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1667. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

À propos de Mme de Hautefort qui, avec sa fermeté sans douceur et son esprit attaché à son sens , résiste âprement à la reine, Mme de Motteville nous expose toute sa morale de cour à elle-même, une morale tempérée et non relâchée : Nous pouvons dire nos avis à nos maîtres et à nos amis, pense-t-elle ; mais quand ils se déterminent à ne les pas suivre, nous devons plutôt entrer dans leurs inclinations que suivre les nôtres, quand nous n’y connaissons point de mal essentiel, et que les choses par elles-mêmes sont indifférentes. […] On voit que c’eût été une royaliste assez libérale que Mme de Motteville ; mais cette femme d’esprit et de sens, qui assiste à ces scènes terribles, et qui les raconte, n’est pas dupe des grands mots, ni des apparences ; elle y mêle de ces remarques qui honorent l’historien, et que les politiques ne désavoueraient pas : « Quand les sujets se révoltent, dit-elle, ils y sont poussés par des causes qu’ils ignorent, et, pour l’ordinaire, ce qu’ils demandent n’est pas ce qu’il faut pour les apaiser. » Elle nous montre ces magistrats mêmes, qui avaient été les premiers à émouvoir le peuple, s’étonnant bientôt de le voir se retourner contre eux et ne les pas respecter : « Ils se reconnaissaient la cause de ces désordres, et n’y auraient pu remédier s’ils avaient voulu l’entreprendre ; car, quand le peuple se mêle d’ordonner, il n’y a plus de maître, et chacun en son particulier le veut être. » Rentrons un peu en nous-mêmes, et demandons-nous si ce n’est pas là encore notre histoire.

1668. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Dans la première entrevue qu’il eut avec Bonaparte, il y fut fait allusion par une phrase gracieuse du maître. […] Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise.

1669. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud, dans les opuscules qu’on lui reproche et où il flétrit la tyrannie de Robespierre, se rattachait surtout à Rousseau, comme à l’adversaire du matérialisme, au maître et au patron de ce qui formait alors le groupe des hommes sensibles ou de ce que nous appellerions l’école de la rêverie. […] Bien des documents ne lui étant survenus que pendant qu’il composait, l’auteur n’a été maître de son sujet que successivement.

1670. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

La seconde raison, c’est qu’il en a été excellemment parlé par des maîtres, et qu’il est inutile de venir répéter faiblement ce qui a été bien dit une fois. […] Le livre sur les Romains est celui où l’auteur se contient le plus ; il est maître de lui d’un bout à l’autre ; il a le ton ferme, élevé, simple, et tout à la hauteur de la majesté du peuple-roi.

1671. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Le stock immense, dont Edouard Drumont a compulsé les pièces, resta en dehors des Mémoires, sous la garde jalouse des eunuques sans sultan qui les détenaient, par le fait d’un pouvoir, routinier et indifférent, qui les laissait faire, et non par une volonté de maître qui veut ce qu’il veut, et qui ordonne… Ces muets ineptes, qui ne gardaient leur trésor pour personne, pas même pour eux, n’avaient pas même l’égoïsme de leur ineptie. […] … Vous faites des coups d’État a la Richelieu, et vous voulez, comme lui, vous montrer évêque par des pièces qui, en ce genre, seraient enviées des maîtres… C’est un trait, que la manière dont vous parlez à votre troupeau de votre absence ; mais, il faut vous le dire, vous savez trop, à la fin, et vous ajoutez à la brutalité de l’étonnement !

1672. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

ce grand homme sut s’arracher aux enivrements de la causerie dans laquelle il était passé maître, et qui dévora Rivarol. […] Et j’ajoutai : nous aurons quelque soldat heureux, car les révolutions finissent toujours par le sabre : Sylla, César, Cromwell… Si, après la Ligue, nous n’avions pas eu un maître, c’en était fait de la Maison de Bourbon.

1673. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Aussi irréfléchi que faux est le jugement que j’avais répété, d’après mes maîtres des différentes écoles philosophiques, que le déisme, détruit en théorie par la logique, ne subsiste plus que piteusement dans le domaine d’une foi agonisante. […] Éclatante réplique au fameux axiome : Mens sana in corpore sano, de l’École de Salerne, qui renvoie si fièrement à l’école cette École… Heine, à travers la sympathique pitié qu’il est impossible de ne pas sentir pour des maux si grands, inspire pourtant je ne sais quelle joie orgueilleuse à ceux-là qui croient à la spiritualité humaine et qui pensent que, dans la créature de Dieu, les organes ne doivent pas être les maîtres, mais les serviteurs.

1674. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

En un mot, il est un point élevé où l’art, la nature et la morale ne font qu’un et se confondent, et c’est à cette hauteur que tous les grands maîtres dramatiques que l’humanité aime à reconnaître pour siens se sont rencontrés.

1675. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

On a tant abusé de l’hospitalité avec ce pays-là qu’il croit sans doute que cette promesse est une manière de se faire bienvenir et de s’assurer de la part du maître toutes sortes de petits avantages.

1676. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Il excelle et il est maître toutes les fois qu’il parle du gaspillage de l’esprit.

1677. (1874) Premiers lundis. Tome I « [Préface] »

Sainte-Beuve, insérés dans Le Globe à partir de l’année 1824, nous ne faisons que réaliser un projet exprimé par lui dans la dernière édition des Portraits Contemporains, peu de mois avant sa mort (1869) : « Je me propose pourtant, dit-il, si je vis, de donne dans un volume à part la suite de mes articles au Globe ; on me dit que ce ne serait pas sans intérêt, et je me suis laissé persuadera. » Mais nous ne nous sommes pas borné seulement aux articles du Globe, qui sont le point de départ et comme la préface de cette publication, et nous avons recherché dans d’autres recueils postérieurs tout ce qui, à notre connaissance, était encore épars de l’œuvre du maître.

1678. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Lisez et relisez Bossuet, ce maître incomparable : jamais son style n’a une plus exacte propriété que dans ces métaphores, ces hyperboles, ces mouvements et ces figures qui se pressent sur ses lèvres.

1679. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Car, à peine maîtres du pays, ils se sont mis à parler le latin, comme l’Église, qui les baptisait.

1680. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Ce primitif avait reçu de la nature le don de l’expression, qu’il perfectionna, auprès de son vieux maître, par une discipline de dix années.

1681. (1890) L’avenir de la science « VII »

Le livre chrétien par excellence, l’Imitation, après avoir débuté comme le Maître de ceux qui savent par ces mots : « Tout homme désire naturellement savoir », avait toute raison d’ajouter : « Mais qu’importe la science sans l’amour ?

1682. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Oui, si nous étions maîtres, nous résoudrions le problème de la liberté religieuse, que ne résoudront jamais ni les sectaires ni les irréligieux.

1683. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Racine, celui des quatre amis dont le caractère avait le plus d’élévation, celui à qui les autres étaient le moins nécessaires, celui dont la marche était la plus sûre à la cour, n’aidait de son talent, ni même n’accréditait par une approbation éclatante, ni la satire directe, ni la comédie satirique ; mais s’il n’était pas celui qui se fît le plus craindre de l’ennemi, c’était celui qui flattait le plus noblement le maître, celui dont l’éloge avait le plus de poids, et qui donnait à l’agrégation des quatre amis le plus de sûreté et de stabilité, parce qu’il était celui qui affectionnait le plus les autres et avait au plus haut degré leur confiance.

1684. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Au contraire, une confiance joyeuse, une ardeur singulière et un intérêt puissant les stimulent à se persuader qu’à tout moment ils sont maîtres de changer leur destinée en modifiant souverainement la forme de leur âme, en modifiant aussi en quelque mesure la forme du monde.

1685. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Virgile et Dante sont ses divins maîtres.

1686. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Il avoit dit d’un ton de maître, au milieu d’une compagnie nombreuse & choisie, qu’on trouveroit telle chose dans tels & tels auteurs.

1687. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Qui que tu sois, voici ton maître ; Il l’est, le fut, ou le doit être.

1688. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Un seul maître : Jésus-Christ.

1689. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

En revanche, disposez de mon travail comme il vous plaira ; vous êtes le maître d’approuver, de contredire, d’ajouter, de retrancher.

1690. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Si c’est une servante, elle a tort d’être appuyée sur le dos de la chaise de son maître, et je ne sais pourquoi elle envie si violemment le sort de sa maîtresse.

1691. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Quel sujet cependant pour un grand maître par le charme et la variété des natures !

1692. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

On n’examine pas long-temps les ouvrages des grands maîtres sans s’appercevoir qu’ils n’ont pas regardé la régularité et les beautez de l’execution comme le dernier but de leur art, mais bien comme les moïens de mettre en oeuvre des beautez d’un ordre superieur.

1693. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Il ne sçavoit s’il avoit eu tort de croire que Jodelet maitre et valet, et Dom Japhet D’Armenie , fussent dans le bon goût, ou s’il avoit tort de penser que c’étoit le Misantrope qui étoit dans le bon goût.

1694. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Il y en a de criantes, celle-ci entre autres : « Un Buffon, dit-il, un Chateaubriand, un Flaubert n’eurent d’autres maîtres qu’eux-mêmes, ne subirent d’enseignement que celui de leur génie », Rien n’est plus faux.

1695. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Il a privé Renan, pour tous les livres qu’il écrira désormais, de la foi qu’on doit à la parole du maître et de l’autorité de l’enseignement.

1696. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

La raison en est simple : dans ces premiers temps, l’homme, plus indépendant et plus fier, était plus près de l’égalité ; la faiblesse et le besoin ne s’étaient point encore vendus à l’orgueil, et le maître, en enchaînant l’esclave, ne lui avait point encore dit : « Loue-moi, car je suis grand, et je daignerai te protéger, si tu me flattes. » On sent qu’alors pour être loué, il fallait des droits réels, et ces droits ne purent être que des services rendus aux hommes.

1697. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Il a contre lui les ressentiments vagues et sourds des anciens pouvoirs qu’il a dépossédés, états provinciaux, parlements, grands personnages de province, nobles de la vieille roche qui, comme des Mirabeau, conservent l’esprit féodal, et, comme le père de Chateaubriand, appellent l’abbé Raynal un « maître homme ». […] Ils ne sont pas capables de pousser le raisonnement si loin, mais ils disent oui à beaucoup d’énormités, parce que c’est la mode et qu’ils ne savent comment contredire. » À présent que « les petits maîtres sont surannés » et que tout le monde « est philosophe », ils sont philosophes ; il faut bien être comme tout le monde. […] Vivons-nous sous la loi d’un maître absolu, ou sommes-nous régis par un pouvoir limité et contrôlé ? 

1698. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Ajoutez que, s’il est rencontré dans son âge de faiblesse par un autre homme isolé plus fort que lui, il devient à l’instant sa victime ou son esclave ; en sorte que le premier phénomène que présente la première société, c’est un maître et un esclave, un bourreau et une victime, jusqu’à ce que par les années la force du plus âgé devienne faiblesse, et la faiblesse du plus jeune devienne force et oppression, que les rôles changent, et que l’esclavage alternatif passe de l’un à l’autre avec la force brutale. […] Sa première loi est de veiller à sa propre conservation ; ses premiers soins sont ceux qu’il se doit à lui-même ; et sitôt qu’il est en âge de raison, lui seul, étant juge des moyens propres à se conserver, devient par cela seul son propre maître !  […] On se demande si, quand l’état de mariage les fait suivre forcément hors du foyer de la famille un maître ou un époux qui les assujettit à son empire, elles doivent emporter dans des familles étrangères la propriété héréditaire de leur propre famille.

1699. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Le Tasse, dans sa réponse pleine de sens, de modestie et d’admiration pour l’Arioste, son modèle et son maître, décline cette gloire. […] Le Tasse reconnaît lui-même plus tard, dans deux passages de ses œuvres, écrits hors des États de Ferrare (huitième et dixième volume de ses lettres), que le duc de Ferrare, dans cette circonstance, lui montra l’affection « non d’un maître, mais d’un frère et d’un père ». […] Mais, ajoutai-je, vous en êtes peut-être le maître ?

1700. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Ton seigneur et maître, c’est le public qui te paie ; écris selon son goût, non selon le tien. […] le héros se trouve être un ingénieur, un maître de forges, un chimiste. […] Les gens ne sachant pas lire commençant à devenir une rareté, le public qui contribue à la rémunération de ceux qui écrivent est devenu le peuple presque tout entier, et mieux vaut dépendre de cent mille maîtres que d’un seul ou de deux ou trois tyran neaux.

1701. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Il faut espérer, Monsieur, que ce Public ouvrira enfin les yeux sur ses prétendus Maîtres, & que des lumieres plus saines le forceront de reconnoître cette vérité, que jamais notre Siecle n’a eu plus besoin d’être éclairé, que depuis que les Philosophes nous éclairent. […] Ses ennemis diront qu'il n'eût pas dû raisonner sur ce qu'il ne connoissoit pas à fond, ou du moins qu'il eût dû mieux choisir ses Faiseurs d'extraits ; mais je leur répondrai que Jupiter a eu ses foiblesses, & que si, pour s’être fait Taureau, il n’a point cessé d’être le Maître des Dieux, M. de Voltaire, pour s’être quelquefois oublié, n'a point cessé d’être Voltaire, c’est-à-dire, le Maître des Beaux-Esprits, des Savans, des Philosophes, des Poëtes, des Historiens, & des Littérateurs de toutes les especes.

1702. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Mais si les détails du décor et de l’action sont réduits au strict nécessaire, si les scènes sont étrangement sobres de mouvement, les caractères des personnages y apparaissent fouillés par le scalpel d’un maître. […] Donc, maintenant encore, les morts sont nos maîtres réels. […] * *   * Traditionalistes au même degré, et, pour arriver à décrire tous les mouvements de l’histoire contemporaine, provoquant de constants débats entre les idées contradictoires dont le monde moderne est travaillé, tels nous apparaissent divers écrivains dont quelques-uns sont depuis longtemps des maîtres.

1703. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Il ne voit pas plus que son maître que l’œuf est sorti de la poule et du coq. […] Il était né avec le bon sens, — le maître des affaires , a dit Bossuet, et j’ajoute : le maître de l’esprit qui l’a et dont il doit diriger les facultés, sous peine d’être emporté par elles !

1704. (1903) Propos de théâtre. Première série

Il était tellement le maître partout ailleurs qu’au théâtre, depuis Périclès, qu’il n’y avait aucun inconvénient à ce qu’on se moquât un peu de lui sur les tréteaux. […] Jules Lemaître était passé maître quand il daignait s’occuper de littérature, et où M.  […] Mon regretté maître, Francisque Sarcey, n’en croyait rien non plus. […] Ce style, Racine l’a attrapé du premier coup, en a usé mieux même que Molière, aussi bien que Regnard, passé maître en ce genre, en usera plus tard. […] Un des traits les plus frappants du caractère féminin, le penchant à se laisser dominer tout en se croyant maître, est très nettement marqué dans le rôle d’Athalie.

1705. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Elles donnent à qui les suit en rêvant la sensation d’être le maître d’un merveilleux domaine. […] Monet a aussi peu de discernement que Victor Hugo ; il est le peintre, Victor Hugo est le poète ; il est le maître des couleurs, comme Victor Hugo est le maître des images. […] Ne souffrez pas de conseils ; repoussez-les, bouchez-vous les oreilles : laissez vos yeux maîtres de leur choix. […] Les maîtres de la langue écrite, ce sont les écrivains, et le public est leur juge. […] Bourdeau, les Maîtres de la pensée contemporaine.

1706. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

» Il serait assez convenable que le public apprenne enfin qu’il existe une génération plus jeune et aussi originale que celle dont les maîtres furent Baudelaire et Mallarmé. […] Car, à considérer les aspirations, chaque jour précisées davantage, des nouveaux poètes et aussi leur piété pour les maîtres qu’ils se sont élu, Hégel et Novalis, le pastorisant et familier Emerson, Swedenborg, dont la religion est la seule, formulait Balzac, qui puisse convenir à un être supérieur, on pourra se persuader de la justesse de cette expression. […] Il reste, par excellence et par essence, le Rhéteur, semblable à ces maîtres de l’éloquence que virent fleurir successivement Alexandrie et la Rome du Bas-Empire. […] Ces maîtres apprenaient aux idéologues l’art préparé des métaphores. […] Et comme le grand optimiste d’Amérique, son aïeul et son maître, il a clamé la joie de vivre.

1707. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Crispin rival de son maître. […] Cette conférence qui était, d’une part, d’un maître de la mise en scène et, d’autre part, très documentée, M.  […] Quant au mélodrame, sur quoi je n’ai pas besoin d’insister, il est fait de main de maître. […] Parce que, tous tant que nous sommes, nous avons chacun, de par le monde, quelqu’un qui est notre maître prédestiné et dont nous sommes le domestique préfix. […] Maître d’école lisant à ses bambins Le Petit Chaperon rouge : « Mes enfants, c’est une bouteille.

1708. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

La Villa sans Maître, de M.  […] Dans un accès de désespoir, il quitte sa famille, sa terre, il veut changer de destin, il laisse la villa sans maître. […] Mais le pastiche des maîtres demeure un dangereux exercice pour le poète qui s’y livre. […] Après quoi, les anciens disciples du maître se sont tour à tour dispersés, et c’est ainsi que nous avons pu voir M.  […] Mais, si nous étudions d’un peu près les auteurs et les philosophes que les récentes générations se sont choisis et suivent encore comme des maîtres et comme des exemples, nous n’en verrons aucun qui se soit élevé à la suprême dignité d’un apôtre du cœur et qui se soit soucié de rehausser la sensibilité abolie, anémiée ou corrompue de ses concitoyens.

1709. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Par suite de cette confusion d’attributions qui faisait de lui à la fois une manière de grand maître de l’instruction publique et de directeur des Menus, Roederer, en revenant d’inspecter le prytanée de Saint-Cyr, se rendait à Versailles pour y juger des débuts de Mlle Duchesnois dans le rôle de Phèdre ; car c’est du passage de Roederer à l’administration des théâtres que datent l’entrée de Mlle Georges et de Mlle Duchesnois à la Comédie-Française, et l’admission de Mlle Bigottini à l’Opéra. […] Je l’aime pour en tirer des sons, des accords, de l’harmonie… Le militaire est une franc-maçonnerie ; il y a entre eux tous une certaine intelligence qui fait qu’ils se reconnaissent partout sans se méprendre, qu’ils se recherchent et s’entendent ; et moi je suis le grand maître de leurs loges… Il n’est rien à la guerre que je ne puisse faire par moi-même.

1710. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Cependant, sans cette faculté, il n’y a point d’homme d’État, il n’y a que des serviteurs mercenaires, intelligents si vous voulez ; mais, n’étant jamais que le centre de leur cercle, ils ne travaillent que pour ce qui est vu, pour ce qui leur fait honneur, pour ce qui leur attire récompense, et tout le reste est négligé et abandonné ; et bientôt le maître clairvoyant se dégoûte de tel serviteur. […] Trois ans après, en mai 1744, le cardinal de Fleury étant mort, le roi nomma M. d’Argenson conseiller au conseil royal, à la condition qu’il quitterait les affaires du duc d’Orléans, car on ne peut servir deux maîtres.

1711. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Elle n’était populaire que pour dominer, et croyait qu’on serait toujours maître de ce Tiers qu’elle carressait pour en faire le corps d’armée de Necker, par qui elle prétendait régner. […] Ce Saint-Alban père a la passion de l’indépendance ; à peine maître de lui-même, dès sa jeunesse, il s’est affranchi de la gêne des devoirs de la société et s’est livré à un goût raisonné pour le plaisir, avec un petit nombre d’amis ou de complaisants qui formaient une petite secte de philosophes épicuriens dont il était le chef : Le goût des plaisirs, le mépris des hommes, et l’amour de l’humanité et de tous les êtres sensibles, formaient la base de leur système ; mon père (c’est son fils qui parle) méprisait les hommes en théorie par-delà ce qu’on peut imaginer, et cédait à chaque instant à un sentiment de bienveillance et d’indulgence qui embrassait les plus petits insectes.

1712. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Poirson, l’un de nos anciens maîtres, l’un des premiers et des plus utiles fondateurs de l'enseignement de l’histoire dans nos collèges, qui a dirigé pendant nombre d’années le lycée Charlemagne et l’a maintenu avec éclat à la tête des concours universitaires, M.  […] Quand le soleil, sur les six heures du soir, commençait à perdre la force de ses rayons, on nous menait promener vers le champ des moissonneurs, et ma mère y venait aussi bien souvent elle-même, ayant toujours mes sœurs et quelques-unes de mes tantes avec elle… Elles s’allaient toutes reposer en quelque bel endroit d’où elles prenaient plaisir de regarder la récolte, tandis que nous autres enfants, sans avoir besoin de ce repos, nous allions nous mêler parmi les moissonneurs, et, prenant même leurs faucilles, nous essayions de couper les blés comme eux… Après la moisson, les paysans choisissaient un jour de fête pour s’assembler et faire un petit festin qu’ils appelaient l’oison de métive (c’est le mot de la province) ; à quoi ils conviaient non seulement leurs amis, mais encore leurs maîtres, qui les comblaient de joie s’ils se donnaient la peine d’y aller.

1713. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Que diriez-vous si, voulant écrire l’histoire de la poésie au xixe  siècle, on allait mettre en ligne un à un, à côté des cinq ou six noms de maîtres qui ont donné le coup d’archet et mené la marche, les auteurs des innombrables recueils de vers, publiés depuis trente ou quarante ans, sous prétexte que dans presque chacun de ces volumes il y a quelque chose ? […] Louise poète a beau faire, elle se ressent un peu de son maître lyonnais, Maurice Scève, le plus obscur et le plus âpre des doctes rimeurs du temps.

1714. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Vite je lui offre mes services ; je porte ma pharmacie ; dans une minute nos bagages encombrent toute sa maison ; nos chameliers s’emparent de tous les coins ; nous voilà maîtres du logis… » Qui donc sait mieux raconter en écrivant ? […] Qu’est-ce que de la peinture et les grands maîtres, lorsqu’on traite directement avec la nature, et une nature toute divine, toute poétique !

1715. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Le xviie  siècle cherchait encore, et, pour n’en être plus à son coup d’essai, il n’avait pourtant pas donné son coup de maître. […] Elle explique à sa gouvernante que si Rodrigue, par bonheur, sort vainqueur du combat (car un page vient d’annoncer qu’il y a sans doute un combat), s’il vient à bout d’un si grand guerrier qu’est le comte, elle pourra alors l’épouser dignement, l’élever jusqu’à elle ; et elle le voit déjà assis sur un trône, maître des Espagnes, vainqueur des Maures, conquérant de l’Afrique, etc.

1716. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Il commença par se rendre maître de ce qu’on appelait la Flandre hollandaise, c’est-à-dire de toutes les places en deçà d’Anvers. […] j’en suis rassasié de la guerre, comme si j’en avais mangé à petites cuillerées. » Ce qui est probable, c’est que s’il avait été le maître, il y aurait eu des jours où le démon de l’ambition lui aurait dit : « Poursuis et marche ! 

1717. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le voilà donc général de brigade au lendemain d’Austerlitz ; tout lui a souri jusqu’ici : il a forcé l’entrée de la grande carrière ; il est au premier rang des émules dans cette arme d’avant-garde qui cite avec orgueil les noms des Conflans, des Ziethen, parmi les maîtres du genre et les héros du passé, et qui, après le brave Stengel, légué par l’ancien régime à l’armée d’Italie77, a déjà sa pléiade nouvelle, les Murât, les Kellermann, les Lasalle, les Colbert… Pourquoi, comme eux, n’arriverait-il pas à la gloire ? […] — C’est qu’il n’est pas militaire, et que je le suis ; tous me reconnaissent pour leur maître.

1718. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Dans une édition que j’ai sous les yeux et qui n’est pas la première, dans l’édition de 1561, je note tout d’abord une disparate : ce sont des distiques grecs de Jean Dorât qui sont en tête et par lesquels le savant maître félicitait Du Bellay de son apologie de la langue française ([mots en grec]). […] Mais il reste toujours cette contradiction piquante qui exprime bien la confusion du temps et qui montre un maître de la précédente école un peu étonné et tout lier de son disciple émancipé.

1719. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Celui qui la professa le premier et avec le plus d’autorité, le maître des théories en cette matière, M. […] Un autre esprit, maître plutôt en fait d’art, un écrivain, un peintre original et vigoureux, allait aborder l’histoire de front par une prise directe, immédiate ; il allait y porter une manière scrupuleuse et véridique, et, si l’on peut dire, une fidélité passionnée.

1720. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

A nos poëtes lyriques ou épiques, il semble dire : « On n’aime plus que l’esprit colossal. » A tel qui violente la langue et qui est pourtant un maître : « Nous devons reconnaître pour maîtres des mots ceux qui savent en abuser, et ceux qui savent en user ; mais ceux-ci sont les rois des langues, et ceux-là en sont les tyrans. »  — Oui, tyrans !

1721. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

A peine arrivée le soir au château où elle devait coucher, Mme de Krüdner et son monde se mirent donc à prêcher et le maître et les gens ; et, comme il y avait menace d’orage ce soir-là, le bon gentilhomme de campagne, qui craignait que le vent n’enlevât sa toiture, et qui avait hâte d’aller fermer les fenêtres de son grenier, se voyant arrêté sur l’escalier par une prédication, trouvait que c’était mal prendre son heure. […] Voici, j’imagine, à peu près comme il raisonnerait, et j’emprunterai le plus que je pourrai les paroles mêmes des maîtres : « Les dames galantes qui se donnent à Dieu lui donnent ordinairement une âme inutile qui cherche de l’occupation, et leur dévotion se peut nommer une passion nouvelle, où un cœur tendre, qui croit être repentant, ne fait que changer d’objet à son amour194.

1722. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Voici ce que nous entendîmes murmurer çà et là par nos maîtres, en rentrant curieux des bords escarpés du Rhône à la ville. […] « En amour, disait-il ironiquement, madame de Staël a commenté Phèdre : ses observations sont fines, et l’on voit par la leçon du scoliaste qu’il a parfaitement entendu son texte... » Faut-il ajouter, pour aggraver le tort, qu’à cette époque madame de Staël commençait à encourir la défaveur ou du moins le déplaisir marqué de celui qui devenait le maître ?

1723. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Ce dégoûté, qui ne pourrait manger d’une andouille mâchonnée par Renart, est un maître fourbe : avec sa mine doucereuse et sa pateline éloquence, c’est le seul qui soit de force à lutter contre Renart, et rien n’est plus drôle que de le voir manger tout seul l’andouille sur la branche de la croix où il a grimpé, en adressant à son compère qui le regarde d’en bas le plus impertinent persiflage. […] A peine quelque trace de l’instruction primitive aurait-elle subsisté parfois, comme dans ce Lai d’Aristote, où le maître de toute science, à quatre pattes, selle au dos, bride aux dents, porte la belle Indienne qu’il avait blâmé Alexandre de trop aimer, et donne l’ironique leçon de la sagesse vaincue par une blonde tresse, un sourire et une chanson.

1724. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Je suis maître de moi comme de l’univers, Je le suis, je veux l’être… (Auguste dans Cinna). […] Aussi ne l’a-t-il pas fait, et cette interprétation de Polyeucte est un pur contresens : la pièce est plutôt moliniste ; et la grâce dont on parle est celle des jésuites, théologiens de la liberté, et anciens maîtres du poète.

1725. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Voyez, je vous prie, la multiplicité des causes ; nous aimons mieux voir un jardin bien arrangé, qu’une confusion d’arbres ; 1°. parce que notre vûe qui seroit arrêtée ne l’est pas ; 2°. chaque allée est une, & forme une grande chose, au lieu que dans la confusion, chaque arbre est une chose & une petite chose ; 3°. nous voyons un arrangement que nous n’avons pas coûtume de voir ; 4°. nous savons bon gré de la peine que l’on a pris ; 5°. nous admirons le soin que l’on a de combattre sans cesse la nature, qui par des productions qu’on ne lui demande pas, cherche à tout confondre : ce qui est si vrai, qu’un jardin négligé nous est insupportable ; quelquefois la difficulté de l’ouvrage nous plaît, quelquefois c’est la facilité ; & comme dans un jardin magnifique nous admirons la grandeur & la dépense du maître, nous voyons quelquefois avec plaisir qu’on a eu l’art de nous plaire avec peu de dépense & de travail. […] Michel-Ange est le maître pour donner de la noblesse à tous ses sujets.

1726. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

L’on sait aujourd’hui que si la tentative, évidemment téméraire, n’eut pas tout l’effet qu’en espéraient les amis du maître, elle ne fut pas non plus sans portée. […] France de s’être révélé maître dans l’art de réserver sa place idéale à l’objet, partout où il pouvait se faire que celui-ci méritât de participer à une projection représentative, — n’en dût-il le plus souvent revenir à l’effet d’ensemble qu’un bénéfice de superfluité concomitant.

1727. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Et si le défaut est sensible chez un maître, que sera-ce chez les imitateurs ? […] Un enfant parle comme un maître des cérémonies.

1728. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Après les journées de juillet 1830, auxquelles il avait pris part vaillamment, Moreau quitta pendant un temps l’imprimerie ; il s’était fait maître d’études, mais ce n’était pas une carrière. […] Il allait selon toute probabilité, s’il avait vécu, devenir un maître, mais il ne l’était pas encore.

1729. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Il va continuer ses études au collège des Jésuites à Mauriac ; il nous peint ses maîtres, ses camarades ; il nous fait sentir et aimer ses privations, ses joies d’écolier, ses triomphes. […] Dans les lettres que lui écrit Voltaire, le maître semble condescendre à ces dispositions du disciple, lorsqu’après s’être raillé des diverses cabales, des factions théologiques et autres, il ajoute : « Les chefs de ma faction sont Horace, Virgile et Cicéron. » Il lui écrit encore, comme en voulant correspondre de tout point à ses goûts : « J’entends dire que dans Paris tout est faction, frivolité et méchanceté.

1730. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

C’était surtout aussi une manière de s’exercer sur un beau thème et de lutter avec un maître. […] Je me bornerai à dire à ceux (comme j’en connais) qui seraient disposés à dédaigner son effort, que, dans cet écrit, Rivarol n’est pas un littérateur qui s’amuse à faire de l’idéologie et de la métaphysique ; c’est mieux que cela, c’est un homme qui pense, qui réfléchit, et qui, maître de bien des points de son sujet, exprime ensuite ses résultats, non pas au hasard, mais en écrivain habile et souvent consommé.

1731. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

C’est ainsi que, pendant qu’un de mes amis était à la Bourse, elle venait coucher sur son divan, et le maître de l’appartement s’apercevait de sa visite à deux perroquets de porcelaine de Chine, qu’elle avait retournés, disant qu’ils lui rappelaient son grand-père. […] Et quand il disait cela, de la porte derrière laquelle elle écoutait, apparaissait la vieille servante, la figure cachée dans ses mains, et qui lui jetait : « Mais, mon cher maître, vous avez perdu la tête, comment pouvez-vous dire des choses comme cela ? 

1732. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Ils nuisent également, par cette chaleur à défendre leurs préventions, et à la faction opposée et à leur propre cabale : ils découragent par mille contradictions les poètes et les musiciens, retardent les progrès des sciences et des arts, en leur ôtant le fruit qu’ils pourraient tirer de l’émulation et de la liberté qu’auraient plusieurs excellents maîtres de faire, chacun dans leur genre et selon leur génie, de très bons ouvrages. […] Il semble que la logique est l’art de convaincre de quelque vérité ; et l’éloquence un don de l’âme, lequel nous rend maîtres du cœur et de l’esprit des autres ; qui fait que nous leur inspirons ou que nous leur persuadons tout ce qui nous plaît.

1733. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Il renvoie tous nos faux jeunes maîtres à l’école. […] Traducteurs C’est parmi les critiques qu’il faut ranger encore les jeunes écrivains qui ont influencé, en nous traduisant les maîtres étrangers, l’évolution des lettres.

1734. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Tous les caractères de têtes paroissent avoir été étudiés d’après le premier de ces maîtres, et le grouppe des jeunes hommes qui est à droite et de bonne couleur, est dans le goût de Le Sueur. […] Fermez les yeux sur le reste de la composition, et dites-moi si vous reconnoissez là l’homme destiné à être le vainqueur et le maître du monde.

1735. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Si vous n’entendez que les étoffes et l’ajustement, quittez l’académie, et faites-vous fille de boutique aux traits galants, ou maître tailleur à l’opéra. à vous parler sans déguisement, tous vos grands tableaux de cette année sont à faire, et toutes vos petites compositions ne sont que de riches écrans, de précieux éventails. […] Il n’y a point de tableau de grand maître qu’on ne dégradât en habillant les personnages, en les coëffant à la française, quelque bien peint, quelque bien composé qu’il fût d’ailleurs.

1736. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Le cruel et fin André Breton médite-t-il déjà la mort de son Maître — cœur singulier qui doit se chercher des chagrins et des remords pour cesser d’être, en la prison de cristal, le mystificateur ailé et l’elfe stérile ? […] Voir Wieland Schmied, « “Pictor classicus sum” : le retour de Giorgio De Chririco à la tradition des maîtres », De Chirico, Maurizio Fagiolo dell’Arco, Alain Jouffroy, Wieland Schmied, Domenico Porzio, préface de Giovanni Joppolo, Paris, Chêne ; Hachette, 1981, p. 99-114.

1737. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Il croyait à ses maîtres, qui l’avaient soulagé tant de fois. […] Mais, pour le quart d’heure, ce qu’il a fait et fait en maître, c’est le plus cruel bilan de la Révolution, qui fut la banqueroute de l’honneur, de la richesse et de l’avenir de la France.

1738. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Sainte-Beuve vous l’a peinte en maître. […] Sainte-Beuve serait si aisément un maître : Les châtaigniers aux larges ombres, etc.

1739. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

Ç’a été celui d’un maître, d’un orateur consommé dans l’art de bien dire.

1740. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Rentré chez moi, je fis un choix de mes pièces de vers et les envoyai à Victor Hugo, ce que je n’avais osé jusqu’alors avec personne ; car je sentais bien que mes maîtres du Globe, vraiment maîtres en fait d’histoire ou de philosophie, ne l’étaient point du tout en matière d’élégie.

1741. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

La vie de campagne, la vie patriarcale de famille dans ces belles provinces qu’arrose la Saône, les hautes herbes qui ploient sous l’aquilon, les bois dont le murmure et l’ombre sont au maître, les entretiens des pâtres autour des feux allumés, ces rayons de soleil couchant sur les fléaux, les socs de charrue et les gerbes des chars, ces ombres allongées des moulins monotones, toutes ces douces géorgiques de notre France ont une beauté forte et reposée qui égale à nos yeux la splendeur blanchissante du Golfe de Gênes et les autres tableaux enchantés que l’Italie a inspirés au poète.

1742. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Les maîtres préparent les élèves qui ne se préparent pas eux-mêmes.

1743. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Aussi n’est-ce point parmi eux que nous prétendons rencontrer nos maîtres.

1744. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

En peinture de même, la Renaissance a substitué, dans les pays de culture française, à une école originale qui, avec les van Eick, avec Memling, avec Clouet, comptait déjà des maîtres, les modèles italiens.

1745. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Le fils, impatient de se former à l’école d’un tel maître, & de se montre habile, débutoit par battre son père lui-même.

1746. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Un de ces pères, qui l’avoit vu dans cette ville sur les bancs, disoit que Bayle se faisoit un amusement d’embarrasser ses maîtres, & qu’il avoit beaucoup de talent pour la dialectique.

1747. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

La physiologie elle-même, par l’organe de ses plus grands maîtres, n’hésite pas à reconnaître la profonde ignorance où nous sommes encore, où nous serons peut-être toujours, sur les fonctions cérébrales.

1748. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

Sur quoi on observa que le maître de la maison leur avait fait faire le repas du renard et de la cigogne.

1749. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Peut-être n’appartiendrait-il qu’à un grand maître de déchirer le nuage qui enveloppait Enée, et de me le montrer comme il apparut à la crédule et facile reine de Carthage : Circumfusa repente Scindit se nubes, et in aethera purgat apertum.

1750. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Le premier cours est élémentaire, celui-ci ne l’est pas ; on sort des classes de l’un, écolier ; des classes de l’autre, il serait à souhaiter qu’on en sortît maître.

1751. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Le nombre des personnages rassemblés dans un assez petit espace est fort grand ; cependant ils y sont sans confusion, car ce maître excelle surtout à ordonner sa scène.

1752. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

Peut être que les romains nos contemporains montreroient encore cette modestie après les succès, et cette hauteur dans le danger qui faisoient le caractere des anciens romains, si leurs maîtres n’étoient pas d’une profession qui défend d’aspirer à la gloire militaire.

1753. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

Il envoïa un domestique de confiance à la porte des écoles de médecine un jour que la faculté s’assembloit, avec ordre de lui amener sans autre information celui des médecins dont il jugeroit la complexion la plus conforme à celle de son maître.

1754. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Ils n’ont donc de ce qu’ils attaquent qu’une notion bien confuse Le héros du Disciple, qui a ouvert la campagne il y a environ neuf ans, n’est pas seulement un triste caractère, c’est un médiocre esprit, un mauvais élève qui n’a pas compris son maître.

1755. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Malheureusement, quand, à propos des dernières maîtresses de Louis XV, le trop sensible Capefigue ne craignait pas d’encourir pour sa peine le nom du Lebel de l’histoire, — et encore du Lebel rival de son maître !

1756. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Ce futur savant de l’École franco-grecque, envoyé à Athènes par dévotion au paganisme pour nous en rapporter de pieux souvenirs, trouve piquant de tromper l’espoir de ses maîtres.

1757. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

C’est par là qu’il se fera pardonner tout ce qu’il a de supérieur, et, par exemple, son style, qui est de premier ordre pour l’envergure, les articulations, la richesse des vocables, et toutes les qualités diaphanes et substantielles des grands maîtres.

1758. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Mais précisément parce qu’il est mussetien, il a pris l’ordre chez de Musset pour traduire Leopardi, vanté par son maître, ce qui, par parenthèse, a dû cruellement l’ennuyer ; car je le connais, M. 

1759. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Sans un don supérieur, sans l’ironie qu’il manie en maître, il faudrait le classer, comme penseur et comme écrivain, bien au-dessous de Diderot, l’homme du feu sacré et des grosses belles larmes, de Diderot dont il rappelle parfois le style érudit, la déclamation, l’hyperbole, et, j’en suis bien fâché pour un socialiste comme lui !

1760. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

À notre sens, il y avait donc deux manières d’écrire ou de concevoir cette histoire de la Sorcellerie qui n’a pas encore été carrément abordée, malgré l’essai de Walter Scott, et qui, riche en détails, en monographies, ressemble à un bloc de marbre dégrossi attendant le ciseau du maître !

1761. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

C’est de l’horrible matériel qui tient de la place, et non pas de l’horrible subtil tel qu’on le rencontre dans les maîtres du fantastique, ce genre d’horrible impondérable qui vous donne la sensation, autour du cœur, d’un étau froid.

1762. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

S’il passe une partie de sa longue vie à la cour des tyrans de Syracuse, maîtres bons ou mauvais, généreux ou cruels, mais toujours amis des arts, s’il n’a rien du caractère héroïque d’un Eschyle, que nous voyons cependant aller aussi chercher asile à Syracuse, Simonide, du moins, avait senti en poëte cette gloire des armes qu’il ne partageait pas.

1763. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

En regardant — les traits de ce visage, il m’a semblé que je reculais — de vingt-trois ans, et je me voyais sans culottes, —  avec ma cotte de velours vert, ma dague muselée, —  de peur — qu’elle ne mordit son maître. —  Combien alors je ressemblais à cette mauvaise herbe, —  à ce polisson, à ce monsieur ! […] Il hurle incessamment contre son maître, tout en sachant que chaque injure lui sera payée par une douleur. […] Il n’est plus maître des mots ; les paroles vides tourbillonnent dans sa cervelle, et sortent de sa bouche comme en un rêve. […] César ou Alexandre sont tombés en pourriture et ont fait de la terre grasse ; les maîtres du monde ont servi à boucher la fente d’un vieux mur. « Va maintenant dans la chambre de madame, et dis-lui qu’elle a beau se farder haut d’un pouce, elle aura un jour ce gracieux aspect. […] Il n’est pas maître de ses actions ; c’est l’occasion qui les lui dicte ; il ne peut pas méditer le meurtre, il doit l’improviser.

1764. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

… — Pardon, cher maître, me permis-je d’interrompre… peut-être, en ce temps-là, n’eussiez-vous pas songé à lui offrir quoi que ce soit ! […] Émile Zola, il est vraiment le maître, notre maître. […] Il se façonna soi-même, sans autres maîtres que ses lectures. […] Très maître de son esprit et de son écriture, il s’affirmait singulièrement armé pour la critique, c’est-à-dire pour le maniement des idées. […] Il était le grand ouvrier de pensée, le maître des corporations, l’Ecclésiaste de chaque religion, le chantre de l’art et de la science.

1765. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Levant les yeux, nous nous voyons Debout, rêveur et calme Contre le vieux décor… — Maître, qui disait que vous étiez mort ? […] Pourtant tous ceux qui se souviennent des Mains, du Verger, et des poèmes les plus connus du maître me comprendront. […] Nos corporations se transmettent de père en fils le trésor de leur expérience et veulent que chaque objet soit ouvré « non par le travail d’un seul maître, mais par la collaboration de dix générations d’ouvriers se survivant à eux-mêmes. » Nous voici donc jaloux de notre continuité. […] Son autorité rayonna sur l’Europe… L’esprit dont elle procédait était celui de l’homme qui est devenu maître de sa force et certain de sa loi. […] Pour accorder définitivement son instrument suivant le rythme de son cœur, Souza écrit Fumerolles à cet âge de demi-jeunesse où l’écrivain se sent déjà maître du glorieux équilibre de ses facultés.

1766. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

M. de Barante ne craignit pas de s’aliéner la faveur du maître en cultivant deux femmes que la prévention épiait déjà avant de les frapper. […] XVI Mais, entre 1809 et 1814, Juliette, de plus en plus attachée à madame de Staël, partagea généreusement les exils de son amie, tantôt à Coppet, tantôt dans des châteaux à quarante lieues de Paris ; exils plus ridicules que sévères, où deux femmes gémissaient de ne pouvoir respirer la fumée de Paris, et où un maître du monde s’inquiétait du commérage de deux femmes. […] Sainte-Beuve, poète sensible et original alors, politique depuis, critique maintenant, supérieur toujours, qui aurait été le plus agréable des amis s’il n’avait pas eu les humeurs et les susceptibilités d’une sensitive ; Ballanche, enfin, que nous avons caractérisé plus haut, et le jeune disciple de Ballanche, Ampère, qui devait prendre sa place après la mort de son maître et se dévouer à la même Béatrice.

1767. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

XXI « Que fait donc mon jeune maître ? […] Gropius un second Fauvel, qui s’est fait Athénien depuis trente-deux ans, et qui bâtit, comme son maître, la maison de ses vieux jours parmi ces débris d’une ville où il a passé sa jeunesse, et qu’il aide autant qu’il le peut à sortir une centième fois de sa poussière poétique. […] Le peuple est maître, mais il n’est pas encore capable de l’être ; voilà pourquoi il détruit partout, et n’élève rien de beau, de durable, de majestueux nulle part !

1768. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Afin d’éviter et le surmenage et les lacunes, et pour apprendre au Dauphin tout ce qui était utile, mais rien qui ne fût utile, afin d’assurer aussi l’unité morale de la direction, il se chargea lui-même de donner tous les enseignements : il rapprit le grec, l’histoire : il se fit donner des leçons d’anatomie : il n’abandonna à d’autres maîtres que les mathématiques. […] Mais il a eu pour maîtres aussi tous les anciens, les Latins surtout ; jamais l’empreinte dont ils l’avaient marqué ne s’est effacée. […] Quand il arrive à Paris, il est maître de son talent et de sa forma : cependant dans cette suite de chefs-d’œuvre qu’il accumule pendant onze ans, on peut distinguer deux manières : les sermons des premières années sont plus voisins des sermons de Metz, par la vigueur de l’appareil logique, par la chaude couleur du style.

1769. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Assurément les petits maîtres hollandais représentent assez exactement l’époque bourgeoise et gaillarde dans laquelle ils vivaient, comme nos classiques sont pour la plupart d’excellents résumés de l’élégance et de la mesure de la cour qu’ils fréquentaient. […] Georges Ohnet (1848-1918), romancier et dramaturge, connut en grand succès avec sa série romanesque des « Batailles de la vie » (Serge Panine, Le Maître de forges, etc.). […] On le voit, Hennequin ne fait que développer et amplifier dans cet essai les propos de son Maître.

1770. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Il est vrai que quelques-uns de nos poëtes et surtout de nos romanciers ont abordé en maîtres la grande psychologie, la haute analyse des passions, des mœurs et des caractères ; mais en y regardant de près, on s’aperçoit que, dans ces brillantes et fortes peintures, l’éloquence, la logique, le sentiment de l’idéal ont encore plus de part que la représentation exacte et minutieuse de la réalité. […] Plus spiritualiste que son maître en ce qui concerne l’âme pensante, puisqu’il n’admet pas qu’elle ait besoin d’organes pour agir, Aristote ne se borne point à reconnaître pour les deux autres âmes des organes correspondants ; il les fait rentrer dans l’histoire naturelle, paraissant ainsi les confondre avec les autres principes de la vie physique. […] « Dès que je sus par la chirurgie que du pus accumulé à la surface du cerveau détruit nos facultés, et que l’évacuation de ce pus leur permet de reparaître, je ne fus plus maître de les concevoir autrement que comme les actes d’un cerveau vivant4. » La nouvelle école physiologique n’a point de ces allures ; elle laisse aux métaphysiciens le problème de l’âme, et ne s’occupe que des fonctions de relation et des organes qui en sont le siège.

1771. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

répondis-je, je connais les principes du vieux maître. […] J’observais mon maître avec angoisse. […] Sur mon maître !  […] Puis, l’homme n’est pas seulement l’amant, mais le maître et le protecteur. […] » et elle répond : « Maître ! 

1772. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

L’impression des premières lectures d’enfance est profonde et merveilleuse, surtout quand elles ne sont ni choisies ni imposées par un maître. […] que le vieux maître a raison ! […] Aux autres non plus. — Il y a là une série de scènes, que je n’ai pu qu’indiquer, d’une belle et âpre énergie, et qui sont d’un maître. […] Nous lui devons le Maître, les Résignés, l’Envers d’une sainte. […] Elle a eu la faiblesse de se donner au vieux duc, parce qu’il l’a voulu et qu’il était le maître.

1773. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Chacun de nous est son seul maître. […] Il faut l’avouer : les romantiques n’ont entendu la liberté que du droit d’être eux-mêmes en tout ; de n’incliner devant aucune puissance au monde la « souveraineté » de l’artiste ; de ne reconnaître de loi que celle de leur caprice ou de leur fantaisie : Toujours le cœur humain pour modèle et pour maître ! […] Et quelles descriptions, je veux dire quels inventaires étonnants d’exactitude et de minutie ; quelles « résurrections » des temps et des lieux ; quelles évocations même des modes qui ne furent que celles d’une année ou de quelques mois peut-être, et que l’art laborieux mais puissant du maître a immortalisées pour toujours ! […] Que ses chefs ou ses maîtres l’eussent eux-mêmes abandonné ? […] Je ne parle pas ici des imitateurs maladroits de Renan, le Renan de L’Antéchrist, 1874, ou de L’Abbesse de Jouarre, 1886 : ceux-ci n’ont pas compris ce qu’il y avait de dogmatisme irréductible et intransigeant sous le baladinage du maître.

1774. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Voilà donc qu’aux premiers nœuds, en quelque sorte légitimes ; qui, dit-il, les lient déjà indisso lublement , et qu’il a soin de mettre à part, le tuteur et maître croit que le temps est venu d’en ajouter d’autres. […] J’insiste là-dessus : la phrase qui, lue isolément, semblait constater une situation établie, accomplie, et sur laquelle on s’est jusqu’ici fondé, comme sur une pièce de conviction, pour rendre l’esclave à son maître, n’indique qu’un ordre pour l’avenir, un commandement à la turque ; or, encore une fois, rien n’indique que l’aga ait été obéi. […] Le lendemain, le sieur Belin, en qualité de chancelier, assembla la nation, les drogmans et quelques religieux, et fit signer une délibération par laquelle on me dépouilloit de mes fonctions pour en revêtir ledit sieur Belin, lequel, se voyant le maître avec le chevalier Gesson, se saisirent de ma personne le 27e, me mirent en prison dans une chambre, chassèrent mes domestiques affectionnés, et s’emparèrent de mes papiers et de mes effects, ne me donnant la liberté de voir personne que quelques religieux affidés. […] Brue à onze heures du soir, la veille de son départ, et le prier de faire en sorte de se rendre maître de l’esprit de M. de Ferriol et de le ramener en France, afin de le détourner d’aborder en Italie. » Il en fut de ce chapeau de cardinal comme de la beauté de Mlle Aïssé que convoitait également le malencontreux ambassadeur ; il n’eut pas plus l’un que l’autre, — ni la fleur, ni le chapeau.

1775. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Dans cette vaste transformation des esprits qui occupe tout le dix-huitième siècle et donne à l’Angleterre son assiette politique et morale, deux hommes paraissent, supérieurs dans la politique et la morale, tous deux écrivains accomplis, les plus accomplis qu’on ait vus en Angleterre ; tous deux organes accrédités d’un parti, maîtres dans l’art de persuader ou de convaincre ; tous deux bornés dans la philosophie et dans l’art, incapables de considérer les sentiments d’une façon désintéressée, toujours appliqués à voir dans les choses des motifs d’approbation ou de blâme ; du reste différents jusqu’au contraste, l’un heureux, bienveillant, aimé, l’autre haï, haineux et le plus infortuné des hommes ; l’un partisan de la liberté et des plus nobles espérances de l’homme, l’autre avocat du parti rétrograde et détracteur acharné de la nature humaine ; l’un mesuré, délicat, ayant fourni le modèle des plus solides qualités anglaises, perfectionnées par la culture continentale ; l’autre effréné et terrible, ayant donné l’exemple des plus âpres instincts anglais, déployés sans limite ni règle, par tous les ravages et à travers tous les désespoirs. […] Une terre franche, quand elle ne se composerait que de neige et de glace, rend son maître heureux de sa possession et résolu pour sa défense… Je me considère comme un de ceux qui donnent leur consentement à toutes les lois qui passent. […] Il interdit les jurons en nous recommandant d’avoir perpétuellement présente l’idée du souverain Maître. « Cet hommage habituel bannirait d’entre nous l’impiété à la mode qui consiste à employer son nom dans les occasions les plus triviales… Ce serait un affront pour la raison que de mettre en lumière l’horreur et le sacrilége d’une telle pratique925. » Un Français, au premier mot, entendant qu’on lui défend de jurer, rirait peut-être : à ses yeux, c’est là une affaire de bon goût, non de morale. […] On est charmé de rencontrer un homme enjoué et pourtant maître de lui-même.

1776. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Ailleurs, c’est le grillon du foyer qui chante toutes les joies domestiques, et ramène sous les yeux du maître désolé les heureuses soirées, les entretiens confiants, le bien-être, la tranquille gaieté dont il a joui et qu’il n’a plus. […] Il n’est plus maître de ses idées ; elles l’emportent avec la fougue d’un cheval effaré. […] Il offre innocemment en spectacle, lorsqu’on vient le voir, de charmantes scènes d’intérieur ; il étale le cœur d’un père, les sentiments d’un époux, la bienveillance d’un bon maître. […] C’est le masque anglais d’une tête allemande, et lorsqu’un écrivain de talent, qui est souvent un écrivain de génie, vient toucher la sensibilité froissée ou ensevelie sous l’éducation et sous les institutions nationales, il remue l’homme dans son fond le plus intime, et devient le maître de tous les cœurs.

1777. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Voltaire seul, dans les temps modernes, a autant écrit ; mais Voltaire, maître, pendant une longue vie, de ses heureux loisirs, n’était ni orateur dans les causes privées, ni orateur dans les causes publiques, ni proconsul, ni général d’armée, ni consul, ni lieutenant de Pompée, ni négociateur avec César, ni accusateur de Catilina, ni sauveur de la patrie, ni proscrit, ni victime des triumvirs. […] Tel est ce morceau sur l’orateur Crassus, son modèle et son maître, dont il raconte la mort en descendant de la tribune, mort sur le champ de triomphe, semblable à celle du plus grand des orateurs modernes, lord Chatham, le père de Pitt : « C’est alors que Crassus, poussé à bout, dit-on, par le consul qui l’accusait, parla ainsi, comme un dieu : “Penses-tu que je te traiterai en consul, quand tu ne me traites pas en consulaire ? […] Le génie et le civisme éclatent sous l’enseignement du maître de paroles. […] Nous ne professons rien dans nos écoles qui n’ait été professé par ce grand maître.

1778. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

une âme, une âme seule qui jettera un peu de sable humide de ses larmes sur ma poussière, et qui mettra en ordre ce que je laisserai ici-bas pour que nul ne dise : « Il m’a emporté en mourant quelque chose de ce qui était à moi » ; mais plutôt : « Il est mort pauvre, mais il n’a appauvri personne. » Quant à l’éternelle réunion de ces âmes chéries dans le sein du maître doux, clément et miséricordieux, je ne m’en inquiète pas, je m’y fie comme l’enfant se fie à sa mère, et ma confiance même est ma preuve d’immortalité. […] « Pétrarque, ce grand maître dans la science du cœur et dans le mystère de l’amour, a dit au commencement de son Traité sur la Vie solitaire : « Je crois qu’une belle âme n’a de repos ici-bas à espérer qu’en Dieu, qui est notre fin dernière ; qu’en elle-même et en son travail intérieur ; et qu’en une âme amie, qui soit sa sœur par la ressemblance. » C’est aussi la pensée et le résumé du petit livre que voici : « Lorsque, par un effet des circonstances dures où elle est placée, ou par le développement d’un germe fatal déposé en elle, une âme jeune, ardente, tournée à la rêverie et à la tendresse, subit une de ces profondes maladies morales qui décident de sa destinée ; si elle y survit et en triomphe ; si, la crise passée, la liberté humaine reprend le dessus et recueille ses forces éparses, alors le premier sentiment est celui d’un bien-être intime, délicieux, vivifiant, comme après une angoisse ou une défaillance. […] « En ce temps-ci, où par bonheur on est las de l’impiété systématique, et où le génie d’un maître célèbre22 a réconcilié la philosophie avec les plus nobles facultés de la nature humaine, il se rencontre dans les rangs distingués de la société une certaine classe d’esprits sérieux, moraux, rationnels ; vaquant aux études, aux idées, aux discussions ; dignes de tout comprendre, peu passionnés, et capables seulement d’un enthousiasme d’intelligence qui témoigne de leur amour ardent pour la vérité. […] Viguier, l’un des maîtres les plus distingués et les plus délicats de l’ancienne École normale, à qui j’avais dédié l’une des pièces (la IIe) du Recueil, après m’avoir remercié cordialement, après m’avoir dit : “Ce n’est pas un livre, c’est encore cette fois une âme vivante que vous m’avez fait lire ; telle est votre manière : entre votre talent et votre manière morale il y a intimité” ; ajoutait ces paroles que j’aurais dû peser davantage et dont j’ai vérifié depuis la justesse :   « Voilà donc une phase nouvelle, un autre degré de l’échelle poétique et morale.

1779. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Je me disais : « Qui l’a fait maître et mon père esclave ? […] Croirait-on, à les voir couverts de cheveux blancs, de croix d’honneur, de lunettes d’or, de toges et d’habits brodés, fiers, bien nourris, maîtres de cette société qu’ils grugent… croirait-on que leurs calculs sont dérangés, que leur sommeil est troublé par le bruit du fouet dont ils ont eux-mêmes armé un pauvre petit diable sans nom, sans fortune et sans talent ! […] Il eût pu donner encore plus largement carrière à son esprit d’ironie et de dérision, car il eût eu moins de choses à respecter ; il eût écrit d’excellents romans satiriques et réalistes ; il eût, fort aisément, mis Edmond About et quelques autres dans sa poche ; il aurait été académicien ; il aurait mené une vie commode ; il n’aurait eu, en fait d’ennemis, que sa portion congrue ; tout le monde saurait aujourd’hui qu’il fut un des maîtres de la langue ; il commencerait à entrer dans les anthologies qu’on fait pour les lycées, et une rue de Paris porterait son nom. […] Mille infortunes avaient traversé ses jours remplis de durs labeurs… Personne, durant cinquante ans, ne s’était occupé de son âme… Il avait toujours eu des maîtres pour lui vendre l’eau, le sel et l’air, pour lever la dîme de ses sueurs, pour lui demander le sang de ses fils ; jamais un protecteur, jamais un guide… Au fond, que lui avait dit la société ?

1780. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Le reproche qu’on pourrait faire à Flaubert, un maître pourtant, — et surtout à son école, — c’est de s’être complu dans l’étude et dans la peinture de la médiocrité, sous prétexte qu’elle est plus vraie. […] Il n’y a plus seulement là observation, à en croire les théoriciens du naturalisme ; il y a expérimentation, en ce sens que Balzac ne s’en tient pas strictement, en photographe, aux faits recueillis par lui : il intervient d’une façon directe, pour placer son personnage dans des conditions « dont il reste le maître ». […] Le maître lui-même nous dit : « L’art est grave ! […] Leur maître actuel, comme les premiers romantiques d’ailleurs, cherche certainement à scandaliser ; néanmoins, il semble avoir une prédisposition native à se complaire dans de certains sujets, prédisposition qui, suivant ses théories mêmes, doit s’expliquer par quelque cause héréditaire, par quelque trace morbide.

1781. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Quand le chien accueille son maître par des aboiements joyeux et des caresses, il le reconnaît, sans aucun doute ; mais cette reconnaissance implique-t-elle l’évocation d’une image passée et le rapprochement de cette image avec la perception présente ? Ne consiste-t-elle pas plutôt dans la conscience que prend l’animal d’une certaine attitude spéciale adoptée par son corps, attitude que ses rapports familiers avec son maître lui ont composée peu à peu, et que la seule perception du maître provoque maintenant chez lui mécaniquement ? […] Un mot n’a d’individualité pour nous que du jour où nos maîtres nous ont enseigné à l’abstraire.

1782. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

On aimait cette lutte courageuse et prolongée avec les maîtres sans se demander si, lorsqu’on est réellement poète, il ne vaut pas mieux peut-être s’inspirer des anciens que les traduire.

1783. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

On s’accordait à reconnaître dans Armand Paulin (et les maîtres de l’art, qui furent presque tous ses amis, ne me démentiront pas) un diagnostic prompt, fin et sûr, un tact médical qui est le premier talent du praticien.

1784. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Tel fut Eugène ; il mérita d’être compté au nombre des premiers disciples du maître dont il embrassa la foi, et maintenant il reçoit au milieu de nous la récompense de ses mérites. » Eugène fut un théologien du premier ordre ; né dans la religion juive, il ne passa point ses premières années au milieu de cette indifférence convenue et de cette tiédeur morale qui est la plaie de tant de familles chrétiennes.

1785. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

et toi, maître des dieux, Jupiter, ayez pitié du roi d’Arcadie, écoutez les prières paternelles.

1786. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Ceux-ci pourtant avaient leur revanche : après avoir entendu le Siècle de Louis le Grand, La Fontaine rimait sa charmante Epître à Huet, où il faisait hommage de la perfection de son œuvre aux anciens, où il les proclamait ses maîtres, où il disait nettement leur mérite essentiel, le naturel, et le péché mignon des modernes, l’esprit.

1787. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Compagnon des dernières promenades de Rousseau, il répète les leçons de son maître comme un élève inintelligent.

1788. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

On pouvait attendre beaucoup du jeune maître chanteur sans concevoir des espérances si hautes.

1789. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Pourtant, l’ironie de Jacques Blanche sur un adroit ouvrier en tableaux de maître, exalté puis délaissé, M. 

1790. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Dans la société de l’hôtel de Rambouillet, au contraire, l’homme de lettres était dégagé de ses liens personnels ; il n’était plus l’homme ou l’esprit d’un autre homme ; il était devenu maître à son tour de choisir, de placer, de graduer ses préférences entre les grands, comme précédemment les grands l’avaient été de choisir entre les gens de lettres.

1791. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Un Homme d’esprit étudie l’Art ; ses réflexions le préservent des fautes où peut conduire un instinct aveugle ; il est riche de son propre fond, &, avec le secours de l’imitation, maître des richesses d’autrui.

1792. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Cette ombre de faveur & la gloire réelle d’être nommé le père de la langue françoise, le maître & le modèle de l’éloquence, acharnèrent contre lui de petits écrivains avides d’un peu d’or & de fumée.

1793. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

de Voltaire, étant remplie de ces traits de génie & de feu qui décèlent le grand maître.

1794. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Autre petit morceau de la même école flamande ; mais je suis bien fâché contre ce mot de pastiche qui marque du mépris et qui peut décourager les artistes de l’imitation des meilleurs maîtres anciens.

1795. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

En second lieu, quand bien même chaque comedien pris en particulier seroit aussi capable de composer la declamation d’une tragedie qu’un maître de l’art, il seroit encore vrai de dire que la declamation d’une piece qui auroit été composée d’un bout à l’autre par une seule personne, devroit être et mieux conduite et mieux ménagée qu’une declamation où chaque acteur recite son rolle à sa mode.

1796. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Il s’agit enfin de s’opposer une fois pour toutes à cette irruption d’écrivains qui, sans la vocation du talent et le droit de l’intelligence, touchent à un sujet historique réservé à la main des Maîtres.

1797. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Continuateur singulier, qui a plutôt rompu et défiguré l’œuvre du Maître, et qui trouvera, pour son audace, dans l’ironie cruelle de ce nom de continuateur, une suffisante punition !

1798. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Burns en germe reste sous l’écorce de Béranger, et encore d’un Béranger sans finesse, sans esprit dans le sens français du mot, d’un Béranger au gros sel, — pas plus gai que son maître, car Béranger n’est pas franchement gai, — mais qui croit l’être — (voir le buste), — parce qu’il crie plus fort !

1799. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Huysmans a écrit l’histoire) est soumis, dans toute la durée du roman, à cette fatalité terrible des nerfs, plus forts que la volonté et ses maîtres.

1800. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

L’ami peut louer son ami, l’esclave son maître, le sujet son roi.

1801. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Des Romains, dans ce panégyrique, ont l’air d’esclaves à peine échappés de leurs fers, qui s’étonnent eux-mêmes de leur liberté, qui tiennent compte à leur maître de ce qu’il veut bien ne les pas écraser, et daigne les compter au rang des hommes ; mais c’est bien plus la faute du temps que de l’orateur.

1802. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

soyez-nous propices, alors que celui qui vous entraîna par le double charme de l’éloquence et des vers, le maître sacré des cantiques romains, est célébré.

1803. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Entourés des œuvres si intéressantes d’Aristophane, de Shakespeare, de Molière, et ne trouvant à reproduire sur leur compte que de vieilles banalités, à peine rajeunies dans la forme ; occupés à compter et à mesurer des grains de poussière sur l’aile des grands poètes, les petits maîtres de l’école du goût ressemblent à des enfants ou à des dames s’amusant à manier dans un salon, en l’absence du naturaliste, un magnifique instrument d’observation dont leur frivolité avilirait l’usage, dont leur ignorance ne soupçonnerait pas la portée. […] Si l’on avait dit à Voltaire qu’au dix-neuvième siècle, en France, le plus grand maître de la critique et du goût admirerait les froides plaisanteries des musiciens dans une salle voisine du lit où expire la fiancée de Roméo, parce que ces spectacles d’indifférence et de désespoir, si rapprochés l’un de l’autre, en disent plus sur le néant de la vie que la pompe uniforme de nos douleurs théâtrales366… « Ah ! […] Puis j’étais au musée d’Amsterdam devant une noce de village d’un maître hollandais. […] Il est maître de son sujet, de ses divisions, de sa conclusion, comme un orateur. […] Ils avaient honte de faire avec lui ce lit royal, de manger à la même table qu’un comédien, et le grand homme, qui n’avait à leur opposer que la protection du souverain, se sentait humilié par les faveurs du maître comme par les injures des domestiques.

1804. (1904) Zangwill pp. 7-90

« Et vous la connaissez bien, amis des universités populaires : car le maître qui consacra tant de belles pages à la “biographie psychologique” d’Ernest Renan et qui, par ses discours et ses écrits, nous a fait mieux connaître les pinceaux enchanteurs de l’immortel Watteau »,… On dit le pinceau, d’habitude ; il est vrai qu’il en avait plusieurs. […] Mais, je le répète, la supériorité intellectuelle entraîne la supériorité religieuse ; ces futurs maîtres, nous devons les rêver comme des incarnations du bien et du vrai ; il y aurait joie à se subordonner à eux. » J’arrête ici ma citation, parce qu’il est très long de copier, et parce qu’ici, comme dans l’Avenir de la science, il faudrait tout citer, tant tout est plein : curieux, inquiétant, nouveau, passionnant ; pourtant il faut que je recommence : « L’univers serait ainsi consommé en un seul être organisé, dans l’infini duquel se résumeraient des décillions de décillions de vies, passées et présentes à la fois. » Or il est évident qu’un tel résumé ne pourrait s’obtenir que par une totalisation de la mémoire universelle, donc par une globalisation, par un achèvement, et par un arrêt de l’histoire. […] Si telle est vraiment l’atteinte obtenue par les théories particulières, quelle ne sera pas la totale atteinte obtenue par la conclusion, où se ramassent et culminent toutes les ambitions des théories particulières ; je ne puis citer les théories particulières ; il faudrait remonter de la fin du volume au commencement, il faudrait citer presque tout le volume ; je cite au long la conclusion ; pourquoi n’éprouvons-nous que de l’indifférence quand nous découpons notre exemplaire de Taine, et pourquoi ne pouvons-nous découper sans regret notre exemplaire de Renan ; ce n’est point, comme le dirait un historien des réalités économiques, parce que les Renan coûtent sept cinquante en librairie et parce que les Taine, chez Hachette, ne coûtent que trois francs cinquante ; et pourquoi, découpant du Renan, recevons-nous une impression de mutilation que nous ne recevons pas découpant du Taine ; c’est que, malgré tout, un livre de Taine est pour nous un volume, et qu’un livre de Renan est pour nous plus qu’un livre ; et pourquoi ne peut-on pas copier du Taine, et peut-on copier du Renan, en se trompant, il est vrai ; et pourquoi est-ce un bon plaisir que de corriger sur épreuves un texte de Renan, et se fait-on un devoir de [corriger sur épreuves un texte de Taine ; telle est la différence que je vois entre les héritages laissés par ces deux grands maîtres de la pensée moderne. « J’ai voulu montrer », dit Taine en forme de conclusion : « J’ai voulu montrer la formation complète d’une œuvre poétique et chercher par un exemple en quoi consiste le beau et comment il naît. […] Il y a bien de la fabrication dans Renan, mais combien précautionneuse, attentive, religieuse, éloignée, ménagée, aménagée ; c’est une fabrication en réserve, une fabrication de rêve et d’aménagement, entourée de quels soins, de quelles attentions, délicates, maternelles ; on fabriquera ce Dieu dans un bocal, pour qu’il ne redoute pas les courants d’air ; on lui fera des conditions spéciales ; cette fabrication de Renan est vraiment une opération surhumaine, une génération surhumaine, suivie d’un enfantement surhumain ; et l’humanité de Renan, ou la surhumanité de Renan, si elle usurpe les fonctions divines, premièrement, nous l’avons dit, usurpe les fonctions de connaissance divine, les fonctions de toute connaissance, beaucoup plutôt que les fonctions de production divine, de toute création, deuxièmement, et ceci est capital, usurpe aussi, commence par usurper les qualités, les vertus divines ; cette première usurpation, cette usurpation préalable, pour nous moralistes impénitents, excuse, légitime la grande usurpation ; nous aimons qu’avant d’usurper les droits, on usurpe les devoirs, et avant la puissance, les qualités ; enfin l’accomplissement de cette usurpation est si lointain ; et les précautions dont on l’entoure, justement par ce qu’elles ont de minutieux, par tout le soin qu’elles exigent, peuvent si bien se retourner, s’entendre en précautions prises pour qu’il n’arrive pas ; une opération si lointaine, si délicate, si minutieuse, ne va point sans un nombre incalculable de risques ; Renan, grand artiste, a évidemment compté sur la sourde impression que l’attente et l’escompte de tous ces risques produiraient dans l’esprit du lecteur ; lui-même il envisage complaisamment ces risques ; ils atténuent, par un secret espoir de libération, de risque, d’aventure, et, qui sait, de cassure, disons le mot, de ratage, cette impression de servitude mortelle et d’achèvement clos ; ils effacent peut-être cette impression de servitude ; et quand même ils effaceraient cette impression glaciale ; l’auteur sans doute s’en consolerait aisément ; il ne tient pas tant que cela aux impressions qu’il fait naître ; ces risques soulagent également le lecteur et l’auteur ; par eux-mêmes Renan n’est point engagé au-delà des convenances intellectuelles et morales ; lui-même les envisage complaisamment ; dans cette institution de la Terreur intellectuelle que nous avons passée, la remettant à plus tard, « mais ne pensez-vous pas », dit Eudoxe : « Mais ne pensez-vous pas que le peuple, qui sentira grandir son maître, devinera le danger et se mettra en garde ? […] Ainsi avertis parmi nous, comment nos camarades historiens ne renieraient-ils pas aujourd’hui les primitives ambitions, les anticipations de l’un, les assurances de l’autre, et les infinies présomptions qui ont pourtant institué toute la pensée moderne ; comment ne les renieraient-ils pas, avertis qu’ils sont dans leur propre travail ; et comment travailleraient-ils même s’ils ne les reniaient pas incessamment ; sachons-le ; toutes les fois qu’il paraît en librairie un livre, un volume d’un historien moderne, c’est que l’historien a oublié Renan, qu’il a oublié Taine, qu’il a oublié toutes ces grandeurs et toutes ces ambitions ; qu’il a oublié les enseignements des maîtres de la pensée moderne ; et les prétentions à l’infinité du détail ; et que, tout bêtement, il s’est remis à travailler comme Thucydide.

1805. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Un grand nombre des contemporains de Rousseau l’ont considéré comme leur maître. […] S’il ne partage pas les principes spiritualistes de son maître, il lui ressemble par ses souffrances intimes. […] Cousin qui avait été son maître et qui était resté son ami, et il avait continué, sous cette éminente direction, des travaux auxquels ses aptitudes semblaient le destiner. […] Comme philosophe Leopardi avait, à son insu, en Allemagne, un disciple qui, ainsi qu’il arrive parfois, devait dépasser son maître. […] Il imite aussi son devancier Joseph Delorme ; cependant il va plus loin que ses maîtres dans la voie lugubre.

1806. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Quoiqu’il eût donné quelques opuscules auparavant, ses Considérations sur la Révolution française, en 96, furent son premier coup d’éclat et de maître. […] Quand même nous demeurerions Français, il ne faut pas croire que ce fût pour longtemps ; un peu plus tôt, un peu plus tard, la chose volée revient toujours à son maître. […] « Vous croyez peut-être, vous autres petits messieurs qui avez des habits de drap d’Elbeuf et des boutons d’acier, que c’est pour vous que le four chauffe, et que vous serez toujours les maîtres ? […] Sans doute qu’on n’ose pas mettre le peuple de mauvaise humeur dans ce moment, pour raison ; mais seriez-vous assez simples pour croire que, dès qu’on sera maître de lui, on ne vous chargera pas comme des mulets du Mont-Cenis ? […] ce n’était pas pour les envoyer qu’on vous les avait données. »  — Quant à lui, il lui suffisait d’avoir un peu de représentation pour l’honneur de son maître : souvent il dînait seul, avec du pain sec.

1807. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Mais il est très vrai que la pratique des auteurs anciens, ces lectures à la plume, l’habitude de s’arrêter au détail, tous ces exercices où le maître s’instruisait pour enseigner, ont donné au génie de Bossuet je ne sais quoi de plus modéré, et tout à la fois de plus aisé et de plus noble, En même temps, la liberté de la morale antique, cette sagesse aimable et riante, ces fortes et naïves peintures de l’homme actif, du citoyen, du guerrier, adoucissaient son austérité, et le préservaient de ces scrupules impérieux dont l’excès poussait un saint Grégoire à brûler les livres des anciens comme infidèles. […] On sent jusqu’où l’on peut être hardi sans être téméraire ; on s’élève, on s’avance jusqu’où l’on se voit suivi ; si l’élève hésite, le maître s’arrête ; il regarde s’il n’a pas fait un faux pas. […] Tout s’explique et tout se lie dans cette science de nous-mêmes, où le maître nous prend à témoin de tout ce qu’il constate en nous ; science élémentaire, naïve, qui s’en tient à ce que nous pouvons vérifier ; si différente de cette métaphysique où l’imagination se substitue à la conscience et le rêve à la réalité, dans ces spéculations téméraires que les Latins appelaient du mot fort heureux de placita philosophorum, voulant dire par là les opinions et disant les fantaisies. […] Le prince inutile au bien du peuple est puni aussi bien que le méchant qui le tyrannise… Le prince ne doit rien donner à son ressentiment et à son humeur… Le prince doit commencer par soi-même à commander avec fermeté, et se rendre maître de ses passions… Le prince doit savoir la loi et les affaires ; connaître les hommes et se connaître lui-même ; aimer la vérité et déclarer qu’il la veut savoir ; être attentif et considéré ; écouter et s’informer ; prendre garde à qui il croit et punir les faux rapports ; éviter les mauvaises finesses ; savoir se résoudre par soi-même133 », etc… Changez le nom du souverain, prince ou peuple, sénat ou président de république, pouvoir pondéré ou absolu, à quelle forme de gouvernement l’esprit de liberté le plus jaloux peut-il faire des conditions plus sévères que celles que fait Bossuet à la monarchie absolue ? […] Si l’évêque de Meaux resta maître des intelligences, l’archevêque de Cambrai resta maître des imaginations.

1808. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Mais, à peine assis non loin du samovar, une tasse de thé à la main, je tombai en arrêt d’admiration devant un grand portrait, celui d’une des jeunes filles présentes, portrait d’une ressemblance parfaite, librement et largement traité, avec la fougue de pinceau d’un maître. […] on prend une créature qui est attachée à ses maîtres, qui a parfois une intelligence bien supérieure à celle de certains bipèdes, mais qui n’est pas en état de se défendre, voilà le sublime de la petitesse et de la méchanceté. […] Cher maître, Ô vous qui avez peut-être l’intention de voyager quelque jour, suivez ce conseil, fruit d’une expérience amère. […] Haïssez la folie des gens qui veulent à tout prix un maître, et dites qu’il faut une âme de valet pour aimer la monarchie. — Vous êtes républicain. […] Agréez, je vous prie, cher maître, l’expression de mes meilleurs sentiments.

1809. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Il arrive par ce moyen à la loi qui lui permet de se rendre maître du phénomène. […] Ces conditions étant connues, l’expérimentateur devient maître du phénomène, en ce sens qu’il peut à son gré donner ou enlever le mouvement à la matière. […] Il faut examiner les cas de mort avec grand soin, chercher à y découvrir la cause des accidents mortels, afin de s’en rendre maître et d’éviter ces accidents. […] La critique dans chaque science, pour être vraiment utile, doit être faite par les savants eux-mêmes et par les maîtres les plus éminents. […] Magendie, mon maître., poussé dans la carrière médicale par la même influence, a consacré sa vie à proclamer l’expérimentation dans l’étude des phénomènes physiologiques.

1810. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Je ne répéterai pas le peu qu’on sait de sa vie et de ses démêlés avec Callimaque, rivalité de disciple et de maître, querelle d’épopée et d’élégie. […] Et peu s’en est fallu que, d’indignation, je ne lui aie cassé l’autre jour ses méchantes flèches avec son arc, car il m’a osé dire dans sa menace que, si je ne m’éloignais bien vite tandis qu’il était encore maître de lui, je n’aurais à m’en prendre des suites qu’à moi-même. » A ce discours de Vénus, les deux déesses se regardèrent en souriant, et Vénus un peu piquée repartit : « Mes maux, je le vois bien, ne servent qu’à faire rire les autres ; aussi ai-je tort de les dire à tout le monde ; ce m’est bien assez de les savoir moi-même. » Et elle se met en devoir d’exécuter le vœu des déesses. […] Médée a tout promis ; elle doit se trouver le lendemain matin au temple d’Hécate et y attendre Jason, à qui elle remettra une drogue magique qui le rendra maître des taureaux.

1811. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Les rameurs chantaient un air national, tandis que leurs maîtres jouissaient de la beauté du spectacle et du calme de la nuit. […] Le cheval qui porte son maître à la chasse du tigre se pavane sous la peau de ce même animal. […] Il a jeté notre terre sur ces deux pôles ; car Jéhovah est le maître des deux pôles, et sur eux il fait tourner le monde. » IX Tel est ce livre, la grande œuvre philosophique du comte de Maistre : un style étonnant de vigueur et de souplesse ; des vues neuves, profondes, incommensurables d’étendue sur les législations, sur les dogmes, sur les mystères, et quelquefois des plaisanteries déplacées en matière grave ; un grand génie doublé d’un sophiste, un Diderot déclamateur dans un philosophe chrétien et sincère, un Platon souvent, quelquefois un Diogène.

1812. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Benjamin Constant, tous les tribuns, tous les publicistes, tous les pamphlétaires du temps, je m’y sentais presque en pays ennemi ; j’avais du goût pour les maîtres, aucun goût pour leur société. […] Elle éblouit, dit-on, plus tard un maître du monde du même charme dont elle avait fasciné l’œil d’un enfant. […] Juliette n’était pas insensible à ces vives déclamations du cœur d’un frère du maître des armées ; elle n’acceptait de ces sentiments que le seul sentiment qu’elle pouvait rendre, l’amitié ; mais, dès l’âge de dix-huit ans, on voyait poindre dans ses réponses et dans sa réserve cet art naturel qui fut celui de sa vie : rester pure en paraissant émue, tout promettre et ne rien tenir.

1813. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Ceux qui pensent que le vulgaire bon sens, le sens commun, est un maître suffisant pour l’homme doivent envisager le savant à peu près comme Socrate envisageait les sophistes comme de subtils et inutiles disputeurs. […] Nul ne peut servir deux maîtres, ni adorer un double idéal. […] C’est l’amour pur de la science qui m’a fait briser les liens de toute croyance révélée, et j’ai senti que, le jour où je me suis proclamé sans autre maître que la raison, j’ai posé la condition de la science et de la philosophie.

1814. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Tous les types : les forts de la Halle apoplectiques, à la chemise sans cravate, à la courte blouse relevant et ouverte ; les marchands de vins à nuque de taureau ; les maigres petits savatiers pâlots, à la mine de catin, le cou et les bras nus dans des gilets de flanelle rose ; les souples tireurs de canne, à la tête de chat ; les jolis éreintés de barrière, un bouquet de violettes à la boutonnière, ramenant leur avant-bras, pour faire palper, à leurs voisins, sur le drap de la manche, le sac de pommes de terre de leurs biceps ; les maîtres d’armes de régiment, une redingote passée sur leur veste de salle, la tenue martiale et académique, le front évasé, les yeux enfoncés, un petit bout de nez relevé et le visage en as de pique. […] Et le vaste palais de poésie du maître demeurera grand et charmant, comme ce géant de grâce mêlant Albert Durer à Michel-Ange, brouillant Rabelais et Palladio, ayant Gargantua dans sa tonne et l’Invicta Venus dans sa chapelle. […] » * * * — Très intéressants : ces deux Watteau du musée de Dresde (nº 661-662), tableaux beaucoup moins noyés dans la tonalité vénitienne que les autres tableaux du maître, et d’où Pater a tiré toute sa palette, toute sa claire et un peu frigide palette, aux petits tons blancs, jaunes, vermillonnés : palette que j’étais tenté de lui croire personnelle.

1815. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Ô grand Zenon, patron de ces héros sans nombre Accoudés sur la mort comme on s’assied à l’ombre Et n’offrant qu’au devoir leur pudique amitié, Tu fus le maître aussi du divin Marc-Aurèle, Celui dont la douceur triste et surnaturelle Etait faite à la fois de force et de pitié ! […] Si Coppée, à la suite d’Olivier, nous emmène à la campagne, c’est dans une ferme — jadis « château » ; — le maître du logis, « le bonhomme », est un « vieux noble-fermier », et l’on s’en ira « voir les travaux de campagne », « dans un panier d’osier ». […] Richepin nous annonce, cependant, qu’il ira poursuivre jusque dans les étoiles ce Dieu qu’il sait n’être nulle part ; lui aussi, il a écrit son Ibo, non sans imiter celui du maître, comme s’il en voulait faire la caricature.

1816. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Quand les anciens, nos maîtres en tout, parce qu’ils ont marché les premiers, voulurent exprimer dans une seule figure la suprême beauté physique de l’homme, ils ne sculptèrent pas un enfant, ils sculptèrent Apollon, le dieu de la beauté à trente ans ; ils sculptèrent Hercule, le dieu de la force à quarante. […] Ce n’était pas un caprice de jeunesse qu’il fallait à Musset, c’était une religion du cœur, notre premier maître de philosophie, c’est un chaste amour. […] Tu ne reconnaissais pour philosophe que Stendal et pour maître que Musset, et tu te targuais d’avance tous les matins des œuvres inouïes que tu couvais sur ton oreiller inspirateur entre une nuit d’orgie et une aurore de paresse !

1817. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Leibnitz, dont on ne peut trop admirer le génie, Leibnitz lui-même est un disciple de Descartes, disciple, il est vrai, qui a surpassé son maître, mais qui, malheureusement entraîné par une curiosité universelle, la passion de toutes les gloires et les distractions de la vie politique, n’a jeté que d’admirables vues, sans fonder un système net et précis. […] Frédéric régnait alors à Berlin, et ceux des beaux-esprits français qui ne se sentaient pas capables de briller en France à côté de l’astre éblouissant de Voltaire, allaient à Berlin faire en sous-ordre les amusemens de la cour et du maître. […] La raison demande à la nature de l’instruire, non pas comme un écolier qui se laisse dire tout ce qui plaît au maître, mais comme un juge légitime qui force les témoins de répondre aux questions qu’il leur adresse.

1818. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Villars paraît s’être acquitté fort convenablement de sa mission délicate d’ambassadeur auprès d’une cour naturellement très mécontente de Louis XIV et très alarmée de l’ambition qu’il témoignait à l’égard de la succession d’Espagne ; il sut y soutenir avec fierté et hauteur la dignité du roi son maître, amuser et contenir les ministres de Léopold, et suspendre, arrêter à temps la prise de possession provisoire, par les armées impériales, des états espagnols en Italie, tandis que le roi d’Espagne vivait encore et dans un moment où il s’y prêtait. […] En vérité, cela est plus sûr que de suivre l’avis des courtisans, qui, ne songeant qu’à détruire ceux qui n’ont pour eux que leurs services, pourraient établir, sous un roi moins juste et moins grand que celui que la bonté de Dieu nous a donné, cette maxime si dangereuse pour les maîtres de la terre, qu’il vaut mieux songer à leur plaire qu’à les servir.

1819. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade, a entrepris d’élever ce monument à la mémoire d’un maître respecté : en allant contre son vœu, ni l’un ni l’autre ne se sont trompés dans l’objet de leur piété, lis ont déjà obtenu ce résultat, que tous dorénavant peuvent apprécier et estimer celui dont les œuvres jusqu’ici restaient closes ou éparses, et dont le nom seul était connu hors du cercle des savants. […] L’honneur du maître n’en eût point souffert ; la vérité s’en fût trouvée bien.

1820. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Messieurs, il n’a pas fallu beaucoup de temps au rapporteur de votre Commission, même dans le petit nombre de séances où elle a pu se réunir, pour se convaincre que le Sénat, si, à son tour, il avait à se livrer à une discussion complète et approfondie de la loi, trouverait dans son sein des orateurs pleins de feu, des argumentateurs pressants et des jurisconsultes consommés, maîtres du sujet, qui maintiendraient le débat à la hauteur où il s’est élevé dans une autre assemblée. […] En résumé, dans l’état actuel de la législation, avant la promulgation de la loi présente, l’auteur, maître absolu de son œuvre sa vie durant, laissait, s’il était marié, la jouissance viagère de ses droits à sa veuve, à la condition que le mariage eût été contracté sous le régime de la communauté.

1821. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Quand tout fut passé, les chiens s’approchèrent du rivage ; mais ils refusèrent d’entrer dans le bateau et se mirent à pousser des hurlements affreux : il fallut que leurs maîtres les amenassent de force. […] Il ne s’est pas révolté contre son premier maître.

1822. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

C’est grand de penser que nous sommes les maîtres, même dans notre pauvreté, de diriger toutes nos actions du moins pour le mériter. […] Le mot du Maître le paye bien autrement qu’en argent de tant de dévouement aux souffrances des pauvres gens.

1823. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

« Au reste, a dit Jomini, cette bataille me détrompa de toutes les espérances que j’avais conçues ; elle me prouva qu’un homme dans ma position ne devait jamais juger les choses comme il le ferait s’il était maître de commander ; et j’appris là qu’il y avait une grande différence de diriger soi-même l’ensemble d’un état-major dans lequel on prévoit et organise tout, ou à raisonner sans fruit, et sur des données incertaines, de ce que veulent faire les autres. En un mot, je me rappelai la célèbre réponse de Scanderbeg au sultan, qui lui avait demandé son sabre (« Dites à votre maître qu’en lui envoyant le glaive je ne lui ai pas envoyé le bras ») ; fiction ingénieuse et applicable à tous les militaires qui se trouveront dans le cas de donner leurs idées sur des opérations qu’ils ne dirigeront pas. » Après la bataille perdue et quand on se décida à la retraite, lorsque, dans la soirée du 27, Jomini vit l’ordre apporté par Toll, — « le brouillon encore tout trempé de pluie56 », — qui réglait cette retraite jusque derrière l’Éger en quatre ou cinq colonnes, « chacune d’elles ayant son itinéraire tracé pour plusieurs jours, comme une feuille de route, par étapes, qu’on exécuterait en pleine paix, sans s’inquiéter de ce qui arriverait aux autres colonnes » ; à la vue de cette disposition burlesque », il n’y put tenir : toute sa bile de censeur éclairé et de critique militaire en fut émue, comme l’eût été celle de Boileau à la vue de quelque énormité de Chapelain ; et il s’écria sans crainte d’être entendu : « Quand on fait la guerre comme ça, il vaut mieux s’aller coucher. » L’ambassadeur anglais, lord Cathcart, présent, crut devoir le prendre à part pour lui conseiller de ménager davantage l’amour-propre de ses nouveaux camarades.

1824. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Mais, indépendamment de ces monuments écrits qui marquent, il y a la société d’alentour, dans laquelle se retrouve plus ou moins la même langue, et qui compte des gens d’esprit non écrivains de profession, et maîtres pourtant dans leur genre, maîtres à leur manière, sans y viser et sans le paraître.

1825. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Mais, ayant lu avec soin Molière, il renonça, par respect pour ce grand maître, à un genre d’une si accablante difficulté. […] Sous ce dur maître, on avait moissonné.

1826. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

En ce cas, l’enfance et la première jeunesse de M. de Balzac au collége se rapportent bien à ce qu’on pourrait conjecturer : une imagination active, spirituelle ; de l’ébullition, du désordre et de la paresse ; des lectures avides, incohérentes, à contre-temps ; l’amour du merveilleux ; les études mal suivies ; un mauvais écolier sans discipline, semper aliud agens, que ses maîtres chargent de pensums et que ses camarades appellent du sobriquet de poëte. […] Ici les tableaux des maîtres, les tulipes introuvables, les meubles d’ébène et les boiseries dignes de Salomon sont dès l’avance disposés.

1827. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Nisard158 ; il s’en sentait tour à tour attiré ou repoussé, selon qu’il voyait son collaborateur des Débats, tantôt comme maître en talent, tantôt comme rival. […] Sa position est allée s’étendant de jour en jour : député, directeur au ministère de l’Instruction publique, maître de conférences à l’École normale et, en dernier lieu, professeur au Collége de France, il a pu suffire à tant d’emplois divers.

1828. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

M.de Lionne est le maître de cette école solide et charmante dont M.de Pomponne, à la fois plus vertueux et moins appliqué, n’est déjà plus. […] Antonio Perez, secrétaire d’État, favori brillant, complice de son maître dans l’exécution des plus secrets et des plus redoutables desseins, devint à un certain moment son rival en amour, et se perdit par ses dérèglements et ses imprudences.

1829. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Mais en la considérant moins dans la diversité des sujets que dans le procédé qu’elle y emploie, dans la disposition et l’allure qu’elle y apporte, on peut distinguer en gros deux espèces de critique, l’une reposée, concentrée, plus spéciale et plus lente, éclaircissant et quelquefois ranimant le passé, en déterrant et en discutant les débris, distribuant et classant toute une série d’auteurs ou de connaissances ; les Casaubon, les Fabricius, les Mabillon, les Fréret, sont les maîtres en ce genre sévère et profond. […] Cette indifférence du fond, il faut bien le dire, cette tolérance prompte, facile, aiguisée de plaisir, est une des conditions essentielles du génie critique, dont le propre, quand il est complet, consiste à courir au premier signe sur le terrain d’un chacun, à s’y trouver à l’aise, à s’y jouer en maître et à connaître de toutes choses.

1830. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Il n’a pas l’air de se douter (et il le sait pourtant bien) que la plupart du temps le curé est un brave homme qui a seulement les préjugés de son habit et de sa profession et qui même doit les avoir et serait un prêtre douteux s’il ne les avait pas ; que presque toujours, dans ces querelles entre curés et maires ou maîtres d’école, les torts sont partagés, et qu’enfin il n’est jamais renseigné que par l’une des parties et souvent par des nigauds, des fanatiques ou des farceurs. […] Hervé ; les maîtres, Offenbach et MM. 

1831. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Émile Augier, lui-même, a peint de main de maître ce type de la courtisane relapse dans l’héroïne du Mariage d’Olympe. […] Il apparaît languissant, affaissé, presque endormi sur le trône ; mais que la trompette sonne contre l’Espagne ou l’Empire, comme il se redresse, comme il grandit, comme il redevient le maître et le roi !

1832. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

On raconte que le fameux maître de danse Marcel, si connu par la solennité de ses aphorismes, demanda un jour une audience à M. de Lamoignon père pour lui déclarer qu’il ne pouvait lui dissimuler en conscience que son fils ne danserait jamais bien et ne pourrait conséquemment faire son chemin ni dans la magistrature ni dans l’armée : « À la manière dont il marche, concluait-il, vous ne pouvez raisonnablement le placer que dans l’Église. » M. de Malesherbes se plaisait gaiement à raconter ce lamentable pronostic de Marcel. […] L’occasion, qui nous révèle tout entier aux autres et à nous-même, l’alla chercher dans la tempête civile et le trouva tout préparé ; il vit celui qu’il avait appelé son maître, seul, sans défense, dans un cachot, et il s’avança en lui tendant les bras.

1833. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Si, dans l’Essai, il parle très sévèrement des républicains, il ne parle pas mieux des royalistes : « Le républicain, y dit-il, sans cesse exposé à être pillé, volé, déchiré par une populace furieuse, s’applaudit de son bonheur ; le sujet, tranquille esclave, vante les bons repas et les caresses de son maître. » Et sa conclusion était à la façon de Rousseau pour l’homme de la nature, et en faveur des forêts vierges du Canada. […] Decazes (c’est tout simple), comme favori du maître, n’obtint que ses injures : mais le noble duc de Richelieu ne fut pas plus heureux.

1834. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Son père, jusque dans ses plus grandes rigueurs, ne pouvait s’empêcher de le reconnaître : « Il y a bien du physique dans ses écarts. » Que ne pouvait-on pas attendre, en fait de fougue et d’exubérance, de celui qui, en venant au monde, avait dans la bouche deux dents molaires déjà formées ; qui, sortant de Vincennes après quarante-deux mois de réclusion, à l’âge de plus de trente ans, se trouvait non seulement grossi, mais grandi au physique, et dont la chevelure immense était douée d’une telle vitalité, que vers la fin, dans ses maladies, le médecin, avant de lui tâter le pouls, demandait en entrant au valet de chambre comment était ce jour-là la chevelure de son maître, si elle se tenait et frisait d’elle-même, ou si elle était molle et rabattue ? […] Ou plus loin qu’ils le virent, le cocher, chef de la bande, dit à la marquise : « Vous voyez bien, madame, qu’il y avait quelqu’un. » Mais Mirabeau vient à leur rencontre d’un air à les faire repentir de leur obstination ; et voilà que commence une de ces scènes de haute comédie et de théâtre où il était passé maître : « Que venez-vous chercher ici ? 

1835. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Tout annonce qu’il s’y distingua, et l’on croira sans peine qu’en appréciant la précocité de son talent, ses maîtres eurent de bonne heure à reconnaître le tour peu maniable de son caractère. […] À la Convention, Saint-Just ne nous apparaît que calme d’aspect, inflexible, maître de lui ; son ardeur est fixée, et se recouvre d’un front impassible.

1836. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

C’est Pellerin qui confond ses facultés critiques, ses notions sur l’histoire de la peinture et son admiration pour les grands maîtres avec un pouvoir personnel d’exécution, Pellerin qui espère toujours susciter le don par un effort d’intelligence, qui supplée au talent par l’accoutrement, par le geste et le vocabulaire. […] Ainsi, selon deux procédés différents, l’esprit humain s’est efforcé de se rendre maître de la certitude.

1837. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

* * * — Un maître diantrement original que Van der Meer. […] Et chose invraisemblable, ce maître de Chardin, bien certainement inconnu de notre maître français, dans un tableau d’une tout autre manière : une rue de Delft aux maisons de brique, — semble le précurseur de Decamps.

1838. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Ce passage de Tite-Live nous démontre donc à la fois, et que la royauté romaine fut aristocratique, et que la liberté fondée par Brutus ne fut point populaire, mais particulière aux nobles ; elle n’affranchit pas le peuple des patriciens, ses maîtres, mais elle affranchit ces derniers de la tyrannie des Tarquins. […] Tout l’héroïsme des maîtres du peuple ne servait qu’à l’épuiser par des guerres interminables, qu’à l’enfoncer dans un abîme d’usure, pour l’ensevelir ensuite dans les cachots particuliers des nobles, où les débiteurs étaient déchirés à coups de verges, comme les plus vils des esclaves.

1839. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Et quel était donc celui qui va épier et prendre ainsi sur le fait les pusillanimités et les misères du maître durant sa maladie suprême ?

1840. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Sachant bien plusieurs langues, rompu aux littératures étrangères dont, le premier, il a produit parmi nous de fantastiques chefs-d’œuvre, habile à se souvenir et à démasquer les larcins, s’inspirant lui-même de ses lectures et l’avouant, laborieux au logis, ingénieux et facile à tout dire, propre à tout, ne se faisant guère d’illusion, croyant peu, capable d’admirer le passé, quoique d’une érudition trop spirituelle pour être constamment révérente, et avec cela toujours maître de sa plume, l’arrêtant, la dirigeant à volonté, un peu recherché et joli par endroits, comme quand l’esprit domine, il a gardé quelque chose de très français à travers son premier bagage d’outre-Rhin et a aiguisé sa finesse au milieu des génies allemands qui avaient ou n’avaient pas de fil : qu’on se souvienne en effet qu’il a passé par Vandervelde avant de donner la main à M. 

1841. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Le disciple, plus calme et mieux équilibré que le maître, laissa le romantisme et ne garda de cet enseignement que la sagesse purement positiviste qui s’y trouvait contenue.

1842. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

À la présidence du Sénat, elle a placé le bon papa Fallières, au visage réjoui de maître vigneron.

1843. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Ces cousins germains, qui adhérèrent au jeune maître, pendant que ses vrais frères lui faisaient de l’opposition 115, prirent le titre de « frères du Seigneur 116. » Les vrais frères de Jésus n’eurent d’importance, ainsi que leur mère, qu’après sa mort 117.

1844. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Voici, pour commencer, la famille, l’école, maîtres et camarades, l’église, les gens du village ou du quartier.

1845. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Le judicieux Du Marsais, un des hommes qui a le mieux entendu le génie des langues, & qui a porté plus loin l’esprit de discussion & d’analyse dans toutes les parties grammaticales, a fait voir qu’en matière d’orthographe, si l’usage étoit un maître dont il convint en général de respecter les loix, c’étoit le plus souvent aussi un tyran dont il falloit sçavoir à propos secouer le joug.

1846. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Je lui disais : effacez-moi tout cela ; mettez-moi cet amour en l’air ; qu’en emportant sur son dos le voile qui couvre la nymphe, il saisisse le satyre par la corne et le pousse sur elle. étendez-moi le front de ce satyre, raccourcissez ce visage niais, recourbez ce nez, étendez ces joues, qu’à travers les traits qui déguisent le maître des dieux je le reconnaisse.

1847. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Les dessins lavés au bistre et à l’encre de la Chine sont sublimes, tout à fait dans le goût des plus grands maîtres ; rien de maniéré, de petit, ni de moderne soit pour la composition, soit pour les caractères, soit pour la touche.

1848. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Ignoroit-il que ses comtemporains donnoient tous les jours, quoiqu’abusivement, le nom de carmen à des vers qui ne se chantoient pas, dont la déclamation étoit arbitraire, et dont les anciens appelloient la recitation une lecture, parce que celui qui les lisoit, n’étoit astreint qu’à suivre la quantité, et qu’il étoit le maître de faire en les récitant telles inflexions de voix qu’il jugeoit à propos.

1849. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Il permet non seulement au jeune homme qui veut faire du progrès dans l’éloquence d’apprendre l’art du geste ; mais il consent encore qu’il prenne durant quelque-temps des leçons d’un comedien, et qu’il étudie sous ce maître les principes de l’art de la prononciation.

1850. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

… Imaginerait-on jamais que l’impératrice Marie-Thérèse, sa belle-mère, à lui, meurt, et qu’il note sa mort sans autre souci que des révérences, qu’il compte, ce jour-là, comme un maître à danser : 314 d’hommes et 256 de femmes ?

1851. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Pendant que la Philosophie cherchait à le retenir en bas, il monta, et telle fut l’indéfectible sécurité, le maître aplomb de cet homme, que les analogies ou, pour mieux parler, les identités de sa pensée avec celle d’Aristote entraînaient, vers les erreurs du péripatétisme, qu’il s’arrêta toujours à temps pour les éviter !

1852. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Enfantin a-t-il intérieurement reconnu son maître ?

1853. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

ce qu’a souffert, et dans son corps et dans son âme, un des plus brillants jeunes gens du siècle, qui s’appelait Roger comme celui qui, dans l’Arioste, monte l’Hippogriffe, — qui le montait aussi, et qui le menait comme il le voulait dans le bleu, et qu’en voilà descendu maintenant, cloué par la douleur à terre, et comme Byron, leur maître à tous, à ces grands jeunes gens finis, le disait de lui-même ; « achevant de vivre à son foyer désert, au milieu des ruines de son cœur et dans l’abandon de ses dieux domestiques… » III Telle est, en effet, la destinée de Roger de Beauvoir.

1854. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

On ne peut croire que Plaute ait voulu mettre sur le théâtre des dieux qui enseignassent le parjure au peuple ; encore bien moins peut-on le croire de Scipion l’Africain et de Lélius, qui, dit-on, aidèrent Térence à composer ses comédies ; et toutefois dans l’Andrienne, Dave fait mettre l’enfant devant la porte de Simon par les mains de Mysis, afin que si par aventure son maître l’interroge à ce sujet, il puisse en conscience nier de l’avoir mis à cette place.

1855. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Les lois, les institutions sociales fondées par la liberté populaire n’ont point suffi à la régler ; le monarque devient maître par la force des armes de ces lois, de ces institutions.

1856. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

La belliqueuse Espagne, cette contrée qu’une affinité méridionale avait mêlée de bonne heure au génie de ses maîtres italiques, célébrait sur la lyre latine le culte nouveau.

1857. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Acomat épousera la cousine de Bajazet et restera le véritable maître de l’empire. […] Et l’autre valet est tout simplement « un homme antique », comme l’appelle son maître. — Il y a bien la baronne d’Arglave. […] Gotte est tombée amoureuse de son maître pour l’avoir entendu fredonner l’air de Gounod : Dans les sentiers ombreux. […] Le domestique Gontran, raisonneur et indulgent pour son maître, est une esquisse d’une touche bien fine et bien moderne. […] Julie dit à son ami : « Merci pour ton acte de maître !

1858. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Tout au plus, il associe un nom célèbre au sien, non pas comme le nom d’un maître à celui d’un disciple, mais comme celui d’un égal à celui d’un égal. […] Le mépris des fils pour les pères et des élèves pour les maîtres est, en France, très général, et il semble très légitime. […] Plus on est sûrement maître, plus on veut être tyran. Car, je vous le demande, à quoi servirait-il d’être maître ? […] Il eut avec la cour de Rome quelques démêlés qu’un gouvernement conciliant ou simplement maître de soi, non seulement aurait résolus en quelques minutes, mais même aurait considérés comme n’existant pas ; car en vérité ils n’étaient que de très légers dissentiments.

1859. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Roland rallie, en sonnant son cor d’ivoire, les Français épars et attaque à son tour les ennemis ; tous ses compagnons sont tués, mais les Sarrasins, ayant perdu leur chef, s’éloignent : Roland reste maître du champ de bataille et meurt victorieux. […] Roland en met en fuite les derniers débris, après avoir blessé — et non tué — leur chef, et meurt vainqueur, maître du champ, le visage tourné vers le pays ennemi. […] Pendant ce temps, l’écuyer « ne cessait jour et nuit de regretter les grands biens qu’il avait laissés », et s’efforçait de décider son maître à retourner au « paradis » perdu. […] Il ne s’agit plus simplement d’un chasseur, mais du maître d’un jardin, qui tend un piège à l’oiseau parce qu’il dévaste ce jardin. […] Il n’est plus question des dégâts commis par l’oiseau ; au contraire, le maître du jardin jouit de ses chants, et s’il le prend, c’est pour le mettre en cage et l’entendre toujours.

1860. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

S’il arrivait que le maître du logis, dans les sept années qui suivaient son mariage, eût acheté un matelas ou un lit de bourre, et aussi un sac de menue paille pour reposer sa tête, il se croyait aussi bien logé que le seigneur de la ville… Les oreillers, disaient-ils, ne semblaient faits que pour les femmes en couches. […] Son style. —  Ses maîtres, Pétrarque et Virgile. —  Ses procédés, son habileté, sa perfection précoce. —  L’art est né. —  Défaillances, imitation, recherche. —  L’art n’est pas complet. […] Il n’y a guère d’esprit qui ose tout d’abord être tout à fait lui-même ; quand paraît un art nouveau, le premier artiste écoute non son cœur, mais ses maîtres, et se demande à chaque pas s’il pose bien le pied sur le sol solide et s’il ne bronche point. […] Dans tous les arts, les premiers maîtres, les inventeurs découvrent l’idée, s’en pénètrent et lui laissent produire sa forme. […] On se dit qu’après tout Cowley a peut-être du talent, et on trouve qu’en effet il en a un, talent nouveau, inconnu aux vieux maîtres, qui indique une autre culture, qui exige d’autres mœurs et qui annonce un nouveau monde.

1861. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Un grand gouverne ses domestiques, & les domestiques attachés à son service lui sont subordonnés ; il leur fait porter sa livrée, le public la reconnoit & décide au coup-d’oeil, que tel homme appartient à tel maître. […] Ils sont à leur égard ce que les domestiques sont à l’égard du maître : on dit des uns dans le sens propre, qu’ils sont gouvernés ; on le dit des autres dans le sens figuré. […] Voyez le Maître italien de Veneroni, traité des neuf parties d’oraison, ch. ij. des noms en o, & la Méthode italienne de P. […] En est quelquefois préposition, parler en maître ; d’autres fois il est adverbe, nous en arrivons. […] Voyez le Maître italien de Veneroni, p. 9. édit. de Paris 1709.

1862. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Ils ont cru à la logique, à la réalité objective d’une construction dialectique, autant qu’un scolastique du moyen âge a pu croire à la « parole » et au dixit du Maître. […] si l’enthousiasme un jour s’éteignait sur votre sol, si le calcul disposait de tout et que le raisonnement seul inspirât même le mépris des périls, … une intelligence active, une impétuosité savante, vous rendraient encore les maîtres du monde ; mais vous n’y laisseriez que la trace de torrents de sable, terribles comme les flots, arides comme le désert » : IV. […] Ces poètes rattachaient leurs contemplations à une théorie ; ils écoutaient comme un maître l’ami de Mme de Staël, Schlegel, et rêvaient en lisant religieusement l’Atheneum. […] Il ne se sauvait pas des écarts de sa sensibilité dans l’esprit de dévoûment, de sacrifice ou simplement d’humanité, mais dans l’égoïsme intelligent et bien raisonné ; et quand il s’évadait du salon, du souper ou de la maison de jeu, ce qu’il redevenait, ce n’était pas l’homme d’une grande association, d’une grande œuvre commune ou d’une grande cause, c’était l’homme qui voulait être lui-même, maître de lui-même et jouir de lui. […] C’est le cas de Constant ; d’un désir ardent d’être maître de soi qui n’était qu’avivé par le sentiment de ses dépendances involontaires, est né le système d’individualisme extrême le plus hardi qui pût être conçu par un homme intelligent.

1863. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Quels remords d’avoir tant contristé ses vieux maîtres ! […] À plus forte raison les Brissot doivent-ils se conformer à l’usage particulier de ce théâtre, car le comte est leur bienfaiteur et leur maître… Eh bien ! […] Nous sentions, dans cette comédie du maître, une image si fidèle et si aisément tracée de nos mœurs, de nos sentiments, de nos inconsciences ! […] On peut goûter médiocrement le Maître de forges et en faire l’aveu sans nourrir dans son cœur aucun sentiment bas. […] Il traverse silencieusement la scène, ouvre la porte par où vient de rentrer Gerfaut, et gourmande le garde : « C’est sur ton maître que tu as tiré ; tu aurais pu me reconnaître ! 

1864. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il était glorieux, il était riche, il était bon ; il était « très bien auprès du maître ». […] Le dessin et le mouvement générai de cette petite pièce, évidemment improvisée, est déjà d’un maître, d’un homme qui en tant qu’instruit du théâtre est déjà tout ce qu’il sera. […] Elle est d’une verve extraordinaire, même chez le maître de la verve. […] Absolument maître et sûr de son génie on voit très bien que vers la fin il faisait une synthèse de ces deux genres et avec une habileté véritablement souveraine. […] Bossuet piétine furieusement ce sévère réformateur des grands canons des petits maîtres et des affectations des précieuses, du reste approbateur d’une infâme complaisance chez les maris.

1865. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

C’étaient aussi des maîtres d’école ou de simples ouvriers, tisserands ou laboureurs. […] À cet égard il est exactement le maître du théâtre. […] Ce sont les médecins qui, en exploitant d’autre façon ces mêmes terreurs, se font les maîtres de la maison. […] « Gardez-vous du maître à chanter qui vous persuade que les gentilshommes savent la musique. […] C’est un livre maître à écrire.

1866. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Ne jamais subir de maître, se soulever tout entier contre toute apparence d’empiétement ou d’ascendant, maintenir sa personne intacte et inviolée à tout prix jusqu’au bout et contre tous, tout oser plutôt que de donner un signe de soumission, voilà son fonds. […] On lui redressait le pied douloureusement dans une machine de bois pendant qu’il prenait sa leçon de latin, et son maître le plaignait. « Ne faites pas attention si je souffre, monsieur Roger, dit l’enfant ; vous n’en verrez aucune marque sur ma figure1248. » Tel il était enfant, tel il demeura homme. […] Les hommes — mouraient, et leurs os étaient sans tombe comme leur chair. —  Les maigres étaient dévorés par les maigres. —  Même les chiens assaillirent leurs maîtres, tous sauf un ; —  et celui-ci fut fidèle au cadavre, écartant — les oiseaux, et les bêtes, et les hommes affamés, par ses hurlements, —  jusqu’à ce que la faim leur eût serré la gorge, ou que les morts qui tombaient — eussent alléché leurs mâchoires maigres. —  Lui-même n’alla point chercher de nourriture, —  mais d’un piteux et perpétuel gémissement, —  avec des cris pressés et désolés, léchant la main — qui ne lui répondait point par une caresse, il mourut. —  La foule périt de faim par degrés ; mais deux hommes — dans une énorme cité survécurent, —  et ils étaient ennemis. […] Néanmoins c’est le Steinbach et la Jungfrau, et quelque chose d’autre encore, bien plus que Faust, qui m’ont fait écrire Manfred. » — « L’œuvre est si entièrement renouvelée, ajoutait Gœthe, que ce serait une tâche intéressante pour un critique de montrer non-seulement les altérations, mais leurs degrés. » Parlons-en donc tout à notre aise : il s’agit ici de l’idée dominante du siècle, exprimée de manière à manifester le contraste de deux maîtres et de deux nations. […] Jusqu’ici, dans nos jugements sur l’homme, nous avons pris pour maîtres les révélateurs et les poëtes, et comme eux nous avons reçu pour des vérités certaines les nobles songes de notre imagination et les suggestions impérieuses de notre cœur.

1867. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Shakespeare a fait bien d’autres choses ; mais il est certain qu’avant tout il a fait cela, et en maître. […] Tant y a que Julien est absolument maître de la situation ; il tient toutes les avenues. […] Il est à remarquer que les peuples entourent d’un respect religieux, non jamais, ou très faiblement, une caste, très souvent et très facilement un maître unique, despote oriental, César romain, Napoléon français. […] On s’est étonné qu’en 1799, ne tenant plus à la liberté, il tînt encore à la Révolution, que, demandant un maître, et aussi despotique que possible, il ne demandât pas l’ancien et le repoussât même avec vigueur. […] Qu’est-ce qu’une jouissance en numéraire, une action sur une entreprise agricole ou industrielle, un coupon de grand livre, à côté du charme infini d’être maître dans sa maison et dans son champ, sous sa vigne et sous son figuier ? 

1868. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Chacun chez soi, sur sa terre et dans sa hutte, est maître de soi, debout et entier, sans que rien le courbe ou l’entame. […] — c’est la région du milieu — qu’il fit ensuite,  — c’est la terre pour les hommes, le maître tout-puissant !  […] Il s’étonne d’abord, il se désespère ; mais c’est le désespoir d’un héros : « Est-ce là le lieu étroit67 — où mon maître m’enferme ?  […] Boëce avait pour lecteurs des sénateurs, des hommes cultivés qui entendaient aussi bien que nous les moindres allusions mythologiques ; toutes ces allusions, Alfred est obligé de les reprendre, de les développer, à la façon d’un père ou d’un maître qui prend entre ses genoux son petit garçon, lui contant les noms, qualités, crimes, châtiments que le latin ne fait qu’indiquer ; mais l’ignorance est telle que le précepteur lui-même aurait besoin d’être averti ; il prend les Parques pour les Furies, et donne gratuitement trois têtes à Caron comme à Cerbère.

1869. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

C’est presque avec une caresse, que le maître de café pousse doucement le mendiant à la porte. […] Et elle semble entourée des petites infantes du maître, assises à côté d’elle, de ces petites senoritas, la raie de côté, les cheveux piqués du rouge d’un ruban ou d’une fleur de grenadier, le sourcil tressaillant, le front bossué, le teint chaudement pâle avec la tache de fard de leurs joues, un vermillonnement à la Goya. — Je les voyais tout à l’heure dans le jardin, les petites senoritas, vives comme le vif-argent, et déjà jambées de mollets de danseuses, petites-filles des fameuses saltatrices gaditanes. […] À peine deux ciels de mer… Hors de là, chose piquante, chez ce maître du réalisme, rien de l’étude de la nature. […] si j’avais eu là, à l’hôpital, un maître, mais c’était Richerand, un charlatan… » Là-dessus le docteur Phillips, avec sa grosse tête dans les épaules, ses yeux saillants, sa personne ankylosée, se met à parler chirurgie, opérations, nous entretient de Roux, cet artiste du pansement qui tuait ses malades par la coquetterie de ses bandes.

1870. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Or, si leurs ouvriers, à force de labeur, parviennent à faire passer dans ce défilé quelque pâle contre-épreuve, quelque calque décoloré des maîtres, ces ingrats, à l’examen du refaccimiento nouveau, s’écrient tantôt : « Cela ne ressemble à rien !  […] À quoi bon s’attacher à un maître ? […] Cette école nous semble avoir eu pour maître et pour souche le poëte qui marque la transition du dix-huitième siècle au dix-neuvième, l’homme de la description et de la périphrase, ce Delille qui, dit-on, vers sa fin, se vantait, à la manière des dénombrements d’Homère, d’avoir fait douze chameaux, quatre chiens, trois chevaux, y compris celui de Job, six tigres, deux chats, un jeu d’échecs, un trictrac, un damier, un billard, plusieurs hivers, beaucoup d’étés, force printemps, cinquante couchers de soleil, et tant d’aurores qu’il se perdait à les compter. […] Aussi fait-il des sottises que son maître a mainte fois beaucoup de peine à réparer.

1871. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

C’est ainsi qu’il n’y a pas moins de six ou sept opinions sur l’origine ou sur l’auteur du Pentateuque ; et que, s’il nous plaît d’en dater la composition du temps de Josué par exemple, ou de Saül, ou de David, ou de Salomon, ou de Josias, ou de la captivité de Babylone, ou d’Esdras, ou de Néhémias, ou des premiers Ptolémées, ou des Macchabées même, on le peut ; et les maîtres de la philologie moderne en fourniront les raisons qu’on voudra. […] Sommes-nous nos maîtres ? […] disait déjà saint Augustin, tandis qu’il n’est pas de science ou d’art si faciles qu’ils ne réclament un guide et un maître, la religion, seule au monde, n’aurait pas besoin qu’on l’enseigne et qu’on la dirige !  […] C’est la science sociale qui se fait, mes maîtres, la science de justice et de liberté, par qui se fera la faillite du dogme de servitude de l’esprit et du corps.

1872. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Il est pour le compte du Tsar vice-roi d’Asie et maître de 200 millions d’hommes. […] La largeur d’esprit dont il fait preuve n’est, en aucune façon, contestable ; elle n’est d’ailleurs pas en cause ; mais il reste acquis que, d’après ses propres paroles, le maître écrivain pense et dit que, pour lui, « l’évolution du vers français touche à son terme avec les poésies de Victor Hugo », et que ces poésies réalisent pour l’oreille « le maximum de jouissance que la constance des conditions physiologiques » lui permet d’obtenir. […] * *   * Après avoir lu et relu cette lettre qui devait me causer tant de joie et aussi quelque fierté, signée qu’elle est d’un maître que tous respectent pour la beauté de son œuvre et la dignité de sa vie, je sens pourtant une tristesse se faire jour en moi. […] Sully Prudhomme a héritée des classiques, ses maîtres, qui eux-mêmes l’avaient prise, en la restreignant, à l’antiquité grecque.

1873. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Le nom de Jean-Jacques revient inévitablement dès qu’il s’agit d’un maître à qui dignement le comparer.

1874. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Ils environnaient la recherche de la vérité de tout ce qui pouvait frapper l’imagination ; ces promenades où de jeunes disciples se réunissaient autour de leur maître, pour écouter de nobles pensées en présence d’un beau ciel ; cette langue harmonieuse qui exaltait l’âme par les sens, avant même que les idées eussent agi sur elle ; le mystère qu’on apportait à Éleusis dans la découverte, dans la communication de certains principes de morale ; toutes ces choses ajoutaient à l’effet des leçons des philosophes.

1875. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Ils sont excellents pour la plupart, et l’on n’a point coutume de demander à son maître d’écriture par quelle déduction rationnelle et en vertu de quel principe a priori, il veut qu’on étende bien ses doigts, qu’on ne mette pas son cahier de travers, qu’on ramène sa plume vers sa poitrine, et qu’on se tienne droit comme un I.

1876. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Dans cette langue dont il était plus maître que de son parler natal, Calvin donna à sa pensée toute son ampleur et toute sa force, et quand ensuite il la voulut forcer à revêtir la forme de notre pauvre et sec idiome, elle y porta une partie des qualités artistiques de la belle langue romaine.

1877. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Il n’a pas « éreinté », en de minces plaquettes, ses maîtres, ses concurrents ou ses amis.

1878. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Avec son atmosphère habituelle, le Maître avait retrouvé sa bonne humeur et son entrain.

1879. (1890) L’avenir de la science « I »

J’admets dans toute sa portée philosophique ce précepte du Grand Maître de la morale.

1880. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Les esprits y sont divisés, les sentimens arbitraires, les regles méprisées, les rangs confondus, les Grands Maîtres insultés ; le savoir y est peu honoré, la médiocrité accueillie & même célébrée, la hardiesse y supplée au génie.

1881. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Les œuvres vénérables des maîtres ont même cela de remarquable qu’elles offrent plus de faces à étudier que les autres.

1882. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Selon cet abbé, si nous n’avons plus d’écrivains ni de peintres dont le pinceau égale celui des grands maîtres, c’est que ces derniers ont respiré un air qui leur étoit défavorable.

1883. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Toutes ses Pièces n’ont pas d’égales beautés, mais on peut dire que dans ses moindres il y a des traits qui n’ont pu partir que de la main d’un grand maître, et que celles qu’on estime les meilleures, comme Le Misanthrope, Le Tartuffe, Les Femmes savantes, etc. sont des chef-d’œuvres qu’on ne saurait assez admirer.

1884. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Cette fable rentre un peu dans celle du mouton, du pourceau et de la chèvre, avec cette différence que le chapon est plus maître d’échapper à son sort.

1885. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Dans une de ces batailles, je me rappelle encore des soldats touchés avec force et délicatesse, quoique ce ne soit pas le mérite ordinaire de ce maître ; là ou ailleurs (car comme je compte sur vous je parcours les choses un peu légèrement), sur le devant un soldat mort, un étendard, un tambour, une terrasse peints avec beaucoup de vigueur.

1886. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Donoso Cortès et Raczynski étaient, de facultés, peut-être dignes d’avoir une politique à eux qu’ils auraient appliquée et réalisée s’ils avaient été chefs d’État, au lieu d’être d’oisifs diplomates, passifs comme des maîtres de cérémonies !

1887. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Demogeot a la reconnaissance des services rendus et l’amour des maîtres.

1888. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

quand, plus tard, elle cherchait tous les maîtres capables de donner à l’enfant grandie ce qu’on appelait alors les grâces françaises, elle avait alors une magnifique prévoyance.

1889. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

En somme, il a toujours passé pour un gaillard d’érudition, très vif, très éveillé, très dispos, et dont la riche santé et le tempérament heureux ont dû inquiéter et mécontenter souventes fois ses maîtres, les bilieux ennuyés de l’Histoire majestueuse !

1890. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

quand, plus tard, elle cherchait tous les maîtres capables de donner à l’enfant grandie ce qu’on appelait alors les grâces françaises, elle avait alors une magnifique prévoyance.

1891. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Richelieu, qui protégea Renaudot, le fondateur de la première gazette en France, mais qui le protégea en restant son maître ; la Chambre étoilée, en Angleterre, qui regarda toujours les journaux d’un œil de vigilance sourcilleuse, — torvo lumine, — quoique, en Angleterre, la liberté des écrits périodiques ait bien moins d’inconvénients qu’ailleurs, parce qu’elle y est accompagnée d’un grand respect pour les hiérarchies, auraient dû, ce semble, éveiller en Μ. 

1892. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

À propos des prescriptions du Divin Maître, M. 

1893. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

On établit une ligne injuste et fatale entre le fils du maître et l’étranger.

1894. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Et c’est ainsi qu’un esprit fait pour dire ce qu’il voit dans les réalités humaines emboîte le pas derrière d’indignes maîtres, et se courbe jusqu’à n’être que le répétiteur de leurs ineptes prédictions.

1895. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Augier appartient, par le manque de personnalité vigoureuse et cette facilité déplorable qui charme les sots et qui explique sa fortune, à cette race d’esprits de troisième degré qui sont entre les poètes et le public, — mais plus du côté du public que du côté des poètes, et qui, descendant la poésie, toujours un peu altière, jusqu’au niveau des gens médiocres, diminuent, dans leurs productions décolorées, l’éblouissante et insupportable originalité des maîtres et la font accepter aux débilités qu’elle épouvante.

1896. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Le vrai poète, lui, est toujours le maître de son rêve.

1897. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Les plus ingénieux et les plus profonds parmi les Maîtres ont prétendu que, pour être épique, il fallait qu’un poëme embrassât toute la civilisation d’un peuple.

1898. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

L’auteur des Odes funambulesques n’en est plus aux Ruy-Blas de son maître, mais aux Pierrot et aux Colombine des scènes inférieures.

1899. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Henri Mürger ne fut, par le talent, à Alfred de Musset que ce qu’un groom est à son maître.

1900. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

La réponse serait si cruelle que je ne veux pas la faire à un jeune homme qui montre certainement, à sa première invention, plus de talent que n’en eut jamais celui qu’il a par trop nommé son maître.

1901. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Il a cette flexibilité qu’on pourrait appeler encyclopédique, qui se ploie trop aisément à tous les sujets pour s’attacher opiniâtrément à un seul dans lequel il se montrerait incomparable et maître.

1902. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Ils réprimèrent la cruauté des maîtres.

1903. (1888) Études sur le XIXe siècle

C’était une illusion : en réalité, cet homme grave, aux opinions arrêtées, aux allures de tyranneau du xve  siècle, n’était point maître dans son ménage, et sa femme le tenait dans un état d’absolue dépendance. […] Ce sont là quelques-uns des jugements de Holman Hunt sur ceux auxquels il aurait pu demander de lui servir de maîtres. […] En revanche, la presse et le grand public commençaient à les plaisanter, et ce fut une véritable explosion de colère et de raillerie qui accueillit, en 1850, leurs trois nouvelles œuvres : les Missionnaires chrétiens en Bretagne de Holman Hunt, l’Échoppe du charpentier de Millais, et l’Annonciation de Rossetti — le seul des tableaux du maître, si je ne me trompe, qui se trouve maintenant à la National Gallery. […] Là, tout à fait comme dans certains sonnets de Dante, ou comme dans certains morceaux du Paradis, les mots s’acharnent à traduire des nuances inaccessibles, le sens échappe par moments pour se révéler soudain en ouvrant à l’imagination des perspectives infinies, la pensée n’est plus emprisonnée dans la réalité, mais flotte librement à travers le rêve, où les images se déforment et s’étirent comme des nuages disloqués, où l’on a la poignante impression d’un être éperdu, arraché à lui-même, qui n’est plus le maître de ses sensations. […] Et, avec les mots, il a fait de tels prodiges, qu’à une époque ses contemporains, éblouis, aveuglés, comme des gens auxquels on montre trop de lumière, ont pu l’accuser, lui, le maître par excellence du rythme et de la grammaire, de cacophonie et d’incorrection.

1904. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il fallait un grand maître dans l’art dramatique comme Shakespeare pour répandre sur cinq actes tant de vie et de variété. […] Furieuse de l’entendre solliciter pour son maître, elle ne peut supporter la vie et meurt de douleur. […] Speed, l’autre valet, est totalement éclipsé par Launce ; cependant il prouve à son maître, d’une manière piquante, qu’il est amoureux. […] Il n’imitait pas du moins les maîtres de la poésie italienne, ses pareils, les seuls qui méritassent ses regards. […] Celui-ci se crut déshonoré par une alliance au-dessous de son rang ; mais le roi commanda en maître, il fallut obéir.

1905. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Masson, et c’est un admirable exemple de l’influence exercée par les écoliers sur les maîtres. […] Il exhiba une page du livre d’exemples de Vicentino, le célèbre maître d’écriture vénitien. […] Nous avons un petit nombre, un très petit nombre de maîtres, tels quels. […] « Depuis je me suis demandé pourquoi je n’ai point été accablé par ces maîtres puissants. […] On a dit de lui, et avec grande vérité, qu’il est un maître du langage, mais on peut dire avec plus de vérité encore que le langage est son maître.

1906. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

L’intérêt de chaque jour est le plus puissant maître des langues. […] Fauriel sur ces origines des langues modernes, et en tant qu’ils s’appliquaient à la langue et à la littérature des trouvères, nous ont été présentés d’une manière plus nette et plus vive, par un des anciens maîtres de cette école, M.  […] L’École des Chartes, de laquelle sont sortis plus d’un de ceux que je viens de nommer, produisait de savants élèves qui, devenus maîtres à leur tour, ont porté dans ces questions de linguistique nationale un genre de critique bien essentielle pour contrebalancer les théories absolues des Allemands.

1907. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

J’avoue même que moi, qui vivais, qui pensais et qui sentais déjà en ce temps-là, moi qui partageais les angoisses du peuple pauvre et sacrifié à la noblesse des barons d’empire, je retrouve dans ce livre la mémoire minutieuse de cette époque de la grandeur d’un homme de guerre et de la servitude d’un peuple ébloui de ses chaînes : il n’y a pas de plus grande leçon de dédain pour l’opinion de l’humanité que celle que l’humanité donne elle-même en divinisant quarante ans après le maître qui faisait de l’héroïsme avec le sang inutilement versé de quelques millions de ses pareils. […] Enfin, le 10 mai de cette année 1812, de grand matin, les canons de l’arsenal annoncèrent le maître de tout. […] Ces bandits seront donc toujours les maîtres !

1908. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Quand les Arabes eurent adopté Aristote comme grand maître de la science, ils lui firent une légende miraculeuse comme à un prophète. […] Michelet, il me fit admirer autour de son salon les plus beaux sujets chrétiens des grands maîtres, le saint Paul d’Albert Dürer, les Prophètes et les Sibylles de Michel-Ange, la Dispute du Saint-Sacrément, etc., et il se prit à me les commenter. […] Il est exactement au niveau de saint Augustin, son maître.

1909. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Et parfaitement froid, parfaitement maître de mes effets, aussi calme que si je lisais dans ma chambre, avec un parfait et supérieur sentiment de mépris pour ceux qui m’écoutent, je lis posément, pendant que Coquelin, dessinant des caricatures, pousse le coude de Bressant pour les lui faire regarder. […] Ce soir chez la princesse, ce drôle de corps du général Fleury, favori bizarre et original, tout en ironie, en persiflage, à la moquerie flûtée, légère, effleurante, tombant du demi-sourire de ses grosses moustaches, sur toute la cour, sur lui-même, sur les autres, sur son service, sur son maître, sur sa maîtresse, — au fond ayant l’air d’un homme dans une bonne stalle, regardant, sceptiquement jouer une comédie, un bout de sifflet entre les dents. […] Partout, où il y a civilisation, gouvernement, administration, impôts, mitoyenneté, expropriation, l’homme n’est plus le plein maître de sa propriété.

1910. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Qu’on imagine dans la nuit de la petite pièce, sur une feuille de papier — dont le rond d’une timbale de guerre du xviiie  siècle peut donner l’idée — les montagnes, les torrents, les omnibus, les chevaux, les passants, peints et touchés, comme par les plus admirables petits maîtres qu’on pourrait rêver. […] Ce matin à déjeuner, encore un peu blessé, comme l’éloge de Franck était encore dans sa bouche, il m’échappe, en un moment d’irritation maladive, dont je ne suis plus le maître : « Eh bien ! […] 10 septembre La persécution du bruit comme partout ailleurs, du bruit de la voix des maîtres, du bruit de la voix des fermiers, du bruit de la voix des domestiques, bruit dans lequel revient toujours le mot « argent ».

1911. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

C’est un constructeur d’individus, un metteur en scène des foules, des multitudes : tout cela avec un peu de confusion, un peu de brouillard à travers les pages du bouquin ; mais ça ne fait rien, Le Bilatéral est un maître livre. […] Quant au maître de la maison, au milieu de ses bibelots, largement nourri et abreuvé de tout ce qu’il y a de mieux, gavé jusqu’au goulot de toutes les jouissances de la gueule, il est heureux comme un coq en pâte japonais. […] Et le voici revenant sur sa maladie, disant que quand il désirait du vin, il demandait de l’eau, disant que c’était le plus souvent une interversion de syllabes dont il n’était pas le maître, et qui lui faisait prononcer du féca, quand il voulait du café, ajoutant qu’il lui était impossible d’écrire, répétant deux ou trois fois de suite le mot parce que, etc., etc.

1912. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Nous allons retrouver les traits généraux de la littérature des détraqués dans ces littératures de décadence qui semblent avoir pris pour modèles et pour maîtres les fous ou les délinquants. […] Enfin Gautier, leur maître à tous dans l’art de versifier pour ne rien dire, avait écrit : « La poésie est un art qui s’apprend, qui a ses méthodes, ses formules, ses arcanes, son contre-point et son travail harmonique313. » Gautier oublie que le contre-point, sans l’inspiration, n’a jamais fait un musicien ; ce qu’il dit de la poésie s’applique simplement à la versification, laquelle en diffère comme la science de l’harmonie diffère du génie musical. […] La « chanson grise » n’existe que dans la tête de l’auditeur peu ou point musicien, non dans la musique des grands maîtres.

1913. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

C’étaient les opulents cultivateurs des nombreux domaines du prince dans les maremmes de Pise et dans les vallées du Vulturne, qui venaient, le jour de la fête de la princesse, défiler annuellement devant leurs maîtres, et étaler sous leurs yeux le luxe de leurs étables ou de leurs sillons. […] Ces livres tant de fois feuilletés par une main magistrale, cette table sur laquelle quelques volumes grecs et quelques pages de la même langue non achevées attestaient que la mort l’avait surpris dans ces fortes études, le lit où il avait rêvé, la plume avec laquelle il avait écrit, tous ces meubles qui semblaient attendre leur maître, cette ombre de la chambre sur les murs, dans laquelle on pouvait s’imaginer voir encore l’ombre colossale du poète (Alfieri était un géant), enfin ce tapis usé par ses pas pendant ses longues insomnies poétiques, me remplissaient de stupeur et de silence. […] Je me contentai d’arracher furtivement une barbe de plume encore noircie de l’encre du maître, et de la glisser dans mon chapeau pour emporter au moins cette relique de poésie.

1914. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

. —  L’Amour au bois, l’Épouse campagnarde, le Maître de danse. —  Peintures licencieuses et détails repoussants. —  Son énergie et son réalisme. —  Rôles d’Olivia et de Manly dans son Plain dealer. —  Paroles de Milton. […] On s’y livrait à tous les débordements imaginables ; on y dansait à l’état de pure nature. » L’inconcevable, c’est que cette kermesse n’est point gaie : ils sont misanthropes et deviennent moroses ; ils citent le lugubre Hobbes et l’ont pour maître. […] » Elle s’en va enfin, ayant tout extorqué, et Lucy fait l’innocente, semble croire que Gripe est un maître à danser, et lui demande sa leçon. […] On voit dans les écrits anglais que les auteurs français sont leurs maîtres, et se trouvent entre les mains de tous les gens bien élevés. […] Ici les valets répètent la dispute, puis la réconciliation des maîtres.

1915. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Je n’ai nullement retrouvé, dans cette comédie du maître, la brutalité voulue ni la puérile férocité de ses élèves. […] … Si vous vouliez nous éclairer sur ces points, mon cher maître, nous vous en serions bien reconnaissants. […] Et j’ai appris que c’est aussi la seule qui ait été honorée, là-bas, des faveurs du maître, et qui porte, à cause de cela, un casque en or ciselé. […] Car c’est sur le nombre des certificats d’études obtenus par les écoliers que les inspecteurs ont pris l’habitude de juger le maître. […] Mais non, je la flatte : car, toute-puissante par un côté, la pauvre impératrice a un maître : le public.

1916. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

« Pendant deux jours, dit M. de Humboldt, on ne rencontre que des hommes ivres… » Lorsque tout dort dans l’ivresse, le maître du curare, qui est en même temps le sorcier et le médecin de la tribu, se retire seul, broie les lianes, en fait cuire le suc et prépare le poison. […] C’est par métaphore qu’ils se disent les maîtres de la nature, car ils savent parfaitement bien qu’ils ne font qu’obéir à ses lois. […] Je crois que dans l’enseignement scientifique le rôle d’un maître est de montrer expérimentalement à l’élève le but que le savant se propose, et de lui indiquer tous les moyens qu’il peut avoir à sa disposition pour l’atteindre. Le maître doit ensuite laisser l’élève libre de se mouvoir à sa manière, suivant sa nature, pour arriver au but qu’il lui a montré, sauf à venir à son secours, s’il voit qu’il s’égare. […] Ils étaient les successeurs de Stahl ; néanmoins ils ne conservèrent que la première partie de la doctrine du maître, le vitalisme, et en répudièrent la seconde, l’animisme.

1917. (1922) Gustave Flaubert

Là, un sentiment orgueilleux de ce qu’il valait, et les railleries des maîtres et des camarades. […] Et ici c’est lui qui se voit le maître, c’est lui qui se voudrait l’élément protecteur et dominateur du couple. […] Tout ce que je demande, c’est à continuer de pouvoir admirer les maîtres avec cet enchantement intime pour lequel je donnerais tout, tout. […] Mais en même temps qu’il écrivait, il étudiait les maîtres et il comprenait la grandeur de son art. […] Comme on se le figure sur son âne, mangeant des oignons crus et talonnant le roussin tout en causant avec son maître !

1918. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Le vieillard, maître du pays, est là qui le reçoit à l’arrivée. […] Grimm avait déjà comparé la tête de Diderot à la nature telle que celui-ci la concevait, riche, fertile, douce et sauvage, simple et majestueuse, bonne et sublime, mais sans aucun principe dominant, sans maître et sans Dieu.

1919. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Mais Vauvenargues lui-même n’a pas l’estime et l’autorité qui devraient appartenir à un écrivain qui participe à la fois de la sage étendue d’esprit de Locke, de la pensée originale de Montesquieu, de la verve de style de Pascal, mêlée au goût de la prose de Voltaire ; il n’a pu faire ni la réputation de La Bruyère ni la sienne. » Cinquante ans de plus, en achevant de consacrer La Bruyère comme génie, ont donné à Vauvenargues lui-même le vernis des maîtres. […] C’est la première fois qu’à propos d’un des maîtres du grand siècle on entend toucher cette corde délicate, et ceci tient à ce que La Bruyère, venu tard et innovant véritablement dans le style, penche déjà vers l’âge suivant.

1920. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

On aime à voir, à quelque retour de Fontainebleau ou de Chambord, le royal promoteur de toute belle et docte nouveauté, et de la nouveauté surtout qui servait la cause antique, s’en aller à cheval en la rue Saint-Jean-de-Beauvais jusqu’à l’imprimerie de Robert Estienne, et là attendre sans impatience que le maître ait achevé de corriger l’épreuve, cette chose avant tout pressante et sacrée. […] Une grande part du mauvais appartient donc bien en propre à la facture du maître, lequel n’était ici qu’un écolier.

1921. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Et voilà que le faquin prétend usurper la place du maître. […] Il ne me semble pas être si « en querelle » avec ce maître.

1922. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Desportes et Bertaut ont eu peur du vol de leur maître ; ils ne l’ont pas suivi dans l’ode, n’étant pas aussi assurés que lui d’échapper au sort dont Horace a menacé les émules du Pindare thébain. […] Les plans de campagne se faisaient dans cette petite chambre à six ou sept chaises dont parlent les biographes, où Malherbe s’entretenait tous les soirs avec ses jeunes amis, Maynard entre autres et Racan, qui devaient laisser quelques vers dignes du maître.

1923. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

La magie des Grands Maîtres a toujours consisté dans ces puissans ressorts ; c'est en les maniant avec habileté, qu'ils se sont élevés au dessus de la sphere des Esprits ordinaires, & ont donné à leurs Ouvrages ce germe d'immortalité qui les rend précieux à tous les Peuples & à tous les Siecles. […]   L'humeur, dont il n'a jamais su se rendre maître, a aussi beaucoup influé sur ses éternelles variations.

1924. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Il voit un homme couché tête haute, sous cette neige ardente qui brûle ses épaules : « Maître », dit-il à Virgile, « quel est ce géant qui n’a pas l’air de se soucier de l’incendie, et gît si dédaigneux et si contracté, qu’il ne semble pas que la pluie le dompte. » Chi è quel grande che non par che curi L’incendio, e giace dispettoso e torto, Si che la pioggia non par che ’l marturi. Ce spectre indomptable, c’est Capanée qui se croit toujours le damnéde Zeus, et ne distingue pas l’Enfer chrétien du Tartare : Et l’Ombre, s’apercevant que je parlais d’elle à mon maître, cria : « Tel je fus vivant, tel je suis mort. — Quand Jupiter fatiguerait son forgeron duquel, dans sa colère, il prit la foudre aiguë dont je fus frappé, à mon dernier jour, — et quand il fatiguerait l’un après l’autre tous ses noirs ouvriers de l’Etna en criant : Aide-moi, aide-moi, bon Vulcain !

1925. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Marie-Joseph Chénier et Chamfort étaient ses maîtres en ce dernier point. […] Il comprit à l’instant qu’il avait affaire, non pas, comme on le disait dans le monde des purs classiques et de Marie-Joseph, à un jeune poète intéressant, qui promettait beaucoup et qui avait laissé des fragments incorrects qu’il aurait perfectionnés avec l’âge, mais à un maître déjà puissant, novateur, hardi et pur à la fois, pur jusque dans ses négligences.

1926. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

C’est une âpreté dévorante dont ils ne sont pas maîtres et qui les rend très odieux. […] Il s’entendait blâmer de ces demi-retraites, il s’en irritait, il se relançait par accès dans le monde qui lui était à la fois insupportable et nécessaire, — nécessaire, car c’était le théâtre où il déployait avec le plus de succès cette plaisanterie acérée, escrime savante où il était passé maître.

1927. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Le christianisme au contraire, fondé sur le fait même de la faiblesse fut accessible, au plus grand nombre, en un temps où la lutte ne pouvait être que disproportionnée entre les individus et les maîtres du pouvoir. […] Telle est déjà, selon la version du maître historien, la situation des Grecs et des Romains, vis-à-vis de leurs coutumes et de leurs lois, dès qu’il nous est donné de les connaître.

1928. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

fait le maître de la maison, c’est un costume de comédie… Oui, une personne de ma famille qui, dans une pièce de théâtre, a rempli un rôle de couvent et voulut se faire peindre avec les habits de son rôle… Des mœurs, Messieurs, que vous aimez, des mœurs du xviiie  siècle… Ma famille adorait la comédie. […] Juillet Passé la barrière de l’École-Militaire, des rez-de-chaussée jouant des devantures de boutiques à rideaux blancs, et surmontés d’un étage avec un gros numéro au-dessus de la porte d’entrée. — Le gros 9. — Une grande salle, éclairée par le haut d’un jour blafard, où il y a un comptoir chargé de liqueurs, des tables de bois blanc, des chaises de paille. — Là-dedans sont attablés des lignards, des zouaves, des hommes en blouse avec des chapeaux gris, tous des filles assises sur leurs genoux. — Les filles sont en chemises blanches ou en chemises de couleur avec une jupe sombre : toutes jeunes, quelques-unes presque jolies, et les mains soignées, et coquettement coiffées et attifées, dans leurs cheveux relevés, de petits agréments. — Elles se promènent deux par deux dans l’allée entre les tables, jouant à se pousser et fumant des cigarettes ; — De temps en temps, un chanteur récite quelque ordure d’une voix de basse-taille. — Les garçons ont de longues moustaches. — Le maître de l’établissement est appelé par les filles : le vieux marquis.

1929. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

» * * * L’attention, cette prise de possession intelligentielle de ce qui se passe autour de vous, cette opération si simple, si facile, si alerte, si inconsciente dans la santé des facultés cérébrales, l’attention, il n’en est plus le maître. […] je suis malheureux, et ça a mis au dedans de moi une irritation colère, qui fait que je ne suis plus toujours maître des mouvements de mon âme… Donc je lui ai dit que je sortais et qu’il ne m’attendît pas, parce que je ne savais pas quand je rentrerais.

1930. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Un jour donc qu’il regardait piteusement son maître fondre des sels dans l’écuelle habituelle de ses purgations, et qu’il voyait, la chose faite, tout-à-coup le marchand de journaux porter l’écuelle à sa bouche, alors cet animal éclatait de rire, du rire le plus humain. […] On lit, on relit sa feuille, ne pouvant s’en détacher, retardant toujours le moment où vous abdiquez la correction, la retouche, où vous cessez d’être maître de la faute, de la bêtise, de l’ineptie qui se cache si bien dans l’épreuve, et qui vous saute aux yeux dans le livre.

1931. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Ce Jésuite a écrit la vie des saints Patriarches à peu près comme on raconte les aventures de nos Marquis, & ces hommes respectables y parlent d’amour comme nos petits maîtres. […] Fontaine, disciple de Mr. de Saci & digne de son maître.

1932. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Très certainement, avec un chef qui se fût emparé en maître du soulèvement des esprits, ce scandale, qui remua l’opinion religieuse en Angleterre, l’aurait secouée bien davantage ; mais, il ne faut pas s’y tromper, c’est là une chose qui, au point de vue des affaires, est peu regrettable. […] Eh bien, nous n’hésitons pas à le proclamer : politiquement ce serait un coup de maître que le retour de l’Angleterre à ses antiques croyances, que sa soumission au Saint-Siège !

1933. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Briséis n’étoit que l’esclave d’Achille ; Achille n’étoit que son maître. […] Le premier s’avance & s’arrête où il veut : il est le maître des caracteres & des événements.

1934. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

La rencontre la plus frappante, c’est d’y voir, au moment où décline le génie grec, croître et s’élever les Romains que, d’après d’anciens oracles déjà répandus dans la Grèce italique, le poëte nomme les maîtres futurs du monde et les vengeurs de Troie. […] « Ce n’est pas le destin, dit le poëte145, qui t’a fait maître des dieux, mais ton bras, la force et la puissance placées debout près de ton trône.

1935. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Sand cachait un de ces maîtres à qui la baguette et le miroir d’enchanteur ont été donnés, à qui le monde est ouvert pour qu’ils s’y promènent, et qui, s’ils veulent faire de leur art un juste emploi, peuvent nous entraîner sur leurs traces et nous retenir longtemps.

1936. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

quel autre aurait pris garde à ce roi déchu, oublié par ses pairs au grand jour des restaurations légitimes, et se promenant depuis lors à travers l’Europe, avec son signe ineffaçable sur le front, sans être ni maître, ni sujet, ni citoyen ?

1937. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Les femmes sans esprit de conversation ou de littérature, ont ordinairement plus d’art pour échapper à leurs devoirs ; et les nations sans lumières ne savent pas être libres, mais changent très souvent de maîtres.

1938. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

On croit être bref quand on dit : « J’arrivai à la maison ; j’appelai le portier ; il me répondit ; je demandai après son maître ; il me dit qu’il était sorti.

1939. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Racine est pris pour un maître d’élégance et de noblesse.

1940. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Marcel Schwob, le maître conteur de Cœur double, dans une préface ingénieuse, a émis à propos du Démon de l’Absurde deux théories distinctes.

1941. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Quant à Jésus, il n’était pas plus maître que saint Bernard, que saint François d’Assise de modérer l’avidité de la foule et de ses propres disciples pour le merveilleux.

1942. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Au milieu des fêtes mémorables de l’année 1666, c’était toujours madame de La Vallière que la cour regardait comme l’heureuse maîtresse du maître.

1943. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

D’ailleurs, il s’agit ici de cercles, de conversations ; et madame de La Sablière tient un rang considérable dans leur histoire : sachant ce qu’en pensait madame de Sévigné, nous entendrons mieux ce qu’en dit La Fontaine67 : ……………………………………… Le nectar, que l’on sert au maître du tonnerre… C’est la louange, Iris.

1944. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

» Un esclave eut ordre de se tenir debout derrière lui, à sa table, et de lui répéter par trois fois, pendant le repas ; — « Maître, souviens-toi des Athéniens ! 

1945. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

On condamne d’un mot et en bloc l’opinion de tous les maîtres de notre langue, de tous les juges de notre littérature, de tous les grands poètes et grands écrivains, depuis Ronsard jusqu’à Chénier, Chateaubriand, Sainte-Beuve et Flaubert, sans oublier Boileau, Racine et Gœthe, qui tous ont admis et conseillé hautement l’imitation d’Homère.

1946. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Tout livre, dans cette période des sociétés humaines, était soumis aux maîtres de la science, pour être approuvé ou rejeté par eux.

1947. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Que dire de cette véritable déportation de Joseph de Maistre, dans une cour où ce supplicié de par son maître ne se débattait pas, ne criait pas, mais restait digne et doux, — un de ces doux à qui, disent les livres saints, la terre appartient, — et qui, en attendant la terre qu’il n’eut jamais, du reste, eut au moins l’estime et la faveur d’Alexandre, d’Alexandre qui avait pénétré quel homme c’était que ce Joseph de Maistre, et qui, par des procédés de grande âme, le vengea souvent des sécheresses et des ingratitudes de son roi !

1948. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Puisque non seulement il s’occupe et se préoccupe de proverbes, mais de locutions proverbiales, pourquoi affiche-t-il un si vertueux mépris pour l’argot cette langue populaire, sinistre et masquée, aux effroyables beautés, mais aux beautés réelles, qui a déjà versé dans la langue du xixe  siècle, sous la plume de quelques maîtres, des mots que le génie purifiera et qui y resteront comme des forces de plus ?

1949. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

il ne faudrait pas, par exemple, être trop professeur et maître de conférences à l’École normale, il ne faudrait pas être trop digne d’un prix à l’Académie française, et surtout l’avoir remporté.

1950. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Il mourut comme son maître, Gustave III, lui-même assassiné.

1951. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Jamais elle ne reconnut un tel maître.

1952. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Jamais elle ne reconnut un tel maître.

1953. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

Honoré Bonhomme se montre peu reconnaissant pour son maître.

1954. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Au Moyen Âge, s’il y avait vécu, il aurait esquivé Cousin, Thiers et la Revue des Deux Mondes, qui furent ses maîtres, et il nous eût paru moins petit !

1955. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Il y en a un qui s’appelle Hartmann, qui a fait un livre comme son maître, d’une insanité semblable et différente.

1956. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

La France f… ichait son camp, comme le café du maître.

1957. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Ni poème inédit de Goethe ou de Byron, ni drame perdu et retrouvé de Calderon ou de Shakespeare, ni roman, ni histoire, ciselés par les maîtres de l’observation et de l’analyse, ni chefs-d’œuvre quelconques, ne sauraient, selon nous, lutter en intérêt et en importance avec ce modeste livre écrit par un moine, traduit par un prêtre, et dans lequel se joue un souffle qui n’est ni le talent ni le génie de l’homme, et qu’il faut bien appeler la force de Dieu pour y comprendre quelque chose !

1958. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

Tolérant qui voit la tolérance dans le Misanthrope, comme la légendaire servante du curé voyait dans la lune la culotte de son maître !

1959. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

Si nous ne l’avons pas démontré, c’est qu’on ne démontre pas plus la vie que le mouvement, et que le christianisme est toute la vie moderne, — que nous le sentions tous plus ou moins dans nos têtes et dans nos poitrines, — et qu’il est impossible, même à ceux-là qui le maudissent, de vivre deux secondes avec profondeur et puissance hors de l’étreinte de ce christianisme, notre vainqueur et notre maître à tous !

1960. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

» C’était d’un maître en vanité qui voulait, sans se donner de peine, déguster et digérer majestueusement ses jouissances.

1961. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

… Quand nous nous en allons en égoïstes Contemplations de toutes sortes, quand nous ne méditons que sur nous-mêmes, quand la poésie du moi, dans la littérature du xixe  siècle, suit la philosophie du moi, comme le laquais suit son maître, nous trouvons nouveau et excellent ce titre impersonnel et viril qui nous promet des peintures saines et mâles, des mœurs naïves et touchantes et des sentiments de héros.

1962. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

Théophile Gautier pour son maître, est de cette école qui croit que tout est perdu, et même l’honneur, à la première rime faible, dans la poésie la plus élancée et la plus vigoureuse.

1963. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Il a, dans ses pièces de vers les plus capricieuses, des façons, par exemple, de prendre le menton aux petites filles, qui les enlèvent mieux que l’aigle n’enlevait Ganymède… Et il n’est pas de chanson effeuillée dans sa coupe comme les roses qu’il y effeuillait, où ce maître poète, qui a fait des chansons comme il a fait de tout en poésie, ne révèle encore son inévitable grandeur.

1964. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

par aucun libraire, avait-il donc fait quelque découverte qui montre, dans le Milton que l’on connaît, un Milton qu’on ne connaissait pas, comme lorsque Thomas Carlyle découvrit les fameuses lettres inédites de Cromwell, qui éclairèrent d’un jour si profond l’individualité complexe de l’homme (… un homme s’est rencontré…) que n’avait pas compris Bossuet, ce Maître en Histoire ?

1965. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

L’inimaginable ribambelle de monstres qu’il exhibe dans ce roman sont d’une espèce infiniment plus râblée et plus carabinée que tous ceux de la Ménagerie tératologique de Victor Hugo, — le maître dans l’art de faire marcher ces horribles mécanismes qui ne vivent pas, mais qui ont l’air de vivre, comme Vaucanson faisait digérer l’estomac en bois de son canard… Tous, sans exception, dans le livre de M. 

1966. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Janin, dans l’exécution, est le maître ; que c’est lui qui, des deux, est le plus grand artiste ; qu’il est l’aîné enfin… et de fait, il a cent ans de plus !

1967. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Qu’ils se rappellent les vers charmants de comique… et prudents du Maître exquis de l’Expression, qui ne fatigua jamais la sienne, et qu’ils se les appliquent, en les méditant :   Eh quoi !

1968. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Le Capitaine Fracasse, sachez-le bien, n’est qu’un morceau de tapisserie faite d’après les tableaux, plus ou moins oubliés ou empoussiérés maintenant, de ces maîtres qu’on appelle Scarron, Mme de Lafayette, Segrais, Scudéry, Cyrano de Bergerac, et, pour mieux dire, tous les romanciers du commencement du dix-septième  siècle, que M. 

1969. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Joseph Bédier, l’éminent maître dont la science et la délicatesse m’aidaient à comprendre la réalité héroïque d’aujourd’hui comme la légende épique d’autrefois.‌

1970. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

La peinture qu’il fait du duc de Bourgogne fera éternellement désirer aux peuples d’avoir un maître qui lui ressemble.

1971. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Mais rapidement la serviette devenait rouge et la soirée parut longue, avant la rentrée des maîtres. […] Il fallait bien se résigner à obéir aux parents, puisqu’ils étaient nos maîtres… — Pourquoi faire des parents ? […] En faisant le lit, elle s’attardait à lire le feuilleton de son maître, et on se serait bien gardé de la gronder pour cela. […] Une centaine d’élèves, garçons et filles, bourdonnaient dans cette classe, emplie d’un joyeux tumulte, tant que le maître n’était pas arrivé. […] Le maître se fâchait, comptait plus fort, se précipitait sur un pied, dont la pointe se tournait en dedans, et, d’un mouvement brusque, la remettait en dehors.

1972. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

» Et, ayant réfléchi une minute, il dit à son précepteur : « Maître, j’ai pris conseil de mon cœur. — Et que vous a-t-il répondu ?  […] C’est un maître capricieux et qui vous mènera loin. — Tu as raison. […] Moi, je l’aime toujours, parce que je suis un être gai par essence. » Enfin, mon maître fut beau et merveilleusement plaisant. […] Il fait part de sa découverte à son maître. […] Mais quelqu’un veillait : Militza-Mignon, l’aimée au cœur vierge, le « bon chien » du jeune maître.

1973. (1864) Études sur Shakespeare

Les vaincus furent opprimés, mais ils n’eurent point à humilier leur mollesse devant les mœurs brutales de leurs maîtres ; les vainqueurs ne furent pas contraints de subir peu à peu l’empire des mœurs plus savantes de leurs nouveaux sujets. […] Chez les gens de moindre condition, les ménestrels mêmes ne pourront entrer s’ils ne sont appelés ; et ils devront se contenter alors de « manger et de boire, et de telle courtoisie » qu’il plaira au maître de la maison d’y ajouter. […] En ce jour, maîtres et serviteurs, rassemblés à la même table, mêlés à la même conversation, ne paraissaient point rapprochés par la complaisance du supérieur qui veut récompenser son inférieur, mais par un droit égal aux plaisirs de la journée : « Quiconque a travaillé à la moisson ou labouré la terre est en ce jour convive par la loi de l’usage… Autour de l’heureux cercle, le moissonneur promène des regards triomphants ; animé par la reconnaissance, il quitte sa place, et, avec des mains brûlées du soleil, il remplit le gobelet pour le présenter à son honoré maître, pour servir à la fois le maître et l’ami, fier qu’il est de rencontrer ses sourires, de partager ses récits, ses noix, sa conversation et sa bière… Tels étaient les jours : je chante des jours depuis longtemps passés12. » Les semailles, la toute des brebis, toutes les époques, tous les intérêts de la vie rustique, amenaient de semblables réunions, les mêmes banquets et d’autres jeux. […] Vers la même époque paraissaient sur le théâtre des pièces plus conformes aux instincts naturels du pays, comme le Maître berger de Wakefield, Jéronimo ou la Tragédie espagnole, etc., et le public leur témoignait hautement sa préférence. […] Brutus meurt de la mort de César ; nul, plus que lui-même n’a voulu le coup qui le tue ; nul ne s’y est déterminé par un choix plus libre de sa raison ; il n’a pas eu, comme Hamlet, une apparition qui lui vint dicter son devoir ; en lui seul il a retrouvé cette loi sévère à laquelle il a sacrifié son repos, ses affections, ses penchants ; nul homme n’est plus maître de lui-même, et comme tous, impuissant contre le sort, il meurt ; avec lui périt la liberté qu’il a voulu sauver ; l’espoir même de rendre sa mort utile ne luit point à ses yeux ; et cependant Shakespeare ne lui fait pas dire en mourant : « Ô vertu, tu n’es qu’un vain nom ! 

1974. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Nous sommes tous ainsi faits : les débutants croient en apprendre aux maîtres ; un touriste en sait plus que l’habitant du lieu ; passez-moi cette commune manie : elle fait tant de plaisir ! 

1975. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

L’auteur est maître en ces jeux de forme et de contraste.

1976. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Vient ensuite le moment d’examiner les objets de front ; puis enfin de s’en rendre maître.

1977. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Il exprimait aussi ce besoin non moins universel de comprendre, cette disposition rationaliste, qui n’a pas été créée par le cartésianisme, mais qui l’a créé au contraire : il était avide de clarté, de netteté, prenant pour guide et souverain maître « le sens commun, contre lequel, disait-il, la religion à part, vous savez qu’il n’y a orateur au monde qui me pût rien persuader ».

1978. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

On cause dans le style des maîtres français et italiens, qui sont des modèles de beau langage.

1979. (1890) L’avenir de la science « VI »

Quand on songe que chaque petite ville d’Italie au XVIe siècle avait son grand maître en peinture et en musique, et que chaque ville de 3 000 âmes en Allemagne est un centre littéraire, avec imprimerie savante, bibliothèque et souvent université, on est affligé du peu de spontanéité d’un grand pays, réduit à répéter servilement sa capitale.

1980. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Jean, après la mort de Jésus, paraît en effet avoir recueilli la mère de son maître, et l’avoir comme adoptée (Jean, XIX, 27).

1981. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Qui ne serait charmé de voir les lettres qu’elle écrivait étant encore mademoiselle de Chantai, à Ménage, son maître de latin et d’italien, qui était devenu amoureux d’elle, et dont elle ne voulait ni enivrer la folle passion ni rebuter les soins dignes de sa reconnaissance ?

1982. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

L’usage est toujours le maître des mots, mais il l’est rarement des regles de la syntaxe.

1983. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

C’est le prédécesseur, sinon le maître, de Chateaubriand, qui le lisait sans cesse. « Chateaubriand, avons-nous dit, s’est formé par l’assimilation de Bernardin de Saint-Pierre, en étendant, en repétrissant, en poussant la description de Paul et Virginie des Etudes et des Voyages.

1984. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Voilà le dieu de l’art des vers, voilà le maître chez lequel il faut l’apprendre.

1985. (1757) Réflexions sur le goût

Un des avantages de la philosophie appliquée aux matières de goût, est de nous guérir ou de nous garantir de la superstition littéraire ; elle justifie notre estime pour les anciens en la rendant raisonnable ; elle nous empêche d’encenser leurs fautes ; elle nous fait voir nos égaux dans plusieurs de nos bons écrivains modernes, qui pour s’être formés sur eux, se croyaient par une inconséquence modeste fort inférieurs à leurs maîtres.

1986. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes, etc. » J’aurais honte de citer ce morceau pour le vain plaisir de le déclarer mauvais ; mais il est bon d’aviser les jeunes écrivains et de s’avertir soi-même du danger où l’on est d’écrire en style décadent, lorsque, fût-on un maître, on cède à l’illusion d’enrichir le sens par la bigarrure des mots.

1987. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

N’est-ce pas à croire que pour l’esprit aussi « qui a compagnon a maître », selon le dicton du roi Henri III, puisque Paulin Paris, un homme accoutumé à l’histoire, avec tous les avantages que lui donne le temps ou il vit pour juger le temps où Tallemant écrivait, n’est pas plus fort, quand il s’agit d’en embrasser l’ensemble et d’en agiter les problèmes, que l’homme vulgaire qu’il a commenté ?

1988. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Mais la France elle-même tenait bon, et elle tenait pour ses maîtres, infatigable encore de fidélité.

1989. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Livet, qui veut être à la mode et, par la mode, faire son petit chemin ; Livet, qui suit ses maîtres (il est de la suite de Monseigneur, mais il ne grippe pas beaucoup de soleil !)

1990. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

D’un autre côté, il a le respect timide et rougissant de ses maîtres en histoire.

1991. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Marier sa fille et la marier bien, l’élever, de longue main, en vue de ce grand fait du mariage qu’il croit la destinée la plus sublime de la femme, ce notable embarras qui a tant fait gauloiser l’esprit français, cette vieille difficulté que les moralistes de l’ancien temps, les moralistes anti-rêveurs, croyaient éternelle, — comme, du reste, ici-bas, toutes les manières d’être heureux, — Alexandre Weill a cru qu’il pourrait, en s’y prenant bien, la diminuer, ou complètement s’en rendre maître.

1992. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Il est maître des mots.

1993. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Cette poésie de Chénier paye-t-elle à la France la douleur et la honte d’avoir eu les Jacobins pour maîtres ?

1994. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

On se croyait maître de son sujet ; on en était victime.

1995. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

Quand donc un homme livré au journalisme n’a pas de facultés plus hautes que son métier, et n’apporte pas la main souveraine et incontestable d’un maître dans le pétrissage de cette pensée qu’il jette sur la place tous les jours, il est bientôt dévoré par sa fonction même, et le temps n’est pas loin où il sera oublié.

1996. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Après avoir lu ce mâle début de Lawrence dans l’observation du cœur humain et de la vie des classes élevées en Angleterre, je suis convaincu que je tiens là — non pas entièrement venu, mais très apparent déjà, — un maître dans l’ordre du roman, et, s’il n’a pas la conscience de cela, il faut que la Critiqué la lui donne.

1997. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Dès qu’il a pu penser par lui-même en dehors de ses maîtres, la vie intellectuelle du Dr Athanase Renard a été de la plus profonde unité.

1998. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Je l’ai dit déjà : excepté l’idée du quadrille historique, qui est une idée de maître à danser, il n’y a rien dans le livre de Guizot qui soit vraiment de Guizot, qui ait coûté une noble peine, un vigoureux effort à Guizot !

1999. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Il lui faut, à ce peintre de masses, à ce maître de la fresque qui procède toujours par de magnifiques accumulations de détails, et qui, pour les entasser, a besoin d’espace, il lui faut, pour jouer dans sa force, le pourtour d’un peuple, l’hémicycle d’une société ou d’une époque, et je ne connais guères que Macaulay, dans plusieurs de ses beaux Essais historiques, publiés dans La Revue d’Edimbourg, qui ait cette étendue et cette largeur d’embrasse ; mais Macaulay, bien plus littéraire que plastique, n’a pas la couleur de José-Maria de Heredia, quoique Macaulay, comme Heredia, ait été un poète avant de devenir un prosateur !

2000. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Tel que l’on croit complet et maître en toute chose Ne dit pas les savoirs qu’à tort on lui suppose, Et qu’il est tel grand but qu’en vain il entreprit, — Tout homme a vu le mur qui borne son esprit » Enfin, — car il faut se borner, — dans une pièce intitulée : Jésus au mont des Oliviers, où l’âme du chrétien, rouverte un moment, se referme tout à coup, redevenue rigide, je trouve ces vers d’une stoïcité presque impie, qui vont assez avant dans l’inspiration du poète pour qu’on en comprenne la profondeur et pour que rien ne soit citable après : ……………………………………………… Le juste opposera le dédain à l’absence Et ne répondra plus que par un froid silence Au silence éternel de la Divinité.

2001. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Je sais bien que ce n’est pas facile à éteindre, ce feu grégeois, ce feu Richepin, qui repart sous le pied mais dont le pied finit pourtant par être le maître.

2002. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Seulement, il ne rit pas, lui, et, quoiqu’il soit difficile de l’aimer, on sent avec respect qu’il est un maître, tandis que M. 

2003. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Flaubert est le supérieur et le maître, la cause étant toujours plus grande que son effet, mais M. 

2004. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Lawrence dans l’observation du cœur humain et de la vie des classes élevées en Angleterre, je suis convaincu que je tiens là, — non pas entièrement venu, mais très-apparent déjà, — un maître dans l’ordre du roman, et, s’il n’a pas la conscience de cela, il faut que la Critique la lui donne.

2005. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Jamais on n’aurait trouvé dans Fanny, dans Catherine d’Overmeire, ni dans Daniel (le plus mauvais de ses romans avant ceux d’aujourd’hui), quelque chose de comparable au commencement d’Un Début à l’Opéra, qui est purement et simplement une dissertation technique et numérotée sur l’intérieur de l’Opéra, l’administration supérieure, le directeur, les sujets de la danse, les protecteurs du corps du ballet, les auteurs, compositeurs, professeurs, maîtres de ballet, les habilleuses, les coiffeurs, les chefs de claque, les abonnés, les feuilletonistes ; et qui, placée là en dehors du roman, comme un feuilleton à part, pouvait se publier toute seule, puisqu’elle ne se rattache en aucun lien appréciable à l’économie du récit qui va suivre.

2006. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Et quand on pense que l’homme qu’il avait à peindre donnant ces leçons, était le duc de Montausier, quel parti l’orateur pouvait encore tirer d’un gouverneur qui respectait bien plus la vérité qu’un prince, qui, pour être utile, aurait eu le courage de braver la haine, et se serait indigné même de se souvenir que celui qui était aujourd’hui son élève, pouvait être le lendemain son maître.

2007. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Après trois mois de leçons, elle en savait plus que ses maîtres. […] as-tu conscience du malheur de ton maître qu’un misérable a aveuglé, après avoir dompté son esprit avec le vin ? […] Il s’en aperçut tôt et, quittant les autres amourettes que par hasard il avait dans le pays, il ne pensa plus qu’à la gentille sœur de ses maîtres. […] Il se disait disciple de Champfleury, et il avait plus de style que son maître. […] Or, dans la mythologie grecque Autolycus est un maître voleur, fils de Mercure.

2008. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Sainte-Beuve n’est-il pas maître et modèle ? […] Ses négligences sont savantes, ses excès médités ; mais qu’importe si l’usage est pourtant le maître, si l’usage marque le pas ? […] Mais le maître, le maître inconnu se révèle : il ordonne ; et l’océan envahit les plaines, comble les vallées, surmonte les plus hauts sommets. […] Et avec quel frisson vous parcourrez ces pages brillantes où vous vous êtes, sans y penser, raillé de votre Maître ! […] C’est par rapport à Dieu, son auteur, son maître, sa loi, son juge, qu’il doit être considéré.

2009. (1910) Rousseau contre Molière

  Il a fait encore une allusion aux Fourberies de Scapin en parlant des rapports entre les maîtres et les serviteurs. […] Regardez-le, « voyez comme, pour multiplier ses plaisanteries, cet homme trouble tout l’ordre de la société, avec quel scandale il renverse tous les rapports les plus sacrés sur lesquels elle est fondée ; combien il tourne en dérision les respectables droits des pères sur leurs enfants, des maris sur leurs femmes, des maîtres sur leurs serviteurs ? […] Il est très vrai que chez Molière les enfants sont irrespectueux à l’égard de leurs parents, les femmes insolentes à l’égard de leur mari, et que les valets y donnent des coups de bâton à leurs maîtres, et voilà bien tout l’ordre de la société renversé. […] Je reconnais qu’il n’est pas d’une vérité moyenne et facilement vérifiable qu’un valet bâtonne son maître. […] Car, d’une part, il faut éviter que la femme soit agréable en société, et, d’autre part, il faut éviter aussi qu’elle soit ennuyeuse à son maître et il ne faut point « bannir du mariage tout ce qui pourrait le rendre agréable aux hommes ».

2010. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il était, le 25, parfaitement maître libre de ses relations. […] Trop peu d’enfants, mâles et femelles, vivent, de six à vingt-cinq ans, les yeux et les oreilles agrippés par la lettre imprimée, par la voix du maître. […] Elle déclare, aux premières lignes, avoir voulu « avant tout », en sa « pieuse audace, glorifier un maître ». […] Il faut qu’on démêle la « piété » dans une étude d’un disciple sur son maître ; il ne faut pas qu’elle s’étale, et je ne suis pas ennemi d’une certaine discrétion, même dans le culte. […] Un simple valet de Roux de Marsilly, nommé Martin et possesseur, et seul possesseur, après la mort de son maître, de secrets importants.

2011. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

C’est que le poète est le maître du langage, et que le langage est avant tout l’expression de l’instinct sexuel : « Le centre des idées génitales, écrit le Dr Voivenel1, est fonctionnellement rattaché au centre du langage. […] Quelques-unes se sont même si parfaitement assimilé la poésie de certains maîtres qu’elles ont, instinctivement, produit des poèmes presque identiques aux leurs. […] Par son métier poétique, Marie Dauguet appartient à l’école symboliste, et ses maîtres sont Baudelaire et Verlaine. […] Qu’on ne voie pas là un reproche ; un vrai poète ne saurait noyer sa personnalité dans l’admiration d’un maître. […] Laurent Évrard n’a pas cru qu’il lui suffirait, pour être poète, de s’abandonner aux intuitions de sa pensée ; elle a voulu, avant d’écrire ses poèmes, posséder son art, son métier, comme les Maîtres, étudier toutes les ressources de sa langue, afin, connaissant les secrets des mots, de manier à son gré les images et les idées.

2012. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Pour moi, si je fais mon métier de gagner de l’argent, je tâcherai de n’entretenir personne du vif désir que j’aurais d’y réussir ; car c’est un dégoûtant entretien. » Henri Meyer, tout bon commis qu’il est au comptoir, a donc le cœur libéral, les goûts nobles ; il a pris, à ses moments perdus, un maître de violon ; il songe aux agréments permis, ne veut pas renoncer aux fruits de sa bonne éducation, et se soucie même d’entretenir un peu son latin. […] La bonne monture que M. de Bompré avait sans doute ramenée de ses guerres, et qui lui avait plus d’une fois sauvé la vie, est vendue pour deux chevaux de carrosse ; et le pauvre chien Hector, qui vieillit, qui, un jour d’été, a couru trop inquiet après son maître absent, s’est trouvé tué, de peur de rage. […] Dans ces lettres de mistriss Henley, il y a plus que des pensées aimables et fines ; la mélancolie y prend parfois de la hauteur, et je n’en veux pour preuve que cette page profonde : « Ce séjour (la terre d’Hollowpark) est comme son maître, tout y est trop bien ; il n’y a rien à changer, rien qui demande mon activité ni mes soins.

2013. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Nous célébrerons cet automne le cinquantième anniversaire du jour où il a commencé à gouverner et à être le maître. Mais ce maître, quand j’y pense vraiment, qu’a-t-il été tout ce temps, sinon un serviteur ? […] Car si un oiseau perdait à l’aile gauche trois pennes sans les perdre aussi à l’aile droite en même temps, l’équilibre serait rompu et l’oiseau ne serait plus le maître de ses mouvements.

2014. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Enfin Louis XIV parut, et l’estime qu’il témoigna pour les gens de lettres donna bientôt le ton à une nation accoutumée à le recevoir de ses maîtres ; l’ignorance cessa d’être l’apanage chéri de la noblesse ; le savoir et l’esprit mis en honneur franchirent les bornes qu’une vanité mal entendue semblait leur avoir prescrites. […] Sensible au sort de ces âmes neuves, et par conséquent si propres à recevoir les impressions du beau, du grand et du vrai, il n’aurait que trop d’occasion de répéter à leurs maîtres cette maxime jusqu’à présent appliquée aux mœurs seules, que l’enfance ne saurait être trop respectée. […] Prenons garde qu’elle ne surpasse bientôt ses maîtres.

2015. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Paul Féval, qui a trouvé le moyen, tout en écrivant son histoire, de faire un pamphlet contre les pamphlets, est, en gaîté comme en pathétique, un passé maître. […] Nous, nous préférons cette histoire sacrée et savante, brillante de renseignements profonds, clairs, épuisés, et après lesquels il n’y en a plus (l’auteur a tout lu, dit-il fièrement) ; nous préférons cette histoire, brûlante de foi chrétienne, qui brave le martyre du ridicule infligé par les sots en attendant l’autre martyre qui viendra peut-être en ces délicieux jours, à tous les romans du romancier célèbre, dont quelques-uns pourtant sont d’un maître. […] Les mauvais domestiques font faire la besogne à leurs maîtres, et on voit mieux la main de Dieu quand la main de l’homme ne la cache pas… Le Mont Saint-Michel a périclité longtemps par ses abbés, ruiné par la sordidité des uns, abandonné par l’ambition et la dissipation des autres, qui vivaient à la cour et préféraient la mitre de soie de l’évêque à la mitre en laine de l’abbé.

2016. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Veuillez en effet vous souvenir, récapitulez en idée la vie passée de Talleyrand, depuis son début sous Calonne, ou, si vous aimez mieux, depuis sa messe à la Fédération, ou encore depuis certain traité fructueux entamé avec le Portugal sous le Directoire, premier point de départ de sa nouvelle et soudaine opulence, et voyez où tout cela aboutit, à quels honneurs, à quels profonds témoignages de respect, et de la part des hommes les plus purs et les plus autorisés, les maîtres jurés en matière de moralité sociale. […] Le succès dépendra aussi du jugement et de l’opinion qui prévaudra alors sur le maître tout-puissant qu’il a servi et abandonné.

2017. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Dieu seul sait la distance entre nous, Seul il sait quel degré de l’échelle de l’être  Sépare ton instinct de l’âme de ton maître, etc. […] En parlant de son chien avec effusion, avec charité, il est toujours dans cette large voie humaine, au bout de laquelle, du plus loin, on aperçoit près de leurs maîtres les chiens d’Ulysse et de Tobie.

2018. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Louise était savante, elle lisait les maîtres, elle avait contracté dans le commerce des Anciens cette sorte d’audace et de virilité d’esprit qui peut bien n’être pas toujours un charme chez une femme, mais qui n’est pas un vice non plus. […] Dès l’abord, dans la dispute qui s’engage entre Amour et Folie au seuil de l’Olympe, chacun voulant arriver avant l’autre au festin des Dieux, Folie, insultée par Amour qu’elle a coudoyé, et après lui avoir arraché les yeux de colère, s’écrie éloquemment : « Tu as offensé la Royne des hommes, celle qui leur gouverne le cerveau, cœur et esprit ; à l’ombre de laquelle tous se retirent une fois en leur vie, et y demeurent les uns plus, les autres moins, selon leur mérite. » Les plaintes d’Amour et son recours à sa mère après le fatal accident, surtout le petit dialogue familier entre Cupidon et Jupiter, dans lequel l’enfant aveugle fait la leçon au roi des Dieux, sont semés de traits justes et délicats, d’observations senties, qui décèlent un maître dans la science du cœur.

2019. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Si nous nous reportons aux maîtres, Jean-Jacques, voulant recommander pour les finesses de cœur la quatrième partie de sa Nouvelle Héloïse, n’a pas dédaigné de la rapprocher de la Princesse de Clèves 202, et il paraît envisager celle-ci comme modèle. […] Déjà dans Valérie il y a trace de quelque opposition au Consul, à l’endroit des réflexions du Comte sur les tableaux et les statues des grands maîtres qu’il faut voir en Italie même, sous leur ciel, et qu’il serait déraisonnable de déplacer.

2020. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Guizot y a reçu des coups de feu dans ses jupes ; c’est qu’en Languedoc, par les États provinciaux, « les évêques sont maîtres du temporel plus que partout ailleurs, et que leur sentiment est toujours de dragonner, de convertir à coups de fusil ». […] Il bâtit, il reçoit, il donne des fêtes, il chasse, il dépense selon sa condition  De plus, étant maître de son argent, il donne à qui lui plaît, et tous ses choix sont des grâces

2021. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Quant aux journaliers de campagne et aux colons, le propriétaire, même privilégié, qui les emploie, est obligé de prendre à son compte une partie de leur cote ; sinon, n’ayant pas de quoi manger, ils ne travailleraient plus668 ; même dans l’intérêt du maître, il faut à l’homme sa ration de pain, comme au bœuf sa ration de foin. « En Bretagne669, c’est une vérité notoire que les neuf dixièmes des artisans, quoique mal nourris, mal vêtus, n’ont pas à la fin de l’année un écu libre de dettes » ; la capitation et le reste leur enlèvent cet unique et dernier écu. […] Boivin-Champeaux, Doléances de la paroisse de Tilleul-Lambert (Eure). « Une quantité de sortes de privilégiés, MM. des élections, MM. les maîtres de poste, MM. les présidents et autres attachés au grenier au sel, tous particuliers qui possèdent de grands biens, ne payent que le tiers ou la moitié des impôts qu’ils devraient payer. » 715.

2022. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

La paille et le foin débordent çà et là des lucarnes pleines de fourrages ; les portes des étables, des fenils, des basses-cours, s’ouvrent sur le gazon autour du puits ; à côté de la porte des maîtres, les chars de récoltes se chargent et se déchargent sous les fenêtres des chambres hautes ; des sacs d’orge, de blé, de pommes de terre, se tassent sur les marches en spirale du large escalier aux dalles usées par les souliers ferrés des laboureurs ; les vaches paissent sous les groupes de vieux arbres écorcés dans les vergers ; on voit les jardiniers, les bergers, les jeunes vachères, tirer les seaux du puits, emporter les arrosoirs, accoupler leurs bœufs, traire leurs vaches dans la cour qui sert de pelouse à l’habitation ; on y est en pleine rusticité, comme en pleine nature. […] XIII L’autre de ces artistes était le sensible et infortuné Decaisne, peintre digne de Rubens par ses aspirations à renouveler l’école de ce grand maître, son compatriote et son modèle.

2023. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

C’est la lueur de cette lampe nocturne, aperçue des villageois et des bergers de la montagne, qui faisait dire à ces pauvres gens, dans leurs veillées, ce que disent les paysans d’Allemagne allant à l’église pendant la nuit de Noël, en passant sous la tour de Faust : « Que fait donc notre jeune maître à cette heure dans sa chambre haute, seul ainsi toute la nuit avec les esprits, pendant que la cloche sonne et que le peuple chante en chœur à l’église : le Christ est ressuscité ? » XLII Et en effet, le jeune maître faisait en silence deux choses mystérieuses et presque sataniques pour le pauvre ignorant de nos campagnes et de nos villes ; il ressuscitait la chevalerie par la poésie dans ses chants, et il ressuscitait le grand art dans ses veilles en écrivant son Phidias ; Phidias, l’art incarné, le créateur des marbres, le dieu de la sculpture et de l’architecture, le révélateur du beau dans la pierre, le créateur enfin du Parthénon, cette cathédrale d’une religion qui allait mourir dans un temple qui ne mourra pas !

2024. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Une fois maîtres du terrain, la victoire leur montant au cerveau, la brigade se mit de ses propres mains au ciel, et s’appela la Pléiade. […] » Les poëtes de l’école de Marot, le maître compris, ne sont pas traités plus doucement : « Laisse-moi, s’écrie-t-il, toutes ces vieilles poésies françoises aux Jeux Floraux de Thoulouze et au pays de Rouen comme rondeaux, ballades, virelais, chants royaux, chansons et aultres episseries qui corrompent le goust denostre langue, et ne servent sinon à porter tesmoignage de nostre ignorance. » Du Bellay propose de remplacer tous ces vieux genres par des genres nouveaux.

2025. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

C’en est fait, le théâtre a trouvé un maître et la comédie moderne saura désormais à qui parler ! […] Et déjà la dame, sans plus songer à son amant mort se suspend au bras de son nouveau maître, lorsque le meurtrier par amour se métamorphose subitement en joyeux railleur, et lui lance en pleine figure un éclat de rire ironique ; puis la porte s’ouvre, et M. de Nanjac ressuscite pour l’accabler de son froid mépris, et M. de Thonnerins, et la petite Marcelle elle-même viennent assister à la curée de l’hypocrite prise au piège.

2026. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

A tout le monde et à chacun, répond l’agnosticisme, si de tous nos droits le plus certain est sans doute celui de demeurer, en tant qu’hommes, les maîtres de notre croyance et les ouvriers de notre destinée. […] Quand les disciples se sentent devenus assez forts, ils n’aiment pas que leur maître continue de penser, et si surtout, il pense autrement qu’eux, c’est lui qu’ils accusent de ne plus se comprendre !

2027. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Albin, confident d’Othon, conseille à son maître de s’attacher à Camille, nièce de l’empereur, qui lui portera l’empire en dot. […] Qu’un valet, pour apaiser son maître qui menace un homme de lui couper le nez, lui dise : Que feriez-vous, monsieur, du nez d’un marguillier ?

2028. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Or, je n’hésite nullement à déclarer que ces détails et ces développements sont d’un maître, — d’un maître dans l’art, si ce n’est dans la vérité !

2029. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Il est difficile de refuser à l’animal un certain degré de sentiment quand on voit le chien attaché à son maître au point de souffrir de son abandon et de son indifférence, au point même de mourir parfois d’inanition volontaire devant son cadavre. […] Aussi tout ce qu’elle fait est plein et achevé28. » Qui ne reconnaît à ce tableau les heureux moments de sa vie où il s’est senti en pleine possession de lui-même, maître incontesté, sinon absolu, dans son empire ?

2030. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Il mettra à bas le monstre qui soulève de dégoût Florence, mais il sait bien aussi que ce jour-là où elle en sera délivrée, Florence se choisira un autre maître, et que Lorenzo n’en sera que plus honni.

2031. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Villemain et aux autres maîtres antérieurs n’ont daigné soupçonner, c’est cet ensemble d’observations et de directions positives que je vais tâcher d’indiquer brièvement.

2032. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

» ils répondaient : « Nous n’aimons point, nous obéissons. » « Et quand on leur montrait les autels du Dieu qui a créé l’homme et du Christ qui l’a sauvé, ils s’écriaient : « Ce sont là les dieux de la patrie ; nos dieux à nous sont les dieux de ses maîtres, la Fidélité et l’Honneur. » « Je vous le dis en vérité, depuis la séduction de la première femme par le serpent, il n’y a point eu de séduction plus effrayante que celle-là.

2033. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Il se peut faire qu’un puissant travail général s’accomplisse, et que le niveau des idées, des connaissances et de la civilisation elle-même monte partout insensiblement ; mais, en fait d’art, les maîtres les plus en renom ont disparu ; s’il en survit quelques-uns, ils achèvent de vieillir, et ne sont point remplacés par des autorités équivalentes.

2034. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

L’on se sent entraîné par lui comme par un ami, un séducteur ou un maître.

2035. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Il prend encore « le tour et les lois que jadis les maîtres suivaient eux-mêmes. » Avec leurs règles, il se fait un art.

2036. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Shaftesbury, Bolingbroke sont des maîtres de pensée indépendante, de doute curieux et libre.

2037. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Comme Ney, comme Labédoyère, Wolfgang se rallie irrésistiblement à son ancien maître.

2038. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Gobineau sur les qualités d’indépendance et d’énergie intelligente ; Nietzsche glorifie la force sauvage et indomptée, la volonté de puissance des maîtres, destructrice et créatrice, qui renouvelle le monde, parfois au prix de terribles convulsions et de sanglantes hécatombes.

2039. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Il rappelle le précepte du Vinci : « Observer les taches des murailles, la cendre du foyer, les nuages, les fanges, et autres choses de cette espèce pour y trouver invenzioni mirabilissime et infinite cose. » Et voyez comme naïvement et lâchement il se traduit la leçon célèbre : « Le maître savait bien que le hasard — comme l’a démontré jadis l’éponge d’Apelles — est toujours l’ami de l’artiste ingénieux.

2040. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

De ce mélange résultait un Dieu d’une mobilité infinie, formé de toutes les contradictions du symbole ; violent et doux, bienfaisant et vindicatif, destructeur et rédempteur, martyr et bourreau, maître des fictions et des illusions, versant, pêle-mêle, à pleine coupe, l’irritation et la joie, la ferveur et la fureur, le délire et l’inspiration, Bacchus abrutissait et illuminait, il exaltait et il ravalait, il agitait les corps pour faire évader les âmes dans le ciel ou l’enfer des songes, comme on brise les portes d’une prison en secouant ses gonds.

2041. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Dans ces moments-là, le maître devient, pour ainsi parler, son propre disciple.

2042. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Cette idée brillante ne pouvoit être mieux remplie qu’en consultant les maîtres de l’art.

2043. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Mais je veux qu’on quitte son maître au sortir de l’enfance, et qu’on ne retienne de cet exercice que la grace et l’air aisé dans l’action.

2044. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Ainsi Virgile laissa son Énéide avec des vers qui attendent encore le dernier regard du maître.

2045. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Pour qui a pratiqué la vie, ou qui l’a seulement regardée, il n’est pas vrai que cette amitié puisse exister ; et si on l’a cru quelquefois, ce n’a été que par piperie d’âme abusée, à qui les sens, maîtres en amour, ont donné bientôt le plus éclatant démenti !

2046. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

… Elle a écouté à, la porte des livres pour venir me commérer ce qu’il y a dedans… Mais je préfère à cette commère historique la moindre femme de chambre à la Dorine, qui écoute à la porte du salon de ses maîtres et qui me vient dire ce qu’elle y a entendu, avec ce brio de langue affilée que la pauvre Mlle Clarisse Bader ne connaît pas.

2047. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Telle est la supériorité de Joubert le platonicien sur son maître, le grand Platon, qu’il est utile de noter dans ce temps de métaphysique, quoique cette supériorité, ce n’est pas Joubert qui l’ait faite.

2048. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Boswell, au fond, n’est qu’un laquais, d’une espèce très rare, qui adore et admire son maître.

2049. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Eh bien, ce rapprochement, qu’il faudrait faire beaucoup pour voir juste, nous croyons utile de l’essayer à propos de deux livres que la Critique, qui reconnaît ceux qui les ont écrits pour des maîtres, a traités avec un silence par trop respectueux.

2050. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

C’était un livre sans parti pris, sans théorie à priori, sans système ; un livre sain, vigoureux, d’un grand sens pratique, allant droit à la difficulté et à la réalité avec une netteté de ton qui devenait fort piquante au milieu des solennités de la rhétorique ordinaire, une petite brusquerie à la Napoléon, rangeant, en maître, les choses de l’Histoire, et marchant lestement sur le gâchis qu’on en avait fait jusque-là.

2051. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Cénac-Moncaut est le maître de son sujet, je le crois.

2052. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Mignet et Pichot ne sont que les metteurs en œuvre, — ne fut ni un Dioclétien de seconde épreuve, ni un de ces grands Pénitents de la Royauté, qui ne souffrent plus sur leur front, dans la gloire de leur abaissement, d’autre couronne que la couronne d’épines du Divin Maître.

2053. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

« Si on excepte — mandait-il — l’étourderie des mousquetaires et deux à trois petits maîtres impertinents, les Français me semblent plus inanimés que les Allemands.

2054. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Toutes deux étaient des esprits fermes, pénétrants, lucides, connaisseuses en hommes comme de vieux ministres d’État, et en femmes comme de vieilles douairières, ne s’y trompant point, en hommes, à part un seul sur lequel l’aveugle clairvoyante, aveugle, ce jour-là, comme l’amour son maître, se trompa net, alors que Madame Geoffrin, qui avait ses deux yeux, ne se trompa pas comme elle sur la valeur de l’homme qu’elle aimait.

2055. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

» Rappelez-vous ce qu’il dit une fois de Sainte-Hélène : « Napoléon, le maître du monde, devait mourir séparé du monde par un fossé dans lequel coulerait l’Océan. » Il parle quelque part de je ne sais quelle doctrine indigne de la majesté de l’absurde.

2056. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Assurément, nous ne croyons pas que jamais il sorte de cette critique de l’amour qui est la sienne quand il s’agit de Buffon, et qu’il puisse entrer dans cette impartialité froide qui est la vraie température de toute critique ; mais rendons-lui justice, et convenons que pour lui l’enfant de Buffon, le cartésien comme Buffon, l’homme incessamment occupé à brosser comme un diamant la gloire de Buffon, pour qu’elle brille davantage, il a cependant dans le regard une fermeté qui étonne quand il le porte sur son maître.

2057. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

… Tels sont les prédécesseurs dans la science et les maîtres de M. 

2058. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Alors apparaît et s’annonce cette grande conductrice d’âmes qui devait littéralement gouverner du fond de son monastère d’Avila tout un peuple de religieux et de religieuses et déployer dans celle conduite une prudence, une fermeté, une science des obstacles, et enfin un bon sens (ce bon sens, maître des affaires, a dit Bossuet) qu’aucun chef d’État n’eut peut-être au même degré que sainte Térèse, l’Extatique, la Sainte de l’Amour.

2059. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

L’a-t-il créé par sa réflexion ou le tient-il de la main d’un maître ?

2060. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

Quoiqu’il se pose, comme je l’ai dit plus haut, plus en narrateur qu’en jugeur en narrateur à la manière des anciens et de Quintilien (ses maîtres, dit-il), et qu’il s’enferme, avec un mépris étonnant pour les idées générales, dans la rhétorique d’un païen, après deux mille ans de christianisme, il n’en juge pas moins le xve  siècle avec le bon sens, qui déduit, d’un moderne, et l’orthodoxie d’un prêtre.

2061. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Sa méthode, nous dit-il, est au fond de toutes les grandes philosophies, et il le prouve en nous donnant de chacune d’elles une empreinte chaude, lumineuse, éclairée à l’intérieur et rendue translucide, comme seuls en savent lever les maîtres.

2062. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Il faut lire, dans le livre même de Caro, les longs chapitres qu’il consacre aux trois maîtres convenus de la philosophie actuelle, et contre lesquels le livre de l’Idée de Dieu est plus spécialement dirigé.

2063. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Il y eut longtemps de ce juif-là dans d’Aubigné, dur même quelquefois et intuitif comme un prophète, quand, par exemple, il sentait chanceler le protestantisme de son ami et de son maître.

2064. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Ils sont taillés dans un marbre radieux de blancheur idéale, avec une vigueur et une sûreté de main qui indique que l’artiste, ici, est son propre maître, et sans excuse, — comme Lucifer, qui ne tomba que parce qu’il voulut tomber.

2065. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Une fois dans sa vie, dans sa jeunesse encore, quand les hommes de génie se grisent d’eux-mêmes et sont comme les Bacchantes de leurs propres facultés, il voulut procéder de Rabelais qu’il appelait son maître, et il fit un livre dans lequel il l’égala, ces Contes drolatiques 2 qui n’eurent aucun succès, comme l’Amour de Beyle, et qu’un éditeur courageux, Giraud, vient aussi de rééditer.

2066. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Le roman d’Albéric Second est l’histoire d’un amour né dans les circonstances les plus inattendues et les moins propres, semble-t-il, à faire naître l’amour dans une âme… Il faut être, en effet, un écrivain très sûr et très maître de soi pour avoir osé la circonstance, et l’état mental et physique, et l’immonde costume dans lequel, dès les premières pages de son livre, l’auteur fait apparaître son héros, attaqué de folie, fuyant son cabanon, se présentant, effaré, aux yeux de tout Paris, en plein théâtre Italien, dans la loge de la comtesse Alice.

2067. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Le scepticisme universel commençait à faire sur cet esprit d’aigle, qui avait soif des splendeurs de soleil de la Certitude, l’effet ténébreux et horrible que Byron a peint avec la grandeur d’un maître dans Darkness.

2068. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Athée, comme on l’était au xvie  siècle et comme l’était Stendhal, son maître, il affecte la scélératesse dans le ton et ne serait pas fâché, j’en suis sûr, de passer pour un petit Borgia littéraire.

2069. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Cette correspondance entre les deux jeunes filles, cette correspondance qui dure trop peu et qui, si elle avait été la forme intégrale du roman, en eût certainement fait un chef-d’œuvre, est d’un maître en observation ou en divination humaine.

2070. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Qu’on pense au genre d’éloquence qui devait naître d’une telle situation, et du caractère d’un peuple qui, extrême dans l’esclavage comme dans la liberté, mettait la même impétuosité à flatter ses maîtres ou ses tyrans, qu’elle en aurait mis autrefois à les combattre.

2071. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

C’est ici qu’il faut se rappeler le mot de Henri IV à un ambassadeur : « Est-ce que votre maître n’est pas assez grand pour avoir des faiblesses ?

2072. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

C’est lui qui dit dans de beaux vers ïambiques45 : « Il n’est dans les choses humaines rien d’inespérable, rien qu’on doive nier, rien qui puisse surprendre : car Jupiter, le maître des dieux, fait du plein midi sortir la nuit, quand il a voilé la lumière du soleil resplendissant ; et une froide terreur est descendue sur les hommes.

2073. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

. — D’autre part, c’est une remarque incontestablement exacte que presque tous les érudits et presque tous les historiens actuels sont, au point de vue de la méthode, des autodidactes, formés par la seule pratique ou par l’imitation et la fréquentation des maîtres antérieurs. […] Qu’il soit entendu seulement que, en pratique, on n’attend pas, pour travailler sur les documents, d’être imperturbablement maître de toutes les « connaissances auxiliaires » : on n’oserait jamais commencer. […] Aussitôt qu’une phrase d’un document est lue, une image est formée dans notre esprit par une opération spontanée dont nous ne sommes pas maîtres. […] On enseignait jadis l’histoire aux fils des rois et des grands personnages, pour les préparer à l’art du gouvernement, suivant la tradition antique ; mais c’était une science sacrée, réservée aux futurs maîtres des États, une science de princes, non une science de sujets. […] On enseigna l’histoire parce que le programme l’ordonnait ; mais ce programme, raison d’être unique et maître absolu de l’enseignement, resta toujours un accident, variable suivant le hasard des préférences ou même des études personnelles des rédacteurs.

2074. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Et c’est ainsi qu’avaient déjà fait les Grecs, nos maîtres, Corneille, Molière et beaucoup d’autres excellents esprits. […] S’il m’intéresse, s’il m’émeut, je ne suis pas maître de m’arrêter sur mon émotion, de la prolonger, de la savourer. […] C’est une large esquisse où se retrouve partout la marque du maître, et où la hâte même du travail a amené certaines particularités de composition, qu’il vaut la peine de noter au passage. […] La lutte s’engage donc entre le maître et le disciple. […] Joignez à cela que, la multitude étant femme, il ne lui déplaît pas, au fond, d’avoir des maîtres.

2075. (1929) Amiel ou la part du rêve

Voyez le génie, jusqu’alors absent, y naître, un soir qu’un jeune apprenti graveur, négligé par son père et battu par un maître brutal, a trouvé fermées les portes de la cité sévère et a été se réfugier chez le curé de Confignon. […] Il lui eût fallu, à cet âge, une influencé vivante, un maître, un homme. […] Adolphe Pictet, qui occupe la chaire d’esthétique, en tiendrait aussi bien cinq ou six autres : littérature de trois ou quatre pays, mythologie comparée, les sciences où alors le germanisme est maître. […] Le jeune Amiel, lui, se trouve aussi un moment entre les mains des médecins, puisqu’il tombe malade en Suède, mais guérit vite, et le voilà dans la société des professeurs et des maîtres. […] Mais il ne la possède pas. « Aucune contrainte extérieure, jouissance de tout mon temps, maître de me poser un but quelconque.

2076. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Il le déclare un maître exceptionnel… En revenant avec lui, il nous parle de l’ennui que lui cause la peinture, de l’indifférence qu’il apporte à la réussite d’un tableau, en même temps qu’il s’entretient bavardement du goût qu’il a à écrire, du petit battement de cœur à son réveil, de la petite fièvre à laquelle il se reconnaît apte à la composition d’un bouquin, et malheureusement des longs intervalles, et des années qui séparent un livre d’un autre, en sorte que lorsqu’il se remet à la copie, il est incertain s’il sait encore écrire. […] Espinosa, le maître de ballets, arpente le devant du théâtre, en claquant la mesure dans ses mains. […] Voilà pour le grand Maître, jusqu’ici seulement goûté par les artistes, la grosse popularité qui commence. […] Aux côtés de la cheminée, une mauvaise aquarelle, le portrait d’une langoureuse et maladive Anglaise, que Flaubert a connue à Paris, dans sa jeunesse, et puis encore des dessus de boîtes, à dessins indiens, encadrés comme des gouaches, et l’eau-forte de Callot, une Tentation de saint Antoine : les images conseillères du talent du Maître.

2077. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Il ne fit point comme certains petits disciples, passés au calvinisme, qui offensaient par leurs écrits le maître demeuré bon catholique. […] Il est maître de son art. […] Ce dernier lui servit de maître et favorisa son goût pour les lettres et la poésie. […] voici le poignard qui du sang de son maître S’est souillé lâchement. […] Lebrun En 1829, Sainte-Beuve n’avait que vingt-cinq ans, et il était déjà, comme critique, maître de sa manière.

2078. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

*** Si je voulais faire un groupe de madame de la Vaudère et de Rachilde, je montrerais la petite Jane à genoux, admiratrice, balbutiant, en grande émotion hésitante, les mots : « Maître ! […] Et cette excellente élève doit, en effet, à son maître beaucoup de qualités extérieures et d’apparences de talent. […] Ici, Mercure, Ce moi qui s’est montré mon maître, Ce moi qui m’a roué de coups, dépasse vraiment les limites de la cruauté. […] Bien supérieur aux ingénieurs et aux maîtres de forges de M.  […] Elle fait de la critique et elle appelle maître « le sympathique auteur du livret des Cloches de Corneville, M. 

2079. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Émile Penin comme un des maîtres de la mise en scène moderne. […] Il leur aurait tout au moins fallu le récit classique que justifie donc, dans certains cas, le procédé du maître moderne. […] Celle-ci, sans oser se l’avouer, aime le fils du maître et du bienfaiteur de son père. Celui-ci, qui voit naître cette aveugle passion, veut la combattre en mariant sa fille à un des commis de son maître. […] Quelquefois, au contraire, elle jaillit du cerveau sans effort, et, dans ce cas, l’artiste se sent dès le premier jour absolument maître de son rôle.

2080. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

On y pouvait voir une pensée du maître, une première avance et comme un premier anneau pour se rattacher à l’ordre civil, et pour en gagner les personnes considérées. […] Aussi, malgré la bonne disposition du maître et des sujets, les choses se sont-elles passées à peu près comme à l’ordinaire, et, de retour à Madrid, chacun est rentré volontiers dans ses habitudes, les uns reprenant avec leur logement le droit de commander, les autres l’obligation d’obéir247. » Et les réflexions qui suivent sont d’une parfaite et triste justesse : « Au fond, ma sœur, le cérémonial des cours, dont on se plaint souvent, a, ce me semble, quelque chose d’utile et même de moral.

2081. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

J’ai ajouté même, non sciemment, mais précipitamment, à ce tableau des angoisses du roi, de la reine, de madame Élisabeth, des enfants, en attribuant au fidèle serviteur Cléry des opinions révolutionnaires qui devaient contrister ses maîtres. […] Ils ne sont que des affranchis du despotisme imitant tous les vices de leurs maîtres.

2082. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Puis, prenant au fond du coffre la zampogne qui dormait silencieuse depuis sept hivers, dégonflée et vide, auprès des habits de son maître, j’en passai la courroie autour de mon cou et je la pressai du coude sous mon bras gauche, de manière à ressembler trait pour trait à un jeune pifferaro des Abruzzes, qu’on écoute au pied des croix et des niches des villages, et à qui on ne demande pas d’où il vient. […] Et alors même que tu parviendrais à le découvrir et que tu te coucherais, comme une chienne sans maître, au pied de sa tour pour le voir un jour mener au supplice et pour demander à mourir avec lui, qui est-ce qui te nourrira en attendant, et où trouveras-tu, sans un baïoque seulement dans la main, un asile pour reposer ta tête ?

2083. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

On dit que c’est pour avoir dérobé, dans la darse de Livourne, une barque sans maître, avec une voile et des rames pour faire évader son frère, déserteur et prisonnier dans la forteresse ; le frère se sauva en Corse, dans la barque volée au pêcheur, et lui paya pour les deux. […] Premièrement, le petit chien Zampogna fut tout à fait guéri de sa jambe coupée et commença à japper un peu de joie autour de nous en gambadant sur ses trois pattes, devant la porte, comme pour me dire : Maître, sortons donc et allons chercher ceux qui manquent à la maison ; je puis à présent te servir et te conduire comme autrefois ; fie-toi à moi de choisir les bons sentiers et d’éviter les mauvais pas ; et il s’élançait sur le chemin qui descend vers Lucques comme s’il eût compris que ses deux amis étaient là-bas ; puis il revenait pour s’y élancer encore.

2084. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Outre que la première faute de Racine (contre ses anciens maîtres) a été effacée par un repentir éclatant et courageux, n’y trouverait-on pas des circonstances atténuantes ? […] Notez que Racine ne s’attaque qu’aux petits ridicules de ses maîtres et ne dit rien qui les déshonore.

2085. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Au fond, il est sans maître. […] Verlaine ; mais d’assez grandes parties restent compréhensibles, et, puisque les ahuris du symbolisme le considèrent comme un maître et un initiateur, peut-être qu’en écoutant celles de ses chansons qui offrent encore un sens à l’esprit, nous aurons quelque soupçon de ce que prétendent faire ces adolescents ténébreux et doux.

2086. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Jean-Marc Bernard Le théâtre, tel que l’ont compris les Grecs et les grands Maîtres du xviie  siècle, m’apparaît vraiment comme le spectacle intellectuel le plus beau qui soit. […] Ce spectacle demande la collaboration du poète, du musicien, du maître à danser et du peintre.

2087. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Maistre, maître. […] Mais comme c’est une vérité de l’art littéraire ou poétique observée par Voltaire, que ce qui fait rire au théâtre, ce sont les méprises des personnages, et que c’est une autre vérité recueillie par l’observation, que la méprise la plus risible et la plus ridicule consiste essentiellement dans la prétention manquée, il faut avoir plus d’esprit qu’il ne m’en appartient, pour reconnaître que Molière, ce grand maître de l’art dramatique, cet observateur profond, n’a exprimé ou sous-entendu ces vérités dans la préface des Précieuses que pour masquer un gros et plat mensonge sur ses intentions relativement à l’hôtel de Rambouillet.

2088. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Lorsque la langue grecque s’introduisit chez ces maîtres impitoyables du monde pour les polir, ils voulurent d’abord la repousser, parce qu’il leur eût mieux convenu de rester barbares : lorsque, plus tard, cette langue leur fut devenue familière, ils ne voulurent y puiser que les doctrines philosophiques. […] Il est bon de remarquer que l’École normale dont nous parlons avait été instituée par la Convention nationale ; que les professeurs qui y furent appelés étaient tous des hommes dont les noms ou étaient déjà célèbres, ou ont acquis depuis une très grande célébrité dans les différentes branches des connaissances humaines ; que les élèves eux-mêmes, qui suivaient les cours, sont aussi devenus célèbres comme leurs maîtres ; et que cette école, née dans les jours les plus néfastes, a imprimé néanmoins, dès le moment de sa naissance, un grand mouvement aux esprits.

2089. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Leur patience désarmée n’était-elle pas une admirable réplique à l’opinion qui faisait d’eux les maîtres mêmes de la fortune ? […] Maître de la discipline comme du dogme, il a aboli les Jésuites.

2090. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Tout le monde moral de l’art y passait dans la simple représentation physique, et plus tard, dans Salammbô, ce fut bien pis… Mais si déjà Flaubert abusait alors de son unique procédé, la description, la plus minutieuse description, le calque à la vitre de toute réalité, qui, pour faire trop réel, supprime la vie, il l’appliquait du moins encore comme un être raisonnable ; il était encore maître de son procédé ; mais, à présent, c’est son procédé qui est son maître.

2091. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

J’y trouve assez de goût pour croire que je ne m’ennuierai point de la vie que je fais… » Mais, après cette sorte d’étape et ce premier temps de repos, Rancé se relève et se met en marche pour une pénitence infatigable et presque impitoyable, à l’envisager humainement : « Je vous assure, Monsieur, écrit-il à l’abbé Favier (24 janvier 1670), que depuis que l’on veut être entièrement à Dieu et dans la séparation des hommes, la vie n’est plus bonne que pour être détruite ; et nous ne devons nous considérer que tanquam oves occisionis. » A côté de ces austères et presque sanglantes paroles, on ne peut qu’être d’autant plus sensible aux témoignages constants de cette affection toujours grave, toujours réservée, mais de plus en plus profonde avec les années, qu’il accorde au digne vieillard, son ancien maître ; les jours où, au lieu de lui dire Monsieur, il s’échappe jusqu’au très-cher Monsieur, ce sont les jours d’effusion et d’attendrissement.

2092. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Il place à côté des tourments de la douleur, l’oubli des hommes et le calme de la nature, ou bien un vieux serviteur, seul être qui se souvienne encore que son maître a été roi.

2093. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Nous reconnaissons « que notre ennemi c’est notre maître » ; nous nous moquons de lui, et, l’amour-propre ainsi satisfait, nous nous laissons docilement conduire.

2094. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Le moyen âge ne l’a jamais préoccupé ; il a été indifférent même au xvie siècle : le maître où il allait étudier, c’était Malherbe ; ses modèles, c’étaient les Latins et les Grecs.

2095. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Il est pour eux un moyen de vaincre dans la lutte pour la vie leurs adversaires moins maîtres de leurs nerfs.

2096. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

À l’exemple de ses maîtres, René Ghil cherchait son inspiration dans la foule, hantait les rues, les halles, les églises, les gares, s’arrêtait, songeur, pour voir défiler une noce, un enterrement.

2097. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Ici, l’on trouvera, sans aucun dégrossissement, le petit Breton consciencieux qui, un jour, s’enfuit épouvanté de Saint-Sulpice, parce qu’il crut s’apercevoir qu’une partie de ce que ses maîtres lui avaient dit n’était peut-être pas tout à fait vrai.

2098. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

La Fontaine a dit de Malherbe et de Racan : Ces deux rivaux d’Horace, héritiers de sa lyre, Disciples d’Apollon, nos maîtres pour mieux dire.

2099. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Et à ceux qui cherchent un guide, un maître, je dirai : « Il en est un.

2100. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Voltaire et Machiavel sont deux redoutables révolutionnaires indirects, dissemblables en toute chose et pourtant identiques au fond par leur profonde haine du maître déguisée en adulation.

2101. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Dans la première, elle n’est que le dernier écho de la Révolution expirante : c’est l’école des idéologues, dont le maître est M. de Tracy.

2102. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Il ne faut pas oublier le chien qui court annoncer à de vieux parents le retour d’un fils chéri ; et cet autre chien qui, resté fidèle parmi des serviteurs ingrats, accomplit ses destinées, dès qu’il a reconnu son maître sous les lambeaux de l’infortune.

2103. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Il peut donc arriver que les neveux rejettent enfin comme une erreur des dogmes philosophiques, que leurs ancêtres auront regardez long-temps comme la verité, et qu’eux-mêmes ils avoient cru tels sur la parole de leurs maîtres.

2104. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Cette pression de tous les instants que subit l’enfant, c’est la pression même du milieu social qui tend à le façonner à son image et dont les parents et les maîtres ne sont que les représentants et les intermédiaires.

2105. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

et il dira aussi : Lui, sans aucun effroi, comme maître paisible, Jetait dans les sillons cette semence horrible, D’où s’élève aussitôt un escadron armé, Par qui de tous côtés il se trouve enfermé, Tous n’en veulent qu’à lui, mais son âme plus fière, Ne daigne contre eux tous s’armer que de poussière.

2106. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Cette économie des desseins de la Providence, dévoilée avec la prévision d’un prophète ; cette pensée divine gouvernant les hommes depuis le commencement jusqu’à la fin ; toutes les annales des peuples, renfermées dans le cadre magnifique d’une imposante unité ; ces royaumes de la terre, qui relèvent de Dieu ; ces trônes des rois, qui ne sont que de la poussière ; et ensuite ces grandes vicissitudes dans les rangs les plus élevés de la société ; ces leçons terribles données aux nations, et aux chefs des nations ; ces royales douleurs ; ces gémissements dans les palais des maîtres du monde ; ces derniers soupirs de héros, plus grands sur le lit de mort du chrétien, qu’au milieu des triomphes du champ de bataille ; enfin l’illustre orateur, interprète de tant d’éclatantes misères, osant parler de ses propres amertumes, osant montrer ses cheveux blancs, signe vénérable d’une longue carrière honorée par de si nobles travaux, et laissant tomber du haut de la chaire de vérité des larmes plus éloquentes encore que ses discours : tel est le Bossuet de nos habitudes classiques, de notre admiration traditionnelle.

2107. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

L’américanisme qui nous ronge et qui doit très justement nous dévorer (et de fait, le principe de la démocratie accepté, les Américains étant de plus grands démocrates que nous, doivent être nos maîtres), l’américanisme que nous affectons nous a fait nous tenir tranquilles à cette exhibition… antifrançaise.

2108. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

C’est ce visage, qui n’est pas un masque, mais qui est maître de soi, comme la force, que Louis Teste a entrepris d’éclairer pour remuer et raviver un peu d’espérance dans les cœurs chrétiens désespérés.

2109. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Alors apparaît et s’annonce cette grande conductrice d’âmes qui devait littéralement gouverner, du fond de son monastère d’Avila, tout un peuple de religieux et de religieuses, et déployer dans cette conduite une prudence, une fermeté, une science des obstacles, et enfin un bon sens (ce bon sens maître des affaires, a dit Bossuet) qu’aucun chef d’État n’eut peut-être au même degré que sainte Térèse, l’Extatique, la Sainte de l’Amour.

2110. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Malgré elle, la tentation de l’applaudissement l’y saisit, et elle y tombe promptement dans cette corruption, pire que l’esclavage sous un seul maître, et qu’on appelle la soif de cette popularité qui est l’esclavage sous plusieurs !

2111. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Jules Simon et Saisset, traités respectueusement et affectueusement « de maîtres et d’amis », nous avons naturellement pensé que le Rationalisme contemporain allait, sans être un aigle, avoir beau jeu du bec et des griffes contre le mysticisme pris à partie, pour l’exécuter mieux et plus vite, dans la personne de Saint-Martin.

2112. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

L’esprit des révolutions a trouvé son maître en France, et la France, c’est le modèle de l’Europe, mais, pour être vaincu et lié, est-ce que cet esprit-là est détruit ?

2113. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Comme Le Sage, comme Johnstone, ses devanciers et ses maîtres, il a toujours un de ses yeux embusqué sur les vices et les ridicules de son temps, et voilà surtout ce qui nous intéresse en lui ; car nous ne tenons pas infiniment à cette manière de battre et de couper le jeu de cartes du roman que le xviiie  siècle croyait ingénieuse et que ses plus grands esprits — comme Swift, par exemple, — ne dédaignèrent pas.

2114. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

V Car Gozlan, cet artiste raffiné, a plus d’esprit que d’art encore, et c’est par l’esprit qu’il vivra encore plus que par l’art du détail, dans lequel il est passé maître.

2115. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

C’est là que, sous un maître habile, il étudia la philosophie et l’éloquence.

2116. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Des esclaves ne laboureront-ils point la terre sous le fouet de leur maître, dans ces déserts où l’homme promenait son indépendance ? […] On peut croire qu’il est resté, comme son maître, vaguement chrétien. […] Or, la belle captive aime son maître, qui finit par céder à ce hardi et frémissant amour. […] Descendu à Shipwright-Inn, le maître et les garçons de l’auberge me reçoivent bras pendants et tête nue. […] Ils tombent, la neige les couvre ; ils forment sur le sol de petits sillons de tombeaux… Des corbeaux et des meutes de chiens blancs sans maîtres suivent à distance cette retraite de cadavres.

2117. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Un mot bien parisien du maître d’un restaurant de la petite banlieue parisienne, à Arsène Houssaye lui disant : — « Oui, oui, l’été vous gagnez beaucoup d’argent, mais l’hiver vous ne faites rien. » — « L’hiver, mais, monsieur, nous avons les adultères !  […] Je faisais ces réflexions chez Auguste Sichel, devant un potage aux nids d’hirondelles, et en remarquant le pied d’égalité établi entre le maître de la maison et les opulents clients que le ménage avait à sa table. […] Mercredi 27 octobre Voici la phrase textuelle, dite par Radowitz, le famulus de Bismarck, au duc de Gontaut-Biron, lorsque, l’été dernier, il l’interrogeait sur les intentions de son maître : « Humainement, chrétiennement, politiquement, nous sommes obligés de faire la guerre à la France ».

2118. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Cette école, dont nous avons vu dans le cénacle des Parnassiens les derniers héritiers, est représentée dans ce livre par celui qu’elle considérait, ce nous semble, comme son maître, Théophile Gautier. […] Les maîtres du nombre sont Platon, Cicéron et Bossuet. […] Il s’est tenu en dehors de toutes les écoles, flatté d’être un maître, ne se souciant nullement d’être un chef. […] Ame d’artiste, ardente et légère, il touchait à toutes choses, marquait chaque objet d’une empreinte de maître, et ne s’attachait à rien. […] Il en est souverainement maître, et nous pouvons l’étudier d’ensemble.

2119. (1908) Après le naturalisme

Le mercantilisme règne en maître sur l’inspiration. […] Cependant, objectera-t-on, si les mêmes lois existent éternellement et nous régissent sans discontinuité, quoi prouve que les événements, dont nous ne sommes pas les maîtres, se prêteront encore au phénomène de régénération de la Littérature. […] Et l’homme intelligent, maître par l’Idée, par sa science, son invention, des forces de la nature, cet homme dont la suprématie sur les autres créatures s’affirme sans conteste vivra selon sa loi. […] Que l’esprit obéisse à soi-même, grand maître de notre condition, cause de notre supériorité, organe de nous-mêmes.

2120. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

On ne se discipline pas soi-même ; des enfants mis ensemble sans maître ne s’élèvent pas ; ils jouent et perdent leur temps. […] Le peuple proprement dit et les paysans, aujourd’hui maîtres absolus de la maison, y sont en réalité des intrus, des frelons impatronisés dans une ruche qu’ils n’ont pas construite. […] Le maître, dit Aristote, a plus de devoirs que l’esclave ; les classes supérieures en ont plus que les classes inférieures. […] La nature a fait une race d’ouvriers, c’est la race chinoise, d’une dextérité de main merveilleuse sans presque aucun sentiment d’honneur ; gouvernez-la avec justice, en prélevant d’elle pour le bienfait d’un tel gouvernement un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; — une race de travailleurs de la terre, c’est le nègre ; soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l’ordre ; — une race de maîtres et de soldats, c’est la race européenne.

2121. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Karr qui est né en Bavière, a été professeur et maître d’études dans un collège. […] Tous deux font parler du maître : c’est le chien d’Alphonse Karr ! […] Il passait sur le boulevard avec quelques amis dont l’un se mit à lire une enseigne nouvelle qui portait ces mots : « Mors Secundo. » — Ce Secundo est l’inventeur de mors avec lesquels on se rend promptement maître du cheval le plus fougueux. […] Jules Janin qui attendait son maître. […] Mieux encore : il le publie sous le nom de qui bon lui semble, sous le nom de son chapelier ou de son maître de clarinette, si ce nom est sonore et fait bien sur la première page d’un livre.

2122. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

» « Eh bien, dit Renan, dérayant complètement de sa thèse, j’aime mieux les paysans à qui l’on donne des coups de pied dans le cul, que des paysans, comme les nôtres, dont le suffrage universel a fait nos maîtres, des paysans, quoi, l’élément inférieur de la civilisation, qui nous ont imposé, nous ont fait subir, vingt ans, ce gouvernement. » Berthelot continue ses révélations désolantes, au bout desquelles je m’écrie : — « Alors tout est fini, il ne nous reste plus qu’à élever une génération pour la vengeance !  […] Toute l’avenue de Neuilly semble avoir été abandonnée de sa population civile ; seul Gamache, le maître d’armes à la triomphante enseigne, possède encore des rideaux à son rez-de-chaussée. […] Quelques rares groupes de gens, le doigt coupé par une ficelle au bout de laquelle il y a quelque mangeaille empaquetée, se tiennent dans la projection du gaz des kiosques, des cafés, dont les maîtres vont et viennent sur la porte, incertains s’ils doivent fermer. […] Je vais faire visite à Victor Hugo, pour le remercier de la sympathique lettre, que l’illustre maître a bien voulu m’écrire, lors de la mort de mon frère. […] Le maître boucher pérore, au milieu d’un cercle de femmes : « C’est 40 francs la livre, pour le filet et pour la trompe… Oui, 40 francs… Vous trouvez cela cher… Eh bien !

2123. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Barrès inclina vers le rêve d’agir se coucherait, déçue, dans l’attitude de soldats qui ne voient plus sur la colline le profil du cavalier impérieux, qui est leur maître. […] D’autres disciples allèrent plus loin dans la connaissance de leur maître et ils surent que pour arriver à la vie bienheureuse ― qui comme dans Sénèque comporte beaucoup d’or et beaucoup de pourpre ― il faut plaire, et que pour plaire il faut avoir l’air de faire coïncider sa pensée avec l’émotion générale. […] Il y a là une originalité puissante appuyée à ses premiers pas sur la main paternelle des maîtres : mais pour s’appuyer à ces mains hautes comme des cimes, il faut être naturellement grand. […] On y retrouve l’auteur de Vieux, mais plus sobre ; on y retrouve le poète et le critique d’art, mais plus sûr de sa philosophie et plus maître de l’expression de ses idées ou de ses sentiments. […] Flaubert devait beaucoup à Chateaubriand ; il serait difficile de nommer le maître des Goncourt.

2124. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

» On va chez la fiancée qui est prête, et de là à la municipalité où l’on attend ; mais l’officier municipal ne vient pas ; sa femme est accouchée de la veille, il faut bien qu’il ait son décadi pour s’amuser avec ses amis et fêter la naissance de son enfant. « Ce sera pour demain, » se dit chacun, et l’on s’en revient un peu désappointé ; le rival, qui est de la noce en qualité de cousin de Charlotte, sourit ; l’optimiste Pierre répond à son maître, tout irrité, par son mot d’habitude : « Qui sait ?  […] C’est lorsque Pierre, encouragé par le médiocre enthousiasme de son maître devant la colonnade du Louvre, lui dit : « C’est beau sûrement ; mais, avec la permission de monsieur, on le trouve surtout ainsi parce qu’il faut venir de loin.

2125. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Montesquieu, Bodin et Aristote n’étaient pas ses maîtres ; pour sa manière de concevoir et de régler la société, comme pour sa méthode d’étudier et d’interpréter la nature, il remontait vite par une sorte d’attrait filial dans l’échelle des âmes, jusqu’à la sagesse de Pythagore et de Numa. […] Pour n’en citer qu’un exemple, le pèlerinage de Virginie et de son frère à la Rivière-Noire est fait, dans le Voyage, par Bernardin accompagné de son nègre, et lorsqu’au retour, avant d’arriver au morne des Trois-Mamelles, il faut traverser la rivière à gué, le nègre passe son maître sur ses épaules : dans le roman, c’est Paul qui prend Virginie sur son dos.

2126. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

« Et toi, maintenant », lui dit-elle après avoir reçu toutes ses instructions, « dis-moi comment je dois en agir avec toi, fils unique de mes maîtres, qui seras mon maître aussi. » XVII Au moment où elle parlait ainsi, ils arrivaient tous deux auprès du poirier.

2127. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Monarque d’une si riche péninsule, chef courageux d’une si imposante armée, présent par l’ubiquité du nom de roi d’Italie dans mes cinq ou six capitales, maître de mille lieues de côtes couvertes de ports militaires sur la Méditerranée, pouvant à mon gré les ouvrir ou les fermer aux escadres ou aux débarquements de l’Angleterre, je veux faire compter l’Autriche et au besoin la France avec moi ; c’est un terrible poids à placer ou à déplacer dans la balance du continent que trente millions d’âmes, cinq cent mille hommes, l’alliance nécessaire de l’Angleterre et un drapeau qui sera, à mon gré, selon les circonstances, celui de la monarchie absolue, celui de la dictature soldatesque, ou celui de la révolution !  […] Quel spectacle que cette capitale, ce royaume, ces millions d’hommes de cœur, regardant disposer d’eux comme d’un troupeau, entre leur tribun Garibaldi, qui les soulève, et le roi de Piémont, leur maître, qui les annexe !

2128. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Villemain, mais surtout si fort inattendue, n’aurait-elle pas été provoquée par le refus qu’opposa Mme de Staël à certaines insinuations du maître ? […] « Vous avez lu sans doute les Martyrs de Chateaubriand ; c’est la chute la plus brillante dont nous ayons été témoins, mais elle est complète : les amis mêmes n’osent pas le dissimuler, et, quoiqu’on sache que le gouvernement voit avec plaisir ce déchaînement, la défaveur du maître n’a rien diminué de celle du public.

2129. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Cet exil, volontaire cette fois, dans la délicieuse demeure de Coppet, loin du bruit des armes, qui décidaient du sort du monde sans altérer sa félicité domestique, ressemblait au recueillement de Cicéron dans son Tusculum pendant que César l’invitait à venir à Rome pour y partager l’amitié du maître du monde. […] Rousseau, son maître, de Voltaire, son voisin, de Byron, son hôte et son ami.

2130. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Je plains même ceux que de si grandes beautés laissent assez maîtres d’eux-mêmes pour songer à prendre avantage, sur ce grand homme, d’imperfections qui sont plus de l’homme en général que de Corneille. […] Le même écrivain qui tout à l’heure était si obscur, si incertain, et qui paraissait vouloir se donner le change sur la pauvreté de son fonds, redevient l’écrivain le plus clair, le plus franc, le plus sûr de sa pensée, le plus maître de sa langue.

2131. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Voilà Bacchus maître de l’intérieur de la terre, de cette région où l’antiquité révérait les racines sacrées de toutes choses : trésors des métaux et des pierres précieuses, fruits et plantes en germe, cultures et sépultures, effluves des antres et des trépieds prophétiques, lois immuables qui développent le monde et qui le portent comme des fondements. […] Tous les démonographes du seizième siècle, Sprenger, Del Rio, de Lancre, Boquel, Le Loyer, Hédelin, s’accordent à reconnaître en lui le « Prince des Sorciers », « le Chef des bouquins », le grand maître des cérémonies de l’Enfer.

2132. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Il faut de grands maîtres pour faire réussir de pareilles innovations. […] Le Brun resta maître du champ de bataille.

2133. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Ne lui est-il pas arrivé souvent de laisser la précision ou la clarté de l’idée en gage dans ce jeu périlleux, et de faire de sa pensée l’otage du vers, qui devrait être l’esclave et qui devient le maître ? […] Lucrèce, à qui il faut bien toujours revenir (car c’est le maître dans ce grand art de la poésie scientifique), a lui aussi des morceaux d’une abstraction redoutable, comme quand il définit l’espace et le mouvement, quand il décrit la formation du monde par les atomes, ou qu’il analyse les simulacres qui expliquent la perception ; mais avec quel art il appelle à son aide d’éclatants épisodes, de grands tableaux, de longs récits comme tout le cinquième livre, où il raconte à sa manière la formation de la terre, l’éclosion de la vie, l’histoire des sociétés humaines !

2134. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Je conseille aux maîtres du métier de se méfier de ce néo-débutant qui leur damera le pion et le croupion (à quelques-uns !) […] Ecrit allègrement, avec parfois une touche solide d’homme maître également de ses nerfs et de sa plume, ce livre pourrait permettre à un psychiatre, par comparaison à Kœnismark et à l’Atlantide, de dresser l’Horoscope mental de Pierre Benoît, car il n’est aucun doute que l’auteur soit hanté par les fatalités sexuelles, des amours cléopatriques, des complications de messes noires, et la plus bourgeoise des ambitions d’aventures.

2135. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Ils ont eu je ne sais quelles vagues lueurs sur la méthode de conversion des Jésuites, mais sans se douter seulement de la profondeur et de la beauté morale du procédé de ces Maîtres des Ames, en confession. […] Au moins, lui, s’est-il adressé aux maîtres de leur art, qui savaient leur art ; mais le procédé n’en est pas moins inférieur, et c’est le leur à tous.

2136. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Il s’est trouvé que des Français étaient maîtres du premier étage, tandis que le second et le rez-de-chaussée étaient occupés par les Espagnols ; que l’on se fusillait par les planchers du haut en bas et du bas en haut.

2137. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Maître de toutes les pensées présentes à son esprit, il fixait dans sa mémoire jusqu’aux expressions dont il voulait se servir, puis, se recueillant l’après-dînée, il repassait son discours dans sa tête, le lisant des yeux de l’esprit, comme s’il eût été sur le papier ; y changeant, ajoutant et retranchant comme l’on fait la plume à la main.

2138. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Mais la mort de ses parents le laissant maître de suivre ses goûts, « et persuadé, nous dit Fontenelle, qu’il n’y avait pas de meilleur séjour que Paris pour des philosophes raisonnables », il y vint habiter et se logea au faubourg Saint-Jacques, dans ce qu’il appelait sa cabane, avec son ami Varignon, à qui il constitua une rente de 300 livres par contrat, pour qu’il fût bien établi que des deux amis l’un ne dépendait pas de l’autre.

2139. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Il les a pris dans tous les états et toutes les professions, depuis le pasteur du versant de l’Oural et le paysan agriculteur de la Russie méridionale jusqu’au moissonneur émigrant du Soissonnais, au maître blanchisseur de la banlieue et au chiffonnier de Paris.

2140. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

… Cette fin de l’ode sort du lieu commun, et le poëte pénitent, tout en se ressouvenant des grandes douleurs et infortunes bibliques, trouve en lui-même son inspiration la plus émue, des jets de véritable éloquence : Pour moi, soit que son bras m’élève ou m’humilie, Je ferai de mon âme une lyre au Seigneur… Il dénombre ses douleurs comme Job, mais il n’en fait pas de reproche à Dieu ; il est prêt à recommencer même, s’il le faut, et à repasser par le cercle rigoureux des épreuves, si c’est la volonté du Maître : Tu m’as jeté sept ans sur la rive étrangère, Et j’ai mangé sept ans le pain des pèlerins.

2141. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Sans plus chercher au bout la pelouse rêvée, Acceptons ce chemin qui se brise au milieu ; Sans murmurer, aidons à l’humaine corvée, Car le maître, c’est Dieu !

2142. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

On devine pourtant et l’on rêve à plaisir ce petit monde heureux, d’après quelques épîtres réciproques et quelques vers épars : Abel, mon jeune Abel, et Trudaine et son frère, Ces vieilles amitiés de l’enfance première, Quand tous quatre muets, sous un maître inhumain, Jadis au châtiment nous présentions la main ; Et mon frère, et Le Brun, les Muses elles-mêmes ; De Pange fugitif de ces neuf Sœurs qu’il aime : Voilà le cercle entier qui, le soir quelquefois, A des vers, non sans peine obtenus de ma voix, Prête une oreille amie et cependant sévère.

2143. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Les maîtres, là-dessus, restent pourtant Baudelaire et Th.

2144. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Enfin il est maître absolu et le déclare19. — Ainsi des biens, des exemptions d’impôt, des agréments d’amour-propre, quelques restes de juridiction ou d’autorité locale, voilà ce qui reste à ses anciens rivaux ; en échange, ils ont ses préférences et ses grâces. — Telle est en abrégé l’histoire des privilégiés, clergé, noblesse et roi ; il faut se la rappeler pour comprendre leur situation au moment de leur chute ; ayant fait la France, ils en jouissent.

2145. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

» Il continue sa harangue, répétant encore diverses fois que Brutus est un homme honorable ; mais à mesure qu’il se sent plus maître de la populace qui l’entend, à mesure qu’il peut louer César sans ameuter contre lui toutes les fureurs, il espace le retour de l’éloge donné à Brutus, jusqu’à ce qu’enfin cet éloge ne serve plus qu’à provoquer contre lui les mêmes injures dont le nom de César était couvert tout à l’heure.

2146. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Seul celui-là jouit de tout, qui est curieux de tout ; et celui qui est curieux de tout est par là même un esprit tempéré et maître de soi.

2147. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

C’est un maître écrivain, éloquent, abondant, magnifique, précieux, à panaches, à fusées, extraordinairement dénué de simplicité… Avec cela, il m’est plus étranger qu’Homère ou Valmiki.

2148. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

… Il croira monter en grade si vous l’élevez à la dignité de Valet de chambre titré, à la position féodale de Chambellan, grand Domestique, grand Maître de votre maison… fier et honoré, madame, si Votre Majesté accepte ses très humbles services. » Et plus tard, quand la femme veut se faire le secrétaire de son mari : « … Il y a, à son bureau, quelqu’un qui s’est levé à quatre heures et qui a écrit les lettres pressées… Il s’éveille, ne la voit pas, s’inquiète, l’appelle.

2149. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Aucun de ces disciples n’a laissé un nom ni gardé une physionomie distincte à côté du maître.

2150. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Je goûterai tes images tour à tour sublimes & gracieuses, & cette chaîne d’or qui tient l’Univers suspendu devant le maître des Dieux, & la ceinture de la mere des graces, & le sang immortel de Venus qui coule sous la lance du fougueux Diomede, & Junon qui sur le mont Ida enveloppé d’un nuage impénétrable aux rayons du Soleil, désarme dans ses bras le Dieu qui lance la foudre ; tout sera pour moi un tableau de la Nature, tout m’offrira sous d’aimables fictions l’emblême de la vérité.

2151. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Il faut, pour que les fêtes renaissent, attendre que Henri IV ait terminé les guerres civiles, qu’il soit affermi sur son trône, et maître de sa capitale.

2152. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Le goût, bien ou mal satisfait, de lire, conduit presque déjà à un principe de critique il est un critérium excellent dont ne songent point à se départir d’honnêtes judiciaires envisageant la lecture comme une distraction (et c’est dénommer avec maestria ce que d’éminents philosophes peinent à dire un jeu absorbant et désintéressant), les clientes de la « Lecture Universelle », un sou par jour et par volume, estiment les romans que la buraliste leur « conseille » en proportion inverse du temps qu’elles ont dépensé à les lire ; et leur exaltation pour tel Prévost ou Duruy se confond, à la réflexion, avec une reconnaissance pécuniaire pour ces maîtres qui se laissent dévorer si vite.

2153. (1842) Essai sur Adolphe

À peine maître de la place qu’il a si vivement assiégée, il ne saura que faire de sa victoire ; après avoir constaté par la possession un amour si ardemment désiré, il tremblera devant la durée de son engagement.

2154. (1890) L’avenir de la science « XXI »

La première École normale était certes moins réglée que la nôtre et n’avait pas de maîtres comparables à ceux d’aujourd’hui.

2155. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

L’autorité du jeune maître allait ainsi tous les jours grandissant, et, naturellement, plus on croyait en lui, plus il croyait en lui-même.

2156. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Voulant être distinguée du roi, lui être agréable, parce qu’elle l’aimait, mais voulant son estime et conserver le respect d’elle-même, pouvait-elle employer des moyens à l’usage des femmes ordinaires, mettre en pratique cet art de plaire, cet art de la cour, qui comprend l’art de nuire à tout ce qui n’est pas soi ; à intriguer contre une favorite a qui et le doit sa place ; à lui tendre des pièges, à lui opposer d’autres femmes dont elle pourra avoir bon marché, à rechercher les occasions de s’introduire près du maître, de surprendre ses regards, de les attirer par des soins et des parures qui déguisent son âge ; à se faire vanter, célébrer par des prôneurs ; à se distinguer tantôt par la finesse de la louange, tantôt par son enthousiasme, toujours par l’à-propos ; à rappeler d’une dis tract ion, à faire revenir d’un caprice par des bouderies, par des querelles, par des minauderies ; en un mot, à pratiquer le manège d’une coquetterie subalterne ?

2157. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Le poète des Harmonies et de Jocelyn procède manifestement de lui ; il ne perd aussi aucune occasion de l’avouer pour maître et de le célébrer.

2158. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

supposez un moment qu’après tout à l’heure deux siècles, d’Hacqueville soit revenu au monde, qu’il se mette à se ressouvenir de ce temps-là, à nous entretenir de Mme de Sévigné et de ses amis, à vouloir tout nous dire et ne rien oublier ; imaginez le récit intime, abondant, interminable, que cela ferait, un récit doublé et redoublé de circuits sans nombre et de toutes sortes de parenthèses ; ou, mieux encore, imaginez une promenade que nous ferions à Saint-Germain ou à Versailles en pleine cour de Louis XIV, avec d’Hacqueville pour maître des cérémonies et pour guide : il donne le bras à Mme de Sévigné, mais il s’arrête à chaque pas, avec chaque personne qu’il rencontre, car il connaît tous les masques, il les accoste un à un, il les questionne pour mieux nous informer ; il revient à Mme de Sévigné toujours, et elle lui dirait : « Mais, les d’Hacqueville, à ce train-là, nous n’en sortirons jamais. » C’est tout à fait l’idée qu’on peut prendre du livre de M. 

2159. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Car il est beau, sur cette terre sombre, pendant cette vie obscure, court passage à autre chose, il est beau que la force ait un maître, le droit, que le progrès ait un chef, le courage, que l’intelligence ait un souverain, l’honneur, que la conscience ait un despote, le devoir, que la civilisation ait une reine, la liberté, et que l’ignorance ait une servante, la lumière.

2160. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Bossuet, après s’être longtemps regardé comme le maître & l’ami du second des hommes pour l’éloquence, & du premier pour les qualités du cœur , en étoit devenu le rival.

2161. (1761) Apologie de l’étude

Je ne parle pas des anciens leurs maîtres, qu’il ne faut pourtant pas toujours louer, quoiqu’ils soient morts ; ni des vivants leurs disciples, qu’il faut savoir louer quelquefois, quoiqu’ils soient vivants.

2162. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Là, au surplus, s’arrête la similitude ; on ne la ressaisit plus à travers le livre de Furetière que dans certaines boutades à intention comique ou burlesque, comme par exemple la scène ou Nicodème, voulant se jeter aux genoux de sa maîtresse, met en pièces le ménage de Mme Vollichon ; ou celle encore des laquais vengeant leur maître, éclaboussé, par des coups de fouet et de pierres lancés au dos des maquignons.

2163. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Là, il se retrouve maître.

2164. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Or, l’une de ces convictions, et même la plus forte, doit être assurément de croire qu’il possède, lui, Maxime du Camp, l’expression plastique, et la couleur, et la technique de l’auteur d’Émaux et Camées, et qu’il joue avec la puissance de son maître avec tout ce style, difficile à manier, d’un Dictionnaire des Arts et Métiers qui fait le beau !

2165. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Aussi nous ne craignons pas d’y pénétrer comme dans un champ sans maître, qui appartient au premier occupant (res nullius, quæ occupanti conceduntur).

2166. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

La sagesse dont il était le disciple, les croyances qu’il avait recueillies sur l’essence divine de l’âme et la vérité absolue, fortifiées de sa puissante parole, trouvaient près de lui d’autres maîtres pour les enseigner, d’autres poëtes pour les chanter.

2167. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Nul code de société ; sauf un jargon exagéré de courtoisie chevaleresque, ils restent maîtres de parler et d’agir selon l’impulsion du moment ; vous les trouverez affranchis des bienséances comme du reste. […] Parfait, il a l’air de quêter un morceau de lard. —  Ô le brave, l’habile maître que j’ai là !  […] Les rôles subordonnés sont effacés ; en tout quatre ou cinq personnages principaux, on n’en amène que le moins possible ; les autres, réduits à l’état de confidents, prennent le ton de leurs maîtres et ne font que leur donner la réplique. […] Philaster dit en parlant d’Euphrasie qu’il prend pour un page, et qui s’est déguisée ainsi pour obtenir d’être à son service102 : « Je l’ai rencontré pour la première fois assis au bord d’une fontaine, —  il y puisait un peu d’eau pour étancher sa soif, —  et la lui rendait en larmes. —  Une guirlande était auprès de lui faite par ses mains, —  de maintes fleurs diverses, nourries sur la rive, —  arrangées en ordre mystique, tellement que la rareté m’en charma. —  Mais quand il tournait ses yeux tendres vers elles, il pleurait — comme s’il eût voulu les faire revivre. —  Voyant sur son visage cette charmante innocence, —  je demandai au cher pauvret toute son histoire. —  Il me dit que ses parents, de bons parents étaient morts, —  le laissant à la merci des champs, —  qui lui donnaient des racines, des fontaines cristallines qui ne lui refusaient pas leurs eaux, —  et du doux soleil qui lui accordait encore sa lumière. —  Puis il prit la guirlande et me montra ce que chaque fleur, dans l’usage des gens de campagne, signifie, —  et comment toutes, rangées de la sorte, exprimaient sa peine. —  Je le pris, et j’ai gagné ainsi le plus fidèle, —  le plus aimant, le plus gentil enfant qu’un maître ait jamais eu. » L’idylle naît d’elle-même parmi ces fleurs humaines ; le drame suspend son cours pour s’attarder devant la suavité angélique de leurs tendresses et de leurs pudeurs.

2168. (1927) Approximations. Deuxième série

Dans les grandes scènes stendhaliennes, à certains moments où les personnages sont pour ainsi dire prostrés sous l’afflux de leur émotion, il y a des répliques, ou des notations succédant à une réplique, qui se composent sourdement en nous comme des tableaux de maîtres. […] Ce premier livre ne possédait aucun des caractères d’un premier livre : il n’hésitait pas ; par ailleurs trop accompli pour qu’on y pût chercher des promesses, le coup d’essai était vraiment un coup de maître. […] Je ne puis aborder ici ce fragment en tierce rime, conçu sur le modèle du Triomphe de l’Amour de Pétrarque, mais dans lequel, comme dans la seconde version de l’Hyperion de Keats (quoique d’une façon toute différente), se laisse par moments surprendre l’écho du maître souverain dans l’art du vers, de Dante. […] Une syntaxe sur laquelle tout a été dit, la plus experte et la plus libre, qui joue pour elle-même, comme les draperies dans certains dessins de maîtres semblent soulevées par une brise matinale ; des suspensions, des reprises, des changements de ton ; un usage infiniment subtil de tous les signes de ponctuation, et par-delà les signes mêmes il n’est rien dans la phrase qui ne soit intérieurement ponctué. […] Les données même dont ce narrateur est en possession au départ, — Jaloux a su, à l’instar du maître dont il s’inspire, les laisser filtrer, suinter, une à une, comme ces souvenirs se rattachant tous à une même personne ou à un même événement, mais qui ne remontent que séparément, et parfois à intervalles très espacés, dans le champ de la conscience.

2169. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

non ; mais Louis XIV les aimait, et Colbert et Louvois se firent les protecteurs de l’art, car protéger l’art à cette époque c’était flatter le maître. […] Buloz se trouvait donc dans l’heureuse position d’un homme qui, chargé de chasser la littérature moderne du Théâtre-Français, a reçu, comme nous l’avons dit, des mains de son prédécesseur, le moyen de neutraliser l’influence de la tragédie contemporaine et du drame actuel, en faisant revivre, grâce à un talent inattendu et inespéré, la littérature des maîtres morts. […] Disons, à cette heure, ce qu’un autre eût pu faire à sa place, maître comme l’est M. le commissaire du roi de donner une direction au premier théâtre du monde.

2170. (1903) Le problème de l’avenir latin

L’attitude du Gaulois provincialisé n’a été en rien celle de l’opprimé acceptant son sort en silence, mais bien le don entier et joyeux de soi-même au maître providentiel, au sauveur. […] Et il y parvient rapidement, tant est grande son application à se modeler sur ses maîtres, tant est complet son oubli de lui-même, de sa propre personnalité. […] Le rhéteur fut le vrai maître de cette société ingénument décadente. […] Ce coin de terre n’était plus maître de ses destinées. […] Mais c’est tout à l’heure, oui, tout à l’heure, que le secret de créer va être trouvé enfin et qu’on sera maître absolu de la vie.

2171. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Un ou deux ans après, à l’occasion d’une quête que Saint-Simon ne voulut point laisser faire à la duchesse sa femme, ni aux autres duchesses, comme étant préjudiciable au rang des ducs vis-à-vis des princes, le roi se fâcha, et un orage gronda sur l’opiniâtre et le récalcitrant : « C’est une chose étrange, dit à ce propos Louis XIV, que depuis qu’il a quitté le service, M. de Saint-Simon ne songe qu’à étudier les rangs et à faire des procès à tout le monde. » Saint-Simon averti se décida à demander au roi une audience particulière dans son cabinet ; il l’obtint, il s’expliqua, il crut avoir au moins en partie ramené le roi sur son compte, et les minutieux détails qu’il nous donne sur cette scène, et qui en font toucher au doigt chaque circonstance, montrent assez que pour lui l’inconvénient d’avoir été dans le cas de demander l’audience est bien compensé par le curieux plaisir d’y avoir observé de plus près le maître, et par cet autre plaisir inséparable du premier, de tout peindre et raconter. […] D’autres relèveront dans cette première édition des noms historiques estropiés, des généalogies mal comprises et rendues inintelligibles, des pages du manuscrit sautées, des transpositions et des déplacements qui ôtent tout leur sens à d’autres passages où Saint-Simon s’en réfère à ce qu’il a déjà dit ; pour moi, je suis surtout choqué et inquiet des libertés qu’on a prises avec la langue et le style d’un maître.

2172. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

« Montesquieu, touché du récit de ce jeune homme et de l’état de cette famille intéressante, s’informe du nom du père, du nom du maître auquel il appartient ; il se fait conduire à terre, donne au batelier sa bourse qui contenait seize louis d’or et quelques écus, et s’échappe… Six semaines après, le père revient dans sa maison. […] « Il résista à ceux qui voulaient qu’il traitât les Grecs comme maîtres et les Perses comme esclaves.

2173. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

À la suite de ces deux grands maîtres, une foule de disciples et d’imitateurs se lancèrent dans la voie qu’ils ouvraient. […] se plaira-t-il à toute cette grandeur contre laquelle ses pères, vassaux révoltés, luttèrent pendant tant de siècles, et qu’ils ont fini par traîner dans la poussière et dans le sang, contre laquelle ses maîtres les philosophes ont prononcé un anathème et un arrêt de mort ?

2174. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Les amis de Ronsard, tour à tour la Brigade pendant qu’ils faisaient la guerre à l’école de Marot, et la Pléiade quand ils forent les maîtres, ne se réunissaient pas pour se mettre d’accord sur des doctrines. […] N’ai-je pas été d’accord avec ce doux maître, qu’il est injuste de vouloir être aimé ?

2175. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Nous n’aurons pas la finesse de ces maîtres atticistes, leur ravissante causerie, leurs spirituels demi-mots. […] Michelet, écoutons ce jeune maître des vieux temps ; il n’a nullement besoin pour nous instruire de pénétrer ce qu’il dit ; mais c’est comme un témoin vivant : il y était, il en sait mieux le conte » (Le Peuple, p. 212).

2176. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Le chien prend une forme onduleuse, se couche, s’aplatit ; le chat tend son corps, grossit son dos, se frotte contre son maître. […] Si le chien se couche devant son maître, c’est par soumission et abandon.

2177. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

La Décade philosophique (10 pluviôse an VII), après avoir constaté l’engouement pour les romans anglais, ajoutait, « nous pouvons affirmer que nous possédons en original et de notre propre cru des horreurs dont les plus difficiles peuvent se contenter, que nous ne manquons pas de personnages atroces, atrocement crayonnés, que nous avons des esprits corps, c’est-à-dire des fantômes qui n’en sont pas, heureuse invention par laquelle s’est éminemment distinguée mistress Radcliffe, que nous sommes riches en descriptions du soleil et de la lune, en sites romantiques, en événements romanesques, enfin que nous ne sommes pas moins experts que nos maîtres dans la science des longueurs et l’art de multiplier les volumes… On a réussi à naturaliser le spleen, on a essayé d’imiter l’humour ; mais il faut qu’il soit plus facile de faire du Radcliffe que du Sterne, je ne saurais du moins proclamer nos succès en ce genre, je dois me borner à dire que jusqu’ici on l’a seulement innocemment tenté ». […] Tant que la Bourgeoisie eut à redouter un retour agressif de l’aristocratie, les romantiques, emboîtant le pas aux historiens libéraux, ont fouillé le Moyen-Âge pour rapporter de sombres repoussoirs aux délices du temps présent ; mais dès que le Prolétariat, constitué en classe, devint l’ennemi, ils délaissèrent les romans historiques et les horreurs de l’époque féodale pour s’occuper des événements du jour : Zola, le lendemain des épouvantables massacres de la Semaine sanglante, afin d’épargner à la conscience bourgeoise le moindre remords, dépeignit, dans l’Assommoir, la classe ouvrière sous les traits les plus repoussants tandis que les George Ohnet décrivaient avec une servile complaisance l’âme généreuse et noble des maîtres de forges. — Les rapins de 1830 poursuivaient le bourgeois de leurs impitoyables railleries ; mais ayant compris, avec l’âge, que l’argent est un porte-respect, ils se sont domestiqués et ne travaillent que pour mériter l’approbation du bourgeois, qui achète leurs tableaux20.

2178. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Il n’est pas rare qu’un personnage comique blâme une certaine conduite en termes généraux et en donne aussitôt l’exemple : témoin le maître de philosophie de M.  […] Chacun des maîtres de M. 

2179. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Mais est-on le maître de fixer sur un seul point l’activité d’un esprit qui s’applique à tout ?

2180. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Depuis lors, la critique littéraire qui, aux mains des maîtres, ne s’est guère appliquée qu’à des époques plus éloignées, n’a pas daigné regarder ou du moins signaler ce qu’elle n’ignorait pas, ce que pourtant, je crois, elle ne prisait point assez et à sa valeur.

2181. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il avoue ses opiniâtretés, ses colères, qui sentent le cheval de sang et de race : « Il ne me fallait guère piquer pour me faire partir de la main. » Quelquefois aussi, chez lui, c’était méthode et tactique ; on le verra user de sa réputation terrible pour obtenir de prompts et merveilleux résultats : ainsi, à Casal, ville presque ouverte, où il se jette (1552) pour la défendre, et où il lui fallut improviser des fortifications et de grands travaux de terrassement en peu de jours, il donnera ordre à tout son monde, tant capitaines, soldats, pionniers, qu’hommes et femmes de la ville, d’avoir dès le point du jour la main à l’ouvrage « sous peine de la vie » ; et, pour mieux les persuader, il fit dresser des potences (dont sans doute cette fois on n’eut pas à se servir) : « J’avais, dit-il, et ai toujours eu un peu mauvais bruit de faire jouer de la corde, tellement qu’il n’y avait homme petit ni grand, qui ne craignît mes complexions et mes humeurs de Gascogne. » Et en revanche, sans se fier plus qu’il ne faut à l’intimidation, il allait lui-même, sur tous les points, faisant sa ronde jour et nuit, reconnaissant les lieux, « encourageant cependant tout le monde au travail, caressant petits et grands. » Ces jours-là, où il était maître de lui-même, il savait donc gouverner les esprits autant par les bons procédés que par la crainte, et il s’entendait à caresser non moins qu’à menacer.

2182. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

On assure qu’en décembre 1702, en apprenant l’ordonnance de M. de Meaux contre son dernier livre (la traduction du Nouveau Testament, imprimée à Trévoux), Richard Simon disait : « Il faut le laisser mourir, il n’ira pas loin. » L’oratorien déjà philosophe semblait confesser par là qu’il ne reconnaissait et ne redoutait véritablement qu’un docteur, celui qui pouvait, le dernier, s’appeler un maître en Israël.

2183. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Il y a bien des couches dans la profondeur d’un vrai talent ; la première couche peut être riche : qui nous dit que la seconde ou la troisième ne le serait pas davantage, si le chercheur d’or, stimulé par un maître sévère, creusait sans cesse et allait plus à fond ?

2184. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

J’aurais voulu m’asseoir à côté d’Ellénore, mais le maître de la maison l’avait autrement décidé : je fus placé à peu près vis-à-vis d’elle.

2185. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Quel grand maître, en effet, dans l’art d’écrire !

2186. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Entré au Directoire où il avait tout d’abord assisté à l’expulsion des collègues qui le gênaient, il était devenu maître du terrain et comme l’arbitre des combinaisons qui s’essayaient journellement.

2187. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Un écrivain de beaucoup d’esprit, un jeune maître en ironie, a pris en main la défense de cette faculté déliée, de cette arme qui est la sienne, en rendant compte du livre de M. de Laprade3 ; il a très-bien montré qu’avoir au plus haut degré le sentiment du ridicule et de la sottise, ce n’était point nécessairement n’être sensible qu’au mal.

2188. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Est-ce à dire pourtant, comme je vois que l’a fait un de nos maîtres, que le style de Mme de Sévigné soit hasardé ?

2189. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Très maître et sûr de lui au centre, il devait être immanquablement débordé de toutes parts.

2190. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot a eu au moins l’honneur de comprendre et d’embrasser les vérités mathématiques les plus élevées qu’avaient découvertes ou perfectionnées les maîtres de sa jeunesse.

2191. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Giscon était près de réussir dans la composition qui se négociait, lorsque deux hommes dont l’histoire a conservé les noms se jetèrent à la traverse : un certain Campanien nommé Spendius, autrefois esclave chez les Romains, homme fort et hardi jusqu’à la témérité, et qui craignait, si les affaires s’arrangeaient, d’être rendu à son maître comme fugitif ; et un certain Mathos, Africain, qui, engagé dans la première sédition, avait tout intérêt à pousser les choses à l’extrémité.

2192. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

. — A propos du Droit romain, des lois romaines qui ont paru si sages et si saintes que leur majesté a survécu à la ruine même de l’Empire, Bossuet a ce beau mot, souvent cité : « C’est que le bon sens qui est le maître de la vie humaine « y règne partout. » La fin de cette troisième partie peut paraître brusquée.

2193. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Digne cousin de Louis XV, il se moquait de son conseiller, au moment où il le laissait maître absolu d’agir et de prendre le mauvais parti.

2194. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Ce maître accompli en l’art de séduire et de plaire aura certes bien su ce qu’il faisait en triomphant de sa paresse pour écrire.

2195. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Quant à moi, n’est-ce rien que d’avoir été sauvé des dernières extrémités et d’être parvenu jusqu’à ce jour sans flatteries, sans bassesses, sans dépendance, même en général, et sans dettes, ayant reçu des services, mais en ayant rendu, ayant des amis (et choisis) et n’ayant eu ni chefs ni maîtres ; n’ayant pu, il est vrai, remplir ma destination, mais enfin n’ayant rien fait qui en soit précisément indigne ; connu d’un très-petit nombre (ce qui est fort selon mes goûts), mais un peu aimé ou estimé, un peu triste sur la terre et humilié de mes faiblesses, mais sans remords et sans déshonneur, très-mécontent de moi et déplorant le cours rapide d’une vie si mal employée, mais n’ayant point à la maudire ?

2196. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Les disciples, les maîtres même qui ont voulu sortir et agrandir en partant du milieu existant, n’ont guère réussi : on peut dire que, pour cette école et son développement, la formule de la courbe est donnée.

2197. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Dès que les premières bases vous conviennent, vous adoptez, pour maintenir la secte, toutes les conséquences que le maître tire de ses principes.

2198. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Aussi trouvent-ils sans peine — à la suite, du reste, de leurs maîtres — ce qu’on appellera par la suite pétrarquisme ou préciosité.

2199. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Nous avons vu, en deux maîtres de la langue, en Rousseau et en Chateaubriand, ces deux grandes tendances se déterminer, et de l’un à l’autre, les facultés discursives, le raisonnement, les idées s’atténuer, l’émotion grandir et la puissance poétique.

2200. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Rochefort est pour moi un des maîtres incontestés du genre.

2201. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Jadis, il lisait son critique, et achetait de confiance les livres qu’il recommandait, en sorte qu’un homme lettré, maître d’un feuilleton périodique, pouvait faire du bien à des gens de talent et même leur ouvrir un avenir.

2202. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Si nous supposons deux peintres maîtres de leur art, usant de la même technique — car il ne s’agit pas ici de la « manière » — et placés devant le même site ou devant le même groupe de personnages, ils en restitueront également les proportions et dans leurs tableaux les rapports des tons lumineux, les « valeurs » seront identiques ; mais les deux œuvres différeront par les qualités du trait et par le coloris.

2203. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

D’autres disent tour à tour blanc et noir, s’amusent à se contredire et se gardent presque toujours de conclure : Renan fut un maître en ce genre.

2204. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

L’exposition est entièrement fondée sur les lois de l’association ; on en a donné comme exemples de très petits détails, et on les a suivis dans la variété de leurs applications. » Cette partie de l’ouvrage est traitée de main de maître, excellente dans la synthèse comme dans l’analyse, ramenant à quelques principes fondamentaux une multitude innombrable de faits, et soumettant les principes à la vérification des faits ; c’est une méthode vraiment expérimentale.

2205. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Ainsi, lorsqu’au sortir d’une scène d’orage, où il a secouru et longtemps veillé Julie évanouie, Raphaël nous décrit, au matin, l’abbaye de Hautecombe, avec son architecture vivante de ronces, de lierres flottants, de giroflées suspendues, de plantes grimpantes, avec son luxe de soleil, de parfums, de murmures, de saintes psalmodies des vents, des eaux, des oiseaux, des échos sonores…, quand il s’écrie : « La Nature est le grand prêtre, le grand décorateur, le grand poète sacré et le grand musicien de Dieu » ; il se sent obligé presque aussitôt de nous avertir qu’il n’a songé à tout cela que depuis : « Je n’étais pas, en ce moment, assez maître de mes pensées, dit-il, pour me rendre compte à moi-même de ces vagues réflexions. » Pourquoi donc alors venir nous en rendre compte avec ce double faste de métaphysique et de couleurs ?

2206. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Ce n’est pas un inquiet ni un douloureux qui cherche, c’est un maître qui indique et confirme la voie.

2207. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Telle est la scène où la Faustin, surexcitée par le rôle qu’elle essaie d’incarner, à la veille de son exalté amour pour lord Annandale, tombe presque entre les bras d’un maître d’armes en sueur ; telle encore cette conversation érotique que Chérie, à la campagne, par une après-midi torride, ses sens près de s’éveiller, surprend de sa fenêtre, entre deux filles de ferme.

2208. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Aimons ce siècle de tout notre patriotisme littéraire, car il nous a fait de nouveau les maîtres de la forme et de la pensée devant les peuples éblouis, car il a une fois de plus imposé notre génie à l’émulation de l’Europe, et, j’oserai le dire, en imprimant à ce génie un caractère plus sympathique et plus humain encore et par là peut-être plus durable.

2209. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Ce n’était pas ce que demandait le peuple français ; mais il ne sera pas maître de vouloir.

2210. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Alfred Hédouin, était de Sterne et portait, pour preuve, la marque de l’ongle du Maître, — de cette pure opale qu’il avait pour ongle, — et qu’il a mise sur trois chefs-d’œuvre, comme un inimitable cachet.

2211. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

En même temps il se reconnut maître d’une faculté dont le libre exercice lui avait été présenté comme criminel et sacrilège : la pensée.

2212. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Delacroix a choisi pour exposer la « théorie » de Stendhal une méthode analytique qui fausserait son sujet s’il s’agissait par exemple de Rousseau, mais qui ici, ayant pour effet de ramener l’exposé de Stendhal à celui de ses maîtres ou demi-maîtres, les idéologues, s’accepte parfaitement.

2213. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

On a vu des siècles où c’était le seul genre ; et ces siècles étaient ceux de l’oppression ou des succès, ceux de la tyrannie ou de la grandeur d’un maître.

2214. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Qu’il vente et qu’il neige, que l’ouragan se démène dans les noires forêts de sapins, ou sur la houle blafarde parmi les goëlands qui crient, que l’homme roidi et violacé par le froid trouve pour tout régal, en se claquemurant dans sa chaumière, un plat de choucroute aigre ou une pièce de bœuf salé, sous une lampe fumeuse et près d’un feu de tourbe, il n’importe ; un autre royaume s’ouvre pour le dédommager, celui du contentement intime : sa femme est fidèle et l’aime ; ses enfants, autour de son âtre, épellent la vieille Bible de famille ; il est maître chez lui, protecteur, bienfaiteur, honoré par autrui, honoré par lui-même ; et si, par hasard, il a besoin d’aide, il sait qu’au premier appel il verra ses voisins se ranger fidèlement et bravement à ses côtés. […] Ce n’est pas ici, comme chez les maîtres italiens, un spectacle à récréer les yeux, un simple ondoiement d’étoffes, une ordonnance des groupes. […] Si vous entrez dans cette tente, tout disparaît devant l’idée absorbante du maître ; vous ne voyez que lui ; nulle chose n’a d’être propre et indépendant ; ces armes ne sont faites que pour sa main, ces tapis ne sont faits que pour son pied ; vous ne les imaginez que pliés pour lui et foulés par lui. […] Dès ce moment, il y a en lui comme un second être, souverain du premier, grandiose et terrible, dont les apparitions sont soudaines, dont les démarches sont inconnues, qui double ou brise ses facultés, qui le prosterne ou l’exalte, qui l’inonde de sueurs d’angoisse, qui le ravit de transports de joie, et qui par sa force, sa bizarrerie, son indépendance, lui atteste la présence et l’action d’un maître étranger et supérieur. […] Le style est décousu, obscur, passionné, extraordinaire, comme d’un homme qui n’est pas maître de son cerveau, et qui, malgré cela, voit juste par une sorte d’intuition.

2215. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Du revirement qui fait de l’État un maître matériel au lieu du maître moral qu’il était, ce sont donc les conséquences fâcheuses qui sont à prévoir et les conséquences salutaires qui ne sont qu’à espérer. […] « Les industriels agricoles sont la classe de la nation la plus intéressée au maintien de l’ordre. » Par conséquent il faudrait qu’ils fussent maîtres des élections. […] Ce que le peuple — et on ne peut guère s’en étonner — désire le moins, ce sont des guides moraux, des maîtres spirituels, des directeurs de conscience. […] On peut dire que Vico est son maître par excellence. […] Il a, au moins autant qu’une autre religion, conçu l’humanité comme une multitude de clients autour de patrons et de disciples dociles autour de maîtres inspirés.

2216. (1902) Propos littéraires. Première série

Bergeret, maître de conférences à la Faculté des Lettres. […] Cherbuliez a tout à fait cet art-là et l’on peut même dire qu’il y est passé grand maître. […] Vous voulez me faire dire que je suis le maître, et disputer ensuite sur cette affirmation dogmatique. […] Zola n’a point fait d’exception pour leur maître et père. […] C’est à quoi s’essayent quelques novateurs, « d’un génie très inférieur à celui de Racine et de Shakespeare, mais qui ont entrevu une vie secrètement lumineuse dont celle de ces maîtres n’était que le revers ».

2217. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

On tuera les deux chambellans pour faire croire que ce sont eux qui ont assassiné leur maître. […] Il l’aime pour l’orgueil d’être quelque jour son maître et de le faire savoir, et de la promener, somptueuse et rayonnante, au milieu des foules extasiées. […] Si j’étais votre femme ou votre fiancée, Maître, — pour supposer une chose insensée, — Ah ! […] Bref, un bon moliériste est un homme qui passe sa vie à rechercher des documents sur celle du maître et de ses disciples. […] métier maudit… où aucune sensation ne nous appartient, où nous ne sommes maîtres ni de notre joie, ni de notre douleur… où, le cœur brisé, il faut jouer Falstaff ; où, le cœur joyeux, il faut jouer Hamlet !

2218. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Cette répugnance est absurde, mais ils n’en sont pas les maîtres ; mais ils la sentent, mais elle est évidente pour eux, aussi évidente que les larmes que nous font verser Roméo et Juliette le sont pour nous. […] Figurez-vous un beau matin que tous les censeurs sont morts, et qu’il n’y a plus de censure, mais en revanche quatre ou cinq théâtres à Paris, maîtres de jouer tout ce qui leur vient à la tête, sauf à répondre des choses condamnables, des indécences, etc., etc., devant un jury choisi par le hasard 21. […] Il y a un beau contraste entre le jeune Dumoulin qui, à Grenoble, au premier acte, se dévoue à Napoléon, et le général impassible qui, à Sainte-Hélène, dans l’espoir d’un cordon de seconde classe, entreprend de le faire mourir à petit feu, et sans qu’on puisse accuser son maître d’empoisonnement.

2219. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

» Et après des embrassades des uns et des autres, on s’achemine chez Daudet, où l’on me donne la place du maître de la maison. […] Jeudi 24 septembre Une galerie de rez-de-chaussée, aux murs blancs, lignes de filets bleus, et sur le grand panneau de laquelle est peinte par le maître de la maison, une vague Assomption dans des couleurs de Lesueur. […] Dimanche 6 décembre Est-ce que chez nous autres, les humains, le chagrin de la perte de ceux que nous aimons, en dépit de tous nos simulacres de désespoir, et de toutes nos belles phrases, n’aurait rien du sérieux du chagrin des animaux, attachés à leur maître.

2220. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

qu’est-ce donc, se demande Hugo, que ce « grand inconnu » qui fait croître un germe malgré le roc, qui tenant, maniant, mêlant les vents et les ondes, Pour faire ce qui vit prenant ce qui n’est Maître des infinis, a tous les superflus, Et, qui, — puisqu’il permet la faute, la misère, Le mal, — semble parfois manquer du nécessaire 128 ? […]     Le cheval doit être manichéen : Arima ne lui fait du mal, Ormus du bien ; Tout le jour, sous le fouet il est comme une cible ; Il sent derrière lui l’affreux maître invisible, Le démon inconnu qui l’accable de coups ; Le soir, il voit un être empressé, bon et doux, Qui lui donne à manger et qui lui donne à boire, Met de la paille fraîche en sa litière noire, Et tâche d’effacer le mal par le calmant, Et le rude travail par le repos clément ; Quelqu’un le persécute, hélas ! […] lumière… Ces pieds nus, ces bras nus, ces haillons, ces ignorances, ces abjections, ces ténèbres peuvent être employés à la conquête de l’idéal… Ce vil sable que vous foulez aux pieds, qu’on le jette dans la fournaise, qu’il y fonde et qu’il y bouillonne, il deviendra cristal splendide ; et c’est grâce à lui que Galilée et Newton découvriront les astres. » Hugo conclut que « les deux premiers fonctionnaires de l’Etat, c’est la nourrice et le maître d’école221. » Il se persuade que « l’éducation sociale bien faite peut toujours tirer d’une âme, quelle qu’elle soit, l’utilité contient qu’elle222 ».

2221. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

. — Le roman, si puissamment lancé par de tels maîtres, va continuer dans la période suivante, avec une orientation nouvelle. […] La sympathie que j’ai pour ses idées (et qui n’a rien à voir ici) me trompe peut-être ; à si brève distance il est difficile de discerner… Je vois bien, sous la verve spirituelle, les trucs et les ficelles, et pourtant il me semble un maître trop dédaigné aujourd’hui. […] Les Corbeaux sont de 1882 ; La Parisienne, de 1885 ; celui-là avait de quoi devenir le maître du théâtre contemporain.

2222. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

. — Je ferai de mon mieux : Dieu est le maître ; je ne néglige rien pour mettre les bonnes chances de mon côté ; mais je sens bien que je navigue dans une mer semée d’écueils, et que chaque jour j’en vois sortir de nouveaux du fond des eaux… — À la volonté de Dieu ! […] À sept heures, l’incendie se déclarait ; nous n’avons été maîtres du feu et hors de danger qu’à trois heures du matin.

2223. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Ménage et que le Père Rapin, ses maîtres. […] Je sais que ce ne sont point alors des pensées suivies, et que souvent vous n’êtes appliquée qu’à n’en point avoir : mais il est difficile de ne pas dépendre de son naturel, quand on veut bien qu’il soit le maître ; et l’on se retrouve sans peine, quand on en a beaucoup à se quitter.

2224. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Ses personnages seront nécessairement puérils et laids, car on ne saurait satiriser ce qui est grand, et le beau ne fait guère rire ; aussi quand Daumier pénètre dans les bains publics pour dames, au lieu des gracieuses nageuses qu’il aurait pu y trouver, il y met contre toute vérité d’affreuses portières et de ballonnantes maritornes ; quant à l’apogée de son talent, dans ses merveilleux Croquis dramatiques dont le dessin vaut celui des maîtres, il aborde l’actrice, c’est encore pour la vieillir, l’enlaidir et la ridiculiser. […] Pickwick se résigne à se laisser enfermer dans la prison pour dettes afin de ne pas payer une indemnité à laquelle il se sent injustement condamné, et quand, avec un attachement bouffon, Samuel Weller se fait incarcérer avec son maître à la requête de son vieux coquin de père.

2225. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Dans les formes conventionnelles qu’ils empruntent à ces premiers maîtres, et dont ils subissent docilement les exigences, quand encore ils ne les modifient pas pour en rendre la contrainte plus étroite et plus monotone, nos trouvères, — un Quesne de Béthune, le sire de Couci, Thibaut de Champagne, Huon d’Oisi, Charles d’Anjou, — tous de race noble, essaient de faire entrer l’expression de leurs sentiments personnels. […] En effet, ce n’est pas l’heure de rêver la conquête mystique du Graal, lorsque l’Anglais est maître des trois quarts de la France, et on n’a pas le cœur à « gaber » parmi le tumulte des armes.

2226. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

C’est la chose la plus merveilleuse que vous ayez jamais vue. » Tout accoutumé qu’il fût aux excentricités de son ami Legrand, Poe fut frappé de l’exaltation de sa parole quand il parla de ce scarabée, que Jupiter, aussi exalté que son maître, disait, dans son langage de nègre : « être d’or, d’or massif, dedans et tout, excepté les ailes », et qui pesait autant que s’il avait été de métal. […] « Fais passer le scarabée par la cavité de l’œil gauche et laisse-le descendre de toute la longueur de la ficelle, mais sans le lâcher… » Et le nègre, conformément aux ordres de son maître, dit Edgar Poe, laissa descendre le scarabée, « qui étincelait, comme un point d’or bruni, aux derniers rayons du soleil couchant, dont quelques-uns éclairaient encore faiblement la hauteur sur laquelle nous étions ».

2227. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

La revanche des Vénitiens avait été complète, et l’ancien serviteur de Louis XI avait trouvé cette fois des maîtres jouteurs plus habiles que lui.

2228. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Toujours maître de l’oreille et du cœur de ceux qui l’écoutent, il ne leur permet pas d’envier ni tant d’élévation, ni tant de facilité, de délicatesse, de politesse ; on est assez heureux de l’entendre, de sentir ce qu’il dit, et comme il le dit… C’était avec son esprit, avec son âme, avec son goût, que Fénelon fut orateur comme il fut tout ce qu’il voulut être, et on ne désirait rien déplus en l’écoutant.

2229. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

On en a, dans la campagne de Portugal, autour de Masséna, tout un groupe dont les principaux, n’étant plus contenus par un maître, se donnent carrière et se permettent la contradiction.

2230. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

On était loin sans doute alors de ce grand moment de renaissance pittoresque et historique où Chateaubriand devait écrire ses admirables pages sur Rome et la campagne romaine : mais Poussin n’était-il pas là, qui à cette heure y traçait tant de graves et doux tableaux, ce même Poussin, parent en génie de Corneille, et qui, ayant reçu Le Typhon ou la gigantomachie, poème burlesque de Sçarron, écrivait : « J’ai reçu du maître de la poste de France un livre ridicule des facéties de M. 

2231. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Michelet, sa vie de travail, son effort constant, ses fouilles érudites et ses ingénieuses mises en scène, cette faculté de couleur voulue et acquise où il a l’air de se jouer désormais en maître, mais quand je considère de quelle manière il a jugé et dépeint des événements et des personnages historiques à notre portée, et dont nous possédons tous autant que lui les éléments ; quand je le vois toujours ambitieux de pousser à l’effet, à l’étonnement, j’avoue que je serais bien étonné moi-même qu’il eût deviné et jugé les choses et les hommes de l’histoire romaine plus sûrement que Tite-Live.

2232. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Ce serait, jusque dans l’œuvre et la maison de Buffon, faire infraction et injure à ce fameux axiome ; « Le style, c’est l’homme même. » Car ces oiseaux sont d’une autre plume que la sienne : Le Paon est de Gueneau, Le Rossignol aussi ; Le Cygne, ce Cygne tant vanté, pourrait bien être du pur Bexon ; ce petit abbé l’a beaucoup peigné, en effet, avant qu’il passât sous la main du maître qui lui donna seulement son dernier lustre.

2233. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Quand il écrit à son maître ou à quelque ministre, il ne peut se contenir davantage, il dit tout, il dit trop, c’est sa manière de s’exprimer et de marquer sa pensée.

2234. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Nous semblons mal venus de nous ingérer, fût-ce à la dernière heure, de juger des hommes qui ont été nos guides et nos maîtres, ou qui n’ont cessé de l’être que parce qu’à un certain jour nous nous sommes émancipés et séparés.

2235. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

pourquoi, en présence des collègues ou des rivaux politiques tout occupés de l’intérêt ou du péril du moment, ne s’être pas dit : Je pense, moi, à l’avenir, au lendemain ; je le conjure, je le prépare ; je viens de temps en temps à la tribune donner mon coup de main à la politique générale, mais mon principal souci est ailleurs, et je serai content de ma part d’action si je puis être le grand maître perpétuel, non seulement de l’Université, mais des jeunes générations survenantes ?

2236. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Je ne parle pas de ce talent de professeur qu’il ne tenait qu’à lui de pousser et de développer ; car, pour peu qu’il l’eût voulu, il serait aujourd’hui l’un des maîtres et l’une des voix écoutées en Sorbonne.

2237. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Elle apportait tant de zèle à cette étude du russe qu’elle se levait la nuit sur son séant, et, tandis que tout le monde dormait, elle apprenait par cœur les cahiers que son maître lui laissait.

2238. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Il est vrai qu’une fois maître et arbitre de la situation en Allemagne, le vainqueur d’Austerlitz ne dut pas être fâché d’une infraction qui lui permettait de faire vaquer un trône en Italie.

2239. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

La Harpe a eu bien des querelles fâcheuses, il a eu des ridicules : il n’a pas fait de choses basses ; il est honnête, il est respectable, et le petit homme, quand il a parlé de ce qu’il savait, a été un maître. — Notre lignée, à nous critiques français, c’est Bayle, Despréaux ; au besoin j’y mettrais cent fois La Harpe plutôt que Fréron : celui-ci jamais.

2240. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Droz, Auger, Campenon, tous exacts et honnêtes esprits, mais un peu froids, un peu ternes et sans nouveauté : il se retrouvait plus à sa place et dans son vrai monde, lorsqu’il était en compagnie des Royer-Collard, des de Serre, ses vrais maîtres, et qui lui témoignaient par leur considération qu’ils le tenaient, malgré sa jeunesse, pour l’un des leurs.

2241. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Ses maîtres furent à peu près nuls.

2242. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Loin de moi cependant ces axiomes impitoyables des âmes froides et des esprits médiocres ; on peut toujours se vaincre, on est toujours le maître de soi ; et qui donc a l’idée non seulement de la passion, mais même d’un degré de plus de passion qu’il n’aurait pas éprouvé, qui peut dire, là finit la nature morale ?

2243. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Mlle de…, par le crédit de sa famille, obtient une pension pour Marcel, célèbre maître à danser, accourt chez lui toute joyeuse et lui présente le brevet.

2244. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Et puis, permis à Gœthe, un Allemand, de n’y point faire attention : mais enfin celui dont Ronsard expia les péchés, celui qui méconnut le génie de la langue, qui l’enfla d’inventions fantastiques jusqu’à « la faire crever », celui qui alla à l’encontre de tous les préceptes et de l’esprit du maître, ce fut Du Bartas ; on sait l’abus qu’il fit des composés : « guide-navire, échelle-ciel, brise-guérets, aime-lyre », et une infinité d’autres.

2245. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Plus tard, Descartes sera un maître, pour la génération suivante : mais tout d’abord, pour sa génération, il fut souvent un « semblable », qui avait su lire en lui-même ce que tous portaient en eux, et qui les révélait à eux-mêmes.

2246. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

On turlupine les maîtres reconnus et acceptés, et on ne s’est pas seulement donné la peine de les comprendre.

2247. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

je sais tout ce qu’on peut répondre, et ce que développent à ce sujet, sur les indications de leurs maîtres, tous les candidats à la licence ès lettres (car Molière est chez nous une superstition nationale) : que La Bruyère écrit en moraliste, et Molière en auteur dramatique ; qu’il faut tenir compte du « grossissement » nécessaire à la scène et de l’« optique du théâtre » ; qu’Onuphre, par trop de vérité, s’évanouirait sur les planches, etc… Je n’en suis plus du tout convaincu ; et, s’il faut tout dire, je ne goûte Tartuffe que dans les endroits précisément où, pour le ton du moins, il se rapproche d’Onuphre.

2248. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Vous voyez bien que c’est de l’or en barre, et qu’il faut vitement nous en rendre les maîtres.

2249. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Aristote a précédé Théophraste, lequel est né de ce grand maître en l’art de penser sur toutes choses fortement et à fond ; Montaigne est l’aîné de La Rochefoucauld de près d’un siècle et demi.

2250. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Les maîtres français qu’ils revendiquent sont des parnassiens qui ont mal tourné.

2251. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Le lendemain, il fut destitué de sa place de maître général des Postes en Pennsylvanie, pour laquelle on lui avait, à plus d’une reprise, insinué de donner sa démission : mais il avait pour principe de ne jamais demander, refuser, ni résigner aucune place.

2252. (1903) Zola pp. 3-31

Le maître est descendu au fond de l’immondice. » Soustraction faite de la véhémence inséparable d’une rupture que, du reste, on voulait rendre éclatante, le jugement est presque juste et la condamnation n’est pas imméritée.

2253. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Avec la même épouvante le même instinct irraisonné et immédiat, Dostoïewski est maître dans l’analyse des dernières tortures spirituelles.

2254. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

La langue, comme le Romantisme l’a faite ou l’a refaite, — d’après les maîtres du seizième siècle, — bien étudiée et bien comprise, n’est-ce pas là pour l’écrivain un outil aussi solide et aussi merveilleux que la langue de Voltaire ?

2255. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Il nous a donné la liberté, afin que nous puissions mériter ou démériter ; mais, en même temps, il a placé au milieu de nous des maîtres de doctrines.

2256. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Ouvrez les Lettres à Marcie, qui ne sont pas longues, et voyez si vous ne vous ferez pas, en entrant là-dedans, l’effet d’être dans le vestiaire d’une rhétorique tombée en loques, à force d’avoir servi à tout le monde, — le pire des maîtres !

2257. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Aussi en a-t-il marqué l’imagination et le cœur de son héroïne, tout en la sauvant de la tache de l’adultère, de cette tache dernière qui fait se rejoindre toutes les autres et n’en fait plus qu’une seule de toutes, — et ceci, disons-le pour ceux qui creusent les choses et ne font pas de la critique à fleur de peau, ceci est réellement d’un Maître dans l’art des nouveautés et des inventions.

2258. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Ces traductions, à demi grammaticales, à demi logiques, sont la seule lumière en philosophie ; les maîtres du dix-huitième siècle nous les enseignent ; il faut les faire et comprendre parfaitement son idée, avant d’expliquer comment elle peut se former.

2259. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

« Sur un roc, dont le faîte sourcilleux se hérisse au-dessus des flots écumants de Conway, couvert du noir vêtement de la calamité, les yeux hagards, le poëte était debout : sa barbe épandue et sa blanche chevelure flottaient comme un météore, au souffle de l’air agité ; et, d’une main de maître, avec le feu d’un prophète, il éveillait les gémissements profonds de la lyre : — Écoute comme chacun des chênes géants et des antres déserts soupire, à la voix formidable du torrent qui se précipite au-dessous d’eux.

2260. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Dans chaque famille, monsieur, veut dire le maitre de la maison. […] La figure dont je veux parler est un trope, par lequel on fait tomber sur soi-même ou sur les autres, une partie de ce qu’on dit : par exemple, un maitre dit quelquefois à ses disciples, nous perdons tout notre tems, au lieu de dire vous ne faites que vous amuser. […] On dit aussi d’une vile fortifiée, qui est sur une frontière, qu’elle est la clé du royaume, c’est-à-dire, que l’énemi qui se rendroit maitre de cette vile, seroit à portée d’entrer ensuite avec moins de peine dans le royaume dont on parle. […] La manière dont cela se fait a fait calus dans mon esprit ; j’ai médité sur cela, je sai à merveille coment cela se fait ; je suis maitre passé, dit Madame Dacier. (…), j’ai étudié son humeur ; je suis acoutumé à ses manières, je sai le prendre come il faut. […] C’est ainsi que le bourreau est apelé par honeur, le maitre des hautes oeuvres.

2261. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Autrefois, le vers régnait en maître dans la littérature ; les Grecs légiféraient même en vers ; aujourd’hui, quelle petite place il tient dans la diversité des genres littéraires ! […] M. de Banville sur ce point se montre moins logique que ce maître : selon lui, l’art de trouver la rime est un don surnaturel, divin (les athées, par parenthèse, en seraient exclus). […] Pour prendre un autre exemple du même genre, fait-on attention à une porte qui grince ou à une mouche qui bourdonne quand on écoute une symphonie d’un maître ? […] Les exemples deviennent plus curieux encore si, au lieu de les emprunter à des maîtres, on les recueille chez les jeunes poètes contemporains. […] Je ne suis pas assez maître de mon génie : J’ai fait sans y penser une cacophonie.

2262. (1940) Quatre études pp. -154

Rien ne compte, sinon le Dieu qui abat et qui suscite, maître de la douleur, maître de la joie… De sorte que les plus fortes expressions du lyrisme romantique italien à son apparition seront mises au service, l’une de la patrie, l’autre de la religion. […] Que les Français se contentent donc d’être les maîtres d’une certaine prose élégante, agile, claire, et qu’ils laissent la poésie à d’autres peuples mieux doués par la nature et par le langage pour cette tâche plus haute20. […] Il importe qu’il ait des maîtres, et qu’à un moment donné il se sépare d’eux ; qu’il fasse de multiples gammes, mais sans les confondre avec la musique idéale qu’elles sont seulement chargées de préparer ; qu’il se livre à toute sorte d’exercices, non pour eux-mêmes, mais pour qu’ils lui procurent la maîtrise des mots, des images, et des sons. […] Condillac, nous le voyons, suit ici les traces de Locke, son maître vénéré, et n’a d’autre ambition que celle de perfectionner sa doctrine.

2263. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Les Destinées, moyennant détour, ressaisissent donc leur empire, et il reste douteux que, même sous la loi de grâce, l’homme soit plus libre et plus maître de soi qu’auparavant : Oh ! […] le plus fort, à ce jeu, est aussi le plus faible : L’homme a toujours besoin de caresse et d’amour… Quand ses yeux sont en pleurs, il lui faut un baiser… Dalila pourtant, cette Dalila qui dort sur ses genoux, s’est cruellement jouée de lui ; elle s’est vantée, entre autres choses, de tout lui inspirer sans rien ressentir : A sa plus belle amie elle en a fait l’aveu : Elle se sait aimer sans aimer elle-même ; Un maître lui fait peur.

2264. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il était comme ces musiciens qui mettent leur archet au service de tous les maîtres. […] Il y a dans l’herbe de grands bœufs couchés, des moutons aussi blancs que s’ils sortaient du lavoir, toutes sortes de bestiaux heureux et modèles, capables de réjouir l’œil d’un amateur et d’un maître.

2265. (1909) De la poésie scientifique

Et parmi ses maîtres, il en est de qui l’attention et la conscience ont secoué le silence, tel M.  […] « Son livre de début, Légende d’âmes et de sangs, qui révélait un poète ne procédant d’aucun maître, et dont la préface, où il donnait les grandes lignes de l’œuvre qu’il méditait, laissait pressentir les théories de musique verbale que le Traité du verbe devait répandre avec éclat, d’un coup attira sur lui l’attention.

2266. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Après tout, en ce temps, ces coups de canne étaient considérés comme une familiarité du maître à l’endroit du valet, et devenaient un lien entre eux. […] 22 juillet Nous allons pour un voyage d’affaires à Breuvannes, à nos fermes des Gouttes… Breuvannes, la maison d’été de notre enfance, devenue une fabrique de limes et de tire-bouchons, toute pleine de cris et de grincements de machines ; les lucarnes du grenier, d’où mon père canonnait les polissons du village à coups de pommes, sont bouchées ; le mirabellier, toujours plein de guêpes et qui a fourni à tant et de si bonnes tartes, est remplacé par un appentis vitré ; et la chambre à four où le maître de danse apprenait des entrechats à l’aîné de nous deux, nous ne savons plus ce qui s’y fait.

2267. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

L’œuvre s’étage péniblement, elle pousse ça et là ses murs bas, gris, et à demi dressés ; elle est conduite telle qu’elle à sa fin et enserre en ses linéaments confus un immense domaine et une énorme foule ; on y entre fatalement, on y erre, on y reste, et ce n’est point une émotion rassérénante que l’on éprouve à pénétrer dans ce lieu d’ombres ; attiré d’abord et retenu comme par un enchantement, on sent se relâcher la forte main du magicien lui-même, et c’est abandonné, doutant, percevant la vague et menaçante présence d’un nihilisme transcendant, que l’on parcourt l’immense palais peuplé de souffles, déserté, désolé, assombri, et d’où se retire peu à peu l’esprit du maître vers de lointaines retraites d’indifférence. […] Il connaît en maître l’homme, prodigue à ses créatures les caractéristiques de la vie, les manifeste abondamment, leur infuse une individualité distincte, fait parcourir à celles-ci, flexible et rigide, toutes les étapes d’une carrière et compose le groupe de ses êtres de personnes si nombreuses, si diverses et si vivantes toutes, que l’on reste confondu de cette multitude et de cette création.

2268. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Nul n’hésitera à mettre leurs vers de cette sorte, ceux encore de Byron et de Musset, au-dessous, poétiquement, sinon littérairement, — des grandes effusions lyriques de Shelley, de Victor Hugo, de Lamartine, de Tennyson et d’autres maîtres de la véritable poésie, impersonnelle et idéale. Edgar Poe est, pour ses rares poèmes de l’espèce de ses maîtres, et nous avons vu combien, dans son œuvre poétique, il s’est abstenu de faire intervenir les douleurs qui l’ont agité, combien elle est vague, vide presque de spectacles sensibles et pleine d’une glaciale terreur.

2269. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Cela rappelle un chant de moi, les Préludes, mais cela est mille fois plus vagabond et plus emporté d’imagination ; le disciple dépassait de bien loin le maître. […] L’homme est un apprenti, la douleur est son maître, Et nul ne se connaît, tant qu’il n’a pas souffert.

2270. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Lorsque s’ouvrit le congrès de Vienne en 1814, le prince de Ligne se trouva par position et tout naturellement comme le grand maître des cérémonies de cette réunion brillante.

2271. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Ces rivalités et ces jalousies de serviteur à maître ont été assez bien rendues dans l’Histoire des amours de Henri IV, composée par une personne et un témoin du plus haut rangh, Mlle de Guise, depuis princesse de Conti, qui a trouvé par avance dans ce petit écrit quelques-unes des touches que Mme de La Fayette mettra plus tard à raconter les amours de Madame.

2272. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

ce sont les manières du temps. » — Le duc de Richelieu, ce jeune fat qui tournait alors toutes les têtes et que des gens d’esprit aux abois ont cherché de notre temps à remettre à la mode dans le roman et au théâtre, est pour Madame l’objet d’une aversion singulière : il est peint par elle de main de maître (notamment pages 203, 221), parfaitement méprisable, avec ses charmes équivoques et légers, son vernis de politesse et tous ses vices.

2273. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

À toutes ses questions le comte de Foix répond volontiers, et il promet à l’historien pour son ouvrage un crédit dans l’avenir et une fortune que nulle autre histoire ne lui disputera : « Et la raison en est, disait-il, beau Maître, que depuis cinquante ans en çà sont advenus plus de faits d’armes et de merveilles au monde qu’il n’en étoit de trois cents ans auparavant. » Encouragé par un tel suffrage, Froissart s’applique de plus en plus à mettre son langage au niveau des actions qu’il a à raconter ; car il n’a rien tant à cœur que d’étendre et rehausser sa matière, dit-il, et d’exemplier (enseigner par des exemples) les bons qui se désirent avancer par armes.

2274. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Saint-Simon, le maître et le juge des mœurs sévères et bienséantes, a dit : La mort de Mme Dacier fut regrettée des savants et des honnêtes gens.

2275. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Il n’y a prince au monde, remarque-t-il à ce propos, qui ait la noblesse plus volontaire que le nôtre : un petit souris de son maître échauffe les plus refroidis ; sans crainte de changer prés, vignes et moulins en chevaux et armes, on va mourir au lit que nous appelons le lit d’honneur.

2276. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Saint Paulin, après sa conversion, sollicité par Ausone, son maître, de revenir aux muses, répondait qu’un cœur une fois voué au Christ ne se rouvrait plus à Apollon : Nec patent Apollini dicata Christo pectora.

2277. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Attaché à Monsieur (Gaston, frère du roi) en qualité d’introducteur des ambassadeurs, il dut suivre par fidélité son maître dans quelques-unes de ses équipées et de ses folles aventures.

2278. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Pendant que je la lisais, je me rappelais bien souvent cette autre correspondance récemment publiée, si étonnante, si curieuse, si pleine de lumière historique et de vérité, entre deux autres frères, couronnés tous deux, le roi Joseph et l’empereur Napoléon ; et, sans prétendre instituer de comparaison entre des situations et des caractères trop dissemblables, je me bornais à constater et à ressentir les différences : — différence jusque dans la précision et la netteté même, poussées ici, dans la correspondance impériale, jusqu’à la ligne la plus brève et la plus parfaite simplicité ; différence de ton, de sonoréité et d’éclat, comme si les choses se passaient dans un air plus sec et plus limpide ; un théâtre plus large, une sphère plus ample, des horizons mieux éclairés ; une politique plus à fond, plus à nu, plus austère, et sans le moindre mélange de passe-temps et de digression philosophique ; l’art de combattre, l’art de gouverner, se montrant tout en action et dans le mécanisme de leurs ressorts ; l’irréfragable leçon, la leçon de maître donnée là même où l’on échoue ; une nature humaine aussi, percée à jour de plus haut, plus profondément sondée et secouée ; les plaintes de celui qui se croit injustement accusé et sacrifié, pénétrantes d’accent, et d’une expression noble et persuasive ; les vues du génie, promptes, rapides, coupantes comme l’acier, ailées comme la foudre, et laissant après elles un sillon inextinguible54.

2279. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

César fut esclave des pirates, et devint le maître de la terre.

2280. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

C’est, madame, que M. de Torcy, de son chef, et sans y intéresser le nom du roi en rien, voulût, par manière de conversation, demander à l’ambassadeur de Savoie, qui est à Paris, quelle est la personne que son maître destine ù cet emploi, et qu’il voulût bien me nommer comme m’y trouvant assez propre.

2281. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Il reçut la visite du libraire, s’entendit avec lui, et partit en me laissant les soins de l’impression : « Vous êtes maître absolu, me dit-il ; vous changerez ce qu’il vous plaira. » C’était là une parole de confiance dont j’entendais bien ne pas user.

2282. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

S’ils courent à la guerre, c’est l’empereur de Russie qui devient le maître, lui que ses troupes appelaient dès l’année dernière l’Agamemnon, le Roi des Rois 47 ; c’est l’empereur de Russie qui veut la guerre, parce qu’à son arrivée à Paris, M. de Talleyrand, se trouvant compromis, voulant l’enchaîner à lui, fit déclarer qu’il ne traiterait pas avec Bonaparte ; mais, quinze jours auparavant, toutes les puissances n’ont-elles pas traité avec lui à Châtillon ?

2283. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

À côté des maîtres, ses confrères et ses amis, à côté des lumières de l’Université, desquelles toutefois il se distingue, que voit-il au premier rang ?

2284. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

» Micion, toutefois, estime que son frère, avec sa rigidité, a tort, et quoique Eschine, ce jour-là, lui donne bien de l’inquiétude, il ne se blâme pas de le traiter si indulgemment, il repasse à ce sujet toutes ses maximes d’éducation débonnaire et s’y confirme : l’affection, pour stimuler au bien, vaut mieux que la crainte ; un père n’est pas un tyran ni un maître, etc.

2285. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Au moins, celui-là, il ne méconnaissait pas le doux maître. » (Voir pages 162, 165 et tant d’autres pages ravissantes.)

2286. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Tout appelle un chef, un maître, un dictateur.

2287. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Jules Pierrot, avait pour maître d’allemand un vieux gentilhomme d’outre-Rhin, un ancien élève et ami de Joseph II, un partisan de ses idées ; ils en causaient ensemble, plus encore que de grammaire et de langue allemande.

2288. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Et sur ce climat qui n’est pas fait, et sur ce caractère américain, qui ne l’est pas davantage, quel plus frappant et plus philosophique tableau que celui-ci, trop pris sur nature, trop bien tracé et de main de maître pour n’être pas rappelé ici, quand sur d’autres points nous devons être si sévères !

2289. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Là donc encore il y a lieu de s’appuyer à des frontières connues et d’espérer même des alliés dans les maîtres.

2290. (1890) L’avenir de la science « V »

De murmurer contre elle et de perdre patience, il est mal à propos, et les orthodoxes sont vraiment plaisants dans leurs colères contre les libres penseurs, comme s’il avait dépendu d’eux de se développer autrement, comme si l’on était maître de croire ce que l’on veut.

2291. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Il avait été assez fin pour jouer tous les diplomates de l’Europe, assez hardi pour célébrer la messe de la liberté et se constituer schismatique ; mais, quand il s’agit d’une question théorique, il est un esprit faible et trouve tout simple que Nabuchodonosor ait été changé en bête, que l’âne de Balaam ait conversé avec son maître et que les diplomates du Concile de Trente aient été assistés du Saint-Esprit.

2292. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Ils sont légion : Retz et la Rochefoucauld, deux adversaires politiques, deux rivaux de gloire littéraire ; Scarron, Molière, Boileau, trois maîtres, à des degrés divers, du comique et de la satire ; Mme de Sévigné, la reine du style épistolaire ; Cyrano de Bergerac, malgré son nom de ; consonance gasconne ; Bachaumont et son ami Chapelle, le bon buveur, qui doit son surnom au village de la Chapelle, devenu aujourd’hui un faubourg de Paris agrandi ; Patru, Chapelain, Conrart, les petits grands hommes de l’Académie naissante ; d’Aubignac, un auteur de pièces sifflées qui se venge en se faisant le législateur du Parnasse ; le galant abbé Cotin, ce martyr de la critique littéraire, d’autres encore, sans compter les peintres Lesueur et Lebrun, attestent la fécondité alors décuplée de la grande ville.

2293. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Cette première lettre si élégante, si riante de surface et d’apparence, ne renfermait au fond que vanité, égoïsme de maître, pur souci de la révérence et du décorum : la scène du bassin des Carpes est au bout.

2294. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Dans cet Essai sur l’art oratoire, il est disciple de Blair : dans les autres discours de cette date, il semble être en philosophie disciple de Condillac, de Garat, des maîtres du jour ; mais, à je ne sais quoi d’affectueux et de pur, à ce que les Anglais appellent feeling, on sent que, pour peu qu’il se développe, il aura bien plus de rapports d’affinité avec ces compatriotes de Blair, les Stewart, les Fergusson, les Beattie, avec cette école morale, économique, tour à tour occupée de l’utile et du beau, à la fois philosophique et religieuse.

2295. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Ainsi, dans ce premier retour de Louis XVIII, dans ce voyage de Calais à Compiègne, il montre le pays oubliant volontiers ses droits au milieu de l’attendrissement, et se donnant tout entier, tandis que les politiques à Paris stipulent et marchandent encore : Il (Louis XVIII) sentit, au tressaillement universel et spontané de sa patrie, qu’il était maître de ce peuple, et qu’on ne lui marchanderait pas sérieusement le règne à Paris.

2296. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Le tableau que Portalis y trace de la France est de main de maître et accuse une touche plus ferme que celle qu’on rencontre dans ses discours publics ; il ose plus dans la familiarité et en causant.

2297. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Le fond est d’un raisonnement serré, exact, enchaîné, et qui ne donne point prise ; c’est un maître dialecticien.

2298. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Il a répété maintes fois « qu’il n’y a qu’un peuple vertueux qui soit capable de la liberté, et que les autres ont plutôt besoin d’un maître ; que les révolutions ne peuvent s’opérer sans danger quand les peuples n’ont pas assez de vertu ».

2299. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Un pourboire est doux après un service rendu ; les maîtres là-haut sourient ; on reçoit l’ordre agréable d’injurier qui l’on déteste ; on obéit abondamment ; liberté de mordre à bouche-que-veux-tu ; on s’en donne à cœur-joie ; c’est tout bénéfice, on hait, et l’on plaît.

2300. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

L’auteur n’a pas vu autant de choses que son illustre maître, mais il a généralisé celles qu’il a vues.

2301. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Fervaques, le balzacien, ne s’est donc pas rappelé la manière de son maître, cette pensée du profond Balzac, planant éternellement sur les drames qu’il raconte, en ses romans sublimes ?

2302. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Les maîtres de certains cafés, de certaines maisons connues, — (pudiquement dit : bravo !) 

2303. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Pour le maître, on le trouve ordinairement à sa table devant la fenêtre, regardant parfois les deux lignes grandes et simples qui dessinent le cours de la Seine, occupé plus volontiers à dresser des listes et à composer des groupes de faits.

2304. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Dans ce dernier cas, les éditeurs ont dû suivre de préférence l’ordre des leçons, restituer les pages du Semeur à la place qu’elles occupaient dans l’enseignement du maître, et y ajouter les développements attestés par les manuscrits. […] Il se rendit à Montpellier, déjà célèbre par son école de médecine, et y étudia, sous d’habiles maîtres, l’art de guérir. […] Ce n’est point, Messieurs, que je prétende accuser Charron de plagiat ; les emprunts qu’il tire de Montaigne, les copies mêmes qu’il en fait, sont parfois si évidentes qu’on n’y saurait voir autre chose qu’un témoignage de respect rendu à la mémoire d’un maître vénéré. […] Charron y joint des remarques sur les rapports de l’homme avec ses semblables selon les relations diverses de la famille, des maîtres et des serviteurs, des pères et des enfants. […] Ce sont les faits qui sont nos maîtres.

2305. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Dans cette première partie des Mémoires et de la vie de La Fayette, à côté de la jeune, enthousiaste et pure figure du disciple, est celle du maître, du véritable grand homme d’État républicain, de Washington. […] « Il est assez remarquable que ce puissant génie, maître de tant d’États, n’ait été pour rien dans les causes premières de leur rénovation. […] Ce qu’elle m’a laissé de recommandations est dans le même sens, me priant de lire, pour l’amour d’elle, quelques livres, que certes j’examinerai de nouveau avec un véritable recueillement : et appelant sa religion, pour me la faire mieux aimer, la souveraine liberté, de même qu’elle me citait avec plaisir ce mot de Fauchet : « Jésus-Christ mon seul maître. »  —  On a dit qu’elle m’avait beaucoup prêché ; ce n’était pas sa manière

2306. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Elle voit le cadavre, la cervelle dispersée, « La cervelle de Bajazet, mon maître et souverain !  […] M.Georges Ancey, notamment, est du premier coup passé maître en ce genre. […] maître Guérin aussi, pour ne prendre qu’un exemple parmi les maîtres, est souvent, en morale, un inconscient. […] Toute la maison est en l’air, dans l’attente du maître inconnu. […] Catulle Mendès se tourne fatalement en originalité : car ce don d’aimer les maîtres au point de les réfléchir si parfaitement (tel le visage d’un amant dans les yeux et dans le cœur d’une maîtresse), ou, mieux, cette adaptation étroite, comme hermétique, et cependant caressante, de son flexible esprit à l’esprit des maîtres préférés, cela même implique je ne sais quel génie essentiellement voluptueux et féminin.

2307. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Présenté au jeune roi, qui n’avait que six ans plus que lui, La Fare entrait dans le nouveau régime quand tout commençait et sous l’œil du maître ; il n’avait qu’à y tourner son esprit avec quelque suite pour se concilier la faveur : « J’oserais même dire que le roi eut plutôt de l’inclination que de l’éloignement pour moi ; mais j’ai reconnu dans la suite que cette impression était légère, bien que j’avoue sincèrement que j’ai contribué moi-même à l’effacer. » Doué d’un esprit fin et libre, d’un jugement élevé et pénétrant, il aima mieux être indépendant qu’attentif et flatteur, et ce n’est pas ce qu’on peut lui reprocher ; mais il devint évident par la suite qu’il prit souvent pour de l’indépendance ce qui n’était que le désir détourné de se retirer de la presse et de chercher ses aises.

2308. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Par malheur le cheval ne songeait guère à s’arrêter déjà, et la raison, c’est que son maître, à dix bons milles de là, avait une maison.

2309. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

L’ayant ainsi habilement dépouillé des grandeurs mêmes dont il vient de l’envelopper et de le draper à plaisir, il va prendre le prélat, sinon comme un écrivain, du moins comme un orateur, comme un des maîtres de la parole ; et c’est ici qu’il entre dans le vif, que le persiflage s’aiguise et s’enhardit, et que l’exécution commence.

2310. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Dans les lettres qui suivent, la discussion continue et traîne un peu sur ce thème de l’éducation sociale du chevalier, Vauvenargues s’y dessinant de plus en plus comme un maître de grâce sérieuse et persuasive, et Mirabeau se redressant bientôt en homme de race et en patricien opiniâtre qui ne veut rien retrancher des défauts et qui entend respecter jusqu’aux tics de la famille.

2311. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

M. de Choiseul le sent bien, et pour moi, il faut vous l’avouer, j’en ai la tête tournée… Ainsi la voyons-nous s’exalter héroïquement pour son seigneur et maître ; tous ses intérêts sont les siens ; elle les embrasse sans calcul, sans réserve ; elle s’exagère sa gloire ; elle la voit pure et sans tache : si on hésite, si on n’accorde pas tout, si on a l’air de transiger avec les puissances ennemies, elle se courrouce dans son âme généreuse, elle est comme un lion. — Elle est femme surtout et avant tout, redevenue honnêtement coquette, tendre, empressée, se montrant éprise, comme au premier jour, de l’homme qui jusque-là ne l’avait pas gâtée, et à qui plus que jamais elle se consacre : (Chanteloup, janvier 1771.

2312. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

nous venons d’entendre le secrétaire de Montaigne ; que dit de son maître, au contraire, le Joseph de Chateaubriand, celui même dont il est parlé dans l’Itinéraire : « Dès qu’il est arrivé dans un lieu, il n’a rien de plus pressé que d’en repartir ? 

2313. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

L’analyse, ce n’est pas Michel qui l’apporterait d’abord, il s’en passerait bien ; c’est la dame, la noble dame, désignée simplement sous le nom de Marie, qui va l’introduire à toute force et obliger Michel à cet exercice imprévu, à cette escrime où il se trouvera maître.

2314. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Le mot indicible n’est plus français, depuis que ce nouveau maître en fait de vocabulaire a su tout dire.

2315. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Un mot qu’il laisse échapper devant son excellent maître et ami l’abbé de La Tour éveille les craintes de ce dernier et, pour prévenir un malheur, l’abbé croit devoir révéler à son élève le mystère de sa naissance qu’il lui avait caché jusqu’alors.

2316. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Elle commence comme toute femme digne de ce nom, comme toute amante, par un transport, par un premier mouvement : « Je te retrouve enfin, mon maître 1 mon Pompée !

2317. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Honneur aux maîtres du crayon et du pinceau !

2318. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Duveyrier s’est appuyé sur cette corporation amie ; le grand maître auquel il avait été recommandé crut avec raison qu’il le protégerait mieux à distance par un signe visible émanant de lui ; il lui conféra en conséquence le titre de frère et le revêtit du chapelet de l’Ordre.

2319. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Il est heureux pour lui qu’il sache tant de choses ; car, du train dont il y va, un fonds médiocre serait épuisé en une demi-heure. » — Qu’on mette en regard ce profil de Villoison avec la figure de Wolf, le maître éminent, le grand professeur, dont chaque parole porte et pénètre, et qui dispose d’une érudition « toujours vraie, sobre et forte », ainsi que l’a définie M. 

2320. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

« Aisé, accueillant, propre à toute conversation, sachant de tout, parlant de tout, l’esprit orné, mais d’écorce ; en sorte que sur toute espèce de savoir force superficie, mais on rencontre le tuf pour peu qu’on approfondisse, et alors vous le voyez maître passé en galimatias de propos délibéré.

2321. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon, ce jour-là, est dans l’admiration de rencontrer le roi qui chasse sur ses terres et qui, pour une fois qu’il se le permet, y chasse en maître.

2322. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Son caractère d’écriture n’est pas fort bon ; le plus fâcheux est qu’un peu par paresse et distraction, un peu aussi, à ce qu’on croit, par la faute de ses maîtres d’écriture, elle a contracté l’habitude d’écrire on ne peut pas plus lentement.

2323. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

C’était lui sans doute qui avait le plus fait dans le principe pour l’asservissement de l’Allemagne, et, ayant préparé par une politique artificieuse l’immense prépondérance de la France sur le continent, il s’était ôté lui-même les moyens d’arrêter l’ambition insatiable de celui qui gouvernait ce colosse de puissance ; néanmoins, au risque même de déplaire au maître, il s’opposa toujours aux projets qui, au milieu de la paix, tendaient à engager la France dans de nouvelles guerres interminables.

2324. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Obligé à un état manuel, et bien qu’il n’en rougisse point, Reboul ne s’en glorifie pas non plus et ne s’y complaît pas ; religieux de cœur, il accepte ce lot comme une part de la tâche imposée par le Maître.

2325. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Jugeant donc Théophile, non pour ce qu’il aurait pu être en d’autres temps, mais pour ce qu’il a été du sien, ma conclusion serait qu’il n’offre aucune de ces qualités fermes et déclarées, même dans leur incomplet, qui sont l’attribut des maîtres, et qui donnent envie de retrouver après des années un ancêtre dans le vieil auteur oublié.

2326. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

CCLXXV J’entrai avec eux dans leurs cabanes ; tout y était propre, vivant, joyeux, même le petit chien à trois pattes qui me reconnut et me fit fête, parce qu’il se souvenait de m’avoir vu le soir du retour de son jeune maître.

2327. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Quand l’enfant de cet homme Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ; Lorsqu’on l’eut revêtu d’un nom qui retentit ; Lorsqu’on eut bien montré son front royal qui tremble Au peuple émerveillé qu’on puisse tout ensemble           Être si grand et si petit ; Quand son père eut pour lui gagné bien des batailles, Lorsqu’il eut épaissi de vivantes murailles Autour du nouveau-né riant sur son chevet ; Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde, Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde           Selon le songe qu’il rêvait ; Quand tout fut préparé par les mains paternelles Pour doter l’humble enfant des splendeurs éternelles ; Lorsqu’on eut de sa vie assuré les relais ; Quand, pour loger un jour ce maître héréditaire, On eût enraciné bien avant dans la terre           Les pieds de marbre des palais ; Lorsqu’on eut pour sa soif posé devant la France Un vase tout rempli du vin de l’espérance ; Avant qu’il eût goûté de ce poison doré, Avant que de sa lèvre il eût touché la coupe, Un cosaque survint qui prit l’enfant en croupe,           Et l’emporta tout effaré.

2328. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Voici un « Dit des quatre offices de l’Hôtel du roi, à jouer par personnages », et ce dit, où Saucerie, Panneterie, Echansonnerie et Cuisine dialoguent comme les maîtres de M. 

2329. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Ils partagent l’erreur capitale du maître : ils croient toucher la perfection des œuvres anciennes, en calquant les procédés d’exécution, en dérobant les matériaux.

2330. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Biographie : Jules Michelet (1798-1874 . fils d’un imprimeur ruiné par le Consulat et l’Empire, répétiteur dans une pension en 1817, professeur au collège Sainte-Barbe en 1822, maître de conférences à l’Ecole normale en 1827. supplée Guizot à la Sorbonne (1833-1836), puis est désigné pour la chaire de morale et d’histoire du Collège de France (1838).Éditions : Principes de la philosophie de l’histoire ; Précis d’histoire moderne, 1828 ; Histoire romaine, 1831 ; les Mémoires de Luther, 1835. 2 vol. in-8 ; Du Prêtre, de la Femme et de la Famille, 1844. in-8 ; le Peuple, 1816. in-8 ; le Procès des Templiers, 1841-52, 2 vol. in-4 ; l’Oiseau, 1850, in-12 ; l’Insecte, 1857, in-18 ; l’Amour, 1858, in-18 ; la Femme, 1859, in-18 ; la Mer, 1861, in-18 ; la Sorcière, 1832, in-18 ; la Bible de l’humanité, 1861. in-18 ; la Montagne, 1868, in-18 ; Histoire de France (Moyen Age, 1833-13, 6 vol. in-8 ; Révolution, 1847-53. 7 vol. in-8 ; Renaissance et Temps modernes, 1855-67, 11 vol. in-8), 1878-80, Marpon, 28 vol. in-12 ; 1885 et suiv., Lemerre, 28 vol. pet. in-12. — Œuvres posthumes : Histoire du xixe siècle, 3 vol., 1876 ; Ma Jeunesse (pub. p.

2331. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Ils croient obéir à la pensée du Maître en faisant sauter une ville.

2332. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

L’ingénieux Anatole France, longtemps impuissant à créer un personnage, a enfin réussi — à côté d’un chien peu fidèle qui adopte tous les maîtres et court sur la piste de tous les livres, c’est M. 

2333. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Maréchal, un maître de forges trois fois millionnaire.

2334. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Thiers, j’ai osé toucher à Napoléon législateur et conquérant ; aujourd’hui, à propos de ces nouveaux Mémoires très authentiques, publiés il y a deux ans par les fils du général Bertrand et restés, je ne sais pourquoi, inaperçus, je voudrais dire quelque chose de Napoléon écrivain et l’un des maîtres de la parole.

2335. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Payen, sentent en gens d’esprit et admirent si bien Montaigne, daignent se souvenir, jusque dans leur passion, des conseils du sage et du maître : Il y a plus à faire, disait Montaigne en parlant des commentateurs de son temps, à interpréter les interprétations qu’à interpréter les choses ; et plus de livres sur les livres que sur autre sujet : nous ne faisons que nous entregloser.

2336. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

« Ce maître vient quelquefois chez moi, malgré moi, et s’en retourne désespéré sans être rebuté », disait Mme de Maintenon dans son humilité triomphante.

2337. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

En fait de législation, il a déjà de ces idées simples et unes qui de Colbert iront se rejoindre à l’Assemblée constituante, à la Convention et au Conseil d’État sous Bonaparte : J’étudiai, dit-il, et appris sans maître les Institutes avec le secours des commentaires de Borcholten.

2338. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Ce sont des superbes sans force et sans courage, qui ne travaillent qu’à anéantir l’autorité de leur roi, et contre qui je suis outrée de colère pour tout ce qu’ils ont fait tant qu’ils ont été les maîtres dans le Despacho (dans le Conseil intime).

2339. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Les volumes suivants, dans lesquels le maître du valet de chambre narrateur est devenu aide de camp du général en chef de l’armée d’Italie, nous rendent, à travers un romanesque surabondant, quelques échos sentis de cette époque d’enthousiasme et d’ivresse, « où l’on ne voulait pour prix de ses dangers que du plaisir et de la gloire ».

2340. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Énonçant les motifs, réels ou non, qu’il avait eus pour entrer dans la discussion, il alla droit, avant tout, à l’adversaire, et le frappant de l’épée au visage, selon le conseil de César, il le raillait sur cette prétention au patriotisme, au désintéressement et au bien public, de laquelle Beaumarchais aimait (et assez sincèrement, je le crois) à recouvrir ses propres affaires et ses spéculations d’intérêt : Tels furent mes motifs, s’écriait-il déjà en orateur, en maître puissant dans la réplique et dans l’invective ; et peut-être ne sont-ils pas dignes du siècle où tout se fait pour l’honneur, pour la gloire, et rien pour l’argent ; où les chevaliers d’industrie, les charlatans, les baladins, les proxénètes n’eurent jamais d’autre ambition que la gloire sans la moindre considération de profit ; où le trafic à la ville, l’agiotage à la Cour, l’intrigue qui vit d’exactions et de prodigalités, n’ont d’autre but que l’honneur sans aucune vue d’intérêt ; où l’on arme pour l’Amérique trente vaisseaux chargés de fournitures avariées, de munitions éventées, de vieux fusils que l’on revend pour neufs, le tout pour la gloire de contribuer à rendre libre un des mondes, et nullement pour les retours de cette expédition désintéressée… ; où l’on profane les chefs-d’œuvre d’un grand homme (allusion à l’édition de Voltaire par Beaumarchais), en leur associant tous les juvenilia, tous les senilia, toutes les rêveries qui, dans sa longue carrière, lui sont échappées ; le tout pour la gloire et nullement pour le profit d’être l’éditeur de cette collection monstrueuse ; où pour faire un peu de bruit, et, par conséquent, par amour de la gloire et haine du profit, on change le Théâtre-Français en tréteaux, et la scène comique en école de mauvaises mœurs ; on déchire, on insulte, on outrage tous les ordres de l’État, toutes les classes de citoyens, toutes les lois, toutes les règles, toutes les bienséances… Voilà donc Mirabeau devenu le vengeur des bienséances et des bonnes mœurs contre Beaumarchais, et Figaro passant mal son temps entre les mains du puissant athlète, qui le retourne et l’enlève de terre au premier choc.

2341. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Lamartine, dans sa prose, est revenu à ce dernier qui semble plus directement son maître ; il reprend volontiers ce même train des épithètes un peu molles et faciles : Chateaubriand les cherchait et les trouvait plus neuves.

2342. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Il s’y montre en son haut rang, au centre du groupe des illustres poètes du siècle, calme, équitable, certain, puissamment établi dans son genre qu’il a graduellement élargi, n’enviant celui de personne, distribuant sobrement la sentence, classant même ceux qui sont au-dessus de lui… « his dantem jura Catonem » ; le « maître du chœur », comme dit Montaigne ; un de ces hommes à qui est déférée l’autorité et dont chaque mot porte.

2343. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Les grandes et classiques parties de la littérature française ayant été explorées mainte fois et étant depuis longtemps, en quelque sorte, au pouvoir des maîtres, il s’est ingénieusement établi et posté sur la frontière ; il a choisi de ce côté sa province.

2344. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

En 1740, un autre moment commence ; Frédéric s’était dit de bonne heure : « Ne prenons que la fleur du genre humain. » Une fois maître des choses, il essaya de réaliser ce vœu et de réunir ce qu’il y avait de plus piquant, de plus vif et de plus sociable en gens d’esprit de toutes nations.

2345. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

La conscience est donc une force organisatrice qui réagit sur les représentations et les ordonne selon une règle d’harmonie, comme un instrument façonné par un grand maître qui rejetterait de soi les discordances pour n’admettre que les accords.

2346. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Puis sans maître, sans guide, sans conseil, il s’est mis à peindre avec amour et rage.

2347. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Dans l’alexandrin tel que manié par les maîtres, il n’y a pas de césure fixe ; il y a, selon le vers une, deux, trois, quatre césures.

2348. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

La question de césure, chez les maîtres de la poésie classique, ne se pose même pas1.

2349. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Nous nous conduisons sans égard pour l’expérience le meilleur maître qu’ait le genre humain, et nous avons l’imprudence d’agir, comme si nous étions la premiere generation qui eut sçu raisonner.

2350. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Dans une introduction encore plus spirituelle qu’érudite, où il montre une aisance de généralisation qui est la grâce de la métaphysique, l’auteur de l’Histoire de la Comédie détermine, en maître, les conditions d’une pareille histoire, et il en indique les résultats.

2351. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Valet qui compromet son maître, il affirme (comment le sait-il, lui qui n’a rien deviné des choses et des hommes qui ont passé devant ses yeux ?)

2352. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Intérieur et extérieur, également embrassés, de l’ouvrage qu’il veut faire connaître, influences subies ou repoussées, époques reproduites à grands traits, individualités pénétrées, manière toute-puissante et presque magique de grouper les faits dans laquelle il est passé maître, vues ingénieuses et profondes, preuves historiques resplendissant d’exemples à l’appui de ses opinions, et, quand il n’est pas dans la vérité absolue, mirages historiques si bien faits que les plus savants peuvent y être pris, voilà les forces vives du genre de critique qui est la gloire de Macaulay !

2353. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il explique aussi l’amour, et le sacrifice, et la prière, et le renoncement toujours et nécessairement inspirés par l’amour, — cet amour dont la douleur, « l’auxiliaire de la création depuis le malheur de la chute », est « le levier » dans le cœur de l’homme, — et tout ce mysticisme d’accent qui semble couronner le livre d’une auréole de sainteté (surnaturel à part) ne le rend pas plus vrai, mais plus éloquent, plus touchant, plus pénétrant, plus chaud aux âmes et plus maître d’elles, si, dans ce triste temps, il y en avait !

2354. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Le comte de Maistre, qui avait senti l’angoisse de cela avec son maître, — comme Mirabeau avec le sien, — avec l’Empereur de Russie aurait-il été plus heureux ?

2355. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Brizeux n’a pas la flûte de cristal d’André Chénier ; il n’a qu’un biniou ; mais qu’importe l’humilité de l’instrument, quand celui qui joue est un maître !

2356. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Richepin a des parentés naturelles avec ces Maîtres, noblesse oblige, et il est temps d’introduire dans la famille d’esprits dont il fait partie une individualité nouvelle.

2357. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

L’Église vit des mérites de son Maître et de ses disciples, mérites qu’ils ont gagnés par leurs sacrifices.

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