Dans tous les hauts lieux, on rendit culte et hommage à Charles et à Jacques, à Bélial et à Moloch ; et l’Angleterre apaisa ces obscènes et cruelles idoles avec le sang des meilleurs et des plus braves de ses enfants. […] Aussi, lorsque les grands orateurs consentent à écrire, ils sont les plus puissants des écrivains ; ils rendent la philosophie populaire ; ils font monter tous les esprits d’un étage, et semblent agrandir l’intelligence du genre humain. […] C’est pourquoi si l’on veut bien prouver, on doit avant tout présenter ces spécimens, insister sur eux, les rendre visibles et tangibles au lecteur autant qu’on le peut avec des mots. […] Le progrès de la civilisation qui a changé tant de landes incultes en champs dorés de moissons, ou égayés par les fleurs des pommiers, n’a fait que rendre Glencoe plus désolée. […] Mais la vertu elle-même contribue à la chute de celui qui croit pouvoir, en violant quelque règle morale importante, rendre un grand service à une Église, à un État, à l’humanité.
On sait bien que si les hommes pouvaient à tout moment lire les pensées des autres hommes, la vie serait rendue impossible. […] Dans bien des cas, elle constitue une réponse, un don en paiement d’un autre don de même nature ; un prêté pour un rendu. […] il y aura toute la vie des gens pour se rendre malheureux par l’amour, le scrupule, que sais-je ? […] Inutile d’insister, je pense, sur le service que cela rendrait aux jeunes. […] J’ai expliqué dans l’Introduction de ce petit livre quels sont les services réels qu’ont rendus et que rendent toujours, par de nombreux aspects de leur activité, les libraires marchands d’autographes.
Malot, « d’assurer la perpétuité de la famille et de rendre à jamais votre mari heureux ». […] L’avenir, à ce que j’imagine, ne rendra pas plus un Victor Hugo responsable de M. Vacquerie que nous n’avons rendu Rodogune responsable de Rhadamiste, ou Racine de Campistron. […] le bourgeois vous l’a rendu cruellement le jour qu’il vous inspira l’Éducation sentimentale. […] Chaque coup d’œil, chaque coup de pinceau : la correspondance est entière entre l’impression du sens et la fidélité du rendu.
Celui-ci, au moment de l’expédition, était jeune, dans la fleur de l’espérance et de la confiance première ; et lorsque plus tard, parvenu à l’âge le plus avancé, il retraçait ses souvenirs chéris, il était dans son beau châtel de Joinville, entouré des objets de ses affections et de tout ce qui pouvait lui rendre le sourire. […] Sentiment du départ, naturel à l’homme, que chaque génération mêlée à une belle entreprise éprouve à son tour, et que chaque historien s’essaye à rendre ! […] Mais voilà qu’en route, vers la hauteur du cap Malée, la flotte magnifique rencontre tout à point deux vaisseaux chargés de chevaliers et de gens de pied, qui étaient de ceux qui avaient précédemment faussé compagnie, et qui au lieu de venir, comme c’était convenu, au rendez-vous de Venise, s’étaient petitement embarqués à Marseille, étaient allés en toute hâte en Syrie, n’y avaient fait que maigre besogne, et s’en revenaient dégagés de leur vœu à la rigueur, mais chétifs et confus. […] Il y a, dans ce récit de Nicétas, une parole d’estime pour Villehardouin, et je suis assuré que, s’il avait eu à parler de Nicétas à son tour, Villehardouin la lui aurait également rendue. […] Il y a dans cette chronique deux portions assez distinctes, celle qui expose les préparatifs et les détails de la conquête, et celle qui succède et qui nous rend la prise de possession dans ses conséquences.
Thiers un historien qui parle au cœur de la France, de lui rendre une fois encore ce témoignage au terme de sa plus belle production. […] Sans s’arrêter à des sièges, tournant nos défenses, elles se sont donné rendez-vous sur la Haute-Marne, entre Chaumont et Langres, d’où, réunies, elles doivent se porter en masse vers Paris, droit au cœur et à la tête de l’Empire. […] Au milieu des plus formidables difficultés et dans une situation extrême, la netteté des vues, leur promptitude, leur multiplicité (chaque jour et chaque heure en demandant de nouvelles), l’à-propos et la perfection de l’exécution avec des moyens tels quels, tronqués et insuffisants ; le nerf et la vigueur dans leur dernière précision, une célérité qui suppléait au nombre ; une vigilance de tous les instants ; l’infatigable prodigalité de lui-même ; non seulement la constance, cette vertu des forts, mais l’espérance, ce rayon de la jeunesse, tout cela lui était, je ne dirai pas revenu (car tout cela appartenait de tout temps à sa nature), mais rendu au complet et à la fois, s’était renouvelé, réexcité en lui, et se couronnait d’une suprême flamme. […] Les jours suivants promettent plus encore, et Napoléon va leur faire rendre ce qu’ils promettaient. […] Il reprend l’offensive sur cette autre ligne le 17 (à Nangis, trois jours après Vauchamps), et le 18 se livre le combat de Montereau, dont une lenteur de Victor rendra le résultat incomplet, mais qui couronne si glorieusement ces huit jours de prodiges.
Ces moqueries lui sortent d’abondance de cœur et se versent sur des classes entières, qui ont leurs infirmités sans doute et leurs ridicules, mais qui pourraient le rendre à la communion adverse. […] Le premier livre qui le tira de ce pêle-mêle, en lui donnant un terme de comparaison, et qui l’initia à la littérature classique, ce fut Gil Blas, qu’il vit entre les mains d’un ami ; le livre, à peine lu, le dégoûta à l’instant « de la faconde moderne, du roman d’intrigue, du roman de thèse, du roman de passion, et de tout cet absurde et de toute cette emphase qu’il avait tant aimés. » Ce prompt effet du naturel et du simple sur un esprit ferme et né pour le bon style est rendu à merveille. […] Veuillot rend et copie mieux. […] Ce M. de Valère, dévot et ambitieux à la fois, est peu attrayant, et les échantillons que j’ai rencontrés de cette forme de jeunes hommes politiques ne me la rendent pas plus acceptable. […] Est-il possible, en insistant avec vigueur, amertumeet satire (si surtout on en a le goût et le talent, si laverve vous pousse, si les doigts vous démangent sanscesse, si l’on porte jusque dans l’Univers beaucoup de son tempérament de Chignac), — est-il possible, dis-je, en arrangeant, ainsi son monde, de ne pas produire uneffet tout contraire à celui qu’on prétend chercher, dene pas instituer un combat à outrance, de ne pas rendre bientôt odieuses et la personne même de l’attaquant etjusqu’aux doctrines ?
Le général de Flers, nommé ensuite général en chef, était un homme de trente-six ans, de naissance noble, qui avait servi sous Dumouriez, et que recommandait l’honorable capitulation de Bréda ; ami de la Révolution, mais froid, renfermé en lui-même, et déjà débordé, il n’eut que le temps de rendre à l’armée qui s’essayait un éminent service ; puis, destitué, dénoncé comme traître, il alla périr à Paris sur l’échafaud. […] » De Flers rendit alors à cette armée, démoralisée en quelque sorte avant de naître, le seul service qu’il pût rendre : il profita des lenteurs du général espagnol pour former un camp retranché sous Perpignan, et pour y exercer, pour y aguerrir peu à peu les bataillons de volontaires. […] Puycerda, évacué par les troupes ennemies, reçoit avec joie les Français : « Pour reconnaître ce bon accueil, pour discréditer, autant que possible, les calomnies que les moines espagnols ne cessaient d’exhaler contre nous, et donner en même temps aux Catalans un gage de notre respect pour le culte catholique, le premier soin du représentant fut d’aller, accompagné du général d’Arbonneau, à l’église principale, rendre grâces à Dieu du succès de nos armes. » Honneur à ce représentant Cassanyes pour cet acte de civilisation et de bon sens ! […] Fabre, qui ne doutait de rien, ayant gravement annoncé qu’il était prêt à accorder une amnistie aux Espagnols s’ils nous rendaient Bellegarde : « A votre place, répliqua Dagobert, je leur demanderais Barcelone.
En-me permettant de parler ici avec quelque étendue d’un savant illustre, et autrement encore que pour lui rendre un pur et simple hommage, en essayant d’indiquer à l’aide de témoignages recueillis, et par le peu que j’ai pu moi-même observer, sa vraie portée et sa mesure, j’ai besoin qu’on ne se méprenne pas un instant sur ma pensée. […] Nous n’aurions qu’à invoquer les services si éminents et si patriotiques rendus par la science pendant la Révolution, et que M. […] Il ne cessa d’être contraire à demi-voix à l’influence d’Arago au sein de l’Académie, aux innovations qui tendaient à faire de plus en plus large la part du public, à la divulgation régulière et prompte des discussions et des travaux, telles que l’ont établie les Comptes rendus hebdomadaires des séances. […] Biot a pris tous ses avantages en discutant cette question de publicité pour l’Académie des Sciences l’y remarque des appréciations très exactes et très bien rendues sur les mérites inégaux et divers de Delambre, de Cuvier et de Fourier, à titre de secrétaires perpétuels. […] C’est, on le devine, même quand M. l’abbé Moigno ne nous l’aurait pas appris (n° du Cosmos du 7 février 1862), c’est que le vieillard avait changé, c’est qu’il avait remis depuis des années sa conscience en des mains pieuses, mais en des mains étrangères ; c’est que le Père de Ravignan ou le Père de Pontlevoy, cités avec éloge à un endroit du travail, avaient passé par là, et qu’il y a un petit souffle imperceptible venu du Vatican ou du voisinage, qu’on ne voit pas, mais qu’on sent, et qui, dans ce compte rendu du procès de Galilée, est bien capable à la fin d’irriter les âmes non patelines et grossièrement généreuses14.
L’exactitude du compte rendu et le soin des informations s’y joignent à la justesse des idées, à la rectitude des jugements, à la sobre fermeté du langage. […] On avait eu soin de le faire tonsurer dans le temps où il avait reçu la confirmation, à l’âge de dix ans : cette tonsure le rendait apte à obtenir des bénéfices. […] C’est par un effet de cette même habitude d’ordre et de comptabilité privée, qu’au milieu des affaires les plus suivies de son intendance de Montauban, il songeait encore à noter sur un petit papier : « 1679, tel mois, j’ai prêté cinq louis d’or à M. le duc d’Elbeuf, qu’il ne m’a pas rendus. » Le bourgeois Foucault tient de son père d’être exact et strict en tout. […] Puis, à côté de l’appât, les privations : on retranchait les protestants de toutes les charges, même municipales, des villes : « J’ai reçu (janvier 1679) un arrêt du Conseil qui exclut les habitants de la Religion prétendue réformée des charges politiques de la ville de Montauban, et ai proposé à la Cour d’en rendre un pareil pour toutes les autres villes. » Foucault aura souvent de ces propositions-là ; il aime à devancer la Cour, dans le sens de la Cour. […] Foucault n’y mettait pas tant d’art et de malice ; il ne se rendait pas bien compte à lui-même de sa double réputation, de sa double carrière.
Tous ces récits étaient fort bien rendus et mimés, d’une voix quelque peu forte et robuste, par un homme de haute stature et en qui un filet de l’ironie paternelle se faisait encore sentir ; mais cette ironie n’était plus la source même et ne venait que par une sorte de transmission et d’habitude : elle était de souvenir plus que d’inspiration et de jet. […] Les coupures mêmes qu’on y a faites dans les parties intermédiaires, et qui rendent les oppositions très tranchées, prêtent à l’ensemble du livre une apparence d’art qui était sans doute fort étrangère à l’intention de l’auteur. […] On regrette même pour lui, ce semble, qu’il n’ait pas été entraîné par un sentiment quelconque, et qu’après tous les services qu’il avait déjà rendus à Mme de Lamotte il lui ait refusé ce dernier bon office d’être son conseil et son avocat à l’heure de l’emprisonnement. […] Il est homme de bonne compagnie dans ses portraits et dans les scènes légèrement comiques qu’il nous rend présentes. […] Beugnot passa donc presque tout le temps de la seconde Restauration, et en dépit des services qu’il avait rendus dans les premiers jours, à l’état d’homme mis de côté et de demi-mécontent ; quand il se lassa d’être député, il eut à attendre pendant des années son siège à la Chambre des pairs.
Né le 2 février 1754, en plein XVIIIe siècle, d’une des plus vieilles familles de la monarchie, fils aîné d’un père au service et d’une mère attachée à la cour, Charles-Maurice de Talleyrand, entièrement négligé de ses parents dès sa naissance et qui, disait-il, « n’avait jamais couché sous le même toit que ses père et mère », éprouva au berceau un accident qui le rendit boiteux. […] Quoi qu’il en soit, la part considérable que M. de Talleyrand avait prise non seulement aux actes du clergé, ou concernant le clergé, mais encore aux importantes questions de finance et aux travaux du comité de Constitution, l’esprit de décision et de vigueur dont il avait fait preuve, non moins que le tour habile et mesuré de sa parole, le désignèrent au choix de l’Assemblée pour être son organe dans le manifeste ou compte rendu de sa conduite, qu’elle jugea à propos d’adresser à la nation en février 1790. […] Sur quoi Talleyrand sans marchander se rend chez l’évêque de Babylone, et lui fait une fausse confidence : il lui dit que leur confrère Gobel est lui-même sur le point de les abandonner, que pour lui il sait trop à quoi cela les expose ; que sa résolution est prise, et qu’au lieu de risquer d’être lapidé par la populace, il aime encore mieux se tuer lui-même si l’un des deux vient à le lâcher. […] On a besoin de l’éloignement et de ne considérer avec sir Henry Bulwer que les principaux actes de la ligne politique de M. de Talleyrand à cette époque, pour rendre la justice qui est due à sa netteté de vues et à sa clairvoyance. […] Mais vingt mois plus tard, quand il y eut jour à rentrer en France, Marie-Joseph Chénier, à l’instigation de Mme de Staël14, sollicita de la Convention le rappel de Talleyrand, et il le fit en ces termes : « Nos divers ministères à Londres attestent la bonne conduite qu’il a tenue et les services qu’il a rendus.
Quant à moi, n’est-ce rien que d’avoir été sauvé des dernières extrémités et d’être parvenu jusqu’à ce jour sans flatteries, sans bassesses, sans dépendance, même en général, et sans dettes, ayant reçu des services, mais en ayant rendu, ayant des amis (et choisis) et n’ayant eu ni chefs ni maîtres ; n’ayant pu, il est vrai, remplir ma destination, mais enfin n’ayant rien fait qui en soit précisément indigne ; connu d’un très-petit nombre (ce qui est fort selon mes goûts), mais un peu aimé ou estimé, un peu triste sur la terre et humilié de mes faiblesses, mais sans remords et sans déshonneur, très-mécontent de moi et déplorant le cours rapide d’une vie si mal employée, mais n’ayant point à la maudire ? […] Le défaut de force dans les membres, l’impossibilité de dire : « Je vivrai dans toutes les situations où un homme peut vivre ; » cet assujettissement joint à l’immense difficulté de soutenir une femme, des enfants, sans revenus fixes, sans autres moyens que des débris à recueillir à des époques inconnues, sans état (même très-longtemps sans papiers et sans droits de citoyen), sans dettes, sans aucune intrigue, surtout aussi avec le sort contre soi, avec ce qu’on appelle du malheur (excepté la faveur marquée du sort en 1798 et en quelques autres circonstances rares), tout cela a rendu ma vie morale laborieuse et triste. […] Il en est ainsi de la privation des bras ; cette faiblesse a bien d’autres effets que d’empêcher de faire certains mouvements et de rendre difficiles ou embarrassantes les moindres actions de la vie commune, ce qui serait déjà un mal bien triste par sa continuité ; cette faiblesse ôte toute confiance dans l’avenir, entrave la vie entière, borne toute perspective, assujettit à cent besoins qu’on eût méprisés et, à la place d’un rôle d’homme, vous jette dans une dépendance aussi grande que celle des femmes. […] Son économie lui permet de se conduire avec ses amis selon sa manière de voir en cela, quand les circonstances le demandent ; et ses simples connaissances le trouvent prompt à rendre… » (Ici une lacune.) […] Cependant il s’est trouvé que bientôt après M. de Chateaubriand, qui avait vu l’Amérique, a écrit éloquemment dans ce genre ; Mmede Staël paraît avoir aussi senti l’étendue de nos pertes, mais la société a détourné ses idées ; l’intention de jouer un rôle absorbe toutes celles de M. de Chateaubriand : le dénûment rendra les miennes inutiles. « C’est ainsi que dans tous les genres tout reste à recommencer sur la terre. » Une partie de ces remarques a pu être imprimée déjà, mais on a ici la pensée au complet et dans toute sa sincérité.
Un jeune homme s’approche et s’informe au vieillard Comment en Méonie on attelait le char ; Tout bas la jeune fille en rougissant demande Ce qui rendait Vénus favorable à l’offrande ; Si l’épouse d’Hector portait de longs manteaux ; Si dans Milet déjà l’on tissait les plus beaux ; Où Briséis posait l’agrafe de son voile, Et si de Pénéloppe il avait vu la toile. […] Ces vers qui, en somme, rendent plusieurs des qualités éminentes de la poésie moderne et n’en ont que les défauts modérés ; ces vers qui, bien que venus tard, se rattachent au beau moment de l’école, à son berceau même, et nous reportent à bien des années en deçà, nous sont une occasion peut-être assez naturelle d’en repasser d’un coup d’œil toute la carrière. […] on peut l’accorder ; assez d’échecs et d’ombres tempèrent son triomphe, et en doivent rendre le Te Deum modeste. […] On a réussi dans le lyrique, c’est-à-dire dans l’ode, dans la méditation, dans l’élégie, dans la fantaisie, dans le roman même, en tant qu’il est lyrique aussi et individuel, je dirai plus, en tant qu’il rend l’âme d’une époque, d’un pays : mais ceci s’éloigne. […] Je crois avoir rendu ailleurs ample justice au talent de M. de Musset, mais il ne me semble pas, malgré tout, que situation soit telle encore, et j’ajouterai que c’est peut-être parce qu’il ne l’a pas voulu.
On reviendra, si je ne me trompe, à ces femmes du xvie siècle, à ces contemporaines des trois Marguerite, et qui savaient si bien mener de front les affaires, la conversation et les plaisirs : « J’ai souvent entendu des femmes du premier rang parler, disserter avec aisance, avec élégance, des matières les plus graves, de morale, de politique, de physique. » C’est là le témoignage que déjà rendait aux femmes françaises un Allemand tout émerveillé, qui a écrit son itinéraire en latin, et à une date (1616) où l’hôtel Rambouillet ne pouvait avoir encore produit ses résultats253. […] Et quel livre réussit mieux que celui de Mme de Staal à rendre exactement cette parfaite et souvent cruelle justesse d’observation, ce sentiment inexorable de la réalité ? […] Frappé vivement des objets, il les rend comme la glace d’un miroir les réfléchit, sans ajouter, sans omettre, sans rien changer. » Selon moi pourtant, la comparaison du miroir ne grave pas assez pour ce qui est de Mlle Delaunay ; le trait des objets, dès qu’elle les a réfléchis, reste comme passé à une légère eau-forte. […] Elle n’a point été aimée de qui elle aurait voulu, elle n’a pas eu sa jeunesse remplie à souhait, elle a souffert : beaucoup d’autres sont ainsi, mais elle a eu avec les années la satisfaction de la pensée et les jouissances réfléchies de l’observation ; elle a vu juste, et il lui a été donné de le rendre. […] Cependant les sujétions, les dégoûts auprès d’une princesse dont les caprices ne s’embellissent pas en vieillissant, rendent insupportable un lien qu’on ne parvient point à briser ; il faut traîner jusqu’au bout sa chaîne.
Mais nous faisons une vie qui m’ôte toute espérance de pouvoir vous donner un rendez-vous sûr, car madame rie Montespan sort depuis le matin jusqu’au soir, et n’a gardé la chambre qu’un seul jour, et je n’en fus pas avertie. […] Il se rendit au-devant du roi, à huit lieues de Versailles, et parut devant lui. […] Elle était l’objet des secrètes et tendres sollicitations du roi et ne voulait pas y répondre ; et madame de Montespan était de nouveau rendue aux habitudes de ce prince, pour qui le plaisir était un besoin. […] C’est cette mélancolie qui lui rendait insupportables des empressements adressés à sa faveur apparente ; c’est cette sorte de tristesse que madame de Coulanges, femme spirituelle, mais légère et vaniteuse, prenait pour un refroidissement opéré par une fortune inespérée. […] Il lui prodigue l’argent, elle rend son habitation digne de le recevoir ; les amants sont réconciliés avant de se revoir.
Déplacer quelques mystères qui semblaient extérieurs et transcendants pour les rendre immanents à l’homme ; transformer du mystère métaphysique en mystère psychologique ; ramener nos yeux du macrocosme vers le microcosme : c’est, à de certaines époques, l’œuvre nécessaire du philosophe. […] Après l’idéalisme de Malebranche, de Berkeley et de Spinoza, après les discussions de Clarke et de Newton sur l’espace et le temps, Kant arrache aux ténèbres extérieures pour les rendre à notre esprit le temps et l’espace. […] Ses halètements démentiels, rendent incertaines, hésitantes, contradictoires, nos actions. […] Quand il nous rend ainsi « simultanés » pour un instant, notre premier mouvement est une révolte, non contre nous, mais contre lui. […] Cet amoureux des résultats se désole du néant des résultats : « La dramatique histoire des luttes philosophiques n’est pas sans laisser une impression pénible : on croirait voir des ouvriers battant à coups redoublés une muraille, dont aucune parcelle ne se détache, et qui ne rend que du bruit sous le marteau. » Les pauvres ouvriers, en effet, qui attachent à leurs membres naturellement si lourds l’écrasement du plomb baconien et qui essaient de « penser le monde » suivant des méthodes faites pour saisir de tout petits détails indifférents !
Il est de toute évidence que la philosophie est nécessaire à l’historien de la philosophie, car, pour comprendre les systèmes, il faut avoir approfondi la science elle-même, et l’érudition ne suffît pas ; mais une intervention indiscrète et exagérée de la philosophie dans l’histoire elle-même a un double inconvénient : le premier, c’est de fausser les systèmes, le second, c’est de rendre l’histoire inutile. […] Le second défaut de cette méthode, avons-nous dit, est de rendre l’histoire inutile. […] Ce qui l’a rendue impopulaire en grande partie, c’est qu’on a cru qu’elle voulait se substituer à la philosophie elle-même, qu’elle était un moyen de contrarier et d’éteindre la liberté et le progrès de l’esprit humain. […] En distinguant comme il convient la philosophie et l’histoire, on rend à chacune d’elles son indépendance et sa fécondité. […] Cousin, émule de Schleiermacher, voulut faire pour notre pays ce que celui-ci avait fait pour le sien, nous retremper à la grande source de la philosophie antique et nous rendre l’intelligence du passé en nous mettant en commerce intime avec le plus illustre de ses représentants.
Les vers de son Poëme sont hérissés de termes techniques qui en rendent la lecture pénible. […] L’Auteur auroit dû les entremêler de plus d’images, multiplier, plus qu’il n’a fait, les leçons générales, y placer avec choix des beautés accessoires ; par-là il auroit rendu son Ouvrage aussi agréable qu’il est utile.
Ceux qui ont suivi depuis la même carriere, & qui se font un point d’honneur de le mépriser, ont oublié, sans doute, que les premiers pas, en tout genre, sont ceux qui coutent le plus, & qu’une route non frayée rend toujours les progrès plus difficiles. […] Malgré sa sécheresse, il est communément exact & fidele à rendre non seulement le sens, mais tous les mots de la phrase ; & c’est toujours beaucoup de trouver de bons matériaux, qu’il ne s’agit plus que de mettre en œuvre & d’embellir.
Ce mot n’a peut-être pas encore été dit, mais il rend bien et si bien, qu’on prendrait cette composition pour un lambeau d’une belle toison de brebis, bien propre, bien jaunâtre, dont les poils entremêlés ont formé par hasard des guirlandes d’enfans. Les nuages répandus entre eux sont pareillement jaunâtres et achèvent de rendre la comparaison exacte.
Nisard, l’un de nos amis, et, s’il nous permet de le dire, notre rival en plus d’une rencontre, qui nous a témoigné souvent dans ses écrits une faveur de louange (ou de clémence après l’attaque) que nous ne lui avons pas assez rendue, que nous craignons de ne pas assez lui rendre aujourd’hui encore. […] Nisard en a été désormais bien dessinée ; tous ses travaux, depuis, n’ont fait qu’y ajouter et la rendre plus respectable ; il y est assis, il s’y appuie en toutes choses, il s’en prévaut ; il le sait, et il le donne à connaître ; et lui-même, en tête de je ne sais plus quel article écrit vers le temps de sa polémique, il a naïvement exprimé cette satisfaction intime qu’on éprouve, lorsque, après des tâtonnements, ayant enfin trouvé sa voie, on s’assied sur une borne un moment, et qu’on parcourt du regard, derrière et en avant, sa belle carrière, prêt à repartir. […] Nous avions cru toujours que c’était rendre plus d’hommage au grand style de Chactas, que de l’admirer plus librement. […] Qu’au moins un jour arrive où l’œuvre de Carrel recueillie vienne rendre sur lui et sur sa vraie forme de pensée, pour qui la voudra étudier de près, un durable et authentique témoignage ! […] Dans cette Thebaide même si peu attrayante, au livre A, j’aimerais, par exemple, à détacher l’épisode de Dymas et Hopleus, ces deux jeunes amis pieux, surpris et succombant lorsqu’ils vont rendre de nuit sur le champ de bataille les devoirs funèbres au corps de leur roi, et auxquels le poëte promet quelque chose de l’immortalité d’Euryale et de Nisus : Vos quoque saerati, quamvis mea carmina-surgant Inferiore lyra, memores superabitis annos.
Ainsi, en ces deux années, à force de parler pour, contre et sur, on avait tant fait de tous les côtés qu’on avait rendu Pascal problématique ; restait à savoir si on pourrait le remettre sur pied. […] Et puis il faut voir que le mouvement se préparait depuis quelques années : le petit nombre de libraires qui appartiennent à ce qu’on a droit encore d’appeler la librairie savante ont remarqué à quel point les amateurs se sont mis à rechercher les éditions originales de nos auteurs, ces éditions premières incomplètes à quelques égards, mais qui livrent le texte à sa source et rendent l’écrivain dans sa juste physionomie. […] Faugère fit le voyage de Clermont, et de là se rendit à la campagne où vivait M. […] Au fait, on peut parler hardiment, aujourd’hui qu’un texte solide nous est rendu sur lequel nous avons pied ; on le pouvait même auparavant sans risquer de se compromettre. […] Rendre la religion vénérable et aimable, il y a loin de là à vouloir abêtir, au sens où on l’a pris.
J’aime beaucoup moins le Cléveland que les Mémoires d’un Homme de qualité : dans le temps on avait peut-être un autre avis ; aujourd’hui les invraisemblances et les chimères en rendent la lecture presque aussi fade que celle d’Amadis. […] Ce genre de vie, auquel il est si peu propre, l’engage au milieu des situations les plus amusantes pour nous, sinon pour lui, comme dans cette scène de boudoir où la coquette essaye de le séduire, ou bien lorsque, remplissant un rôle de femme dans un rendez-vous de nuit, il reçoit, à son corps défendant, les baisers passionnés de l’amant qui n’y voit goutte. […] Je trouve, dans le nombre 36, tome III, un compte rendu de Manon Lescaut qui se termine ainsi : « … Quel art n’a-t-il pas fallu pour intéresser le lecteur et lui inspirer de la compassion par rapport aux funestes disgrâces qui arrivent à cette fille corrompue ! […] Prévost vivait ainsi, heureux d’une étude facile, d’un monde choisi et du calme des sens, quand un léger service de correction de feuilles rendu à un chroniqueur satirique le compromit sans qu’il y eût songé, et l’envoya encore faire un tour à Bruxelles. […] Il s’y rendait un jour seul par la forêt (23 novembre 1763), quand une soudaine attaque d’apoplexie l’étendit à terre sans connaissance.
sous son ombre propice, la lyre de Phœbus rendait des sons plus touchants, la voix du poëte se modulait en accents plus remplis de charme. […] Puis vint Louis XIV, qui lui rendit le caractère fanatique et somptueux de la Gaule et de l’Espagne. […] La fréquentation des hommes littéraires, l’accueil fait aux étrangers illustres de la Grèce, l’hospitalité européenne, la protection des lettres antiques, la fondation des académies, la gloire de son immense commerce, la culture utile de ses domaines rustiques à Careggi et ailleurs le rendaient l’égal des paysans toscans comme des princes de l’Europe. […] Il le pria d’abord de l’excuser de lui avoir donné cette peine et de la mettre sur le compte de l’affection et de la bienveillance qu’il avait pour lui ; qu’il rendrait plus volontiers l’âme s’il avait d’abord rassasié ses yeux mourants de la vue d’un ami qui lui était si cher. […] Son art et ses ordonnances lui ayant fait défaut, il en fut désespéré, se jeta dans un puits, et médecin, si vous regardez au mot, il rendit sa part d’honneurs au chef de la famille des Médicis.
Grand redresseur des petits abus, protecteur des petits fonctionnaires, terreur des administrations et des Compagnies, hygiéniste convaincu, épris avant tout d’utilité, capable de s’intéresser à, tout ce qui touche à notre « guenille », vivant bien sur la terre et aimant y vivre, pareil en cela à ses ancêtres du XVIIIe siècle dont il a l’ardeur d’humanité et l’activité d’esprit — moins la sensiblerie et les illusions que de questions n’a-t-il pas remuées et que de services n’a-t-il pas rendus ou voulu rendre ! […] Et ce sont les différences de ce genre qui rendent notre âge si divertissant. […] Et pour nous les suggérer, pour nous les rendre vraisemblables, le romancier a tout son temps : il nous explique les choses à loisir, comme il veut, aussi longuement qu’il veut. […] Par suite, une situation initiale étant donnée, il ne souffre pas que les plus importantes des scènes qu’elle rend probables lui soient escamotées. […] Il ne se tient pas de joie quand un dramaturge le « met dedans », ne s’apercevant pas que l’expression même qu’il emploie rend l’éloge douteux. « Sophocle nous trompe, il nous met dedans.
Ce qui nous la rend attrayante, c’est l’appel de l’instinct. […] Les nouveaux venus auront un sens plus sûr des réalités et cesseront de rendre la femme responsable de leurs propres vices. […] Jean Ajalbert nous montre, dans l’un de ses romans, un amant s’éloignant de sa maîtresse, qui implore un rendez-vous, avec ces simples mots : « Je t’écrirai ! […] Mais, dans son pur dédain, il l’a bientôt par tels Insolites secrets, à son néant rendu. […] L’Amour est un félin domestique en liberté : la contrainte le rend féroce.
Au contraire, on les regarde comme les gens qui rendent la santé, qui inoculent la raison ; on les écoute comme des Discoureurs qui amusent ; on les glorifie comme des Astres qui éclairent les Nations, sans s’appercevoir que l’influence de ces Astres noircit, desseche, corrompt & brûle partout où elle se fait sentir. […] Les Anglois, dans le plus fort accès d’antipathie dont on les accuse à notre égard, auroient-ils jamais dit, oseroient-ils même dire, à présent que nous sommes en guerre ouverte avec eux : Ce n’est plus sous le nom de François que ce Peuple pourra de nouveau se rendre célebre : cette Nation avilie est aujourd’hui le mépris de l’Europe. Nulle crise salutaire ne lui rendra la liberté ; c’est par la consomption qu’elle périra * De l’Hom. de ses facult. […] Peu contenus d’avoir travaillé à la rendre plus malheureuse, en tâchant de briser les liens qui la soutiennent, & d’anéantir les charmes qui l’attachent à la vie, ils se sont efforcés de la rendre vile & méprisable à ses propres yeux. […] Helvetius, que le souvenir de l’amitié qu’il avoit pour moi me rendra toujours chere, je crois devoir déclarer que je ne le regarde point comme l’Auteur de l’Ouvrage qui m’a fourni cette citation, & qui n’a paru que deux ans après sa mort.
Rendez-vous est pris à la gare. […] C’est à cette fille échevelée qu’il sacrifie sa maîtresse, c’est pour souper avec elle qu’il déserte le rendez-vous promis à sa mère ! […] L’auteur l’a rendu plus inacceptable encore en mêlant des enfants au conflit pénible qu’il a mis en scène. […] Le mariage seul peut réparer le tort fait à l’honneur de mademoiselle Letellier par les galanteries malséantes du jeune Fourchambault ; il lui demande un rendez-vous, Léopold y vient. […] Il montre d’abord le séducteur puni par sa rupture avec la fille qu’il a rendue mère.
Par le moyen de ces secours, réunis à la critique exercée, précise & toujours munie d’autorités ou de preuves, il est parvenu à purger le texte de l’Auteur d’environ deux milles fautes, & de le rendre le plus exact & le plus pur de tous ceux qu’on a donnés jusqu’à présent ; ce qui n’est pas d’un prix médiocre pour les véritables Gens de Lettres. Pour rendre son travail encore plus utile, M. l’Abbé Brotier l’a enrichi de plus de six mille notes, toutes nécessaires pour l’intelligence de l’Ecrivain de l’ancienne Rome le plus rempli de difficultés par la nature de son Ouvrage.
Si l'expression de la sensibilité inépuisable de son cœur paroît quelquefois emprunter le langage de l'esprit, ce n'est que pour produire de ces traits fins & délicats, fruit d'une imagination tendre & vive, & rendus dans un style qui peint & anime tout. Les anecdotes curieuses, les particularités intéressantes, les applications ingénieuses, prennent, sous sa plume, une tournure & des graces qui la rendent le modele & le désespoir de ceux qui voudroient tenter de l'imiter.
Et vraiment nous nous appliquons consciencieusement à la rendre telle. […] Mais il s’est adressé à ma loyauté ; le tromper serait me rendre complice de votre crime. […] Il faut bien que Séméia elle-même se rende à l’évidence. […] Sardou, ni même l’ironie délicieuse de Meilhac ne me la rendront, car tous ensemble ils ne sauraient me rendre mes culottes courtes, ni mon ignorance, ni l’étonnement de mes yeux qui faisaient la découverte de la vie. […] L’atmosphère morale dont le drame doit être enveloppé nous est tout de suite rendue sensible.
Il faut qu’on lui rende sa juste place d’artiste merveilleux et de poëte secondaire.) […] Ils lui ont comme confié ce titre saint, le titre de Poëte, pour lui rendre, dans un autre, l’hommage religieux qu’ils ne pouvaient lui rendre en eux-mêmes et qu’il fallait pour obliger le monde au respect. […] L’aptitude naturelle de la formule naturaliste à rendre le physique, et ce qu’a gardé M. […] Pascal sent crouler sous ses pieds le Temple qu’il défend ; Vigny regarde ces ruines, déclare qu’elles ne rendent pas — elles ne le rendent plus ! […] À ces six derniers Poëtes plutôt rendons-nous un hommage désintéressé.
Il me donnait rendez-vous le matin dans sa chambre pour me lire ses volumes et pour écouter les observations très inexpérimentées que j’aurais à lui faire sur son style. […] Il rêvait un rôle plus conforme à sa stature ; il n’aspirait à rien moins qu’à rendre à son ombre de gouvernement un trône réel sur le continent, per fas et nefas. […] Or, puisqu’à ses propres yeux il était impossible, Napoléon vivant, de rendre Turin, le Piémont et la Savoie au roi de Sardaigne, c’était donc un autre royaume qu’il fallait obtenir de Napoléon en indemnité pour cette cour. […] « Les raisons les plus fortes m’engagent à croire que, si je pouvais aborder Napoléon, j’aurais des moyens d’adoucir le lion et de le rendre plus traitable à l’égard de la maison de Savoie. […] Après les premières révérences, je lui dis que j’étais extrêmement mortifié de ne pouvoir me rendre chez lui, mais que la chose n’était pas possible, vu l’état de guerre qui subsistait en quelque manière entre nos deux souverains.
Les gouverneurs de provinces troquaient leurs légions ou se prêtaient leurs armées, pour se les rendre après le temps voulu par les lois. […] dans quelle maison tu t’es rendu ? […] Je te dis que l’avant-dernière nuit tu te rendis (je te parlerai sans déguisement) dans la maison du sénateur Léca. […] J’ai fermé ma maison à ceux qui, sous prétexte de me rendre leurs devoirs, venaient de ta part pour m’arracher la vie. […] …………… « Les Grecs rendent les honneurs divins à ceux qui tuèrent des tyrans.
Ainsi nulle cause n’est cachée ; le mystère de la volonté divine rend raison de tout. […] Mais les lois du mouvement, quelque exactes qu’elles soient, ne rendent pas raison de tout. […] Tant que l’abeille est dans l’état de ver, elle rend des excréments, mais après cela elle n’en rend plus, à moins qu’elle ne soit pas encore sortie de son enveloppe, comme je l’ai déjà observé. […] C’est là qu’il puise ce sentiment étrange et noble qui se nomme le respect de soi, gage assuré du respect que lui devront et que lui donneront ses semblables et qu’il leur rendra. […] L’homme qui, par la loi morale, a dans ce monde une destinée privilégiée, a donc à rendre un compte de l’emploi qu’il aura fait de cette destinée.
Elle lui a fourni des effets à traduire et à transposer, à rendre intelligibles par des formes verbales. […] George Sand, à Genève, entendant Liszt jouer un rondo intitulé le Contrebandier, tâche de rendre les impressions qu’elle a éprouvées et compose un conte lyrico-fantastique qui porte le même titre126. […] Les épithètes mêmes sont choisies, calculées pour rendre le ton exact d’une nuance. […] Lequel rend alors le plus de services à l’autre, de l’interprète ou de l’auteur du texte ? […] L’hôtel de Rambouillet, avant d’être le rendez-vous de l’aristocratie contemporaine, fut une nouveauté par son ordonnance.
Sa maniere & son style ont su faire goûter aux esprits les plus frivoles une science d’observations, qui n’avoit été négligée, que parce que ses prédécesseurs n’avoient pas eu, comme lui, le talent de la rendre piquante & de l’embellir. Il n’appartient qu’au génie de rendre intéressans les sujets les plus arides par eux-mêmes.
« On se rendit à l’hôtel du Parlement. […] Descartes va nous en rendre raison. […] C’est Alberoni qui proteste, craignant de rendre la reine et lui-même impopulaires. […] C’est le secret de tout rendre vivant et brûlant, même la chronologie, même la bibliographie. […] Cette maladie, que Rousseau rendit générale, mais qui gâte déjà toute l’œuvre de La Chaussée, rend impossible toute étude de l’homme.
Ce ne fut qu’en 1870, quand l’Empire fut tombé, que sa chaire lui fut rendue. […] C’est l’étude des documents qui m’a rendu iconoclaste. […] C’est ce qui rend la lecture de ses livres si bienfaisante. […] Les mathématiques n’ont jamais gardé personne des chimères, et, si elles ont peut-être rendu Michelet plus subtil, elles ne l’ont pas rendu plus logique. […] Qu’elles lui rendent ce culte des morts qui fut sa religion !
Il la rend palpable et audible. […] Il l’a rendue presque inévitable. […] Il reflète tout et rend agrandie l’image qu’il répète. […] Ce don particulier rendait la conversation de M. […] Les chefs-d’œuvre amassés au Louvre le rendent sacré.
En 1843, il se rend à Zurich, où il se mêle aux socialistes. […] Il se rend à Prague et propose l’alliance de tous pour la Révolution sociale. […] Parallèlement à ce souci de rendu direct, les réalistes — M. […] Le Blond rend encore un bel hommage à Verlaine. […] Puis il n’aimait pas à rendre les soufflets qu’on lui appliquait.
Un secours inespéré vint leur rendre courage. […] Il proposa tout de suite de nous rendre dans une cahute qui se trouvait dans le voisinage, pour y procurer quelque soulagement à ma malheureuse compagne. […] Artiste réfléchi, il connaît ses facultés, il évite autant que possible de leur demander ce qu’elles ne peuvent rendre. […] Ils rendent tel ou tel morceau fatigant à lire, mais ils ne nuisent pas trop à l’effet d’ensemble d’une œuvre déjà assez considérable. […] Qui parmi eux s’est rendu vraiment utile à ses semblables ?
« Après avoir laissé prendre un peu d’avance à ses corps d’armée, Napoléon partit, le 24 octobre, pour se rendre à Potsdam. […] Un ciel gris, fondant par intervalles en une neige épaisse ajoutait sa tristesse à celle des lieux, tristesse qui saisit les yeux et les cœurs dès que la naissance du jour, très tardive en cette saison, eut rendu les objets visibles. […] La bataille savante de Friedland lui rend son ascendant sur le jeune empereur de Russie, Alexandre. […] L’indignation rendit à un peuple en décadence l’énergie qui retrempe les nationalités, et la victoire du droit national qui fait triompher l’âme et le sol d’un peuple des embûches des diplomates et des armées des conquérants. […] Le maréchal Bessières, le major général Berthier, quelques chefs de corps, le maréchal Davout, venu en bateau de la rive droite, étaient réunis à ce rendez-vous assigné au bord du Danube, au milieu des débris de cette sinistre journée.
A présent donc il cherche partout ce fils qui lui a rendu l’honneur et qu’il a hâte d’embrasser. […] Ce que je vous devais, je vous l’ai bien rendu ! […] Qui t’a rendu si faible ? ou qui le rend si fort ? […] Je m’y rendrai sur l’heure, et vais l’attendre.
Non seulement pour les livres, mais pour les comptes rendus des pièces de théâtre, des séances de l’Académie, on était sûr d’avoir de lui une critique fine, non pédante, bien informée, ou le blâme et l’éloge étaient distribués avec une parfaite mesure. […] Quand il allait dans le monde, il ne sortait qu’après lui avoir rendu ces derniers devoirs de la journée et lui avoir donné le bonsoir filial, et il n’avait pas moins de trente-cinq ans alors. […] Rien ne rend mieux le surcroît et le tumulte de sentiments qu’éprouvait sincèrement alors toute une jeunesse espérante et enthousiaste, de celle même qui n’avait pas de parti pris et qui n’était pas enrôlée. […] Il dut attendre encore deux ans avant que cette justice lui fût rendue (1832). […] Puissent tous ceux qui lui emprunteront lui rendre la justice qui lui est due !
Mais peut-on admettre, d’ailleurs, que le poète qui a pu faire les vers de Childe Harold soit en même temps assez absurde et assez aveugle à toute évidence pour ne pas rendre une éminente justice à ce que tout le monde entier reconnaît et admire ? […] Après ma convalescence, je rendis ces visites ; M. […] Pour rendre cet effet aussi agréable qu’il était puissant, il fallait que l’artiste ajoutât à l’intelligence la suprême beauté, afin que l’imagination ravie ne pût pas rêver plus beau que l’image reproduite à ses yeux. […] De là, je me rendis à Lucques par une route entrecoupée de riants villages où les pampres déjà jaunissants, suspendus en guirlandes, semaient les bords des fossés de feuilles de vigne et d’oliviers. […] L’enfant, en remuant ses petites mains du fond de son berceau, toucha par hasard l’outre dégonflée de la zampogna, où dormait un reste de vent de l’haleine de son père ; la musette rendit un petit son, comme la touche d’un clavier sur lequel un oiseau familier se perche par hasard en voltigeant libre dans la chambre d’une jeune fille.
Il ne dissimulait pas ses efforts pour rendre à ces poésies de famille, obscurcies par la vétusté de la langue romane et par l’obscurité des termes, la clarté et la fraîcheur du langage moderne. […] J’eusse bien voulu le rendre plus complet ; mais, reléguée en ce triste séjour, si voisin de ma douce patrie, vainement j’ai revendiqué ces trésors de génie que mon enfance dévorait, qu’une main chère et jalouse m’arrache, et dont j’espérai si longtemps d’hériter. […] Et, pour te rendre à luy, quand faudroit d’ung prodige, L’attends du ciel en ce commun desroy. […] que vous rende les armes, « Beaulx yeux, tandiz qu’estes d’ombres couverts, « Ainsy fermés, se ne tiens à vos charmes, « Que feriez donc s’estiez possible ouverts ? […] n’oyez quel son rendent échoz de France, « Rien n’est tel qu’un héroz soubz la pourpre des roys !
Quarante ans plus tard, au moment de rendre le dernier soupir, il achevait à peine son histoire. […] Or l’invention du style doit être spontanée, sous peine de ne rien valoir, les images doivent naître avec la pensée et ne point venir en étrangères et à sa suite pour la rendre pompeuse. […] Ceux-là sont des écrivains nés ; ceux-là ont écrit parce que l’ivresse des choses qui était en eux les rendait généreux et avides de se prodiguer, parce qu’ils avaient à faire part à tous de leur joie. […] Il y a dix, vingt, trente esprits par le monde que Nietzsche peut rendre heureux, qui trouveront en lui encouragement pour leurs propres pensées, et une consolation de leur solitude spirituelle. […] L’homme bas ne voit pas les liens qui l’unissent aux autres êtres, il agit pour lui-même ; seulement, autrefois, il y avait une vieille morale qui lui faisait honte de sa vilenie, et parfois l’orgueil le rendait humain.
La légende seule rend une action hautement musicale en la réduisant au caractère humain le plus essentiel. […] Tristan le combat et le tue ; mais, ayant reçu dans la cuisse un dard empoisonné et ne trouvant pas en Cornouailles de médecin assez habile pour guérir sa blessure, il se déguise en joueur de harpe et se rend en Irlande. […] C’était au bord de cette fontaine que Tristan et Iseult se donnaient rendez-vous. […] Mais les traîtres découvrirent le lieu du rendez-vous. […] Mais la fille du roi de la Petite-Bretagne, qui a surpris le secret des amours de son mari, veut se venger ; elle lui fait accroire que la reine de Cornouailles refusa de se rendre à ses vœux et Tristan meurt de chagrin ; Iseult, arrivée trop tard, meurt à son tour auprès de son amant.
Dans l’émotion joyeuse, souvent la poussée des images devient plus rapide : les rythmes rapides ont désigné la joie, d’abord pour les paroles, puis pour le chant, qui fut un effort à rendre les paroles plus expressives. […] Pour rendre ces émotions ; il a choisi des thèmes mélodiques clairs et brefs, tantôt reprenant un motif populaire, construisant tantôt lui-même des motifs pareils. […] Impatiente de revoir la bien-aimée elle donne à l’improviste le signal du rendez-vous. […] Richard Wagner a le secret de ces émotions excessives qu’aucune parole ne rendrait. […] L’intérêt croît avec l’ardeur des deux amants, depuis le réveil de Brünnhilde jusqu’à ce duo passionné où le génie du poète a su rendre toute la grandeur, toute la sublimité et jusqu’à la fatalité de l’amour.
Rameau a une rare connaissance du rythme et, par-dessus tout, un souffle de grand poète panthéiste qui donne son âme aux choses de la Nature, les rend vivantes comme l’homme et chante passionnément l’éternelle vigueur de l’existence universelle. […] Doué d’une réelle originalité, il a, comme l’a fort bien dit un critique, une rare connaissance du rythme et, par-dessus tout, un souffle de grand poète panthéiste qui donne son âme aux choses de la Nature, les rend vivantes comme l’homme et chante passionnément l’éternelle vigueur de l’existence universelle.
Quiconque saura apprécier un style noble sans emphase, correct sans sécheresse, précis sans obscurité ; les richesses du savoir & l’art de les mettre en œuvre sans affectation ; le talent de l’analyse & celui du récit ; la profondeur & la justesse des idées, réunies à la vivacité de l'expression qui les anime & à la netteté qui les rend sensibles, admettra sans peine Madame de Saint-Chamond parmi les la Fayette, les Dacier, les Chatelet, & les autres femmes qui ont honoré leur sexe & notre Littérature par leur imagination ou par leur savoir. […] La premiere, selon lui, est celle qui éleve l’homme au Dieu qui l’a créé, le rend docile à sa voix, ferme dans le malheur, modeste dans la prospérité, sensible pour ses pareils, sévere à lui-même.
Beyle, et qui ont le plus goûté son esprit, sont heureux d’avoir à reparler de cet écrivain distingué, et, s’ils le font quelquefois avec moins d’enthousiasme que les critiques tels que M. de Balzac, qui ne l’ont vu qu’à la fin et qui l’ont inventé, ils ne sont pas disposés pour cela à lui rendre moins de justice et à moins reconnaître sa part notable d’originalité et d’influence, son genre d’utilité littéraire. […] Si son roman de La Chartreuse de Parme a paru le meilleur de ceux qu’il a composés, et s’il saisit tout d’abord le lecteur, c’est que, dès les premières pages, il a rendu avec vivacité et avec âme les souvenirs de cette heure brillante. […] Justice est donc d’accepter Beyle à son moment et de lui tenir compte des services qu’il a pu rendre. […] Aujourd’hui il m’a suffi de donner quelque idée de la nature des services littéraires que Beyle nous a rendus. […] Beyle a arrangé ce livre de manière à se l’approprier, et il a cherché à déguiser son plagiat par des changements, des additions et des transpositions qui rendent difficile la recherche des passages que l’on voudrait comparer.
Viens donc, et tu trouveras ton pieux adorateur calme d’esprit et tranquille, ou tu me rendras tel aussitôt. […] Quelques-uns de ceux même qui ont eu l’idée d’introduire chez nous des images de la poésie familière et domestique, et qui y ont réussi à certain degré, n’en ont pas eu assez la vertu pratique et l’habitude dans la teneur de la vie ; ils en ont bientôt altéré le doux parfum en y mêlant des ingrédients étrangers et adultères, et l’on a trop mérité ce qu’un grand évêque (Bossuet) a dit : « On en voit qui passent leur vie à tourner un vers, à arrondir une période ; en un mot, à rendre agréables des choses non seulement inutiles, mais encore dangereuses, comme à chanter un amour feint ou véritable, et à remplir l’univers des folies de leur jeunesse égarée. » Revenons à Cowper, sans nous dissimuler toutefois qu’il n’eût point peut-être réussi à exprimer si au vif la poésie des situations tranquilles que l’habitude rend insensibles à la plupart, s’il n’avait eu, lui aussi, ses orages intérieurs étranges et ses bouleversements profonds. Le livre sixième de La Tâche débute par un morceau célèbre, et en effet délicieux : Il y a dans les âmes une sympathie avec les sons, et, selon que l’esprit est monté à un certain ton, l’oreille est flattée par des airs tendres ou guerriers, vifs ou graves. […] Il se figurait avoir commis un péché, je ne sais lequel, le seul irrémissible, et qui avait rendu son âme déserte du côté de Dieu. […] C’est du sein de cette habitude intérieure désolée qu’il se portait si vivement, pour se fuir lui-même, à ces occupations littéraires et poétiques où il a trouvé le charme et où il nous a rendu de si vives images du bonheur.
Le président eut le prix en 1707, à l’âge de vingt-deux ans, pour un discours sur ce sujet proposé par l’Académie, « qu’il ne peut y avoir de véritable bonheur pour l’homme que dans la pratique des vertus chrétiennes. » En 1709 il n’eut qu’un accessit sur cet autre sujet, « que rien ne rend l’homme plus véritablement grand que la crainte de Dieu. » Les approbateurs, qui sont le théologal de Paris et le curé de Saint-Eustache, ne peuvent contenir leur admiration pour ce discours, « que la piété et l’éloquence, est-il dit, semblent avoir formé de concert ». […] Tant de talents soutenus ou plutôt rendus utiles par des qualités plus précieuses encore, par la douceur de vos mœurs, par la sûreté de votre commerce, par la conciliation que vous apportez aux affaires, par la pénétration aussi vive que réfléchie dont vous les démêlez, par l’attention que vous avez et qui est si nécessaire, en persuadant les autres, de leur laisser croire que vous ne pensez que d’après eux ; enfin par tout ce qui réconcilie les hommes de mérite avec ceux qui pourraient en être jaloux : voilà ce qui fait souhaiter de vous avoir pour confrère, et, si j’ose parler de moi, voilà ce qui rend votre amitié si désirable. […] , a dit Voltaire par un mot qui résume tout, et qui insinue le correctif dans la louange ; il a dit autre part du président en des termes tout flatteurs : « Il a été dans l’histoire ce que Fontenelle a été dans la philosophie ; il l’a rendue familière. » Il faut bien, au reste, se garder de prendre à la lettre tous les éloges que Voltaire donne au président en ces années où il croyait avoir besoin de lui en Cour, le président étant devenu surintendant de la maison de la reine ; il ne l’appelle pas seulement un homme charmant, à qui il dit : « Vous êtes aimé comme Louis XV » ; il le déclare son maître, « le seul homme qui ait appris aux Français leur histoire », et qui y a trouvé encore le secret de plaire. […] Ce que j’atteste, c’est que je n’ai jamais fait de mal à personne ; que le peu de crédit que j’avais n’a jamais, par ma volonté, tourné à mon profit ; que je ne l’ai employé qu’au profit de mes parents, de mes amis et de mes connaissances ; et que je n’ai pas laissé de rendre de grands services, dont on s’est souvenu, — si l’on a voulu. […] [NdA] Et encore (page 251), à l’endroit où le président se plaît à décrire le château des Ormes, magnifique résidence de son ami M. d’Argenson après sa disgrâce : « Ce qui rend la position de ce château singulière, dit-il, c’est qu’il est entre le grand chemin et la rivière.
La haute idée qu’il avait de lui le rendait naturellement indulgent aux autres lorsqu’on ne l’offensait pas. […] Voiture, loin de vouloir lui rien disputer, se piqua de lui tout rendre. […] Mais Costar est un copiste avéré et compassé, qui a étudié Voiture, s’est guindé jusqu’à lui, s’est rendu capable, plume en main, de lui donner la réplique, et ne demanderait pas mieux que de faire croire en province que les beaux cercles de Paris lui manquent ou qu’il y manque lui-même. […] Il se sentait plus chargé de la plupart des louanges qu’il ne s’en trouvait honoré, et pour les lui rendre agréables on était contraint de les déguiser avec adresse, et il y fallait bien de l’artifice et de la façon ; mais il n’en fallait point pour le reprendre, et rien ne fut jamais mieux reçu que les avis qui lui venaient des personnes intelligentes. […] Boileau, qui de bonne heure en fut investi, devait rendre au procès son vrai caractère et y apporter la vraie conclusion : il mit les parties dos à dos, et prononça l’arrêt sans appel par un tour, et un procédé bien simple, en contrefaisant la manière de l’un et de l’autre écrivain dans deux lettres charmantes.
Veuille le ciel que ce soit le dernier auquel je rende ce funeste devoir ! […] Notez que, la première douleur épanchée, Frédéric n’aimait pas à y revenir en paroles : il remuait le moins qu’il pouvait les tristes souvenirs, et ne rentrait pas volontiers dans les pertes sensibles qu’il avait faites : « Pour moi, j’évite avec soin, disait-il, tous les endroits où j’ai vu des personnes que j’ai aimées : leur souvenir me rend mélancolique, et quoique je sois tout préparé à les suivre dans peu, je souffre cependant de ne plus jouir de leur présence. » C’est que son deuil était un deuil qu’un rayon consolateur n’éclairait pas. — « Le système merveilleux répugne à la sincérité de mon espritag », disait-il encore. […] Vous aurez le temps, en voyage, de recueillir un magasin de louanges dont vous pourrez vous servir dans l’occasion. » Six mois après (23 janvier 1774), il écrivait à son frère une lettre qui devait lui être rendue à son retour de Russie, à la frontière, et où il le félicite de s’être si bien tiré de sa mission, en des termes qui marquent de sa part de singulières méfiances. […] Mais, mon cher frère, laisser usurper à l’Autriche une autorité despotique en Allemagne, c’est lui fournir des forces contre nous-mêmes et la rendre beaucoup plus formidable qu’elle ne l’est déjà ; et c’est ce qu’aucun homme qui se trouve dans le poste que j’occupe ne doit tolérer. » C’était pour Frédéric une question d’honneur et une question d’influence. […] Un dernier service politique que le prince Henri rendit à son frère, ce fut de venir en France, et, en y réussissant de sa personne, d’y corriger, d’y neutraliser un peu l’influence autrichienne auprès du cabinet de Versailles.
Si je pouvais rendre cet état permanent, que manquerait-il à mon bonheur ? […] C’est la cause qui m’a rendu psychologue de si bonne heure. » Doué par la nature de la faculté d’aperception interne, il ne tient pas à lui qu’on ne croie que cette aptitude qu’il a est due à une maladie ou à une manie. […] Mais ce qu’il a et ce qui rachète bien des défauts, c’est (je ne parle que du présent volume et du journal) une certaine richesse de vues, la présence et la suggestion de plusieurs solutions possibles à la fois, la plénitude du problème bien posé et considéré sans cesse, la sincérité parfaite, l’honnêteté, la bonté, la profondeur à force de candeur, un sentiment moral qui anime et personnifie ses recherches, qui les rend touchantes, et qui y donne (avec plus de douceur et d’affection) quelque chose de l’intérêt qu’auront éternellement les angoisses et les fluctuations orageuses de Pascal à la poursuite du bonheur. […] Je sens que les autres doivent avoir une pauvre idée de mon chétif individu, et cette persuasion me rend plus chétif, plus timide et plus faible encore… Je suis comme un somnambule dans le monde des affaires. […] Maine de Biran n’a pas de ces vigoureuses expressions de pensée qui se gravent, mais il a et il rend bien, à force d’y revenir et d’y abonder, la plénitude de son objet : À en juger par ce que j’éprouve, dit-il en un de ces endroits essentiels, et ne considérant que le fait psychologique seulement, il me semble qu’il y a en moi un sens supérieur et comme une face de mon âme qui se tourne par moments (et plus souvent en certaine temps, à certaines époques de l’année) vers un ordre de choses ou d’idées, supérieures à tout ce qui est relatif à la vie vulgaire, à tout ce qui tient aux intérêts de ce monde et occupe exclusivement les hommes.
Fromentin dans ses tableaux et dans ses deux premiers ouvrages, il ne l’est point en vertu d’un choix et d’une prédilection particulière : il a vu l’Afrique tout d’abord et par occasion ; il en a été saisi et en a rapporté de vives images ; il nous l’a rendue sous toutes les formes. […] qui me rendra celle du cœur ou, à son défaut, celle même de l’esprit ? […] Tout au plus, de temps en temps, un souvenir, un regret vague, le besoin qu’on pouvait avoir l’un de l’autre, s’était fait sentir confusément et sans qu’on s’en rendît bien compte ; le résultat seul nous en avertit. […] Le passage de la vie libre des champs au régime claustral et rigide d’une école est rendu avec un sentiment de froid qui resserre. […] Les cent pages où il nous a rendu l’enfance et l’adolescence de Dominique sont et resteront véritablement charmantes.
Benjamin Constant a été un grand esprit, et il a eu un assez grand rôle ; politiquement et à travers quelques inconséquences singulières, il a rendu des services à une cause qui était, en somme, celle de la France. […] En attendant, nous en avons tiré, à l’usage de notre public, un simple choix, tâchant de le rendre le plus agréable qu’il était possible à la lecture, et aussi de le rapporter à une idée d’étude et d’analyse. […] Nous avons, dans ce but, comme souligné ou articulé plus fortement au passage les endroits qui nous semblaient tenir à quelque veine secrète, faisant exactement ce qu’on pratique en anatomie, lorsqu’on injecte quelque petit vaisseau pour le rendre plus saillant et le soumettre à l’étude. […] Avons-nous, en réussissant trop bien à rendre le choix des lettres agréable, fait ressortir encore mieux cet agrément par nos comme ntaires maussades et jansénistes, c’est tout dire ? […] Il n’y a pas ici ni même à Gottingue le plus petit bout d’une feuille française, à l’exclusion du Moniteur qu’on fait venir en ballots tous les six mois, ce qui ne rend pas les nouvelles qu’il contient très-fraîches.
Cuvier ne perdait-il pas bien son temps quand il consumait à des rapports et à des soins d’administration, dont d’autres se fussent acquittés aussi bien que lui, des heures qu’il eût pu rendre si fructueuses ? […] Mais leurs recherches, je le répète, ne sauraient avoir leur but en elles-mêmes ; car elles ne servent pas à rendre l’auteur plus parfait, elles n’ont de valeur que du moment où elles sont introduites dans la grande circulation. […] Eugène Burnouf, s’excusant auprès des savants de donner quelques aperçus généraux, proteste qu’il ne le fait que pour le lecteur français et qu’il n’attache qu’une importance secondaire à un travail qui devra se faire plus tard, et qui, tel qu’il pourrait être fait aujourd’hui, serait nécessairement dépassé et rendu par la suite inutile. […] Il serait regrettable assurément qu’un homme éminent y dépensât des instants qui pourraient être mieux employés à le rendre inutile ; et pourtant qui pourrait le faire, si ce n’est celui qui a la vue complète du champ déjà parcouru ? […] Les mêmes recherches se recommencent sans cesse, les monographies s’accumulent à un tel point que leur nombre même les annule et les rend presque inutiles.
Pas plus que vous, Monsieur, je ne suis donc en situation de rendre pleine justice à M. […] Pour être apte à jouir de ces vérités, qu’on aperçoit, non de face, mais de côté et comme du coin de l’œil, il faut la culture variée de l’esprit, la connaissance de l’humanité, de ses états, divers, de ses faiblesses, de ses illusions, de ses préjugés, à tant d’égards fondés, en raison de ses respectables absurdités ; — il faut l’histoire de la philosophie, qui parfois rend religieux, l’histoire de la religion, qui souvent rend philosophe, l’histoire de la science, qui devrait toujours rendre modeste ; — il faut la connaissance d’une foule de choses qu’on apprend uniquement pour voir que ce sont des vanités ; — il faut, par-dessus tout, l’esprit, la gaieté, la bonne santé intellectuelle d’un Lucien, d’un Montaigne, d’un Voltaire. […] La mesure qu’il voulait pour lui, il la réclamait pour les autres, même quand il savait que ceux-ci ne lui rendraient pas la pareille s’ils étaient les maîtres. […] Littré, de même, avait le goût des simples ; les simples le lui rendirent.
Cette conclusion positive, qui vient couronner si singulièrement l’hommage rendu au plus grand génie scientifique moderne, n’étonnera point ceux qui ont noté dans les Lettres du chevalier d’Her… toutes les supputations et comparaisons financières que Fontenelle, jeune, apportait et prodiguait jusqu’en matière d’amour et de sentiment. […] Il crut possible de concilier cette disposition qui le rendait tout propre pour les vérités exactes, avec le goût qu’il avait pour les manières de dire agréables et assaisonnées. […] Flourens, a rendu à Descartes le même service que Voltaire a rendu à Newton : il a contribué à le populariser et à le séculariser, à le répandre dans les cercles et les salons. […] Dans son Histoire des oracles, si bien appréciée par Bayle (1687), il combat ce reste d’idée du Moyen Âge, encore ancrée dans bien des esprits, que les anciens oracles païens étaient rendus par des démons. […] Je laisse à chacun le soin d’achever le parallèle que chaque détail rendrait plus piquant.
« Ce livre, disait l’honnête Brossette (le plus pacifique des hommes), parlant des Mémoires de Retz, me rend ligueur, frondeur, et presque séditieux, par contagion. » Le Régent en sut quelque chose peu après la publication, et la conspiration de Cellamare, en 1718, fut une manière de contrefaçon et de commentaire des Mémoires de Retz. […] C’est ce que Retz excelle à nous rendre, et ces pages de ses Mémoires, qu’on pourrait intituler : Comment les révolutions commencent, tiennent à la fois, par leur hauteur et par leur fermeté, de Bossuet et de Montesquieu. […] Au contraire, tout ce que nous appellerions dans notre langue d’aujourd’hui tendance à la centralisation, tous les efforts de Louis XI, de Richelieu, qui allaient se consommer sous Louis XIV, tout ce qui devait rendre la monarchie maîtresse unique, lui semble une voie au despotisme ; et on ne peut nier que ce ne fût du pur despotisme en effet, avant que cette unité dans l’administration se fût rejointe et combinée, après 89 et après 1814, avec le régime constitutionnel et de liberté. […] Parlant d’un magistrat prisonnier que l’insurrection réclame de la Cour, et qui est rendu à la liberté : « L’on ne voulut pas quitter les armes, dit Retz, que l’effet ne s’en fût ensuivi ; le Parlement même ne donna point d’arrêt pour les faire poser, qu’il n’eût vu Broussel dans sa place. Il y revint le lendemain, ou plutôt il y fut porté sur la tête des peuples avec des acclamations incroyables. » Je n’examine pas si l’expression est proportionnée à l’importance de Broussel ; mais comme elle rend fidèlement l’impression et l’exaltation du moment !
Les originaux, déposés par le duc de Noailles à la Bibliothèque du roi, y ont été conservés ; c’est d’après ces manuscrits que se fit en 1806 la publication des six volumes dont je parle, et auxquels, je ne sais pourquoi, le public n’a jamais rendu la justice ni accordé l’attention qu’ils méritent. […] Mais ce besoin même, aussitôt qu’il a un remède constant et réglé, la coutume le lui rend insensible. […] Saint-Simon nous a raconté très au long deux ou trois audiences qu’il obtint de lui, et nous a rendu au vif l’impression de respect, de soumission et de joie reconnaissante qu’il en avait rapportée. […] Jusque dans les affaires de guerre et dans les sièges qu’il entreprend, il se rend aux difficultés qu’on lui oppose, « persuadé, dit-il, que quelque envie qu’on ait de se signaler, le plus sûr chemin de la gloire est toujours celui que montre la raison ». […] On a dit que Louis XIV avait rendu la monarchie despotique et asiatique : telle ne fut jamais sa pensée.
Saint-Simon lui-même lui a rendu cet hommage que, sans gêner sa nature et se mettant partout à son aise, il ne se méconnaît pas. […] C’était en hiver, dans les Ardennes, en allant à Stenay, le temps était affreux et les chemins impraticables ; le cheval de Gourville et celui du postillon qui l’accompagnait ne marchaient plus : J’avais mis mon manteau sur mes épaules, dit notre voyageur, à cause qu’il tombait de la neige fondue, qui le rendait fort pesant. […] Dans cette négociation, comme dans toutes, il met en avant de cette gaieté naturelle et de cet esprit de plaisanterie qui sert à couvrir les affaires sérieuses et qui les rend plus faciles. […] Cependant Gourville aspire à rentrer en France : il n’y revient d’abord qu’à la dérobée, sous le couvert du prince de Condé, et malgré Colbert, qui poursuit longtemps en lui un auxiliaire de Fouquet, et qui ne se rend au mérite de l’homme qu’à la dernière extrémité. Colbert finit pourtant par se rendre, et l’heureux Gourville, qui est le meilleur ami de M. le Prince, se trouve à la fois dans la familiarité de Louvois, dans celle de Colbert, également bien à Chantilly, à Meudon et à Sceaux, de même que M. de Lionne, dans ses dernières années, le consultait à Suresnes.
Mais je me rendrais indigne de votre estime si je ne les étouffais. […] Il aura l’avantage des génies supérieurs qui est de se rendre, pour ainsi dire, maître des conjonctures, de les faire naître et de les gouverner à son gré par sa sagesse ou par sa constance, par sa modération ou par sa bravoure, selon le cas et le besoin. […] Vous que je compte au nombre de ces derniers, vous voudrez bien vous persuader de plus en plus que vous trouverez en moi tout ce qu’Oreste trouva jamais dans Pylade… Par ces derniers mots, et à la veille de l’exécution, Frédéric se montrait fidèle à ce qu’il disait à son ami dès l’origine de leur liaison, et à ce qu’il n’avait cessé de lui répéter : Si jamais je puis être le moteur de vos destinées, je vous garantis que je n’aurai d’autre soin que celui de vous rendre la vie aussi agréable qu’il me sera possible. Rendre quelqu’un heureux est une grande satisfaction ; mais faire le bonheur d’une personne qui nous est chère, c’est le plus haut point où puisse atteindre la félicité humaine. […] Sans doute que le bonheur dont j’allais jouir était trop parfait pour pouvoir devenir ici-bas mon partage, et c’est (oui, je l’espère fermement, mourant en bon chrétien, et avec la tranquillité que m’inspire le témoignage de ma conscience), c’est pour m’en rendre participant dans une autre vie que le Maître suprême de nos destinées va me retirer de celle-ci.
Il énumère tel assemblage fortuit de traits, telles voix, telles mains, tel port, tel regard, tel tic personnel ; sans essayer de rendre logique ou d’expliquer ce signalement : il place son personnage dans un milieu décrit, le lance dans une aventure quelconque et ses particularités morales viennent accentuer peu à peu sa délinéation physique. […] Tourguénef, de son procédé par lumières subites, de sa maîtrise à faire saillir d’un fond d’ombre le caractère individuel de l’objet ou de l’être qu’il reproduit, du mystère enveloppant de son style, de cette poésie de demi-jour qui rend ses livres doux et comme parfumés. […] Dans un salon de province, il défend brillamment toutes les belles idées générales qui rendent la vie séduisante ; le progrès, l’immortalité de l’âme, la noblesse de la femme. […] La même fièvre qui le rend éloquent, riche en idées, habile à apercevoir les mille faces d’une théorie, tue sa personnalité, le fait échouer dans toutes ses tentatives, modifier à chaque instant sa route, et rouler d’avortement en avortement, sollicité par toutes les déterminations possibles, incapable de se cantonner en aucune. […] Si ses dons de styliste gracieux ne pouvaient lui en suggérer de par le pouvoir des mots ; le trop de minutie diffuse de ses observations ne les rendait pas propres non plus à cette systématisation ; les pensées dernières lui répugnaient comme les visions lucides.
La traduction françoise que Boileau en a donné, a rendu la copie facile & aussi agréable à lire que l’original. […] On n’y trouve point l’élégance de l’original, & le sens n’est pas toujours rendu. […] L Es Modernes ont écrit sur la Rhétorique comme les Anciens ; ils ont suivi leurs préceptes, mais ils les ont quelquefois approfondis de façon à se les rendre propres. […] On voit tout d’un coup qu’il n’a observé cette méthode que pour les rendre plus vifs & plus aisés à retenir. […] Pierre, a profité des Observations de celui-ci pour rendre les Sermons plus utiles.