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1093. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Du milieu des bouleversements de sa jeunesse et des nécessités matérielles qui en furent la suite, Prévost tendit d’un effort constant à cette sagesse pleine d’humilité, et il mérita d’en cueillir les fruits dès l’âge mûr. […] Mais le monde habituel de Prévost, c’est le monde honnête et poli, vu d’un peu loin par un homme qui, après l’avoir certainement pratiqué, l’a regretté beaucoup du fond de la province et des cloîtres ; c’est le monde délicat, galant et plein d’honneur, tel que Louis XIV aurait voulu le fixer, comme Boileau et Racine nous en ont décoré l’idéal, qui est à portée de la cour, mais qui s’en abstient souvent ; où Montausier a passé, où la Régence n’est point parvenue. […] Ce n’est point un style laconiquement constipé, mais un style coulant, plein et expressif.

1094. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Quoique sa vie eût été si pleine et si utile, il regrettait souvent le temps qu’il avait perdu. […] Son maintien était sérieux sans être sévère ; ses manières affables et pleines d’amabilité, sans être légères ni communes. […] À la promenade, à la danse et dans les autres exercices propres à développer les charmes extérieurs, tous ses mouvements étaient pleins de grâce et de décence. — Ses idées étaient toujours justes et frappantes, et m’ont fourni le sujet de quelques-uns de mes sonnets ; elle parlait toujours à propos, toujours avec tant de convenance, qu’il n’y avait rien à ajouter, rien à retrancher à ce qu’elle avait dit.

1095. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Quand le duc de Maurepas termina son exil en 1729, Voltaire revint en France tout plein de ce qu’il avait vu, armé, excité. […] Voltaire à Cirey et à la Cour A Cirey, assez près de Paris pour participer à la vie du siècle, de la frontière pour être en sûreté à la moindre alerte, sous la garde despotique et prudente de la belle Émilie, Voltaire va résider pendant dix pleines années, et faire l’apprentissage de la vie qu’il mènera plus tard à Ferney : il va apprendre à se passer du monde, et à agir sur lui de loin. […] C’est le caractère le plus mobile et le plus extraordinaire qu’il y ait : sensible, brusque, plein d’humeur, boudant toute une soirée pour un verre de vin du Rhin que Mme du Châtelet l’a empêché de boire parce que ce vin lui fait mal, se querellant sans cesse avec elle, déjà malade éternel, se droguant à sa fantaisie, se gorgeant de café, mourant et, l’instant d’après, vif et gaillard si un rien l’a mis en train : avec cela, travailleur acharné, infatigable.

1096. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Les revues d’avant-garde sont pleines de manifestes où l’on s’élève contre le préjugé des mœurs. […] Tous, excédés de platitude et d’ennui, la tête pleine de visions et de fumées, partent : Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau. […] Loin de les diminuer, Cette soif d’infini dont leurs grands cœurs sont pleins atteste leur noble origine.

1097. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Quoique ses Mémoires soient pleins d’aveux naïfs et suffisamment sincères, ce n’est point là qu’il faut juger cette partie première de la vie politique de M. de Chateaubriand : il est tout occupé à la raccommoder à l’usage des générations libérales ou républicaines qui ne se souviennent plus des véritables circonstances. […] ouvrez la préface de La Monarchie selon la Charte dans l’édition de 1827 ; il y disait, laissant échapper le ressentiment dont il était plein : En me frappant, on n’a frappé qu’un dévoué serviteur du roi, et l’ingratitude est à l’aise avec la fidélité ; toutefois, il peut y avoir tels hommes moins soumis et telles circonstances dont il ne serait pas bon d’abuser : l’histoire le prouve. […] D’admirables pages, d’une éclatante polémique, quelques-unes même qui sont pleines de vérité, si on les détache de ce qui les précède et de ce qui les inspire, ne sauraient dissimuler l’ensemble des résultats.

1098. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Bussy, tout léger qu’il est, a connu la vraie passion en effet, mais il ne l’a connue que tard ; il convient que, dans toutes ces premières et folles épreuves, il n’avait rien de sérieux d’engagé : « Pour revenir à mes amours, dit-il plaisamment en tout endroit, il est à remarquer que je ne pouvais plus souffrir ma maîtresse, tant elle m’aimait. » — « Mon heure d’aimer fortement et longtemps n’était pas encore venue » dit-il encore ; et, parlant d’une séparation qui eut lieu alors, et qui lui fut moins pénible qu’elle n’aurait dû l’être : « C’est que la grande jeunesse, ajoute-t-il, est incapable de réflexions ; elle est vive, pleine de feu, emportée et point tendre tout attachement lui est contrainte ; et l’union des cœurs, que les gens raisonnables trouvent le seul plaisir qu’il y ait dans la vie, lui paraît un joug insupportable. » Le véritable attachement de Bussy ne fut que tout à la fin pour la comtesse de Montglat, qui l’en paya si mal, et qui lui laissa au cœur, par sa perfidie, une plaie ulcérée et envenimée dont on voit qu’il eut bien de la peine à guérir. […] Mais quand Louis XIV en personne traverse la Bourgogne à la tête de son armée, dans l’hiver de 1668, quand on va faire la conquête de la Franche-Comté sous les yeux de Bussy et à sa porte, il n’y tient plus, il laisse s’exhaler sa douleur ; « Je suis presque au désespoir, s’écrie-t-il, quand je songe que j’aurai vécu dans un règne plein de merveilles, auxquelles le moindre soldat des gardes aura plus de part que moi. » Louis XIV était implacable et glacé ; il remettait Bussy de campagne en campagne : « Pas encore pour celle-ci, nous verrons pour une autre », répondait-il aux sollicitations perpétuelles qui lui venaient de la part du pauvre disgracié ; et les années s’écoulaient, et Bussy, toujours déçu, espérait toujours. […] De toutes ses vocations à demi manquées, et dont aucune n’a eu pleine carrière, c’est encore son instinct littéraire qui l’a le moins trompé.

1099. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Ma sœur Eugénie Au front pâle et doux,        Chez nous, Bois pleins d’harmonie, Aux soupirs du vent        Souvent Mêlait sa romance Qui faisait pleuvoir        Le soir La douce abondance Des pleurs qu’au désert        On perd ! […] Le mien est un rayon d’abeilles, toutes petites logettes pleines de miel, et le miel c’est vous, ce sont toutes les douces amies que j’ai trouvées dans mon chemin. » C’est elle qui écrivait encore : « Quand vous prenez une rose, vous la prenez par l’épine. […] Sans cette intuition de l’état de son frère, le monde de Paris, qu’elle observait pour la première fois, eût été pour elle d’un intérêt prodigieux, car son esprit plein d’alacrité se prenait à tout.

1100. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Nul doute que, dans cette sève brûlante d’Eschyle, dans cette lave tragique coulant à pleins bords, la puissance lyrique ne dominât toujours, et sous les deux formes les plus naturelles, l’imagination et la morale, la description et la maxime. […] Maintenant, je pense aller bientôt prophétiser aux bords du Cocyte et de l’Achéron. » Puis, excité par les reproches du chœur, que troublent ces paroles, le délire mélancolique de Cassandre devient plus expressif encore : « Déjà, dit-elle, la prophétie ne regarde plus, à travers les voiles, comme une jeune fiancée : mais elle se découvre tout éclate tante et pressée de paraître à la pleine lumière du soleil levant. » Alors commence et se précipite à torrent tine nouvelle prédiction de la captive sur Agamemnon, sur Clytemnestre, sur Oreste et sur elle-même. […] « Vierges chargées d’orages, allons, sur la terre fertile de Pallas, voir cette contrée de Cécrops, virile et pleine de charme, où sont célébrés les mystères ineffables, où la demeure sacrée s’ouvre, au milieu des cérémonies saintes, et où les offrandes des dieux, les temples, les statues, les processions à l’honneur des immortels, les victimes couronnées de fleurs et l’allégresse des festins se succèdent, à toutes les heures, et, au printemps, la joie de Bacchus, les inspirations bruyantes des chœurs et l’harmonie grave des flûtes ! 

1101. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Cette exécution du 4 décembre 1591 eut un plein effet : les Seize y perdirent désormais leur autorité et leur force, le parti des honnêtes gens reprit décidément courage ; les colonels de la garde bourgeoise de Paris, dont la grande majorité était modérée, s’entendirent pour désarmer la portion de population qui était au service des Seize. […] Le président Jeannin, vieux et malade, toujours généreux et plein de cœur, courait aux négociations, à ce champ de bataille pacifique qui était le sien, comme le guerrier va au feu, comme César courait à ses légions, malgré les vents et les flots et en méprisant les tempêtes.

1102. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Les mémoires, qui, à la différence du journal, sont d’une lecture pleine et aisée, nous montrent Bossuet dans sa généalogie et dans sa race, dans son enfance et son éducation première, dans sa croissance naturelle et continue. […] Mais Bossuet, qui n’était pas seulement le docteur, mais l’orateur, ne séparait pas de son Augustin son saint Chrysostome ; il y apprenait les interprétations de la sainte Écriture les plus propres à la chaire, et s’y familiarisait avec ces tours nobles et pleins, avec ces tons incomparables d’insinuation « qui lui faisaient dire que ce Père était le plus grand prédicateur de l’Église. » — Il louait aussi Origène, nous dit l’abbé Le Dieu, ses heureuses réflexions et sa tendresse dans l’expression, dont il rapportait souvent cet exemple : « Qu’heureuses furent les tourterelles, dit Origène, d’avoir été offertes (par la Vierge au jour de la purification) pour notre Seigneur et sauveur !

1103. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Les Grecs et les Troyens acharnés qui se disputent la muraille du retranchement, les uns sans réussir à la forcer tout entière, les autres sans pouvoir décidément la ressaisir, ce sont « deux hommes qui disputent entre eux sur les confins d’une pièce de terre, tenant chacun la toise à la main, et ne pouvant, dans un petit espace, tomber d’accord sur l’égale mesure. » Les deux Ajax qui, ramassés l’un contre l’autre, soutiennent tout le poids de la défense, ce sont « deux bœufs noirâtres qui, dans une jachère, tirent d’un courage égal l’épaisse charrue : la sueur à flots leur ruisselle du front à la base des cornes, et le même joug poli les rassemble, creusant à fond et poussant à bout leur sillon. » Ailleurs, à un moment où les Troyens qui fuyaient s’arrêtent, se retournent soudainement à la voix d’Hector, et où les deux armées s’entre-choquent dans la poussière : « Comme quand les vents emportent çà et là les pailles à travers les aires sacrées où vannent les vanneurs, tandis que la blonde Cérès sépare, à leur souffle empressé, le grain d’avec sa dépouille légère, on voit tout alentour les paillers blanchir : de même en ce moment les Grecs deviennent tout blancs de la poussière que soulèvent du sol les pieds des chevaux et qui monte au dôme d’airain du ciel immense. » Voilà bien le contraste plein de fraîcheur au sein de la ressemblance la plus fidèle. […] C’est un aspect essentiel que la critique, en parlant d’eux, doit s’attacher à éclairer ; et je rappellerai, puisque je les rencontre, ces paroles magnanimes en même temps que naïves de Sarpédon à Glaucus, au moment de l’assaut du camp : « O ami, si nous devions, échappés une fois aux périls de cette guerre, vivre à toujours exempts de vieillesse et immortels, ni moi-même sans doute tu ne me verrais combattre au premier rang, ni je ne t’appellerais à prendre ta part en cette lutte pleine d’honneur ; mais maintenant, puisqu’il est mille formes imminentes de trépas, qu’il n’appartient aux mortels ni de fuir ni d’éluder, allons, et risquons ou de perdre le triomphe, ou de l’obtenir ! 

1104. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Au prince de Conti succèdent le comte de Vaudreuil et M. de Calonne, puis Robespierre, puis Bonaparte ; et pourtant, au milieu de ces servitudes diverses, Le Brun demeure ce qu’il a été tout d’abord, méprisant les bassesses du temps, vivant d’avenir, effréné de gloire, plein de sa mission de poëte, croyant en son génie, rachetant une action plate par une belle ode, ou se vengeant d’une ode contre son cœur par une épigramme sanglante. […] La nature de France, les bords de la Seine, les îles de la Marne, tout ce paysage riant et varié d’alentour se mire en sa poésie comme en un beau fleuve ; on sent qu’il vient de Grèce, qu’il y est né, qu’il en est plein : mais ses souvenirs d’un autre ciel se lient harmonieusement avec son émotion présente, et ne font que l’éclairer, pour ainsi dire, d’un plus doux rayon.

1105. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Mon caractère est naturellement plein d’honneur. […] Le père Erasmos, qui unit en lui deux hommes si divers, si dissemblables, tour à tour savant aimable et moine bourru, nous apparaît plein de vie dans sa singularité ; de tels originaux se copient et ne s’inventent pas.

1106. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Qu’il les courtise ou non, il est à son aise dans leur compagnie, occupé et charmé, comme au milieu d’un jardin plein de fleurs. […] » Et il envoie à la divine Amaranthe des vers un peu risqués, pleins d’insinuations vives et d’adorations mythologiques, Ces sourires et ces rires, cette galanterie caressante, ces douceurs, ce mélange d’esprit gracieux et de tendresses fugitives composent l’amour en France ; La Fontaine n’en a guère connu d’autre, et il y a passé le meilleur de son temps.

1107. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

L’Art d’écrire de Condillac est tout plein de passages expliqués, où l’auteur démontre par des analyses minutieuses à quoi tient la force ou la faiblesse d’un style. […] Au bout de quelques années, les Inspecteurs généraux s’aperçurent que les lycées et les collèges étaient pleins de petits Brunetières qui débitaient en tranches nos quatre siècles de littérature moderne devant des classes passives et mornes.

1108. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

II Voici la contemporaine de Jeanne d’Arc, l’excellente Christine de Pisan, si digne, si naïve, si pleine de vertu et de prud’homie, qui, raide comme un personnage de vitrail, s’applique, avec le grand sérieux des bonnes âmes du moyen âge, gauchement et gravement, à enserrer la langue balbutiante de son siècle dans la forme du style cicéronien comme dans un heaume lourd et trop large. […] Si je ne me trompe, nous retrouverons quelque chose de cette honnête candeur chez Madeleine de Scudéry, la vierge sage, d’âme héroïque et d’esprit prolixe  Voici Marguerite d’Angoulême, très savante, très entortillée, toute fumeuse de la Renaissance, souriante, gaie et bonne à travers tout cela, avec son grand nez sympathique, le nez de son frère François Ier  Puis, c’est l’autre Marguerite, Marguerite de Valois, point pédante celle-là, dégagée, galante avec une entière sécurité morale, que rien n’étonne, qui raconte si tranquillement la Saint-Barthélémy ; la première femme de son siècle qui écrive avec simplicité ; une inconsciente, un aimable monstre, comme nous dirions, aujourd’hui que nous aimons les mots plus gros que les choses  Je mets ensemble les enamourées, les femmes brûlantes, les Saphos, chacune exhalant sa peine dans la langue de son temps : Louise Labé mettant de l’érudition dans ses sanglots ; Mlle de Lespinasse mêlant aux siens de la sensibilité et de la vertu, Desbordes-Valmore des clairs de lune et des saules-pleureurs… Mlle de Gournay est une antique demoiselle pleine de science, de verdeur et de virilité, une vieille amazone impétueuse que Montaigne, son père adoptif, dut aimer pour sa candeur, une respectable fille qui a l’air d’un bon gendarme quand, dans son style suranné, elle défend contre Malherbe ses « illustres vieux ».

1109. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Il les considère avec un effroi plein de tendresses secrètes. […] Mais, si peut-être un peu de tremblement se mêle à son ingénue et violente sympathie pour les damnés, c’est avec pleine sécurité et c’est d’un amour sans mélange qu’il aime, qu’il glorifie les grands mondains, les illustres dandys, les viveurs profonds, les insondables dons Juans : Ryno de Marigny, le baron de Brassard, Ravila de Ravilès, et combien d’autres !

1110. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Elles sont fines, sensées, raisonnables, pleines d’une délicate critique ; elles se lisent avec agrément aux heures de loisir, mais elles n’ont rien de ferme et d’original, rien qui sente l’humanité militante, rien qui approche des œuvres hardies de ces âges extraordinaires où tous les éléments de l’humanité en ébullition apparaissent tour à tour à la surface. […] Vous êtes vieux et malades, convertissez-vous ; mais nous, vos élèves en libéralisme, nous, jeunes et pleins de vie, nous à qui appartient l’avenir, pourquoi accepterions-nous la communauté de vos terreurs ?

1111. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Céphas, plein de cœur et se croyant sûr de lui-même, jura qu’il irait avec lui en prison et à la mort. […] Ils sont pleins de tours et d’expressions qui ne sont pas dans le style des discours de Jésus, et qui, au contraire, rentrent très-bien dans le langage habituel de Jean.

1112. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Dumas, c’est la forme incomplète et presque frivole qu’il a donnée à une question scabreuse et dramatique entre toutes, encore pleine de catastrophes et de larmes : celle du fils naturel, et de sa position, offensive et défensive à la fois, vis-à-vis de la loi qui le déshérite et du père qui l’a délaissé. […] On est froissé de l’entendre, au troisième acte, déclarer, tout haut, son amour dans un salon plein.

1113. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Tous ces grands hommes sont pleins d’extravagance, de mauvais goût et d’enfantillage. […] Et il ressemble à un grand vase plein d’humanité que la main qui est dans la nuée secouerait, et d’où tomberaient sur la terre de larges gouttes, brûlure pour les oppresseurs, rosée pour les opprimés.

1114. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

La nature, à proprement parler, n’a pas de réalité propre : elle est pleine d’esprit ; elle n’est, elle ne vit, elle ne respire que par l’esprit. « Tout est plein des dieux », disait Thalès.

1115. (1761) Apologie de l’étude

Plein de cette confiance et d’une étude profonde des règles du théâtre, j’ai fait une tragédie, elle a été sifflée ; une comédie, elle n’a pas été jusqu’à la fin. […] Si la critique est juste et pleine d’égards, vous lui devez des remerciements et de la déférence ; si elle est juste sans égards, de la déférence sans remerciements ; si elle est outrageante et injuste, le silence et l’oubli.

1116. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Je l’ai vu souvent les écrire joyeusement, sans se prendre le front une seule fois, sans se replier sur lui-même, sans cesser de causer avec nous, qui nous abattions sur lui comme des abeilles sur une grappe de raisin, qui bourdonnions autour de lui ; car il travaillait sa chambre pleine d’amis et… d’actrices, — ses sujettes de feuilleton, — qui, certes, ne l’induisaient pas au recueillement ! […] Cet homme de sourire et de rire épanoui, de rondeur, de bonhomie, d’enfance de caractère, de pleine main, cet aimable et gai garçon n’eut jamais un seul grain de fatuité dans sa personne.

1117. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Elle en a fait la coupe versée, remplie jusqu’aux bords, approchée des lèvres, respirée, savourée, et, toute pleine, jetée par la fenêtre ! […] Rien de plus observé, de plus vrai, de plus minutieusement vrai, de plus détaillé et de plus plein de détails charmants !

1118. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXI » pp. 87-90

Ce genre de comédie manque entièrement aujourd’hui, chacun se contente d’être plein de ridicules soi-même et de se moquer de ceux du voisin ; mais la grande exécution publique est comme supprimée.

1119. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

L’auteur, par  quelques lignes pleines de grâce et de fine malice, a raison de se rendre à lui-même, en finissant, ce témoignage que dans sa tâche, plus méritoire pourtant qu’il ne veut bien le dire, il a réussi comme il l’entendait ; en se livrant, non sans complaisance, aux douceurs presque paternelles de la propriété, il aura servi d’une manière durable la littérature.

1120. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Il a une imagination, une verve bouffonne, une puissance créatrice incomparables ; mais il n’a point de caractères, et si son coloris est plein d’éclat, son burin est sans pénétration257.

1121. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Auguste (1805-1882) »

Il y a là une éruption de jeunesse pleine parfois d’énergie et d’éclat, bien que de trop fréquentes défaillances en rompent le jet vigoureux.

1122. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pilon, Edmond (1874-1945) »

Mais nous sera-t-il permis de déclarer à ce bon poète que nous préférons à ses vers libres — à sa prose rythmée, si l’on veut — les beaux vers larges, si pleins, que nous connaissons de lui ; car M. 

1123. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VII. Objections à l’étude scientifique d’une œuvre littéraire » pp. 81-83

Mais que de choses nous manquent encore pour avoir une connaissance pleine et entière d’un individu !

1124. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 521-526

On trouve dans ses énormes Epîtres des morceaux pleins de force, d’élégance, de vivacité ; en sorte qu’en corrigeant ses Productions, & les réduisant à une juste étendue, il pourroit peut-être les relever du discrédit où elles sont tombées.

1125. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 202-207

L’Histoire de la Baronne de Lus, les Confessions du Comte de ***, sont réellement des Ouvrages bien écrits, pleins d’esprit & de sagacité ; le dernier principalement passera pour un Roman original ; mais ses Ouvrages ne seront, après tout, que des Romans qu’on ne relit pas deux fois.

1126. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 303-308

L’Auteur y est Observateur éclairé, profond Politique, Dissertateur plein de sagacité, toutes les fois qu’il s’agit de remonter aux principes des troubles, d’en faire connoître les dangers, & d’indiquer les moyens de les empêcher de renaître.

1127. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 122-127

Après un fâcheux soir, vient un beau lendemain ; Et le grand Jupiter, de cette même main Dont il lance la foudre, il prend la pleine coupe, Et s'assied tout joyeux au milieu de la troupe.

1128. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Homère, et le grammairien Thestorides. » pp. 2-6

On reconnut Homère à son talent de rendre la nature avec une noble simplicité ; à sa poësie vive, pleine de force, d’harmonie & d’images ; à son érudition agréable, lorsqu’il décrit l’art de la guerre, les mœurs & les coutumes des peuples différens, les loix & la religion des Grecs, le caractère & le génie de leurs chefs, la situation des villes & des pays.

1129. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IV. Le Père. — Priam. »

L’image du délaissement du vieux monarque, peut-être accablé par de puissants voisins pendant l’absence de son fils, la peinture de ses chagrins soudainement oubliés, lorsqu’il apprend que ce fils est plein de vie ; enfin, cette comparaison des peines passagères de Pélée avec les maux irréparables de Priam, offrent un mélange admirable de douleur, d’adresse, de bienséance et de dignité.

1130. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XII. Suite des machines poétiques. — Voyages des dieux homériques. Satan allant à la découverte de la création. »

» Il dit ; Satan plein de joie… s’élève avec une nouvelle vigueur ; il perce, comme une pyramide de feu, l’atmosphère ténébreuse… Enfin l’influence sacrée de la lumière commence à se faire sentir.

1131. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — V. L’avare et l’étranger »

Il se rendit dans une grande forêt pleine de guinné qui tuaient tout homme qui passait par là.

1132. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Ce prétendu marguillier est un homme plein de sens, qui dans une petite brochure de quelques pages a renfermé des vérités et des observations dignes de figurer dans le jugement de l’Académie. […] En vain l’esprit est plein d’une noble vigueur, Le vers se sent toujours des bassesses du cœur. […] Dorante arrive de Poitiers à Paris pour y faire son cours de galanterie ; il ne respire que plaisirs ; son imagination est pleine de bonnes fortunes ; sa bonne mine va subjuguer tous les cœurs. […] Mais l’ensemble du style est chaud, ferme, plein d’une sève vigoureuse, d’un naturel franc et original. […] On sait que ce dieu terrestre envoyait aux monarques du Thibet de petits sachets pleins de ses ordures pulvérisées, et que ces princes, aveuglés par la superstition, recevaient cet étrange présent avec la vénération des catholiques romains pour les reliques.

1133. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Son théâtre est excessivement original ; il est tout plein, à la fois, de pédanterie, d’ironie et de larmes. […] Les comiques latins eux-mêmes avaient eu des existences toutes pleines de ces hasards. […] Le poète nous rappelle d’abord que le ciel est plein d’astres morts. […] J’ose dire qu’elle est trop expressive, trop pleine d’onomatopées. […] Regardez autour de vous : la réalité est pleine de surprises.

1134. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, le contour d’une gorge enchanteresse. […] Il a le teint brun ; et des yeux pleins de feu animent sa physionomie. […] Mais la réponse de d’Alembert est distinguée et fine, et pleine de ces malices sournoises qu’on appelle aujourd’hui des « rosseries ». […] Cet homme est plein d’imprévu ! […] (Et il peut le soutenir et même le croire, le livre étant plein de contradictions.)

1135. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Un scandale éclate ; un mari trompé demande justice ; quelques jeunes désœuvrés se tuent, laissant leurs poches pleines de mauvais vers ; un romancier fait un livre immoral ; un entrepreneur d’émotions dramatiques exploite sur la scène le reste impur des corruptions d’un autre âge : tout cela, c’est la faute de ce pauvre siècle ! […] Ils se trouvent pleins de vie, pleins d’avenir, et je suis bien de leur avis ; l’avenir de notre littérature est immense. […] Cette façon de parlementer eut plein succès. […] Mon portefeuille est plein de lettres de rois. […] J’ai vu mourir bien des jeunes gens, robustes, pleins d’avenir, qui jouaient avec la mort ; et je vois vivre, avec une mauvaise santé, nombre de personnes qui en ont une peur effroyable.

1136. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Il faut relire les deux études d’une injustice pleine de sagacité, qu’il a consacrées à Dumas fils et à Flaubert dans ses Essais. […] Ils sentent à plein nez leur Lousteau. […] Ce magistrat plein d’assurance est, à la fois, extrêmement ingénieux et étrangement stupide. […] Sarcey, à la fin de son dernier feuilleton, annonçait que la pièce était pleine de mots. […] Si on la jugeait d’après les règles expérimentales du théâtre, elle paraîtrait pleine de défauts.

1137. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Médor, fidèle à la reconnaissance envers son prince et plein du regret de sa perte, veut lui rendre des devoirs au-delà même de la vie, et se résout à exposer la sienne pour lui donner la sépulture. […] que j’aime bien mieux cet auteur plein d’adresse, « Qui, sans faire d’abord de si haute promesse, « Me dit d’un ton aisé, doux, simple, harmonieux, etc. […] Il faut, en un mot, qu’un poème épique ressemble à la vie qui est pleine d’incidents et de sensations, par lesquels nous passons continuellement du plaisir à la douleur, et de l’agitation au repos. […] Delille, en peignant la guerrière Camille, excité par l’émulation d’égaler le cygne de Mantoue, composera des vers aussi légers que la course de cette amazone, et pleins d´une gracieuse fluidité. […] Nul poète n’est si plein de choses utiles et si peu prodigue du superflu : aucun ne sut mieux s’abstenir, lorsqu’il le fallut.

1138. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Ainsi se forment de fragiles caractères, pleins de trouble et d’incohérence, ou de stériles et ingrates natures, n’ayant d’autre règle que l’égoïsme. […] Au temps où prophétisait Jésus, Jérusalem aussi était pleine d’habitants ; Hérode régnait, et les publicains percevaient l’impôt ; les marchands trafiquaient jusque dans le temple, et les scribes et les pharisiens débitaient hardiment le mensonge. […] Alors pouvait venir une femme aussi pleine d’amour que Thérèse ; le Christianisme ne la redoutait pas ; il lui disait : Souffre ; et elle-même, traduisant aimer par souffrir, s’écriait : Non seulement je consens à souffrir, mais je veux souffrir. […] La terre est pleine de confusion et en proie à mille fléaux ; l’immense majorité des hommes vit et meurt dans la souffrance ; on rencontre à chaque pas l’iniquité triomphante et la vertu sacrifiée et méconnue : n’y a-t-il pas, oh ! […] Unanimes aujourd’hui, poètes, philosophes, et peuples, ne font que répéter d’une voix immense, et comme à plein chœur, le rire sardonique et le gémissement de ces deux grands génies : inquiets comme Jean-Jacques, ironiques comme Voltaire.

1139. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Du 6 janvier au 1er juillet 1841, il est plein de Soumet : « Lu Soumet. — Écrit sur Soumet. — Écrit à Soumet. — Réponse de Soumet […] Un amour plein de respect, pur comme son objet, l’attache bientôt à elle, et réussit à se faire partager. […] Elles se prennent à poignée dans ces deux volumes tout pleins des observations les plus vraies et les plus délicates sur la nature humaine et sur la morale religieuse. […] Les poètes de l’antiquité sont pleins de ces expressions vagues mais délicieuses, de ces inexactitudes sublimes ou touchantes, qui font le tourment du grammairien loyal. […] Cela est plein de philosophie ; mais il faut y regarder.

1140. (1774) Correspondance générale

Le voici : Je le trouve dur, sec, plein d’humeur et pauvre d’idées. […] Elle nomma pour me conduire un galant homme plein d’honnêteté, de connaissances et d’esprit. […] Ce voyage est plein de particularités inattendues et délicieuses. […] Mais, faute de ces deux ressources, ma vie est pleine d’amertume. […] « Cette réponse vous paraît, sans doute, vigoureuse et pleine de sens, ajoute Métra.

1141. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

Mais à quoi bon analyser un discours plein de pensées, et que chacun va lire ?

1142. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

Bref, le chemin semblait tracé, il était clairement indiqué du moins, et il ne s’agissait plus pour les poëtes, surtout après juillet 1830, et la pleine liberté de la scène étant conquise, que d’y marcher et d’y faire leurs preuves.

1143. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement de la première édition »

La forme de la critique se ressent des difficultés dont j’ai eu à triompher : je débute le plus souvent par la louange, par la pleine louange tellement que la critique proprement dite semble parfois bien près de disparaître.

1144. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Si le livre a une idée principale, c’est celle-là ; et elle est féconde en explications pleines d’exactitude et de finesse.

1145. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Daudet, Alphonse (1840-1897) »

Pour se servir d’une comparaison presque empruntée à ce délicat recueil de la dix-huitième année, on peut bien dire que les Amoureuses restent comme un verger de printemps avec des arbres blancs et roses odorants comme des bouquets, tout doré de soleil, tout plein de voix, traversé par des robes claires, obscurci par instants sous un nuage d’orage.

1146. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nerval, Gérard de (1808-1855) »

Édouard Thierry Il lisait toujours et s’efforçait rarement de produire ; mais ce qu’il écrivait était simple et excellent, ingénieux avec le plus grand air de naturel, et spirituel sans se piquer de le paraître… Tout cela est précis et délicat, ingénieux et sincère, toujours intéressant, toujours original, mais de cette originalité vraie et qui s’ignore, plein de ce charme funeste, et qui ne fut mauvais qu’à lui-même, l’enchantement du rêve répandu sur la vie.

1147. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Je signalerai encore d’autres superbes parties de cette œuvre : la pièce du Cimetière de Villequier, un chef-d’œuvre de tendresse ; l’Arbre, une des plus belles conceptions du poète… Je m’arrête, renvoyant le lecteur à ce livre plein de hautes pensées, de l’amour de l’humanité et de la justice.

1148. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 527-532

Ce n’est pas certainement ainsi qu’auroient répondu nos petits esprits si pleins d’eux-mêmes, eux qui croient tout tenir de leur propre fonds, & qui ne peuvent réellement s’approprier que le ridicule de leurs prétentions.

1149. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 519-526

L’Académie la mit au dessous de celle de M. l’Abbé du Jarry, que le Public trouva très-mauvaise quand elle parut, & qui commence par ces trois Vers : « Enfin ce jour paroît où le saint Tabernacle, D’ornemens enrichi, nous offre un beau spectacle ; La mort ravit un Roi plein d’un projet si beau, &c. » « L’Académie ne s’apperçut point de tous les défauts de cette Piece, qui est très-plate, très-prosaïque, & où l’on trouve des Pôles glacés & où des Pôles brûlans, & jugea à propos de la couronner.

1150. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

Sans s’attacher à cet appareil scientifique, à ces phrases prétendues sentencieuses, à ce contour pénible de pensées qu’on appelle du nerf, & qui ne donne au langage que de la gêne & de l’obscurité ; son style est simple, noble, ferme, lucide, correct, toujours plein de sentiment quand le sujet l’exige.

1151. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

On peut le regarder comme un Juge plein d'adresse & de sagacité, plus occupé à trouver des coupables, qu'à se servir de ses lumieres pour analyser les chefs d'accusation ; ou comme un censeur sévere qui interprete tout en mal, en ne s'attachant qu'aux dehors, qui sont bien du ressort de la police, mais non de la morale, qui doit pénétrer plus avant dans le cœur.

1152. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Angelo, tyran de Padoue » (1835) »

Aujourd’hui, en présence d’un succès dû évidement à cette pensée et qui a dépassé toutes ses espérances, il sent le besoin d’expliquer son idée entière à cette foule sympathique et éclairée qui s’amoncelle chaque soir devant son ivre avec une curiosité pleine de responsabilité pour lui.

1153. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Le père Bouhours, et Barbier d’Aucour. » pp. 290-296

C’est un jeune homme ardens qui, plein de confiance, Voudroit, pour s’illustrer, t’engager au combat*.

1154. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

L’octave du Tasse n’est presque jamais pleine, et son vers, trop vite fait, ne peut être comparé au vers de Virgile, cent fois retrempé au feu des Muses.

1155. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre premier. Que le Christianisme a changé les rapports des passions en changeant les bases du vice et de la vertu. »

30 « Mère, voilà ton fils ; disciple, voilà ta mère. » Le christianisme, qui a révélé notre double nature et montré les contradictions de notre être, qui a fait voir le haut et le bas de notre cœur, qui lui-même est plein de contrastes comme nous, puisqu’il nous présente un Homme-Dieu, un Enfant maître des mondes, le créateur de l’univers sortant du sein d’une créature ; le christianisme, disons-nous, vu sous ce jour des contrastes, est encore, par excellence, la religion de l’amitié.

1156. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

Marmontel est pleine de finesse & de goût, mais l’ordre que l’auteur a suivi n’étant pas assez méthodique, on a de la peine à saisir tout ce que son livre offre d’ingénieux & de neuf.

1157. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Mais ce peuple est en partie retenu dans l’état héroïque par une religion pleine de croyances effrayantes, et dont les dieux tout couverts d’armes menaçantes inspirent la terreur.

1158. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Et quand vous prenez le grand couteau à manche de corne pour découper des tranches de gigot fondantes, ou la truelle d’argent pour diviser tout du long avec délicatesse un magnifique brochet à la gelée, la gueule pleine de persil, avec quel air de recueillement les autres vous regardent ! […] Mais déjà la ferme était pleine de bruits : dans la cour, le coq, les poules, le chien, tout allait, venait, caquetait, aboyait. […] À force de dumfnoudels, j’en avais assez ; j’aurais voulu des œufs à la coque, elle m’en a fait sans que j’aie dit un mot ; ensuite j’avais assez d’œufs, elle m’a fait des côtelettes aux fines herbes… C’est une enfant pleine de bon sens ; cette petite Sûzel m’étonne !  […] C’est encore plein de rosée, et ça conserve tout son goût naturel, toute sa force et toute sa vie. » Christel le regardait d’un air joyeux. […] On comprit aussitôt que ce serait quelque chose d’étrange ; la valse des Esprits de l’air, le soir, quand on ne voit plus au loin sur la plaine qu’une ligne d’or, que les feuilles se taisent, que les insectes descendent, et que le chantre de la nuit prélude par trois notes : la première grave, la seconde tendre, et la troisième si pleine d’enthousiasme qu’au loin le silence s’établit pour entendre.

1159. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Une partie de ces vérités avait peut-être été soupçonnée par certains sages de l’antiquité, mais c’est de l’évangile que date leur pleine, lumineuse et large révélation. […] C’est lui qui sème à pleines mains dans l’air, dans l’eau, dans la terre, dans le feu, ces myriades d’êtres intermédiaires que nous retrouvons tout vivants dans les traditions populaires du moyen-âge ; c’est lui qui fait tourner dans l’ombre la ronde effrayante du sabbat, lui encore qui donne à Satan les cornes, les pieds de bouc, les ailes de chauve-souris. […] C’est, disons-le en passant, pour cette dernière raison que le drame, unissant les qualités les plus opposées, peut être tout à la fois plein de profondeur et plein de relief, philosophique et pittoresque. […] Nous n’hésitons pas, et ceci prouverait encore aux hommes de bonne foi combien peu nous cherchons à déformer l’art, nous n’hésitons point à considérer le vers comme un des moyens les plus propres à préserver le drame du fléau que nous venons de signaler, comme une des digues les plus puissantes contre l’irruption du commun, qui, ainsi que la démocratie, coule toujours à pleins bords dans les esprits. […] Ce n’était plus seulement le Cromwell militaire, le Cromwell politique de Bossuet ; c’était un être complexe, hétérogène, multiple, composé de tous les contraires, mêlé de beaucoup de mal et de beaucoup de bien, plein de génie et de petitesse ; une sorte de Tibère-Dandin, tyran de l’Europe et jouet de sa famille ; vieux régicide, humiliant les ambassadeurs de tous les rois, torturé par sa jeune fille royaliste ; austère et sombre dans ses mœurs et entretenant quatre fous de cour autour de lui ; faisant de méchants vers ; sobre, simple, frugal, et guindé sur l’étiquette ; soldat grossier et politique délié ; rompu aux arguties théologiques et s’y plaisant ; orateur lourd, diffus, obscur, mais habile à parler le langage de tous ceux qu’il voulait séduire ; hypocrite et fanatique ; visionnaire dominé par des fantômes de son enfance, croyant aux astrologues et les proscrivant ; défiant à l’excès, toujours menaçant, rarement sanguinaire ; rigide observateur des prescriptions puritaines, perdant gravement plusieurs heures par jour à des bouffonneries ; brusque et dédaigneux avec ses familiers, caressant avec les sectaires qu’il redoutait ; trompant ses remords avec des subtilités, rusant avec sa conscience ; intarissable en adresse, en pièges, en ressources ; maîtrisant son imagination par son intelligence ; grotesque et sublime ; enfin, un de ces hommes carrés par la base, comme les appelait Napoléon, le type et le chef de tous ces hommes complets, dans sa langue exacte comme l’algèbre, colorée comme la poésie.

1160. (1900) La culture des idées

Et de la Mariana de Tennyson, agréables vers pleins de lieux communs et de remplissages, grisaille, Mallarmé, par la substitution du concret à l’abstrait, fit une fresque aux belles couleurs d’automne. […] Toute sa personne est pleine de charme, mais la vue de sa figure donne la mort. […] Mais Aphrodite règne encore au mont Eryx, toujours plein de colombes, toujours sacrées ; elle a pris un nom de madone, il est vrai ; les déesses elles-mêmes doivent pour rester femmes et belles, se plier à la mode. […] L’homme qui, de son plein gré, se voue à la continence, c’est qu’il est glacé. […] La syphilis a fait ce miracle qu’une figure humaine, belle de sa pleine nudité, est condamnée parce qu’elle excite à l’amour, l’amour étant considéré comme dangereux.

1161. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Tous les partis ont leurs bons et leurs méchants, et ne diffèrent que par le but ; mais vous conviendrez qu’entre un Bailly mourant la tête et le cœur pleins de vérité, et un d’Éprémesnil mourant plein d’entêtement, quoique le sacrifice soit le même, le mérite ne l’est pas. […] L’examen de la Corinne au cap Misène, de Gérard, amène un portrait de Mme de Staël et une appréciation qu’on a droit de trouver rigoureuse, mais qui n’est pas moins pleine de sens et bien conforme à ce que M. […] Les chapitres sur Marseille sont à la fois plein d’amour et de réflexion : on n’a jamais mieux rendu, ni d’un trait plus approprié, la beauté de ligne et de lumière de ce golfe de Marseille, cette végétation rare et pâle, si odorante de près, la silhouette et les échancrures des rivages, la Tour Saint-Jean qui les termine, « au couchant, enfin, la Méditerranée qui pousse dans les terres des lames argentées ; la Méditerranée avec les îles de Pomègue et de Ratoneau, avec le château d’If, avec ses flots tantôt calmes ou agités, éclatants ou sombres, et son horizon immense où l’œil revient et erre sans cesse en décrivant des arcs de cercle éternels. » L’histoire civile de Marseille, avec ses vicissitudes et ses revirements, s’y résume très à fond ; son génie s’y révèle à nu, raconté avec feu par le plus avisé de ses enfants. […] On pesait leurs mérites divers ; mais aucun œil encore, si perçant qu’il pût être, ne voyait dans cette génération de héros les malheureux et les coupables ; aucun œil ne voyait celui qui allait expirer à la fleur de l’âge, atteint d’un mal inconnu, celui qui mourrait sous le poignard musulman ou sous le feu ennemi, celui qui opprimerait la liberté, celui qui trahirait sa patrie ; tous paraissaient grands, purs, heureux, pleins d’avenir !

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