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698. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

le mot organisation renferme une ambiguïté ; mais si l’on remarque que par ce mot on entend la totalité des conditions nécessaires, non moins que la constitution organique, on comprendra facilement que la vie est proportionnelle à l’organisation. […] On a tant de fois confondu la perception avec la sensation, parce qu’elles sont constamment mélangées, qu’on s’étonne d’entendre dire que l’une se produit sans l’autre247. […] Nullement : par sensation il entend la sensibilité propre à chaque centre. […] Lewes n’entend se placer qu’au point de vue physiologique. […] Dans l’état de veille, rien de plus fréquent que de voir des objets, d’entendre des sons qui ne correspondent à rien de réel.

699. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Il suffit de baisser d’un ton leurs dithyrambes pour entendre à peu près ce qu’ils pensent. […] Ces quatre-vingt-dix vers enferment en leur mélodie toute son âme et toute son histoire : ils laissent entendre ses aspirations premières et disent ses acceptations secondes. […] Immédiatement après cette qualification grandiloquente mais un peu vague, Charles-Brun, qui prévoit jusqu’aux moindres objections, s’écrie : « Et je n’entends point le perdre de la sorte dans une troupe mélodieuse de troubadours occitans qui chantèrent aussi la passion souveraine. » Cette phrase me fit espérer une définition critique du talent de Bernard de Ventadour. […] Puisqu’il parla dans un salon et non sur les places publiques, ceux qui l’entendirent nous doivent doublement de faire revivre ce Socrate sans familiarité. […] Paul Bourget est le plus en vue des disciples vils qui dans les noblesses dites n’entendent que de basses utilités et qui apprennent les philosophies et les littératures dans le même esprit qu’un futur comptable étudie l’arithmétique.

700. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

C’est d’abord un préjugé contre elle que cette singularité ; car le but du discours n’étant que de se faire entendre, il ne paroît pas raisonnable de s’imposer une contrainte qui nuit souvent à ce dessein, et qui exige beaucoup plus de tems pour y réduire sa pensée, qu’il n’en faudroit pour suivre simplement l’ordre naturel de ses idées. […] Racine n’a presque jamais passé ces bornes, que dans quelques descriptions où il a affecté d’être poëte : comme dans celle de la mort d’Hippolite, où l’on croit plutôt entendre l’auteur que le personnage qu’il fait parler. […] Si on les en croit, l’essence de l’enthousiasme est de ne pouvoir être compris que par les esprits du premier ordre, à la tête desquels ils se supposent, et dont ils excluent tous ceux qui osent ne les pas entendre. […] Les grecs les affectoient sur-tout dans leurs dithyrambes : ce qui fit naître ce proverbe : cela s’entend moins qu’un dithyrambe . […] Horace est le premier, comme il le dit lui-même, qui ait fait entendre aux latins la lyre des grecs ; il pouvoit dire encore qu’il l’avoit perfectionnée ; personne ne lui eût contesté cette gloire.

701. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Elle a travaillé ici, c’est bien évident ; on sent sa présence et on entend sa plainte, mais hors cette plainte, qu’y a-t-il qui nous éclaire le cœur après nous l’avoir touché et, si vous y tenez, déchiré ? […] Enfant gâté qui, comme tous les enfants gâtés, a l’esprit de contradiction et le porte en toutes choses, il a entendu dire à la Critique que peut-être il sera moral demain, et il est remonté vers son immoralité de la veille, indifférent à tout, si ce n’est au jeu même de ses facultés. […] L’auteur de Fanny avait été accusé naguère d’appartenir au réalisme, non pas au réalisme du fond de la tonne, mais de la surface et des bords, et probablement humilié (et on le conçoit) d’être la fleur d’un pareil panier, il a voulu montrer comment il entendait l’idéalisme dans la forme et la poésie dans la prose. […] Après beaucoup de conversations et de promenades, cette passion les fiance tous les deux, et s’ils ne s’appartiennent pas dans le roman, ils s’y donnent du moins leurs anneaux et quelques baisers, tout cela, bien entendu, malgré le mariage, connu de la jeune fille, et dont le sombre Daniel, dans les plans de l’auteur, reste et doit rester la victime. […] C’est ainsi qu’il entend l’amusant.

702. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

J’ai prononcé à son sujet le mot de conteur : il faut entendre en quel sens. […] Les seigneurs et chevaliers avaient beau jeu à lui réciter leurs prouesses, il n’y faisait guère d’objections, et, les aventures une fois entendues, il ne s’inquiétait plus ensuite que de les mettre en ordre et dans un beau jour. […] Mais si les paroles sont un peu grosses et « moult félonnesses », si ce sont des paroles peut-être antiques de crudité, le motif est bien délicat et tout moderne : Je vous dirai pourquoi, dit Froissart qui ne perd jamais une occasion de glisser dans l’histoire un coin de galanterie : ces deux chevaliers, qui étoient jeunes et amoureux, ainsi le peut-on et le doit-on entendre, portoient chacun une même devise sur le bras gauche, une figure d’une dame en bleu brodée sous des rayons de soleil, et ils ne la quittoient jamais en aucun moment. […] Je ne le dis point, sachez-le bien, cher Sire, pour vous railler, car tous ceux de notre parti qui ont vu les uns et les autres se sont par pleine science à cela accordés, et tous vous en donnent le prix et chapelet d’honneur si vous le voulez porter. » À ce moment, un murmure d’approbation se fit entendre, et tous, François et Anglois, se disoient entre eux que le prince avoit très noblement parlé et à propos ; et ils célébroient son éloge, et disoient qu’en lui il y avoit et il y auroit encore un gentil seigneur dans l’avenir s’il pouvoit longuement durer et vivre, et en cette fortune persévérerc. […] Quand on l’aurait présenté comme le narrateur le plus varié et le plus piquant des entreprises d’armes et de toutes les chevaleries d’alors, il y aurait à se garder encore de le trop circonscrire et de lui refuser l’intelligence du reste ; car, s’il entend par excellence le fait des chevaliers et gentilshommes, il a montré dans ses récits des affaires et des troubles de Flandre qu’il n’entendait pas moins bien le tribun du peuple, le factieux de la bourgeoisie et de la commune, le chef des chaperons blancs, c’est-à-dire des bonnets rouges de ce temps-là.

703. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Vous vous rappelez le temps (le temps des assignats) où un dîner coûtait dix à vingt mille livres ; il faut, une dose monstrueuse d’éloges ou de critique pour valoir un mot d’autrefois, et bientôt les Fiévée paraîtront des hommes modérés. — On dit souvent du mal de vous (c’est à Mme de Staël qu’il écrit) ; mais un mot de vous-même pèse des volumes de ce que ces gens-là peuvent dire, et les mots ne font pas plus d’effet sur l’opinion qu’on a de vous que les coups des ombres n’en pouvaient faire dans les enfers sur Énée ou sur Hercule. — Je n’ai jamais entendu louer quelqu’un de distingué sans y ajouter de mais. […] L’esprit brillant s’annonce par un doux frémissement, qui anime à la fois toutes les idées chez les personnes bienveillantes qui l’entendent. Une personne spirituelle est le musicien habile, qui, des sons isolés et quelquefois discordants qu’il entend, sait, en les arrangeant à propos, faire sortir l’harmonie, le mouvement et la vie. […] Bonstetten parlait ainsi de Voltaire pour l’avoir entendu et après l’avoir pu comparer à tant d’autres intéressants causeurs de toute nation ; on croit sentir cependant qu’il songeait surtout à Mme de Staël en écrivant cela, et qu’il se souvenait de la brillante virtuose, de la grande harmoniste de Coppet. […] — Je n’entends plus que l’addio ! 

704. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Quelques jours auparavant, Arouet, trouvant cet officier à Versailles, avait dit, assez haut pour qu’il l’entendît, que c’était un malhonnête homme et un espion. […]   J’ai dit que Marais était un pur classique à sa date, et il est bon, sur ce point, de bien s’entendre. […] J’ai parlé de lui vingt fois en plein consistoire ; nos Quarante n’ont jamais voulu y entendre : la plupart ne le connaissaient pas seulement de nom. […] Le pauvre Marais n’y entend plus rien, et ce brusque revirement l’intrigue : « On m’a assuré que le président de Montesquieu est rentré à l’Académie ; je ne sais par quelle porte… Aurait-il désavoué ses enfants ? […] Elle donnait deux repas par semaine à messieurs de l’Académie ; ils s’assemblaient ensuite pour faire devant elle des dissertations où elle n’entendait rien.

705. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Je n’entends faire de reproches à qui que ce soit : il y a des destins inévitables ; mais, si j’avais été moins confiant ou moins faible, ma position serait bien différente. […] Et, quelques jours après, dans une lettre du 9 juillet, il réitère et confirme l’aveu, même en l’adoucissant : « On m’a fait entendre, et, je crois, avec raison, que ma dernière lettre était trop vive. […] Il avouait qu’il n’était pas né pour la prêtrise, qu’il s’y était laissé inconsidérément entraîner par le vertueux abbé Carron ; qu’il lui fallait la vie laïque en plein vent et en plein soleil ; qu’il regrettait de n’être pas marié, de n’avoir pas une femme, des enfants ; mais que, pour se former une famille, il était déjà trop âgé lorsqu’il rompit avec le sacerdoce. » Certes, La Mennais, en 1810, eût probablement frémi de s’entendre s’exprimer de la sorte ; mais l’aveu qui devait sortir plus tard de ses lèvres couvait déjà dans l’amertume cruelle et irrémédiable dont il se sentait abreuvé au fond de l’âme. […] — Il racontait que, sous la Restauration, étant allé un soir assister chez le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld à je ne sais quelle séance de ce qu’on appelait la Congrégation, il y avait entendu tant de sottises qu’il n’y put tenir, et en sortant il fut pris d’un fou rire à se tenir les côtes, tellement qu’il avait dû s’asseoir sur un do ces bancs de pierre comme il y en avait alors dans le faubourg Saint-Germain à la porte des hôtels, jusqu’il ce qu’il eût fini de rire tout son soûl. […] Béranger (c’était là son faible) ne perdait aucune occasion de se donner le beau rôle, le rôle du sage, et il passait même toutes les limites du sans-gêne lorsque, rentrant chez lui après une visite à La Mennais, il disait à qui voulait l’entendre : « Je viens de voir ce vieux grigou… » On aurait du reste à citer de pareils propos de Béranger sur tous ses amis, Thiers, Mignet, Cousin, etc.

706. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Il nous semblait voir et entendre un solitaire de Port-Royal-des-Champs, survivant à un autre âge59. […] Pascal à part, on ne trouverait, en effet, dans ce grand siècle de Louis XIV, que trois hommes d’un goût tout à fait libre et indépendant, comme nous l’entendons, Bossuet, Molière et La Fontaine. […] Je ne contesterai pas cette qualification, si par mystique il est entendu qu’il s’agit surtout ici d’un chrétien, qui sans négliger les raisons et preuves qui parlent à l’intelligence, met la raison de sentiment au-dessus des autres. […] Dans le christianisme tel que nous l’entendons volontiers aujourd’hui, civilement et philosophiquement, on oublie trop une seule chose ; — mais pour ne pas avoir l’air de prêcher, quand je n’ai pour but que de rétablir le vrai sur Pascal, je prendrai un détour dont on ne se plaindra pas, avant de dire mon mot sur cette chose ou cette personne, qu’on oublie trop généralement aujourd’hui en parlant du christianisme. […] Voir surtout au tome II, page 341, le passage inédit où l’auteur, ravi dans une tendre contemplation, voit Jésus-Christ présent, converse avec lui, entend sa parole et lui répond : « On croirait lire, dit M augère, un chapitre de l’Imitation : Je pensois à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. — Veux-tu qu’il me coûte toujours du sang de mon humanité, sans que tu donnes des larmes ?

707. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Ce poème n’a jamais été imprimé, que je sache ; je n’en ai pas lu une ligne, mais d’après ce que j’ai entendu dire, ce serait une imitation de la Guerre des Dieux de Parny. […] Dans un certain château du nord de l’Angleterre, les hôtes qui vont gagner leurs chambres après minuit n’entrent pas plutôt dans un certain corridor, qu’ils entendent les pas de quelqu’un qui les suit, marchant avec des mules. […] J’entends par l’histoire officielle, celle de Karamzine, approuvée par la censure de son temps, car j’ai de bonnes raisons pour croire que l’imposteur n’était pas le moine défroqué Grégoire Otrépiev, que l’Église russe maudit encore aujourd’hui pour un crime dont il me paraît fort innocent. […] Enfin j’entends le langage non plus d’un enfant, mais d’un homme. […] À peine entend-on la garde du tsar qui fait la ronde, et aussi un lointain bruissement de chaînes.

708. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

La grande Mademoiselle, qui n’a pas encore rencontré Lauzun, craint aussi de se donner un maître sous le nom de mari, et quand elle rêve de transformer les dames et les officiers de sa cour en bergers et en bergères vivant aux champs et gardant des moutons enrubannés, elle entend que le mariage soit interdit dans cette société idéale. […] Musset avouait que ses pièces étaient faites surtout pour ce qu’il appelait son public de petits nez roses ; et j’ai entendu dire à Alexandre Dumas fils qu’en composant un drame ou une comédie il ne s’occupait pas plus des hommes que s’il ne devait pas y en avoir un seul dans la salle de spectacle. […] Je l’entends, il est vrai, qui ordonne. […] Il pourrait avoir entendu dire que le corps des laquais est « le séminaire de la noblesse98 » ; et, en attendant que la fortune le traite selon son mérite, il est plein d’égards pour sa grandeur future ; il ôterait volontiers son chapeau pour se parler. […] M’entends-tu ? 

709. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Sans doute, on entend dire à chaque instant : « Le cœur humain est toujours le même ; les vertus et les vices d’aujourd’hui sont ceux d’hier et ceux de demain. […] Fontenelle s’est ennuyé d’entendre toujours vanter la raison aux dépens de la passion et il s’est complu à renverser les rôles. […] Si au contraire elle se donne pour tâche d’élever et de redresser les âmes, si elle entend, non pas seulement faire naître des fleurs et des herbes folles, mais semer le bon grain, elle aura d’autres qualités et d’autres défauts. […] Ecoutez Rousseau parler de La nouvelle Héloïse A l’entendre, la jeune fille « qui, malgré ce titre, en osera lire une seule page, est une fille perdue ; mais qu’elle n’impute pas sa perte à ce livre ; le mal était fait d’avance116. » Il paraît ainsi accepter, provoquer même la sévérité des magistrats de Genève qui défendirent aux cabinets de lecture de faire circuler un ouvrage pernicieux pour la jeunesse. […] J’ai entendu des sermons sur la chasteté qui étaient fort instructifs et des plus troublants pour des âmes innocentes.

710. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Je voudrois savoir si un Magistrat seroit flatté d’entendre un de ces Messieurs s’écrier : Sages de la terre, Philosophes de toutes les Nations, c’est à vous seuls à faire des Loix ; ayez le courage d’éclairer vos freres…. […] A l’entendre, la Religion n’est qu’un masque dont se couvre l’hypocrite pour tromper plus adroitement ceux dont la crédulité peut leur être utile Le Militaire Philos. pag. 84. […] Sans doute mon Livre n’est pas aussi médiocre que mes ennemis ont voulu le faire entendre, puisqu’ils s’efforcent de me le ravir. […] Il n’est pas inutile de remarquer qu’un autre Abbé, qui se pique aussi de Religion [je ne le nommerai point, pour ne pas lui nuire dans la place de confiance qu’il occupe], me poursuit depuis trois ou quatre ans avec une haine & un acharnement d’autant plus inconcevables, que je ne lui ai donné aucun sujet de se plaindre de moi : il n’est question de lui dans aucun de mes Ouvrages ; je ne le connois même point, & je puis assurer que je n’ai entendu prononcer son nom, qu’à l’occasion de son monstrueux déchaînement. […] Rien de si comique, m’a-t-on dit, que de le voir se démener dans les sociétés, pour prouver que si M. l’Abbé Martin, mort il y a environ quatre ans, n’est pas l’Auteur des Trois Siecles, [c’est le nom du Vicaire avec lequel j’ai eu des liaisons d’amitié], il l’est au moins des meilleurs morceaux de cet Ouvrage, ainsi qu’il l’a donné lui-même à entendre à plusieurs Habitués de Paroisse.

711. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Que de belles voudraient n’en entendre point d’autre ! […] Tout ce que vous pouvez imaginer de désespoir et de larmes… Psyché, laissée seule en ce lieu sauvage, se voit soudain transportée en un palais et elle entre dans un état très bizarre : elle y devient l’épouse d’un être que, à sa voix, à ses discours, à l’entendre, à le toucher, elle trouve charmant, mais qu’elle ne voit jamais. […] Voilà les différentes façons dont on peut traiter Psyché, et j’entends par là que ce vieux mythe populaire de Psyché contient tout cela, comme les mythes populaires contiennent des sens très grands et très profonds, en quelque sorte d’une façon inconsciente. […] « … Pour ce qui me touche, je prends un plaisir extrême à vous voir en peine ; d’autant plus que votre imagination ne se forge guère de monstres, j’entends d’images de ma personne, qui ne soient très agréables. […] Il a épuisé tous les dégoûts, lui, et du reste sa fille, et ils se sont parfaitement entendus pour ne plus rien vouloir savoir des grandeurs de ce monde.

712. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Il eut de tout temps de ces mots et des plus heureux, comme lorsque plus tard un candidat à l’Académie lui donnant à entendre qu’il était malade, infirme, et qu’il n’occuperait le fauteuil que peu de temps, Duclos repartit : « L’Académie n’est pas faite pour donner l’extrême-onction. » Mais d’autres fois il manquait son effet et n’arrivait qu’à la crudité, lorsqu’il disait, par exemple, des drames larmoyants, alors à la mode : « Je n’aime pas ces pièces qui font tant pleurer : ça tord la peau. » On n’a ici que la rudesse de la secousse et le choc sans l’aiguillon. […] Le défaut de Duclos, dans ce monde élégant qui en souffrait quelquefois, est très finement noté par M. de Forcalquier : Ce qui lui manque de politesse, dit-il, fait voir combien elle est nécessaire avec les plus grandes qualités : car son expression est si rapide et quelquefois si dépourvue de grâce qu’il perd, avec les gens médiocres qui l’écoutent, ce qu’il gagne avec les gens d’esprit qui l’entendent. […] Je l’entendis un jour dire après dîner, en parlant du lieutenant de police : « Je tirerai ce drôle-là de la fange pour le pendre dans l’histoire. » — C’étaient là des vanteries d’après dîner, comme lorsqu’il disait encore de je ne sais quel plat personnage : « On lui crache au visage, on le lui essuie avec le pied, et il remercie. » Et tant d’autres mots piquants, excessifs et applaudis, par où s’en allait sa verve57. […] Le Français, selon lui, a un mérite distinctif : « Il est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le cœur se corrompe et que le courage s’altère. » Il voudrait voir l’éducation publique se réformer et s’appliquer mieux désormais aux usages et aux emplois multipliés de la société moderne ; il prévoit à temps ce qui serait à faire, et, connaissant le train du monde, il craint toutefois qu’on ne le fasse pas à temps : « Je ne sais, dit-il, si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer et hâter les progrès par une éducation bien entendue. » Duclos veut une réforme en effet, et non point une révolution. […] Si nous avions le temps de le suivre dans l’entresol du docteur Quesnay chez Mme de Pompadour, et de l’y entendre parlant des Bourbons et de leur race, et les louant de verve et comme par mégarde, nous trouverions en lui le type, en quelque sorte, du bourru flatteur.

713. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Après avoir prêché avec éclat dans diverses villes de province, et y avoir achevé son apprentissage de la parole publique, Bourdaloue revint à Paris en 1669, et y parut dans l’église de la maison professe des Jésuites, où la foule venait l’entendre : il y débuta en orateur consommé. […] Bourdaloue fut témoin et instrument de ce retour ; il assista et prépara le héros dans les deux dernières années ; il l’entendit, à l’heure de la mort, proférer ces nobles paroles, répétées par Vauvenargues : « Oui, nous verrons Dieu comme il est, Sicuti est, facie ad faciem. » Il l’entendit exprimer cette seule crainte touchante : « Je crains que mon esprit ne s’affaiblisse, et que par là je ne sois privé de la consolation que j’aurais eue de mourir occupé de lui et m’unissant à lui. » Et lorsque Condé eut légué son cœur à la maison professe de la Société, il dut, par reconnaissance, par devoir, prononcer une seconde fois une oraison funèbre68. […] Ce prince, qui m’avait écouté, a depuis écouté votre voix secrète, et, parce qu’il avait un cœur droit, il a suivi l’attrait de votre grâce… On voit bien que ceux qui dénient l’onction à Bourdaloue n’ont pas entendu de sa bouche ces passages, et ils les ont lus négligemment. […] Dans la préface qu’il a mise en tête de l’Oraison funèbre du prince de Condé par Bossuet, l’abbé Bourlet de Vauxcelles a dit : Voltaire donne à entendre que, deux ans avant la mort du Grand Condé, son esprit s’était totalement affaibli.

714. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Il en fut pour son zèle : seulement, au lieu d’en plaisanter et de se moquer de lui-même en le racontant, comme font les gens bien appris, il ajoute, en y revenant avec un certain sérieux et avec persistance : « Mais je sus que cela avait été bien lu au roi, qui, quoique tout enfant, aima à entendre dire qu’il avait opéré ce miracle », De retour à Paris après quatre ou cinq années d’intendance, il siégea au Conseil d’État, et peu à peu s’y fit distinguer par le garde des sceaux Chauvelin et par le cardinal de Fleury. […] Il n’en fut rien ; la mode s’en mêla ; on se fit nouvelliste et jugeur des événements du jour : « Et véritablement, dit-il, nous frondions quelquefois tout notre soûl. » L’abbé de Pomponne, homme d’esprit, mais tête de linotte, allait répétant partout l’opinion qu’il venait d’entendre, et ébruitait d’un air de mystère des conversations bonnes à huis clos. […] D’Argenson se plaît donc à relever les éloges qu’il a entendu faire de son père au cardinal de Fleury et à d’autres qui autrefois étaient peu de ses amis, et cela le remettant en veine filiale, il trace à diverses reprises des esquisses vigoureuses et franches de cette figure où le sourcil redoutable recouvrait tant de qualités diverses, et une riche ou même une aimable nature. […] On ne l’entendait point parler par sa grosse lèvre échauffée de vin ; — chercheur de midi à quatorze heures ; — grand raisonneur à tout ce qu’on lui disait ; — et, pour comble de perfection en son état, marié à une cuisinière qui le battait. […] Rien ne supplée à cela, et la langue en était d’autant plus riche… On entendait en même temps de bonnes et d’aimables qualités avec quelques défauts : enfin cela présentait une image… De dire C’est une jeune personne, ne dit point cela.

715. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Lucius est donc malade de la maladie de son temps : à peine a-t-il mis le pied en Thessalie qu’il ne rêve qu’enchantements et que métamorphoses ; les discours qu’il entend de ses compagnons de route, et qu’il se fait répéter le long du chemin, exaltent sa curiosité et lui donnent encore plus de désir que de crainte. […] Si je rencontrais une pierre, mon imagination en faisait un homme pétrifié ; si j’entendais quelques oiseaux, c’étaient des hommes couverts de plumes ; les arbres du boulevard, c’étaient encore des hommes chargés de feuilles ; les fontaines, en coulant, s’échappaient de quelque corps humain ; je croyais que les images et les statues allaient marcher, les murailles parler, les bœufs et les autres animaux du même genre rendre des présages, que du ciel, du ciel lui-même, et de l’orbite enflammée du soleil descendraient soudain quelques oracles. […] dès que j’eus entendu prononcer ce nom de magicienne qui m’avait toujours séduit, loin de songer à me précautionner contre Pamphile (l’hôtesse elle-même), je me sentis au contraire l’envie d’aller de ce pas la prier de m’initier à son art, quoi qu’il pût m’en coûter, et il me tardait de me jeter à corps perdu dans cet abîme. […] Il les observe, il les écoute, tout comme fera plus tard en pareil cas Gil Blas, cette fine mouche ; — et, en général, il est âne à fort observer et fort écouter les différentes sortes de maîtres au service desquels il va successivement passer ; si, en sa qualité d’âne, il n’est pas toujours au salon, à la cuisine ou dans l’alcôve, en cette même qualité il a l’oreille longue et fine, et il entend de loin. […] Dès qu’on est arrivé au repaire dans la montagne, au quartier général de tous les Mandrins de la contrée, les histoires de voleurs se succèdent et ne tarissent pas ; chaque bande qui arrive raconte la sienne, ses prouesses, ses pertes : il y a de fameux voleurs qui viennent de périr et qu’on exalte ni plus ni moins que des héros, Lamachus, Thrasyléon ; il faut entendre comme leurs compagnons en parlent, comme ils en sont fiers et en quels termes ils les déplorent : c’est à donner envie de se faire brigand, si l’on a du cœur.

716. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

On se lasse et on s’ennuie de tout ; on se lasse d’entendre louer M. de Turenne, d’entendre appeler Aristide le juste, d’entendre dire que le grand siècle est le grand siècle, Louis XIV un grand roi, que Bossuet est l’éloquence en personne, Boileau le bon sens, Mme de Sévigné la grâce, Mme de Maintenon la raison ; on se dégoûte de Racine plus aisément encore que du café. […]  » Il y a une seule chose en France dont on ne paraît pas près de se déshabituer et de se lasser, c’est d’entendre dire du bien de Molière. […] Aimer Molière, en effet, j’entends l’aimer sincèrement et de tout son cœur, c’est, savez-vous ?

717. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

» Tallemant dit que ce fut Mme de Carignan « qui fit mourir ce pauvre M. de Vaugelas, à force de le tourmenter et de l’obliger à se tenir debout et découvert. » — Quand Vaugelas était à Paris, il allait tous les jours à l’hôtel de Rambouillet ; il y débitait des nouvelles « où il n’y avait aucune apparence, et il croyait quasi tout ce qu’il entendait dire. » Il était plein de candeur, surtout attentif aux formes du langage et aux mots bien plus qu’aux choses ; gentilhomme d’ailleurs de belle apparence, de bonne mine, fort dévot, civil et respectueux jusqu’à l’excès, particulièrement envers les dames ; craignant toujours d’offenser quelqu’un, circonspect dans les disputes ; — tout à son procès-verbal élégant et perpétuel. […] Après avoir disposé de tous ses effets pour acquitter ses dettes, le testateur ajoutait : « Mais comme il pourrait se trouver quelques créanciers qui ne seraient pas payés quand même on aura réparti le tout, dans ce cas, ma dernière volonté est qu’on vende mon corps aux chirurgiens le plus avantageusement qu’il sera possible, et que le produit en soit appliqué à la liquidation des dettes dont je suis comptable à la société ; de sorte que, si je n’ai pu me rendre utile pendant ma vie, je le sois au moins après ma mort. » Il faut entendre probablement par là que Vaugelas, depuis longtemps malade d’une tumeur vers la rate ou l’estomac, autorisa l’autopsie après sa mort. […] Il entend et définit l’usage autrement que ne le faisait Malherbe, lequel, un peu dédaigneux ou relâché pour ce qui était de la prose, renvoyait brusquement les questionneurs aux crocheteurs du Port-au-Foin. […] Ces mots qui sont de l’usage ancien et moderne tout ensemble sont beaucoup plus nobles et plus graves que ceux de la nouvelle marque. » La Cour, au sens où l’entendait Vaugelas, n’était donc nullement un simple lieu de cérémonie et d’étiquette, une glacière polie, mais une école vivante, animée, la haute et libre société du temps. […] Entendons-nous bien : je ne parle pas de la langue de Molière, plus riche, plus ample et plus diversement composée ; mais quand on se place au point de vue de Racine, au centre de son œuvre, et qu’on le considère, ainsi que l’ont fait Voltaire et tous ceux de son école, comme le dernier terme de la perfection dans le style, on n’a pas alors à signaler de meilleur préparateur que Vaugelas.

718. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Les accessoires sont largement entendus : sur une console aux pieds dorés, un buste de Louis XV pose près d’un coussin fleurdelisé et à côté d’un vase de fleurs. […] « Le roi lui répondit assez froidement : « Ce n’est pas la peine » ; et sans paraître vouloir entendre un plus long discours, il alla faire la conversation avec gens qui étaient dans sa chambre ; ensuite il commença sa partie de quadrille. […] C’est une page toute vive de la conversation la plus satirique du moment ; elle s’est fixée par hasard sous une plume de grande dame qui s’est mise un matin à écrire et qui bientôt ne s’est plus donné la peine de continuer : parler, entendre, être entendu à demi-mot est si amusant et si facile ; écrire est si long et si ennuyeux ! […] « Le respect qu’elle inspire tient plus à ses vertus qu’à sa dignité ; il n’interdit ni ne refroidit point l’âme et les sens ; on a toute la liberté de son esprit avec elle ; on le doit à la pénétration et à la délicatesse du sien : elle entend si promptement et si finement qu’il est facile de lui communiquer toutes les idées qu’on veut, sans s’écarter de la circonspection que son rang exige.

719. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Il faut, dans son introduction, l’entendre raconter lui-même comment, en arrivant à Marbourg, il vit l’église gothique dédiée à sainte Élisabeth, l’admira, s’enquit de la sainte, s’éprit envers elle de tendresse pieuse, et résolut d’écrire sa vie. […] Je ne sais s’il est vrai qu’au sortir d’une conférence de Lacordaire M. de Montalembert se soit laissé aller à dire : « Quand on vient d’entendre de ces choses, on sent le besoin de réciter son Credo ; » mais il est bien certain qu’après avoir entendu un discours ou lu quelque écrit de M. de Montalembert, l’abbé Lacordaire disait : « Cet homme sera donc toujours le disciple de quelqu’un !  […] Je me rappelle avoir entendu, il y a bien des années, Alexis de Saint-Priest, un jour que Montalembert développait dans un salon, de cet air d’enfant de chœur qu’il garda longtemps et de sa voix la plus coulante, une de ses théories inflexibles et absolues, lui dire avec gaieté : « Montalembert, vous me rappelez la jeunesse de Torquemada. » Passe pour la jeunesse ! […] En le lisant, on n’entend jamais qu’une cloche et qu’un son.

720. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Mardi 22 avril À propos de l’ignorance qu’on prête au souverain de la Chine pour tout ce qui se passe en dehors des murailles de son palais, le général Schmitz dit ce soir : « Moi, ce que je puis vous affirmer, c’est que j’ai trouvé, — moi, vous m’entendez, — j’ai trouvé, sur un meuble de sa chambre les traités avec la Russie. […] Marcelin se jette sur lui, l’entraîne dans une autre pièce, et je l’entends lui donner, en phrases à la Napoléon, l’esprit d’un article sur le shah de Perse. […] Ainsi, faites absolument comme vous l’entendrez, vous êtes, n’est-ce pas, bien plus intéressé que moi au succès de la pièce. » Puis, au bout de tous ces apparents abandonnements, apparaissait sournoisement le nom de Meurice, de l’excellent Meurice, à qui La Rochelle devait référer, en dernier ressort, pour tout. […] Nous sortons du Palais de l’Industrie, lui, moi, et un monsieur qu’il me présente, et dont je n’entends pas le nom. […] Quand j’entends ces blagueurs, ces enflés de la parole, parler de leurs travaux sur l’antiquité, je pense à notre travail sur la révolution, à cette lecture de livres et de brochures, qui feraient une lieue de pays, à ce plongement dans cet immense papier du journalisme, où nul n’avait mis le nez, à ces journées, à ces nuits de chasse dans l’inconnu sans limites, je nous revois pendant deux ans, retirés du monde, de notre famille, ayant donné nos habits noirs, pour ne pouvoir aller nulle part, nous payant seulement, après notre dîner, la distraction d’une promenade d’une heure, dans le noir des boulevards extérieurs… et en mon dédain silencieux, je les laisse blaguer.

721. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

De là, luttes, antagonismes, coalitions, réclamations de ceux qui n’entendent point de leurs propres oreilles, et veulent rester fidèles auditeurs d’artistes qu’ils avaient eu déjà bien du mal à comprendre ; puis triomphe du point de vue nouveau, tant qu’il est bon, tant qu’une nouv elle transformation ne s’impose. […] Qu’on veuille bien remarquer que, sauf le cas d’élision, cet élément, l’e muet, ne disparaît jamais même à la fin du vers ; on l’entend fort peu, mais on l’entend. […] Le poète parle et écrit pour l’oreille et non pour les yeux, de là une des modifications que nous faisons subir à la rime, et un de nos principaux désaccords d’avec Banville, car notre conception du vers logiquement mais mobilement vertébré nous écarte tout de suite et sans discussion de cet axiome « qu’on n’entend dans le vers que le mot qui est la rime ». […] Je veux bien que l’auditeur bercé par un grand discours en vers, surtout déclamé au théâtre par des gens qui disent mal, se raccroche aux rimes, pour distinguer si l’on entend des vers ou de la prose, et c’est vrai pour le vers pseudo-classique.

722. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

En parlant des peintres les prédécesseurs des nôtres, je n’entends point parler des peintres du tems d’Alexandre Le Grand et de ceux du tems d’Auguste. […] Or je n’entendis jamais prononcer en faveur des sculpteurs modernes. Je n’entendis jamais donner la préference au Moïse de Michel Ange sur le Laocoon du Belvéder . […] Cette figure représente l’esclave, qui suivant le récit de Tite-Live, entendit par hazard le projet que faisoient les fils de Brutus pour rétablir dans Rome les tarquins, et qui sauva la république naissante en révelant leur conjuration au consul. Les personnes les moins attentives remarquent, en voïant la statuë dont je parle, que cet esclave qui se courbe et qui se montre dans la posture convenable pour aiguiser le fer qu’il tient, afin de paroître uniquement occupé de ce travail, est néanmoins distrait, et qu’il donne son attention, non pas à ce qu’il semble faire, mais à ce qu’il entend.

723. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Cette exécution du 4 décembre 1591 eut un plein effet : les Seize y perdirent désormais leur autorité et leur force, le parti des honnêtes gens reprit décidément courage ; les colonels de la garde bourgeoise de Paris, dont la grande majorité était modérée, s’entendirent pour désarmer la portion de population qui était au service des Seize. […] Ce jugement sur Villeroi est injuste et, je dirai, vulgaire : Richelieu, en ses Mémoires, a porté sur Villeroi un jugement tout autrement équitable, et qui, sans grandir le personnage, sans lui rien accorder de ce qu’il n’a pas, et en reconnaissant qu’il manquait d’une certaine générosité dans les conseils, le classe à son rang comme homme habile et des plus entendus aux choses de gouvernement. […] Henri IV dans cette crainte était disposé à négocier, mais ce n’était plus le moment pour Mayenne, qui était tout à la merci des Espagnols et qui dépendait uniquement des secours qu’il en attendait ; un soupçon qu’ils eussent pris de lui l’eût perdu : Voilà pourquoi, dit Mézeray, le président Jeannin, sachant les intentions du duc, ne put être ébranlé par les persuasions du roi en personne ; lequel le menaçant que son opiniâtreté lui pourrait bien causer du repentir, il lui repartit hardiment qu’il entendait bien ce que Sa Majesté voulait dire, mais qu’il ne lui donnerait pas le moyen d’en venir là, car il mourrait sur la brèche en homme de bien. […] Aussi, lorsqu’après la victoire de Fontaine-Française (juin 1595), passant en Bourgogne, il vit le président et que celui-ci parut s’étonner de l’accueil qu’un vieux ligueur comme lui recevait du roi : « Monsieur le président, lui dit Henri IV, j’ai toujours couru après les honnêtes gens, et je m’en suis bien trouvé. » C’est ainsi que ce noble roi entendait et appliquait l’espèce de menace qu’il avait faite au siège de Laon.

724. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Qu’on remarque cette nuance d’éloges ; elle revient perpétuellement sous la plume de l’abbé Le Dieu, soit qu’il cite des témoins plus anciens que lui, soit qu’il, parle de ce qu’il a entendu lui-même. […] Ses oraisons funèbres, les plus lus de ses ouvrages oratoires, nous ont accoutumés à entendre surtout ses éclats et ses tonnerres, bien qu’il y ait telle de ces oraisons funèbres (celle de la princesse Palatine, par exemple) qui émeuve plus doucement et fasse pleurer ; mais en général la première chose qu’on se figure quand on songe de loin à l’éloquence de Bossuet, ce sont les foudres. […] lui disaient mesdames de Luynes, ces deux nobles et saintes religieuses de Jouarre, après l’avoir entendu ; vous nous tournez comme il vous plaît, et nous ne pouvons résister au charme de vos paroles. » Je ne m’explique tout à fait bien que depuis que j’ai lu l’abbé Le Dieu, la célèbre phrase qui termine l’oraison funèbre du prince de Condé, et dans laquelle, avant d’avoir atteint soixante ans, Bossuet semble renoncer pour jamais aux pompes de l’éloquence. […] Il y a dans les Mémoires de l’abbé Le Dieu une douzaine de pages, entre autres, que je recommande : ce sont celles (109-121) dans lesquelles il raconte, d’après Bossuet lui-même et pour l’avoir entendu plusieurs fois à ce sujet, la manière dont ce grand orateur concevait l’éloquence de la chaire et la pratiquait.

725. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

  On se plaint, et depuis assez de temps, qu’il ne s’élève point dans le champ de l’imagination et de l’invention proprement dite d’œuvre nouvelle, de talent nouveau du premier ordre, qui prenne aussitôt son rang et se fasse reconnaître à des signes éclatants, incontestables ; on ne saurait faire entendre cette plainte dans le monde de l’érudition et de la critique ; elle serait injuste, et l’on aurait à l’instant à vous répondre en vous citant des noms qui se sont produits depuis ces dix ou douze dernières années et qui ont acquis dès leur début une célébrité véritable. […] Dans tout pays où la science serait apprécie pour elle-même, où le caractère des hommes serait honoré pour ce qu’il vaut, où l’on aimerait mieux entrer en controverse, s’il y avait lieu, avec l’homme de mérite que de l’apostropher et de l’injurier, où l’on ne procéderait point en idées comme en tout par accès et par fougues, par sauts et par bonds, il n’y aurait pas eu tout ce bruit, et nous irions entendre M.  […] Par une licence unique, on lui permettait d’aller au Collège de France entendre M.  […] Il était timide, il était neuf de manières ; cet homme que nous entendons aujourd’hui s’exprimer avec tant de fermeté, de vigueur, de finesse, et sans jamais hésiter dans la nuance de son expression, avait alors à surmonter bien des hésitations de forme et des pudeurs ; il avait le front tendre, comme on le disait de Nicole.

726. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Il se frappait la poitrine au souvenir de l’ancien Jérôme, et ce qui s’en entendait encore n’était plus que le cri du lion, affaibli par l’immensité du désert. […] Moi qui lis cela avec intérêt, qui, bien que de ceux qu’on appelle sceptiques, me tiens pour parfaitement sûr et certain de ce qu’il y a de faux et d’imaginaire dans le point de départ et dans certaines suppositions premières de celui qui écrit ; qui n’en cherche pas moins avec plaisir les preuves de talent, d’élévation, ou les saillies d’esprit, j’en trouve une, de ces saillies, et qui me paraît des plus agréables, dans une lettre à laquelle l’éditeur, qui s’y connaît et qui s’entend à étiqueter les matières, a donné ce titre piquant : Un religieux à cheval. — « Tôt ou tard on ne jouit que des âmes. » Le commencement de la lettre se rapporte à des affaires de l’Ordre, au choix que venait de faire le Chapitre provincial d’un successeur du Père Lacordaire et à d’autres points particuliers ; mais voici le côté aimable, et qui me rappelle, je ne sais trop comment, de jolies lettres de Pline le Jeune : «  Quant à vous, mon bien cher qui montez à cheval dans la forêt de Compiègne avec l’habit religieux et qui le trouvez tout simple, je n’ai rien à vous dire. […] Il n’hésite pas, il ne daigne pas discuter, il n’en fait ni une ni deux, il tranche ; et je suis sûr que s’il avait entendu élever un doute à ce sujet, il aurait été homme à répondre avec l’éclair dans les yeux que, vraie ou fausse en réalité, la tradition n’en était pas moins vraie, et dans un sens supérieur au réel : il y a de ces tours de force de l’éloquence. Je n’entends rien à ces magies-là, ou plutôt j’appelle cela des magies et de belles impostures, comme elles le sont en effet.

727. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Entre tant de poëmes de circonstance, où le faste des mots et des ornements cachait mal la disette de l’inspiration, les Oiseaux du Sacre se distinguaient par leur originalité naïve, touchante, convenable à une délicatesse de femme, d’une femme qui savait aussi faire entendre des accents de liberté. […] L’inspiration, profondément découragée, qui remplit son récent volume, date de ce moment ; c’est à l’une de ces heures de veille et d’agonie où les poëtes comme Lamartine écrivent les Novissima Verba, où les poëtes comme Victor Hugo redisent Ce qu’on entend sur la Montagne, qu’elle, interrompant un peu sa tâche, elle s’écriait dans une plainte étouffée : O Monde ! […] Dans sa voix je croyais entendre La voix joyeuse du vallon, La voix d’une sœur douce et tendre, D’une mère émue à mon nom. Maintenant, quand j’entends encore Ses sourds tintements sur les flots, Chaque coup du battant sonore Me semble jeter des sanglots.

728. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Si l’on entend, comme Hegel et M.  […] Jouffroy au reste ne se pose pas la question dans ce sens ; il entend surtout par destinée de l’individu, la fin pour laquelle le moi a été placé sur la terre, eu égard à ce qu’il était avant cette vie et à ce qu’il deviendra après la mort. Or l’humanité, dans le sens où il l’entend, l’humanité, collection et succession de tous les individus humains, n’a pas d’âme, n’a pas de vie antérieure, n’a pas de vie ultérieure ; elle n’a qu’un développement historique ; ce qu’on peut entendre par sa destinée ne saurait signifier relativement à elle ce que signifie le mot de destinée appliqué à l’homme.

729. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Il a décrit en des termes d’une saisissante vérité ces commencements presque imperceptibles, cette lueur, cette étincelle, ce premier signe de vie, ce pouls qui se remet à battre, ce sang qui afflue tout d’un coup au cœur ; et aussitôt que s’entendit le murmure et que le tintement se fit,« tout le monde, s’écrie-t-il, s’éveilla : on chercha en s’éveillant comme à tâtons les lois, on ne les trouva plus, l’on s’effara, l’on cria, l’on se les demanda… » Cet admirable exorde des Mémoires politiques de Retz pourrait s’intituler : Comment les révolutions commencent : ayons le présent à la pensée pour apprendre comment elles s’évitent. — Mais ici ce n’est pas au point de vue du public, c’est au point de vue du gouvernement que je me place, et c’est le gouvernement qui a dû s’effarer tout le premier et se tâter pour savoir s’il était bien le même ; c’est lui qui a dû s’étonner de ne plus trouver un matin autour de lui ce qui y était la veille et se demander à son tour : Comment se fait-il que cette opinion qu’il y a quelques mois encore on supposait disciplinée et soumise, et quelque peu sommeillante, se soit tout d’un coup réveillée ? […] vous n’avez pas tout le monde pour vous ; bien des fractions de l’opinion vous échappent ; la jeunesse des Écoles, par exemple, est demeurée récalcitrante et rebelle ; à trois cents pas du Louvre, vous ne régnez pas ; les hautes Écoles ne sont pas du tout pour vous : et c’est dans ces générations de 20 à 25 ans que se forme en grande partie l’avenir d’un pays, on répondait (combien de fois ne l’ai-je pas entendu :) : « Ah : les Écoles ont toujours été ainsi : ces mêmes jeunes gens dans quelques années penseront autrement ; et puis, ce n’est qu’une infiniment petite partie de la nation : nous avons pour nous la masse, les ouvriers des villes et des campagnes. — Les Écoles, le quartier Latin, qu’est-ce que cela nous fait ?   […] Je ne suis pas jurisconsulte ; je suis un peu étonné, tout le premier, d’avoir à discuter un texte de loi ; je suis prêt à déférer à toutes les lumières des personnages plus compétents ; mais quand j’ai lu le texte du sénatus-consulte, seul, livré à mon seul bon sens et sans le commentaire de personne, j’ai bondi à voir en tête et en vedette d’un acte libéral ces mots désobligeants pour tout le monde, y compris les ministres eux-mêmes (car il n’est pas agréable de s’entendre dire en face qu’on dépend) : « Les ministres ne dépendent que de l’empereur. » Eh ! […] Plus d’un indice peut faire déjà craindre qu’il ne l’entende pas tout à fait ainsi.

730. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Voici une cheville d’une autre espèce : C’est là que nous vivions  Pénètre, Mon cœur, dans ce passé charmant   Je l’entendais sous ma fenêtre Jouer le matin doucement. […] Cathos eût eu plaisir à entendre appeler un grain de poussière : « l’atome ailé qu’aucun pouvoir ne tue. » Elle eût approuvé cette périphrase qui signifie que l’homme, à l’automme, devient sérieux : Comme elle (la terre), son fils l’homme a pris un maintien grave ; De ses jours de folie il fait payer le tort Au devoir qui l’étreint dans son rude ressort ; et, dans la description d’une gypsie : Un amulette où l’art imite Quelque Diane au front cornu, Des deux seins fixant la limite, Veillait aux mystères du nu. […] qu’entend-il par le joli ? […] Vous entendez bien, c’est une jeune fille qui a des ailerons, et non point par métaphore, comme quand on dit à une femme du meilleur monde en lui offrant son bras : « Madame, vous offrirai-je mon aileron ? 

731. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Pour avoir une idée juste de madame de Maintenon, j’ai commencé par mettre en oubli tout ce que j’avais lu ou entendu sur son compte, les histoires de La Beaumelle, de Laus de Boissy, de madame de Genlis, de madame Suard, d’Auger, de Voltaire même, et jusqu’à la biographie écrite par le biographe le plus exact que je connaisse, M.  […] Il me paraît présumable qu’elle ne les avait pas entendues sans émotion ; déjà la vue du roi l’avait frappée et peut-être disposée à un sentiment profond. […] Le roi, qui avait entendu d’Aubigné, dit : Vous n’entendez pas qu’il vous dit que je suis un ladre verd ?

732. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Aussi bien le personnage n’est point tendre, pas plus que la thèse qu’il incarne et dont on entend crier les arguments, secs comme des rouages, sous la figure qui l’enveloppe. […] On est froissé de l’entendre, au troisième acte, déclarer, tout haut, son amour dans un salon plein. […] Il s’agit, pour André, de faire entendre au comte que la vie qu’il mène est en train de le ruiner complètement, que, de ses quatre millions, il ne lui reste qu’une médiocre épave, et que, pour la sauver du naufrage, il ne faut rien de moins que lui remettre, à lui son fils, le gouvernement absolu de toutes ses affaires. […] Mais, dès sa première entrevue avec la jeune fille, Hélène lui a fait entendre qu’il était le fiancé de son cœur, l’époux de son choix.

733. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Protagoras disait que « l’homme était la mesure de toutes choses » ; mais il reconnaissait ainsi que chacun était pour soi-même la mesure de la vérité, et par conséquent il entendait bien admettre l’existence des divers individus. […] Ces unités de conscience ne peuvent d’ailleurs s’entendre comme des concentrations successives de la pluralité phénoménale extérieure, car ce serait revenir à l’hypothèse déjà réfutée. […] On arrive ainsi à s’écrier avec Fénelon : « Dieu n’est pas plus esprit que corps ; il est tout ce qu’il y a de réel et d’effectif dans les corps et dans les esprits. » Dieu ainsi entendu n’est plus que l’être, l’être tout court, dit Malebranche, l’être sans rien ajouter, dit Fénelon. […] Il est certain que Hegel n’a jamais bien défini ce qu’il entendait par sujet absolu, esprit absolu, et ce n’est pas le lieu ici de controverser sur le sens de sa doctrine.

734. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

J’entends cette impulsion prompte, subite, irréfléchie, qui presse et colle deux êtres l’un à l’autre à la première vue, au premier coup, à la première rencontre ? […] Si notre religion n’était pas une triste et plate métaphysique ; si nos peintres et nos statuaires étaient des hommes à comparer aux peintres et aux statuaires anciens : j’entends les bons, car vraisemblablement ils en ont eu de mauvais et plus que nous, comme l’Italie est le lieu où l’on fait le plus de bonne et de mauvaise musique ; si nos prêtres n’étaient pas de stupides bigots ; si cet abominable christianisme ne s’était pas établi par le meurtre et par le sang ; si les joies de notre paradis ne se réduisaient pas à une impertinente vision béatifique de je ne sais quoi qu’on ne comprend ni n’entend ; si notre enfer offrait autre chose que des gouffres de feux, des démons hideux et gothiques, des hurlements et des grincements de dents ; si nos tableaux pouvaient être autre chose que des scènes d’atrocités, un écorché, un pendu, un rôti, un grillé, une dégoûtante boucherie ; si tous nos saints et nos saintes n’étaient pas voilés jusqu’au bout du nez ; si nos idées de pudeur et de modestie n’avaient proscrit la vue des bras, des cuisses, des tétons, des épaules, toute nudité ; si l’esprit de mortification n’avait flétri ces tétons, amolli ces cuisses, décharné ces bras, déchiré ces épaules ; si nos artistes n’étaient pas enchaînés et nos poètes contenus par les mots effrayants de sacrilège et de profanation ; si la Vierge Marie avait été la mère du plaisir ; ou bien, mère de Dieu, si c’eût été ses beaux yeux, ses beaux tétons, ses belles fesses qui eussent attiré l’Esprit Saint sur elle, et que cela fût écrit dans le livre de son histoire ; si l’ange Gabriel y était vanté par ses belles épaules ; si la Magdelaine avait eu quelque aventure galante avec le Christ ; si aux noces de Cana le Christ entre deux vins, un peu non-conformiste, eût parcouru la gorge d’une des filles de noces et les fesses de saint Jean, incertain s’il resterait fidèle ou non à l’apôtre au menton ombragé d’un duvet léger : vous verriez ce qu’il en serait de nos peintres, de nos poètes et de nos statuaires ; de quel ton nous parlerions de ces charmes qui joueraient un si grand et si merveilleux rôle dans l’histoire de notre religion et de notre Dieu, et de quel œil nous regarderions la beauté à laquelle nous devrions la naissance, l’incarnation du Sauveur, et la grâce de notre rédemption. […] J’entends ceux qui ont l’instinct de Greuze ; et les autres ne tomberaient pas dans des disparates qui font pitié quand elles ne font pas rire.

735. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

A les entendre nous ne serions presque que de vulgaires humains, non plus des Français dignes de ce nom, c’est-à-dire des fils de la race élue. […] Mais en même temps que la vérité se fait jour en eux, la fierté gauloise qui fait partie de leur existence intime, justement émue de cette aube de conscience dangereuse pour elle et ne pouvant consentir à perdre un pouce de terrain qu’elle occupe dans le cœur de tout Français, se redresse avec énergie, pour faire entendre sa voix toute puissante au-dessus des appels de la réalité. […] Voilà deux points sur lesquels, en dehors de la politique des partis, des législateurs pourraient peut-être s’entendre… Quand on pense qu’il suffirait de quelques séances d’une Chambre patriote pour faire cette œuvre-là… » Ainsi nous voilà rassurés et renseignés. […] Des faits semblables tendraient à prouver que l’inconscience n’est pas nécessairement en France permanente et universelle, et, qu’un jour, il se trouvera peut-être quelqu’un pour faire entendre le cri d’alarme rédempteur.‌

736. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

La science, telle qu’on l’entend depuis Galilée, souhaitait sans doute que le mouvement fût relatif. […] Il faudra entendre par là que l’on convient de localiser dans ce système le système de référence qu’on aura choisi. […] Je veux bien qu’« horloges » et « observateurs » n’aient rien de matériel : par « horloge » on entend simplement ici un enregistrement idéal de l’heure selon des lois ou règles déterminées, et par « observateur » un lecteur idéal de l’heure idéalement enregistrée. […] Nous ne parlons, bien entendu, que d’un éther fixe, constituant un système de référence privilégié, unique, absolu.

737. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

C’est la leçon qu’entend Faust. […] Mais voilà bien ce que Constant, qui comprend tout, ne veut pas entendre […] Aussi celui qui entend la beauté comme plastique et sensible — et comment l’entendre autrement ? […] Mais comment ne s’entendraient-ils pas ? […] A l’entendre, la règle c’est la négation de la magnanimité.

738. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

On s’entend assez bien quand on parle de choses belles ou de choses laides. […] Nous avons fini par découvrir qu’ils ne suffisaient pas pour s’entendre. […] Les voix qu’on entend sont désespérées. […] On entend haleter un steamer. […] Il me semble que c’est n’y rien entendre.

739. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Et puis, il y a tel dogme, tel jugement dont elle ne doute pas plus que de deux et deux font quatre, d’un côté des Alpes, des Pyrénées et du Rhin, bien entendu ; car, de l’autre côté, elle ne doute pas davantage du dogme et du jugement contraires : mais qu’importe aux Français que les étrangers soient absurdes, et qu’importe aux Allemands, aux Espagnols, que les Français le soient ? […] Mais nous exagérons, il y a des théories littéraires, universelles et incontestables : Si nous recevons jamais du Kamtschatka ou des îles Orcades cette Poétique qu’attendait Voltaire, il y a à parier que nous nous entendrons avec son auteur sur les points suivants et sur quelques autres : les épigrammes doivent être courtes — la musique religieuse doit être grave — le dénouement d’une tragédie ne doit pas faire rire — celui d’une comédie ne doit pas faire trembler. […] Mais vous ne vous entendez pas à fonder.

740. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Examinons d’où procedoient ces beautez du langage préparé pour plaire dont il est ici fait mention, et nous trouverons qu’elles n’étoient pas l’ouvrage d’un seul, mais de plusieurs arts musicaux, et par consequent qu’il n’est pas si difficile de bien entendre l’endroit de ce passage, qui dit qu’elles émanoient de sources differentes. […] Les critiques modernes ont donc entendu cantus comme s’il signifioit toujours un chant musical, quoique dans plusieurs endroits il veuille dire seulement un chant en general, une recitation assujetie à suivre une melodie écrite en notes : ils ont entendu canere comme s’il signifioit toujours ce que nous appellons proprement chanter.

741. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Ne leur parlez de rien, ils n’entendent rien et vous arrêtent au premier mot. […] Je ne puis assurer que je « leur dois beaucoup » ; je leur dois tout ; si bien que, chaque fois que je serai contraint de parler de moi, il est bien entendu que c’est d’eux et d’eux seuls qu’il s’agira. […] Je ne puis assurer que je « leur dois beaucoup » ; je leur dois tout ; si bien que, chaque fois que je serai contraint de parler de moi, il est bien entendu que c’est d’eux et d’eux seuls qu’il s’agira.

742. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

— Nous nous entendons, dit Julie. […] si vous pouviez m’entendre ! […] il n’a rien entendu de ta chanson […] … nous allons entendre une autre chanson ! […] … La sonnette, entendez-vous la sonnette ?

743. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

Quand on est né avec le sentiment du vrai, on y revient toujours, quoiqu’un enthousiasme mal entendu puisse nous en éloigner quelquefois. […] Ce fut des Italiens qu’il apprit, dit-on, à répandre dans ses Vers un noble enjouement, tel qu’est celui qui regne dans ce Sonnet adressé à une Dame : Je vous entends fort bien, ce propos gracieux, Ces regards dérobés, cet aimable sourire, Sans me les déchiffrer, je sais qu’ils veulent dire, C’est qu’à mes ducatons vous faites les doux yeux.

744. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

Nous avons entendu critiquer la prose du siècle de Louis XIV, comme manquant d’harmonie, d’élégance et de justesse dans l’expression. Nous avons entendu dire : « Si Bossuet et Pascal revenaient, ils n’écriraient plus comme cela. » C’est nous, prétend-on, qui sommes les écrivains en prose par excellence, et qui sommes bien plus habiles dans l’art d’arranger des mots.

745. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Julliart » pp. 176-177

Vous ne savez pas qu’un paysage est plat ou sublime ; qu’un paysage où l’intelligence de la lumière n’est pas supérieure est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage faible de couleur, et par conséquent sans effet, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage qui ne dit rien à mon âme, qui n’est pas dans les détails de la plus grande force, d’une vérité surprenante, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage où les animaux et les autres figures sont maltraités, est un très-mauvais tableau, si le reste poussé au plus haut degré de perfection, ne rachète ces défauts ; qu’il faut y avoir égard pour la lumière, la couleur, les objets, les ciels, au moment du jour, au temps de la saison ; qu’il faut s’entendre à peindre des ciels, à charger ces ciels de nuages tantôt épais, tantôt légers ; à couvrir l’atmosphère de brouillards, à y perdre les objets, à teindre sa masse de la lumière du soleil ; à rendre tous les incidens de la nature, toutes les scènes champêtres, à susciter un orage, à inonder une campagne, à déraciner les arbres, à montrer la chaumière, le troupeau, et le berger entraînés par les eaux ; à imaginer les scènes de commisération analogues à ce ravage ; à montrer les pertes, les périls, les secours sous des formes intéressantes et pathétiques. […] Moi, Monsieur Juliart, dont ce n’est pas le métier, je montrerais sur une colline les portes de Thèbes ; on verrait au devant de ces portes la statue de Memnon ; autour de cette statue des personnes de tout état attirées par la curiosité d’entendre la statue résonner aux premiers rayons du soleil ; des philosophes assis traceraient sur le sable des figures astronomiques ; des femmes, des enfans seraient étendus et endormis, d’autres auraient les yeux attachés sur le lieu du lever du soleil ; on en verrait dans le lointain qui hâteraient leur marche, de crainte d’arriver trop tard.

746. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre I. Objet de ce livre. — Retour de l’âge divin » pp. 357-361

À partir du commencement du cinquième siècle, où les barbares inondèrent le monde romain, les vainqueurs ne s’entendent plus avec les vaincus. […] Chez toutes ces nations on ne trouve rien d’écrit qu’en latin barbare, langue qu’entendaient seuls un bien petit nombre de nobles qui étaient ecclésiastiques.

747. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Et comment s’entendrait-on à bien rire et à bien vivre, si l’on ne s’entendait pas d’abord à la guerre et à la victoire ?  […] Connaître, c’est entendu. […] Et comment s’entendrait-on à bien rire et à bien vivre, si l’on ne s’entendait pas d’abord à la guerre et à la victoire ?  […] Car il s’entend à donner les deux expressions à un même pli de son visage. […] Mais la morale ne l’entend point ainsi.

748. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Vous entendez, Mesdames ? […] Elle rapproche les plus hostiles sans entendre leurs cris de protestation. […] c’est bien simple : il entend un monologue très long et qui contient l’aveu. […] Les autres personnages n’ont pas le droit d’entendre. […] Je crie son erreur, par amour de la vérité, sans espoir d’être entendu.

749. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Je ne serois jamais parvenu à me faire entendre, si par égard pour les grands maîtres, je n’avois fait mes applications qu’à des auteurs ignorez. […] Un honnête homme n’est-il pas bien surpris d’avoir été amené jusqu’à cet air de mauvaise foi par l’intérêt mal entendu de soûtenir une fausse critique ? […] De quelque façon que nous l’entendions, voilà des idées bien bizares. […] Les exemples que je vais alleguer ne sont qu’un essai pour mieux faire entendre ma pensée. […] La premiere : l’habitude des auditeurs qui n’entendent des tragedies qu’en vers.

750. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Ses émissaires, mêlés parmi le peuple, exprimaient à grands cris leur désir d’entendre cette voix céleste. […] Doit-il même entendre la raison ? […] Devisé cita des témoins graves qui l’avaient entendu faire confidence de son plan à Quinault. […] Ceux qui ne savent pas leur catéchisme, et que leurs parens ont négligé d’envoyer à l’école, pourront aller entendre prêcher l’acteur, et achever leur éducation. […] Notre esprit actuel est tout entier dans des jeux et des oppositions de mots : il ne faut aucun esprit pour le saisir et l’entendre.

751. (1925) Portraits et souvenirs

Enfin un pas lourd se fit entendre et M. de Goncourt parut, très droit, solide et robuste, en sa blanche vieillesse. […] Ce nom ne signifiait-il pas pour quiconque l’entendait : talent, probité, amour désintéressé des lettres ? […] La vie de province — de sa province, j’entends, car M.  […] Tout à coup, on entend un bruit de chevaux. […] Comme je regrette de ne pas l’avoir entendu conter ces lointains souvenirs !

752. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Entends-tu le bruit ? […] Les discours indévots, impies même, s’y faisaient assez fréquemment entendre. […] disait tout à coup leur mère, j’entends du bruit » ; et alors chacun, respirant à peine, portait la plus grande attention à ce que l’on entendait dans la rue. […] Robespierre nous lut un discours dans lequel j’entendis prononcer mon nom. […] … il est fou, ou je n’entends plus rien à l’art de la peinture.

753. (1902) La poésie nouvelle

La banqueroute du Positivisme, — entendons-nous ! […] Mais il doit être bien entendu que ce n’est là qu’une abstraction provisoire. […] Ce ne sont pas du tout des plaisanteries, et c’est parfaitement ainsi que les Parnassiens ont entendu leur art. […] D’ailleurs, ils n’entendaient pas renoncer aux ressources de rythme et d’harmonie que contenait l’ancienne versification. […] … »‌ Ce ne sont là, bien entendu, que quelques-uns des procédés de Laforgue.

754. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

» — « Entends-tu, Henri ? […] Ce n’est donc point la vertu que vous trouverez dans de telles âmes, car on entend par vertu la volonté réfléchie de bien faire et l’obéissance raisonnée au devoir. […] —  La vie n’est qu’une ombre voyageuse, un pauvre acteur — qui se démène et s’agite pendant son heure sur le théâtre, —  et qu’ensuite on n’entend plus. […] Vous entendez le camarade qui est dans la cave ? […] N’est-on pas bien ici pour entendre des causeries d’amour ?

755. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Il respecte la mort, sans la craindre ; vous allez entendre, tout à l’heure, comme il va pleurer Ophélia. […] À représenter cette œuvre, et à l’entendre, les spectateurs se trouvaient aussi désappointés que les comédiens eux-mêmes. […] jamais le xviie  siècle n’en avait entendu de pareils ! […] Vous lui parlez un langage qu’elle n’entend pas, vous lui faites des menaces qu’elle ne saurait comprendre ! […] L’auteur n’entend guère plus les passions qu’il ne sait l’histoire, et il se perd lui-même dans un chaos d’événements.

756. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Plus de grands traits, plus de véhémence ; au lieu que si j’entends le personnage même, et que, pour ainsi dire, je reçoive la passion de la premiere main, j’y entre aussi-tôt, je la partage avec lui, les apostrophes et les autres figures me font illusion : de lecteur je deviens témoin : j’oublie le poëte, et je ne vois, je n’entends plus que l’acteur qu’il introduit, et qu’il fait parler. […] J’avoüe que ces discours délassent un peu l’esprit de la longueur et de l’uniformité des combats, et qu’on aime encore mieux les entendre que la description anatomique des blessures. […] Complication de contre-tems : c’est dans la chaleur du combat, et on les fait à des morts qui n’entendent plus, et qui ne sçauroient répondre. […] Entend-t-on que le poëte traducteur ne puisse rendre le fonds, la substance des pensées du poëte original ? […] Entend-t-on seulement que pour peu qu’on change l’original, on le défigure ?

757. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

» — Que vous entendiez ce mot de morale dans un sens plus ou moins libéral, on en peut dire autant de tous les arts. […] J’ai entendu plusieurs fois faire à MM.  […] J’ai entendu dire au sculpteur Préault. […] A propos de l’individualisme bien entendu, voir dans le Salon de 1845 l’article sur William Hausollier. […] J’entends souvent les gens se plaindre du théâtre moderne ; il manque d’originalité, dit-on, parce qu’il n’y a plus de types.

758. (1933) De mon temps…

J’ajouterai même que, si lire France a toujours été pour moi un délice, l’entendre « causer » m’a toujours produit une sorte de malaise et aussi un insurmontable ennui. […] J’y entends encore la voix bougonne et paresseuse de Meilhac et le petit rire sec et nerveux de Lemaître, que je retrouvais aussi dans d’autres milieux. […] Monseigneur, quand je pense que je n’entendrai plus votre illustre père me dire : « Ce Masson, quel bâton merdeux !  […] Quant à Racine, il en parlait « en connaisseur » et je lui ai entendu dire de fort bonnes choses sur Andromaque. […] Quoiqu’il ne le montrât pas trop, cette consécration officielle de son talent lui causait une légitime satisfaction, mais il entendait bien ne pas « désarmer ».

759. (1896) Le livre des masques

Le privilège de l’âme élevée au mysticisme est la liberté ; son corps même n’est pour elle qu’un voisin auquel elle donne à peine le conseil amical du silence, mais s’il parle elle ne l’entend qu’à travers un mur, et s’il agit elle ne le voit agir qu’à travers un voile. […] Entendez-vous gratter les crabes de la nuit ? […] Rimbaud était de ces femmes dont on n’est pas surpris d’entendre dire qu’elles sont entrées en religion dans une maison publique ; mais ce qui révolte encore davantage c’est qu’il semble avoir été une maîtresse jalouse et passionnée : ici l’aberration devient crapuleuse, étant sentimentale. […] Et je songe que ce qu’il faut demander aux traducteurs du rêve c’est, non pas de vouloir fixer pour toujours la fugacité d’une pensée ou d’un air, mais de chanter la chanson de l’heure présente avec tant de force candide qu’elle soit la seule que nous entendions, la seule que nous puissions comprendre. […] Stuart Merrill on découvre le contraste et la lutte d’un tempérament fougueux et d’un cœur très doux, et selon que l’emporte l’une des deux natures, on entend la violence des cuivres ou le murmure des violes.

760. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Le Français et le divin ne sont évidemment pas très bien faits pour s’entendre. […] J’entends par là qu’il croit la nature bonne et inspiratrice de bonnes choses. […] Entendu ! […] Moi seul gouvernant, je ne sors pas de là et je n’entends pas à autre chose. […] Je l’espère bien, et c’est justement ainsi que je l’entends.

761. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Les premiers en France, ils avaient débrouillé le français, le fixant, l’écrivant, si bien, qu’aujourd’hui nous entendons encore leurs codes et leurs poëmes. […] Le besoin de rire est le trait national, si particulier que les étrangers n’y entendent mot et s’en scandalisent. […] Obscur, méprisé, on ne l’entend plus que dans la bouche des francklins dégradés, des outlaws de la forêt, des porchers, des paysans, de la basse classe. […] Bien entendu, il s’agit ici de dauber sur les moines. […] Entendez ici le courage brutal, l’instinct batailleur et indépendant.

762. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Bien entendu, Élie, c’était lui. […] Il faudrait s’entendre. […] Il faudrait s’entendre. […] Bien entendu, M.  […] A entendre MM. 

763. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Or sachons ce qu’il entend par le bon, et par son contraire ; et nous admirerons la justesse de ses préceptes. […] Qu’entend-il par le bon, convenable à la tragédie ? […] Qu’entend-il par le mauvais, convenable à la comédie ? […] D’où provient ce ravissement, cette extase qui saisit et transporte lorsqu’on entend une réponse sublime ? […] Quel discours eussent entendu ses oreilles, qui ne l’eût rempli de zèle pour ses concitoyens ?

764. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Qu’avez-vous entendu dans les assemblées primaires et électorales ? […] J’ai tressailli, j’ai pleuré en la lisant comme si j’avais tout à coup entendu la langue de ma patrie après dix ans d’exil. […] J’ai trouvé notre amie contente de son passage à Lyon, et de ce qu’elle y avait entendu. […] Il m’a bien négligée depuis un an, mais je crois encore que nous nous entendons sur tout. […] Il ne suffit pas qu’on convienne avec eux que la vengeance est défendue, ils ne peuvent pas même entendre qu’elle est naturelle.

765. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Ceux qui l’ont davantage approché et entendu ont connu un autre homme. […] Le témoin véridique, de qui le mot m’est venu, n’en avait entendu que la lettre, et n’en saisissait ni le poétique ni le figuratif. […] Cette Restauration, contre les excès de laquelle on s’entendait si bien, me fait l’effet d’avoir été le plus prolongé et le plus illusoire des rideaux. […] « Quelquefois on l’entendait prier dans son lit. […] Il ne s’ouvrait qu’à ceux dont il se savait compris : dès qu’il s’était aperçu qu’on ne le suivait pas, qu’on ne l’entendait pas, il se refermait, et c’en était fait pour la vie.

766. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

— C’est à se jeter par la fenêtre, quand on entend des choses comme cela ! […] Je suis d’une famille bourgeoise… Et puis d’abord, qu’est-ce que vous entendez par bourgeois ? […] Renan. — Par vrai, je n’entends pas le réalisme. […] Soulié. — On ne s’entend guère. […] Nous entendons sa respiration oppressée.

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