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1571. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 261

Rollin, où il prétend prouver que cet Ecrivain célebre n’entendoit pas assez bien les Auteurs Grecs, d’après lesquels il a composé une partie de son Histoire ancienne.

1572. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

C’est grâce à lui que les Italiens entendent couramment leur langue du quatorzième siècle ; nous qui n’avons pas eu de Dante, nous avons vu la nôtre, dont alors la culture était plus ancienne et plus étendue, tomber rapidement en désuétude, si bien qu’elle est reléguée aujourd’hui dans le domaine de l’érudition. […] Des niais qui n’entendent pas le premier mot à ces choses se sont enflammés d’un beau zèle. […] Littré en donnait en 1853 une deuxième édition, augmentée d’une Préface capitale dans laquelle il expose la loi des religions, comme il l’entend depuis qu’il est passé, disait-il, de l’état sceptique à une doctrine plus stable. […] Comte ; il entendait bien avoir trouvé la formule précise de ce développement humain, tant dans le passé que dans le présent et l’avenir. […] il était écrit que ce ne serait là qu’un rêve, et que jamais aucun auteur, — j’entends un auteur sérieux, — de Dictionnaire ne ferait partie de l’Académie française.

1573. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Souvent, n’ayant rien vu, rien entendu, il est à propos : souvent aussi il dit de bonnes naïvetés ; mais il est toujours agréable… « Sa figure, … une petite fille disait qu’elle était tout en zigzag. […] La Harpe, après en avoir entendu des extraits, le jugeait par avance un ouvrage dont les idées sont un peu usées, mais plein de détails charmants 28 L’auteur de l’Année littéraire, qui d’ailleurs allégea toujours sa férule pour Delille, prononçait29 que le poëme de l’abbé Delille était un véritable jardin anglais : « On pourrait, dit-il, être tenté de croire que le poëme est construit de morceaux détachés et de pièces de rapport réunies sous le même titre. […] il le connut ce tourment si bizarre, L’écrivain qui nous fit entendre tour à tour La voix de la raison et celle de l’amour, etc.  […] Un mot bien sonnant, pris en une acception un peu neuve, une inversion bien entendue, une quantité de petits secrets qui nous fuient dans ses vers devenus proverbes, mais qui furent nouveaux une fois et frappants, lui servaient à composer son style. […] Delille n’y avait jamais rien entendu.

1574. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Cette sensibilité de l’oreille dans mon organisation est telle que j’entends, malgré moi, dix conversations à la fois entre des groupes qui parlent à voix basse dans une réunion d’hommes agités, et que je distingue, dans un souffle de brise tamisé par les feuilles d’arbres en été, toutes les notes, toutes les mélodies et toutes les harmonies d’un orchestre à cent instruments. […] On entendait du dehors le grincement de l’outil qui façonnait l’acier dans les mains du père de famille ou des enfants du châlet. […] Gell, explorer les fouilles ou les ruines du Palais d’or de Néron ; le soir on entendait au théâtre de Frosinone les légers opéras, préludes de Rossini, ce rossignol du siècle ; l’oreille encore ivre de cette musique, on achevait les soirées dans les salons lettrés de la duchesse de Devonshire, entre le cardinal Consalvi, son ami, et les politiques les plus consommés des différentes cours de l’Europe. […] Et puisque nous parlons ici de la peinture comme expression d’une littérature qui parle aux yeux, qui impressionne l’âme, qui communique de l’homme à l’homme des images, des sensations, des pensées, voilà une langue du pinceau qui se fait entendre, entendre non pas d’un cercle d’initiés comme la Corinne de Gérard, mais de tout le monde. […] Son pinceau est une plume ; il parle, il chante autant qu’il dessine ; sa couleur a du son, sa toile est lyrique ; il parle trois langues en une : on l’entend peindre, on le sent décrire, on le voit penser…………………………………… XXXV L’enthousiasme qu’éprouvèrent l’Italie et la France à cette première grande page du génie de Léopold Robert lui donna l’élan et la confiance de son talent.

1575. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

L’envoyé de Sardaigne n’avait en réalité là qu’un seul rôle : écouter aux portes et faire de l’esprit sur ce qu’il avait entendu par le trou de la serrure. […] Bonaparte n’a pas voulu m’entendre ; si vous y songez bien, vous verrez que c’est une preuve certaine que j’avais bien pensé. […] « Voilà une des gentillesses que j’ai entendues. […] Je sens d’ailleurs et je proteste que c’est une grâce, et que je n’y ai pas le moindre droit ; mais, pour la rendre moins difficile, ou pour rendre au moins la demande moins défavorable, je ne fais aucune difficulté de faire à M. le général Savary les trois déclarations suivantes : « 1º Si l’Empereur des Français avait l’extrême bonté de m’entendre, j’aurais sans doute l’honneur de lui parler de la maison de Savoie ; « 2º Je ne prononcerais pas le mot de restitution ; « 3º Je ne ferais aucune demande qui ne serait pas provoquée. […] Je n’entends rien du tout à cette tactique ; je n’y allais plus par indolence, et aussi parce que quelque chose m’avait déplu là.

1576. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Tout le jour, je courais dans ces petits cabriolets si divertissants, pour voir les merveilles qui étaient à quelque distance ; pour les voir, non, je n’en étais aucunement curieux, et d’ailleurs je n’y entendais rien, mais pour le plaisir de la route. […] Toutefois, comme de ville en ville on avait besoin de s’entendre pour le logis, et de se mouvoir de concert, et que le bonhomme était toujours irrésolu, changeant et temporiseur, cette dépendance me blessait. […] Il y avait le vénitien, mais c’était si frêle et si doux que cela ne pouvait être susurré que par des lèvres de femme, cela répugnait à la virilité des héros ; il y avait le milanais, c’était mêlé d’allemand et de français, plus jargon que langue ; il y avait le génois et le piémontais, cela n’avait ni syntaxe, ni accent, ni sens, patois de peuples qui ne s’appartiennent pas et qui s’entendent entre eux contre leurs conquérants par signes plus que par le langage. […] « Ici, pour l’intelligence du lecteur, je dois dire ce que j’entends par ces mots dont je me sers si souvent, concevoir, développer et mettre en vers. […] Enfin le maréchal s’apprête à prendre congé de son hôte, quand un roulement de voiture se fait entendre dans la cour.

1577. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

En tout cas, ils entendent que nous commencions par eux, et ils n’ont pas tort. […] Rousseau, en traçant les tableaux voluptueux de la Nouvelle Héloïse, entendait bien qu’on les vît avec le plaisir sensuel qu’il avait eu à les peindre ; mais il voulait en même temps qu’on y prît des leçons de morale. […] Le premier peut se dire la vérité, parce qu’il n’est entendu que de lui-même ; et encore n’est-ce pas sans combats. […] Rien n’est plus commun d’entendre dire de tel ou tel homme : Il est dans le monde ce qu’il était au collège, homme ce qu’il était enfant. […] » Que La Bruyère s’entendait mieux à nous prendre, lui qui disait de ses Caractères : « Je ne fais que rendre au public ce qu’il m’a prêté ! 

1578. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Ces gens n’entendent rien, ni à la poésie, ni à la musique… et ils ont fait leurs traductions à peu près comme on traduit ces articles de journaux et des réclames de fabricants. […] Wilder, sous le prétexte de leur faire entendre un drame musical : ils s’écrieront unanimement que c’est idiot, que ce n’a pas le sens commun, et, avec Wagner, ils diront que « c’est le caprice d’un musicien fantasque, incapable, qui ne sait pas lui-même ce qu’il veut… ». […] Presque aucun de ces auteurs ne se donne la peine d’étudier sérieusement tous les écrits de Wagner, de connaître sa vie, d’étudier patiemment ses partitions, d’entendre souvent les meilleures exécutions, avant de communiquer au monde ce qu’était Wagner et ce qu’ils en pensent66. […] Sans parler des représentations de Rienzi eb 1869, ses efforts pour faire entendre des fragments de la Tétralogie aux Concerts-Populaires en 1876 demeurent un titre de gloire stable à notre souvenir. […] Cette autre phrase mystérieuse se fait entendre à la fin du premier acte par une voix qui tombe de la coupole du temple du Graal. « Durch Mitleid wissend, der reine Tor » est souvent traduite par  : « pitié rend sage le chaste fol  ».

1579. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Il faut au public des corps d’ouvrage solides et compacts, où il revoit des gens qu’il a déjà vus, où il entend des choses qu’il sait déjà. […] La femme qu’il aimait lui a écrit que, fatiguée des tyrannies de son amour, son amour à elle était mort, bien mort, et pour lui ôter tout espoir de raccommodement, elle lui a fait entendre qu’elle a pris un autre amant. […] Il parle de son Cercle des Arts avec un monsieur qui dîne à côté de lui, et je l’entends lui dire : « Je ne sais plus quels sont les gens qui en font maintenant partie… et vrai, je ne connais pas la langue qu’ils parlent. […] un fort trou, où on jette des pierres qu’on n’entend pas tomber. […] cette vieille Marie-Jeanne, il faut l’entendre, dans le fond de la boutique de mercerie de son fils, contant avec sa voix cassée le bon temps de la famille, et rabâchant cette phrase : « Nous partions de Sommérecourt.

1580. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

À toute minute, j’entends Daudet chantonner : Trois, rue du Paon, Un petit appartement, Sur le devant. […] En descendant l’escalier il me jette d’en bas : « Vous savez, c’est notre navire qui a coupé en deux, le… (je n’entends pas le nom). […] Car en dehors de l’éloignement de son tempérament, pour l’aigu, le mot violemment vrai, la coloration barbare, il y avait chez lui une déplorable soumission aux exigences de l’éditeur : témoin l’Hamlet russe, que je lui ai entendu avouer, sur les observations de Buloz, avoir amputé de quatre ou cinq phrases, faisant son caractère. […] Et enfin, sortant de là, désireux de se coucher, Scholl n’entendait-il pas l’enragée noctambule, une main tendue vers le lointain, s’écrier : « Est-ce que tout là-bas, je ne vois pas encore une petite lumière ?  […] Et Rodin est plaisant à entendre conter les batailles, qu’il a eu à livrer, pour le faire tel qu’il le voyait, les difficultés qu’il a rencontrées, à se faire permettre par la famille, de ne pas adopter l’idéal conventionnel, qu’elle se faisait de l’écrivain sublime, de son front à trois étages, etc., etc., enfin à rendre et à modeler le masque qui était le sien, et non celui qui avait été inventé par la littérature.

1581. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Par Dieu, — fixons encore le sens de ce mot, — nous entendons l’infini vivant. […] Pendant la Cène sa tête était sur la poitrine de Jésus, et il pouvait dire : Mon oreille a entendu le battement du cœur de Dieu. […] Le dix-neuvième siècle l’entend rouler sur ses gonds. […] Il est entendu que nous ne parlons ici qu’au point de vue de l’Art, et, dans l’Art, au point de vue littéraire. […] Il semble qu’on entende par toute l’Europe le prodigieux murmure de la forêt Hercynienne.

1582. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Il était si absorbé par le désir de se caser dans un ministère bonapartiste, qu’il ne s’aperçut pas que les Morny, les Persigny et les autres Cassagnac de la bande avaient accaparé l’imbécile et qu’ils entendaient s’en réserver l’exploitation. […] À les entendre, il aurait été un de ces maniaques dangereux, entichés d’idées sociales et politiques, au point de leur sacrifier les intérêts matériels ; ils voudraient l’assimiler à ces Blanqui, à ces Garibaldi, à ces Varlin, à ces fous qui n’avaient qu’un but dans la vie, la réalisation de leur idéal. — Non, Victor Hugo n’a jamais été assez bête pour mettre au service de la propagande républicaine, même quelques milliers de francs de ses millions ; — s’il avait sacrifié n’importe quoi pour ses idées, un cortège de bourgeois, aussi nombreux, ne l’aurait pas accompagné au Panthéon ; M.  […] Mais la Fraternité hugoïste n’était pas de composition si humaine, elle n’entendait pas suspendre l’action des conseils de guerre, « mais tempérer l’œil du juge par les pleurs du frère… et tâcher de faire sentir jusque dans la punition la fraternité de l’assemblée ». […] Embarqué à la légère dans une opération politique, mal combinée, il se retourna prestement, laissa ses copains conspirer et dépenser leur temps et leur argent pour la propagande républicaine, et s’attela à l’exploitation de sa renommée ; et tandis qu’il donnait à entendre qu’il se nourrissait du traditionnel pain noir de l’exil, il vendait au poids de l’or sa prose et sa poésie. […] Cette impertinente épithète est de Stendhal, qui pas plus que Baudelaire n’entendait rien au commerce des lettres.

1583. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

En ce sens, la tâche du philosophe, telle que nous l’entendons, ressemble beaucoup à celle du mathématicien qui détermine une fonction en partant de la différentielle. […] Mais il faudrait s’entendre sur le sens de ce dernier mot. […] Le réalisme ainsi entendu se détruit donc lui-même. […] Ainsi entendu, l’espace est bien le symbole de la fixité et de la divisibilité à l’infini. […] Or, nous l’avons montré, la perception pure, qui serait le plus bas degré de l’esprit, — l’esprit sans la mémoire, — ferait véritablement partie de la matière telle que nous l’entendons.

1584. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Mais ceux qui le cherchaient avec tant d’empressement, qui voulaient le voir, l’entendre, le consulter, ces hommes frivoles et dissolus, c’étaient des insensés qui souhaitaient de devenir impies… Le bruit courait en effet qu’on avait autrefois mandé Spinoza en consultation à Paris. […] — Quand Voltaire entendait lire cela en dînant, quelle figure faisait-il ? […] Il mêlait à cette tolérance une sorte d’aménité d’homme du monde ; il se plaisait à réunir à sa maison de campagne des jésuites et des oratoriens, deux sociétés assez peu disposées à s’entendre, et il les faisait jouer aux échecs : c’était la seule guerre qu’il leur conseillât.

1585. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Il a dit encore de lui-même dans une ballade, qu’au bruit du vin qu’il entend verser de la bouteille, qu’au fumet des viandes appétissantes qu’il voit servir sur les tables, son esprit se renouvelle, et qu’il se renouvelle encore à voir chaque fleur en sa saison, et les chambres éblouissantes de lumières pendant les longues veilles, comme aussi à trouver bon lit après la fatigue, sans oublier la friande collation arrosée de clairet, que l’on fait pour mieux dormir. […] Je n’y change toujours et n’y rajeunis çà et là que quelques mots : À la requête, contemplation et plaisance de très haut et noble prince, mon très cher seigneur et maître Gui de Châtillon, comte de Blois, sire d’Avesnes, de Chimay, etc., je, Jean Froissart, prêtre et chapelain de mon très cher seigneur susnommé, et pour lors trésorier et chanoine de Chimay et de Lille en Flandre, me suis de nouveau réveillé et entré dedans ma forge, pour ouvrer et forger en la haute et noble matière de laquelle dès longtemps je me suis occupé, laquelle traite et propose les faits et les événements des guerres de France et d’Angleterre, et de tous leurs conjoints et leurs adhérents… Or, considérez, entre vous qui me lisez, ou lirez, ou avez lu, ou entendrez lire, comment je puis avoir su ni rassemblé tant de faits desquels je traite avec tant de détail. […] Il est curieux de l’entendre lui-même exposer ses raisons de voyage, tout rempli qu’il est de l’importance de l’œuvre honorable qu’il veut parfaire et achever.

1586. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

En cherchant bien, et même sans chercher beaucoup, on trouverait des talents spirituels qui étaient nés pour cet emploi, et à qui il ne manque qu’un accueil meilleur et, comme aux plantes, une exposition plus favorable ; mais ils sont dépaysés aujourd’hui, ils n’ont que de très petits cercles, si encore ils en ont, et la société ne les entend pas, ne les écoute pas ; elle n’est plus faite pour eux, elle n’a pas le temps. Quand elle s’éprend de caprice pour un poète agréable, il faut que celui-ci ait en lui quelque chose de plus, qu’il ait une flamme et des éclairs d’un Byron ; il faut qu’il donne à cette belle société au moins quelques accès de fièvre et qu’il la secoue : autrement elle passe et court à ses affaires ou à ses plaisirs, ce n’en est plus un pour elle que d’entendre des petits vers légers et bien tournés. […] Quand je dis que Sénecé ne porte pas dans son talent ni dans son esprit la marque précise et le cachet du siècle de Louis XIV, je désire bien faire entendre en quoi cela est vrai ; car il a de ce siècle la politesse, l’élégance facile et une langue pure ; mais il n’en a pas le procédé de composition, ni les jugements ni certaines qualités non moins essentielles que la pureté et l’élégance.

1587. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Il en fait assez pour que l’on consente à entendre à une paix générale : « Je fis savoir à la Cour (c’est-à-dire au quartier du roi) que je mourrais gaiement, avec la plupart de tout le parti, plutôt que de n’obtenir une paix générale ; qu’il était dangereux d’ôter tout espoir de salut à des personnes qui ont les armes à la main ; que je ne la traiterais jamais tout seul… » Le roi écoutait les propositions avec plaisir ; mais le cardinal confesse, dans ses mémoires, avoir fort hésité à cette heure sur ce qu’il conseillerait à son maître : tout lui disait qu’on allait avoir raison des rebelles et de leur chef par la force, ce qui était fort de son goût, et qu’ils seraient réduits, après un prochain échec infaillible, à demander merci : la prudence toutefois l’emportant sur l’humeur, et cette idée que Rohan dans sa proposition de paix cette fois était sincère, lui firent conseiller de traiter. […] Richelieu, tout vif qu’il est sur la religion, montre qu’il n’était pas loin de l’entendre ainsi en idée ; mais, de part et d’autre, qu’on était neuf pour ce nouvel état ! […] Habile capitaine plutôt que grand général, sa mesure à cet égard est difficile à prendre, et j’aimerais assez à entendre là-dessus des gens du métier : à le traduire à la moderne, ce qui est toujours hasardeux, vu l’extrême différence des moyens en usage aux différents siècles, il me fait l’effet d’être ou d’avoir pu être, comme militaire, quelque chose entre Gouvion Saint-Cyr et Macdonald, et plus près du premier à cause des pensées.

1588. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Toutefois, s’il entend former et préparer son frère Guillaume au rôle futur qui peut lui échoir, Frédéric ne veut en rien être contrarié par lui dans ses affaires ; il est impitoyablement jaloux de tout ce qui touche à la discipline de l’armée. […] Quant au détail militaire, sur lequel il n’entendait pas raillerie, Frédéric commence par appliquer avec son frère Henri, encore à ses débuts, la même règle sévère, inflexible, dont on a vu qu’il usait avec le prince Guillaume : Monsieur, lui écrit-il un jour (juillet 1749), j’ai trouvé à propos de mettre de la règle dans votre régiment, à cause qu’il se perdait. […] On croit l’entendre : combien de fois le prince Henri n’a-t-il pas dû répéter cette parole, en causant avec ses familiers !

1589. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

. — Bonstetten, dont ce n’était pas la vocation, éludait, les laissait dire, et les entendait pendant des heures développer leurs plans patriotiques, emphatiques ; lui, qui craignait déjà les ennuyeux, il ne savait bientôt plus comment fuir ces prédicateurs acharnés qui voulaient faire de lui un Raynal suisse ; il en était poursuivi jusque dans le parc de Saint-Ouen, chez Mme Necker ; jusque dans le château de La Rocheguyon, chez ses amies les duchesses de La Rochefoucauld, qui elles-mêmes se mettaient de la partie et devenaient complices : Ce qui ajoute à l’envie de me retrouver chez moi, écrivait-il de La Rocheguyon, c’est que voilà quatre jours que je me trouve avec l’abbé de Mably. « Et quand verrons-nous cette histoire de la Suisse ? […] On croit entendre milord Édouard morigénant un peu fastueusement Saint-Preux ; Il ne laisse pas d’être singulier de voir un historien, et l’historien d’un pays libre, faire fi à ce point de la pratique politique, comme si les anciens qu’il invoque n’avaient pas dû à l’exercice des charges publiques et au maniement des affaires le sens et l’intelligence supérieure qu’ils portaient ensuite dans leurs livres ; comme si Thucydide, Salluste et Cicéron n’avaient fait dans toute leur vie qu’une seule chose, — écrire. […] Mais le pas régulier de Mme Necker qui revient se fait entendre ; Mlle Germaine a repris sa place ; tout redevient cérémonieux ; rien n’indique le moindre dérangement dans les attitudes, — rien si ce n’est la perruque de M. 

1590. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Elle veut porter la vue chrétienne la plus rigoureuse dans l’examen et la considération de la vieillesse ; elle n’ira point la prendre de biais, pour ainsi dire, et en essayant d’insinuer par-ci par-là des consolations tremblantes ; elle entend aborder son sujet de front et le pénétrer d’une lumière directe et certaine : ce ne sont pas des palliatifs qu’elle offre, c’est une régénération. […] J’entends encore M.  […] Elle en fait quelque chose d’essentiellement à part et qui ne ressemble pas à ce que le commun des gens entend sous ce nom : car se résigner, après tout, n’est pas si rare ni si difficile, et il n’y a pas tant de mystère ; tous les hommes y viennent plus ou moins quand la nécessité est là ; mais Mme Swetchine se méfie de ce qui est trop simple et trop commun : « Ce qui me gâte un peu la résignation, avait-elle dit, c’est de la voir si conforme aux lois du bon sens : j’aimerais encore un peu plus de surnaturel dans l’exercice de ma plus chère vertu. » En conséquence elle s’est appliquée à y introduire le plus de surnaturel possible, et elle y a réussi.

1591. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

. — Mme de Sévigné nous a montré également la marquise de Villars dans sa vieillesse, et jouissant discrètement de la renommée victorieuse de son fils : « Sa mère est charmante par ses mines, et par les petits discours qu’elle commence et qui ne sont entendus que des personnes qui la connaissent. » On possède donc maintenant les doubles Relations du marquis et de la marquise de Villars, de l’ambassadeur et de l’ambassadrice de France à Madrid en 1679 ; toutes deux se complètent et nous offrent de cette monarchie en décadence et en ruine le plus curieux, le plus instructif tableau. […] La reine s’avança pour le recevoir à l’entrée de son appartement, c’est-à-dire d’une chambre de paysan, de la porte à l’escalier ; elle parut se jeter à genoux pour lui baiser la main ; il l’en empêcha et la releva, mais ils se trouvèrent tous deux bien embarrassés de ne se pouvoir entendre. […] Le roi a un petit nain flamand qui entend et qui parle très bien français.

1592. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

C’est même pour lui une des conditions de la critique complexe et nuancée telle qu’il l’entend : « L’esprit délicat et dégagé de passion, critique pour lui-même, voit, dit-il, les côtés faibles de sa propre cause et est tenté par moments d’être de l’avis de ses adversaires. » Le contraire lui paraît presque de la grossièreté, de la violence à l’usage seulement des hommes d’action, des chefs de secte ou de parti, non des penseurs. […] Renan, plus j’entends décrier la foi du Christ, plus j’aime le Christ, plus je me raffermis dans sa doctrine. […] Sous une forme ou sous une autre, il est conquis à Jésus ; il l’est surtout depuis qu’il a visité cette Palestine, objet et terme désiré de son voyage, ce riant pays de Génézareth, qui ressemble à un jardin, et où le Fils de l’Homme a passé le meilleur temps de sa mission à prêcher les petits et les pauvres, les pêcheurs et les femmes au bord du lac de Tibériade ; il faut entendre comme il parle à ravir et avec charme de ce cadre frais et de ce paysage naturel des Évangiles.

1593. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Aussi suis-je resté stupéfait, l’autre jour, d’entendre un homme de goût, qui sait pourtant toutes ces choses aussi bien et mieux que nous15, en venir à qualifier Racine de « prince de l’école réaliste. » Fuyons ces vilains mots que tout le monde se jette à la tête et qui sont sujets à malentendu et à contresens ; c’en est un ici. […] Racine a beau faire, son père sera toujours un grand homme. » C’est un mot de Voltaire, et ces mots-là, quand vous les avez une fois entendus, vous restent attachés comme une flèche. […] Un des beaux messieurs du monde de M. de Maurepas, et qui était le président de l’Académie à ce moment, le duc de Nivernais, ordinairement aimable et gracieux aux gens d’esprit, mais qui trouvait peut-être que Racine fils n’était pas assez cet homme d’esprit comme il l’entendait, parut se ressouvenir tout à coup de la querelle que leurs père et aïeul avaient eue à propos de Phèdre, et lui donna d’injustes dégoûts, pour le pousser à se démettre et faire arriver plus vite son ami Sainte-Palaye.

1594. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Delille avait déjà dit dans son style à effet : Il ne voit que la nuit, n’entend que le silence. Pline le Jeune a parlé quelque part du silentium acre, un silence attentif, pénétrant, aigu à force d’écouter, un silence à entendre marcher une fourmi, comme a dit à son tour Saint-Simon. […] Flaubert m’a écrite en réponse à mes articles sur son livre : il est juste d’entendre les deux sons.

1595. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

La Muse pourtant ne s’en va pas tout d’un coup ni la première fois ; elle revient sourire ou murmurer à de certaines heures ; le poète l’entend, se ranime et la salue : C’est donc toi ! […] Il faut l’entendre nous raconter sa vie, et en prose d’abord ; car sa prose a du naturel et de la grâce : « C’est là que j’ai passé, dit-il, loin des distractions et des entraînements du monde, de 1808 à 1816 ou 17, bien des semaines ou des mois de la belle saison et de l’automne, quelquefois avec un ami, le plus souvent tout seul, et alors dans une solitude si profonde, si complète, que je demeurais des jours entiers sans faire usage de la voix. […] Si l’on vient sur ces bords pour voir et pour apprendre, Quelle leçon plus haute, à qui saura l’entendre, Que l’aspect saisissant de la double cité, De ce peuple brillant et de ce peuple sombre, Dans la lumière et l’ombre L’un sur l’autre porté !

1596. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Les institutions politiques masquent les plaies sociales : dans l’intervalle des institutions, ces plaies cachées et inhérentes à toute société apparaissent à nu et s’étalent ; chaque passant se propose volontiers pour guérisseur ; on ne sait à qui entendre. […] Quand il est trop poussé à bout et relancé sur ce point de conviction vive, il faut voir comme il prend feu ; une détente lui échappe ; il est parti sur son Pégase, et je l’ai entendu mainte fois chaleureux, entraîné, éloquent. […] Qui se souvient le lendemain de l’article de la veille … » Ici il y a quelque chose à accorder encore, et si l’on enlevait à l’expression de M. de Girardin ce qu’elle a de paradoxal et d’absolu, on serait près de s’entendre peut-être, ou du moins on se rapprocherait.

1597. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

A cette date de 1746, le maréchal n’est pas vieux, comme nous l’entendons aujourd’hui ; il a… quoi ? […] En un mot, le comte Vitzthum ne laisse rien perdre de l’influence manifeste ou secrète du maréchal de Saxe ; mais certainement il exagère, au moins dans l’expression, lorsqu’il semble donner à entendre que Maurice, dans ces circonstances et dans les mois qui suivirent, parla en maître, que la paix et la guerre dépendaient de lui, qu’il gouvernait à cette heure la France, qu’il fit son coup d’État (les mots y sont). […] Celui de la guerre veut faire le généralissime et n’y entend rien.

1598. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Son but était grand : c’était de ramener la société indifférente ou matérialiste au vrai spiritualisme, au vrai christianisme comme il l’entendait, c’est-à-dire au catholicisme romain. […] Son principe de liberté, qui est tout protestant, l’empêche d’être du christianisme organique, comme l’entend M. […] Il fallait l’entendre raconter comment, retenu au lit pendant quarante jours par une jambe cassée, il revint à Rome juste à temps pour ne pas trouver sa femme remariée : ce n’est pas que sa douleur eût été inconsolable, si le second mariage avait rompu le premier ; car, libre alors, peut-être serait-il devenu cardinal, peut-être pape, qui sait ?

1599. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ces belles paroles que Dante, au chant xiii de son Paradis, met dans la bouche de saint Thomas, ne sortiront pas de notre mémoire et nous feront assez rentrer en nous-même : «… Que ceci te serve d’avertissement et te soit comme une semelle de plomb aux pieds, pour que tu n’ailles que bien lentement, et comme un homme déjà lassé, vers le oui ou vers le non des choses que tu n’as pas entendues du premier coup ! […] Voilà, ajoute-t-il, la politique telle que nous l’entendons, vous, moi, tant d’autres, et presque toute cette jeunesse qui est née dans les tempêtes, qui grandit dans les luttes et qui semble avoir en elle l’instinct des grandes choses qui doivent graduellement et religieusement s’accomplir. […] L’intérêt politique même, mieux entendu, devrait, ce nous semble, lui interdire ce langage.

1600. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

D’abord, par exemple, on étudiait peu ou du moins on entendait mal le théâtre grec ; on l’admirait pour des qualités qu’il n’avait pas ; puis, quand, y jetant un coup d’œil rapide, on s’est aperçu que ces qualités qu’on estimait indispensables manquaient souvent, on l’a traité assez à la légère : témoin Voltaire et La Harpe. […] Des auteurs d’esprit s’y sont trompés ; ils ont mis en action, selon le précepte, des animaux, des arbres, des hommes, ont caché un sens fin, une morale saine sous ces petits drames, et se sont étonnés ensuite d’être jugés si inférieurs à leur illustre devancier : c’est que La Fontaine entendait autrement la fable. […] vous pouvez nous l’apprendre ; Votre réponse est prête, il me semble l’entendre : C’est jouir des vrais biens avec tranquillité, Faire usage du temps et de l’oisiveté, S’acquitter des honneurs dus à l’Être suprême, Renoncer aux Phyllis en faveur de soi-même, Bannir le fol amour et les vœux impuissants, Comme Hydres dans nos cœurs sans cesse renaissants.

1601. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

J’admets trois sources d’information : les livres, qui me donnent le passé ; les témoins, qui me fournissent, soit par des œuvres écrites, soit par la conversation, des documents sur ce qu’ils ont vu ou sur ce qu’ils savent, et enfin l’observation personnelle, directe, ce qu’on va voir, entendre ou sentir sur place. […] Je l’entends bien, elle ronfle, ils vont nous faire sauter. […] Malot nous rappelle invinciblement Sganarelle devant la famille de sa cliente : « Vous n’entendez point le latin ?

1602. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Or, personne, de nos jours, ne se flattant d’être éclairé par les miracles, je n’entends pas ce qu’on peut mettre à la place de la philosophie : la raison, dira-t-on ? […] Toutes les idées qui embrassent le sort de plusieurs hommes à la fois, se fondent sur leur intérêt bien entendu ; mais lorsqu’on veut donner à chaque homme, pour guide de sa propre conduite, son intérêt personnel, quand même ce guide ne l’égarerait pas, il en résulterait toujours que l’effet d’une telle opinion serait de tarir dans son âme la source des belles actions. […] On peut arriver, par un raisonnement subtil, à représenter le dévouement le plus généreux comme un égoïsme bien entendu ; mais c’est prendre l’acception grammaticale d’un mot plutôt que le sentiment qu’il réveille dans le cœur de ceux qui l’écoutent.

1603. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Se détachant du même groupe d’érudits, collaborateurs tous les deux d’Olivetan dans la traduction de la Bible, Calvin s’en alla écrire le livre de la Réforme française, et Despériers quatre petits dialogues. obscurs et railleurs, où l’on entrevoyait ces choses graves : que la foi consiste à affirmer ce qu’on ne sait pas, et que nul ne sait ; que les théologiens ressemblent à des enfants « sinon quand ils viennent à se battre » ; que Luther ni Bucer ne changeront le train du monde, et qu’après comme avant eux, mêmes misères seront, et mêmes abus ; que toute la puissance de Dieu est dans le livre, entendez que le livre, c’est-à-dire l’homme, a fait Dieu ; que les petits oiseaux montrent aux nonnes les leçons de Nature : que toutes les Eglises et tous les dogmes ne sont qu’imposture et charlatanisme ; que les réformateurs sont en crédit par la nouveauté ; que leur œuvre, quoi qu’ils en aient, rendra chacun juge de sa foi. […] Mais ici il faut bien s’entendre : il n’est encore ni panthéiste ni symboliste ni relativiste ni rien de tel. […] Il n’a pas le sens de l’art, si l’on entend par là l’adoration des formes harmonieuses et fines : la grâce souveraine de l’être équilibré dans sa perfection, la calme aisance dont il se possède en jouissant de soi, ne semblent pas l’avoir touché.

1604. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Un Mirabeau parle de citoyens peu moyennés, d’idées subverties, de gens qui se routinent ; un Vergniaud nous entretient de la répulsion des ennemis, pour faire entendre qu’il faut les repousser. […] Un faux goût d’antiquité décore les discours de toute sorte d’ornements mythologiques, grecs, romains ; on n’entend plus retentir que les noms de Catilina, de Marius, de Lysandre, de Thémistocle. […] Ses discours sont substantiels, solides, faits véritablement pour instruire ceux qui les entendent.

1605. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Il s’en explique dans Aziyadé avec un peu d’effort et quelque pédanterie ; mais cet effort même de l’expression marque bien qu’il connaît la rareté inestimable du don qui est en lui : … Vous êtes impressionné par une suite de sons ; vous entendez une phrase mélodique qui vous plaît. […] Plusieurs sons simultanés se font entendre ; vous recevez une impression qui sera heureuse ou douloureuse : affaire de rapports chiffrés, qui sont les rapports sympathiques d’un phénomène extérieur avec vous-même, être sensitif. […] Et ce qui augmente encore son trouble, c’est le mystère de cette race maorie qui vient on ne sait d’où, qui passe sa vie à rêver et à faire l’amour, qui n’a pour toute religion qu’une vague croyance aux esprits des morts ; de cette race voluptueuse et songeuse qui vit dans une nature trop belle, mais muette, où il n’y a pas d’oiseaux, où l’on n’entend que le bruit des flots et du vent ; de cette race sans histoire qui va décroissant et s’éteignant d’année en année et qui mourra d’avoir été trop heureuse… Et cependant la reine Pomaré donne un bal dans ses salons aux officiers de marine.

1606. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

En attendant, il voudrait s’endormir, ne plus rien voir, ne plus rien entendre des choses d’ici-bas. […] Entendez qu’ici l’impuissance n’est pas la stérilité, mais vient du découragement de l’artiste à ne pouvoir atteindre la perfection. […] René Ghil en profite pour partir en guerre contre l’école symboliste de laquelle il voulait se distinguer et entend démontrer que son symbolisme à lui, d’ordre philosophique, n’a rien à voir avec ce prétendu symbole qui n’est qu’un déroulement d’images successives.

1607. (1890) L’avenir de la science « XVI »

C’est folie que d’y chercher de la législation et du droit public ; nos publicistes s’y entendent mieux et c’est peu dire. […] Sans accepter dans toute son étendue le reproche que l’Allemagne adresse à notre patrie, de n’entendre absolument rien en religion ni en métaphysique, je 342] reconnais que le sens religieux est très faible en France, et c’est précisément pour cela que nous tenons plus que d’autres en religion à d’étroites formules excluant tout idéal. […] Fichte, qu’en France, bien entendu, on eût appelé un impie, faisait tous les soirs la prière en famille ; puis on chantait quelques versets avec accompagnement de piano ; puis le philosophe faisait à la famille une petite homélie sur quelques pages de l’Évangile de saint Jean, et, selon l’occasion, y ajoutait des paroles de consolation ou de pieuses exhortations.

1608. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

« On entend par sympathie et imitation, la tendance d’un individu à s’accorder avec les états actifs ou émotionnels des autres ; ces états étant révélés par certains moyens d’expression. » La sympathie et limitation ont un même fondement ; mais l’un se dit de nos sentiments et l’autre de nos actions. […] L’esthétique, ainsi entendue, est une dépendance nécessaire de la psychologie : elle en forme comme un chapitre qu’on peut à peine détacher, et il semble qu’au moins dans un traité analytique des phénomènes de conscience, on ne peut l’entendre autrement.

1609. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Pline appartient à cette classe d’esprits élevés et éclairés, tels que l’ancienne civilisation en possédait un assez grand nombre avant le christianisme, qui ne séparent point l’idée de Dieu de celle de l’univers, qui ne croient pas qu’elle en soit distincte, et qui, dans le détail de la vie et l’usage de la société, condescendent d’ailleurs aux idées reçues et aux préjugés utiles : « Il est bon, dans la société, de croire que les dieux prennent soin des choses humaines… La religion, répète-t-il en plus d’un endroit, est la base de la vie. » Mais ce n’est qu’une religion toute politique comme l’entendaient les Romains. […] Mais dès l’abord, ce me semble, on ne laisse pas de reconnaître en Pline un homme éclairé de son temps, un de ceux avec lesquels un homme éclairé du nôtre pourrait entrer en commerce immédiat et s’entendre, profiter et mettre du sien sans être choqué en rien d’essentiel et sans choquer à son tour ; avec qui, en un mot, on causerait de plain-pied comme avec un de ses pairs. […] L’Antiquité aussi a eu son xviiie  siècle, j’entends par là sa manière philosophique de penser.

1610. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

J’ai eu le plaisir d’entendre, sur sa vie errante et sur la suite de ses dangers à cette époque désastreuse, un récit touchant de la bouche même de son fils (M. le comte Portalis) qui l’accompagna partout, jusqu’au seuil de la prison, et qui, par une piété aussi dévouée qu’ingénieuse, réussit à retarder l’instant de son jugement et à le sauver. […] Qu’on ne se figure nullement Portalis arrivant pour la première fois dans cette assemblée politique, comme un royaliste qui a son arrière-pensée de restauration monarchique, et qui s’entend avec des collègues du même bord pour ménager des chances de triomphe à son opinion. […] Et il va jusqu’à dire, au sein de cette assemblée frémissante et où des applaudissements presque unanimes couvraient quelques murmures irrités : « Nous compromettons la liberté, en ayant l’air de séparer la France catholique d’avec la France libre. » — « Il n’est plus question de détruire, concluait-il en finissant, il est temps de gouverner. » Pour que de telles paroles, en effet, se fissent entendre et accueillir, pour qu’elles entraînassent la décision d’une assemblée où le vieux levain conventionnel fermentait encore, il fallait qu’une ère nouvelle eût commencé et que la Révolution fût entrée dans une phase toute différente.

1611. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Aux Polonais qui haranguaient en latin, elle marqua qu’elle les entendait et leur répondit sur l’heure éloquemment et pertinemment sans s’aider d’aucun interprète. […] On voit que Marguerite donne par là à entendre qu’elle n’avait jusqu’alors fait aucune comparaison d’un homme à un autre homme ; elle joue l’innocente, et, par sa citation de la Romaine, elle fait aussi la savante, ce qui rentre tout à fait dans le tour de son esprit. […] Aussi, avec tout l’esprit qu’elles peuvent avoir, elles échappent et fuient à un certain moment, et, à moins d’être celui même qui tient le gouvernail et qui leur donne décidément la boussole, on les trouve aisément perfides, infidèles, peu sûres, et pouvant à chaque instant s’entendre par la fenêtre dérobée avec quelque personnage du parti ennemi.

1612. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Tous les ordres de l’État le supplièrent donc de régner : le peuple même, effrayé de la menace d’une invasion tartare, surmonta un moment son aversion et fit entendre ses prières. […] Cela revient à dire en présence des salons, et avec ce sourire que vous savez ; « Bien entendu ! […] Pour peindre la douceur de l’habitude, par exemple, M. de Musset dira : Les amants qui ne se voient qu’à de longs intervalles ne sont jamais sûrs de s’entendre ; ils se préparent à être heureux, ils veulent se convaincre mutuellement qu’ils le sont, et ils cherchent ce qui est introuvable, c’est-à-dire des mots pour exprimer ce qu’ils sentent.

1613. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

« Je ne rencontre, disait-il, que des gens qui veulent me ramener à des opinions que je professe, ou qui prétendent partager avec moi des opinions que je n’ai pas. » … « Je plais, a-t-il dit encore, à beaucoup de gens d’opinions opposées, non parce qu’ils m’entendent, mais parce qu’ils trouvent dans mon ouvrage, en ne le considérant que d’un seul côté, des arguments favorables à leur passion du moment. » L’entreprise originale de M. de Tocqueville a donc été de considérer la démocratie comme un objet, non de démonstration, mais d’observation, et si l’on veut repasser dans son souvenir les noms des plus grands publicistes modernes, on verra qu’il n’y en a pas un qui ait eu cette idée et qui ait accompli ce dessein. […] Que faut-il entendre par démocratie ? […] En reprenant ces propositions, M. de Tocqueville les entend différemment.

1614. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Distinguons d’abord deux choses dans le xviiie  siècle : la littérature proprement dite, et la philosophie, c’est-à-dire par là j’entends la prose sérieuse (histoire, science, politique). […] C’est au nom du classique bien entendu qu’il critique, en y mêlant les éloges mérités, et les odes de Jean-Baptiste Rousseau, et les tragédies de Voltaire, et les comédies du xviiie  siècle : même dans un autre genre, il va jusqu’à baisser d’un degré le rang de Massillon. […] Les Lettres à M. de Malesherbes, les Promenades d’un rêveur solitaire, quelques pages des Confessions, ont donné les premières notes de ce chant plaintif que depuis nous avons entendu si souvent retentir, et que les générations froides et positives d’aujourd’hui commencent à dédaigner.

1615. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

On a vu les facultés qui le distinguaient, mais on n’a pas vu ce qui les a bornées et faussées quelquefois, ce qui a souvent nui à leur jeu, ce qui leur a donné cette superficialité apparente dont son grand talent a été victime vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres, car les autres ont dit souvent de lui, et bien des fois je l’ai entendu, le mot mérité, et mortel en France : « C’est un bel et grand esprit, mais il n’est pas sérieux !  […] Sainte-Beuve préparait longuement sa leçon, il l’élaborait, la mâchait, la remâchait, la mastiquait et la répétait à des chaises rangées en rond, autour de lui, dans son triste salon chocolat ; tandis que Chasles jouait avec la sienne comme un chat avec un oiseau, et la débitait pétillante, avec des grâces félines et une voix qui n’était, par exemple, ni celle d’un chat ni celle d’un tigre, mais bien la voix la plus spirituelle, la plus mélodieuse et la plus caressante qu’on pût entendre. […] Il se vieillissait, geignait et se plaignotait avec une manière de dire : Je suis fâ-ti-gué, fâ-ti-gué que je crois entendre encore.

1616. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Le plus souvent, le sentiment se conserve, mais on éprouve je ne sais quel trouble, et bien qu’on ne puisse agir à l’extérieur, on ne laisse pas que d’entendre. […] Toutefois même cette manière d’entendre cesse lorsque le ravissement est à son plus haut degré. […] La « force psychique », dont parlent certains auteurs, n’est qu’une métaphore, à moins qu’on entende par là les conditions physiques d’un état de conscience et elles seules. […] Celui qui pense les mots en les articulant sans les entendre (Stricker) et celui qui pense les mots en les entendant sans les articuler (V. Egger) celui qui pense les mots on les voyant écrits, sans les entendre ni les articuler, représentent des types irréductibles.

1617. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Le cygne est blessé ; son sang tache la blancheur de son plumage : il va chanter et son chant sera un cri d’amour, un appel qui ne veut pas être entendu, un cri de sensualité plus beau de n’être pas étouffé par l’étreinte brutale du mâle. […] J’ai cependant entendu un poète avouer cette craintive faiblesse : « Je n’ose trop lire Francis Jammes, disait-il, de peur d’être tenté de l’imiter. » Ô petit poète, si Jammes traduit si parfaitement ta propre sensibilité, lis-le, aime-le, et tais-toi. […] On entend l’horizon haleter, La terre sensuelle et lourde palpiter, Que l’émoi des pollens féconds enthousiasme. […] … Car, si tu t’arrêtais, ne fût-ce qu’un moment J’entendrais… j’entendrais au profond du silence Quelque chose d’affreux qui pleure horriblement. […] Orgues de la nuit, cloches du cœur qui battent aux artères le rythme des souvenirs et des peines : on entend le branle monotone d’une cloche mystérieuse qui sonne dans notre cœur, et au loin dans la forêt.

1618. (1923) Paul Valéry

Bien entendu je n’emploie le mot de formules que comme une image ; celui de schèmes conviendrait aussi bien, et celui de schèmes dynamiques mieux encore. […] Valéry écrit, dans l’Introduction, contre Pascal une page qui tombe un peu à faux, car Pascal, en discernant ces deux esprits, n’a jamais entendu sacrifier l’un à l’autre. […] Il entend revenir à la poésie pure, c’est-à-dire simplement à du hasard converti en chance. […] Ce qu’on peut appeler au xixe  siècle mouvement classique s’entend bien plutôt d’un mouvement critique que d’un mouvement d’art. […] Le symbolisme a pensé beaucoup plus que le Parnasse ; mais il faudrait d’abord bien s’entendre sur le sens, ici, de ce mot penser.

1619. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chantavoine, Henri (1850-1918) »

La même année, il publia les Poèmes sincères, dont un poète a écrit : « Pas un mot que nous n’entendions, pas une idée qui nous passe.

1620. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Contemplations » (1856-1859) — Un jour, je vis, debout au bord des flots mouvants (1859) »

Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants, Passer, gonflant ses voiles, Un rapide navire enveloppé de vents, De vagues et d’étoiles ; Et j’entendis, penché sur l’abîme des cieux, Que l’autre abîme touche, Me parler à l’oreille une voix dont mes yeux Ne voyaient pas la bouche : — Poëte, tu fais bien !

1621. (1893) Alfred de Musset

J’entends ta voix m’appeler dans le silence de la nuit. […] du moins, moi, je puis parler de toi à toute heure, sans jamais voir un front rembruni, sans jamais entendre une parole amère. […] Il m’est impossible d’entendre dire du mal de lui sans colère… » (À Mme d’Agoult, 25 mai 1836.) […] J’en ai assez d’entendre brailler en plein vent le bavardage humain ; il faut que le monde sache un peu qui je suis, et qui il est. […] J’ai mal entendu.

1622. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

À entendre leurs légendes, leurs contes, il semble qu’on a entassé un pays sur l’autre. […] Ce n’est pas facile à entendre, je l’accorde. […] Mais, avec leurs discours ennuyeux à entendre et leurs livres impossibles à lire, ils transforment redoutablement les petites femmes. […] Cela s’entend de reste. […] Les ignorants les entendent et ils en ressentent le charme souverain.

1623. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Que sera-ce dans l’ordre des connaissances les plus vivantes et les plus complexes qui se puissent concevoir, j’entends les sciences historiques ? […] Cette parole une fois entendue, vous aurez le secret de leur énergie ou de leur faiblesse. […] Je crois entendre M.  […] J’entends confusément dans Juvénal des râles de gladiateurs. […] On s’abandonne à elles, et aussitôt « on cesse de voir et d’entendre un fragment de la vie.

1624. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mariotte, Émile »

Et dire à tous, devant ton œuvre triste et pure, En me portant garant de ta sincérité : « Vous entendez le cri ; moi, j’ai vu ta blessure ! 

1625. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Chardin » p. 98

Ce Chardin est homme d’esprit ; il entend la théorie de son art ; il peint d’une manière qui lui est propre, et ses tableaux seront un jour recherchés.

1626. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

On n’y entend que le bruit des feuilles qui tombent ; rien n’y distrait l’oreille, les yeux, l’esprit ; cela force à penser. […] Ces fréquentes occasions de se voir et de s’entendre avaient noué entre M.  […] Le soleil se couchait dans la mer de Chypre, mes regards planaient sur la verte plage de Saïde ; la chaîne du Liban chargé de lourds nuages noirs se prolongeait vers le nord ; ma pensée errait dans cette immensité, et les accents prophétiques que je venais d’entendre, échappés à une femme revêtue du caractère et presque du costume des anciennes sibylles, ces paroles solennelles disaient à mes impressions quelque chose de sauvage et d’imposant. […] J’entrevis l’espérance de les avoir en ma possession ; je fis entendre au pacha qu’Ali-Bey s’occupait uniquement d’astronomie ; qu’il allait à la Mecque par ordre de son roi, pour y mesurer le soleil, qu’il savait bien y être plus grand qu’ailleurs (c’est une croyance de l’islamisme) ; que ce qu’il laissait après lui formait l’héritage de son fils Osman-Bey, qui habitait le royaume de Fez ; et qu’enfin, pour profiter des écrits de ce savant, il fallait traduire ses observations en arabe : j’offris de me charger de ce travail ; mes motifs allaient être goûtés, je m’en flattais du moins, quand le pacha fut destitué. […] De temps en temps un voyageur, alors très rare, venant par curiosité frapper à sa porte, elle refusait d’ouvrir ; elle ouvrit pour Marcellus et pour moi, parce que Marcellus était un enfant, et parce qu’elle avait entendu mon nom de poète dans le monde.

1627. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Ovide s’y entend bien mieux que Térence ; aussi est-il le poète favori de Perrault. […] Si Lamotte n’entend rien à Homère, l’ignorance de la langue n’en est pas la seule cause. […] On croit l’entendre tantôt suppliant la marquise de consentir, quoi qu’il lui en coûte, à tourner avec la terre autour du soleil, tantôt se prêtant doctilement à ses suppositions les plus capricieuses, pour lui faire agréer la vérité qui les renverse ; sérieux, non jusqu’à effaroucher une attention féminine ; badin, sans compromettre le fonds de la science. […] Tout est si bien tempéré, dans ces Éloges, que le lecteur ne s’aperçoit pas où finit sa compétence, et qu’il n’est pas tenté de fermer le livre, par la crainte de ne pas tout entendre. […] Ni Desmarets ni Segrais n’entendent le mot frigore, qui signifie le frisson religieux.

1628. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Ce vieux burgrave, cette vieille fée, ce varlet de fabliau, ce gentillâtre de pigeonnier, tous ces êtres féodaux du temps jadis s’entendent pour le ramener aux carrières de la corvée conjugale. […] Poirier, lui, n’entend rien à toutes ces délicatesses patriciennes ; il réunit les créanciers véreux de son gendre, les harangue, les intimide et les fait consentir à la réduction du prix des lézards. […] Et quelle nostalgie atroce te prendrait, à l’heure de la Bourse, lorsqu’en menant paître tes moutons, tu entendrais de loin le ranz des veaux d’or ! […] Il faut l’entendre questionner sa mère sur ce trantran du vice parisien dont depuis un an, elle n’a plus de nouvelles, et la duègne lui répondre, en lui défilant tous les cancans du treizième : Clara n’a plus de coupé, Berthe est dans la débine ; quant à Céleste, « elle a trouvé un excellent général qui lui fait quinze mille de viager. […] Le petit comte de Puygeron est bien mince, bien frêle, bien insignifiant ; le seul intérêt qu’il pût exciter était dans l’excès de son amour, un amour aveugle et sourd qui, de lui-même, se crèverait les yeux et se boucherait les oreilles, pour ne rien voir, ne rien entendre, et ne recouvrer ses organes que devant une patente et criante évidence.

1629. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Les prophètes de la société dite de chez nous — entendez des articles de Paris qui monopolisent l’esprit français — tremblèrent de n’avoir aucune certitude quant aux destinées de ce nouveau prétendant à l’avant-garde des idées modernes. […] Hiérarchie bourgeoise ne saurait être entendu au point de vue démagogique. […] Qu’ils se rassurent et qu’ils enfourchent Dada sans plus hésiter car Dada est moderne, si par ce mot il faut entendre la grande attraction du jour, le « great event of the season ». […] Désormais, nous ne pûmes plus entendre les lamentations lugubres de l’EccIésiaste qui mettait en doute la supériorité de l’homme sur l’animal, ni l’exclamation d’horreur du rapsode grec, nous représentant l’homme comme le plus lamentable des animaux. […] Des rimes et des musiques gaies, pimpantes, allègres, où l’on entend en sourdine le fuselé des feuillages et la voix nerveuse d’un violon.

1630. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Il se vante même d’entendre bien les indécences de cette fonction mythologique : Le brin d’herbe devient familier avec moi, Et, sans s’apercevoir que je suis là, les roses Laissent faire aux bourdons toutes sortes de choses ! […] Nous nous entendrions tous pour ne pas les lire. Nous nous entendrions tous pour les condamner. […] Dans cette pièce qui a dû être recommencée vingt fois et où le labeur n’a engendré que l’impiété et le ridicule, il n’y a pas de poésie, mais il y a du nombre, car la poésie veut du surnaturel et de l’âme, et, dans ces vers d’un matérialiste, on n’entend qu’enclume, bruit et métal ; seulement les coups sont frappés avec une fermeté d’accord qui indique le bras d’un Cyclope, même lorsque son œil est crevé, et il l’est ! […] Et il ne s’entend plus lui-même !

1631. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

La Critique est-elle donc ennuyée à la fin d’entendre appeler depuis si longtemps Victor Hugo « le grand homme ? […] Ainsi, encore, dans le même livre, au lieu de faire entendre le tocsin, il le fait voir !! Le faire entendre, c’était tout simple, mais il trouve plus ingénieux, et vraiment cela l’est, mais cela l’est trop, de le montrer à Lantenac, ce tocsin, qui sonne à vingt endroits différents dans le paysage, par l’agitation de la corde de la cloche, se détachant, grêle, sur la lumière, dans la cage à jour des clochers, et cela à des distances où il est encore plus difficile de voir que d’entendre ! […] C’est de la maternité aussi grossièrement, aussi païennement entendue, que ce poète, qui fut chrétien, qui a été élevé par une mère chrétienne, qui doit avoir, puisqu’il est poète, l’instinct du beau pour vibrer aux grandes et belles choses et à la maternité chrétienne telle qu’on la trouve souvent dans l’Histoire, c’est de cette espèce de maternité physiologique, incomplète et basse, qu’il a cru pouvoir faire sortir une palpitante et idéale tragédie !

1632. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 171

Il ne faut cependant pas croire que ses mœurs aient été aussi corrompues, que Chapelle voudroit le faire entendre, dans son Voyage du Languedoc.

1633. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Il me semblait entendre des contre-maîtres occupés à se communiquer leurs procédés pour le tannage du cuir ou la teinture du coton : les idées générales étaient absentes. […] Nulle phrase ne me dira, ce que c’est qu’un cheval, mais il y a des phrases qui me diront ce qu’on entend par ces six lettres. […] Il ne s’agit partout que de s’entendre, c’est-à-dire de revenir aux faits, ou d’apprendre, c’est-à-dire de joindre des faits. […] À l’origine de toutes les preuves il y a la source de toutes les preuves, j’entends les axiomes. […] J’ose dire que la théorie que vous venez d’entendre est parfaite.

1634. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Chaque fois que j’ai parlé ici des « lois », il faut toujours entendre : la jurisprudence. […] Je dis : en principe, ouvrant la porte à l’appréciation des tribunaux pour des cas d’espèce ; et réservant bien entendu, les lettres à secret, confidence et caractère strictement privé. […] Mais il est bien entendu que c’est à titre d’indigents que ces faveurs leur sont accordées. […] Scherer laissait entendre l’existence d’un autre cahier de souvenirs. […] Comment ne pas entendre, ici, le Pierre-Quint lecteur des Faux-monnayeurs ?

1635. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Il me semblait entendre des contremaîtres occupés à se communiquer leurs procédés pour le tannage du cuir ou la teinture du coton : les idées générales étaient absentes. […] Nulle phrase ne me dira ce que c’est qu’un cheval, mais il y a des phrases qui me diront ce qu’on entend par ces cinq lettres. […] Il ne s’agit partout que de s’entendre, c’est-à-dire de revenir aux faits, ou d’apprendre, c’est-à-dire de joindre des faits. […] À l’origine de toutes les preuves il y a la source de toutes les preuves, j’entends les axiomes. […] J’ose dire que la théorie que vous venez d’entendre est parfaite.

1636. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Elzéar, Pierre (1849-1916) »

Jean Prouvaire Nous avions eu le plaisir d’entendre lire cette pièce (Le Grand Frère), et elle nous avait paru tout à fait agréable.

1637. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rouger, Henri (1865-1912) »

Il a cru entendre distinctement la voix indifférente de la nature… Mais voici que le cœur irrité du poète s’apaise, et qu’une vision soudaine de la vie universelle où s’entrecroise éternellement l’échange des souffles, des formes et des âmes, vient calmer son esprit, prêt désormais à accepter, à bénir presque l’inévitable loi qui enchaîne les effets et les causes… — Ce premier essai paraît annoncer un poète visionnaire et philosophe.

1638. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 352

En lisant le premier chapitre, qui sert d'introduction, on croit entendre Pline l'ancien.

1639. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Le temps que des fils couleur d’hiver viennent commencer à se mêler à leurs barbes, les vétérans du symbolisme ont entendu sur leurs œuvres plus de sottises que les tableaux de musée. […] Lemaître destinée à en entendre bien d’autres, je la crois même destinée à accueillir bientôt non seulement les rythmes de Verlaine, mais d’autres rythmes nouveaux. […] Godelieve pleurera, Borluut mourra, un poète entendra leur élégie. […] Qu’entend-il par-là ? […] Une jolie voix de femme se fait entendre à l’écart du cénacle, celle de Mme Desbordes-Valmore.

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