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886. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

En accouplant deux hommes si éloignés par le temps où ils ont vécu, si différents par le genre et la nature de leurs œuvres, nous ne nous soucions pas de tirer quelques étincelles plus ou moins vives, de faire jouer à l’œil quelques reflets de surface plus ou moins capricieux. […] On peut se demander si son libertinage ne s’appuyait pas d’une impiété systématique, et s’il n’avait pas appris de quelque abbé romain l’athéisme, assez en vogue en Italie vers ce temps-là. […] Regnier résume en lui bon nombre de nos trouvères, Villon, Marot, Rabelais ; il y a dans son génie toute une partie d’épaisse gaieté et de bouffonnerie joviale, qui tient aux mœurs de ces temps, et qui ne saurait être reproduite de nos jours. […] Je lis dans les notes d’un voyage d’Italie : « Vers le même temps où se retrouvaient à Pompéi toute une ville antique et tout l’art grec et romain qui en sortait graduellement, piquante coïncidence ! […] Dans tout ce qui précède, j’avais supposé, d’après la Notice et l’Édition de M. de Latouche, qu’André Chénier devait être à Londres en décembre 1782, et que les vers et la prose où il en maudissait le séjour étaient du même temps et de sa première jeunesse.

887. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Nous verrons recevoir au même temps Furetière et Segrais, choix qui devaient contenter Boileau, mais aussi Cassaigne et Le Clerc, dont il n’eût pas voulu assurément. […] Voyez Retz refuser de mépriser Chapelain, au temps où Molière et Boileau le réjouissent de leurs œuvres. […] Ce n’étaient pas les doctrines de Boileau, c’était le goût français, qu’on cherchait dans l’Art poétique : au temps où Voltaire était le plus grand poète de l’Europe, on demandait à Boileau le secret de faire des vers à la mode de la Henriade. […] Voltaire, ici comme à tant d’autres égards, représente la moyenne des idées de son temps. […] Plus crûment Despréaux — car ce travers se faisait déjà sentir de son temps — pestait contre « ce bourreau de Tourreil » qui faisait le crime de donner de l’esprit à Démosthène.

888. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

L’année 1789 arrive, et nous apporte les institutions nécessaires au développement de cette éloquence : et c’est un des faits considérables de l’histoire littéraire du temps. […] Réduite par le goût du temps à tendre vers la noblesse et l’élégance, elle est moins expressive que la réalité brute, qu’elle enveloppe de verbiage et délaye dans le lieu commun. […] La question financière était la grande question politique du temps : elle conduit Mirabeau, avec bien d’autres, à réclamer la convocation des Etats Généraux. […] A vrai dire, il y a dans ces grands effets, à notre goût, un peu d’emphase, un geste trop magnifique, trop de son ; c’était le goût du temps. […] Isnard eut d’éclatants débuts ; Buzot, en ses derniers temps, trouva dans la violence parfois inintelligente de ses haines une éloquence singulièrement nerveuse et vibrante.

889. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Cette masse serait animée d’une vitesse colossale et après avoir circulé de tout temps à de telles distances que son influence soit restée jusqu’ici insensible pour nous, elle viendrait tout à coup passer près de nous. […] Celles-là aussi se réaliseront, seulement il faudrait les attendre longtemps ; si l’on observait un gaz pendant un temps assez long, on finirait certainement par le voir s’écarter, pendant un temps très court, de la loi de Mariotte. Combien de temps faudrait-il attendre ? […] Le temps ne fait rien à l’affaire. […] Supposons que nous puissions embrasser la série de tous les phénomènes de l’univers dans toute la suite des temps.

890. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Leurs services, depuis ce temps, étaient d’un autre ordre et se poursuivaient dans l’administration ou dans la politique. […] Pour donner à ces vrais successeurs le temps de venir, un peu d’intervalle parfois est nécessaire. […] Guizot, depuis deux ans, n’a cessé, indépendamment de ses écrits historiques, de recueillir et de publier, en les revoyant, d’anciens morceaux très distingués15, qui vont former toute une bibliothèque morale et littéraire : Méditations et études morales ; — Études sur les beaux-arts en général ; — Shakespeare et son temps ; — Corneille et son temps. […] Il est arrivé dans ces derniers temps à M.  […] Pendant quelque temps, ces ambitions se sont contenues dans un cercle de personnes distinguées : mais bientôt, avec le débordement croissant, tout a été envahi.

891. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Il a, en ce sens, bien du rapport avec Voltaire, avec qui il partage l’honneur d’être peut-être l’homme le plus spirituel de son temps ; je prends le mot esprit avec l’idée de source et de jet perpétuel. […] Il eut de tout temps de cette gaieté dans sa vie, mais il ne s’avisa que tard, et sous le coup de la nécessité, de la mettre dans ses ouvrages. […] Son adversaire le comte de La Blache profite de l’à-propos pour tirer sur le temps, comme on dit, pour pousser l’affaire des quinze mille livres devant le Parlement ; il représente Beaumarchais comme un homme perdu, un scélérat qui a abusé de la confiance de tous ceux qu’il a approchés. […] Dans ce court espace de temps, il avait plusieurs fois tenté inutilement de pénétrer jusqu’au conseiller Goëzman, rapporteur dans son affaire, et rapporteur prévenu et défavorable. […] Le lieutenant de police, M. de Sartine, lui conseillait de ne point paraître en public : « Ce n’est pas tout d’être blâmé, lui disait-il, il faut encore être modeste. » Tels étaient ces temps d’engouement facile et de chaleur universelle.

892. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

On ferait une liste curieuse de tous ces faux prétendants dont quelques-uns ont surpris pour un temps la crédulité publique et celle des nations. […] Le temps et les délais sont pour lui, au rebours de ce qui a lieu en ces sortes d’entreprises qui, désespérées d’ordinaire, veulent être enlevées dans un premier succès. […] Revêtu d’une robe de moine, comme un malade désespéré, il reçut les sacrements, et, selon l’usage du temps, prit un nom de religion. […] Le charme est rompu, et les Démétrius ont fait leur temps. […] Dans un temps comme le nôtre, où il y a tant de talents épars, et si peu d’œuvres achevées, M. 

893. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Secondement, un peu à cause de ce qui précède, mais pour d’autres raisons qu’il faudrait chercher dans sa psychologie individuelle, c’est un homme que la littérature de son temps, quand il est sorti du collège, a peu intéressé. […] Cet homme — il a maintenant entre quarante ou cinquante ans — est presque absolument étranger et indifférent aux temps où il vit. […] Ce n’est pas que le lecteur des anciens se soit fait, précisément, une âme grecque ou une âme romaine ; Il s’est fait une âme de tous les temps, excepté du temps où il est. […] Or, cela est de tous les temps, excepté de chacun. […] Le lecteur des anciens est donc étranger à son temps sans y être hostile, si étranger à son temps qu’il ne lui est pas même hostile et est en quelque façon de tous les âges.

894. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Corneille tend plus haut qu’aucun autre poète de son temps. […] Emportés par une action, ils n’ont pas le temps de s’écouter parler ; ils ne parlent que pour attaquer et se défendre. […] Les ouvrages travaillés ne demandaient-ils pas trop de temps ? […] C’était l’excès d’une des plus belles ambitions du temps, le perfectionnement de la langue. […] Une seule chose pourrait nous y dépayser : ce sont les mœurs d’un temps qui n’est plus.

895. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

» Un temps singulier que ce temps, où l’on est exposé à présenter le fusilleur au fusillé, le fusillé au fusilleur. […] Ainsi, dans ce mois, où j’ai vécu dans l’atmosphère du duel Robert Caze, du duel Drumont, je me serais beaucoup mieux battu, que dans d’autres temps. […] » c’était tout le temps de la langue parlée, de la véritable langue de l’amour. […] Prêtre distingué, flatté de ce baptême littéraire, en ce temps d’anticatholicisme, mais mettant la réserve d’un homme du monde, dans les compliments adressés au père, au parrain. […] Est-ce l’aveu chez ce critique du Temps, d’une critique assez basse.

896. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Voilà les trois fonctions principales qui se rapportent à l’éternité ; toutes les autres fonctions sont secondaires, et ne se rapportent qu’au temps. […] Une destinée progressive en espace aurait supposé une destinée prolongée en temps : où est le temps de plus conquis par l’homme ? […] Le temps ne s’est arrêté pour personne. On a dit : le cours du temps, parce qu’il apporte et emporte incessamment les choses mortelles. […] Il ne connaît l’éternité, l’espace, le temps, la science, le bonheur que de nom.

897. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Or, toute révolution digne de ce nom est fille du temps et non d’un homme. […] Cependant, si l’humanité est une, il n’en est pas moins vrai que, selon les circonstances, les temps et les lieux, la civilisation affecte des formes très différentes. […] La première, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, ne finit guère qu’à Charlemagne. […] Toutefois, elle est populaire encore en ce sens qu’elle est en harmonie avec l’esprit général du temps ; en effet, elle est accueillie et fêtée, surtout, il est vrai, dans les châteaux. […] Kant était le plus modeste et le plus circonspect des hommes ; mais l’esprit de son temps était en lui.

898. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Le temps s’arrête pour celui qui admire. […] Tout s’anéantit, tout périt, tout passe, il n’y a que le monde qui reste, il n’y a que le temps qui dure. […] Le temps a réduit en poudre la demeure d’un de ces maîtres du monde, d’une de ces bêtes farouches, qui dévoraient les rois qui dévorent les hommes. […] Embrassez tous les temps, mais que je ne puisse ignorer la date du monument. […] Cela n’a pas coûté une matinée à l’artiste, car il fait vîte : il valait mieux y mettre plus de temps et faire bien.

899. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Il se conservait de plus, comme un reste des temps de persécution et de solitude, certaines prières assignées à diverses heures du jour. […] Le temps n’a pas conservé ces œuvres d’industrie littéraire, et pour nous il importe peu, car l’intention même était un démenti à la vérité de l’art. […] À toi la gloire et la reconnaissance, à travers le temps infini !  […] Ainsi j’ai encouru la haine des hommes légers, qui ont livré sans scrupule la chaire pontificale aux amis de la fortune a et du temps. […] Il semble contempler avec lui les idées éternelles ; il y aspire encore, et ne les sépare pas de cette immuable durée qui succède au temps périssable.

900. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Aussi son temps lui fit-il la vie dure. […] symétriques, cela montre l’anarchie et la misère intellectuelle de tout un temps. Ce temps va de 1875 à la mort de Zola, en 1901, soit vingt-six ans. […] Le siècle qui salit le siècle est un sale temps. […] Puis, dans d’autres temps, ou d’autres mains, ils n’ont plus rien donné.

901. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

C’eût été comme aujourd’hui et dans tous les temps. […] Dans quel temps ? […] C’est un aliment solide qu’il faut se donner le temps de digérer. […] Faut-il être l’homme de tous les temps, ou l’homme de son siècle ? […] … Tout se fait à temps.

902. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Elles ne sont point de ce temps. […] D’ailleurs, temps radieux ! […] Sardou le savait bien dès ce temps. […] Il est temps que M.  […] Et il est temps aussi que j’en vienne à M. 

903. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Il est temps de compter sérieusement avec M.  […] » disaient les hommes d’État et les généraux de son temps. […] Aux mœurs du temps ou au ridicule particulier de l’individu ? […] Il n’y a, je l’avoue, dans mon parallèle, dans mon essai de réhabilitation du présent aux dépens du passé, qu’un point qui m’embarrasse : c’est le rapprochement des livres de ce temps-là avec les livres de ce temps-ci. […] Cousin l’exemple et le modèle des écrivains de son temps.

904. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Avec quel serrement de cœur il dut voir qu’une correspondance obligée de plus de 2 000 lettres par an ne lui laissait plus le temps de se livrer à son travail particulier ! Lorsqu’un esprit aussi énergique, aussi dispos, ne se plaint que de l’abaissement de cette activité à laquelle il a été habitué pendant plus d’un demi-siècle et qui a progressé d’elle-même, c’est qu’il doit sentir qu’il lui reste encore bien peu de temps. […] « Humboldt avait sans doute regardé les rechutes fréquentes qu’il éprouvait dans les derniers temps comme un avertissement de prendre quelques dispositions de sûreté concernant son héritage littéraire. […] Il commence, en remontant par la science l’échelle des temps inconnus, et jette ses regards de la terre qu’il foule au fond des cieux que le télescope et le calcul rapprochent de lui. […] “Le Seigneur a créé la lune pour mesurer le temps, et le soleil connaît le terme de sa course.

905. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

En tout cas, ce qui constitue l’immense intérêt de Josèphe pour le sujet qui nous occupe, ce sont les vives lumières qu’il jette sur le temps. […] Il ne faut pas juger de ces sortes d’états intellectuels d’après les habitudes d’un temps où l’on écrit beaucoup. […] Or, quoique les idées du temps en fait de bonne foi littéraire différassent essentiellement des nôtres, on n’a pas d’exemple dans le monde apostolique d’un faux de ce genre. […] Aucun ouvrage juif du temps ne donne une série de prophéties exactement libellées que le Messie dût accomplir. […] Les expressions : « En ce temps-là… après cela… alors… et il arriva que… », etc., sont de simples transitions destinées à rattacher les uns aux autres les différents récits.

906. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Au bout de quelque temps, on le retrouve gênant. […] Il est question du livre des Liaisons dangereuses, qu’il n’a pas lu, et que je le pousse à lire : « Lire, répète-t-il, mais on n’a pas le temps… moi je n’en ai pas le temps !  […] Au bout de quelque temps, sous prétexte de petites courses, l’étudiant restait des demi-journées à gueuser, laissant sa sœur au médecin. […] Partout aux murs des assiettes de tous les temps, de tous les pays. […] Celui-ci, sa page d’écriture donnée, passait son temps à me retirer des doigts ma plume, à la jeter au milieu de la chambre, et à la remplacer par une toute neuve.

907. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Quel livre que celui qui peut passer dans votre main de la vie au néant, du soleil sous la terre, du temps à l’éternité, sans pâlir à vos yeux, et qu’on peut lire des deux côtés de la tombe sans changer de feuillet ! […] L’espace, le pouvoir, le temps, rien ne te coûte. […] Nous vivons très peu de temps, aucun temps même, si nous comparons ce clignement d’œil appelé une vie à l’incommensurable durée des éternités sans premier et sans dernier jour. […] Qu’aurait-il dit aujourd’hui où une civilisation plus accélérée, et accélérée presque jusqu’à la suppression du temps et des distances, permet à la pensée de l’homme d’atteindre partout à la fois ? […]    «  Mais le temps soufflera sur ce qu’ils ont rêvé, « Et sur ces sombres nuits mon astre s’est levé.

908. (1914) Boulevard et coulisses

Parler de cette époque, c’est donc remonter au-delà des temps contemporains et arriver dans une zone déjà historique. […] Non pas que nous menions absolument la vie de bohême du temps de Louis-Philippe. […] L’heure où nous vivons deviendra rapidement le passé et servira alors aux esprits chagrins pour dénigrer les temps futurs. […] Mais ne nous livrons pas à l’exercice frivole de comparer au passé le temps présent. Le temps présent a ce caractère impérieux que nous sommes obligés de le vivre.

909. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

L’ancienne tradition s’étant rompue, la nouvelle n’ayant pris ni le temps ni le soin de s’établir, il en résulte une grande incertitude dans les jugements : une très belle œuvre, neuve et émouvante, saisirait sans doute et réunirait les esprits, mais de simples vers où il y a du talent n’ont plus ce pouvoir. […] Je voudrais, en vérité, qu’un des amis particuliers de M. du Camp, Théophile Gautier, par exemple, fût un jour et dans quelque temps de l’Académie, pour lui apprendre comment les choses se passent dans cette abominable maison qu’il se figure comme une caverne et un repaire de Burgraves. […] Fontenelle en son temps, et en sacrifiant au goût d’alentour, faisait de même. […] Je suis d’accord avec lui sur un point essentiel, c’est que l’artiste doit être de son temps, doit porter dans son œuvre le cachet de son temps : à ce prix est la vie durable, comme le succès. […] c’était le bon temps !

910. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot ; La conversation en resta là, et Lagrange lui battit froid quelque temps. […] Biot : « Ses formules, à lui, étaient plus générales que cela. » De tout temps M.  […] Biot regretter ce temps où M.  […] Signalée et dénoncée dès son origine, cette cruelle maladie a chance d’être combattue avec avantage et encore à temps peut-être pour être guérie. […] Mais sur les temps anciens, sur la grande époque de sa jeunesse, sur les savants du premier ordre dont il avait gardé le culte, il était très intéressant à écouter.

911. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Quoi qu’il en soit, on arrivera avec le temps, j’imagine, à constituer plus largement la science du moraliste ; elle en est aujourd’hui au point où la botanique en était avant Jussieu, et l’anatomie comparée avant Cuvier, à l’état, pour ainsi dire, anecdotique. […] Être en histoire littéraire et en critique un disciple de Bacon, me paraît le besoin du temps et une excellente condition première pour juger et goûter ensuite avec plus de sûreté. […] Une des façons laudatives très-ordinaires à notre temps est de dire à quelqu’un qui vieillit : « Jamais votre talent n’a été plus jeune. » Ne les écoutez pas trop, ces flatteurs ; il vient toujours un moment où l’âge qu’on a au dedans se trahit.au dehors. […] Les sympathies et les antipathies, de tout temps si vives, qu’il devait susciter, se prononcent et font cercle dès ce moment autour de lui. […] Beaumarchais et son Temps, par M. de Loménie.

912. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Il ne faut pas trop vieillir pour bien juger les romans de son temps ; le roman est un genre essentiellement contemporain. […] Elle trouve le temps, au milieu de sa fièvre, de tenir un Journal de ses impressions : ce Journal est bien fait, bien mené ; M.  […] Et il ne s’est pas contenté des mœurs, il y a mêlé une chose très-chère à ce temps-ci, la question de la croyance. […] C’est une marotte de notre temps de vouloir à toute force croire et de ne pouvoir. […] Son front même est ombragé de cheveux noirs comme dans sa première jeunesse, et l’on ne se douterait pas que la main du temps y a passé.

913. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Ce que j’ai écrit depuis ne valait pas mieux, mais le temps avait changé ; la poésie était revenue en France avec la liberté, avec la pensée, avec la vie morale que nous rendit la restauration. […] Il faudrait la force réunie de soixante mille hommes de notre temps pour soulever seulement cette pierre ; et les plates-formes des temples de Balbek en montrent de plus colossales encore, élevées à vingt-cinq ou trente pieds du sol, pour porter des colonnades proportionnées à ces bases ! […] Assis sur quelques fragments de corniches et de chapiteaux qui servaient de bancs dans la cour, nous mangeâmes rapidement le sobre repas du voyageur dans le désert, et nous restâmes quelque temps à nous entretenir, avant le sommeil, de ce qui remplissait nos pensées. […] Rien ne nous avait préparés à cette musique de l’âme, dont chaque note est un sentiment ou un soupir du cœur humain, dans cette solitude, au fond des déserts, sortant ainsi des pierres muettes accumulées par les tremblements de terre, par les barbares et par le temps. […] Mais nous ne sommes pas à ces temps : le monde est jeune, car la pensée mesure encore une distance incommensurable entre l’état actuel de l’humanité et le but qu’elle peut atteindre ; la poésie aura d’ici là de nouvelles, de hautes destinées à remplir.

914. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

De mémoire dans l’histoire littéraire de son temps, il en aurait pu laisser une grande, élevée et pure. […] Suivant les temps ou les circonstances, le vers est du style hiératique. […] De 1843 à 1855, le poète retardé a eu le temps de devenir enfin un homme. […] Cet argument inouï dormait au fond de l’absurdité humaine, mais ces derniers temps l’en ont fait sortir. […] Cette poésie est de ces derniers temps : elle est datée de Marine-Terrace et de l’année 1855.

915. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

La même énergie, utile à l’État en temps ordinaire, devient nuisible eu temps de crise. […] Ses idées sur son temps. […] Il appartient bien au temps qui n’a pas aimé les Grecs. […] Point de rêveries féodales, si fréquentes en son temps, point d’idéal de la vieille France placé dans les temps de la première ou de la seconde race. […] Elle vit son temps, d’une vie plus forte, et supérieure.

916. (1903) Propos de théâtre. Première série

L’homme n’a pas eu le temps de se « transformer ». […] c’était un bon temps et un beau temps que celui-là. […] comme le temps passe ! […] En ce temps-là, M.  […] Je n’ai pas le temps.

917. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Il n’est plus temps. […] Au temps même de notre belle littérature classique, comme M.  […] je ne peux pas passer mon temps à répéter toujours la même chose. […] Cela ne pouvait convenir qu’à un temps où, la production littéraire étant restreinte, l’expérience n’avait pas encore appris aux écrivains avec quelle effroyable rapidité le temps dévore tout ce qui s’imprime. […] Du temps où M. 

918. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Augier, Émile (1820-1889) »

Augier, qui est de son temps et qui l’aime, fait la comédie de son temps : les caractères, les mœurs, l’intrigue y ont leur part mesurée et infusée dans un mélange savoureux et piquant. […] Et pour qu’à leur tour les Effrontés et le Fils de Giboyer aient obtenu au répertoire leur place définitive, que leur manque-t-il autre chose que ce recul du temps, toujours plus ou moins nécessaire aux comédies de mœurs, qu’il remet au point dans la perspective du passé ? […] Jean-Jacques Weiss La comédie des Effrontés appartient au second Augier, celui qui est de son temps plus que de sa race et sur qui les influences de l’air moral ambiant ont eu plus d’action et de pénétration que les instincts de son imagination et de son cœur.

919. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

Tel était le cas pour Furetière, — Furetière, un homme de lettres énorme, qui a fatigué les mille voix de la renommée de son temps, et sur la mémoire duquel s’est assis un profond silence. […] À en croire le jeune commentateur, il y aurait tout un côté caricaturesque au Roman bourgeois, et il l’explique par une étude très substantielle, où les mots tiennent moins de place que les choses, sur la société du temps où Furetière écrivait. La seule réserve que nous voulions faire contre ce morceau distingué, où toutes les influences qui durent modifier le talent et l’observation de l’auteur du Roman bourgeois sont discernées et indiquées, est l’intention de caricature et d’épigramme prêtée beaucoup trop, selon nous, à Furetière, lequel a peint la bourgeoisie de son temps bien plus comme il la voyait et comme elle était qu’autrement. […] Prenez tous les moralistes de son temps, tous les poètes comiques du xviiie  siècle, tous les écrivains qui ont parlé longuement ou brièvement de la bourgeoisie et qu’a invoqués Asselineau, tous déposeront plus ou moins dans le sens de Furetière et appuieront son mérite de romancier, qui est très grand.

920. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

De là, dit-elle, son goût à elle, de tout temps, pour les prisons et les pauvres prisonniers. […] … » On a diversement parlé du ministre de la justice en ce temps-là, Martin (du Nord) ; je crains que sa fin n’ait nui à ce qu’il pouvait y avoir de bien dans sa vie. […] Les temps ne sont pas venus où je pourrai t’en envoyer plus souvent et de plus gros. […] On dit ma petite pension supprimée, mais je n’ai pas le temps de penser à cela : ce Serait interrompre la plus tendre admiration qu’il soit permis à une âme de ressentir. […] Les cheveux avaient dû se foncer avec le temps.

921. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

J’ai sous les yeux la plupart des journaux du temps ; le Journal des Débats, le seul qui, dès ce temps-là, voulut être sévère constate lui-même l’entier triomphe : « La joie est dans le camp des romantiques, s’écrie Étienne Becquet en commençant88 ; le succès de M. […] Mais, avant 1830, chaque mot simple en tragédie voulait un combat, et coûtait à gagner presque autant, je vous assure, qu’un député libéral à la Chambre durant le temps de la majorité Villèle. […] M. de Chateaubriand lui donna audience aussitôt : — « On dit qu’un roi joue un vilain rôle dans votre pièce ; cependant, monsieur, il serait bien temps, ce me semble, de laisser les rois tranquilles. » M. […] Depuis ce temps, le poëte, l’homme de lettres en lui a dû se moins manifester, et on ne le retrouverait guère directement que dans les solennités de l’Académie, y portant la parole en toute convenance. […] Lebrun dans l’art de son temps, et de rattacher à son nom l’idée qu’il y faut mettre : poëte presque formé déjà sous l’Empire, et qui sut être le semi-romantique le mieux autorisé sous la Restauration.

922. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Le duel d’Olivier et de Roland dans l’île du Rhône est un autre admirable épisode, qu’il faut détacher d’un poème (Girard de Viane) où manque l’art comme dans presque tous les poèmes de ce temps. […] Il n’est que le plus gracieux et le plus parfait des menus trouvères de son temps, dans le goût à la mode. […] Gringoire notamment, aux beaux jours de sa jeunesse, paraît avoir été un très-spirituel vaudevilliste, et dans un temps où le genre était neuf et supposait plus d’invention qu’aujourd’hui. […] De nos jours, la réaction anticlassique l’a porté très-haut ; il a profité de tout ce que, dans un temps, on a prétendu retirer à Boileau et aux réguliers. […] — Je sais qu’à côté de Loufflers on m’opposera le gracieux, l’élégant Parny, réputé racinien en son temps dans l’élégie amoureuse ; mais, de ma remarque, l’essentiel et le principal restent vrais.

923. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Tout cela serait oublié, comme les passions de ce temps-là, si ce bourgeois n’était un fin écrivain. […] Très curieux d’art, il n’était pas artiste ; et le grand mouvement littéraire de son temps s’accomplit sans qu’il y comprit rien. […] C’est un beau prédicateur, grave, pressant, solidement instruit, et qui a l’intelligence de son temps. […] I, 1813, in-8 (devenu en 1852 Corneille et son temps, in-8). […] M. et Mme Guizot, le Temps passé (Mélanges de critique), 1887, 2 vol. in-12. — A consulter : J.

924. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Elle eut le malheur de tomber sur un homme « distingué. » Cela commença par un commerce de poésies et une amitié « littéraire. » Marceline se défendit un assez long temps. […] Mais je n’ai pas le temps ni les moyens de faire cette recherche. […] mon enfant par la mort, Et dans quel temps ! […] L’infortuné passait son temps à déclarer, tantôt qu’il n’accepterait de place qu’au Théâtre-Français, et dans les premiers emplois, — tantôt qu’il ne s’abaisserait pas à y rentrer, dût-on l’en prier à genoux. […] Je ne verrai pas de quelque temps M. 

925. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Si notre temps aime le théâtre, c’est qu’il vit peu, trop occupé de faire, de fonder l’avenir. […] Les autres siècles ont cru que ce temps-là, perdu, était le seul gagné. […] Personne, certainement, n’a le temps de lire. […] En notre temps plus encore que naguère. […] Le livre s’adresse plus encore aux générations futures qu’à celle de son temps.

926. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

En ce temps-ci, les ministères me semblent avoir quelque chose des grands appartements d’hôtel garni, où l’on sent que les gens passent et ne demeurent pas. […] * * * — Tout me désespère dans ce temps ! […] Aujourd’hui c’est Paul Bert, qui disserte sur le temps qu’a pu durer le Paradis, sur les facultés génératrices d’Ève, et les deux cornes qu’elle avait vraisemblablement, etc., etc. […] Et dans la seconde, il était tombé sur un avoué de la localité, en chemise et en lunettes bleues, qui, ainsi surpris, avait passé tout le temps de la perquisition, assis sur une chaise, le nez dans le mur d’un angle de la pièce. […] Encore enfant, au temps des confitures, son père et sa mère le chargeaient d’aller chercher un pain de sucre, chez un distillateur de leurs amis, qui demeurait rue des Cinq-Diamants.

927. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Aristote n’avait pu faire, et sans doute n’avait voulu faire que la poétique des Grecs, et des Grecs de son temps. […] Mais rien ne le prouve, et j’accuserais plutôt non Homère, mais le temps où ce poète a vécu, d’avoir été grossier et barbare. […] Puis ils font quelque temps conversation ensemble sans craindre que le dîner se refroidisse (no fear lest dinner cool). […] Tu savais comme il se serait moqué de toi, si tu avais vécu de son temps. […] Paris s’indigna, et le blâme grandit en peu de temps au point d’embarrasser le roi.

928. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Bonneau, qui ne savait à quoi occuper son temps, se jeta avec fureur dans les bras de l’archéologie. […] Néanmoins il s’en fallut que nous fussions pleinement convaincu à l’endroit de leur génie ; nous attendîmes que le temps nous fît là-dessus une opinion. — Le temps a marché, — et il a changé bien des choses. […] Donnons-lui le temps, et sachons attendre. […] L’occasion lui était si bonne — nous dirions presque si naturelle — d’injurier la société et son temps ! […] Il n’en est plus question depuis quelque temps ; mais on aurait tort d’en inférer que les suicides se ralentissent.

929. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

M.Viguier, ancien inspecteur général de l’Université, ancien directeur des études et maître de conférences à l’École normale, est mort le 11 octobre dernier à Précy-sur-Oise, où il vivait retiré depuis quelque temps. […] C’est un amer regret pour tous ceux qui l’ont connu et apprécié, qu’il n’ait pas fixé en quelque ouvrage, entrepris à temps, cette quantité de notions étendues, de remarques tour à tour fines ou élevées, qui composaient son trésor. […] J’en serais pourtant fâché, et je ne voudrais pas, avec ce faux air de cosmopolite, perdre la sympathie des amis de mon village et de mon voisinage, auxquels je pense sans cesse et que je reviendrai voir à temps, j’espère, avant les glaces de l’âge infirme et solitaire ; mais laissez-moi courir ma dernière course. » Cette course dernière ne venait jamais. […] J’espère que le bon Dieu voudra bien me rappeler à temps auprès de mes amis, avant le grand rappel définitif… » Parlant de ses relations à Rome dans le carnaval de 4855 et des trois commensaux avec lesquels il pouvait causer, M.  […] Et il en avait fait lui-même une paraphrase en vers : Passant, quand le soleil brille à ce méridien, Contemple le temps vrai, mais n’en fais point usage ; Le bon sens et la loi suivent le temps moyen.

930. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Ouvrez cet atlas et réfléchissez ; il est temps encore de réfléchir. […] Tout cela passe successivement sous vos yeux comme un panorama parlant du globe, qui vous dit la biographie complète du globe, des temps, des races, des idées, des religions, des empires, par où l’humanité a passé, passe et passera avant de tarir, en faisant ce petit bruit que les historiens profanes appellent gloire, civilisation, puissance, et que les philosophes appellent néant ! […] Considérée comme existence visible, comme occupant sous le nom d’empire, de république, de race, de tribu, de nation, telle ou telle place dans l’espace et dans le temps, elle ne vaut pas plus que cela : car tout ce qu’elle remue n’est que poussière, tout ce qu’elle crée n’est que néant, tout ce qu’elle laisse après elle n’est qu’éblouissement, puis nuit profonde. […] À chacune de ces superficies géographiques j’appliquerais la partie de l’histoire qui lui donne sa signification, son caractère, sa corrélation avec les peuples voisins, avec les temps, avec les idées, les religions, la politique de telle ou telle date du globe. […] En un mot, la main d’un enfant, grâce à cet atlas mnémonique du monde, nous décrirait le cours du temps, et sa voix nous raconterait jusqu’à nos jours les destinées universelles de la terre ; vous auriez cherché à faire un simple géographe, et vous auriez fait un historien, un moraliste, un philosophe, un politique, un théologien universel, un homme enfin embrassant d’un coup d’œil toutes les faces de l’humanité.

931. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

La psychologie à posteriori, au contraire, tout en reconnaissant l’existence d’un élément mental dans nos idées, tout en admettant que nos notions d’étendue, solidité, temps, espace, vertu, ne sont pas des copies exactes d’impressions faites sur nos sens, mais un produit du travail de l’esprit, ne considère pas cette production comme le résultat de lois particulières et impénétrables, dont on ne peut rendre aucun compte. […] Les transcendentalistes examinent nos idées d’espace et de temps ; ils trouvent que chacune contient en elle d’une manière indissoluble l’idée de l’infini. […] Cependant il est impossible de concevoir le temps et l’espace autrement que comme infinis, et il est impossible de les dériver de l’expérience : ce sont des conceptions nécessaires de l’esprit. — Le psychologue à posteriori, de son côté, voit bien que nous ne pouvons penser le temps et l’espace autrement que comme infinis ; mais il ne considère pas cela comme un fait dernier. […] Comme nous n’avons jamais eu aucune expérience d’un point de l’espace sans d’autres points au-delà, ni d’aucun point du temps sans d’autres points qui le suivent, la loi d’association inséparable fait que nous ne pouvons penser aucun point du temps et de l’espace, quelque distant qu’il soit, sans imaginer immédiatement d’autres points plus éloignés. Cela explique leur caractère d’infini, sans rien introduire de « nécessaire. » Il se peut que le temps et l’espace aient des limites, mais dans notre condition présente nous sommes totalement incapables de les concevoir.

932. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

On ne le sent jamais mieux qu’après l’avoir quelque temps quitté. […] Toujours est-il que, dans les bons temps, l’art de vivre, comme l’entendent les modernes, n’a été poussé nulle part ailleurs comme à Paris. […] Nous vivons dans un temps où la société imite le théâtre bien plus encore que celui-ci n’imite la société. […] Français, nous avons depuis quelque temps tous nos défauts ; gardons au moins quelques-unes de nos qualités. […] On y va voir et entendre ce qu’on n’a plus le temps de lire.

933. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Le dépôt des connaissances humaines est peu à peu sorti du lieu mystérieux où les sages le tenaient caché pour en tirer des trésors qu’ils dispensaient aux peuples dans le temps, et autant que le besoin s’en faisait sentir. […] D’ailleurs il faudrait beaucoup de temps et l’appareil de beaucoup de faits et de raisonnements. […] De là vient, sans doute, cette indépendance à l’égard de l’autorité, caractère particulier des temps où nous vivons. […] À peine pouvons-nous comprendre ce que fut la royauté dans les temps anciens. […] Sachez donc que ce palladium n’a point été brisé par ceux que vous en accusez, mais par le temps ; ainsi vous devez leur rendre votre estime et votre amour. » La question de l’origine du langage a souvent occupé les philosophes depuis quelques années.

934. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Il y a dans ce livre, écrit à moitié du xixe  siècle, l’application formelle d’une philosophie de l’histoire contraire à toutes les philosophies rationalistes, qui gouvernent, comme elles peuvent, l’histoire de ce temps. […] Grand esprit positif, comme disent les esprits vagues avec idolâtrie, M. de Humboldt est l’Aristote des temps modernes, moins la philosophie. […] Sur les mers de son temps, beaucoup de pilotes le valaient. […] Roselly de Lorgues une virtualité inaccoutumée parmi les publications chrétiennes de ce temps, n’a pas porté malheur à son histoire. […] Littérairement, artistement, on peut signaler des défauts et des inégalités dans ce long ouvrage, mais ils sont couverts par de grandes qualités, et, dans un temps donné, ces qualités les couvriront mieux encore.

935. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Cela s’était, il est vrai, un peu calmé en ces derniers temps ; mais cela a repris et c’est reparti de plus belle ! […] avec les idées et les mœurs de ce temps, il n’est pas si difficile de l’expliquer. […] Tout le temps même que dura la fière épopée de l’Empire, les romans, cette nécessité de l’imagination humaine au sein des plus terribles et des plus magnifiques réalités, avaient un autre accent que celui de ce prestolet d’abbé Prévost. […] Quant au poète, c’est-à-dire au romancier, il est temps de montrer, par-dessus la tête de Dumas qui l’admire, ce qu’il est, dans Manon Lescaut. […] Jamais les faiseurs de ce temps-ci, les forçats à la ligne du feuilleton, qui rompent leur ban en sautant par-dessus tous les murs de la vraisemblance, ne s’étalent mieux par terre, dans le mélodrame impossible, que ce sauteur d’abbé Prévost !

936. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Il fut quelque temps dans cette ville, qu’il étonna. […] Vous lui communiquerez de votre dignité, et il répandra sur vous une partie de son éclat. » Peu de temps après, Constance lui fit élever une statue de bronze. […] quand la liberté est la moins dangereuse, irais-je choisir ce temps-là pour me déshonorer par des mensonges ?  […] Constantinople a passé sous la domination des Turcs, et Thémiste, qui écrivait il y a quatorze cents ans, sur les bords de la mer Noire, est ignoré de cette partie du monde qui fut sa patrie ; mais il trouve des admirateurs dans les villes qui, de son temps, n’étaient que des bourgades à demi-barbares. Ainsi, les hommes célèbres de ce siècle le seront dans les siècles suivants ; on parlera d’eux comme nous parlons de ceux qui les ont précédés ; leur gloire même n’étant plus exposée à l’envie en deviendra plus pure ; car il vient un temps où les ennemis et les rivaux ne sont plus.

937. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

à Paris on s’amuse tout le temps ! […] La malade me considéra quelques temps ; puis elle ramena ses yeux sur sa poitrine, sur ses bras. […] Que de Camusets n’avons-nous pas subis depuis quelque temps ! […] Il faisait une chaleur atroce, un temps d’orage. […] Mal, pour l’emploi du temps.

938. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Singulier temps que celui où l’on voit un homme d’Église dire du mal de Rome, et s’excuser des négligences de ses poésies par la violence de ses tourments amoureux ! […] Mais ce point particulier demandait une délicatesse de critique au-dessus de son temps. […] On sait qu’il put dire à tous les poètes de son temps, sans être ridicule : Vous êtes mes sujets, et je suis votre roi ! […] Du moins en fit-on dans le particulier, sur tous les points de la France, des gloses qui formaient le sujet le plus général des conversations du temps. […] D’autres imperfections empêchent de lire certaines pièces d’un genre élevé qui appartiennent plus à Ronsard, et que lui ont inspirées les événements de son temps.

939. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

que l’ancien régime fut un temps de corruption, de mauvais raisonnements et d’abstractions froides qui devaient préparer la révolution. […] que la révolution fut un temps de désordre et d’horreurs qui devait préparer la centralisation à outrance et étouffante du régime moderne. […] De temps à autre quelque admirateur des « sensations rares » venait frapper chez M. de Goncourt et lui apporter ses hommages. […] Il faut arriver à notre temps pour trouver des auteurs qui s’ingénient à immortaliser leur dégoût. […] C’est ainsi que nous parle la voix mourante de l’ancien temps, mais où se trouve-t-il encore des oreilles pour l’entendre ? 

940. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Le temps approche de l’union plus complète de la science et de la littérature, temps où l’homme ne chantera plus avec l’imagination seulement, mais avec la science, le poème de la nature. […] S’il fallait tout dire, je croirais plutôt que les académies nuisent à la formation de ces phénomènes toujours isolés d’intelligence qui deviennent les lustres des peuples sur la nuit des temps. […] On peut affirmer même sans se tromper qu’ils ont été d’autant plus originaux qu’ils ont été plus isolés et moins asservis à la routine des corps et des préceptes de leur temps. […] La conscience de la France est encore intimidée, ou muette, ou captée ; mais le temps lui déliera les lèvres. […] nous acceptons fièrement le reproche, et nous en appelons au temps pour prononcer entre nos accusateurs et nous !

941. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Les hommes illustres ses contemporains, Despréaux, Racine, Bossuet, Pascal, sont bien plus spécialement les hommes de leur temps, du siècle de Louis XIV, que Molière. […] — Je vous avoue à mon tour, lui dit son ami, que vous êtes plus à plaindre que je ne pensois, mais il faut tout espérer du temps. […] Dix ou quinze ans plus tard seulement, au temps où paraissaient les Caractères, cela lui eût été moins facile. […] On en plaisanta dans le temps beaucoup plus qu’il ne fallait, et ce rire facile couvrit les louanges dues à l’ensemble du très-estimable Commentaire […] Comment une erreur aussi forte, sur une relation aussi rapprochée, a-t-elle fait autorité du temps de Molière, et même auprès des personnes qui l’avaient beaucoup vu et pratiqué ?

942. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Dans le temps de sa rétractation, il eut chez lui une députation de jésuites. […] On les a, de tout temps, appellés bourreaux. […] Le temps, les amis, les protections appaisèrent tout. […] Peu de temps après, il donna une traduction Françoise du même poëte. […] Ils furent presque tous ruinés du temps du siège de Rome par les Lombards.

943. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

C’est qu’on n’exprimait, en ce temps-là, la nature même qu’en fonction de l’homme, et l’homme qu’en fonction de la société. […] Et l’on voit sans doute ici comment, dans la pensée d’Auguste Comte, cette conception de la « psychologie » se lie à ce que nous disions plus haut des progrès de la science de son temps. […] Et d’autres enfin dans le même temps, qui s’appellent Volney, Daunou, Ginguené, Fauriel ; — de qui l’on peut rapprocher Raynouard ; — font entrer l’exégèse [Cf.  […] 2º Le rôle de Lamennais ; — et que peut-être il n’y en a pas eu de plus considérable, en notre temps, dans l’histoire des idées religieuses. […] C. sur l’Unité de temps et de lieu, Paris, 1834 [Cf. 

944. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Qu’on ait marqué d’abord, qu’on ait été puissant et glorieux à tout prix en son passage, et l’on n’aura en aucun temps été plus absous ; on vous trouvera, à défaut de vertu personnelle, une vertu plus haute, une utilité et moralité providentielle qui est l’ovation suprême aujourd’hui. […] Lorsqu’on pousse trop loin l’idée de la prédestination des grands hommes, il arrive qu’on est amené, sans y prendre garde, à être sévère et injuste pour une foule d’hommes secondaires, mais estimables, qui dans leur temps et au nom de leur bon sens ou de leur vertu, et aussi de leurs passions, ont osé contredire sur quelque point et retarder un moment les triomphateurs. « A quarante ans, dit le poëte, il se déclare autour de Mirabeau, en France, une de ces formidables anarchies d’idées où se fondent les sociétés qui ont fait leur temps. […] En un endroit, le poëte ne peut s’empêcher d’admirer que Mirabeau ait été populaire sans être plébéien : « Chose rare, s’écrie-t-il, en des temps pareils !  […] on trouve de tout temps en tête des partis populaires un patricien dissolu et brillant, qui renie sa caste et gagne la faveur de la foule : à Rome Catilina, César ; des exemples sans nombre dans les républiques italiennes ; les Guises en France, Retz et Beaufort, D’Orléans, Mirabeau. […] Le grand Florentin Farinata degli Uberti, ce type du magnanime orgueilleux, que Dante a placé dans son Enfer, n’a rien qui surpasse en idéal de grandeur les descendants et chefs successifs de cette lignée des Arrighetti qu’il put bien avoir en son temps comme rivale dans les factions civiles de Florence.

945. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Mais encore ce qu’on appelle liberté n’est que tolérance de la société générale, et le commandement social peut l’enchaîner ou la restreindre selon les nécessités, les lieux, les temps, les circonstances, si les nécessités, les lieux, les temps, les circonstances exigent que tout soit commandement et obéissance, et obéissance partout et en tout dans la société absolue. […] Le mariage, sous une forme ou sous une autre, selon les lieux ou les temps, ce n’est plus l’instinct de l’amour seulement, c’est le devoir réciproque, spiritualisme qui d’un attrait fait un lien. […] Les formes de ce gouvernement sont aussi diverses que les âges des peuples, les lieux, les temps, les caractères de ces groupes humains formés en nations. […] C’est la civilisation des sens, beau phénomène, mais phénomène court comme le temps, borné comme l’espace, fini comme la poussière organisée, périssable comme la mort. […] Les mémoires du temps rappellent à toutes les pages leur nom à propos de leur familiarité avec les grandes figures de Genève, de Paris, de Berlin, de Londres, de Coppet ; ils étaient chez eux partout par droit de bienvenue, de bon goût, d’intimité avec les célébrités européennes.

946. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Quelque temps avant la représentation de Marion Delorme, il écrit à un ami, étudiant de médecine en province. […] » J’avais à côté de moi la grande marchande de chair humaine de notre temps : Élisa, la Farcy II. […] * * * Avril. — Nous feuilletons depuis quelque temps une sage-femme, intéressante comme la portière de l’existence humaine. […] Cela se termine au bout de moins d’une année, par une ruine complète du comte, qui, traqué par les recors, monte sur le toit de son château et se brûle la cervelle, à la façon d’un châtelain du vieux temps. […] En face du peloton, à l’ombre des arbres, les coudes sur la terre et les mains au menton, de grands voyous hors d’âge, mystérieux comme des sphinx, le regard immobile, voilé et dormant, regardaient la troupe travailler, ainsi que des voleurs étudieraient une porte à crocheter, — semblant vouloir voler la charge en douze temps pour des journées futures.

947. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Quelque chose qui paraît, à tort ou à raison, déborder de toutes parts le corps qui y est joint, le dépasser dans l’espace aussi bien que dans le temps. […] Vous disiez que, dans l’espace comme dans le temps, l’âme déborde le corps auquel elle est jointe. […] Arrivons au temps. […] Donc, pas plus dans le temps que dans l’espace, l’« âme » ne déborde le corps… Mais y a-t-il réellement une âme distincte du corps ? […] Mais ce serait quelque chose, ce serait beaucoup que de pouvoir établir, sur le terrain de l’expérience, la possibilité et même la probabilité de la survivance pour un temps x : on laisserait en dehors du domaine de la philosophie la question de savoir si ce temps est ou n’est pas illimité.

948. (1802) Études sur Molière pp. -355

Ce rôle est au nombre de ceux qu’on appelait, du temps de Molière, rôles à grande casaque. […] Quelqu’un dira peut-être : employa-t-il ce temps à composer un acte ? Nous lui répondrons avec notre auteur : voyons, monsieur, le temps ne fait rien à l’affaire. […] et dans quel temps encore ? […] Quelque temps après, l’époux est forcé d’aller à la cour.

949. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Il y a peu de temps, un excellent esprit, M.  […] Immensité du temps et de l’espace ! […] Le temps était couvert et doux. […] … (Un temps.) […] Victor Duruy parurent vers ce temps.

950. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Ainsi, les bestiaires appartiennent à la fois à la science naturelle et à la poésie de ces temps ; ainsi, dans la Bible de Guyot de Provins, est le passage célèbre sur la boussole. […] Mais on s’attachera principalement au xiie  siècle : 1º parce que c’est l’ère véritable de la scolastique ; 2º parce que c’en est surtout le commencement en France ; 3º parce qu’il y a très peu d’écrits philosophiques de ce temps qui aient été publiés. […] Il en est de même de Guillaume de Champeaux, ce maître si célèbre en son temps, et dont il n’a été imprimé qu’un très petit écrit, De origine animæ. […] Vous ne rechercherez pas avec moins d’intérêt ce qui se pourrait découvrir en fait de miracles, mystères, moralités, farces, soties, dialogues et débats, plets, etc., en un mot tout ce qui se rapporte aux compositions et représentations dramatiques de ces temps. […] En général, la recherche des écrits latins du moyen âge se lie de près, non seulement à la connaissance du fonds littéraire commun de ces temps, mais aussi à l’étude philologique de notre langue, beaucoup de mots français, d’expressions françaises, plus ou moins altérés de l’ancien latin, ayant contracté cette altération dans leur forme de basse latinité.

951. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Au moins, Louis XIV, qui transgressa la loi sociale de la famille, — le plus grand crime politique de sa maison, — avait gardé la foi chrétienne et forçait les vices de son temps même les siens) à l’hypocrisie. […] — dans la donnée des mœurs de ce temps ; car les mœurs de ce temps étaient immondes, et, comme tous les fumiers des civilisations avancées, elles ne produisaient que des empêchements d’agir ou des lâchetés. […] Quelle objection contre les systèmes de température et de race que la figure de cette femme du Nord (madame de Platen) qui, sous une peau blanche, est une brune italienne du temps des Borgia ! […] La vaincue dans ce duel, qui n’était pas plus du temps d’alors que tout le reste, eût été sacrilège et eût risqué sa vie éternelle. […] On a retrouvé les faits matériels de la chronique de Kœnigsmark, le Disparu de l’Histoire sans laisser derrière lui, quelque part, comme le dernier des Ravenswood, la plume noire de sa toque, pour dire : « C’est là qu’il a passé et qu’il fut englouti. » Mais les causes de ces faits, étudiées à leur sinistre clarté, dans ces âmes d’une énergie presque fabuleuse en ces temps où, pour le bien comme pour le mal, l’âme humaine se ramollissait, pouvons-nous dire que nous les ayons ?

952. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Dans un temps où la division du travail, qui pulvérise tout, hommes et choses, et en raffine encore la poussière, multiplie le nombre des spécialités en tout genre la parémiographie, puisqu’il faut l’appeler par son nom… comme la peste, — mais ce n’est pas la peste, — est une spécialité philologique, taillée dans un pan de la philologie générale comme une province dans un empire, et qui suffit à l’ambition d’un honnête savant. […] peut-être au temps des neiges d’antan, — dans les langues quelconques, par les premiers gens d’esprit qui les parlèrent ; des idées qui adhèrent encore à ces langues, malgré les coups de hache et les coups de lime du Temps. […] N’étaient-ce pas des esprits comme eux qui les avaient faits, dans un temps où l’imprimerie ne sauvait pas le nom de ceux qui pensaient, en écrivant ou sans écrire ? […] c’est là un nom usurpé en tout temps, si ce n’est pas une ironie, mais ce l’est particulièrement quand les nations sont dans l’enfance, dans cet âge où pour l’homme lui-même, et le plus exceptionnel des hommes, hormis le petit Joas d’Athalie, la sagesse n’existe pas. […] Il ne serait plus enfin cet aristocrate en toutes choses, qui voulait être comte, malgré sa naissance, dans un temps où un tel titre n’allait bientôt plus rapporter que les privilèges de la prison et de l’échafaud, et on serait terriblement en droit d’accuser de pitoyable inconséquence l’homme qui, croyant au bon sens des siècles, accorda si peu au bon sens du sien.

953. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Il nous a donné l’homme des principes et du goût, — le législateur du Parnasse, comme on disait du temps de Boileau, — mais j’aurais voulu l’exécuteur des hautes-œuvres, dont ne peut se passer aucune législation. […] Il a cité le portrait anonyme dont tout le monde, dans le temps, reconnut le modèle ; ce portrait d’une touche si ferme, si sobre et si majestueusement sévère… Il a cité l’ironique compte rendu de la première représentation de L’Écossaise, dans lequel Fréron prit dans sa main, juste comme une balance, la fange qu’on lui jetait à la figure, et pesa ce paquet de fange qui pesait trop peu pour le blesser ! […] … Il faut être au courant de la vie que lui firent les philosophes, qui pouvaient tout dans le temps où la France était au pillage de leurs idées et de leurs ambitions, pour savoir à quel point sublime Fréron poussa l’invulnérabilité. […] Ce n’était pas alors le temps (son temps) de la floraison des littératures étrangères dans notre pays. […] Il n’était ni un bohème, ni un parvenu de ce temps de parvenus et d’aventuriers, même dans les lettres.

954. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

Ils sont rares comme la tranquille conscience du talent qu’on a et de la fierté de l’esprit qu’on se sent… Avec l’effroyable prurit de vanité littéraire qu’ont les moins littéraires de ce temps, et qui fait d’eux des mendiants de publicité se trémoussant comiquement autour du moindre article pour qu’on leur en fasse la charité, un écrivain qui publie son livre et le met tout simplement sous la vitrine de l’éditeur, sans importuner personne de son importance et sans viser à la pétarade des journaux, m’est, par cela seul, plus sympathique que les autres, et je suis très disposé à aller vers lui, parce qu’il ne vient pas vers moi avec ces torsions de croupe respectueuses qu’ont les quêteurs d’articles qui veulent qu’on en mette dans leur chapeau… C’est précisément ce qui m’a fait aller à M.  […] Le sténographe, — ce produit moderne d’un temps mécanique, où l’homme n’est plus que la machinette d’un métier, — le sténographe, qui ne prend la responsabilité de rien de ce qu’il écrit, est tellement développé chez M.  […] Félix Rocquain est un esprit de ce temps, de ce temps sceptique et lassé, qui n’a plus d’enthousiasme même pour le mal qu’il fait cependant ; qui n’a pas plus de flamme infernale que de flamme divine ! L’auteur de L’Esprit révolutionnaire est révolutionnaire, mais modéré, mais discret, mais pudibond, et cette manière dont il l’est ne déplaira peut-être pas trop à ce temps, qui est bien capable de lui faire un succès auquel je n’ai pas beaucoup travaillé aujourd’hui. […] Le temps est venu des sténographes, même en Histoire !

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