement de l’Église, laquelle est une monarchie mixte, d’un ordre spécial, comme l’a très bien prouvé l’abbé Christophe.

1713. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Il nous l’a dit dans tous ses détails, tous ses accidents, toutes ses nuances, avec la fidélité de la mémoire du cœur et cette mélancolie des biens perdus qui rend l’aveugle si éloquent lorsqu’il parle de la lumière.

1714. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

C’est une histoire militaire rondement racontée, d’un ton moitié gai et moitié attendri, par un homme qui a L’habitude des récits militaires, car c’est Antoine Gandon, l’auteur des Mémoires d’un vieux chasseur d’Afrique, laquelle a fait en son temps plus d’une razzia de lecteurs.

1715. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

A propos du Maçon, retouché par cet esprit que la religion a retouché aussi jusque dans le fond et le tréfond de son être, il est peut-être curieux et piquant d’esquisser à traits pressés une vie singulière, que les Mémoires du dix-neuvième siècle ne donneront pas, et qu’en bonne conscience l’Histoire littéraire de cette époque ne pourrait décemment oublier.

1716. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Cet art, outre une imagination très vive et prompte à s’enflammer, supposait encore en eux des études très longues ; il supposait une étude raisonnée de la langue et de tous ses signes, l’étude approfondie de tous les écrivains, et surtout de ceux qui avaient dans le style, le plus de fécondité et de souplesse ; la lecture assidue des poètes, parce que les poètes ébranlent plus fortement l’imagination, et qu’ils pouvaient servir à couvrir le petit nombre des idées par l’éclat des images ; le choix particulier de quelque grand orateur avec qui leur talent et leur âme avaient quelque rapport ; une mémoire prompte, et qui avait la disposition rapide de toutes ses richesses pour servir leur imagination ; l’exercice habituel de la parole, d’où devait naître l’habitude de lier rapidement des idées ; des méditations profondes sur tous les genres de sentiments et de passions ; beaucoup d’idées générales sur les vertus et les vices, et peut-être des morceaux d’éclat et prémédités, une étude réfléchie de l’histoire et de tous les grands événements, que l’éloquence pouvait ramener ; des formules d’exorde toutes prêtes et convenables aux lieux, aux temps, à l’âge de l’orateur ; peut-être un art technique de classer leurs idées sur tous les objets, pour les retrouver à chaque instant et sur le premier ordre ; peut-être un art de méditer et de prévoir d’avance tous les sujets possibles, par des divisions générales ou de situations, ou de passions, ou d’objets politiques, ou d’objets de morale, ou d’objets religieux, ou d’objets d’éloge et de censure ; peut-être enfin la facilité d’exciter en eux, par l’habitude, une espèce de sensibilité factice et rapide, en prononçant avec action des mots qui leur rappelaient des sentiments déjà éprouvés, à peu près comme les grands acteurs qui, hors du théâtre, froids et tranquilles, en prononçant certains sons, peuvent tout à coup frémir, s’indigner, s’attendrir, verser et arracher des larmes : et ne sait-on pas que l’action même et le progrès du discours entraîne l’orateur, l’échauffe, le pousse, et, par un mécanisme involontaire, lui communique une sensibilité qu’il n’avait point d’abord.

1717. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire ; … agréez ces derniers efforts d’une voix qui vous fut connue ; vous mettrez fin à tous ces discours.

1718. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Elles seront à l’histoire littéraire de notre époque ce que sont les Mémoires du temps à l’histoire sociale et politique. […] n’est-ce pas la mémoire d’un instant de vie, revenant se figer par quelques inflexions simplifiantes, et par là symboliques. […] Pour un artiste tel que lui la traduction est quelque chose comme un hommage rendu à une glorieuse mémoire, et aussi comme un soin préventif que quelque négociant ne s’évertue à trahir un des génies préférés. […] il a trouvé son analogue, l’Ève de ce tiède milieu de mémoire réfléchie. […] Et en échange, sur sa mémoire, la poésie entretiendra toujours, frais et joyeux, un brin du vert laurier.

1719. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Sa mémoire était demeurée à l’état de religion, — faut-il dire de demi-remords ?  […] Fidèle à sa mémoire, il continua de vivre, soit en Italie, soit en France, auprès de la famille adoptive dont il avait partagé et contribué à adoucir les douleurs. […] Un Recueil de ses Lettres fait avec choix et avec correction serait intéressant et servirait sa mémoire en remettant de près sous les yeux l’homme même. […] De bien touchants discours furent prononcés aux obsèques de la noble jeune fille, le 1er octobre, d’abord par M. le pasteur Boissard, dans le temple de la rue des Billettes, puis, sur la tombe même, par M. de Salvandy, que cette jeune mémoire inspira dignement et que je n’ai jamais vu si simple.

1720. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

En vain il a écrit en prose, en vers, sur tous les sujets, politiques et religieux, d’occasion et de principes, satires et romans, histoires et poëmes, voyages et pamphlets, traités de négoce et renseignements de statistique, en tout deux cent dix ouvrages, non d’amplification, mais de raisonnements, de documents et de faits, serrés et entassés les uns par-dessus les autres avec une telle prodigalité que la mémoire, la méditation et l’application d’un homme semblent trop petites pour un tel labeur ; il meurt sans un sou, laissant des dettes. […] Celui-ci fait illusion, car ce n’est point l’œil qu’il trompe, c’est l’esprit, et cela à la lettre ; son récit de la grande peste a passé plus d’une fois pour vrai, et lord Chatam prenait ses Mémoires d’un Cavalier pour une histoire authentique. […] Je citerais de mémoire vingt autres attentats commencés ou achevés. […] Mémoires du maréchal de Richelieu.

1721. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Il vivra aussi dans la mémoire des siècles comme une date ; celle de la fin du règne du romantisme. […] Robinson Crusoé est d’une force de vie incroyable, comme des mémoires ; — Gil Blas est social. […] N’est-il pas des grands types qu’on retrouve dans toutes les mémoires ? […] Il vivra aussi dans la mémoire des siècles comme une date ; celle de la fin du règne du romantisme. […] Maxime Du Camp, homme de foi, fait les Mémoires d’un suicidé et des histoires d’Arabes, voilà comme il sert sa foi !

1722. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Salamandre de ses propres sentiments, elle a offert l’étonnant exemple de la plus violente existence de femme dans le centre même d’une flambée de splendeurs morales qui purifient sa mémoire et nous la font paraître, aujourd’hui, presque innocente. […] Ne serait-il pas bien étrange, d’ailleurs, qu’on invoquât, — en faveur de l’homme qui a le plus abusé de la réputation de ses contemporains et de ses frères, — le bénéfice d’un imbécile préjugé qui protégerait éternellement sa mémoire ? […] …………………………………………………………………………… Il appert du mémoire du fossoyeur Joly que la République eut à payer 6 livres pour la bière de la veuve Capet et 2 livres pour la fosse et les fossoyeurs. […] On a tout écrit depuis dix ou quinze ans sur Sarah Bernhardt, tout, excepté cela, si ma mémoire est fidèle, et moi, le dernier venu, je me suis efforcé de l’écrire comme je l’ai senti, c’est-à-dire avec le tremblement véritable de tout mon cœur et l’extraordinaire angoisse ce mon esprit bouleversé. […] vient, s’accroupit et dort Sur cette mémoire d’atome,         Après la mort.

1723. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Trop de noms distingués s’offriraient à ma mémoire, sans compter ceux que j’oublierais ou que je ne connais pas. […] Cent tomes de chroniques et de mémoires sont plutôt parcourus qu’une seule page de ce livre ingrat à déchiffrer, le monde. […] Deux ou trois poëtes semblent suffire à la France, et la mémoire publique est paresseuse à se charger des noms nouveaux. […] Il en trouve toujours d’étranges, de sonores, de caractéristiques, qui donnent une physionomie au personnage et se gravent ineffaçablement dans la mémoire. […] Le superbe nom de Talma planait encore au-dessus de la question et consacrait ce qui touchait à sa mémoire.

1724. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Si un Dante français avait décrit cette scène en une cinquantaine de vers, simples, énergiques, frappés, elle serait dans toutes les mémoires, et chacun saurait ce vers touchant : Sur sa poitrine vit brûler son psautier. […] Je veux parler des Fabliaux, qui ont eu assez longtemps le pas sur les grands poèmes primitifs dans la mémoire d’une postérité légère ; poésie légère aussi et à l’avenant, qui n’en est pas une et qui est même le contraire de la poésie proprement dite, puisqu’elle est toute de bon sens, de gaieté, de moquerie, de gausserie, d’expérience pratique et de malice ; poésie qui n’est plus du tout celle des grands et des nobles, des fiers Garin et des Bégon ; où plus rien ne respire du génie des Francs d’Austrasie ; de laquelle parlaient avec dédain les grands trouvères, les trouvères sérieux, et qui n’en était que plus populaire ; tout à l’usage des vilains, des bourgeois, des marchands et des écoliers.

1725. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

. — Même remarque pour le son papa papa, qu’elle a dit d’abord plusieurs fois au hasard, et d’elle-même, qu’on lui a répété cent fois pour le lui fixer dans la mémoire, et qu’elle a fini par dire volontairement, avec une exécution facile et sûre (toujours sans en comprendre le sens), comme un simple gazouillement qu’il lui est agréable de faire. — En somme, l’exemple et l’éducation n’ont guère servi qu’à appeler son attention sur des sons que déjà elle ébauchait ou trouvait d’elle-même, à provoquer leur répétition ou leur achèvement, à diriger de leur côté sa préférence, à les faire émerger et surnager dans la foule des autres sons semblables. […] Il n’est pas douteux pour moi que, grâce à ce travail, les innombrables sensations optiques, acoustiques, musculaires, tactiles, que faisait naître en lui la cuiller, s’agglutinaient et s’organisaient dans sa mémoire en un seul tout.

1726. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

À cet égard un grand poëme, un beau roman, les confessions d’un homme supérieur sont plus instructifs qu’un monceau d’historiens et d’histoires ; je donnerais cinquante volumes de chartes et cent volumes de pièces diplomatiques pour les mémoires de Cellini, pour les lettres de saint Paul, pour les propos de table de Luther ou les comédies d’Aristophane. […] Les constitutions, les religions n’en approchent pas ; des articles de code et de catéchisme ne peignent jamais l’esprit qu’en gros, et sans finesse ; s’il y a des documents dans lesquels la politique et le dogme soient vivants, ce sont les discours éloquents de chaire et de tribune, les mémoires, les confessions intimes, et tout cela appartient à la littérature ; en sorte qu’outre elle-même, elle a tout le bon d’autrui.

1727. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

cette zampogne que j’ai entendue la nuit dernière du haut du ciel et qui s’est approchée tout à l’heure, comme une mémoire et une espérance, de ma lucarne ? […] — Moi, dit-elle, en paraissant chercher dans sa mémoire sans y rien trouver : non, je n’ai plus rien au monde, dans les poches de ma veste, que sa boucle d’oreille de laiton cassée, qu’il m’avait donnée le jour de nos noces, et la lime que je lui avais achetée pour limer sa ceinture de fer et qu’il m’a rendue en s’évadant, comme deux reliques de notre amour et de notre délivrance.

1728. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Le christianisme s’associait divinement à la cure, et, sous un voile transparent qui laissait conjecturer une passion doublement immorale, il donnait une page suspecte de ses Mémoires personnels, purifiée par la douleur et par la religion. […] La tempête sur les flots, le calme dans ta retraite ; des hommes brisés sur des écueils, au pied de l’asile que rien ne peut troubler ; l’infini de l’autre côté du mur d’une cellule ; les fanaux agités des vaisseaux, le phare immobile du couvent ; l’incertitude des destinées du navigateur, la vestale connaissant dans un seul jour tous les jours futurs de sa vie ; d’une autre part, une âme telle que la tienne, ô Amélie, orageuse comme l’océan ; un naufrage plus affreux que celui du marinier : tout ce tableau est encore profondément gravé dans ma mémoire.

1729. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Elle occupait une grande place dans leur ressentiment et dans leur mémoire. […] L’air de la vie la ranime, il circule dans son être vide comme un sang subtil ; il y réveille non point seulement la mémoire, mais le don prophétique qui couve chez les Mânes.

1730. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Ordinairement, ces sortes de femmes disparaissent sans laisser sur leur mémoire l’ombre d’un regret, la trace d’une larme. […] Quant à Taupin… il se coulera dans la mémoire, comme dans du plâtre, ce masque amer et gouailleur de sculpteur manqué.

1731. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours… Ce sont de ces vers de La Fontaine qui restent dans toutes les mémoires et qui sont des fleurs de poésie et de musique. […] J’irais plus haut peut-être comme homme de mémoire, Si dans un genre seul j’avais usé mes jours.

1732. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Le Bixiou de Balzac, tout le monde l’a dans la mémoire, ce chat-tigre de la caricature, ce tortionnaire de la plaisanterie féroce, dont les mots étaient des tenailles rougies au feu de la verve la plus bouffonnement enragée. […] cette grande et formidable question n’est que d’hier dans la mémoire des hommes.

1733. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Il avait la vanité de vouloir qu’on s’attachât à lui, à lui seul, à sa personne encore plus qu’au monarque ; il lui fallait, à toute heure, être adoré, adulé pour son esprit, cajolé pour son érudition, pour sa mémoire, pour l’irréfragabilité de son goût, échanger de petits soins, des confidences, de perpétuels témoignages, jusqu’au moment où il rejetait une habitude si chère pour une autre qui, à l’instant, la lui faisait oublier.

1734. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Il est évident que cet éminent esprit n’a pas fait jusqu’alors comme le commun des martyrs qui lit les ouvrages intéressants au fur et à mesure de leur publication, et que depuis 1825 il n’a pas lu, comme tous les jeunes gens de sa génération, au hasard et à tort et à travers (c’est la bonne méthode), cette quantité de mémoires et de documents qui ont successivement paru ; sans quoi il aurait ses premières couches et son fond de tableau déjà préparé, il ne se poserait pas toutes ces questions· préliminaires, il ne dresserait pas avec tant de peine tous ses appareils comme pour une découverte.

1735. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

La mémoire humaine, quand elle y est contrainte et exercée, a beau avoir ses merveilles, il est indubitable qu’un poëme si considérable datant d’une époque antérieure à l’écriture a dû être notablement altéré, augmenté ou morcelé, dans sa transmission à travers la bouche des rhapsodes.

1736. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Fortoul ; il ne faut pas trop s’en tenir à ce que dit Montesquieu de lui-même sur ce point : on lit dans les Mémoires de Garat une conversation de l’homme illustre, déjà bien près de finir, laquelle est, au contraire, tout étincelante d’images et de traits.

1737. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Est-ce que, sous le feu même de l’événement du 24 février, à côté du chef du sacerdoce de Paris, Mgr Affre, de vaillante mémoire, nous n’avons pas rouvert les églises sous l’égide des citoyens armés, et mis le Dieu et l’autel libres hors la loi des révolutions et des sacrilèges ?

1738. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Quelle place occupent-elles aujourd’hui dans la mémoire des hommes ?

1739. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Documents littéraires : œuvres des prédécesseurs, contemporains et successeurs, mémoires, lettres, satires, journaux du XVIIIe siècle ; documents non littéraires : papiers d’état civil, archives de la Comédie-Française, archives de la Comédie-Italienne au Nouvel Opéra, registres (alors inédits) de l’Académie Française, rien ne fut négligé dans cette investigation immense et minutieuse.

1740. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Leconte de Lisle a le malheur de n’être pas chrétien, il aurait pu, du moins, s’abstenir d’un titre (Dies iræ) qui rappelle à toutes les mémoires la plus sublime, la plus terrible de nos prières funèbres ; il aurait pu se souvenir que la poésie a mieux à faire qu’à enlever à la vie la croyance et l’espérance de la mort : ceci soit dit sans rien ôter au mérite de cette pièce où se traduit, d’une façon vraiment saisissante, non plus le désabusement humain dont parlait M. 

1741. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Calinon dans un mémoire récent (Étude sur les diverses grandeurs, Paris, Gauthier-Villars, 1897) : « Une des circonstances d’un phénomène quelconque est la vitesse de la rotation de la terre ; si cette vitesse de rotation varie, elle constitue, dans la reproduction de ce phénomène une circonstance qui ne reste plus identique à elle-même.

1742. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

L’événement a fait plus de bruit que les précédents et il est dans toutes les mémoires.

1743. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Il écrivait Amour, Parallèlement, les Mémoires d’un veuf.

1744. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Un mémoire sur l’Étude du grec au Moyen Âge, que j’avais commencé pour répondre à une question de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, absorbait toutes mes pensées.

1745. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

On cherche à savoir, au moyen de procédés ingénieux, de tests, comme on dit en langage technique, quelle est chez lui l’association habituelle des idées, quelle mémoire il a des couleurs, des sons, des mots, des phrases, des pensées ; comment il apprécie la distance, la durée, les dimensions des objets, à quel degré il possède l’adresse des mouvements, la facilité de la parole, etc.

1746. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Elle suppose chez celui qui l’exerce, de la lecture, de la mémoire, un esprit ouvert aux impressions artistiques, des penchants décidés mais ordinaires, une certaine modération d’âme qui rend ses appréciations conformes à celles du public et qui fait qu’il les adopte.

1747. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Il n’y a point de honte à sa mémoire, de n’avoir été vaincu dans de pareils tableaux, que par des hommes écrivant sous la dictée du Ciel.

1748. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

L’un, doué d’une mémoire prodigieuse, fera des progrès rapides en histoire et en géographie.

1749. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Il ne s’agit pas dans ces morceaux de montrer au peuple comment Persée vainquit le dragon et lui ravit Andromède, mais de fixer ce point de religion dans sa mémoire.

1750. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Le mérite principal de l’histoire est d’enrichir notre mémoire, et de former notre jugement.

1751. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

La véneration que je conserve pour sa mémoire, me fait même croire qu’il auroit corrigé sa faute si l’on l’en avoit averti.

1752. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Il y a des livres de sentiments comme les Confessions et les Mémoires d’Outre-tombe.

1753. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Un grand plaisir, difficile pour la plupart et pour moi du moins, avec les prosateurs, très facile avec les poètes, est, non plus de lire, mais de réciter de mémoire les morceaux qui se sont fixés dans notre esprit et que nous chérissons de dilection particulière.

1754. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Mais les biographies, le Temps les entraîne, et en les entraînant les efface de la mémoire des hommes ; elles n’existent alors que pour les chiffonniers de l’histoire.

1755. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Est-ce par respect pour la mémoire d’un pontife qui commença son règne dans l’ivresse d’une popularité dont les ennemis de la Papauté voulurent lui faire partager le délire, et auquel l’éclair du poignard qui tua Rossi put seul dessiller les yeux ?

1756. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Elle était née sans aucune mémoire, sans aucune imagination, disait-elle, et de plus parfaitement incapable de discourir avec l’entendement ; mais la Prière, la Prière plus forte que toutes les sécheresses, lui donna toutes les facultés qui lui manquaient ; car la Prière a fait Térèse, plus que sa mère elle-même : « Je suis en tout de la plus grande faiblesse, — dit-elle, — mais, appuyée à la colonne de l’Oraison, j’en partage la force. » Malade, pendant de longues années, de maladies entremêlées et terribles qui étonnent la science par la singularité des symptômes et par l’acuité suraiguë des douleurs, Térèse, le mal vivant, le tétanos qui dure, a vécu soixante-sept ans de l’existence la plus pleine, la plus active, la plus féconde, découvrant des horizons inconnus dans le ciel de la mysticité, et, sur le terrain des réalités de ce monde, fondant, visitant et dirigeant trente monastères : quatorze d’hommes et seize de filles.

1757. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

C’est la première grande œuvre qu’on ait érigée à la mémoire d’un des plus grands hommes qu’ait eus l’humanité, car il n’y a pas une seule pensée dans la vie de Colomb qui ne soit grande, depuis la pensée de sa découverte jusqu’à celle de ses fers, mis dans son tombeau.

1758. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Madame Lafarge, dans ses Mémoires, a prouvé qu’elle en était douée, Lacunaire aussi, dans quelques-unes de ses chansons… Goethe n’eut que celle-là, et encore pas longtemps.

1759. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

En général, les romans écrits particulièrement par les femmes sont beaucoup plus faits par la mémoire qui se souvient que par l’imagination qui invente.

1760. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Il avait composé des mémoires grecs sur son consulat, qui peuvent passer pour un éloge historique ; et de plus, il s’était célébré lui-même dans un poème latin en trois chants, et qui n’est pas non plus parvenu jusqu’à nous.

1761. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

et les éditeurs n’ont qu’à bien se tenir ; il ira fouiller dans tous les replis de sa mémoire, il y retrouvera ses amours, ses pensées intimes, et bien vite il les recopiera, pour aller les vendre au plus enchérissant. […] Un des compagnons d’infortune de l’exilé, Yastryemsky, a consigné dans ses Mémoires le récit d’une rencontre avec Dostoïevsky, au début de leur pénible voyage. […] Ce que j’aurais surtout à excuser, si ce livre avait la moindre prétention à être de vrais mémoires, ce sont les lacunes qui s’y trouvent. […] Je ne dois pas exposer une mémoire qui m’est sainte aux jugements rogues qui font partie du droit qu’on acquiert sur un livre en l’achetant. […] Heureusement pour sa mémoire, un autre philosophe, un, écrivain éminent, un homme qui a le rare don de parler clairement des choses les plus abstraites, et qui a su dégager la philosophie de son horrible phraséologie, M. 

1762. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

En souvenir de cet heureux événement et pour en conserver la mémoire, on avait institué une fête anniversaire. […] Il avait une mémoire si prodigieuse, que lorsqu’on lui demandait de déclamer une de ses pièces, comme c’était alors l’usage dans les salons des grands personnages, il le faisait sans avoir recours au manuscrit. […] Souffre que mes neveux adorent ma mémoire ; Et qu’ils disent de moi, voyant ce que je fis : Il fut père de Rome, et plus que de ses fils. […] Que je sorte d’ici, non de votre mémoire. […] croyez-moi, restez en paix, En vain tenteriez-vous de ternir sa mémoire.

1763. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

« Le cœur qui n’aime plus a si peu de mémoire !  […] Laquelle des deux survivra dans la mémoire des hommes ? […] Nos mains tremblèrent de joie en s’étreignant ; mais le dîner fut très bref, encore qu’y assistât, si j’ai bonne mémoire, le grand poète Mistral. […] Jean Moréas, qui publia les Syrtes en décembre 1884, défendit d’abord impérieusement la doctrine de l’école symboliste, ou sa propre doctrine, puis fonda l’École Romane, en compagnie, si j’ai bonne mémoire, de MM.  […] Pierre Quillard, Marcel Collière et Bernard Lazare de leur fervente fidélité à une chère mémoire, — les poèmes d’Éphraïm Mikhaël ont paru chez un éditeur qui, en les éditant, a fait son devoir.

1764. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Mallarmé dans la mémoire des hommes, et que par conséquent il faut s’en expliquer, avant que leur règne, qui a duré à peine trois cents ans, n’ait passé comme un météore. […] Pour mémoire. […] Rappelez-vous ce que Sainte-Beuve a surpris des remaniements des Mémoires d’outre-tombe. […] Ces romans étaient des Mémoires. […] Il est évident que, non seulement il n’a jamais su un mot d’histoire, mais qu’il n’a jamais ouvert un historien, ni un auteur de mémoires.

1765. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Mais ne nous faisons non plus aucune illusion ; disons-nous, avec un regret et une humilité que toute la fierté de Malherbe ne consolera pas, où en était venue cependant la poésie française après plus de quatre cents ans de floraison et de culture ; combien, faute d’une tradition soutenue et d’une mémoire fidèle, elle s’était diminuée à plaisir et appauvrie ; combien elle était retombée à une véritable enfance et avait mérité d’être remise à l’école, aux simples éléments. […] pourquoi faut-il qu’on dise qu’en poésie tu as trop fait comme en politique, que ta mémoire a été courte, et que la génération sage, et qui avait su acquérir, a trop rarement transmis l’héritage moral aux générations nouvelles ! […] Réjouissons-nous, perdons la mémoire des misères passées ; nous avons trouvé ce que nous cherchions, ou pour mieux dire, nous avons trouvé ce qu’il n’y avait point d’apparence de chercher.

1766. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

que je donnerais tous les condors de Leconte de Lisle, et même une partie du bagage lyrique de Hugo dans la Légende des siècles, pour cette page des Mémoires d’outre-tombe, où Chateaubriand peint dans l’antichambre de M. du Theil, l’agent du comte d’Artois à Londres, ce paysan vendéen, cet homme qui n’était rien, au dire de ceux qui étaient assis à côté de lui, ce héros obscur qui avait assisté à deux cents prises et reprises de villes, villages, redoutes, à sept cents actions particulières, à dix-sept batailles rangées ; et qui, dans l’étouffoir fade de l’antichambre diplomatique, devant une gravure de la mort du général Wolf, se grattait, bâillait, se mettait sur le flanc, comme un lion ennuyé, rêvant de sang et de forêts. Samedi 1er avril C’est vraiment curieux, que le livre, les Mémoires d’outre-tombe, sur lequel mon frère est tombé mourant, ait recommencé à être la lecture des jours, où je n’étais pas bien certain de la continuation de ma vie. […] Il célèbre leur discrétion à l’égard de votre vie, de vos opinions, de vos lectures, de vos journaux, et ne trouve dans sa mémoire comme blâme de ses relations, quand il recevait la visite des actrices du Théâtre-Libre, ou de femmes du quartier Latin, en toilette exubérante, que ce rappel ironique du frère qui le soignait, jetant à haute voix dans ce monde féminin : « C’est l’heure de prendre votre lavement ! 

1767. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Et s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement indifférent, ce n’a j’amais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. […] Voici des vers scandés sans rimes, formant une fin de strophe : Un jour viendra, j’en ai la juste confiance, Que les honnêtes gens béniront ma mémoire     Et pleureront sur mon sort292. […]      Le chant monotone des officiants, Les réponses du peuple au prêtre, Quelquefois inarticulées, quelquefois tonnantes, L’harmonieux tressaillement des vitraux, L’orgue éclatant comme cent trompettes, Les trois cloches bourdonnant comme des ruches de grosses abeilles, Tout cet orchestre sur lequel bondissait une gamme gigantesque Montant et descendant sans cesse d’une foule à un clocher, Assourdissaient sa mémoire, son imagination, sa douleur.

1768. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Je respire l’odeur d’une rose, et aussitôt des souvenirs confus d’enfance me reviennent à la mémoire. […] Tel est cet ensemble de sentiments et d’idées qui nous viennent d’une éducation mal comprise, celle qui s’adresse à la mémoire plutôt qu’au jugement. […] On verrait que la plupart de nos actions journalières s’accomplissent ainsi, et que grâce à la solidification, dans notre mémoire, de certaines sensations, de certains sentiments, de certaines idées, les impressions du dehors provoquent de notre part des mouvements qui, conscients et même intelligents, ressemblent par bien des côtés à des actes réflexes.

1769. (1883) Le roman naturaliste

Combien sont-ils, en effet, les Mémoires de ce genre qui se réduisent à tenir la promesse de leur titre ? […] Rappelez-vous ce que pensait, et ce qu’a dit Voltaire de ces Mémoires de d’Artagnan, par exemple, d’où nous avons vu sortir en notre temps les Trois Mousquetaires. […] mais comme au plus profond de sa mémoire elle en gardait le cher, et vivant, et riant souvenir ! […] Elle, au contraire, elle écoute chanter dans sa mémoire « la légion lyrique des femmes adultères ». […] Elle a la mémoire des sens.

1770. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

En mémoire d'Henri-Benjamin de Constant-Rebecque,  Né à Lausanne en Suisse,  Le 25 nov. 1767114. […] Je viens de lire les Mémoires de Noailles, par Millot, ouvrage écrit sagement, un peu longuement, mais pourtant d’une manière intéressante et philosophique. […] On ne le prend pourtant pas pour un sot… Tout cela voit beaucoup un jeune Riouffe, qui est auteur des Mémoires d’un Détenu, qui ont eu de la célébrité. […] Après son équipée des Cent-Jours, quelques amis lui conseillèrent d’adresser un mémoire, une lettre au roi. […] Des enquêtes commencèrent ; des mémoires scandaleux furent publiés contre M. de Constant, qui perdit un moment la tête, et crut devoir se dérober par une fuite momentanée à la haine de ses ennemis.

1771. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Et, en effet, rappelez-vous les vers d’amour qui peuvent chanter dans vos mémoires : ils ne sont pas de Victor Hugo. […] C’est depuis ce temps-là que tous les écrivains écrivent leurs mémoires et qu’on publie ses mémoires, ses souvenirs, ses confidences, ses confessions, l’histoire de sa vie, etc. […] Il y en a qui sont dans toutes les mémoires, dans tous les recueils choisis. […] Le voici : Le silence déjà funèbre d’une moire Dispose plus qu’un pli seul sur le mobilier Que doit un tassement du principal pilier Précipiter avec le manque de mémoire.

1772. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Impitoyable soif de gloire, Dont l’aveugle et noble transport Me fait précipiter ma mort Pour faire vivre ma mémoire ! […] Une phrase de M. le duc de Saint-Simon dans ses Mémoires se peut appliquer au feuilleton de 1830 ; M. le duc de Saint-Simon félicite le jeune roi Louis XIV, parmi les rares bonheurs qui attendaient sa royauté, de ce grand cortège d’hommes très distingués qu’il rencontra en chemin. […] Nous en avons vu beaucoup, dans les livres et dans les comédies du siècle passé, de ces sortes de filles, assez bien nées pour avoir besoin d’être riches, trop pauvres pour se rappeler longtemps qu’elles étaient bien nées ; vous en trouverez dans ces qualités-là et à profusion, dans les Mémoires d’un certain Casanova qui se mêlait de bonnes fortunes. […] J’en atteste ces plaintes si tendres et si remplies de résignation que vous pouvez lire dans les Mémoires de Mademoiselle de Montpensier. […] Réflexions sur la grammaire, la rhétorique, la poétique et l’histoire ou Mémoires sur les travaux de l’Académie Française, à M. 

1773. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

J’en trouve dans les Mémoires de M.  […] Mémoires de Hector Berlioz, I, 301, 302. […] Mémoires de Hector Berlioz, I, 272. […] Mémoires d’outre-tombe, I, p. 151-154. […] Mémoires de Hector Berlioz, I, 361-362.

1774. (1914) Une année de critique

Il est fort possible que le public, friand de ses « Mémoires » qui continuent de paraître, applaudisse à son évasion. […] Il y aura toujours moins de monde, autour du petit autel où les délicats rendent leur culte à la mémoire d’Élisabeth d’Autriche. […] Pierre Loti, au terme de son dernier volume, se retourne vers son printemps, et ces pages m’ont ému d’autant plus, que le souvenir des lectures de Loti est uni dans ma mémoire aux images de mon enfance. […] À propos de la femme qu’il aima, toutes les théories sur la femme lui reviennent en mémoire. […] Mémoires de Louise de Saxe (Juven, éditeur).

1775. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

était-il de peu d’esprit, à part son talent, et, comme il est dit dans d’illustres Mémoires où chaque trait porte, d’un caractère encore au-dessous de son esprit ? […] Bernardin, dans ses voyages, avait toujours beaucoup écrit ; il composait des mémoires pour les bureaux, il rédigeait des journaux pour lui ; arts, morale, géographie, affaires du temps, il tenait compte de tout.

1776. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

On peut remarquer, dans ses Mémoires et dans ses correspondances, qu’Homère était à ses yeux le premier et le dernier mot du génie humain, la Bible de l’histoire et de l’imagination. […] Le lyrisme est fait pour les salons, l’épopée pour les chaumières ; la popularité durable et honnête est là : le récit est plus inépuisable que le chant, parce que l’homme a plus de mémoire que d’enthousiasme.

1777. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Ainsi enfin le culte même des tombeaux, commandé aux générations vivantes pour les générations mortes, dont les monuments funèbres prolongent la mémoire et les deuils jusqu’au-delà des sépulcres, pour rappeler les enfants à la réunion des poussières et des âmes dans la vie future, où la grande parenté humaine confondra les pères, les mères, les enfants dans la famille retrouvée et dans l’éternel embrassement de la renaissance ! […] L’expulsion du toit et du champ paternels, la mendicité aux portes des seuils étrangers, la glane dans le sillon sans cœur, le vagabondage à travers la terre, la couche sous le ciel et sur la neige, la séparation des membres errants de la même chair, le déchirement de tous ces cœurs qui ne faisaient qu’un, la destruction de la parenté, cette patrie des âmes, cet asile de Dieu préparé, réchauffé, perpétué pour la famille ; les mœurs, l’éducation des enfants, la piété filiale et la reconnaissance du sang pour la source d’où il a coulé et qui y remonte par la mémoire en action qu’on appelle tendresse des fils pour leur père et leur mère ; tout cela (et c’est tout l’homme, toute la société), tout cela, disons-nous, périt avec l’hérédité des biens dans la loi.

1778. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Le cynisme fut avéré, le motif inconnu ; mais ce qu’il y a de plus inexplicable pour les hommes qui n’ont pas sondé jusqu’au scandale les impudeurs de l’esprit de parti, c’est que ce même Benjamin Constant devint, trois mois après, un des bienvenus de la seconde restauration des Bourbons ; puis quelques années plus tard, la voix, l’oracle et le modèle des puritains de la liberté ; puis le complice rémunéré de la révolution de 1830 ; puis une renommée de secte ; puis une mémoire apprenant à tout mépriser dans les temps de partis, même l’estime des hommes. […] Le siècle entier porta ce deuil de famille ; elle n’eut ni les funérailles populaires de Mirabeau, ni les funérailles littéraires de Voltaire, mais elle eut les pieuses funérailles de fille, d’épouse, de mère, sous les chênes de Coppet, au pied du cercueil de son père, sur les bords de ce lac, en face de ces Alpes, où sa mémoire se confond à jamais avec celle de J.

1779. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

La plus belle, la plus faible, la plus entraînante et la plus entraînée des femmes ; créant sans cesse, par une irrésistible attraction autour d’elle, un tourbillon d’amour, d’ambition, de jalousie, où chacun de ses amants est tour à tour le motif, l’instrument, la victime d’un crime ; passant, comme l’Hélène grecque, des bras d’un époux assassiné dans les bras d’un époux assassin ; semant la guerre intestine, la guerre religieuse, la guerre étrangère sous tous ses pas et finissant par mourir en sainte, après avoir vécu en Clytemnestre ; puis laissant une mémoire indécise, également défigurée par les deux partis : protestants et catholiques, les uns intéressés à tout flétrir, les autres à tout absoudre, comme si ces mêmes factions qui se l’arrachaient pendant sa vie devaient encore se l’arracher après sa mort ! […] Melvil, un de ses confidents les plus intimes, dit dans les mémoires qu’il écrivit sur le règne de sa maîtresse : « Je lui trouve toujours, depuis le meurtre de Rizzio, un cœur plein de rancune, et c’était mal lui faire sa cour que de lui parler de sa réconciliation avec le roi ! 

1780. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Cicéron vivant fut égorgé par ses ennemis politiques ; Voltaire mort fut assassiné dans sa mémoire et traîné mille fois par son nom aux gémonies des ennemis de la philosophie et de la renommée ; ce sont encore deux ressemblances entre les deux destinées de ces deux grands hommes. […] On feuillette Voltaire, on grave Thucydide et Tacite dans sa mémoire.

1781. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

 » Massillon prêche contre la guerre, demande ce que les siècles futurs diront de ces monuments élevés pour éterniser la mémoire d’un carnage, rappelle qu’à l’origine tous les biens appartenaient en commun à tous les hommes et que la simple nature ne connaissait ni propriété privée ni partage. […] Point de querelles entre les jeunes gens, si ce n’est quelques débats entre amants ; des inscriptions simples sur l’écorce d’un hêtre ou sur un rocher brut conservent à la postérité la mémoire des grands citoyens et le souvenir des bonnes actions.

1782. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Alors plus encore que maintenant on révérera la mémoire de quelques hommes qui s’émurent de notre longue misère, qui soupirèrent après une meilleure destinée, et qui mirent dans leurs œuvres, sciemment ou non, le frisson de l’amour et de la foi. […] L’exécution des Maîtres chanteurs a remis en mémoire le plaisir intense que la représentation de cette œuvre enchanteresse nous causa il y a deux ans ; elle a réveillé plus que jamais le désir de la voir figurer d’une manière définitive et permanente au répertoire de la Monnaie.

1783. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

» — On sait ce qui reste du poème rêvé par André Chénier sur la nature vue à travers la science moderne : un amas de notes où se marque le plan qui va toujours grandissant dans la tôle du poète, où l’on sent partout, à travers une prodigieuse variété de lectures, de citations, de souvenirs, un souffle irrésistible qui les anime et les soulève, et sous ce souffle impérieux et fécond des germes qui ne demandent qu’à éclore, et parmi ces semences pressées de l’ouvrage futur, quelques-unes qui lèvent déjà, qui éclatent avant le temps, par une sorte d’impatience, produisant des fragments admirables, ou des vers d’une vitalité prématurée, de ces vers qui vivent, bien qu’isolés, d’une vie propre et qui entrent d’emblée dans la mémoire des hommes, où ils ne meurent plus. […] Depuis longtemps déjà, non content d’un succès rapide qui eût enivré tant d’autres et qui avait mis quelques-uns de ses vers dans bien des mémoires et des cœurs émus, M. 

1784. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Cette faute, qui tenait pourtant au meilleur de l’âme de Philippe II, c’est-à-dire à son zèle pour la religion et la foi, cette faute immanente, que nous, catholiques, nous nous sentons la force de reprocher à sa mémoire, il est impossible que Forneron, malgré la modernité de ses opinions, ne l’ait pas, de son pénétrant regard, aperçue. […] Très au-dessous de Charles-Quint, son père, dont il n’avait, si on en croit ses portraits, que la mâchoire lourde et les poils roux dans une face inanimée et pâle, ce Scribe qui écrivait ses ordres, défiant qu’il était jusque de l’écho de sa voix, ce Solitaire, noir de costume, de solitude et de silence, et qui cachait le roi net, le rey netto, au fond de l’Escurial, comme s’il eût voulu y cacher la netteté de sa médiocrité royale, Philippe II, ingrat pour ses meilleurs serviteurs, jaloux de son frère don Juan, le vainqueur de Lépante, jaloux d’Alexandre Farnèse, jaloux de tout homme supérieur comme d’un despote qui menaçait son despotisme, Forneron l’a très bien jugé, réduit à sa personne humaine, dans le dernier chapitre de son ouvrage, — résumé dont la forte empreinte restera marquée sur sa mémoire, — comme il a bien jugé aussi Élisabeth, plus difficile à juger encore parce qu’elle eut le succès pour elle et qu’on ne la voit qu’à travers le préjugé de sa gloire.

1785. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Aujourd’hui, en ce moment encore, un journal, le Correspondant, qu’on pourrait appeler à plus juste titre « le Trembleur », et qui s’imagine que la vérité a, comme lui, peur de quelque chose, trouvait imprudent — et l’exprimait — de toucher à ce sujet fétide d’Alexandre VI, fût-ce pour l’assainir, fût-ce pour éponger la mémoire de ce pontife des souillures qu’on a fait ruisseler sur elle ! […] … On n’en parle que pour mémoire.

1786. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Dès l’âge de quatre ans, la jeune Amable faisait preuve d’une grande intelligence et d’une surprenante mémoire ; elle avait pour la lecture une véritable passion, et il lui fallait cacher les livres qu’elle dévorait.

1787. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Il a décrit en des termes d’une saisissante vérité ces commencements presque imperceptibles, cette lueur, cette étincelle, ce premier signe de vie, ce pouls qui se remet à battre, ce sang qui afflue tout d’un coup au cœur ; et aussitôt que s’entendit le murmure et que le tintement se fit,« tout le monde, s’écrie-t-il, s’éveilla : on chercha en s’éveillant comme à tâtons les lois, on ne les trouva plus, l’on s’effara, l’on cria, l’on se les demanda… » Cet admirable exorde des Mémoires politiques de Retz pourrait s’intituler : Comment les révolutions commencent : ayons le présent à la pensée pour apprendre comment elles s’évitent. — Mais ici ce n’est pas au point de vue du public, c’est au point de vue du gouvernement que je me place, et c’est le gouvernement qui a dû s’effarer tout le premier et se tâter pour savoir s’il était bien le même ; c’est lui qui a dû s’étonner de ne plus trouver un matin autour de lui ce qui y était la veille et se demander à son tour : Comment se fait-il que cette opinion qu’il y a quelques mois encore on supposait disciplinée et soumise, et quelque peu sommeillante, se soit tout d’un coup réveillée ?

1788. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

C’est pour cela qu’on a dit que les beaux vers étaient la marque des mauvaises tragédies : non pas que les vers des bonnes tragédies ne soient beaux aussi, mais ce sont surtout des vers de situation, des traits de caractère, au lieu que les mauvaises tragédies ont seules ces beaux vers, qui ne sont que de beaux vers, qui ne jaillissent ni de la situation ni des caractères, qui, saisissant l’esprit et la mémoire du spectateur, le divertissent de la pièce avec laquelle ils n’ont pas de rapport nécessaire.

1789. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Enfin, en regrettant de n’avoir pas de mémoires où Poe, Dickens, Balzac, Hugo, « bien interrogés », auraient livré le secret de leur mécanisme mental, Taine a indiqué aux psychologues un curieux sujet d’études que quelques-uns ont récemment abordé862 mais il a donné à nos romanciers une fâcheuse idée de leur importance, il les a provoqués à des examens, des étalages de leur moi, qui n’apportent guère de lumières à la science, sinon peut-être sur la vanité du type « littérateur ».

1790. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Peu à peu, tous les problèmes de la langue, tous ceux de l’art littéraire, tous ceux de l’histoire des idées et de la sensibilité se posent, à propos des textes, en termes concrets devant nous ; et les données, les faits, les enchaînements s’inscrivent nettement dans notre mémoire.

1791. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Immortel et pareil à ce granit sans nom Dont les siècles éteints ont légué la mémoire.

1792. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

— Mémoires d’un veuf (1886). — Amour (1888)

1793. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Où est l’instant ou son esprit actif a pû retomber sur lui-même, il a parcouru l’Univers & a déposé dans sa mémoire une suite magnifique de tableaux qui se reproduiront à son imagination, lorsque l’homme oisif & importun venant le tyranniser prendra son silence méditatif, pour la preuve non équivoque d’une attention qu’il ne mérite point.

1794. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

., et autres frais… 180 3 À Paysan, pour la poudre, pommade, y compris ses peines, celles de ses garçons, et les frais de leur voyage à Chambord… 210 » Pour toutes les voitures généralement quelconques… 9008 » Pour trois bannes qui ont servi à couvrir les charrettes où étaient les habits… 50 8 Pour tous les Suisses qui ont servi, tant à Chambord qu’à Saint-Germain, à garder les portes du théâtre… 153 » Au sieur de Lulli, pour ses copistes, leur entretien et nourriture, la somme de… 800 » Pour les ports, rapports et entretiens d’instruments… 196 » Pour les dessins et peines du sieur Gissez… 483 » Pour les peines d’avertisseurs, huissiers et autres gens nécessaires… 300 » Aux concierges de Chambord et de Saint-Germain, à raison de 100 liv. chacun… 200 » Pour tous les menus frais imprévus, suivant le mémoire ci-attaché… 403 » Somme totale du contenu au présent état… 49404 18 Nous, Louis-Marie d’Aumont de Rochebaron, duc et pair de France, premier gentilhomme de la chambre du roi, certifions avoir ordonné la dépense contenue au présent état, et l’avoir arrêtée pour Sa Majesté à la somme de quarante-neuf mille quatre cent quatre livres dix-huit sous.

1795. (1842) Essai sur Adolphe

Il a dévoré dans ses ambitions solitaires plusieurs destinées dont une seule suffirait à remplir sa vie ; il a vécu des siècles dans sa mémoire, et il n’est encore qu’au seuil de ses années.

1796. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Si nous voulons sortir de ce court moment, il faut avoir recours à la mémoire, et nous savons qu’elle est faillible.

1797. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

C’est l’inconvénient de ce genre de mémoires qui n’en sont pas, et dans lesquels on pose.

1798. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

L’un lui dicta ses mémoires, l’autre l’engagea dans la lutte religieuse, si ardente aujourd’hui, et où il s’est placé au premier rang.

1799. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Lord Byron parle, dans ses Mémoires, de la faculté congrégatoire des poëtes comme de leur don le plus puissant et le plus mystérieux : eh bien !

1800. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Ce magot révolté de cardinal de Retz, qui lui tire éternellement la jarretière dans ses Mémoires, parce qu’en s’allongeant de toute sa haine comme un serpent il ne lui vient jamais que là, le cardinal de Retz ne peut affecter ce visage, serein comme la Beauté Antique, des contorsions de son injure et des grimaces de son dédain.

1801. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Il fallait signaler les poèmes, généralement mauvais, où il essaie naïvement de se plier aux modes de l’école qui reconnaissait en lui son père : c’est ainsi que le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe imitait de près les procédés romantiques, et soignait après coup sa paternité.

1802. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Florence, séjour et berceau de tous les arts, cultiva, dans les orages de sa liberté, l’éloquence et les lettres avec succès ; mais depuis que la Toscane n’est plus gouvernée par ses lois, Florence a plutôt conservé le goût des arts que leur génie ; elle honore la mémoire de ses grands hommes, et n’en produit pas de nouveaux.

1803. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

. — Homère confia ses poèmes à la mémoire des Rapsodes, parce que de son temps les lettres alphabétiques n’étaient point trouvées, ainsi que le soutient Josèphe contre le sentiment d’Appion. — Si Cadmus eût porté les lettres phéniciennes en Grèce, la Béotie qui les eût reçues la première n’eût-elle pas dû se distinguer par sa civilisation entre toutes les parties de la Grèce ?

1804. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

La félicité, ou tout au moins la tranquillité de l’homme civilisé succombe donc sous un ennemi intérieur : la complexité acquise de sa vie psychique, la mémoire, « cette incalculable multiplicité des impulsions conservées ou reproduites qui imprime en nous une activité immodérée et nous entraîne à des efforts vains et destructeurs55 » Heureux l’homme originel ! […] A vingt ans, dans sa correspondance avec Mme de Charrière, cette spirituelle marraine dont il fut l’élève, le premier et tardif amour, et dont la mémoire ne cessa pas de l’attendrir, il fait le roué et grimace un cynisme tel que les plus vives licences ne s’en sauraient citer. […] Il perce tous les masques successifs ; mais il éclate avec une liberté inouïe, dans tout ce que Chateaubriand a écrit avant d’être quelque chose, ou quand il n’était plus rien : dans l’Essai sur les Révolutions et dans les Mémoires d’outre-tombe. […] Celles qui étaient auteurs ont laissé des lettres, des mémoires, des romans, n’écrivant que de ce qu’elles étaient, dans la réalité même, inimitables à manier et à animer. […] Mais la mémoire intellectuelle semble bien leur faire défaut.

1805. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Son œil était curieux et tenace, sa mémoire de moraliste ferme et sûre. […] Ce doit être un petit fait vrai que la chaise de poste abandonnée au milieu des Mémoires d’un touriste pour continuer le voyage en diligence. […] » — Les Mémoires d’un touriste, écrits par Stendhal, ne peuvent être que les mémoires d’un moraliste, et le seul voyage qu’il sût bien faire était un voyage à travers les hommes. […] Stendhal de même, et de là cette conception de la vie, pareille aux Mémoires de Casanova. […] Hegel, Kant, Feuerbach, Marx, Engels, Smith, Say et Malthus sont sans cesse entre ses mains, surtout ces derniers, et toujours dans sa mémoire.

1806. (1902) Propos littéraires. Première série

Elles sont faites sur des mémoires, des souvenirs, des lettres. […] C’est ainsi encore qu’il se plaît, sans lourde insistance, bien entendu, à nous rappeler que Thiers avait vu en manuscrit les Mémoires de la Révellière-Lépeaux et les avait tenus en grande estime et s’en était servi avec diligence ; et qu’aussi Michelet avait eu en mains ces fameux mémoires et avait écrit, tout transporté : « Enfin, grâce au ciel, nous pouvons lire les Mémoires excellents et visiblement véridiques de la Révellière-Lépeaux, le meilleur et le plus ferme républicain de ce temps-là. Il a écrit ses mémoires fort tard, vers la fin de sa vie, avec une fermeté de justice admirable. » — Or ces Mémoires, retardés sous la Monarchie de Juillet par certaines considérations, sous l’Empire par certaines timidités, et sous le gouvernement de Sadi Carnot par certaines convenances, et qu’on croyait qui ne seraient jamais publiés à cause de certains obstacles, viennent enfin de voir le jour qui nous éclaire ; et il y a quelque chose de plus clair encore que ce jour-là, c’est que ce sont les mémoires du dernier des imbéciles, mettons l’avant-dernier, comme disait Chamfort, pour ne décourager personne. […] Beaucoup moins de largeur, de vaste poésie épique et de couleur ; mais les véritables « mémoires de l’armée de Metz en 1870 » sont là. […] Il est certain que ceci est très distingué, et que le caractère marqué de pareils traits est de ceux qui ne s’effacent pas complètement de la mémoire.

1807. (1903) Propos de théâtre. Première série

Ces mémoires d’un dilettante d’art dramatique sont tout à fait attachants. […] Autre exemple ; pour cette même scène une gravure de la seconde édition de Tartuffe (1669) montre un flambeau allumé sur la table fatale et un Mémoire des décorations nous révèle que pour Tartuffe il faut « deux fauteuils, une table avec un tapis dessus et deux flambeaux ». […] Brunetière, avec une grande pénétration de critique, a fort ingénieusement montré que ce goût vient en partie du penchant qu’a Corneille à peindre les miracles de la volonté, l’histoire, ou ce qui en reste dans la mémoire des hommes, c’est-à-dire encore l’histoire, n’étant composée que des grands efforts et des actes extraordinaires de la volonté humaine. […] Voilà où il habite par la pensée, par la lecture, par la mémoire, par les vers ïambiques ou hexamètres, attiques ou ioniens, qui chantent éternellement dans son souvenir. […] ô mémoire !

1808. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Guise, ni Bussy-Leclercb, ne proscrivirent point ce roi vivant avec plus d’acharnement que la tyrannie ne proscrivait sa mémoire ; elle effaçait partout son nom, comme par un pressentiment que l’amour, qui s’y rattachait toujours, causerait sa chute prochaine. […] Ce n’est point aux filles de mémoire d’oublier sitôt les attentats contre les libertés publiques, et de leur accorder si généreusement l’impunité qui les enhardirait à l’avenir. […] de cette triste histoire « Faut-il donc réveiller l’affligeante mémoire ? […] Mais le dévouer à ce supplice eût à vos yeux augmenté l’horreur de son véritable crime, en vous rappelant le bûcher de son héroïne, dont tout poète français devait plaindre, respecter, ou consacrer noblement la mémoire. […] « Parlez : ce fait remonte au berceau de l’histoire ; « Mais le temps d’âge en âge en transmit la mémoire.

1809. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

XCIV On a beau dire que l’esprit est impénétrable, qu’il est immatériel : une vaste mémoire trop bien meublée ne laisse pas d’y prendre la place des idées originales. — Si une grande mémoire a ses avantages, elle a bien ses infirmités. […] C’est refait de tête et de mémoire, et en vue de la circonstance présente. […] CXCII Quand la mémoire humaine est trop chargée, elle fait faillite.

1810. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

On sentit enfin que c’est dans les écrivains du passé qu’il faut chercher le portrait du passé, qu’il n’y a de tragédies grecques que les tragédies grecques, que le roman arrangé doit faire place aux mémoires authentiques, comme la ballade fabriquée aux ballades spontanées ; bref, que la littérature historique doit s’évanouir et se transformer en critique et en histoire, c’est-à-dire en exposition et en commentaire des documents. […] Il employa les sommes énormes que ses vers et sa prose lui avaient gagnées à se bâtir un château à l’imitation des anciens preux, « tours et tourelles, copiées chacune d’après quelque vieux manoir écossais, toits et fenêtres blasonnés avec les insignes des clans, avec des lions rampants sur gueules », appartements « remplis de hauts dressoirs et de bahuts sculptés, décorés de targes, de plaids et de grandes épées de highlanders, de hallebardes, d’armures, d’andouillers disposés en trophées1210. » Pendant de longues années, il y tint, pour ainsi parler, table ouverte, et fit à tout étranger « les honneurs de l’Écosse », essayant de ressusciter l’antique vie féodale avec tous ses usages et tout son étalage : « large et joyeuse hospitalité ouverte à tous venants, mais surtout aux parents, aux alliés et aux voisins, —  ballades et pibrochs sonnant pour égayer les verres qui trinquent, —  joyeuses chasses où les yeomen et les gentlemen peuvent chevaucher côte à côte, —  danses gaillardes et gaies où le lord n’aura pas honte de donner la main à la fille du meunier1211. » Lui-même, ouvert, heureux, au milieu de ses quarante convives, nourrissait l’entretien par une profusion de récits épanchés de sa mémoire et de son imagination prodigues1212, conduisait ses hôtes dans son domaine élargi à grands frais, parmi les plantations nouvelles dont l’ombrage futur devait abriter sa race, et pensait avec un sourire de poëte aux générations lointaines qui reconnaîtraient pour ancêtre sir Walter Scott, premier baronnet d’Abbotsford. […] Il faisait toujours comme les autres faisaient ; jamais il ne jouait le grand homme et ne se donnait des airs en compagnie. » Devenu plus âgé et plus grave, il n’en resta pas moins aimable, le plus aimable des hôtes, si bien qu’un de ses voisins, fermier, je crois, au sortir de chez lui, disait à sa femme : « Ailie, ma fille, je vais me coucher, et je voudrais dormir douze mois pleins, car il n’y a qu’une chose dans ce monde qui vaille la peine de vivre, c’est la chasse d’Abbotsford. » Joignez à ce genre d’esprit des yeux qui voient tout, une mémoire qui retient tout, une étude perpétuelle promenée dans toute l’Écosse, parmi toutes les conditions, et vous verrez naître son vrai talent, ce talent si agréable, si abondant, si facile, composé d’observation minutieuse et de moquerie douce, et qui rappelle à la fois Téniers et Addison. […] À son seul nom, les voilà qui apparaissent en foule ; qui ne les voit sortir de tous les coins de sa mémoire ?

1811. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Un scrupule de cette bonté, dont le loue Saint-Simon137, l’empêcha de livrer à l’impression ce dialogue ; il ne le mit même pas sur le papier, et le garda dans sa mémoire jusqu’à la mort de Mlle de Scudéry. […] En décembre 1662, le Roi les a retirés de cette disgrâce, leur a donné sa protection tout entière, et par le moyen des pensions qu’il donne à tous les savans, il y a lieu d’espérer que les lettres seront plus florissantes sous son règne qu’elles n’ont encore été. » (Mémoires autographes.) […] Mémoires de Fléchier sur les Grands Jours tenus à Clermont. […] Il se peut dire que c’est en ce dernier genre qu’il a excellé, quoique ce fût un des meilleurs hommes du monde, (Mémoires de Saint-Simon, tome IX, ch. 4, édit.

1812. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Comment ne pas voir que la vie procède ici comme la conscience en général, comme la mémoire ? Nous traînons derrière nous, sans nous en apercevoir, la totalité de notre passé ; mais notre mémoire ne verse dans le présent que les deux ou trois souvenirs qui compléteront par quelque côté notre situation actuelle. […] Matière et Mémoire, chap. 1. […] Matière et Mémoire, chap. 

1813. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Chuquet ont l’air de mémoires autobiographiques. […] Goethe indique cela, très discrètement, dans ses Mémoires. […] Or, il a pu souffrir cependant ; oui ; mais c’est très peu probable ; ce dont on a eu conscience laisse toujours des traces dans la mémoire. […] J’espère, en mai, sortir de mon abîme, vous lire et lire madame (les Mémoires d’exil, de Mme Quinet). […] La mémoire de M. 

1814. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Aussi bien, chez nous comme en Grèce, l’histoire, sous la forme des Mémoires ou des Chroniques, semble-t-elle s’être dégagée de la Chanson de geste. […] Vous en trouverez les preuves dans les Mémoires pour la vie de Malherbe, par son disciple et ami Racan, ou bien encore dans les Historiettes de Tallemant. […] Cette idée, il faut la chercher dans le Commentaire sur Desportes, et dans ces Mémoires sur la vie de Malherbe où je vous ai déjà renvoyés. […] Mais, comme il ne paraît pas que Chapelain ait connu les textes anglais, je ne vous les signale ici que pour mémoire, et j’arrive aux espagnols, lesquels, d’après sa Correspondance ne lui étaient guère moins familiers que les italiens. […] Nous avons de lui des pages — pas beaucoup, mais nous en avons — que nos plus grands écrivains pourraient être fiers d’avoir écrites ; et nous en avons qui devraient suffire à déshonorer la mémoire d’un homme dans l’histoire d’une littérature.

1815. (1924) Critiques et romanciers

Il y eut des sanglots ; des larmes ont coulé, sur la mémoire du petit Prince mort, à vingt-trois ans, comme un lion. […] En le disant, on n’offense pas sa mémoire. […] Et, si vous en doutez, il vous renvoie aux Mémoires d’un compagnon du bon Agricol Perdiguier. […] Il écrit ses mémoires, qui sont un roman de M.  […] Comme une cassolette fumante, chaque objet familier y exhale ta mémoire.

1816. (1897) Aspects pp. -215

Et la mémoire l’obsède de tant de folies… Pour la première fois sa conscience s’éveille : Il fond en larmes. […] Tout le monde — quiconque aime le Beau — a dans la mémoire ces vers ardents, trempés de pleurs, pareils à des feux blancs sur un autel. […] Ensuite, dès le lendemain, autour de leur mémoire, le silence des cimetières abandonnés. […] Deux tableaux frappent, en ce moment, ma mémoire. […] Ils crachotent autour des mémoires illustres cependant qu’ils se congratulent entre eux.

1817. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Il était nécessaire, en effet, que le public eût encore présents à la mémoire les faits sur lesquels j’attire son attention. […] Une foule innombrable d’objets se sont présentés à notre esprit et se trouvent enregistrés dans notre mémoire, où ils restent d’ordinaire à l’état latent. […] Tous les faits quelconques dont nous sommes chaque jour les témoins oculaires se présentent à nous ; tandis que, lorsque le souvenir de ces mêmes faits nous revient à la mémoire, ceux-ci se représentent à notre esprit. […] On pourrait y joindre un assez grand nombre de faits extraits de mémoires ou conservés dans les ouvrages qui concernent l’art dramatique. […] C’est la vue de l’eau qui éveille chez Sichel le désir de boire, et c’est l’action de boire à la cruche que penche la jeune fille qui ramène à la mémoire du rabbin l’histoire touchante de Rébecca et d’Eliézer.

1818. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Le Rastignac de Balzac ressemble beaucoup au renard de La Fontaine, et on découvre bien vite les mêmes moeurs, sous des apparences différentes, dans la Comédie humaine, dans les Fables de La Fontaine et dans les Mémoires de Saint-Simon. […] Voyez l’Oraison funèbre de Marie-Thérèse, femme de Louis XIV, et ensuite dans les Mémoires son caractère vrai. […] Mémoires de du Maurier cités par Michelet.

1819. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Chaucer est comme un joaillier, les mains pleines ; perles et verroteries, diamants étincelants, agates vulgaires, jais sombres, roses de rubis, tout ce que l’histoire et l’imagination ont pu ramasser et tailler depuis trois siècles en Orient, en France, dans le pays de Galles, en Provence, en Italie, tout ce qui a roulé jusqu’à lui entrechoqué, rompu, ou poli par le courant des siècles et par le grand pêle-mêle de la mémoire humaine, il l’a sous la main, il le dispose, il en compose une longue parure nuancée, à vingt pendants, à mille facettes, et qui par son éclat, ses variétés, ses contrastes, peut attirer et contenter les yeux les plus avides d’amusement et de nouveauté. […] Pour la première fois, chez Chaucer, comme chez Van Eyck, le personnage prend un relief, ses membres se tiennent, il n’est plus un fantôme sans substance, on devine son passé, on voit venir son action ; ses dehors manifestent les particularités personnelles et incommunicables de sa nature intime et la complexité infinie de son économie et de son mouvement ; encore aujourd’hui, après quatre siècles, il est un individu et un type ; il reste debout dans la mémoire humaine comme les créatures de Shakspeare et de Rubens. […] On récite une leçon et on psalmodie un catéchisme ; même au paradis, même dans l’extase et dans les plus divins ravissements de l’amour, Dante se croit tenu de faire acte de mémoire exacte et d’orthodoxie scolastique.

1820. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Les mémoires qu’on m’avait donnés étaient fort différents sur cela ; mais ils étaient assez semblables sur le nombre des édifices, qu’ils faisaient monter à trente-huit mille deux à trois cents ; savoir: vingt-neuf mille quatre cent soixante-neuf dans l’enceinte de la ville, et huit mille sept cent quatre-vingts au dehors, tout compris, les palais, les mosquées, les bains, les bazars, les caravansérais et les boutiques ; car les boutiques, surtout les grandes et bien fournies, sont au cœur de la ville, séparées des maisons où l’on demeure. […] Nous mettions, jour par jour, les rôles en latin pour nous les communiquer ; et quand nous vîmes nos docteurs épuisés, nous nous mîmes à examiner leurs mémoires sur les lieux, et à en composer une relation, chacun en particulier. […] Il leur dit « qu’il ne doutait pas qu’ils ne l’eussent tous appris d’eux de la même sorte, et qu’ainsi ils auraient connu comment leur défunt monarque avait rendu l’esprit, sans avoir déclaré par écrit ni de vive voix auquel de ses deux fils il laissait le sceptre, et que, par cela, il était de leur devoir de procéder à cette élection au plus tôt, tant pour ne laisser davantage dans une condition privée celui des princes à qui la Providence avait destiné la couronne, que pour mettre l’État en sûreté, qui courait toujours fortune tandis qu’il n’aurait point de maître, vu qu’il en était des monarchies comme des corps animés, qu’un corps cesse de vivre au moment qu’il demeure sans tête, un royaume tombait dans le désordre au moment qu’il n’avait plus de roi ; que, pour éviter ce malheur, il fallait, avant de se séparer, élire de la sacrée race imamique un rejeton glorieux qui s’assît au trône qu’Abas II venait de quitter pour aller prendre place dans le ciel ; que ce monarque, de triomphante mémoire, avait laissé deux fils, comme il s’assurait que personne de ceux devant qui il parlait ne le révoquait en doute, l’un, Sefie-Mirza, qui était venu au monde il y avait environ vingt ans, et avait été laissé dans le palais de la Grandeur en la garde d’Aga-Nazir ; l’autre, Hamzeh-Mirza, âgé de quelque sept ans, qui se trouvait ici près d’eux à la cour, sous la garde d’Aga-Mubarik, présent en leur assemblée ; que, de ces deux, après avoir invoqué le nom très-haut, ils choisissent celui que le vrai roi avait préparé pour le lieutenant du successeur à attendre. » Par ce successeur à attendre, les Perses veulent dire le dernier des imaans (îmâm), qui est dans leur opinion comme leur Messie, dont ils attendent à tout moment le retour.

1821. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

La poésie ne consacrera même plus la mémoire des événements qu’elle n’aura ni prévus ni amenés, parce que le caractère à la fois spéculatif et pratique de ce temps est de n’accorder qu’une attention rapide et une estime accessoire à ce qui ne vient pas immédiatement en aide à son double effort, et qu’il ne se donne ni trêve ni repos. […] De tels vers rendent plus vifs, par l’admiration qu’ils inspirent, les regrets dont nous saluons la mémoire respectée d’Alfred de Vigny. […] Cette langue si neuve, si riche et si précise, ces figures, ces péripéties dramatiques, ces noms ne sortiront plus de notre mémoire ; la vision du Poète est devenu la nôtre.

1822. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Les pèlerins apportaient à Roncevaux leur connaissance du poème, — qui avait évolué loin de là, — et ils prétendaient retrouver sur place ce qu’ils avaient dans la mémoire. […] Je voulais surtout savoir s’il restait dans la mémoire du peuple des alentours quelque vestige des anciennes croyances, si la Sibylle exerçait encore sur les âmes sa fascination mêlée de terreur et de désir. […] Söderhjelm fait partie d’un mémoire intitulé Antoine de la Sale et la légende de Tannhäuser, qui vient de paraître dans le tome II des Mémoires de la Société néo-philologique à Helsingfors, et auquel j’ai dû plus d’une utile remarque. […] Cette version juive, intitulée le Prince et le Derviche, comme le roman arabe dont elle dérive, a été souvent imprimée ; voy. le mémoire cité de Dorn. […] Ici, le récit s’accorde au contraire avec celui de Barlaam, et il est probable que notre auteur avait les deux versions dans la mémoire.

1823. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

J’imagine que les fidèles de la mémoire des auteurs de Madame Gervaisais, dont je suis, ne se passionnent vraiment ni pour ni contre. […] Ils composaient des mémoires. […] Par bonheur pour la mémoire des Goncourt, ils ont écrit d’autres livres, et que cette manie de la notule n’est pas arrivée à trop gâter. […] Dans un mémoire lu à l’Institut en 1915, un des maîtres de la science psychologique française, M.  […] Que de fois la boutade du collégien m’est revenue à la mémoire devant le spectacle que l’Europe nous inflige depuis bientôt dix ans !

1824. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Dans ce cas, ce serait l’abbé de Sade, auteur de Mémoires pour la vie de Pétrarque, qui aurait bel et bien forgé une fable afin de donner de la gloire à sa parente. […] L’ouvrage tomba entre les mains du poète qui déclara en souriant : — J’ai pris aux Italiens plus qu’on ne dit, et si l’auteur m’avait consulté, je lui eusse fourni de bons mémoires. […] Et il les envoie gentiment se faire pendre ailleurs : SAUVEGARDE POUR LA MAISON DE BAIGNOLET CONTRE LES REISTRES Empistolés5 au visage noirci, Diables du Rhin, n’approchez point d’ici : C’est le séjour des filles de Mémoire. […] Il continuait à vénérer la mémoire de Ronsard à une époque où ce grand génie était bafoué, ou même complètement tombé dans l’oubli. […] Il défendit avec bonheur la mémoire de Charles Nodier ; il fut l’ami, et un peu le disciple, de Stendhal.

1825. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Ses lecteurs ont encore moins de mémoire que lui. […] C’est à peu près tout, si j’ai mémoire. […] C’est qu’en effet il étale copieusement ce qu’il sait ; il a parfois une mémoire implacable, une abondance diluvienne. […] Il entend murmurer dans sa mémoire les vers connus de Saint-Pavin et il ne sait plus trop s’ils s’appliquent à la Pucelle ou à la critique de M.  […] Voir les Mémoires du duc de Broglie, vol. 

1826. (1887) George Sand

Elle s’emparait de cette masse tourbillonnante d’idées avec une étrange facilité d’intuition ; la cervelle était profonde et large, la mémoire était docile, le sentiment vif et rapide, la volonté tendue. […] On pourrait dire qu’elle apporte plus de mémoire imaginative que d’imagination dans ses souvenirs et ses visions de la réalité. […] L’éclat de son rêve éclipsait la réalité tant qu’elle était sous ses yeux, et, plus tard, quand il voulait revoir dans son souvenir le paysage entrevu, quand il voulait le peindre, c’était encore son imagination qui travaillait autant que sa mémoire. […] N’était-ce pas un néant relatif que cet oubli qui succédait si vite en elle à la présence réelle de tous ces personnages, dont le nom même sortait parfois de sa mémoire ? […] J’ai rarement vu à ce point le détachement d’un auteur ; il m’arriva plusieurs fois de l’étonner par la fidélité de ma mémoire, moins ingrate que la sienne pour tant d’œuvres charmantes et passionnées.

1827. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Il faut retourner sans cesse à la source pour nous rafraîchir la vue et la mémoire. […] Louis Racine raconte, dans ses Mémoires sur la vie et les œuvres de son père, que Boileau, effrayé de cette consomption lente, voulut déterminer Molière à abandonner le théâtre : « Votre santé y dépérit, lui dit-il, le métier de comédien vous épuise ; croyez-moi, il faut y renoncer ! […]   Ce jour, le sieur Lekain, l’un de nos camarades, a demandé qu’il lui fût permis d’exposer à l’Assemblée ce qu’il avait imaginé pour honorer la mémoire de Molière, et consacrer sa centenaire par un monument qui pût convaincre la postérité de la vénération profonde que nous devons avoir pour le fondateur de la vraie comédie, et qui n’est pas moins recommandable à nos yeux comme le père et l’ami des comédiens. […] Couthon, gentilhomme, n’apparaît guère pour défendre le corps et un peu la mémoire du défunt qu’après le trépas du poète. […] Il en résulta que la pierre calcinée se fendit en deux morceaux, mais du moins les indigents avaient eu un foyer contre l’onglée et bénissaient, grâce à Armande et à cette sorte de bienfaisance posthume, la mémoire de Molière.

1828. (1932) Les idées politiques de la France

Dans le langage saint-simonien on pourrait appeler le B.I.T. le Parlement des Industriels, de même que la Société des Nations a réalisé sur un plan œcuménique ce Parlement général réclamé par Saint-Simon dans le mémoire de 1814 sur la Réorganisation de la Société européenne. […] En frappant le journal et les journalistes qui succédaient à l’Univers et à la Libre Parole, Rome suivait la ligne et utilisait l’expérience d’une mémoire tenace. […] Une Bourguignonne, la chanoinesse de Chastenay, « aristocrate » incarcérée en 1793, donne dans ses Mémoires une idée juste de ce qu’étaient en Bourgogne (et en beaucoup d’autres pays) les comités, sociétés et clubs de la première République. […] Et précisément le Midi a donné au socialisme une manière de Mistral normalien et oratoire, un animateur dont l’action l’échauffe encore et dont la mémoire l’éclaire : Jaurès. […] Vidée de ses éléments je ne dis pas seulement traditionnels, mais traditionalistes, frappée dans sa nature d’héritage, dans la conscience et dans l’accumulation de sa durée, dans son épaisseur de mémoire, la France se sécherait comme une grappe vide.

1829. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Ces derniers actes de la tragédie humaine sont les plus fortes scènes du drame humain, celles qui se gravent le mieux dans la mémoire des peuples. […] « En sortant de ma coupe de bois, après l’ouvrage, je m’en vais auprès d’une petite fontaine, et de là à mes pièges d’oiseaux, avec un livre sous mon bras, soit Dante, soit Pétrarque, soit un de ces poètes familiers en second ordre, tels que Tibulle, Ovide ou quelqu’un de ce genre ; je lis là leurs amoureuses souffrances ou leurs jouissances amoureuses ; ils me font souvenir de mes propres amours, et je me réjouis un peu dans ces douces mémoires.

1830. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

C’est une de ces scènes faites de rien, mais décrites avec la minutie savante de Meissonnier, et vues avec l’œil d’une mère, scènes à l’aide desquelles Hugo grave pour l’éternité dans l’œil et dans la mémoire de son lecteur une rencontre dont il veut qu’on se souvienne. […] Notez ceci dans votre mémoire, car c’est le deus ex machina de la pièce.

1831. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Et alors s’établit dans le monde une nouvelle harmonie : l’homme ne peut plus voir les colonnades des forêts et les autels des montagnes, sans que l’idée d’un temple à l’Éternel ne lui revienne en mémoire. […] C’est là le fonds commun de tous les matériaux dont notre sensibilité, notre mémoire, notre imagination, notre intellect, se composent.

1832. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Les Védas, les anciennes poésies arabes, ont été conservés de mémoire pendant des siècles, et pourtant ces compositions présentent une forme très arrêtée, très délicate. […] Justin, qui fait souvent appel à ce qu’il nomme « les mémoires des apôtres 26 », avait sous les yeux un état des documents évangéliques assez différent de celui que nous avons ; en tous cas, il ne se donne aucun souci de les alléguer textuellement.

1833. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Il commence à comprendre qu’il a vécu jusqu’à ce jour comme un fou sans mémoire et sans conscience. […] Il est inutile d’exposer aux lecteurs de la Revue Wagnérienne, l’esthétique du maître allemand ; que l’on tienne seulement en mémoire cette phrase de l’étude de M. 

1834. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Nos yeux, aidés de notre mémoire, découperaient dans l’espace et fixeraient dans le temps des tableaux inimitables. […] Vous ne savez pas encore ce que c’est, mais vous cherchez parmi vos idées, c’est-à-dire ici parmi les souvenirs dont votre mémoire dispose, le souvenir qui s’encadrera le mieux dans ce que vous apercevez.

1835. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

On en a la preuve dans les mémoires du ministre américain en France, Gouverneur Morris.

1836. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il est content quand il peut dire dans une de ces marches hardies : « C’était une belle petite troupe que la nôtre. » Dans les guerres de Piémont, sous le maréchal de Brissac, il avait extrait de sa compagnie, qui était dans une garnison, trente-quatre soldats qui avaient des morions ou casques jaunes (car il avait éprouvé le bon effet, sur le moral, de ces marques distinctives), et qui étaient renommés sous ce nom : « Tant qu’il y aura mémoire d’homme qui fut alors en vie, écrivait-il vingt ans après avec orgueil, il se parlera en Piémont des braves morions jaunes de Montluc : car, à la vérité, ces trente quatre en valaient cinq cents, et me suis cent fois étonné de ce que ces gens firent lors : je pouvais bien dire que c’était petit et bon11. » Je ne voudrais pas avoir l’air de restreindre les mérites et la portée de Montluc.

1837. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Son goût pour Vauvenargues était devenu, en effet, une véritable amitié et du dévouement à sa mémoire.

1838. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Feydeau qui, ainsi que ses autres travaux l’attestent, à la faculté visuelle très développée, qui a la mémoire visuelle.

1839. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Le 24 décembre 1813, « jour de funeste mémoire », les coalisés passent le Rhin ; l’Empire est envahi : il faut recommencer une campagne d’hiver et en terre de France.

1840. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

[NdA] Mémoires de Napoléon, Guerre d’Italie, chap. 

1841. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Toute son énergie est dans la paume de sa main dont il frappe la tribune, afin de s’animer au monologue ; toute sa mémoire est au fond du verre d’eau sucrée. » Mais je crois que nous avons changé de tribune : nous sommes à la Chambre des Pairs ; une voix sourde se fait entendre (M. 

1842. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Pour les Mémoires de la grande Mademoiselle, on a découvert que ce qu’on lisait depuis plus d’un siècle était détestable, et M. 

1843. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Si on lit les intéressants petits Mémoires qu’il a laissés, on en trouvera, de ces idées neuves, qu’il sème à chaque pas, et des plus pratiques.

1844. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Dans l’histoire des guerres comme dans celle des littératures, il y a des moments et des heures plus favorisées ; le rayon de la gloire tombe où il lui plaît ; il éclaire en plein et dore de tout son éclat certains noms immortels et à jamais resplendissants : le reste rentre peu à peu dans l’ombre et se confond par degrés dans l’éloignement ; on n’aperçoit que les lumineux sommets sur la grande route parcourue, on a dès longtemps perdu de vue ce qui s’en écarte à droite et à gauche, et tous les replis intermédiaires : et ce n’est plus que l’homme de patience et de science, celui qu’anime aussi un sentiment de justice et de sympathie humaine pour des générations méritantes et non récompensées, ce n’est plus que le pèlerin de l’histoire et du passé qui vient désormais (quand par bonheur il vient) recueillir les vestiges, réveiller les mémoires ensevelies, et quelquefois ressusciter de véritables gloires.

1845. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Il est des genres modérés auxquels la vieillesse est surtout propre, les mémoires, les souvenirs, la critique, une poésie qui côtoie la prose ; si la vieillesse est sage, elle s’y tiendra.

1846. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

elle a eu du malheur dans ce que sa mémoire a provoqué d’écrits et de compositions de diverses sortes.

1847. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Le Dey d’Alger disait de lui que « quand il tenait sous bonne garde le manchot espagnol, il tenait en sûreté ses esclaves, ses galères et même toute la ville. » Dans l’Histoire du Captif, Cervantes, faisant raconter à ce personnage réel ou fictif bien des choses dont lui-même avait été témoin et les horreurs qui avaient affligé sous ses yeux l’humanité, lui fait dire encore : « Un seul captif s’en tira bien avec lui (avec le Dey) ; c’est un soldat espagnol, nommé un tel de Saavedra, lequel fit des choses qui resteront de longues années dans la mémoire des gens de ce pays, et toutes pour recouvrer sa liberté.

1848. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Pour ceux qui, distraits des pures Lettres ou occupés ailleurs (comme il est permis), auraient besoin qu’on les remît sur la voie, je rappellerai qu’Eugénie de Guérin, sœur de Maurice de Guérin, de l’admirable auteur du Centaure, était son égale en dons naturels, en génie, sa supérieure en vertu, en force d’âme, son aînée vigilante et tendre, et qu’elle fut pendant neuf années sa survivante douloureuse, son Antigone ou son Électre, toute consacrée à sa mémoire et comme desservante d’un tombeau.

1849. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Mesnard concernant le caractère de Racine et sa position à la Cour, je citerai le passage suivant des Mémoires de Spanheim, lequel était en ce temps-là l’envoyé de l’électeur de Brandebourg et son chargé d’affaires à Paris.

1850. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Il y eut un mémoire écrit au nom du prince sur la question, et une réponse catégorique et fort digne, de Duclos : il importait au moins qu’après l’avance qu’on lui avait faite et qu’elle s’était empressée d’accueillir, la Compagnie ne reçut point un affront.

1851. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

« Ces notes rappellent seulement les dates, les circonstances, en attendant plus d’explication. » Et, encore, sur un papier attaché au bas de la page : « Ces notes n’ont pas été rassemblées dans le dessein d’en faire des mémoires, mais comme souvenirs à mon usage surtout. 

1852. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il a dit lui-même, dans sa pièce à la Mémoire de George Farcy : Un soir, en nous parlant de Naples et de ses grèves, Beaux pays enchantés où se plaisaient tes rêves, Ta bouche eut un instant la douceur de Platon : Tes amis souriaient, lorsque, changeant de ton, Tu devins brusque et sombre, et te mordis la lèvre, Fantasque, impatient, rétif comme la chèvre !

1853. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Léonard161 Dans mon goût bien connu pour les poëtes lointains et plus qu’à demi oubliés, pour les étoiles qui ont pâli, j’avais toujours eu l’idée de revenir en quelques pages sur un auteur aimable dont les tableaux riants ont occupé quelques matinées de notre enfance, et dont les vers faciles et sensibles se sont gravés une fois dans nos mémoires encore tendres.

1854. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Il le fait tranquillement, n’esquivant rien, n’exagérant rien, avec un désintéressement, une impartialité, une indépendance de jugement telle, que cette sorte de sacrifice ou plutôt (car il n’avait point à la sacrifier) d’oubli provisoire de la piété filiale en face de la science qui prime tout, m’a rappelé, je ne sais comment, la hauteur d’âme des vieux Romains mettant tout naturellement l’intérêt de la patrie au-dessus des affections de famille… Puis, tout à coup, après ce long, tranquille et consciencieux exposé qui n’eût point été différent s’il se fût agi d’un étranger, la voix du professeur s’altère et laisse tomber ces mots : … Moi qui vous parle, moi qui seul sais le respect et la reconnaissance que je lui dois, j’ai dû m’abstenir de les exprimer comme je les sens, autant pour être fidèle à cette modération qu’il aimait à garder en toutes choses, autant pour ne rien rire ici qui ne dût être dit par tout autre à ma place, que pour ne pas m’exposer à être envahi par une émotion trop poignante qui ne m’aurait pas laissé la liberté et la force de rendre à cette mémoire si chère et encore si présente l’hommage public auquel elle a droit.

1855. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Le cardinal de Retz, par exemple, s’en sert constamment dans ses Mémoires pour railler les personnages ou faire ressortir le comique des situations.

1856. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

  Quelle place lui demeurera dans la mémoire des hommes, où une place certes lui était assurée ?

1857. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

La revue La Connaissance (9, galerie de la Madeleine) annonce la publication d’extraits du Mémoire secret de Barras d’où il résulterait que Louis XVII, dont l’évasion du Temple ne fait plus aucun doute, serait mort à l’âge de vingt ans en Allemagne.

1858. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Voit-il les choses directement ou à travers des tableaux restés dans sa mémoire ?

1859. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

  Sous le radeau premier des naissantes mémoires Le grand lac commençait à dérouler ses moires Pour l’homme, brute aux bras trop longs, au nez trop court ;   Et dans l’annonce obscure, en tintements agiles, Tout ce qui rôde, et vole, et nage, et rampe, et court, Entendait bégayer les futurs Evangiles.

1860. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

M. de Beausset établît aussi que dans la rupture de 1670 madame de Montespan reçut ordre de quitter la cour et fut envoyée à Paris 105 ; en quoi il diffère de La Beaumelle qui, dans les Mémoires de Maintenon 106, a fait une longue narration des circonstances de la séparation : ce fut, selon lui, madame de Montespan qui en prit la première résolution, qui s’éloigna de Paris avec un courage héroïque qu’affermissaient les exhortations de madame de Maintenon ; et le roi, informé de ce départ inattendu, fait appeler celle-ci pour en connaître les moindres circonstances et en approfondir les motifs, et madame de Maintenon emploie toute son éloquence pour combattre la douleur du roi et ramener à une sainte résignation.

1861. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

M. de Lamartine lui-même n’avait pas été si bien accueilli de lord Byron que M. de Musset semble le croire : Byron, dans ses Mémoires, ne parle de cette belle épître sur L’Homme, des premières Méditations, que très à la légère et comme de l’œuvre d’un quidam qui a jugé à propos de le comparer au démon et de l’appeler chantre d’enfer.

1862. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Mademoiselle de Montpensier, qui ne la connaissait pas, qui même ne l’avait jamais vue, dit, dans ses Mémoires, que le « marquis de Lafare et nombre d’autres passaient leur vie chez une petite bourgeoise, savante et précieuse, qu’on appelait madame de la Sablière. » Cela veut dire seulement, en style de princesse, que madame de la Sablière avait de l’esprit et de l’instruction, qu’elle voyait bonne compagnie à Paris, et n’avait pas l’honneur de vivre à la cour.

1863. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

La mémoire d’aucun pantomime célebre ne s’éteint.

1864. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

On se borne, dans le cours des études, à mettre entre les mains des enfants un petit nombre d’auteurs, et même à ne leur en montrer pour l’ordinaire qu’une assez petite partie qu’on leur fait expliquer et apprendre : on charge indifféremment leur mémoire de ce que cette partie contient de bon, de médiocre et même de mauvais ; et grâces au peu de goût de la plupart des maîtres, les vraies beautés sont pour l’ordinaire celles qu’on leur fait remarquer le moins.

1865. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Discutez les prestiges de la vierge qui sauva la France, qui fut brûlée comme sorcière par nos ennemis, et dont la cour de Rome a protégé la mémoire !

1866. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Huysmans, la Cathédrale, m’a involontairement remis en mémoire la série de vingt toiles où Claude Monet évoqua la cathédrale de Rouen.‌

1867. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Pour comprendre, il suffit de comparer la situation politique des deux pays ; en France : Philippe-Auguste, saint Louis et Philippe le Bel ; en Italie : la catastrophe de Frédéric II ; il semblait désigné pour faire de l’Italie une nation ; les lettres et les sciences florissaient à sa cour, et sa mémoire est encore bénie par Dante ; mais le pape l’a vaincu, Manfred tombe à Bénévent, et Conradin livre sa tête blonde au bourreau.

1868. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

chez toutes les nations éclairées il y a eu des honneurs pour la mémoire des grands hommes, et nous qu’avons-nous fait pour les nôtres ?

1869. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Enfin un curieux témoignage à la gloire de ce vieux poëte de la république, c’est le brillant abréviateur de l’histoire romaine, le flatteur de l’empire, Velléius Paterculus, écrivant, à une des dates mémorables de son récit : « Dans le cours de cette même époque169, parurent les rares génies d’Afranius dans la comédie romaine, de Pacuvius et d’Accius dans la tragédie, d’Accius élevé jusqu’à l’honneur de la comte paraison avec les Grecs, et digne de se faire une si grande place parmi eux qu’il soit presque impossible de ne pas reconnaître, chez eux plus de perfection, et chez lui plus de verve. » Alors même que cet éloge expressif était arraché au bon goût de Velléius, l’éclat du siècle d’Auguste, l’urbanité nouvelle et aussi les précautions politiques de son règne avaient, selon toute apparence, bien éloigné de la mémoire et de la vue des spectateurs romains les drames de la vieille école.

1870. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Il avait sous les yeux et dans la mémoire tous les chants du poëte thébain, tous les modes variés de sa lyre.

1871. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Puis bien d’autres signes : les cheveux gris, les dents gâtées, les yeux troubles, les articulations tremblantes, l’haleine courte, les membres roides, la peau ridée, la mémoire défaillante, l’appétit moindre ; même la faim et la soif de chaque journée crient pour que nous remplacions cette portion de notre substance que la mort a dévorée pendant la longue nuit, lorsque nous gisions dans son giron et que nous dormions dans son vestibule. […] Les mémoires, même ceux de Ludlow, de mistress Hutchinson, sont longs, ennuyeux, véritables factums dépourvus d’accent personnel, vides d’effusion et d’agrément ; tous, « ils semblent s’oublier et ne s’occupent que des destinées générales de leur cause410. » De bons ouvrages de piété, des sermons solides et convaincants, des livres sincères, édifiants, exacts, méthodiques, comme ceux de Baxter, de Barclay, de Calamy, de John Owen, des récits personnels comme celui de Baxter, comme le journal de Fox, comme la vie de Bunyan, une grande provision consciencieusement rangée de documents et de raisonnements, voilà tout ce qu’ils offrent ; le puritain détruit l’artiste, roidit l’homme, entrave l’écrivain, et ne laisse subsister de l’artiste, de l’homme, de l’écrivain, qu’une sorte d’être abstrait, serviteur d’une consigne. […] Voyez, dans les Mémoires de Casanova, le tableau de cette pourriture. —  Voyez les Mémoires de Scipion Rossi, sur les couvents de Toscane, à la fin du dix-huitième siècle. […] Mémoires de la margrave de Baireuth.

1872. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Et, en 1572, on voit figurer un « Allamartine » dans les Mémoires de Condé. […] J’ai eu l’air d’excuser Lamartine des inexactitudes de sa mémoire. […] Après y avoir réfléchi, il me semble que peut-être Lamartine n’a même pas besoin de cette excuse, non plus que Rousseau dans ses Confessions ou Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe. […] Or la mémoire, même la plus sûre et la plus tenace, est toujours fuyante par quelque endroit, et en même temps invinciblement créatrice. […] Bref, tout acte de la mémoire altère son objet.

1873. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Joanny Bricaud, assez dur pour la mémoire de Boullan, concède pour Vintras que s’il a laissé une réputation discutée et troublante, ceux qui l’ont connu peuvent témoigner de la sainteté de sa vie. […] Émile Faguet s’est employé pour sa part avec une activité aussi efficace que rapide à servir la mémoire de Jean-Jacques Rousseau. […] Il montre sans peine que cette conscience du moi est fragile, intermittente, et fondée sur la mémoire qui est la plus débile de nos facultés. […] On y pourrait voir l’effet d’un souvenir de jeunesse, d’un attendrissement sur la mémoire d’Aziyadé. […] Mais ils ont toujours passé sans laisser de trace dans la mémoire des hommes.

1874. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

On ne se rappelle pas ce qu’on a fait dans le sommeil absolu ou dans la défaillance, parce qu’alors on a perdu l’activité, par conséquent la conscience, et par conséquent encore la mémoire. […] Lorsque la sensation, le jugement et le sentiment se sont produits à l’occasion d’un objet extérieur, ils se reproduisent en l’absence même de cet objet ; c’est là la mémoire. […] Dans ce dernier cas, la mémoire a été appelée par quelques philosophes mémoire imaginative. […] L’esprit s’appliquant aux images fournies par la mémoire les décompose, choisit entre leurs différents traits, et en forme des images nouvelles. Sans ce nouveau pouvoir, l’imagination serait captive dans le cercle de la mémoire.

1875. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Ainsi les « souvenirs » sont-ils « de mémoire scrupuleusement aidée de documents à tout instant ». […] Le premier numéro en parut le 7 janvier 1887… Je ne saurais mieux rappeler ce moment qu’en reproduisant mon adieu douloureux à cet ami si spontanément venu à moi  car il mourait à trois ans de là, le 4 mai 1890 : — A la mémoire de Jean-Halem-Gaston Dubedat. […] Je ne retrouve plus les noms, excepté, présent en toutes les mémoires, du critique artiste de l’Impressionnisme, Félix Fénéon. […] C’est que me revient en mémoire un passage du livre d’Ernest Raynaud, d’où ressort que vers 1892, Mendès ne montrait guère de propension à l’attendrissement général ! […] Mais le calme renaissait avec la présence passagère de Rosny, — discoureur multiple et tenant gravement l’attention, doué d’une culture et d’une mémoire prodigieuses, prononçant sur toutes choses.

1876. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Je suppose ici que vous avez présentes à la mémoire, dans leur farouche simplicité, la tragédie d’Eschyle et celle de Sophocle. […] De « types » qui s’imposent à la mémoire, je n’en vois chez lui que trois : Marguerite Gautier, M.  […] Il y circule des phrases et des répliques qui ont des figures de connaissance ; chaque situation éveille dans notre mémoire une kyrielle de situations analogues et déjà vues cent fois. […] Il m’a semblé que le seul sentiment qu’éveillaient son œuvre et sa mémoire, c’était l’admiration, ou, pour mieux dire, la stupéfaction. […] Puis on leur a cuisiné des programmes si complexes, si démesurés et qui dépassaient si évidemment la mesure de leur intelligence, ou de leur mémoire, ou de leur effort, — que ces programmes les mettaient en réalité fort à l’aise.

1877. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

En ce moment même, des refrains de ballades et des commencements de huitains me remontent en foule à la mémoire. […] Celle que, toute blanche en sa robe de moire, Je vais ensevelir au fond de ma mémoire, L’Héro du temps passé, non l’Héro d’à présent ! […] Si vous la connaissez, cela vous rafraîchira la mémoire. […] Ce n’est que quand elle est seule que la mémoire lui revient : « Mais si c’était pour une simple explication, pour une rupture, pourquoi la nuit ? […] Là-dessus, si j’ai bonne mémoire, le père Legoëz va de nouveau faire un tour sur le port avec Pierre.

1878. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

L’insouciance de Molière fut telle qu’il ne donna jamais d’autre édition du Cocu imaginaire, bien que Neufvillenaine avoue (ce qui serait assez vraisemblable quand il ne l’avouerait pas) qu’il peut s’être glissé dans sa copie, faite de mémoire, quantité de mots les uns pour les autres. […] La façon de Molière en ses imitations est bien plus familière, plus à pleine main et à la merci de la mémoire. […] Mais parmi les grandes gloires elles-mêmes, qui durent et survivent, il en est beaucoup qui ne se maintiennent que de loin, pour ainsi dire, et dont le nom reste mieux que les œuvres dans la mémoire des hommes.

1879. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

De même qu’un enfant ne démêle et ne retient qu’après beaucoup de tâtonnements l’espèce précise et le degré juste d’effort par lequel son bras jettera une pierre à dix pas et non à neuf ou à onze, de même la dame opérée ne put distinguer et fixer dans sa mémoire qu’après beaucoup d’essais incessamment corrigés la sorte particulière, le degré d’intensité, la durée précise de la sensation musculaire que son cou devait éprouver pour que l’inclinaison à droite ou à gauche, l’élévation ou l’abaissement de sa tête et, partant, de son œil, fussent de trois degrés et non pas de deux, quatre ou cinq. […] Partant, selon la distance plus ou moins grande de l’objet, nous avons telle ou telle sensation musculaire de l’œil. — D’autre part, suivant que l’objet est dans telle ou telle direction par rapport à notre œil, tel ou tel des muscles moteurs de l’œil se contracte plus ou moins, pour le tourner plus ou moins vers le haut, vers le bas, vers la droite ou vers la gauche ; de sorte qu’une sensation musculaire distincte correspond pour la même distance à chaque changement de la direction. — Nous apprenons à remarquer et à graver dans notre mémoire ces innombrables sensations musculaires distinctes de nos yeux. […] Mais elle ne savait pas faire cela pour tous les objets. — Visiblement, ce qu’elle a distingué, noté dans sa mémoire, et reconnu d’abord, ce sont les voix et les visages.

1880. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

On le lira toujours avec plaisir, même après les grands écrivains militaires, les César, les Montluc, les Villars ; n’ayant pas écrit des mémoires, mais des lettres, il est même le premier des épistolaires de bivouac. […] [NdA] Elles rappellent aussi de jolies lettres de Maurice Dupin, le petit-fils du maréchal de Saxe, que Mme George Sand, sa fille, a données dans les premiers tomes de ses mémoires : il y en a notamment une bien amusante sur la bataille de Marengo.

1881. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Dès ce temps, Nodier avait commencé un poëme sur les charmants objets de ses études ; on en citait de jolis vers que quelques mémoires, en le voulant bien, retrouveraient peut-être encore. […] Un jour que je le rencontrais ainsi dans une de ces cours de l’Institut que les profanes traversent irrévérencieusement pour raccourcir leur chemin, comme on traverse une église, — un jour que je le rencontrais donc, et qu’arrivé tout fraîchement moi-même de sa Franche-Comté et de son Jura, je lui en rappelais avec feu quelques grands sites, il m’écoutait en souriant ; mais j’avais cherché vainement le nom de Cerdon pour le rattacher à cette haute et austère entrée dans la montagne après Pont-d’Ain : ce nom de Cerdon, que je ne retrouvais pas et que je balbutiais inexactement, avait dérouté à lui-même sa mémoire, et nous avions tourné autour, sachant au juste de quel lieu il s’agissait, mais sans le bien dénommer.

1882. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Pour ne pas encombrer notre mémoire, nous réduisons ces noms au strict nécessaire. […] Smithsonian Institute, tome II, p. 15, Mémoire du docteur Lieber.

1883. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Une révolte sur le champ de bataille, un accord pour s’embrasser en reniant un tyran, est un phénomène qui ne se présente pas à ma mémoire. […] Le comte de Maistre fut un de ces hommes qui présument trop de leur propre infaillibilité et que la Providence punit dans leur mémoire d’avoir trop empiété sur ses mystères.

1884. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Très multiples, très divers, très spéciaux, les bruits de la nature se sont fixés aisément dans la mémoire humaine ; les chants d’oiseaux, le vent, le roulis de la mer, l’orage, tout cela est chez les peuples sauvages (et les civilisés) l’objet d’imitations ; et ces imitations, quelque approximatives qu’elles fussent, sont devenues dans les esprits les évocations des bruits primitifs, et tel rythme, telle mélodie, tel timbre peu à peu purent représenter des bruits connus. […] Je vis de la mémoire de l’infinie tristesse de son œil sur moi fléchi.

1885. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

C’est pour cela même qu’il peut devenir partie intégrante du souvenir : il y a déjà de la mémoire dans l’éclair de sensation le plus instantané : ce qui n’aurait aucun retentissement, aucune persistance, si petite qu’elle soit, aucune durée, ne laisserait aucune trace, ne naîtrait que pour mourir en un même instant. […] On peut lui répondre, il est vrai, qu’en ce cas, il y a toujours comparaison, non d’une première lettre avec une seconde, mais de chaque lettre avec des souvenirs de poids qui, dans la mémoire, forment comme une échelle dynamométrique inscrite à l’avance.

1886. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Il me parle aussi de l’espèce de vacillement, que le bromure apporte à sa mémoire, le forçant, dit-il, de se raccrocher à des jambages de souvenirs ; et à ce propos, il émet une observation curieuse, il affirme que la lutte de Flaubert avec les mots, a dû venir de la masse énorme de bromure qu’il avait absorbée. […] Et elle marchant en tête, le volume des Mémoires d’outre-tombe entrouvert, et Daudet et les enfants et moi, suivant à la queu-leu-leu, le landau vide derrière nous, nous allons par les rues, comme une troupe d’Anglais, demandant aux gens sur leurs portes, le fameux « chemin de Henri IV » qui était tout proche de l’habitation, et qui doit nous la faire reconnaître.

1887. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Que l’on se rappelle toutes les physionomies modernes que le romancier a mises dans notre mémoire, les camarades de Frédéric Moreau, les hôtes des Dambreux, le père Régimbard imposant, furibond et sec, Arnoux, la délicieuse héroïne du livre ; puis la figure de Madame Bovary, les grotesques, Rodolphe brutal et fort, les croquis des comices, le débonnaire aspect du mari, et les merveilleux profils de l’héroïne  toutes ces figures et ces statures sont retracées analytiquement, en traits et en attitudes ; ainsi : « Jamais Mme Bovary ne fut aussi belle qu’à cette époque… Ses paupières semblaient taillées tout exprès pour ses longs regards amoureux où la prunelle se perdait, tandis qu’un souffle fort écartait ses narines minces et relevait le coin charnu de ses lèvres qu’ombrageait à la lumière un peu de duvet noir. […] Avant de laisser enfanter son imagination, de prêter à sa puissance verbale de beaux thèmes à phrases magnifiques, Flaubert avait rempli sa mémoire de l’infinité de faits que réclamait son style particulier, disconnexe et concis, et que son réalisme le poussait à rechercher aussi véridiques que peuvent les fournir les livres.

1888. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Nous aimerions mieux rêver, imaginer et croire que l’homme, à cette époque, doué d’une liberté mystérieuse sans laquelle il n’y aurait rien d’actif et de méritoire en lui, aurait abusé de cette liberté morale pour pécher contre son Créateur et contre sa destinée ; que cette faute ou cette déchéance successive aurait eu pour conséquence une dégradation et une expiation de l’espèce humaine ; que les ténèbres de l’intelligence se seraient épaissies alors sur ses yeux, en ne lui laissant entrevoir pendant longtemps que des lueurs et des mémoires confuses de son état primitif. […] N’y sent-on pas, au contraire, ou la sagesse d’un âge déjà très-avancé en foi et en vertu, ou le reflet encore tiède et lumineux d’une révélation primitive mal effacée de la mémoire des hommes ?

1889. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Sa mémoire, aussi heureuse que son imagination était émue, s’imprégnait de ces belles harmonies de la poésie grecque, de cette musique passionnée du cœur humain. […] Le hasard nous fit assister, dans notre jeunesse, à cette scène, et la mémoire nous la reproduit comme si les pompes de cette fête d’esprit éblouissaient encore nos yeux, comme si l’accent du sublime acteur vibrait encore dans nos oreilles.

1890. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Nous entendons encore retentir dans notre mémoire quelques vers harmonieux d’Horace sur la primauté de Jupiter par-dessus tous les dieux : Quid prius dicam solitis Parentis Laudibus ? […] Il s’ensevelira sous les ruines de sa patrie, sans qu’il y soit réservé à sa mémoire même une pierre funèbre.

1891. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Cousin disait à qui voulait l’entendre : « Damiron, — clarté littéraire, obscurité philosophique. » Depuis, après vingt années d’enseignement, et quand l’auteur de tant de mémoires étudiés et fins avait pris rang de maître (s’il devait jamais le prendre), M. 

1892. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

C’est une forme mnémonique et qui, à force de retomber sur le même ton, inculque le fait ou le trait dans la mémoire.

1893. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Et par exemple, nous connaissons la comtesse de Grammont : elle était née Hamilton, et sœur du piquant et moqueur écrivain ; elle était femme du chevalier, depuis comte de Grammont, si connu par les Mémoires que rédigea pour lui son beau-frère.

1894. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Pour moi, je n’ai voulu, selon mon habitude, que payer ma dette envers une mémoire à la fois considérable et non toutefois populaire et vulgaire.

1895. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Il se distingua de bonne heure par une capacité surprenante de mémoire et d’entendement ; il savait par cœur Virgile, comme un peu plus tard il sut Homère : « On comprend moins, a dit M. de Lamartine, commentil s’engoua pour toute sa vie du poète latin Horace, esprit exquis, mais raffiné, qui n’a pour corde à sa lyre que les fibres les plus molles du cœur ; voluptueux indifférent, etc. » M. de Lamartine, qui a si bien senti les grands côtés de la parole et du talent de Bossuet, a étudié un peu trop légèrement sa vie, et il s’est posé ici une difficulté qui n’existe pas ; il n’est fait mention nulle part, en effet, de cette prédilection inexplicable de Bossuet pour Horace, le moins divin de tous les poètes.

1896. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Une publication récente, celle des Mémoires du roi Joseph a mis le public dans le secret des pièces politiques qui se rapportent au gouvernement de l’Espagne et à ses plaies intestines en ces années malheureuses.

1897. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

. — Mais je n’ai pas à analyser ici les productions de Guérin ; il me suffit d’en rappeler l’idée et d’en provoquer le réveil : ses œuvres complètes, on nous l’annonce enfin, vont paraître, prose et vers, lettres et fragments d’art, grâce aux soins des mêmes amis qui se sont voués à l’honneur de son nom et à la conservation de sa mémoire.

1898. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Je n’en veux pour exemple que M. de Montyon, qui, en obéissant à des mobiles dont quelques-uns au moins étaient nobles, a su se rendre utile jusque dans l’avenir et perpétuer honorablement sa mémoire.

1899. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

On est amené, même sans viser au parallèle, à rapprocher ces deux ouvrages, ces deux noms d’écrivains, et à dire quelque chose de ce genre de mémoires tout anecdotiques qui, sous des formes différentes, réussissent à se faire lire et à plaire après tant d’années.

1900. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

On a ensuite, il est vrai, l’admirable seconde guerre punique, les guerres de Macédoine et la première guerre d’Asie ; mais tout ce qui suit et ce qui eût été d’un si haut intérêt, manque, les luttes de Marius et de Sylla, la rivalité de Pompée et de César, la vraie histoire politique réelle, ces époques récentes que Tite-Live savait dans leur esprit et dans leur détail par les mémoires du temps, par les récits d’une tradition prochaine, par cette transmission animée et vivante qui est comme un souffle fécondant.

1901. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Seul, sans mission réelle, jeté avec ce titre de ministre à l’extrême Nord par une royauté qui s’est réfugiée à Cagliari et qui se soucie très peu de lui, n’en recevant ni instructions ni directions, et à peine quelque traitement, n’ayant pas toujours de quoi prendre une voiture, n’ayant pas même de quoi payer un secrétaire, il a su par la noblesse de son attitude, par sa dignité naturelle, par sa probité parfaite, par l’éclat et les lumières de sa parole sitôt qu’il se montre, se faire estimer, considérer au plus haut point, pénétrer dans l’intimité des premiers personnages de l’empire, y compris l’empereur lui-même qui le goûte, qui l’écoute, qui lui demande des mémoires et des notes, et qui certainement a dû penser un moment à se l’acquérir.

1902. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Un remarquable mémoire, du Rôle de la Famille dans l’Éducation (1857), couronné par l’Académie des sciences morales et politiques, termine cette suite de noviciats et d’épreuves sans fatigue, que récompensait chaque fois le succès.

1903. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Il me le disait encore tout récemment à l’occasion des Mémoires de M. de Candolles : il ne comprenait pas qu’on occupât ainsi le public de soi ; je ne donne pas cette opinion comme juste, mais comme sienne.

1904. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

L’historien reconnaît, en effet, ses bonnes intentions, sa tendre pitié pour le peuple et toutes ses vertus chrétiennes, mais il marque en même temps les étroitesses et les limites d’esprit de ce vénérable enfant, et il trouve, pour peindre le contraste de cette manière d’être individuelle avec les vertus publiques et les lumières étendues si nécessaires à un souverain, des expressions qui se fixent dans la mémoire et des couleurs qui demeurent dans les yeux.

1905. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Virgile est dans toutes les mémoires et dans toutes les âmes : son seul nom le définit.

1906. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Un jour qu’il était ruiné, un libraire de Londres lui offrit je ne sais combien de guinées pour qu’il écrivît ses Mémoires et qu’il y dit une partie de ce qu’il savait sur la haute société anglaise avec laquelle il avait vécu.

1907. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

J’y étais ce jour-là, cette après-midi, où l’on était convié à entendre dans l’élégant salon le commencement des Mémoires et Souvenirs de M. 

1908. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

La lecture de ce Mémoire dans son entier est dure, hérissée de grec, de termes techniques à dévorer et à digérer ; mais on y profita.

1909. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

La Grèce, depuis que ses dissensions intestines ont éclaté, depuis qu’elle a cru devoir se passer du roi modeste qu’elle avait gardé pendant trente ans et en quêter partout un autre, a présenté à ses anciens amis et admirateurs un spectacle bien digne de réflexion et qui reporte la pensée avec d’étranges vicissitudes vers des temps de meilleure mémoire.

1910. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Brossez et faites retoucher un peu ses toiles, et il vous restera d’agréables cadres d’antichambre dont il ne faut pas trop faire fi. » Un morceau sur Chateaubriand, une Étude qui avait eu l’honneur de servir d’introduction aux Mémoires d’outre-tombe, lorsqu’ils parurent dans la Presse, et qui a gardé de sa destination un certain air officiel, coudoie dans le volume un article sur Paul de Kock, — que dis-je, une Visite à Paul de Kock, une folie, une vérité, une perle de la vie de Bohême15.

1911. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Pour nous, le Pierre Veyrat digne qu’on s’occupe de lui et qu’on transmette sa mémoire ne date que de cette régénération morale et poétique.

1912. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

La mémoire de l’oncle en a aussitôt profité.

1913. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Elle fait aujourd’hui partie de ses Mémoires, et je considère comme un devoir de la reproduire ici : il a été trop attaqué dans le moment même pour n’avoir pas un jour le droit de répondre et de se défendre à haute et intelligible voix, fût-ce après sa mort : « Depuis quelques jours, des démarches pressantes ont été faites auprès de M.

1914. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Mais, même en tenant compte de l’intention, on peut conclure hardiment, après avoir lu et comparé ces passages, que les sentiments du poëte ne prenaient plus la forme dramatique, et que la figure de la Champmeslé lui était depuis longtemps sortie de la mémoire.

1915. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Ce bonheur qu’ont certains poëtes d’atteindre, un matin, sans y viser, à quelque chose de bien venu, qui prend aussitôt place dans toutes les mémoires, mérite qu’on l’envie, et faisait dire dernièrement devant moi à l’un de nos chercheurs moins heureux : « Oh !

1916. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

N’importe, s’écrieront quelques âmes ardentes, n’exista-t-il qu’une chance de succès contre mille probabilités de revers ; il faudrait tenter une carrière dont le but se perd dans les cieux, et donne à l’homme après lui, ce que la mémoire des hommes peut conquérir sur le passé : un jour de gloire est si multiplié par notre propre pensée qu’il peut suffire à toute la vie.

1917. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Remplissez-vous les yeux et la mémoire des préparations anatomiques et des planches micrographiques qui nous montrent cet appareil ; supposez la puissance du microscope indéfiniment augmentée et le grossissement poussé jusqu’à un million ou un milliard de diamètres.

1918. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

. — J’ai le pouvoir de me rappeler un tableau, les Noces de Cana par Véronèse ; cela signifie qu’à l’âge où je suis, et avec la mémoire que j’ai, la résolution de me rappeler le tableau est constamment suivie, au bout d’un certain temps, par la renaissance intérieure, plus ou moins nette et complète, des figures et des architectures qui composent le tableau. — J’ai la faculté de percevoir un objet extérieur, cette table, par exemple ; cela signifie que dans l’état de santé où je suis, sans amaurose ni paralysie tactile ou musculaire, si la table est éclairée, si elle est à portée de ma main et de mes yeux, si je tourne les yeux vers elle, ou si j’y porte la main, ces deux actions seront constamment suivies par la perception de la table. — Les forces, facultés ou pouvoirs qui appartiennent à la trame ne sont donc rien que la propriété qu’a tel événement de la trame d’être constamment suivi, sous diverses conditions, externes ou internes, par tel événement interne ou externe.

1919. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

L’excellent Charles Perrault ne consigne-t-il pas dans ses Mémoires, qu’il fut candidat par ordre et élu par la volonté de Colbert !

1920. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Voilà le précis du poëme ; il est long et ne dit pas tout : mais on trouvera semées dans les notes les idées qui manquent ici ; l’application en sera plus facile et moins éloignée que si on les eût fait entrer dans ce discours préliminaire, et qu’il eût ensuite fallu les transporter et les appliquer de mémoire, en lisant le poëme.

1921. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

La littérature française est bien riche, si on la suit dans ces genres un peu secondaires (journaux, correspondances, mémoires), qui tiennent à la société et au train même de la vie ; c’est le moyen, en y revenant souvent, de la pénétrer et de la traverser en bien des sens.

1922. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Le peu qu’on sait avec certitude de sa biographie positive et non légendaire a été très bien recueilli et exposé au tome XXXIIe des Mémoires de Niceron : si l’honnête biographe nous y représente Rabelais sous des traits un peu austères ou du moins très sérieux, et en toute sobriété, il a du moins cet avantage de ne rien dire de hasardé et d’être sans système.

1923. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Au sortir, pourtant, de ce brillant et orageux épisode de l’histoire du xvie  siècle, qui vient de nous être si fortement et si judicieusement rendu, tout plein encore de ces temps de violence, de trahison et d’iniquité, et sans avoir l’innocence de croire que l’humanité en ait fini à jamais avec de tels actes, on se prend à se féliciter malgré tout, à se réjouir de vivre en des âges d’une morale publique améliorée et plus adoucie ; on s’écrie avec le sieur de Tavannes, au moment où dans ses Mémoires il vient de raconter cette vie et cette mort de Marie Stuart : « Heureux qui vit sous un État certain, où le bien et le mal sont salariés et châtiés selon les mérites !

1924. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

En récompense, voici un charmant et naïf tableau d’une autre disgrâce un peu antérieure, de celle du comte d’Argenson, ancien ministre de la Guerre sous Louis XV, et renvoyé en 1757 pour avoir pris parti contre Mme de Pompadour au moment de l’assassinat de Damiens ; la page qu’on va lire de Marmontel est un renseignement précieux pour la peinture de la maladie morale que nous étudions : Dans l’un de ces heureux voyages que je faisais à Saumur, dit-il en ses Mémoires, je profitai du voisinage de la terre des Ormes pour y aller voir le comte d’Argenson, l’ancien ministre de la Guerre, que le roi y avait exilé.

1925. (1903) Zola pp. 3-31

Il est évident que, non seulement il n’a jamais su un mot d’histoire, mais qu’il n’a jamais ouvert un historien, ni un auteur de mémoires.

1926. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

De la sorte l’humanité historique tout entière parvient à composer un seul et même être, un être dont la jeunesse est illimitée puisqu’elle se retrempe dans la jeunesse individuelle de chaque génération naissante, un être aussi dont la mémoire et l’expérience vont s’enrichissant sans cesse.

1927. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Toute leur activité vitale aboutit à emmagasiner des visions et à en dégorger d’anciennes, à noter des aspects, à percevoir des colorations et des scintillements, et à évoquer, dans les périodes languissantes, d’anciennes vibrations lumineuses, entassées, endormies dans l’arrière-fonds de la mémoire, mais vivaces et aptes à reparaître à la suite d’une association d’idées, comme les altérations d’un papier sensibilisé, sous l’action d’un réactif.

1928. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Je vous demande un peu s’il est jamais venu à l’idée de Voltaire de décorer de sphinx en granit rose le péristyle de son Temple de mémoire ?

1929. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

À chaque âge il y a des rois qui gouvernent, des généraux qui gagnent de grandes batailles, des poètes et des philosophes qui laissent un nom, des savants qui étendent le domaine des sciences ; et, autour des rois, des générations obscures qui s’éteignent au pied du trône ; et, autour des grands capitaines, des soldats sans renommée qui ont acheté de leur vie la gloire de leur général ; et, autour des poètes, des philosophes, des savants, une multitude vaine et tumultueuse qui a honoré de ses suffrages le fruit de tant de veilles, sans laisser elle-même aucune trace dans la mémoire des hommes.

1930. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Elle se soucie plus de tranquillité que de vérité… Mais nous sommes en France, dans un pays qui lui a laissé parfaitement tout dire, pendant trente ans, depuis Indiana jusqu’à ses Mémoires, et qui aux jours les plus durs, a répété ces mots ou l’équivalent de ces mots, flatteurs encore, quand son scepticisme les a dits : « Elle peut avoir de mauvaises opinions, mais il faut convenir qu’elle a diablement de talent, cette femme ! 

1931. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Que l’économie politique, les articles scientifiques, la chronique mondaine, les pages d’histoire où de mémoires ne conviennent pas à leurs enfants, ces abonnés l’admettent ou plutôt le concèdent.

1932. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Elle (la Muse) a perpétué ta gloire… Et a fait égale aux dieux L’éternité de ta mémoire.

1933. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

On ne peut imaginer, avant d’avoir lu les mémoires originaux, dans quel abîme de petitesses cet orgueil a précipité la noblesse.

1934. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Je ne parle point de Marivaux, que j’ai très présent à la mémoire, qu’on ne saurait d’ailleurs trop aimer, et sur lequel je me sens tout à fait d’accord avec Weiss. […] Se garder pourtant de fixer et de retenir dans sa mémoire quelqu’un de ces essais de développement. […] Votre chère mémoire, abattue et flétrie ! […] Ils essayent de parler de choses indifférentes, mais tout leur rappelle l’assassiné ; l’image du cadavre surgit dans leur mémoire à chaque phrase qu’ils prononcent. […] Ma raison, c’est que, en somme, soit par elle-même, soit par tout ce qu’elle m’a suggéré ou remis en mémoire, la pièce de MM. 

1935. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Saint-Marc Girardin, Nisard, Sainte-Beuve ; — ni de la philosophie qui a eu aussi d’éloquents représentants, entre tous ce Théodore Jouffroy de si regrettable mémoire, et qui trouve encore dans le puissant esprit qui l’a restaurée il y a trente ans, son plus brillant organe et son plus solide défenseur ; — ni même de la poésie autre que la poésie dramatique, bien qu’elle ait revêtu des formes très variées, et que, même dans le déclin des Lamartine et des Victor Hugo, elle ait vu naître bien des chants heureusement inspirés, tels que ceux de Brizeux, le poète des bruyères bretonnes, de Laprade, le chantre des Alpes et de l’idéal, j’ajoute et d’Alfred de Musset, ce poète de la passion, quelquefois inégal, souvent impur, mais qui, sous le coup de la douleur jeté, dans d’admirables élégies, le cri du cœur le plus profond et le plus déchirant qu’ait entendu notre siècle. […] Ils voudraient bien persuader au public que leur cause est commune avec celle de ces immortels génies, et ils accusent volontiers de manquer de respect à leur mémoire ceux qui se permettent de critiquer les écrits de leurs indignes successeurs. […] Est-ce que c’est le monde réel, est-ce que ce sont nos mœurs vraies qu’on retrouve dans les Mystères de Paris et dans le Juif errant, dans Mathilde et dans les Mémoires du Diable, dans le Père Goriot et dans les Parents pauvres ? […] » Dans un gros roman, Les Mémoires de deux jeunes mariées, à bon droit dédié à Mme Sand, M. de Balzac, qui avait fini par donner aussi dans le roman philosophique, a repris tous ces sophismes, toutes ces déclamations. […] Les Mémoires du Diable, Les Quatre Sœurs, Les Drames inconnus, il suffît de rappeler le titre de ces romans.

1936. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Et elle est une réponse à l’anecdote contée par Frédéric dans sa lettre du 28 avril : « … Voilà ce que me fournit ma mémoire sur ce courage que vous persiflez. […] Pour gagner vingt écus, ce fou de La Beaumelle Insulte de Louis la mémoire immortelle….. […] Ô vous… qui pouvez laisser au milieu des villes vos funestes acquisitions, vos esprits inquiets, vos cœurs corrompus et vos désirs effrénés, reprenez, puisqu’il dépend de vous, votre antique et première innocence ; allez dans les bois perdre la vue et la mémoire des crimes de vos contemporains, et ne craignez point d’avilir votre espèce en renonçant à ses lumières pour renoncer à ses vices. […] Il acquitta, il est vrai, Morangiès, et ce ne fut pas peut-être ce qu’il fit de mieux ; mais il eut, sur ses derniers jours, la terrible affaire Goëzmann et Marin, qui prouva que l’abolition de la vénalité des charges n’avait pas aboli la vénalité de la magistrature et les Mémoires de Beaumarchais, qui ne contribuèrent pas peu à le tuer. Voltaire fut navré de cet accident, tout en étant émerveillé de la verve de Beaumarchais : « J’ai lu tous les mémoires de Beaumarchais et je ne me suis jamais tant amusé.

1937. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

. —  Et quand ce corps sera rendu à la terré, je lui lègue mon ombre lassée pour la servir encore272… » Amour infini et pur comme celui de Pétrarque, elle en est digne ; au milieu de tous ces vers étudiés ou imités, un admirable portrait se détache, le plus simple et le plus vrai qu’on puisse imaginer, œuvre du cœur cette fois et non de la mémoire, qui, à travers la madone chevaleresque, fait apparaître l’épouse anglaise, et par-delà la galanterie féodale montre le bonheur domestique. […] Mes fournisseurs vous donneront leurs mémoires ; ne manquez pas de les insérer dans votre œuvre. […] Nul n’a produit au jour, par des expressions plus éclatantes et plus originales, la séve poétique qui coule dans tous les esprits du siècle. « L’injuste oubli, dit-il, secoue à l’aveugle ses pavots, et traite la mémoire des hommes sans distinguer, entre leurs droits à l’immortalité. […] Mizraïm guérit les blessures, et Pharaon est vendu pour fabriquer du baume… Le plus grand nombre doit se contenter d’être comme s’il n’avait pas été et de subsister dans le livre de Dieu, non dans la mémoire des hommes. […] Archéologie, chimie, histoire, nature, il n’y a rien qui ne l’intéresse jusqu’à la passion, qui ne fasse déborder sa mémoire et son invention, qui n’éveille en lui l’idée de quelque force, certainement admirable, peut-être infinie.

1938. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Une certaine réaction, il est vrai, se dessine déjà contre ces incroyables et fantaisistes histoires, et si la mémoire du poète a dû subir de rudes et implacables assauts, elle a au moins trouvé des défenseurs qui, par le seul exposé des faits, en dehors de toute appréciation personnelle, ont rectifié bien des erreurs et bien des injustices. — Dans sa très belle étude à la fois biographique et critique. […] Il ne court pas la Russie ou l’Espagne pour observer des Russes ou des Espagnols ; il ne quitte pas la France pour composer des mémoires ethnologiques. […] Changeante et progressive, douée d’intelligence et de mémoire, un jour est arrivé où elle a eu goûté ce que pouvait lui fournir le monde extérieur, inerte et immuable. […] Bien qu’ils aient laissé des quantités énormes de documents sur leur vie et sur leur caractère, ils ne se connaissaient pas eux-mêmes, et on les voit parfois dans leurs Mémoires, quand ils regardent, au fond de leur âme, s’étonner de ce qu’ils trouvent et ne point se comprendre. […] La Correspondance révèle à ce sujet les plus inexplicables contradictions, et, quand on examine avec quelque soin ces sortes de mémoires, écrits indifféremment, au jour le jour, sans prétentions ni préoccupations de style, on reste stupéfait devant cette majestueuse ampleur de vision idéale jointe à un sens d’observation critique merveilleusement aigu, devant cette sensibilité nerveuse du poète unie à la froide et sèche analyse du savant ou du logicien.

1939. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

On prend une échelle, on monte au plus haut de sa bibliothèque, on tire à soi un volume de mémoires, ceux de Montluc, par exemple, et l’on feuillette la bataille de Cérisoles ou le siège de Sienne. […] Les Grecs ont aussi leurs mémoires, plus poétiques encore et plus naturels. […] Ceux qui, comme lui, sont vifs, pénétrants, et ont une bonne mémoire, sont la plupart du temps précipités dans leurs désirs, ballottés et emportés comme des navires sans lest, et plutôt bouillants que courageux. […] Un jour, ayant vu une phrase injurieuse dans les Mémoires de La Rochefoucauld, « il se jeta sur une plume, et mit à la marge : L’auteur en a menti. […] Les Mémoires de Saint-Simon sont un grand cabinet secret, où gisent entassées sous une lumière vengeresse les défroques salies et menteuses dont s’affublait l’aristocratie servile.

1940. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

J’ai pendant trente ans amassé les faits dans le magasin de ma mémoire, et j’en-ai-employé six à les publier pour être utile à mes Semblables… Ô mon Lecteur, donnez-moi votre confiance ! […] Le lecteur se perd dans tous ces détails, il faut un grand effort de mémoire pour reconstruire un ensemble dont chaque partie est si distante l’une de l’autre. […] Toutes les fois que le personnage reparaîtra dans le roman, ce portrait reviendra à la mémoire. […] L’érudition et la mémoire trouvent d’ailleurs rarement leur récompense en ce monde ! […] Je prends aujourd’hui dans les Mémoires d’un Touriste.

1941. (1940) Quatre études pp. -154

La gloire la plus pure peut-être ; car si celle du romancier est plus étendue et celle du dramaturge plus bruyante, celle du poète a dans les âmes de plus profondes résonnances, et plus durables ; la mémoire, fidèle gardienne du rythme, fait revivre pour chaque lecteur, à chaque moment du jour, la musique qui l’a ravi ; son admiration se nuance d’une ferveur amie, qui jamais ne se lasse et toujours recommence le chant. […] Il faut donc supposer « une autre attraction », et « quelque principe d’intelligence, quelque chose de semblable à ce que nous appelons désir, aversion, mémoire » (Par.  […] Peut-être n’ont-elles pas perdu tout sentiment, toute mémoire de leur premier état. […] Mais Diderot suivra-t-il Maupertuis dans la démarche que nous avons signalée, et qui consiste à restituer à l’atome matériel quelque principe d’intelligence, quelque chose de semblable à ce que l’on appelle désir, aversion, mémoire ? […] La molécule ainsi obtenue, toute molécule se trouve douée, d’après lui, d’états d’âme, désirs, répugnance, mémoire, raison… Il fit judicieusement le premier pas en transformant la monade incorporelle en molécule physique ; mais en lui accordant une activité physique supérieure, il se sépara de la nature, ou, si l’on veut, dévia vers l’idéalisme. » 64.

1942. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Il y avait toute une mythologie chevaleresque, toute une série de noms et de souvenirs, qui était présente à la mémoire des habitants du pays. […] Alors nous verrons comment le génie d’éloquence qui vient après l’action est aussi grand qu’elle, et non moins digne de laisser, dans la mémoire des hommes, un souvenir qui ne s’efface jamais. […] Comme la mémoire est la plus humble des qualités de l’esprit, je dirai que, si j’avais à répondre à mes accusateurs, je pourrais bien les accabler de mes citations. […] Il y a dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, une inscription, trouvée sur une colonne rostrale, dans laquelle, vous, latinistes exercés, vous auriez quelque peine à reconnaître cette langue qui vous est familière. […] Ces chants fort répandus n’étaient conservés que par la mémoire ; parmi les guerriers, plus d’un troubadour ne savait pas écrire.

1943. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Le mémoire passe en revue toutes les formes du réalisme au temps de la Réforme et de la Renaissance, montrant comment la nouvelle religion fait servir son art devenu populaire à l’édification du peuple et donne ainsi au réalisme un caractère apostolique. À mesure que le mémoire avance, il serre de plus près la théorie du réalisme. […] Je veux que ta seule mémoire Me provoque à jamais à boire. […] Chateaubriand défend le christianisme nouvellement rétabli ; mais si l’on en juge par les Mémoires d’outre-tombe, c’est de toute son imagination, plutôt que de tout son cœur. […] Les petits cahiers aident la mémoire.

1944. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

N’appauvrissons pas la mémoire humaine et le Panthéon du passé d’une grande image. […] Barthélémy Saint-Hilaire, dédiant à la même mémoire sa traduction de la Politique d’Aristote.

1945. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Et pour apprécier encore plus à son prix le caractère de cette belle consultation morale, relisez, je vous en prie, dans les Mémoires de Mme d’Épinay, les pages toutes légères de ton et toutes railleuses où il est parlé de cette même relation de Mme de Verdelin et de Margency : le contraste avec l’accent de Rousseau est frappant ; on comprendra mieux, au sortir de cette double  lecture, le sérieux, la dignité et l’élévation qu’il sut rendre aux choses du cœur et de la vie. […] Voir les Mémoires et Correspondance de Mme d’Épinay.

1946. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

C’était d’abord la mère de Napoléon, Hécube de cette race, vivant à l’ombre, avec ses orgueils et ses mémoires d’aïeule, dans le palais du cardinal son frère. […] Elle fit une victime sans préméditation ; pas une goutte de ce sang ne doit rejaillir sur sa mémoire.

1947. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il devient plus chrétien à mesure qu’il avance dans la vie, et par la même vérité d’observation qui nous le montre se corrigeant avec le temps, la religion de son enfance passe insensiblement de sa mémoire dans son cœur, et y prend la place laissée vide par les passions qui se retirent. […] On l’a très bien dit, ce sont là proprement les mémoires de Rollin.

1948. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Molière n’eût pas désavoué cette apostrophe à Damis qui parle de chercher fortune « au Temple de mémoire » : Où vas-tu la chercher ? […] C’est bien de l’école de Regnard et des Mémoires de Grammont que lisait alors Andrieux, pour s’y tenir en verve, nous dit-il, et y chercher les mots piquants et les vers comiques.

1949. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Dans le jardin enchanté du magicien Klingsor, la volupté et l’amour se présentent pour la première fois à Parsifal : les Filles-fleurs par leur influence amollissent ce cœur, resté fermé aux sentiments de tendresse ; le baiser de Kundry lui révèle l’amour ; mais, en même temps, la plainte de l’homme souffrant lui revient à la mémoire. […] Voir les articles de Heintz et de Belart dans la Allgemeine Musikzeitung de 1885 et 1887 ; les mémoires de Madame Wille, Deutsche Rundschau, 1887, V et VI ; de nombreuses lettres publiées et non publiées, etc. etc.

1950. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

» Jamais, de mémoire d’homme, la Pythie n’avait fait une si terrible réponse ; elle renversa les deux Athéniens comme un coup de foudre. […] Il a écrit la sienne sous le soleil de Salamine, « pour perpétuer la mémoire des grandes actions accomplies dans la guerre des Hellènes contre les Barbares » ; Εργα μεγάλα τε χαι θωμαστά.

1951. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Le titre de roman étoit trop décrié pour oser désormais en faire usage : mais on y substitua celui d’histoire, de vie, de mémoires, de contes, d’aventures, d’anecdotes. […] L’auteur de Cléveland & des Mémoires d’un homme de qualité, ne doit pas se louer de ces productions.

1952. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Qu’il y a eu, avant ce déluge général ou même partiel, attesté par toutes les traditions orientales, une époque de civilisation supérieure à ce qui fut après ce cataclysme de l’humanité ; que cette époque de civilisation antédiluvienne touchait de plus près elle-même à une autre époque encore supérieure en innocence, en science, en facultés, en félicités de l’homme ici-bas avant cette grande et mystérieuse déchéance, tradition universelle aussi, qui chassa l’humanité primitive de ce demi-ciel appelé l’Éden ou le jardin ; que des traditions de cette philosophie de l’Éden ou du jardin avaient survécu dans l’humanité déchue, et qu’enfin, après le second naufrage de l’humanité antédiluvienne, quelques grandes vérités et quelques grandes philosophies, restées dans la mémoire de quelques sages ou prophètes échappés à l’inondation universelle ou partielle, avaient surnagé, et inspiraient encore de temps en temps l’esprit de l’homme dans l’Orient, scène encore humide de la grande catastrophe. […] Mais ces survivants de l’époque antédiluvienne n’avaient pas seulement sauvé leur vie ; ils avaient sauvé aussi leur intelligence et leur mémoire ; ils avaient transmis aux patriarches leurs premiers descendants, soit aux fils de Noé, si l’on admet la version biblique, soit aux fils des races indiennes, éthiopiennes, chinoises, si l’on admet les traditions de ces peuples de l’extrême Orient, ils avaient transmis quelques vestiges des vérités, de la révélation, de la philosophie, de la théologie que l’humanité antédiluvienne possédait depuis sa sortie de ce qu’on appelle Éden ; crépuscule du soir après un jour éclatant.

1953. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

L’historien contemporain Orose décrit et déplore l’anéantissement de ces trésors de la mémoire. […] Il faut le vide autour des ombres et le silence autour des grandes mémoires ; on entendrait mieux l’âme gémissante de l’exilé dans les gémissements des pins de la pineta et des vagues sans repos sur la grève.

1954. (1926) L’esprit contre la raison

Durs, nus, révolutionnaires, ils ont fait craquer les cadres, envoyé au diable les murs, les poivrières des faux remparts ; même leur mémoire échappe à l’emprise de tel ou tel parti et il n’y a qu’un éclat de rire pour accueillir le titre choisi par un écrivain bien-pensant pour une étude sur l’auteur des Fleurs du mal qu’il baptise, sérieux comme Artaban, Notre Baudelaire ao. […] Les tours d’ivoire seront démolies, toutes les paroles seront sacrées et l’homme, s’étant enfin accordé à la réalité, qui est sienne, n’aura plus qu’à fermer les yeux pour que s’ouvrent les portes du merveilleux. » Éluard procède d’une façon proche de Crevel, reprenant les mêmes éléments, citations, notes de lecture qu’il cite parfois de mémoire, recycle et ajuste en des contextes différents, avec des variantes.

1955. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Mais comme jusque-là on n’en avait pas trouvé une seule espèce dans aucune des couches de cette série, j’en avais conclu, dans un mémoire sur cette classe de fossiles, que ce groupe remarquable s’était soudainement développé au commencement de l’époque tertiaire. […] Pour ma part, d’après une expression poétique de Lyell, je regarde les archives naturelles de la géologie comme des mémoires tenus avec négligence pour servir à l’histoire du monde et rédigés dans un idiome altéré et presque perdu.

1956. (1903) La renaissance classique pp. -

Nous recommencerions ces œuvres bâtardes qui semblent bien plutôt des monographies extraites des mémoires d’une académie ou d’une gazette médicale que des romans ou des drames. […] Flaubert avait vu pourpre lorsqu’il conçut Salammbô : sur toute son épopée africaine, il y aura comme un reflet d’étoffes éclatantes et précieuses… Puis le poète demandera sans doute à son œuvre de flatter son imagination amoureuse des lignes et des couleurs, de lui chanter les mélodies intérieures qui accompagnent en son âme les plaintes ou les émois du sentiment, de fournir une matière docile à ses aptitudes d’ordonnateur et d’architecte verbal, de vibrer à l’unisson de sa sensibilité, de contenter ses enthousiasmes et jusqu’à ses manies, de soulager même sa mémoire, éprise des choses antiques… Quoi encore ?

1957. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

La première race est pour Mézeray comme une lande aride à traverser ; il est à tout moment en disette et le fait sentir : « La fin de cette première race étant si vaste et si déserte comme elle est, dit-il, par la nonchalance des historiens qui l’ont possible (peut-être) fait à dessein pour éteindre la honteuse mémoire de nos princes fainéants, vous ne devez pas m’accuser de stérilité, etc. » Il trace des cadres plutôt qu’il ne les remplit.

1958. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Madame, souvent crédule, regardant ailleurs, mêlant les choses, peu critique dans ses jugements, voit bien pourtant ce qu’elle voit, et elle le rend avec une force, une violence, qui, pour être peu conforme au goût français, ne se grave pas moins dans la mémoire.

1959. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Buffon, avec un dédain superbe, commença le premier à attaquer Linné sur ses méthodes artificielles, et, même lorsqu’il en fut venu à reconnaître par expérience la nécessité des classifications, il ne lui rendit jamais pleine et entière justice : « Buffon antagoniste de Linné, que toujours il avait combattu, nous dit Linné lui-même dans des fragments de Mémoires, est obligé, bon gré mal gré (nolens, volens), de faire arranger les plantes du Jardin du roi d’après le système sexuel. » Buffon, en ce point, ne céda pas si aisément que le croyait Linné ; il ne consentit jamais, nous dit Blainville, à laisser entrer dans le jardin de botanique la méthode et la nomenclature de Linné, enseignes déployées ; « il permit seulement d’inscrire les noms donnés par Linné, mais à condition (chose incroyable si le génie n’était humain !)

1960. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Louis XIV dans ses Mémoires, parlant de M. de Lionne à la date de sa mort, se contente de dire : « En 1671, un ministre mourut qui avait la charge de secrétaire d’État, ayant le département des Affaires étrangères.

1961. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Il semble qu’il veuille épargner ses secrétaires : c’est dommage qu’il n’est greffier du parlement de Paris, car il gagnerait plus que Du Tillet ni tous les autres. » Ayant à entrer quelquefois dans les parlements de Toulouse et de Bordeaux, quand il était lieutenant pour le roi en Guyenne, il n’en revenait pas de voir que tant de jeunes hommes s’amusassent ainsi dans un palais, vu qu’ordinairement le sang bout à la jeunesse : « Je crois, ajoutait-il, que ce n’est que quelque accoutumance ; et le roi ne saurait mieux faire que de chasser ces gens de là, et les accoutumer aux armes. » Mais toutes ces sorties contre ce qui n’est pas gloire des armes et d’homme de guerre n’empêchent pas Montluc de sentir l’importance de ce chétif instrument, la plume : il s’en sert,-sachant bien que ce n’est que par là et moyennant cet auxiliaire qu’il est donné à une mémoire de s’immortaliser, qu’il n’en sera de votre nom dans l’avenir que selon qu’il restera marqué en blanc ou en noir par les historiens ; et son ambition dernière, à lui qui a tant agi, c’est d’être lu : « Plût à Dieu, dit-il, que nous qui portons les armes prissions cette coutume d’écrire ce que nous voyons et faisons !

1962. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Quant au fond, il recommande tout ce que son maître a également recommandé, de ne point laisser les valets ni servantes embabouiner cette tendre jeunesse de sots contes ni de fadaises ; de ne pas croire que l’esprit des enfants ne se puisse appliquer aux bonnes choses aussi aisément qu’aux inutiles et vaines : « Il ne faut pas plus d’esprit à entendre les beaux exemples de Valère Maxime et toute l’histoire grecque et romaine, qui est la plus belle science et leçon du monde, qu’à entendre Amadis de Gaule… Il ne se faut pas délier de la portée et suffisance de l’esprit, mais il le faut savoir bien conduire et manier. » Il s’élève contre la coutume, alors presque universelle, de battre et fouetter les enfants ; c’est le moyen de leur rendre l’esprit bas et servile, car alors « s’ils font ce que l’on requiert d’eux, c’est parce qu’on les regarde, c’est par crainte et non gaiement et noblement, et ainsi non honnêtement. » Dans l’instruction proprement dite, il veut qu’en tout on vise bien plutôt au jugement et au développement du bon sens naturel qu’à l’art et à la science acquise ou à la mémoire ; c’est à cette occasion qu’il établit tous les caractères qui séparent la raison et la sagesse d’avec la fausse science.

1963. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Dès 1587, nous voyons Henri se plaindre à la comtesse qu’elle le néglige : Plus je vais en avant, et plus il semble que vous tâchiez à me faire paraître combien peu je suis non seulement en votre bonne grâce, mais encore en votre mémoire.

1964. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

. — Dans ce vent soudain sorti du sanctuaire, et qui tend aujourd’hui à tout balayer de Santeul et à n’y rien laisser de sa mémoire, s’il était permis de faire entendre un humble vœu littéraire, je demanderais grâce pour une seule hymne de lui, et pour celle-là.

1965. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Vous avez honoré sa mémoire par ce que vous avez dit de lui après sa mort ; messieurs de Saint-Victor devraient être contents et ne rien demander davantage.

1966. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

J’y disais en propres termes, et en m’adressant au poète auquel je venais d’élever dans mon volume une sorte d’autel expiatoire Non que j’espère encore, au trône radieux D’où jadis tu régnais, replacer ta mémoire.

1967. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

., y sont pris sur le fait et restent fixés dans la mémoire.

1968. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Il va jusqu’à dire que ce n’est pas seulement dans la mémoire et la conscience de l’humanité que subsiste, selon lui, l’œuvre de quiconque est digne de vivre, car il y en a, et des meilleurs, qui sont restés obscurs ; il ajoute que « c’est aux yeux de Dieu seul que l’homme est immortel. » Il peut y avoir dans tout ceci, je le sais, la part à faire à un certain langage poétique, métaphorique, dont l’écrivain distingué se prive malaisément.

1969. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Si l’on excepte La Rochefoucauld qui fait son profit de l’expérience pour écrire un livre profond, et Retz qui s’en inspire pour écrire les Mémoires les plus vivants et les plus amusants, rien de cette révolution avortée de la Fronde.ne tourne précisément aux lumières.

1970. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Il lisait en ce même temps les Mémoires de Saint-Simon.

1971. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Peu d’années fécondes sont accordées aux hommes, et même aux plus vrais talents : il faut en savoir user pour se loger à temps et s’ancrer au cœur et dans la mémoire des hommes nos contemporains : c’est encore le plus sûr chemin pour aller à la postérité.

1972. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Mémoires du duc de Luynes, tome II, page 94.

1973. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

C’est Mathieu Dumas qui, à l’occasion d’une mission militaire dont il fut chargé en 1790, a exposé dans ses Mémoires l’état de ces villes du Midi, les haines civiles, religieuses, partout aux prises et exaspérées.

1974. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Nous avons presque à nous excuser de savoir si bien et si à point nommé ces choses de l’alcôve ; mais il nous est impossible de n’avoir pas lu les Mémoires de d’Argenson, de Richelieu, de Maurepas, le Journal du duc de Luynes ; nous en savons trop ; aussi, sans y mettre plus de façons qu’il n’est convenable en un cas si éclatant, nous dirons le fait comme il a été, et entre dix versions toutes plus ou moins concordantes, nous donnerons celle de l’un des hommes les moins médisants et les mieux informés, de ce même M. 

1975. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Combien de ces actes, signifiés aux vivants par les morts, où la folie semble le disputer à la passion ; où le testateur fait de telles dispositions de sa fortune, qu’il n’eût osé de son vivant en faire confidence à personne ; des dispositions telles, en un mot, qu’il a eu besoin, pour se les permettre, de se détacher entièrement de sa mémoire, et de penser que le tombeau serait son abri contre le ridicule et les reproches ! 

1976. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Dans les célèbres pages des Mémoires de Napoléon (tome VIII), où sont indiquées, parcourues et rapidement relevées au point de vue de la science les quatre-vingt-quatre campagnes faites par les sept plus grands capitaines, le maréchal de Saxe ne trouve point sa place.

1977. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

L’abbé de Saint-Pierre, qui fut le premier à réagir contre la mémoire de Louis XIV, faisait imprimer ses écrits dans une orthographe simplifiée qui lui était propre ; mais le bon abbé tenait trop peu de compte, en tout, de la tradition, et on ne le suivit pas.

1978. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ces belles paroles que Dante, au chant xiii de son Paradis, met dans la bouche de saint Thomas, ne sortiront pas de notre mémoire et nous feront assez rentrer en nous-même : «… Que ceci te serve d’avertissement et te soit comme une semelle de plomb aux pieds, pour que tu n’ailles que bien lentement, et comme un homme déjà lassé, vers le oui ou vers le non des choses que tu n’as pas entendues du premier coup !

1979. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Ce fut Charles Perrault, beaucoup plus tard, qui fit faire le second pas et qui décida la publicité : « Le jour de ma réception (1671), dit-il en ses agréables Mémoires, je fis une harangue dont la Compagnie témoigna être fort satisfaite, et j’eus lieu de croire que ses louanges étoient sincères.

1980. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Les jésuites fleurissent la mémoire de leurs écoliers des plus beaux morceaux des orateurs et des poètes ; mais sensibles par-dessus tout aux surprises de l’esprit et aux élégances de la diction, ils élèvent moins le goût moderne qu’ils n’y rabaissent l’art ancien.

1981. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Voici Montluc, le catholique impitoyable et le capitaine héroïque dont les Mémoires seront le bréviaire des soldats.

1982. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Celui-ci n’a éveillé, dans la mémoire du public, que le risible dénouement des Intimes de M. 

1983. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Pour une des premières lectures il choisit quelques extraits des Mémoires de Mme de La Rochejaquelein, croyant qu’il était bon, pour dégoûter des guerres civiles, de montrer, dans un exemple à distance, les calamités affreuses où elles conduisent.

1984. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Ce neveu, élevé, adopté par lui, et dont la mémoire ne saurait se séparer de la sienne, est une des figures les plus aimables et, à notre égard, (si l’on peut dire) les plus modernes de l’Antiquité.

1985. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Il me menait aux promenades ; il me fit voir tout ce que je voulus voir du grand monde et de la cour de Savoie ; mais tout cela avec tant de témoignages de tendresse et de bonté que je serais un ingrat si je n’en gardais éternellement la mémoire.

1986. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Il a une propriété de termes exacte et forte, et qui enfonce ; mais il reste rarement, quand on l’a lu, des traits marquants, isolés et comme des fragments de javelot, dans la mémoire.

1987. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Étienne, l’auteur comique applaudi, à tout ce qui concernait la renommée et la mémoire de Molière.

1988. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

[NdA] L’arrivée de Franklin à Paris, en 1767, avait été, au reste, très remarquée des savants ; on lit dans les Mémoires secrets dits de Bachaumont, à la date du 19 septembre de cette même année : « M. 

1989. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

La calomnie, qui l’avait poursuivi pendant toute sa carrière, n’épargna pas sa mémoire.

1990. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

En ses moments de loisir, il rédigeait pour le journal : Les Mémoires de Mme Saqui.

1991. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Les jeunes ouvrières qui lisent les romans à très bon marché ne sont capables que de l’enthousiasme du premier moment, que de ce que j’ai appelé l’abandonnement ; le second moment n’existe que pour ceux qui sont plus âgés et qui sont doués d’une certaine faculté d’observation et de mémoire ; mais ceux-ci goûtent des plaisirs beaucoup plus vifs, étant encore capables de s’abandonner, l’étant surtout de comparer le roman à la vie et d’éprouver des sensations d’admiration très vive quand ils estiment que le roman a copié la vie avec sûreté ou plutôt l’a déformée de manière à accuser plus vigoureusement ses traits caractéristiques.

1992. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Si vous voulez comparer les peintures du caractère français dans les mémoires des différentes époques, à commencer même par les Commentaires de César, vous verrez combien ce caractère est resté immuable.

1993. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Il ne faut pas que les œuvres de ces ouvriers, de valeur relative, nous soient un prétexte pour publier de l’« inédit », faire de l’érudition, encombrer de fatras les manuels et les mémoires ; non, il faut les mettre à leur rang, dire leur vraie valeur, qui n’est pas esthétique mais historique et génétique ; ces œuvres doivent se résumer en lignes d’évolution ascendante ou descendante, et contribuer à une synthèse d’idées.

1994. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Il se penchait vers vous, très attentif, prêt à noter en sa mémoire ce qu’on eût dit d’un peu valable. […] Alors, sa mémoire, tout animée du chagrin de Philippe, valut beaucoup mieux que les récits et les anecdotes. […] Poincaré, appréciant sa mémoire, dit qu’elle n’est pas mauvaise, mais que pourtant elle ne suffirait pas à faire de lui un bon joueur d’échecs. […] Voici l’histoire de son premier mémoire, qui traitait des fonctions fuchsiennes. […] Il rédigea son mémoire définitif, « d’un trait et sans aucune peine ».

1995. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Un jour on l’avait vu s’arrêter devant un orme découronné, le contempler longtemps, et dire : « Je serai comme cet arbre, je mourrai d’abord par la tête966. » Sa mémoire le quittait, il recevait les attentions des autres avec dégoût, parfois avec fureur. […] Telles qu’elles sont, elles pourront servir de matériaux à toute personne qui aura l’envie d’écrire des mémoires sur la vie de Son Excellence. » Dans tout ce morceau, la voix de Swift est restée calme ; pas un muscle de son visage n’a remué ; ni demi-sourire, ni éclair de l’œil, ni geste ; il parle en statue ; mais sa colère croît par la contrainte et brûle d’autant plus qu’elle n’a pas d’éclat. […] Elle vient de se marier, et il lui dit que l’amour est une niaiserie ridicule987 ; puis il ajoute avec une brutalité parfaite : « Vos pareilles emploient plus de pensées, de mémoire et d’application pour être extravagantes qu’il n’en faudrait pour les rendre sages et utiles.

1996. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Il remarque que pour1370 leur faire comprendre une tempête, le seul moyen est de leur rappeler tel orage qu’ils ont vu de leurs yeux, entendu de leurs oreilles, dont leur mémoire est encore pleine, et qui, par contre-coup, bruisse encore dans tous leurs sens. […] Je ne sache point d’historien qui ait une mémoire plus sûre, mieux fournie, mieux réglée. […] Il n’est pas véritablement artiste : quand il fait une peinture, il songe toujours à prouver quelque chose ; il insère des dissertations aux endroits les plus touchants ; il n’a ni grâce, ni légèreté, ni vivacité, ni finesse, mais une mémoire étonnante, une science énorme, une passion politique ardente, un grand talent d’avocat pour exposer et plaider toutes les causes, une connaissance précise des faits précis et petits qui attachent l’attention, font illusion, diversifient, animent et échauffent un récit.

1997. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

On n’y décompose point les opérations de l’esprit en elles-mêmes, la mémoire, l’association des idées, la perception extérieure ; ceci est une affaire de psychologie. […] Vous pouvez considérer ce mémento comme un livre de notes où vous vous reportez quand vous voulez rafraîchir votre mémoire ; mais ce n’est point du livre que vous tirez votre science : vous la tirez des objets que vous avez vus. […] Nous ne nous en servons que pour la commodité1482. » — « Si nous avions une mémoire assez ample et la faculté de maintenir l’ordre dans une grosse masse de détails, nous pourrions raisonner sans employer une seule proposition générale1483. » Ici, comme plus haut, les logiciens se sont mépris : ils ont donné le premier rang aux opérations verbales ; ils ont laissé sur l’arrière-plan les opérations fructueuses.

1998. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

On n’y décompose point les opérations de l’esprit en elles-mêmes, la mémoire, l’association des idées, la perception extérieure : ceci est une affaire de psychologie. […] Tous pouvez considérer ce mémento comme un livre de notes où vous vous reportez quand vous voulez rafraîchir votre mémoire ; mais ce n’est point du livre que vous tirez voire science : vous la tirez des objets que vous avez vus. […] Nous ne nous en servons que pour la commodité11. » — « Si nous avions une mémoire assez ample et la faculté de maintenir l’ordre dans une grosse masse de détails, nous pourrions raisonner sans employer une seule proposition générale12. » Ici, comme plus haut, les logiciens se sont mépris : ils ont donné le premier rang aux opérations verbales ; ils ont laissé sur l’arrière-plan les opérations fructueuses.

1999. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Sa mémoire est transparente, et l’on voit au travers voltiger des couples de tourterelles, et des bergères nouer des guirlandes de fleurs autour de leurs houlettes. […] Je suis obligé de conter de mémoire. […] Jurez seulement de garder fidèlement ma mémoire tant que la terre n’aura pas séché sur mon tombeau. […] Surtout (je te connais) que devant toi personne N’outrage ma mémoire ! […] Et tout à coup l’histoire des deux « amants d’Auvergne » me revint en mémoire.

2000. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Voici comment Euler s’exprime dans un mémoire intitulé : De inductione ad plenam certitudinem evehenda : « Notum est plerumque numerum proprietates primum per solam inductionem observatas, quas dein ceps geometræ solidis demonstrationibus confirmare elaboraverunt ; quo negotio in primis Fermatius summo studio et satis felici successu fuit occupatus13. » Les principes ou les théories qui servent de base à une science, quelle qu’elle soit, ne sont pas tombés du ciel ; il a fallu nécessairement y arriver par un raisonnement investigatif, inductif ou interrogatif, comme on voudra l’appeler. […] On ne saurait juger un mémoire de chimie sans être chimiste, ni un mémoire de physiologie si l’on n’est pas physiologiste.

2001. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Ces formules enfantines aident la mémoire, mais ne correspondent, on s’en doute assez, à aucune espèce de réalité. […] Les œuvres mortes, j’entends celles qui s’écartent des conditions de la vie systématiquement, celles que dessèche le jeu logique de l’esprit, celles attardées aux arabesques jolies et inutiles, demeureront pieusement murées dans nos mémoires, — telles ces momies couvertes de bandelettes, à l’abri du souffle des jours dans leurs coffres de cèdre. […] Ce volume, Les Pas sur la Terre, n’a d’autre fin que de nous remettre en mémoire, au moyen d’exemples délicieux, nos origines intellectuelles. […] Le poète situe son sujet dans la vie, à l’époque de l’adolescence, parce que c’est le moment des velléités incertaines, des mouvements indécis et que la « naïveté suprême », c’est-à-dire l’élan vital de l’inconscient, y est moins voilée qu’elle ne le sera plus tard lorsque la mémoire, surchargée, aura jeté sur elle ces monceaux d’images et de jugements qui sont la matière où s’exerce notre activité consciente.

2002. (1891) Esquisses contemporaines

Ceux-là seuls en seront troublés, qui ont retenu les leçons du christianisme et dont les yeux éblouis ont gardé la mémoire de l’idéale pureté qu’il fît resplendir ici-bas. […] Toutes les misères de la vie sans dignité qu’il menait depuis deux ans refluaient à la fois dans sa mémoire, rendues plus misérables par les magnificences cachées de la vie du devoir dont il venait de contempler un exemplaire accompli. […] Il classe et il conserve avec une prodigieuse netteté de mémoire et d’impression ce que l’avidité de son âme jette en pâture à son large cerveau. […] Nous y retrouvons, par une tradition authentique, les traces profondes que Jésus avait laissées dans la mémoire de ceux qui l’entouraient… La théorie de l’inspiration48 est fausse ; mais, comme toute erreur, elle a un fond de vérité qui est sa raison d’être. […] Vous vous souvenez de l’histoire : les savants de l’Europe arrivant avec leurs explications, les Académies publiant leurs mémoires, jusqu’à ce qu’un individu ait l’idée de regarder à la mâchoire miraculeuse… « Le premier devoir de l’homme qui pense est de se pénétrer des conditions du savoir humain et de s’interdire les recherches qui violent ces conditions.

2003. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

La plupart des ouvrages ont paru au moins par fragments, mais c’est avec plaisir qu’on retrouve réunis et reliés pour la bibliothèque ces mémoires, ces études, ces romans, ces nouvelles, éparpillés au vent de la publicité. […] Sans doute le poète, dont l’enfance s’est passée au collège noble de Madrid, a traversé ce bourg, et ce nom sonore et bien fait lui étant resté dans quelque recoin de sa mémoire, il en a baptisé plus tard le héros de son drame. […] Il nous a introduit dans la vie même de l’Orient, si hermétiquement murée pour le voyageur rapide. — Sous un voile transparent il nous a raconté ses aventures avec ce ton modeste et cette naïveté enjouée qui font de certaines pages des Mémoires du Vénitien Carlo Gozzi une lecture si attrayante. […] Une stance abandonnée dans un coin de la mémoire comme une larve entourée de sa coque s’anime tout à coup et s’envole en battant des ailes ; son temps d’éclosion était venu. […] Les Infants de Lara, Glenarvon, le Cœur et la Dot, les Mères repenties, les Sceptiques, les Mémoires de Don Juan, témoignent d’une pensée élevée, forte et poétique, que trahit parfois une exécution rebelle, mais la volonté du beau et du bien est partout.

2004. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

. ; en un mot, il y combat au long et avec détail l’épicuréisme, auquel il sait bien que Chapelle incline et est d’humeur, soit en théorie, soit en pratique, à s’abandonner : Je me promets, lui dit-il, que vous donnerez bien ceci à ma prière, qui est de repasser un moment sur ces pensées si ingénieuses et si agréablement tournées qu’on a su tirer de vos mémoires (apparemment quelques écrits et cahiers de philosophie et de littérature de Chapelle), sur tant d’autres fragments de même force que je sais qui y ont resté, et généralement sur tous ces enthousiasmes et emportements poétiques de votre Homère, Virgile et Horace, qui semblent tenir quelque chose de divin.

2005. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Ce qu’il fit en ces années nous échappe, et on peut au plus en prendre quelque idée par ce qu’il nous dit du prince, depuis maréchal de Beauvau, dont il a écrit la vie, les mémoires, et à la carrière duquel il s’attacha de tout temps, moins encore en protégé qu’en ami.

2006. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Le jeune chevalier, pour le dire en passant, fit bientôt fausse route et perdit son avenir ; il s’amouracha d’une charmante et brillante folle, Mlle Navarre, fille d’un receveur des tailles à Soissons, aimée du maréchal de Saxe, et qui nous est connue par les Mémoires de Marmontel et par ceux de Grosley.

2007. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

[NdA] Mme de Choiseul, à la mort de son mari, se retira dans le couvent des Récolettes, pour pouvoir payer les immenses dettes qu’il laissait et faire honneur à sa mémoire.

2008. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Dans le juste tribut que l’on paye à la mémoire d’un mort chéri, il ne doit se glisser rien d’injuste envers les vivants, et l’omission aussi peut être une injustice.

2009. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

« Mettre des faits dans la mémoire, c’est se donner de l’expérience, c’est rivaliser avec le temps. » Il lui explique Phèdre, Britannicus, et en quoi l’une ou l’autre de ces pièces est supérieure.

2010. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Montaigne disait donc (et à travers le secrétaire on sent de plus en plus le langage et l’accent magistral, comme sous de certaines pages de l’abbé Ledieu on sent la parole de Bossuet), — il disait : « Qu’on ne voyait rien de Rome que le ciel sous lequel elle avait été assise et le plan de son gîte ; que cette science qu’il en avait était une science abstraite et contemplative, de laquelle il n’y avait rien qui tombât sous les sens ; que ceux qui disaient qu’on y voyait au moins les ruines de Rome en disaient trop, car les ruines d’une si épouvantable machine rapporteraient plus d’honneur et de révérence à sa mémoire : ce n’était rien que son sépulcre.

2011. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Chassang, dans le Mémoire devenu tout un livre qu’il a composé à ce sujet et que l’Académie des inscriptions a couronné, s’attache, avec sa sûreté de critique, avec la science dont il use et dispose en maître, à suivre, à démêler et à démasquer le roman sous toutes les formes mythiques, historiques, allégoriques, morales, sous lesquelles il se glissait : la Cyropédie de Xénophon était déjà un roman qui tenait du Télémaque ; l’Atlantide de Platon n’était qu’une fiction de Salente, plus idéale et plus grandiose.

2012. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Un ambassadeur vénitien écrivait peu après, en terminant une dépêche où il résumait tout le règne et le caractère de Charles-Quint : « Mais la fuite d’Inspruck, le mauvais succès de l’entreprise de Metz ont traversé le cours de cette gloire et sont venus remettre en mémoire les autres mauvais succès, comme ceux de Provence, d’Alger et de Castelnuovo ; la trêve désavantageuse conclue avec Sa Majesté très chrétienne, la renonciation aux États, le départ pour l’Espagne et l’entrée dans un monastère, tout cela lui a fait perdre presque toute sa réputation, je dis presque toute, parce qu’il lui en reste autant qu’il reste d’impulsion à une galère qui a été fortement poussée par les rames et le vent, et qui, l’un et l’autre cessant, fait pourtant encore un peu de chemin ; chacun concluant de là que c’est par le souffle favorable de la fortune qu’a été guidé l’immense navire des États, royaumes et pires de Sa Majesté. » Mais, patience !

2013. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Deleyre, ami de Jean-Jacques Rousseau, qui l’estimait plus qu’il ne l’a témoigné dans ses Confessions, et qui ne cessa de le recevoir jusqu’à la fin de sa vie, Deleyre dont le nom ne se rencontre qu’incidemment dans les mémoires des contemporains, était un de ces hommes secondaires du xviiie  siècle, qui offrent bien de l’intérêt à qui les observe de près.

2014. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Sans doute tous les artistes n’ont pas les mêmes habitudes ni les mêmes exigences de travail et de production ; l’atelier d’un Poussin, d’un de ces peintres méditatifs « qui ne sauraient peindre en sifflant », sera d’un tout autre aspect que celui d’un artiste gai, mobile, alerte, s’inspirant et profitant de tout ce qu’il voit et de ce qu’il provoque autour de lui ; et cependant l’étude, aussi, a des lois invariables, et, si prodigieuses que soient la mémoire, la facilité, la dextérité, la verve, rien ne saurait suppléer à l’observation et à un premier recueillement, si court qu’on le suppose.

2015. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

La première scène se passe, j’en demande bien pardon pourtant aux amateurs de l’idéal, dans un omnibus, — oui, dans un omnibus : « Un de ces soirs, dit l’auteur, le Diable, après avoir corrigé dans quelque imprimerie la trente-septième édition de ses Mémoires par M. 

2016. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Il a toute raison de dire avec un juste sentiment de sa valeur : « Nous faisons notre art à travers notre métier. » Un autre petit finale d’article des plus achevés en son genre, qui me revient en mémoire, est dans le compte rendu des peintres anglais, à propos d’un tableau de Hook qui a pour sujet Venise telle qu’on la rêve.

2017. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Le jeune duc écouta l’émissaire de Pianesse, se fit remettre de la part du ministre des mémoires écrits, détaillés, utiles, et, tout bien posé, tout balancé, il prit le parti de conter toute l’intrigue à sa mère.

2018. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Cette ancienne romance, qui fut célèbre dans son temps, et qui commence par : Déjà le pied à l’étrier, me revient à la mémoire, hélas !

2019. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Elle disait de lui cette belle parole : « Son estime est ma protection. » Détail singulier pourtant, presque incroyable et inimaginable, mais qui depuis la publication des Mémoires de Mme Campan est devenu l’un des points avérés de l’histoire : après six ou sept ans de mariage, Marie-Antoinette n’était pas encore mère et n’avait pas lieu d’espérer de l’être.

2020. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Pendant le voyage, Othman apprend quelques mots d’anglais que sa mémoire avait fidèlement conservés jusqu’en 1 862.

2021. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Pour achever ce tableau, on voit au bord du lac un monument funéraire en mémoire d’une Anglaise et de son mari qui se noyèrent il y a dix ans en se promenant sur le lac.

2022. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Il a lu, —  ce qui s’appelle lu, — les savants ouvrages des La Place et des La Grange, les mémoires des Clairaut, des d’Alembert, des Poinsot ; il y a ajouté peut-être sur quelques points, et il sait par cœur Voltaire et Alfred de Musset.

2023. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Ce qu’il y a de certain, c’est que les mémoires du temps continuent d’en faire un bouc émissaire.

2024. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Il lit avec délices Florian, Ducray-Duminil ; la misère est oubliée ; l’hôpital, la besace, l’anneau, ont disparu de sa mémoire.

2025. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Continuation des Mémoires de Littérature, par le père Desmolets, tome VI, partie ii, p. 281.

2026. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

presque tout entiers de mémoire avant de les écrire, il avait besoin de temps, de recueillement.

2027. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy de meilleures pages, de plus dignes des études si méritoires auxquelles il s’est livré ; l’autre jour, par exemple95, il défendait avec esprit et goût la mémoire de Charles Nodier, insultée par un pamphlétaire ; sa plume devenait excellente.

2028. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Mais la source immédiate du drame, c’était la variation de l’office du jour, les prières ou le récit qui rappelaient l’acte divin, le saint, ou le martyr, dont l’office du jour consacrait particulièrement la mémoire ; c’était l’Evangile, les Actes des apôtres, ces délicieux poèmes de la religion naissante, que l’usage de l’Église découpait pour servir à l’éducation du peuple selon l’ordre de l’année chrétienne.

2029. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

je ne sais ; mais, tandis que retentissaient les nobles phrases du prédicateur, un sonnet de Sully Prudhomme murmurait tout bas dans ma mémoire, exprimant un sentiment presque pareil : Un de mes grands péchés me suivait pas à pas, Se plaignant de vieillir dans un lâche mystère ; Sous la dent du remords il ne pouvait se taire Et parlait haut tout seul, quand je n’y veillais pas.

2030. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Il était du petit nombre de ces oisifs parisiens qui retiennent des spectacles multiples auxquels les convie la mode, de ce long et ininterrompu défilé de tableaux, de statues, de morceaux de musique, de pièces de théâtre, de cérémonies et de fêtes, des couleurs, des sons, voire des idées, qu’ils cataloguent, au fur et à mesure, dans leur mémoire et dont l’ensemble constitue pour eux une mine féconde, inépuisable d’impressions et de souvenirs, lesquels, habilement mis en œuvre et adaptés aux exigences du moment, leur fournissent toujours à propos le thème inutilement cherché par tant d’autres… III Il y a apparence, après tout cela, que vous ne rencontrerez ici ni les grandes passions, ni les héroïsmes, ni les crimes, ni le romanesque tour à tour délicieux et tragique des romans de M. 

2031. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Newton se comparant dans ses Mémoires à un enfant qui ramasse des coquillages au bord du grand océan de la vérité n’est pas différent de Newton écrivant dans une formule algébrique les mouvements des corps célestes ou les lois de la lumière.

2032. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Le poète raconte toute l’histoire des premiers rois de Perse, des fondateurs de dynasties, telle qu’elle s’est transmise et transfigurée dans la mémoire, pleine d’imagination et de féerie, de ces peuples orientaux.

2033. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il ne se contente pas de bien tracer ses personnages, il les nomme d’une façon heureuse, singulière, et qui les fixe pour toujours dans la mémoire.

2034. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Mémoires de Mme Du Hausset.

2035. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

M. de Silly, dont il est ici question, était l’officier envoyé par le maréchal de Berwick pour annoncer la victoire ; c’est le même (pour le dire en passant) que Mlle de Launay, l’auteur des agréables Mémoires, a tant aimé.

2036. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Les scènes du monde d’alors, les originaux qui y figurent et qu’on y raille, les talents divers qu’on y applaudit, depuis le chanteur Garat jusqu’au républicain Daunou, y sont retracés assez fidèlement, et ce premier tome de roman n’est guère, en bien des pages, qu’un volume de mémoires.

2037. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Boileau retenait de mémoire ses vers, et les récitait longtemps avant de les mettre sur le papier ; il faisait mieux que les réciter, il les jouait pour ainsi dire.

2038. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Sayous, si honorablement connu comme éditeur et rédacteur fidèle des Mémoires de Mallet du Pan, continue aujourd’hui en France d’intéressantes études littéraires qu’il avait autrefois commencées à Genève.

2039. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Aussi souvent battu que victorieux ; seul, ayant la moitié de l’Europe sur les bras ; forcé de tenir tête avec cent vingt mille hommes (quand il est au complet) à trois cent mille ; calomnié par d’odieux libelles dont sa mémoire n’a triomphé encore aujourd’hui qu’imparfaitement, il a bien des paroles simples et magnanimes.

2040. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Sans doute la mémoire, en ajoutant l’attente de l’avenir et le souvenir du passé à l’horreur du présent, ajoute la douleur morale à la douleur physique ; mais celle-ci est entière sans celle-là44.

2041. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Saint-Simon dit (je cite ceci de mémoire) : « Tout l’hiver on parla avec admiration du livre de M. de Cambrai, quand tout à coup parut le livre de M. de Meaux, qui le dévora. » Si le livre de Fénelon eût été de Saint-Simon, le livre de Bossuet ne l’eût pas dévoré.

2042. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Avec le tems, par une marche lente et pusillanime, par un long et pénible tâtonnement, par une notion sourde, secrette, d’analogie, acquise par une infinité d’observations successives dont la mémoire s’éteint et dont l’effet reste, la réforme s’est étendue à de moindres parties, de celles-cy à de moindres encore, et de ces dernières aux plus petites, à l’ongle, à la paupière, aux cils, aux cheveux, effaçant sans relâche et avec une circonspection étonante les altérations et difformités de nature viciée, ou dans son origine, ou par les nécessités de sa condition, s’éloignant sans cesse du portrait, de la ligne fausse, pour s’élever au vrai modèle idéal de la beauté, à la ligne vraie ; ligne vraie, modèle idéal de beauté qui n’exista nulle part que dans la tête des Agasias, des Raphaëls, des poussins, des Pugets, des Pigals, des Falconnets ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont les artistes subalternes ne puisent que des notions incorrectes, plus ou moins approchées que dans l’antique ou dans leurs ouvrages ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie que ces grands maîtres ne peuvent inspirer à leurs élèves aussi rigoureusement qu’ils la conçoivent ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie au-dessus de laquelle ils peuvent s’élancer en se jouant, pour produire le chimérique, le sphinx, le centaure, l’hippogriphe, le faune, et toutes les natures mêlées ; au-dessous de laquelle ils peuvent descendre pour produire les différents portraits de la vie, la charge, le monstre, le grotesque, selon la dose de mensonge qu’exige leur composition et l’effet qu’ils ont à produire, en sorte que c’est presque une question vuide de sens que de chercher jusqu’où il faut se tenir approché ou éloigné du modèle idéal de la beauté, de la ligne vraie ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie non traditionelle qui s’évanouit presque avec l’homme de génie, qui forme pendant un tems l’esprit, le caractère, le goût des ouvrages d’un peuple, d’un siècle, d’une école ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont l’homme de génie aura la notion la plus correcte selon le climat, le gouvernement, les loix, les circonstances qui l’auront vu naître ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie qui se corrompt, qui se perd et qui ne se retrouveroit peut-être parfaitement chez un peuple que par le retour à l’état de Barbarie ; car c’est la seule condition où les hommes convaincus de leur ignorance puissent se résoudre à la lenteur du tâtonnement ; les autres restent médiocres précisément parce qu’ils naissent, pour ainsi dire, scavants.

2043. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

… Les femmes seules ne peuvent y atteindre que par le petit bout, — le bout des Mémoires, des commérages, des anecdotes, des choses, personnelles, charmantes souvent sous leurs plumes ; mais pour l’histoire en elle-même, la grande Histoire, interdite même aux poëtes, aux imaginations de trop de flamme, aux génies inventifs, tant elle exige un regard calme et clair pour discerner les choses, et une main juste et ferme pour n’en pas manquer les proportions !

2044. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Il est évident que l’homme et le talent sont pénétrés par Macaulay à travers tout ce qui ferait rempart pour un autre, et qu’il arrache la personnalité vraie, l’entéléchie, comme dirait Aristote, à cette nature épaisse, têtue, troublée, caverneuse, despotique et méchante, mais géniale au fond et tendre tout au fond ; car il aima sa femme d’un amour divinement fidèle, ce monstre de chair, d’esprit, de mémoire, de scrofules, ce Caliban de tout, qui s’appelle Samuel Johnson !

2045. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

I Il est des génies avec lesquels il semble qu’on n’en ait jamais fini, et qui rappellent ce qu’on disait de la Sainte-Ampoule, de miraculeuse mémoire.

2046. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Le style, vraiment digne de la science, est celui d’un mémoire de physiologie.

2047. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Et leur effort n’est pas vain : elles disent des choses dignes de mémoire.

2048. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Platon note dans le Phèdre que le poète Stésichore, ayant offensé la mémoire d’Hélène, fut frappé de cécité et ne réchappa de ce châtiment céleste, qu’en chantant la palinodie. […] Mais j’ai une assez bonne mémoire et je puis affirmer que je n’ai tenu aucun des propos qu’il m’attribue généreusement. […] C’est une suite aux Mémoires d’un touriste, que Stendhal attribuait à un marchand de fer, ancien commis-voyageur, comme Taine imputera ses Notes sur Paris à M.  […] Pour les écoliers, l’instruction historique ne relève que de la mémoire et de la patience à s’endormir sur des manuels. […] La mémoire visuelle et topographique n’est qu’une faculté normale.

2049. (1888) Impressions de théâtre. Première série

D’ordinaire, lorsqu’on pense à Corneille, ces formules vous montent à la mémoire : « Poète du devoir…, triomphe du devoir sur la passion…, les hommes tels qu’ils devraient être…, le plus moral des poètes… » Et en effet ces formules s’appliquent assez bien à plusieurs de ses tragédies. […] s’intéresse-t-on à sa mémoire ? […] Ce Pyrrhus-là étant donné, — s’il n’était convenu qu’Andromaque doit rester avant tout le type accompli de la piété conjugale et si nous n’étions habitués à la voir sous cet aspect, — je concevrais sans trop d’effort, que, tout en gardant la mémoire de son époux, elle n’eût pas le courage de haïr un si magnanime vainqueur. […] Mais il suffit que deux ou trois vers les aient frappés et leur soient restés dans la mémoire pour que le conseil municipale n’ait pas perdu son argent. […] Tout se brouille dans ma mémoire, je n’y comprends rien, je n’y vois goutte.

2050. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Ceci me remet en mémoire un trait que rapportent les anecdotiers du xviiie  siècle. […] La comtesse de La Pagerie rapporte dans ses Mémoires qu’aux Tuileries « il avait l’air de rire de tous les hommes qui l’entouraient, sans pour cela se croire meilleur qu’eux ». […] La mémoire du poète Édouard Grenier est assez tenace et assez riche pour relever des ruines et peupler des déserts. […] Le meilleur emploi que je puisse faire de mes loisirs me paraît être de retracer ces événements, de peindre les hommes qui y ont pris part sous mes yeux et de saisir et graver ainsi, si je puis, dans ma mémoire, les traits confus qui forment la physionomie agitée de mon temps. » C’est ainsi que M. de Tocqueville, ancien député de Valognes, prenant la plume pour écrire ses Souvenirs, expliquait son dessein59. […] Quand nous cherchons au fond de nos mémoires, nous n’y découvrons que des mois d’août et de septembre.

2051. (1923) Au service de la déesse

Que M. l’abbé Boscheron fût arrivé cinq minutes plus tard place du Chevalier-du-Guet : et Homère était sauvé ; deux ivrognes, étourdiment respectueux d’une si auguste mémoire, anéantissaient l’impiété, sans le savoir. […] Comme cet ample système, dit « la philosophie de l’impérialisme », s’est déjà révélé par maints volumes d’un vif intérêt, l’auteur le tient pour admis et demande à son lecteur un effort de mémoire, qui d’ailleurs est celui qu’on fait si l’on vient à relire un chapitre de Kant ou un corollaire de Spinoza. […] Il avait soin de ne rester longtemps nulle part : dès qu’il avait donné de la mémoire à ses élèves, il se sauvait devant qu’ils ne l’eussent perdue. […] C’est que la mémoire suggère à l’esprit les analogies ; et des analogies naissent métaphores et images, symboles et allégories : la perception des analogies et la pensée se confondent, pour le faible Bernard, ainsi que pour un poète ou un philosophe du moyen âge. […] Il y a, sur la colline, un sentier ; au milieu du sentier, le vieux Patte-Usée : « Le lièvre, ami du poète, fait le gros dos car une abeille bourdonne autour de ses oreilles. » Et Le roman du lièvre amuse votre mémoire et l’enchante.

2052. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Je crois bien que l’histoire de Jeanne d’Arc est la première qui m’ait été contée (même avant les contes de Perrault), comme la Mort de Jeanne d’Arc, de Casimir Delavigne, est la première « fable » que j’aie apprise, et comme la Jeanne d’Arc équestre de la place du Martroi est peut-être la plus ancienne vision que j’aie gardée dans ma mémoire. […] Le souvenir de la région merveilleuse où vous régnez est lié dans nos mémoires à deux des plus fins chefs-d’œuvre de notre littérature, Zadig et les Lettres persanes. […] Je ne sais si Lamartine disait vrai (car sa mémoire était sujette à des défaillances). […] Il y a un mémoire de serrurier qui nous apprend que Balzac, rentrant chez lui pour la première fois après son mariage… Mais j’ai promis de ne rien révéler. […] Or voilà que, sans nul parti pris, ayant plutôt, à l’origine, quelque sympathie en réserve pour les émigrés, ou du moins le désir de les trouver dignes d’intérêt et d’estime, il a, comme malgré lui, écrit sur eux, rien qu’avec des documents émanés d’eux, un livre terrible, écrasant pour leur mémoire, qui est une condamnation définitive et, je crois, sans appel possible.

2053. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Si, par éxemple, un homme qui sçait plusieurs langues, qui entend les auteurs grecs et latins, qui s’éleve même jusqu’à la dignité de scholiaste ; si cet homme venoit à peser son véritable mérite, il trouveroit souvent qu’il se réduit à avoir eu des yeux et de la mémoire, il se garderoit bien de donner le nom respectable de science, à une érudition sans lumiere. […] Du reste, en quoi intéresse-t-il l’état, les moeurs, ou la mémoire même de ce grand poëte ? […] Nestor conseille à Patrocle de tenter de fléchir Achille ; et il l’instruit mot pour mot de tout ce que Patrocle dit dans la suite à son ami ; de sorte qu’outre l’ennui de la répétition, Patrocle perd par là tout le mérite et tout le pathétique de son discours, qui ne paroît plus qu’une affaire de mémoire, plûtôt que de sentiment. […] La plûpart des poëtes s’imaginent que la poësie est le plus grand don du ciel : ils se regardent comme des hommes divins, à qui appartiennent par préférence toute la beauté, tout le feu et toute la sublimité de l’esprit : ils mettent les autres arts dans une subordination injurieuse ; et ils croyent même que les sciences ne demandent que de la mémoire avec un jugement ordinaire. […] Ce n’est pas que M. l’abbé Regnier n’eût beaucoup de sçavoir et d’esprit ; je respecte et j’aime encore sa mémoire, comme je respectois et comme j’aimois sa personne.

2054. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Et puis ses papiers posthumes virent le jour, et si son Examen de Bacon ne changea rien, et pour cause, à l’opinion courante, ses Mémoires et correspondances diplomatiques, et ensuite ses Lettres et opuscules, vinrent tout brouiller, et déranger un peu ceux qui avaient leur siège fait et leur article écrit. […] Albert Blanc, qui publie ses mémoires, le tient pour un précurseur du saint-simonisme. » Il y avait de quoi douter de soi ou de lui. […] Il lut avidement, brutalement, servi par une complexion vigoureuse et par une mémoire qui a été une des plus belles du siècle, en un temps où on avait encore de la mémoire ; et il ne lisait, chose qui le peint bien déjà, que ce qui était permis. […] « L’admirable constitution anglaise » (textuel — Mémoire à l’empereur de Russie, 1807), l’admirable constitution anglaise, j’en conseille l’esprit aux souverains pour s’en faire comme une conscience ; je ne les y soumets pas. […] Certainement ; mais qui dit que mot et idée ne sont pas nés ensemble, idée et mot confus d’abord, idée s’exprimant par une onomatopée, par exemple, onomatopée instinctive faisant surgir l’idée et désormais la conservant, la fixant dans la mémoire ?

2055. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

. —  L’amour est très-brave contre toutes les nobles maladies, —  mais il a horreur de l’application des serviettes chaudes, —  et le mal de mer est sa mort1318. » Bien d’autres choses sont sa mort, entre autres le temps, et aussi le mariage ; il y aboutit « comme le vin au vinaigre. » Sachez que si Pénélope est si connue, c’est qu’elle est unique. « Les chances pour Ulysse étaient de retrouver une jolie urne, —  érigée à sa mémoire, et deux ou trois jeunes demoiselles — engendrées par quelque ami détenteur de sa femme et de ses biens, —  et de sentir son chien Argus l’empoigner par sa culotte1319. » Ceci est d’un sceptique, même d’un cynique. […] Ce sont ses opinions, ses souvenirs, ses colères, ses goûts qu’il nous étale ; son poëme est une conversation, une confidence, avec les hauts, les bas, les brusqueries et l’abandon d’une conversation et d’une confidence, presque semblable aux mémoires dans lesquels le soir, à sa table, il se livrait et s’épanchait. […] Stendhal, Mémoires sur lord Byron.

2056. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Après Mathilde, les Mémoires d’une Jeune Mariée, les Mystères de Paris, etc… Si ce que nous racontons là arrivait dans un temps stérile en productions meilleures, nous ne serions point étonnés. […] Bientôt, l’étonnement devient stupeur ; on se trouve errant au milieu d’un pêle-mêle qui n’a non plus d’ensemble ni de but, qu’un magasin de curiosités, vous avez la mémoire encore fraîche et le cœur ébranlé des anathèmes les plus audacieux contre toutes les puissances du ciel et de la terre, votre lèvre murmure ces vers méprisants : Vous me demanderez si j’aime ma patrie : Oui ! […] Sainte-Beuve prît subitement sa mémoire en vénération, le débarbouillât autant que faire se pouvait d’une irrespectueuse poussière, et l’offrît, nouveau fétiche, aux hommages d’un public honteux et humilié pour lui et pour ses pères de tant de grands génies si odieusement, si barbarement méconnus.

2057. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Et comme je lui demande, si sa femme est vraiment aussi jolie qu’on le dit, il me répond qu’il n’en sait rien, que ces gens du nord, avec leur blondeur de chanvre, ont quelque chose d’effacé, quelque chose qui ne fixe pas le regard, quelque chose qui ne reste pas dans la mémoire. […] Mais dans ses concerts de Londres, qui durent deux heures, et où il est le seul exécutant, c’est surtout la préoccupation, à un moment, de la perte de la mémoire, et, comme il le dit, d’un trou tout noir, se faisant dans le souvenir. […] Vendredi 14 décembre Aux curieux d’art et de littérature, qui dans le xxe  siècle, s’intéresseront à la mémoire des deux frères, je voudrais laisser un inventaire littéraire de mon Grenier, destiné à disparaître après ma mort ; je voudrais leur faire revoir dans un croquis écrit, ce microcosme de choses de goût, d’objets d’élection, de jolités rarissimes, triés dans le dessus du panier de la curiosité.

2058. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Ce qui, dans une autre ville, passerait inaperçu du public, ou tout au plus ne vivrait qu’à l’état de souvenir curieux dans la mémoire de quelques vieux bourgeois, y prend tout de suite du relief et y acquiert de la notoriété. […] Les vers de Bruant ont un timbre original, qui les grave dans la mémoire, grâce à leur refrain qui est d’ordinaire le nom d’un quartier ou d’un faubourg de Paris. […] L’évolution entière de la prose de notre siècle est renfermée dans ce grand modèle de style, que Chateaubriand nous a laissé en ses Mémoires d’outre-tombe. […] » — « Oui sans doute », dit S… toujours joyeux quand il entend le nom d’Aristophane. « C’est dans les Chevaliers. » — « Ma mémoire, alors, ne me trompait pas », poursuivit l’autre. « Eh bien ! […] « Quelle triste idée que de ne pouvoir honorer que la mémoire de l’ami, dont c’était ma plus haute ambition de devenir le collaborateur dans le champ de découvertes infinies qui s’ouvrait devant lui.

2059. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

eux, c’est comme si on insultait la mémoire d’une vieille amie ! […] — souriez à cette vieille plaisanterie et consultez votre mémoire où vous trouverez en quelques beaux vers plus de splendeur de vérité qu’en tant et tant de volumes de prose). […] Éloigné du bruit de la lutte, s’il a perdu un peu de passion, il a conservé toute sa mémoire et toute sa finesse. […] Les mémoires seront la littérature de l’avenir. […] Nos adversaires de marque, à nous combattre, s’imprégnaient de nos théories, au point que le Chateaubriand des Mémoires d’Outre-Tombe est plutôt des nôtres.

2060. (1902) La poésie nouvelle

courbé sous tes paupières‌ lourdes de mémoires de pierres‌ gisantes où voulurent les parallèles hasards.‌ […] fatigué de chair et de pupilles‌ fléchissante achante‌ que le dôme est pesant qu’exigèrent ses arts‌ sur la mémoire esclave du parallèle hasard‌ qui vous fit, un seul, un instant. […] De cette manière, la Fable n’est plus le magasin d’accessoires poétiques auquel recourent des artistes à la recherche d’embellissements, mais, en vérité, la mémoire de « tous les jadis où notre rêve aventura ses destinées… ». […] …‌ L’écho des jours perdus est mort en ma mémoire.‌ […] Et le souvenir, dans l’âme du dormeur, se précise, et le pas de ceux qui vivent sonne dans sa mémoire.

2061. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Alors, spectacle digne d’une mémoire éternelle, cette vérité chrétienne, qui est la vérité morale elle-même, s’échappe enfin de l’enceinte où elle était comme incarcérée, et répand au loin le ferment de la plus noble des insurrections. […] Ce n’est point, Messieurs, que je prétende accuser Charron de plagiat ; les emprunts qu’il tire de Montaigne, les copies mêmes qu’il en fait, sont parfois si évidentes qu’on n’y saurait voir autre chose qu’un témoignage de respect rendu à la mémoire d’un maître vénéré. […] Ses Mémoires, dont une indiscrétion fit paraître la plus grande partie de son vivant, expliquent pour une bonne part ses Maximes. […] À peine âgé de dix-sept ans, il entra dans le monde, et dès ce temps-là il commença, à ce qu’il nous apprend dans ses Mémoires, « à remarquer avec attention ce qu’il voyait163 ». […] Était-ce chez Louis XIV souvenir de la Fronde, ou crainte de cet observateur pénétrant, dont la réputation était déjà grande, et dont une partie des Mémoires avaient paru en 1662 ?

2062. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Il est vrai que ces précautions, en corrigeant un vice, en laisseroient toûjours subsister un autre ; c’est la difficulté de reconnoître le genre de chaque nom, parce que la distribution qui en a été faite est trop arbitraire pour être retenue par le raisonnement, & que c’est une affaire de pure mémoire. […] Il n’y avoit qu’à distinguer les noms de la même maniere, & donner à leurs corrélatifs des terminaisons adaptées à ces distinctions vraiment raisonnées ; les esprits éclairés auroient aisément saisi ces points de vûe ; & le peuple n’en auroit été embarrassé, que parce qu’il est peuple, & que tout est pour lui affaire de mémoire. […] Mais les membres de ces divisions doivent effectivement présenter des parties différentes de l’objet total, ou les différens points de vûe sous lesquels on se propose de l’envisager ; il doit y en avoir assez pour faire connoitre tout l’objet, & assez peu pour ne pas surcharger la mémoire, & ne pas distraire l’attention. […] D’autre part, c’est un principe indiqué & confirmé par l’expérience, que l’embarras de celui qui parle affecte desagréablement celui qui écoute : tout le monde l’a éprouvé en entendant parler quelque personne enrouée ou begue, ou un orateur dont la mémoire est chancelante ou infidelle. […] Si l’on a jugé qu’il n’y avoit nulle construction, c’est qu’on a cru que nos omnes étoient au nominatif, sans être le sujet d’aucun verbe, ce qui seroit en effet violer une loi fondamentale de la syntaxe latine ; mais ces mots sont à l’accusatif, comme complément de la préposition sous-entendue ergà : nam ergà omnes nos… omne… tempus… lucro est… L’anacoluthe peut donc être ramenée à la construction analytique, comme toute autre ellipse, & conséquemment ce n’est point une hyperbate, c’est une ellipse à laquelle il faut en conserver le nom, sans charger vainement la mémoire de grands mots, moins propres à éclairer l’esprit qu’à l’embarrasser, ou même à le séduire par les fausses apparences d’un savoir pédantesque.

2063. (1888) Études sur le XIXe siècle

La cantatrice, qui disparut assez promptement du théâtre et eut une vieillesse presque misérable, conserva jusqu’à la fin de sa vie un culte respectueux pour la mémoire du grand homme qui l’avait aimée : elle ne consenti jamais à livrer à la publicité une précieuse lettre dans laquelle il lui avouait son amour, malgré les démarches réitérées et pressantes de M.  […] Ce n’est pas un journal écrit au jour le jour, ce ne sont pas non plus des mémoires composés avec le parti pris de raconter sa vie comme on désire qu’elle soit fixée dans l’histoire, en se jugeant comme on voudrait être jugé. […] Edmondo de Amicis, qui ne ressemblent guère aux Memorie autobiografiche, jusqu’aux mémoires de Benvenuto Cellini, qui, à travers trois siècles de distance, s’en rapprochent beaucoup. […] Il parcourt ses notes prises au jour le jour : sa mémoire, à mesure qu’elle lui présente les objets qu’il a vus et qu’il veut dépeindre, les transforme et les embellit ; ses impressions ne lui reviennent point exactes, sèches, mortes, mais métamorphosées par un travail intérieur et inconscient, beaucoup plus fortes qu’elles ne l’ont été. […] Ce récit, seul peut-être dans l’œuvre de M. de Amicis, est d’une lecture douloureuse ; on dirait que l’énergie du héros a agi sur le conteur : ses couleurs, d’habitude un peu molles, prennent une vivacité extraordinaire ; sa douceur se transforme en une vigoureuse fermeté, son imagination devient plus virile, et sa nouvelle laisse dans la mémoire du lecteur une trace plus profonde, une impression inattendue de vaillance morale et de courage humain.

2064. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

reine Géruthe, c’est la lubricité seule qui vous a effacé en l’âme la mémoire des vaillances et vertus du bon roi votre époux et mon père… Ne vous offensez pas, je vous prie, Madame, si, transporté de douleur, je vous parle si rigoureusement et si je vous respecte moins que mon devoir ; car, vous ayant mis à néant la mémoire du défunt roi mon père, ne faut s’ébahir si aussi je sors des limites de toute reconnoissance… « Quoique la reine se sentît piquer de bien près, et que Amleth la touchât vivement où plus elle se sentoit intéressée, si est-ce qu’elle oublia tout dépit qu’elle eût pu concevoir d’être ainsi aigrement tancée et reprise pour la grande joie qui la saisit, connoissant la gentillesse d’esprit de son fils. […] si vous l’avez, donnez-le moi, je vous prie, car j’ai la mémoire paresseuse. — Vous pouvez l’improviser, dit Quince, car il ne s’agit que de rugir. » Starveling, le tailleur, est pour la paix, et ne veut pas de lion ni de glaive hors du fourreau : « Je crois que nous ferons bien de laisser la tuerie quand tout sera fini. » Starveling cependant ne propose pas ses objections lui-même, mais il appuie celles des autres, comme s’il n’avait pas le courage d’exprimer ses craintes sans être soutenu et excité à le faire. […] D’ailleurs, rien n’y porte l’empreinte d’une copie mal faite ; la versification en est régulière, le style en est seulement beaucoup plus prosaïque que celui des passages qui appartiennent indubitablement à Shakspeare : d’où il résulterait que le copiste aurait précisément omis les traits les plus frappants, les plus propres à saisir l’imagination et la mémoire. […] Hollinshed le met au nombre de « ces personnes mauvaises qui ne vivront une heure exemptes de faire et exercer cruauté, méchef et outrageuse façon de vivre. » Sans doute, et la critique historique en a fourni la preuve, la vie de Richard a été chargée de plusieurs crimes qui ne lui ont pas appartenu ; mais ces erreurs et ces exagérations, fruit naturel du sentiment populaire, expliquent, sans la justifier, la bizarre fantaisie qu’a eue Horace Walpole de réhabiliter la mémoire de Richard, en le déchargeant de la plupart des crimes dont on l’accuse. […] Richard III présente, plus qu’aucun des grands ouvrages de Shakspeare, les défauts communs aux pièces historiques qui étaient avant lui en possession du théâtre ; on y retrouve cet entassement de faits, cette accumulation de catastrophes, cette invraisemblance de la marche dramatique et de l’exécution théâtrale, résultats nécessaires de tout ce mouvement matériel que Shakspeare a réduit, autant qu’il l’a pu, dans les sujets dont il disposait plus librement, mais qui ne pouvait être évité dans des sujets nationaux d’une date si récente, et dont tous les détails étaient si présents à la mémoire des spectateurs.

2065. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Sur le maréchal de Clérembaut (Palluau), plus adroit courtisan que grand guerrier, on peut voir les Mémoires de Mme de Motteville, 31 mars 1649. — Je craindrais pourtant de ne pas donner une idée assez favorable du maréchal, si je n’indiquais un passage de Saint-Évremond dans un très-agréable morceau sur la Retraite, et encore dans la Conversation avec le duc de Caudale. […] Cette duchesse de Lesdiguières, qui revient à tout instant sous la plume du chevalier, la Reine des Alpes, comme il l’appelle, la même qui joua un certain rôle sous la Fronde et que Sénac de Meilhan a fort agréablement mise en jeu dans ses prétendus Mémoires de la Palatine, était Anne de la Magdeleine de Ragny, fille unique de Léonor de la Magdeleine, marquis de Ragny, et d’Hippolyte de Gondi.

2066. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Il s’appropriait toutes les excellences et toutes les élégances poétiques, il les emmagasinait dans sa mémoire ; il disposait dans sa tête le dictionnaire complet de toutes les épithètes heureuses, de tous les tours ingénieux, de tous les rhythmes sonores par lesquels on peut relever, préciser, éclairer une idée. […] J’ajouterais bien, en manière d’excuse, qu’il y a un genre où il réussit, que son talent descriptif et son talent oratoire rencontrent dans les portraits la matière qui leur convient, qu’en cela il approche souvent de La Bruyère ; que plusieurs de ses portraits, ceux d’Addison, de Sporus, de lord Wharton, de la duchesse de Marlborough, sont des médailles dignes d’entrer dans le cabinet de tous les curieux et de rester dans les archives du genre humain ; que, lorsqu’il sculpte une de ces figures, les images abréviatives, les alliances de mots inattendues, les contrastes soutenus, multipliés, la concision perpétuelle et extraordinaire, le choc incessant et croissant de tous les coups d’éloquence assénés au même endroit, enfoncent dans la mémoire une empreinte qu’on n’oublie plus.

2067. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Ce télescope unique, c’est-à-dire original, bizarre, passionné, vaniteux, que je vais analyser, ce sont les Mémoires de Benvenuto Cellini. […] L’audience qu’il reçoit du pape le jeudi saint, pour être relevé de l’excommunication, est une des circonstances les plus pittoresques de ses Mémoires : « Nous nous acheminâmes donc vers le palais, c’était un jeudi saint ; et, comme il y était connu, et moi attendu, nous fûmes introduits dans la chambre du pape sans attendre l’audience.

2068. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Cette croix, le Persée, et ses Mémoires furent ses éternels monuments, mais le plus impérissable furent ses Mémoires.

2069. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

C’est beaucoup de graver dans la mémoire l’expression concise et forte de la vérité ; mais c’est plus encore de découvrir la vérité elle-même et de la mettre dans tout son jour. […] Il contient un traité de la Sensation, un traité de la Mémoire, un traité du Sommeil et de la Veille, des Rêves, un traité de la Longévité et de la Brièveté de la vie, de la Jeunesse et de la Vieillesse, de la Vie et de la Mort, de la Respiration.

2070. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Et les directeurs de journaux populaires, sous le prétexte de se conformer aux besoins — qu’ils pensaient bien connaître — d’une foule simpliste, de peu de mémoire et très indifférente à la vie de l’esprit, contribuèrent sensiblement à cette dépréciation. […] J’ai lu aussi d’autres écrivains ; ma mémoire n’a retenu ni leurs noms ni leurs œuvres.

2071. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

le peuple le bafoue, le chasse ; le peuple entend la voix du poète, et l’acclame, triomphalement… Beckmesser, pourtant, est satisfait ; dans un mémoire pour l’Institut, il a prouvé la folie de Walther ; et Pogner, par déférence, lui a laissé la dot d’Eva. […] La Revue de Bayreuth (Bayreuther Blaetter) Analyse du numéro de mars 1885 1° La Rédaction consacre quelques lignes à la mémoire du comte Alexander von Schleisitz, ministre de la maison de Prusse, décédé le 19 février, depuis vingt ans un des amis les plus dévoués de Wagner et de la cause wagnérienne.

2072. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

On dirait que Wagner a voulu n’omettre aucune des prostrations de cette agonie de l’espérance, en recueillant le cri plaintif échappé à chaque souvenir flottant à son entour, en faisant revivre dans l’orchestre comme ils devaient revivre dans la mémoire de la mourante, pendant qu’elle quittait ces lieux pour ne plus les revoir, quelques fragments épars du passé, quelques réminiscences de son entrevue avec Tannhaeuser, de son duo avec lui au second acte, de la supplication qui préservât ses jours, du chant de Wolfram lorsqu’il essayait de rétablir l’accord entre les poètes et de sauver Tannhaeuser de sa propre démence. […] Ces âmes légères et raisonnables, je les trouve recréées par Watteau, par Haydn et Mozart ; elles sont indiquées dans les petits journaux et mémoires du temps : nullement dans les écrits des littérateurs.

2073. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Il est vrai que le pendule est doué ici de mémoire, et qu’il n’est plus le même au retour qu’à l’aller, s’étant grossi de l’expérience intermédiaire. […] Matière et mémoire, tout le premier chapitre.)

2074. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Plusieurs des Dames de Saint-Cyr étant mortes en ces années, il est dit de l’une d’elles (Mme d’Assy) dans les Mémoires de Saint-Cyr, en des termes légers et charmants : C’était un esprit doux et bien fait, un bon naturel qui n’avait que de bonnes inclinations ; l’innocence et la candeur étaient peintes sur son visage, qui, jointes à sa beauté naturelle, la rendaient tout aimable.

2075. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

avec une force insinuante elle ouvre toutes les cellules où dormait la Mémoire.

2076. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Et ce piège, voyez combien vous étiez imprudent et coupable de le tendre : vous y avez fait tomber tout le premier un homme de votre sang et de votre nom, l’historiographe estimable, qui, en publiant votre ouvrage posthume et ce que vous y aviez préparé de pièces à l’appui, a cru vous rendre service, venger votre mémoire, réhabiliter votre caractère ; et il n’aura aidé, bien involontairement et de la meilleure foi du monde, qu’à confirmer en définitive l’opinion sévère qu’on avait conçue de vous, et à prouver à tous que vous étiez incurable dans votre procédé d’homme d’esprit foncièrement léger et sans scrupule.

2077. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Marbeau appelle Aurélie dans son cabinet ; elle s’y rend accompagnée de la maîtresse de pension : la pauvre enfant reconnaît avec un peu d'effort de mémoire ce même cabinet où son père et sa mère se sont vus pour la dernière fois.

2078. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Dès son arrivée, il se déchiffra donc fidèlement et se détailla tel qu’il était ou croyait être à MM. de Bordeaux, « sans mémoire, sans vigilance, sans expérience et sans vigueur, sans haine aussi, sans ambition, sans avarice et sans violence. » C’était en grande partie en souvenir de son respectable père et en reconnaissance des services autrefois rendus par lui à la ville, qu’ils l’avaient élu.

2079. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

C’est une amante furieuse et forcenée qui ne veut plus entendre à rien, qui a tout oublié et a perdu toute mémoire.

2080. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

(31 octobre 1774.) » Et cinq ans après, quand Marie-Antoinette est reine, dans une lettre à l’abbé de Vermond, Marie-Thérèse laisse échapper ce même mot de sinistre augure et qui s’est trouvé trop prophétique : « Je suis bien touchée de vos services et attachement qui n’ont pas d’exemple ; mais je le suis aussi de l’état de ma fille, qui court à grands pas à sa perte, étant entourée de bas flatteurs qui la poussent pour leurs propres intérêts (1776). » Et pour le dire en passant, cet abbé de Vermond, tant attaqué et incriminé dans tous les mémoires du temps et toutes les histoires de Marie-Antoinette, se relève un peu, dans cette Correspondance, par l’estime constante et la confiance absolue que lui témoigne Marie-Thérèse : c’est là aussi un suffrage qui compte et qui vaut bien qu’on le mette en balance avec celui de Mme Campan.

2081. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Certainement je ne veux pas profaner la mémoire d’un saint par une comparaison odieuse ; mais, avec toutes les différences et les modifications qu’on doit y mettre, je ne pourrais souvent mieux peindre mon état qu’en répétant ce qu’il disait de lui-même ; seulement il faudrait rembrunir un peu les couleurs.

2082. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Je te crains ; j’ai peur de ma mémoire : Elle a gardé ta voix qui m’appelle souvent.

2083. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Après les orages terribles qui avaient rempli les premières années de son mariage, et dont il a noté les accidents les plus singuliers dans son projet de mémoires, il quitte Lausanne et part pour l’Allemagne.

2084. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

. — Dans toutes les actions de ma vie, il y a toujours eu quelque chose qui ressortissait de la maternité. » Mademoiselle de Clermont, à Chantilly, ne se fût pas exprimée de la sorte en parlant à M. de Meulan ; mais Mlle de Liron était de sa province, et l’accent qu’elle mettait à ces expressions familières ou inusitées les gravait tellement dans la mémoire, qu’on a jugé apparemment nécessaire le nous les transmettre.

2085. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Il faut qu’ils recherchent dans leur mémoire ce que les anciens trouvaient dans leurs impressions habituelles.

2086. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Et il reste aussi dans la mémoire, André Fleuse, le grand berger. « Le grand berger s’arrête au sommet de la colline… » C’est la silhouette entrevue par Sully Prudhomme : Dans sa grossière houppelande, Le pâtre, sur son grand bâton Penché, les mains sous le menton, Est ramant rêveur de la lande.

2087. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Déjà, du sein de la vie individuelle, il est permis de s’associer à cet avenir, de travailler à le préparer, de devenir ainsi, par la pensée et par le cœur, membre de la société éternelle, et de trouver en cette association profonde, malgré les anarchies contemporaines et les découragements, la foi qui soutient, l’ardeur qui vivifie, et l’intime satisfaction de se confondre sciemment avec cette grande existence, satisfaction qui est le terme de la béatitude humaine. » Votre dévouement absolu à la science vous donnait le droit, Monsieur, de succéder à un tel homme et de rappeler ici cette grande et sainte mémoire.

2088. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Chaque année pourtant, une fête superbe, — les Lampada-vhories, — réveillait glorieusement sa mémoire, en imitant la fuite du larron sublime, après qu’il eut volé le soleil.

2089. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Un autre portrait, d’une ressemblance garantie par toutes les mémoires, est celui de mademoiselle Hackendorf, la riche héritière, qui se présente aux prétendus avec deux millions dans chaque main.

2090. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Thiers a raconté, discuté et rendu sensible toute cette affaire de Baylen, de manière à ne laisser aucun doute sur les vraies causes, à attribuer à chacun ses fautes, et à ne charger la mémoire du général Dupont que de celles qui lui reviennent en propre.

2091. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

On la retrouve, après la mort de Rousseau, essayant encore de défendre sa mémoire, et brisant pour lui des lances dans les journaux du temps.

2092. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

C’est un petit poème dédié à Mme Menessier-Nodier, en mémoire et en reconnaissance de ce que Nodier le premier salua et annonça Jasmin de ce côté-ci de la Loire.

2093. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Écrivain, il se recommande encore aujourd’hui par de véritables mérites : ses quatre volumes de Souvenirs sont d’une très agréable et instructive lecture ; ses tragédies, pour être appréciées, ont besoin de se revoir en idée et de se replacer à leur moment ; mais ses fables, ses apologues, plaisent et parlent toujours ; un matin, dans un instant d’émotion vraie et sous un rayon rapide, il a trouvé quelques-uns de ces vers légers, immortels, qui se sont mis à voler par le monde comme l’abeille d’Horace et qui ne mourront plus : c’est assez pour que, nous qui aimons à rechercher dans le passé tout ce qui a un cachet distinct et ce qui porte la marque d’une époque, nous revenions un instant sur lui et sur sa mémoire.

2094. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Que l’on relise la merveilleuse scène des Mémoires d’un seigneur russe, où le chasseur parvenu le soir à un taboun de bêtes, couché à quelque distance du feu, voit les flammes illuminer, au hasard de leur danse, le groupe de pâtres, les chevaux qui s’ébrouent, les chiens, les hautes herbes, tandis que le ciel déploie au-dessus sa voussure piquée d’étoiles, et que le murmure des légendes chuchotées vaguement lui parvient par lambeaux ; l’on aura là une représentation achevée de l’art de M. 

2095. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Zola emprunte ces éléments à la vie réelle, et les reproduit tels que sa mémoire et ses sens et les ont perçus et emmagasinés.

2096. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Cependant, à moins de l’avoir sans cesse présente à la mémoire, on risque de n’entrevoir qu’obscurément ou même de ne pouvoir en aucune façon comprendre l’économie entière de la nature, avec tous ses phénomènes de distribution, de rareté, d’abondance, d’extinction et de variation.

2097. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Ce faible pour la transaction, sur lequel il faut insister parce qu’on a trop fait d’Innocent III un pontife plein d’arrogance et de colère, sa mémoire l’a cruellement et singulièrement expié, comme la vraie faute de sa politique et de sa vie.

2098. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Scarron, qui tirait la langue à la Douleur, comme ces polissons de lazzaroni montrent leur derrière au Vésuve, a ri toute sa vie et n’a pleuré qu’une fois et une seule larme, qu’il a enchâssée, comme une perle, dans son épitaphe… Scarron, le rieur comme un satyre ou comme un singe, Scarron, le cynique cul-de-jatte, qui dansait sur sa jatte, ce clown de l’esprit dans un corps brûlé et fricassé par tous les moxas de l’incendie, n’existe plus dans la mémoire des hommes que par les souffrances qu’il a endurées en riant.

2099. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Le vers, avec la régularité de ses sons, l’absence de tout heurt entre les mots, le glissement léger et continu des syllabes, est une aide pour l’intelligence comme pour la mémoire. […] Gautier, conseillait-il tout à l’heure à son apprenti poète de lire force catalogues de ventes, de musées, etc., et d’avoir une bonne mémoire ? […] Je ne me rappelle pas le nom de l’auteur ; mais la proposition elle-même est restée dans ma mémoire comme offrant sur ce point, sinon la vérité même, du moins une esquisse de la vérité. » M.  […] Les noms propres les plus inconnus, et parfois les plus bizarres, ont été soigneusement notés par lui, ou consignés dans sa vaste mémoire ; il ne les accroche pas toujours sans effort. […] Tout le monde en trouvera des exemples dans sa mémoire, mais ce sont les qualités et non les faiblesses du grand poète qui doivent nous servir d’exemple.

2100. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Comme nous sommes disposés, d’ailleurs, par suite de l’infirmité de notre nature et pour venir en aide aux défaillances de notre mémoire, à apercevoir les événements en bloc et les figures en raccourci, c’est le rôle de l’historien évocateur du passé d’y faire rentrer la notion de l’incomplet, du relatif et du successif. […] Il écrit, à la veille de l’entrée des alliés dans Paris, que la France doit être mise « au ban des nations », et il adresse à Mme de Staël un mémoire de même encre pour qu’elle le mette sous les yeux des ministres anglais. Cette fois elle lui envoie cette apostrophe indignée : « J’ai lu votre mémoire ; Dieu me garde de le montrer ! […] Puis ce sont les Mémoires hâtivement dépouillés ou les ouvrages apocryphes pillés de bonne foi, à moins pourtant que l’imagination ne supplée à tout. […] Peut-être eût-il été à souhaiter pour la mémoire de Barbey d’Aurevilly que sa renommée ne sortît pas de ce propice demi-jour, et que sa figure continuât de baigner dans les brumes de la légende.

2101. (1929) Amiel ou la part du rêve

Bernard Bouvier, gardien autorisé de sa mémoire, de son Journal et de la plus grande partie de ses papiers. […] C’est par là que plus tard elle se rappelait à sa mémoire, et que cinquante-sept ans après elle le prit. […] Laissons dormir sa mémoire. […] Ainsi, sur la colonne de droite : Beauté, 5 3/4 ; Sensibilité, 4 1/2 ; Imagination, 3 1/4 ; Ordre et Méthode, 4 3/4 ; Dot, 1 1/2. « Tout était dûment évalué, dit l’ami d’Amiel qui nous rapporte ce trait : l’esprit, le goût, la mémoire, la sobriété, la subjectivité, voire certaines qualités qu’il appelait, on ne sait pourquoi, algorythmiques.

2102. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

J’ai un compte à régler avec la mémoire d’Eilert. » Et voilà déjà les têtes de Théa et de Tesman penchées sous la même lampe, et Théa qui dit innocemment : « Ô Dieu, Hedda, s’il m’était donné d’inspirer aussi ton mari ?  […] La douce et libre vie intellectuelle qui nous a été faite nous laisse trop négliger la mémoire de ceux à qui nous en devons la commode douceur. […] Et les mémoires de leur apothicaire ? […] Parce que, à ce moment, cela est loin de lui ; parce qu’il vient de connaître des joies plus saines et plus calmes ; parce qu’il peut considérer son aventure de jadis comme ferait un moraliste et un étranger, et que la mémoire de ses sens n’a pas encore eu l’occasion de s’éveiller sérieusement sur ce sujet. […] Elle vous paraîtra modeste après ce que j’ai annoncé ; mais ma mémoire a eu des défaillances, et il me faudrait entendre de nouveau l’œuvre de M. 

2103. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Elles font les humoristes, les satiriques, les lyriques de second ordre, ou qui ne sont pas tout à fait du premier, en prose et en vers, les élégiaques, les romanciers, les faiseurs de confessions, de confidences ou de mémoires. […] Ou, plutôt encore, n’est-ce point tout simplement que Tacite a raison de dire : Homines postrema meminere , et que l’Hugo épique et philosophique obsède le plus les mémoires parce qu’il est le dernier ? […] Il avait cette puissante mémoire aidée d’une bonne méthode qui donne de bonne heure une pleine et forte érudition. […] Bien souvent, en le lisant, nous est revenu en mémoire le mot de ce vieil officier écoutant Bourdaloue : « Morbleu ! […] La mémoire méthodique est chez lui d’une rare étendue et d’une singulière puissance.

2104. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

À cette époque, la multitude de correspondances curieuses, de mémoires secrets, de révélations piquantes, qui ont enrichi, depuis quelques années, la bibliographie napoléonienne, tous ces écrits n’avaient point vu le jour, et Proudhon dut nécessairement travailler sur des documents insuffisants. […] On le devine facilement ; son but véritable, son but immédiat était de ternir la mémoire napoléonienne, d’abaisser cette ancienne gloire, dont le troisième Empire tirait sa force et tout son éclat. […] Il faut que ses poèmes comme l’Odeur sacrée, l’Ode à Corot, le Gouffre, la Nuit de Juin, Au Jardin, Forêt d’Hiver, chantent et chantent encore dans les mémoires bien parées.

2105. (1896) Le livre des masques

Les chansons populaires ont laissé dans sa mémoire des refrains qu’il mêle à de petits poèmes qui en sont le commentaire ou le rêve : Où est la Marguerite,    Ô gué, ô gué, Où est la Marguerite ? […] Déjà, son Poil-de-Carotte, ce type si curieux de l’enfant intelligent, sournois et fataliste, est entré dans les mémoires et jusque dans les locutions. […] Quant à ce qu’il y a d’exquis en Ronsard, comme ce peu a passé dans la tradition et dans les mémoires, l’École romane le doit négliger sous peine d’avoir perdu bientôt ce qui seul fait son originalité.

2106. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Ce sont ses mémoires à bâtons rompus, ses confessions : Je ne me suis laissé aller, dit-il, à composer de pièces et d’idées détachées ce recueil historique, moral et philosophique, que pour ne pas perdre les petits traits épars de mon existence ; ils n’auraient pas mérité la peine d’en faire un ouvrage en règle, et je ne donne à ce petit travail que des minutes très rares et très passagères, croyant devoir mon temps à des occupations plus importantes.

2107. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

M. de Chateaubriand, par exemple, qu’il eut occasion de voir vers l’époque d’Atala et du Génie du christianisme, et à qui il adressa de belles observations critiques dans son Ministère de l’homme-esprit (observations que M. de Chateaubriand ne lut jamais), n’avait gardé de Saint-Martin qu’un souvenir inexact et infidèle ; il lui est arrivé de travestir étrangement, dans un passage des Mémoires, la rencontre qu’il eut avec lui ; et lorsqu’il eut été averti par moi-même que Saint-Martin avait parlé précisément de cette rencontre et en des termes bien différents, il ne répara qu’à demi une légèreté dont il ne s’apercevait pas au degré où elle saute aujourd’hui à tous les yeux.

2108. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

J’ai présents à la mémoire en ce moment nombre de ces mots salés et d’une belle amertume, et qui ne demandent qu’à sortir ; il n’est pas temps encore de les donner ; presque tous ses amis politiques y passent ; il ne se gênait avec personne : d’un tour, d’un trait, sans y viser, il emportait la pièce.

2109. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Champfleury a écrit, dans des Mémoires personnels, l’histoire de ces années d’épreuve, et ce récit, à son tour, aura bien son intérêt avec le temps.

2110. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Mais on n’en est plus à deviner après cela quelles pouvaient être ses réponses aux critiques de Feuquières : si l’on prend la peine de chercher celles-ci dans les Mémoires de leur auteur, on aura sous les yeux les pièces du procès, et surtout (car c’est le seul point qui nous intéresse aujourd’hui) l’on verra nettement dans quelle catégorie de capitaines, dans quelle école et quelle famille d’hommes de guerre il convient de ranger Catinat.

2111. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Ce qu’il en est sorti de productions nouvelles, marquées au coin d’un nouveau grand siècle, et dignes de prendre rang dans le trésor humain à la suite et à côté des premières reliques de l’antique héritage, je n’ai pas à le rappeler, les œuvres parlent : cette tradition-là est d’hier, et la mémoire en est vivante.

2112. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Les erreurs des mortels, leurs fausses passions, Les récits du passé, quelques prédictions  Que vous ne recevez que de votre mémoire

2113. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Arthur se compose d’une première partie toute en mémoires, en lettres et en récit, et d’une seconde partie presque toute en citations, en extraits de lectures, et qui n’est pas la moins intéressante ni la moins originale, tant le malade attendri a su animer, commenter naïvement, mouiller de ses pleurs, reproduire et continuer dans ses accents les pages choisies dont il s’environne.

2114. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

(La Bibliothèque universelle de Genève a publié, à la date du 22 octobre 1841, un petit mémoire de M. de Maistre, intitulé Méthode pour observer les taches que l’on peut avoir dans le cristallin.

2115. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

La mémoire fidèle de ses amis et la lecture de ses poésies touchantes ont suffi pour nous le faire apprécier et aimer.

2116. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Parmi les morceaux d’un autre genre, un des plus délicieux et des plus fins est l’article sur Paul-Louis Courrier à propos de ses mémoires et de sa correspondance, publiés en 1829.

2117. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Voilà la gloire de ce Richelieu prématuré. » Un tel nom sur le front d’Hébroïn, à travers de telles ténèbres, pourra paraître bien hardiment imposé ; il va du moins le fixer plus nettement dans notre mémoire, et désormais, qu’on y consente ou non, Hébroïn, à coup sûr, y gagnera.

2118. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Depuis des siècles, ils vivaient dans la mémoire du peuple, et comme ils préexistaient aux formes littéraires qui en ont fixé ou transformé un certain nombre dans les poèmes de Renart, ils se sont transmis jusqu’à nos jours pur la même tradition orale dans beaucoup de pays ; les folkloristes ont retrouvé chez les Finnois et dans la Petite Russie de ces aventures comiques du loup et du renard, qui divertissaient nos vilains du xiie  siècle.

2119. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Il suivit donc bonnement sa voie, et quand il eut ridiculisé ses adversaires, par des traits si justement assenés qu’ils sont devenus inséparables de leur mémoire, et partie intégrante de leur définition, il exposa les principes de son goût dans son Art poétique, auquel la neuvième Épître se joint nécessairement.

2120. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Le poète, penché sur ce monde d’apparences, préfère à la lune qui se lève sur les montagnes celle qui s’allume au fond des eaux, et la mémoire de l’amour défunt aux voluptés présentes de l’amour. » Eh bien !

2121. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Mais je lis encore dans le mémoire favorable à Gassion : «… Quant au duc d’Anguien, il n’est pas en arrière de son infanterie, à l’endroit d’où l’on domine l’action, mais en avant de l’un des escadrons, comme un simple capitaine d’avant-garde.

2122. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Verlaine, froissé de ces procédés qu’il jugeait, à tort ou à raison, injurieux pour la mémoire de son ami, m’avait prié d’intervenir auprès de Baju pour qu’il s’en abstînt désormais, ce qui n’empêcha pas ce dernier de continuer — en l’absence de sonnets où il était incompétent — à émailler la revue d’annonces fantaisistes sur le grand disparu.

2123. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Bossuet est chargé d’élever le futur souverain de la France et il s’érige en exécuteur des hautes œuvres ecclésiastiques sur la mémoire de l’auteur de Tartufe.

2124. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Huet, dans les jolis Mémoires trop peu connus qu’il a écrits en latin sur sa vie, confesse qu’à ce moment de sa jeunesse il donna dans les dissipations et les élégances, qu’il recherchait les cercles des gens du monde et surtout des femmes, et que, pour leur plaire, il ne négligeait ni la mise, ni les petits soins, ni les petits vers.

2125. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Ce qu’il y a de joli dans Le Vieux Célibataire, et de tout à fait engageant, c’est le refrain : Allons, Babet… , qui s’attache à la mémoire et qui continue longtemps de chanter en nous.

2126. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

. — Bettina sait toutes ces choses des commencements mieux que Goethe lui-même ; c’est à elle qu’il aura recours dans la suite, quand il voudra les retrouver pour les enregistrer dans ses Mémoires, et elle aura raison de lui dire : « Quant à moi, qu’est-ce que ma vie, sinon un profond miroir de ta vie ? 

2127. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

La mort remit bientôt Lesage à son rang, et celui qui n’avait rien été de son vivant, et de qui on ne parlait jamais sans mêler à l’éloge quelque petit mot de doléance et de regret, se trouve aujourd’hui classé sans effort dans la mémoire des hommes, à la suite des Lucien et des Térence, à côté des Fielding et des Goldsmith, au-dessous des Cervantes et des Molière.

2128. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

« Il y a, dit-elle encore, des hommes nés moines, qui sont chauves à vingt-cinq ans, qui passent leurs jours à compulser de vieux livres, et qui transforment en cellule tout appartement de garçon. » Ce feuilleton m’est toujours resté depuis, dans la mémoire, comme un petit chef-d’œuvre dans l’espèce.

2129. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

[NdA] On lit dans les Mémoires du chanoine Maucroix, à l’occasion d’un voyage qu’il fit à Fontainebleau, au mois d’août 1671 : M. 

2130. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

L’écriture, l’orthographe, la danse, à dessiner, à peindre, à travailler de l’aiguille, elle apprit tout, nous dit Conrart, et elle devinait d’elle-même ce qu’on ne lui enseignait pas : Comme elle avait dès lors une imagination prodigieuse, une mémoire excellente, un jugement exquis, une humeur vive et naturellement portée à savoir tout ce qu’elle voyait faire de curieux et tout ce qu’elle entendait dire de louable, elle apprit d’elle-même les choses qui dépendent de l’agriculture, du jardinage, du ménage, de la campagne, de la cuisine ; les causes et les effets des maladies, la composition d’une infinité de remèdes, de parfums, d’eaux de senteur, et de distillations utiles ou galantes pour la nécessité ou pour le plaisir.

2131. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Il prit donc sur lui d’adresser un mémoire et une lettre à l’Empereur par Savary qui s’en chargea : il demandait à être appelé à Paris et admis à plaider confidentiellement devant l’arbitre des puissances.

2132. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Les conseils à son fils parurent pour la première fois en 1726 dans les Mémoires de littérature du père Desmolets, sous le titre de Lettre d’une dame à son fils sur la vraie gloire.

2133. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Il vint à Paris vers 1776, y poussa fortement ses études de linguistique et d’histoire, débuta par un mémoire sur la chronologie d’Hérodote, et brisa une lance contre Larcher44 ; il s’annonçait comme devant marcher sur les traces du docte Fréret.

2134. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

« Nos idées de mouvement, continue-t-il150, sont toutes des idées faibles, ressemblant sous ce rapport aux copies de la sensation dans la mémoire.

2135. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Enfin, dans une troisième partie, l’analyste écartant la théorie insuffisante de l’influence de la race et du milieu qui n’est exacte que pour les périodes littéraires et sociales primitives, considérant l’œuvre même comme le signe de ceux à qui elle plaît, et tenant en mémoire qu’elle est d’autre part le signe de son auteur, conclut de celui-ci à ses admirateurs.

2136. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

On garde mémoire de ses jugements.

2137. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Ou il rapportera toute la connaissance humaine aux principales facultés de notre entendement, comme nous l’avons pratiqué dans l’Encyclopédie, rangeant tous les faits sous la mémoire ; toutes les sciences sous la raison ; tous les arts d’imitation sous l’imagination ; tous les arts mécaniques sous nos besoins ou sous nos plaisirs ; mais cette vue qui est vaste et grande, excellente dans une exposition générale de nos travaux, serait insensée si on l’appliquait aux leçons d’une école, où tout se réduirait à quatre professeurs et à quatre classes : un maître d’histoire, un maître de raison, une classe d’imitation, une autre de besoin.

2138. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Un catéchisme d’autant plus utile aux peuples qu’on n’avoit guères que ce moyen de tenir présentes à leurs esprits et à leurs yeux, et de graver dans leur mémoire, les actions des dieux, la théologie du tems.

2139. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Au reste, n’oubliez pas que je ne garantis ni mes descriptions, ni mon jugement sur rien ; mes descriptions, parce qu’il n’y a aucune mémoire sous le ciel qui puisse emporter fidellement autant de compositions diverses ; mon jugement, parce que je ne suis ni artiste, ni même amateur.

2140. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Dans les publications exclusivement révolutionnaires, dans les Mémoires du temps rédigés par les amis de la Révolution, par ceux-là qui la croyaient une vérité sociale et un événement providentiel, il n’a point demandé aux ennemis, à notre parti, au parti de la monarchie, des armes suspectes et des documents d’une équivoque autorité.

2141. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Ce n’est pas, en effet, seulement dans l’éclat du nom qu’il a l’honneur de porter, ce n’est pas seulement dans la magnifique récompense qui vient de l’atteindre, à travers la mémoire de son frère5, qu’on aperçoit le bénéfice pour M. 

2142. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

est-ce l’expression, l’expression, composée de tant de choses, le rythme, le verbe, le mot qui force la mémoire à vibrer et à se souvenir ?

2143. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Duruy, Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, tome XXIX, p. 250-260.

2144. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Je serai toujours ton esclave, mais loin de toi, très loin de toi, pour ne point rappeler à ta mémoire l’infamie de cette nuit. […] Bien que peu versé dans la connaissance de la vieille littérature catalane, nous n’ignorions pas que Vicens Garcia, recteur de Vallfogona, contemporain de Philippe IV et de Quevedo, était un des derniers poètes de sa patrie avant l’engourdissement de sa langue, tel qu’en 1640, le moine Fray Diego Cisteller se crut dans la nécessité d’écrire un Mémoire en défense de la langue catalane pour qu’on l’emploie à la prédication en Catalogne. […] En outre, un savant mémoire lu à l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, par le Premier Président Aragon, est venu, au dernier moment, compléter les sources de notre article, jusque-là rédigé d’après des documents étrangers. […] L’Aimant court par les rues de la ville, on lui demande s’il devient fou, et lui répond qu’il a mis dans, les mains du Seigneur sa volonté et son intelligence, ne se réservant que la mémoire pour se souvenir de lui. […] Je voudrais bien me la rappeler, mais je ne me la rappelle point : elle a fui de ma mémoire, quand je perdis la paix du cœur.

2145. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

J’ai pris le dernier parti, par respect même pour la mémoire du bon géant et par scrupule de conscience. […] Or, je crois d’abord que c’est impossible : quelle que soit l’ingéniosité des méthodes, il faut à la mémoire le temps de faire son travail, et ce temps ne saurait être réduit à ce point. […] Les théologiens, si j’ai bonne mémoire, distinguent, dans le péché, la matière (c’est-à-dire ce que le péché est extérieurement) et la forme (c’est-à-dire ce que le péché est en nous). […] Il les appuyait d’une quantité de documents : actes de naissance, actes de mariage et de décès, notes de fournisseurs et mémoires d’huissiers. […] Et cependant il n’est presque pas un seul de leurs propos, j’en suis sûr, qui ne soit emprunté à quelque document du temps, journaux, lettres, mémoires.

2146. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Dans Saint-Simon, l’écrivain lui plaît, mais l’homme lui est odieux. « … Certes ses Mémoires sont un beau pays, et plantureux à merveille : mais il y a des fondrières et des bêtes venimeuses, et je n’aime pas à me promener en compagnie de ce duc enragé … Tout le jour courbé comme le plus souple courtisan, il éponge les souillures et les scandales ; il se sature et, le soir, il dégorge en flots de lave… Il se cache, il fabrique ses prétendues histoires en secret comme on fabrique de la fausse monnaie … On ne connaît aucun autre exemple d’une telle force ni d’une telle lâcheté… » Lisez tout le morceau, qui est superbe, et où se révèle une fois de plus une âme vraiment noble et bonne (j’y reviens toujours). — Il adore Sévigné et lui passe tout. […] Laissez-nous embaumer votre mémoire, respectueusement, dans cette sublime épitaphe.

2147. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Dans la bibliothèque — car elle avait une bibliothèque — j’ai vu, à côté des bréviaires du métier, Manon Lescaut, les Mémoires de Mogador, etc., etc., les Questions de mon temps par Émile de Girardin. […] On se perd dans les horizons du passé, on rêve aux choses ensevelies, on pense tout haut, on feuillette du souvenir les vieux chefs-d’œuvre, on retrouve et on retire de sa mémoire des citations, des fragments, des morceaux de poèmes, pareils à des membres de Dieux, sortant d’une fouille dans l’Attique.

2148. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Au fond, la poésie de l’art se ramène en partie à ce qu’on appelle la « poésie du souvenir » ; l’imagination artistique ne fait que travailler sur le fonds d’images fourni à chacun de nous par la mémoire. […] C’est pourquoi il faut distinguer le détail simplement exact, qui n’a qu’une importance relative, et le détail intense, saillant, caractéristique, qui éveille tout d’un coup la mémoire nette d’une sensation, d’une émotion éprouvée jadis ou qu’on croit avoir éprouvée.

2149. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

— Encore que la complexité de l’esprit moderne et les nombreuses impressions dont la mémoire est constituée me rendent difficile de fixer mon choix sans hésitation et, que dans le genre même qui est ma préférence, plusieurs noms sollicitent celle-ci, je crois ne pas errer en spécifiant les qualités maîtresses que je demande à mes poètes favoris : la clarté dans la grâce, et dans la grandeur la simplicité antique. […] — Lamartine a écrit quelque part — je cite de mémoire : « Victor Hugo est un grand artiste ; pour moi je ne suis qu’un poète. » C’est très juste.

2150. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Des mots écrits, s’ils furent vraiment écrits pour passer par la voix des hommes, par leur masque et par leurs membres, ne peuvent pas ne pas en garder la mémoire ou comme l’imprégnation. […] Je m’abuse peut-être, mais si utopie il y a, elle est fondée sur des principes-sains et fermes, entièrement conformes à l’axiome de Copeau que vous me permettrez de vous remettre en mémoire : « Il n’y aura de théâtre nouveau que le jour où l’homme de la salle pourra murmurer les paroles de l’homme de la scène en même temps que lui et du même cœur que lui. » En le posant, après une longue expérience, Copeau reconnaissait d’une façon formelle qu’il ne suffit pas pour s’entendre, d’auteur à spectateur, de partager la même conception de l’art. […] Et je terminerai ce recensement nécessairement incomplet, en saluant la mémoire du poète-dramaturge-musicien Claude Duboscq, qui nous laisse un chef-d’œuvre Colombe la Petite, œuvre inclassable, neuve en tout, passant du vers au chant et du chant à la danse, sans rompre la ligne du drame.

2151. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

L’obligation morale Le souvenir du fruit défendu est ce qu’il y a de plus ancien dans la mémoire de chacun de nous, comme dans celle de l’humanité. […] Mais il ne le pourrait pas, même s’il le voulait, parce que sa mémoire et son imagination vivent de ce que la société a mis en elles, parce que l’âme de la société est immanente au langage qu’il parle, et que, même si personne n’est là, même s’il ne fait que penser, il se parle encore à lui-même. […] Le souvenir de ce qu’elles ont été, de ce qu’elles ont fait, s’est déposé dans la mémoire de l’humanité.

2152. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Des quittances de sommes payées par des hommes que tout le monde soupçonnait de les recevoir, des preuves de dilapidations qui ne sont un secret pour personne, des dépêches brèves comme des télégrammes qu’elles sont… J’espère que les mémoires, un jour, nous en diront plus. […] Mercredi 2 novembre Toute la journée j’ai été poursuivi par la mémoire obstinée d’un autre Jour des Morts. […] Je suis seul, et j’ai dans la mémoire et dans les yeux, la pâleur des nombreux soldats malades, que je viens de voir passer sur des cacolets. […] Des cris, des vociférations enterrent cette phrase bourgeoise du critique, qui trouve un bon écrivain dans le père Mainbourg, et déclare détestable la prose des Mémoires d’outre-tombe.

2153. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Même nos ennemis de jadis — je n’entends pas parler des jeannins sans importance, oubliés, dispersés, évanouis, mais de quelques écrivains de valeur qui, d’abord, nous furent hostiles, — même nos ennemis de jadis sont devenus, à de rares exceptions près, nos amis ; eux manquant de mémoire, et nous de rancune, nous nous sommes réconciliés. […] Je n’ai pas voulu passer sans lui sourire devant cette chère et modeste mémoire. […] La phrase sinistre du forçat qui disait à Ranc : « Ça, jeune homme, ça n’est rien ; c’est les puces qui montent », me revint en mémoire. […] À Paris déjà — à propos de la Revue fantaisiste — j’avais eu occasion de le voir chez lui, rue d’Aumale, si j’ai bonne mémoire. […] L’hôtel du Brésil, ou du Pérou, si j’ai bonne mémoire.

2154. (1900) Molière pp. -283

Weiss l’a recueillie à peu près telle quelle, l’a parlée, de nouveau, au papier, en quelque sorte pour mémoire, en vue d’une publicité possible, mais lointaine, et dont l’heure n’est jamais venue. […] Fléchier lui-même a écrit un livre prodigieux, étonnant, sous ce rapport, les Mémoires des grands jours d’Auvergne ; c’est un amas d’assassinats, d’empoisonnements, d’infamies de toutes sortes, commis par les seigneurs d’Auvergne contre des notaires, des avocats, des juges et des baillis de ce pays. […] C’est le Clavijo de Goethe, pièce qui a fait époque dans l’histoire des mœurs, et que je pourrais presque appeler une pièce française, car elle a été découpée dans les Mémoires de Beaumarchais. […] Aussi, messieurs, aujourd’hui que la grandeur de Louis XIV est de toute part si violemment contestée, aujourd’hui que le génie de Saint-Simon, fléau tardif, mais implacable, de son orgueil, a popularisé tant de révélations fâcheuses pour son caractère et son gouvernement, il garde un titre de gloire plus ferme peut-être que tous les autres, parce que les plus acharnés contre sa mémoire n’oseront le lui ravir, c’est de n’avoir pas, tant qu’il fut jeune, redouté l’esprit que Saint-Simon l’accusa, dans sa vieillesse, de haïr ; c’est d’avoir défendu résolument Molière en mesurant la faveur dont il le comblait à la vivacité des attaques dirigées contre lui, et c’est aussi d’avoir laissé cet autre grand homme et cet autre honnête homme, l’émule de Molière dans la peinture des mœurs et la critique impitoyable de la société du xviie  siècle, le sage et triste La Bruyère, jouir en paix de son indépendante solitude. […] Cardinal de Retz, Mémoires, IIe partie, chap. 

2155. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Mais voilà que, au bout de cinq minutes, à peine quelques ripostes échangées, à peine les idées mises en mouvement, la causerie s’arrête, et c’est fatal : la mémoire déserte refuse ces rapprochements imprévus, ces analogies qui, jaillissant à mesure des intelligences approvisionnées, ravivent à tout moment la conversation, qui semblait épuisée et qui recommence à courir de plus belle. […] Tel est, en gros, ce livre des Prophètes du passé, livre politique et religieux à la fois, où sont glorifiées les mémoires de M. de Maistre et de M. de Bonald ; — d’où il sort, en résumé, que la séparation de l’Église et de l’État est mortelle… pour l’État, et qui conclut énergiquement à la théocratie. […] Je ne mentionne que pour mémoire l’École romantique, depuis longtemps morte pour tout le monde, hormis pour M.  […] N’est-ce pas le grand critique Proudhon qui disait… à peu près, car je n’ai pas le texte en mémoire : Un artiste fait venir dans son atelier une jeune femme ou un jeune garçon, drape ce modèle à la grecque, le reproduit en marbre ou sur la toile, et s’adressant ensuite au public : « Voici un éphèbe, voici une courtisane athénienne. » Insensé, qui ne voit pas que les habitudes du corps moderne ne concordent pas avec le vêtement ancien ; que, malgré l’ingénieuse façon dont il aura disposé la draperie autour de son modèle, l’aisance, le mouvement naturel, la Vie ne persistera pas sous cet accoutrement inusité, et qu’en place du jeune Grec et de la belle Athénienne, il nous donnera je ne sais quels personnages de convention qui laisseront le public indifférent !

2156. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

En littérature française, jeune il avait causé avec M. de Malherbe, et il le citait quelquefois ; mais il en avait gardé mémoire bien moins pour ses odes ou sa réforme de la langue que pour ses gaillardises.

2157. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

. — Mettant à profit ce qu’il a vu en 1792, et écrivant, comme il le dit, non d’imagination, mais de mémoire, il rappelle les principes auxquels on ne revenait qu’avec lenteur, car les révolutions aussi ont vite leur routine ; il montre le nouveau pouvoir exécutif tel qu’on l’a conçu avec méfiance, incomplet, démembré, mutilé : Il était très bon sans doute d’ôter les forces à un mauvais gouvernement, disait-il, mais il est absurde de n’en pas donner à celui qu’on travaille à rendre bon. — Le Directoire exécutif, tel que le projet l’annonce, est un berceau, qu’on nous passe ce mot, un nid de factions ennemies ; et sa destinée serait de ressembler bientôt à tous les conseils de gouvernement que nous avons vus en France depuis trois ans, où Roland et Pache, Robespierre et Billaud se sont tour à tour arraché la puissance… Je n’entre pas dans le détail des voies et moyens, des remèdes plus ou moins efficaces qu’il proposait ; je ne fais qu’indiquer la ligne générale de Roederer en ces années.

2158. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

» Et je répondis, pour avoir matière de parler : « Nenni. » — « Et je vous le dirai, dit l’écuyer, afin que vous le mettiez en mémoire perpétuelle quand vous serez retourné dans votre pays et que vous aurez de ce faire plaisance et loisir. » De cette parole je fus tout réjoui et répondis : « Grand merci. » Notez qu’à la première question que lui adresse l’écuyer, s’il a déjà entendu parler de ce voyage, Froissart fait semblant de n’en rien savoir pour mieux tout apprendre.

2159. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Mémoires du comte de Senfft, page 247, 58.

2160. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

L’amour reproduisait à sa mémoire ornée le sacrifice de Simèthe cherchant à rappeler un infidèle par un des noms d’un passereau consacré à Vénus ; il invoquait la Nuit et la Lune… »  Je ne sais s’il fit, en effet, toutes ces choses que le génie, cet autre enchanteur, peut à son gré remuer et évoquer.

2161. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Mais, ayant été placé chez un curé du pays vers l’âge ordinaire de la première communion, les développements qu’il entendit éveillèrent sa contradiction sur quelques points ; l’amour-propre se mit en jeu ; les arguments philosophiques qu’il avait lus lui revenaient en mémoire.

2162. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Mémoires sur la mort de Louis XV La maladie d’un roi, d’un roi qui a une maîtresse, et une c… pour maîtresse, d’un roi dont les ministres et les courtisans n’existent que par cette maîtresse, dont les enfants sont opposés d’intérêts et d’inclination à cette maîtresse, est une trop grande époque pour un homme qui vit et qui est destiné à vivre à la Cour, pour ne pas mériter toutes ses observations.

2163. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Mémoires de M. de Bouillé, 70. — Cf. 

2164. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Telle est la question, et on ne la résout pas en disant, comme beaucoup de psychologues, que nous avons telle ou telle faculté, la conscience, la mémoire, l’imagination ou la raison.

2165. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Un autre mit en roman le siège de Troie, non d’après Homère sans doute, ce témoin mal informé : mais il lisait les mémoires du Crétois Dictys, un des assiégeants, ceux surtout du Phrygien Darès, qui fut dans la ville assiégée ; et c’était là de bons témoins, qui n’ignoraient rien et ne laissaient rien ignorer.

2166. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Ils avaient l’esprit et la faconde, une mémoire bien garnie qui les faisait disposer de l’esprit et de la faconde des autres : et ils lisaient le livre, qui donne la science, ils lisaient l’Art d’aimer.

2167. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Certaines de ces figures se dressent dans la mémoire et oppriment les autres ; certains de ces romans laissent d’eux-mêmes une impression plus nette et plus profonde : et c’est de ceux-là seulement qu’il importe de parler.

2168. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Il est évident qu’un Souday vaut dix, vaut cent, vaut mille Gaston Deschamps, l’aristarque de ridicule mémoire auquel il a succédé et qu’Henri de Régnier est un autre connaisseur en Belles-Lettres que MM. 

2169. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Jusqu’en 1796 rien n’avait été fait en l’honneur de sa mémoire.

2170. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Ce Laffemas, dont le roman et le drame écartèlent depuis si longtemps la mémoire dans une boue sanglante, était un de ces sbires nés pour l’espionnage, comme les levriers pour la chasse.

2171. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Selon que le système nerveux est plus ou moins complexe, selon qu’il comporte des centres d’inhibition plus ou moins nombreux, plus ou moins forts, scion que la faculté d’imaginer et la mémoire sont plus ou moins puissantes, plus ou moins capables de combattre les excitations immédiates par la représentation d’excitations futures ou passées, selon le degré de force ou de faiblesse également de cette excitation immédiate, au gré de toutes ces causes purement organiques, l’individu se forme une conception du bonheur plus ou moins brutale, plus ou moins abstraite et raffinée.

2172. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

in 4°. sous le titre de Mémoires pour la vie de François Pétrarque, tirés de ses œuvres & des auteurs contemporains, avec des notes ou dissertations, & les piéces justificatives.

2173. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Byron raconte, en ses Mémoires, qu’il fut témoin de l’introduction, dans les salons de Londres, de miss Edgeworth, et qu’elle ressemblait à l’idée qu’on peut se faire de Jeannie Deans.

2174. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

On s’autorisait de sa mémoire pour se rallier à des mesures patriotiques.

2175. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Corollaires relatifs aux antiquités romaines, et particulièrement à la prétendue monarchie de Rome, à la prétendue liberté populaire qu’aurait fondée Junius Brutus En considérant ces rapports innombrables de l’histoire politique des Grecs et des Romains, tout homme qui consulte la réflexion plutôt que la mémoire ou l’imagination, affirmera sans hésiter que, depuis les temps des rois jusqu’à l’époque où les plébéiens partagèrent avec les nobles le droit des mariages solennels, le peuple de Mars se composa des seuls nobles… On ne peut admettre que les plébéiens, que la tourbe des plus vils ouvriers, traités dès l’origine comme esclaves, eussent le droit d’élire les rois, tandis que les Pères auraient seulement sanctionné l’élection.

2176. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Mémoires de l’Acad. des inscrip. et belles-lettres, t. 

2177. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Que leur mémoire nous pardonne !

2178. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Louis Racine dit la même chose et ne dit rien de plus dans ses Mémoires (1747). […] Pour toutes ces raisons il faut rejeter l’historiette célèbre dans le domaine des fables. « Il était bon de ne pas laisser peser sur la mémoire de l’exquise Henriette d’Angleterre cette faute de caractère ou cette faute de goût que la tradition s’obstine à lui attribuer gratuitement. […] En tout cas, que la princesse, malgré le deuil où elle était de sa mère, ait eu l’idée du duel, c’est très possible, et cela ne ternirait pas sa mémoire autant que l’estime M.  […] C’était le même homme qui quelque temps après, tout près de mourir, regardait et touchait ses joues creusées en disant : « Ce serait un peu beau, cela, pour jouer Tibère. » Tant y a qu’il joua Danville et que cette interprétation, autant que la pièce, laissa une profonde impression dans la mémoire des spectateurs : j’en ai encore entendu parler dans ma jeunesse. […] Il vaut bien mieux me cacher dans l’armoire ; Le moyen est plus neuf, si j’en crois ma mémoire.

2179. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

La moitié du talent, ici, est dans une bonne mémoire. […] II Mais voici de la même main un nouveau fragment d’un roman de mœurs ; roman aussi prodigieux d’invention que l’autre est prodigieux de mémoire.

2180. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Mais l’éducation, tout un amas de vieille science, accumulée dans leur mémoire, obscurcissait leur lucidité, empêchait leur totale expansion. […] Quant à Musset, son théâtre, seul digne de sa mémoire, laisse le peuple indifférent, — tandis que ses mauvais vers feront pâmer longtemps les demi-vierges sentimentales, toujours plus rares, et les petits « don Juan » qui n’ont pas lu Tinan !

2181. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Et, au bout de tout cela, quand on se demande quels sont enfin les résultats de cette débauche de critique, les fortes paroles de Bossuet sont encore celles qui reviennent invinciblement en mémoire : « Qu’on me dise s’il n’est pas constant que, de toutes les versions et de tout le texte quel qu’il soit, il en reviendra toujours les mêmes lois, les mêmes miracles, les mêmes prédictions, la même suite d’histoire, le même corps de doctrine et enfin la même substance ? […] » Ce fromage blanc ne m’est jamais sorti de la mémoire.

2182. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — La Mémoire des Dates, comédie en un acte (Grand Guignol), 1905. — Le Bel Atout, comédie en 3 actes (Trianon), 1905. — Cricri, comédie en un acte, (Eldorado), 1905. — Le Gardien de Square (Théâtre Royal), 1906. […] Œuvres. — L’Armette, Crépin-Leblond, Moulins, 1894. — Au pays de Berri, Lemerre, 1898. — La Bonne Dame de Nohant, Soc. des Public., 1897. — Sainte Soulange, Crépin-Leblond, 1808. — Noëls Berriauds, éd., 1898. — Les Chansons Berriaudes, éd., 1899. — Vielles et Cornemuses, éd, 1901. — Les Mémoires d’un Bouvreuil, Combet, 1901. — Auvent de Galène, Crépin-Leblond, 1903. — Le Patois Berrichon, Crépin-Leblond, 1903. — Le Courrandier, Combet, 1904. — Les Rimoueres d’un Paysan, Sansot et Cie, 1905.

2183. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Le premier écrivain réaliste, si ma mémoire ne me fait pas défaut, est, il me semble, M.  […] Les noms qui ont fait souvent le plus grand bruit à leur époque, et c’est surtout en ce qui concerne le roman, tombent des mémoires et ne se retrouvent plus guère que dans des traités spéciaux de littérature.

2184. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Dans l’enfance on nous prononçait des mots ; ces mots se fixaient dans notre mémoire et le sens dans notre entendement ou par une idée ou par une image, et cette idée ou image était accompagnée d’aversion, de haine, de plaisir, de terreur, de désir, d’indignation, de mépris. […] Si je vous parle du clair de lune de Vernet dans les premiers jours de septembre, je pense bien qu’à ces mots vous vous rappellerez quelques traits principaux de ce tableau ; mais vous ne tarderez pas à vous dispenser de cette fatigue, et bientôt vous n’approuverez l’éloge ou la critique que j’en ferai que d’après la mémoire de la sensation que vous en aurez primitivement éprouvée, et ainsi de tous les morceaux de peinture du sallon, et de tous les objets de la nature.

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