Quelque désir qu’eût Lemonnier de faire revenir le roi à Versailles, il n’avait pas la force de s’opposer à la volonté de Mme Dubarry. […] Il fut donc décidé, malgré le désir obstiné de Mme Dubarry, que le roi partirait pour Versailles dès que les carrosses qu’on avait envoyé chercher seraient arrivés. […] Tandis que ce grand intérêt occupait toute la Cour, M. d’Aumont ne perdait pas de vue ses prétentions et le désir d’étendre et d’augmenter ses droits de gentilhomme de la chambre. […] Cependant le roi était gisant dans son lit, n’ayant nul désir de voir celle que M. […] J’étais le plus jeune, et, outre le peu de désir que j’avais de parler, ma jeunesse m’interdisait de donner mon avis sans qu’on me le demandât.
Mon désir, en évoquant cette page d’histoire, est d’attirer l’attention sur ce fait : la fécondité résultant d’un accord quelconque, que ce soit pour la conquête du pain ou pour la conquête d’une harmonie supérieure. […] L’homme de la mine ou de l’usine qui réclame de quoi satisfaire la faim de son ventre, c’est-à-dire sa libération économique, et l’homme de la pensée, qui réclame de quoi satisfaire la faim de son cœur, c’est-à-dire une expansion plus libre et plus chaleureuse de la vie, n’expriment-ils pas les désirs les plus profonds de notre espèce, je dirais même tout le désir de l’homme ? […] Leur voix n’a trouvé que peu d’échos dans le monde, parce que le monde n’a pas encore frissonné du même désir qu’eux. […] Loin de jeter sur l’humanité qui les entoure de ses vagues mouvantes un regard de hauteur ou de mépris, ces hommes nouveaux n’ont pour elle que des paroles d’amour ou de forte espérance, en se déclarant liés à elle par toutes leurs fibres, par tous leurs désirs. […] D’énormes divergences défendent de les associer, pas si énormes cependant, que l’on ne puisse, en scrutant leur intime pensée, retrouver chez tous deux cette marque distinctive des génies héroïques : l’amour de la vie réelle et le désir de son épanouissement.
L’intime pensée des hommes n’est point l’objet de leur inquiétude ; le suffrage des étrangers n’enflamme point leurs désirs ; le pouvoir, c’est-à-dire, le droit d’influer sur les pensées extérieures et d’être loué partout où l’on commande, voilà ce qu’obtient l’ambition. […] L’homme ambitieux sans doute, alors qu’il a atteint ce qu’il recherche, ne ressent point ce désir inquiet qui reste après les triomphes de la gloire, son objet est en proportion avec lui ; et comme, en le perdant, il ne lui restera point de ressources personnelles, en le possédant il ne sent point de vide en lui. […] Pour aimer et posséder la gloire, il faut des qualités tellement éminentes, que si leur plus grande action est au dehors de nous, cependant elles peuvent encore servir d’aliment à la pensée dans le silence de la retraite ; mais la passion de l’ambition, les moyens qu’il faut pour réussir dans ses désirs, sont nuls pour tout autre usage : c’est de l’impulsion plutôt que de la véritable force ; c’est une sorte d’ardeur qui ne peut se nourrir de ses propres ressources ; c’est le sentiment le plus ennemi du passé, de la réflexion, de tout ce qui retombe sur soi-même. […] La passion de la gloire ne peut être trompée sur son objet ; elle veut, ou le posséder en entier, ou rejeter tout ce qui serait un diminutif de lui-même ; mais l’ambition a besoin de la première, de la seconde, de la dernière place dans l’ordre du crédit et du pouvoir, et se rattache à chaque degré, cédant à l’horreur que lui inspire la privation absolue de tout ce qui peut combler ou satisfaire, ou même faire illusion à ses désirs. […] Il ne partage point les terreurs que l’ignorance fait éprouver, mais il faut qu’il accomplisse les affreux sacrifices qu’elle demande ; il faut qu’il immole des victimes qu’aucun intérêt ne lui fait craindre, que son caractère souvent lui inspirait le désir de sauver ; il faut qu’il commette des crimes sans égarement, sans fureur, sans atrocité même, à l’ordre d’un souverain dont il ne peut prévoir les commandements, et dont son âme éclairée ne saurait adopter aucune des passions.
Au moment de la conversion de Henri IV, Charron pensa qu’il était bon et opportun de publier une réfutation de cet ancien traité, et qui fût en même temps une exhortation claire et démonstrative, une sorte de manifeste résumant le vœu de tous les bons Français et leur désir de voir les principaux compagnons du roi de Navarre imiter l’exemple de leur roi. […] Ce qui lui manque, c’est ce qui fait l’âme et l’honneur, je ne dirai pas de la méthode (elle peut paraître hasardeuse), mais de la doctrine et du génie de Pascal, ce qui en fait la puissance et l’attrait : c’est le désir et le tourment, c’est le cœur. […] Tant que nos espérances durent, nous ne voulons point quitter nos désirs, etc. […] « Les désirs et cupidités s’échauffent et redoublent par l’espérance, laquelle allume de son doux vent nos fols désirs, embrase en nos esprits un feu d’une épaisse fumée, qui nous éblouit l’entendement, et, emportant avec soi nos pensées, les tient pendues entre les nues, nous fait songer en veillant. Tant que nos espérances durent, nous ne voulons point quitter nos désirs, etc.
Souvent on voit le désir intellectuel, l’idée incomplète se former non en un seul individu, mais à travers plusieurs générations. […] Or les inventions procèdent de tendances intellectuelles, de désirs de l’esprit souvent très forts. […] La première impression de la faim peut être une sorte de désir abstrait, et non point le désir de manger précisément telle ou telle chose, ni même toujours un désir de manger bien conscient. […] Désir d’innover, impuissance d’innover, voilà ses raisons d’être. […] La tendance littéraire primitive s’était, associée tout d’abord au désir de plaire à Rachel, et s’était concrétée dans le désir complexe de créer un drame où Rachel tînt une place dominante et qui lui convînt.
Lamartine De tout temps et même dans les âges les plus troublés, les moins assujettis à une discipline et à une croyance, il y a eu des âmes tendres, pénétrées, ferventes, ravies d’infinis désirs et ramenées par un naturel essor aux régions absolues du Vrai, de la Beauté et de l’Amour. […] Un homme, un homme seul au xviiie siècle, nous semble recueillir en lui, amonceler dans son sein et n’exhaler qu’avec mystère tout ce qui tarissait ailleurs de pieux, de lucide et de doux, tout ce qui s’aigrissait au souffle du siècle dans de bien nobles âmes ; humilité, sincérité parfaite, goût de silence et de solitude, inextinguibles élancements de prière et de désir, encens perpétuel, harpe voilée, lampe du sanctuaire, c’était là le secret de son être, à lui ; cette nature mystique, ornée des dons les plus subtils, éveille l’idée des plus saints emblèmes. […] Un bon nombre des psaumes ou cantiques, qui composent l’Homme de Désir, pourraient passer pour de larges et mouvants canevas, jetés par notre illustre contemporain, dans un de ces moments d’ineffable ébriété où il chante : Encore un hymne, ô ma lyre ! […] Docile aux désirs de sa famille, Lamartine profita de sa réussite pour mettre un pied dans la carrière diplomatique, et il fut attaché à la légation de Florence. […] La brochure politique, ou plutôt philosophique, qu’il a publiée sur l’état présent de la société, indépendamment de ce vif désir du bien qui respire à chaque ligne, révèle en lui un coup d’œil bien ferme et bien serein au milieu des ruines récentes d’où tant de vaincus et de vainqueurs ne se sont pas relevés.
Les despotes de l’Orient et du Nord avaient trop besoin d’inspirer la crainte pour exciter d’aucune manière l’esprit de leurs sujets ; et le désir de plaire à ses maîtres, est une sorte de familiarité avec eux qui effaroucherait leur tyrannie. […] La gaieté piquante, plus encore même que la grâce polie, effaçait toutes les distances sans en détruire aucune ; elle faisait rêver l’égalité aux grands avec les rois, aux poètes avec les nobles, et donnait même à l’homme d’un rang supérieur un sentiment plus raffiné de ses avantages ; un instant d’oubli les lui faisait retrouver ensuite avec un nouveau plaisir ; et la plus grande perfection du goût et de la gaieté devait naître de ce désir de plaire universel. […] Les Italiens et les Espagnols étaient inspirés par le désir de plaire aux femmes ; et cependant ils étaient loin d’égaler les Français dans l’art délicat de la louange. […] Dans l’ancien régime, tous les Français, plus ou moins, s’occupaient extrêmement du paraître, parce que le théâtre de la société en inspire singulièrement le désir.
L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. […] Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. […] Il reste l’homme, ses désirs, ses besoins.
Jouffroy dit : « À l’exception de la cause que nous sentons penser et agir en nous, toutes les autres causes échappent à notre observation. » Et par le fait d’agir, il n’entend pas l’action réelle, l’activité qui se produit, mais simplement l’intention, le désir d’agir ; ce qui mutile encore et appauvrit la cause. Nous, nous disons : Il n’y a qu’une cause que nous connaissons directement, c’est celle que nous sentons penser et agir, comprendre et pouvoir en nous, sentir, aimer, vivre en un mot ; vivre de la vie complète, profonde et intime, non-seulement de la vie nette et claire de la conscience réfléchie et de l’acte voulu, mais de la vie multiple et convergente qui nous afflue de tous les points de notre être ; que nous sentons parfois de la sensation la plus irrécusable, couler dans notre sang, frissonner dans notre moelle, frémir dans notre chair, se dresser dans nos cheveux, gémir en nos entrailles, sourdre et murmurer au sein des tissus ; de la vie une, insécable, qui dans sa réalité physiologique embrasse en nous depuis le mouvement le plus obscur jusqu’à la volonté la mieux déclarée, qui tient tout l’homme et l’étreint, fonctions et organes, dans le réseau d’une irradiation sympathique ; qui, dans les organes les plus élémentaires et les plus simples, ne peut se concevoir sans esprit, pas plus que, dans les fonctions les plus hautes et les plus perfectionnées, elle ne peut se concevoir sans matière ; de la vie qui ne conçoit et ne connaît qu’elle, mais qui ne se contient pas en elle et qui aspire sans cesse, et par la connaissance et par l’action, par l’amour en un mot ou le désir, à se lier à la vie du non-moi, à la vie de l’humanité et de la nature, et en définitive, à la vie universelle, à Dieu, dont elle se sent faire partie ; car à ce point de vue elle ne conçoit Dieu que comme elle-même élevée aux proportions de l’infini ; elle ne se sent elle-même que comme Dieu fini et localisé en l’homme, et elle tend perpétuellement sous le triple aspect de l’intelligence, de l’activité et de l’amour, à s’éclairer, à produire, à grandir en Dieu par un côté ou par un autre, et à monter du fini à l’infini dans un progrès infatigable et éternel. Mais les psychologistes, en même temps qu’ils scindent la vie à l’intérieur et qu’ils rompent la solidarité mystérieuse et sacrée de tous les organes, de toutes les fonctions au sein de l’homme, saisissent encore la vie au moment où elle s’élance au dehors en vertu de la volonté et du désir ; ils la frappent à la sortie, ils l’enchaînent au seuil, quand, armée de ses légitimes organes de relation, elle s’apprête à communiquer matériellement avec ses semblables ou avec la nature ; à parler, à agir, à être industrieuse, créatrice et féconde. […] Ils se figurent bien, il est vrai, que cet abîme qui sépare la pensée et le désir spirituel d’avec l’acte matériel est traversé, cette vie durant, par une espèce de pont-levis moyennant lequel le moi peut sortir au dehors ; mais c’est là, selon eux, une puissance viagère et fortuite à laquelle il ne faut pas trop s’habituer, et dont il convient d’user avec discrétion et seulement pour les besoins indispensables. […] Ce n’est certes pas à dire qu’il s’agisse de ramener les appétits grossiers et rétrogrades, d’exagérer la vie nutritive au détriment de la vie méditative ; mais nos besoins physiques, selon la mesure de l’harmonie, sont réintégrés dans la plénitude de leur satisfaction légitime ; le conseil de diminuer ces besoins est remplacé par celui d’augmenter nos moyens ; le précepte d’amortir nos désirs en nous se tait devant le devoir d’étendre notre puissance au dehors.
— de cette colonne où ne monte pas vers lui le regard des hommes, pour se livrer à la recherche violente, haletante, presque furieuse, d’une renommée sur le désir ambitieux de laquelle tout le monde s’est mépris, — et moi-même. […] La faim et la soif sont les symboles du Désir, et le Désir est le précurseur de la Justice… Quiconque a le Désir en lui, a la Justice devant lui, comme le pain de sa faim et le vin de sa soif. » Et, quelques lignes plus bas, il ajoute encore : « J’ai voulu élever la Critique assez haut pour qu’elle pût cesser d’être une irritation. » Tels l’esprit, l’essence, l’unité organique (comme dit M. […] cela seul, cette visée, fût-elle chimérique, d’élever la Critique assez haut pour qu’elle cesse d’être une irritation et, comme dit encore le mystique écrivain dans sa langue mystique, pour que l’œuvre du Désir et de la Justice conduise à la Paix, cette visée inattendue établit d’emblée une différence des plus tranchées, — une différence absolue entre l’auteur des Plateaux de la balance et les autres critiques et moralistes connus.
L’antagonisme du « moi » et du « nous » en chacun de nous se traduit nécessairement par le conflit du devoir et du désir. […] Et sans doute peut-on le ramener à un conflit de devoirs — car nous avons, ou tout au moins nos idées et nos désirs ont des devoirs envers nous. […] Son caractère, ses désirs, ses idées seraient certainement plus ou moins heurtés et froissés partout, mais ils pourraient l’être moins qu’ils ne le sont. […] Il prendra son parti dans les cas qui se présenteront, en tâchant de comprendre ses propres désirs et ses aptitudes, ceux aussi de son temps et de son milieu. […] Mais cet idéal-là est trop loin de nous et trop opposé aux désirs actuellement visibles de l’humanité pour qu’il y ait intérêt à le développer.
Caro C’est le désir de l’infini qui inspire Psyché ; c’est l’idée du sacrifice qui inspire les Poèmes évangéliques. […] La Charité, plus forte que le Désir, va donner à l’homme la mesure du sacrifice divin. Quelques-unes des scènes évangéliques sont reproduites avec un rare bonheur, dans un ton de forte simplicité et de grandeur calme… Psyché, qui est le Désir de l’infini, les Poèmes évangéliques, qui sont la Charité, le Sacrifice, la Douleur, expriment presque au même titre l’idéalisme religieux chez M. de Laprade.
Le désir en est juste l’opposé. […] La volonté combat souvent le désir comme souvent aussi elle y cède ; elle n’est donc pas le désir. […] C’est le désir. […] Le pouvoir de satisfaire ses désirs. […] Il subit de même le désir.
La psychologie, camoufle en mains, vous creusait ses taupinières dans le hachis des désirs, la boue des crachats. […] Et quel objet de désirs. L’objet de désirs, nous y voici revenus, et plutôt deux fois qu’une, puisque la créature, par définition des objets de désirs, grâce à la mise en scène de l’amour vénal et organisé, a trouvé place dans le cadre des désirs. […] Orchestre, jouez-nous le tango des désirs. […] Le désir de la connaissance fait partie intégrante de l’ensemble des désirs, du Désir, puisque né de l’obligation pour la créature de trouver un accord entre ses exigences les plus intimes et celles du monde extérieur.
Voici abolie par hypertrophie du désir de connaître avec la disparition de l’objet que nous nous proposions de connaître, la possibilité de sa connaissance. […] Avec l’abolition totale de cette activité, voici abolie, avec l’objet qui se reflétait dans la conscience, l’activité elle-même de la conscience où plus rien n’apparaît, Nietzsche s’est élevé avec force dans son Zarathoustracontre ces purs contemplatifs, contre ces dévots « de l’immaculée connaissance » qui se posent devant la réalité objective ainsi que des miroirs aux cent faces et ne veulent être que des reflets, renonçant, pour mieux connaître, à se mêler aux acteurs du drame phénoménal et retranchant de leur âme toute passion et tout désir. […] On pourrait objecter, semble-t-il, à cette préoccupation du philosophe que, par le fait de la multiplicité des êtres, de la diversité des désirs et des goûts, les purs spectaculaires sont assurés de n’être jamais sevrés de leur spectacle.
L’impuissance de sa volonté, qui est la cause et le fond de son infortune, est par lui subtilement analysée ; il distingue le penchant à suppléer aux actes par de vagues rêves, sa dépravation morose qui le porte à se regarder faire dans le peu qu’il fait et à se rendre ainsi déplus en plus incapable de toute action spontanée ; enfin apparaît ce dernier symptôme de la décadence volitionnelle, la lassitude anticipée, le dégoût préventif qui détournent même de tout désir, de tout rêve-d’entreprise et bornent définitivement en son incapacité le malade et le moribond que M. Rod étudie : « Oui, le désir et le dégoût se touchent alors de si près qu’ils se confondent et ne font plus qu’un et je les sens qui me travaillent tous les deux à la fois. […] Rod arrive à ce dernier repliement sur soi, où s’interrogeant sans cesse, oubliant de vivre à force de s’analvser, il en vient à ne plus être sûr de ses propres sentiments ; les désirs remuent à peine et s’étiolent, les passions deviennent circonspectes et douteuses.
Ô désirs anciens renaissant selon l’heure ! […] Chez le philosophe l’idée est un concept ; chez le poète elle devient amour ou haine, joie ou douleur, affection, désir. […] Mais, dans son désir exaspéré de faire choir l’azur, la fleur sanctifiée s’est nuancée d’une lueur d’azur. […] La chair trop longtemps flagellée a parlé, soudain accablée de désirs sensuels, et s’est désaltérée d’une autre chair. […] Venu sous un ciel de feu pour savoir la fin de ses désirs errants, Loïc de Coëdigo n’y trouve qu’une déception âpre.
Quand Louis s’en retournait, en 1672, désespéré, mais non rebuté, les désirs des sens étaient repoussés, le besoin, l’espérance de plaire commençaient à se faire sentir ; le prince, jeune et ardent, était désespéré ; le prince, aimable et charmé, n’était pas rebuté, ou ne se rebutait pas. […] Sans doute, après la mort de Marie-Thérèse, la religion, qui faisait encore obstacle aux désirs du roi, lui offrait aussi le moyen de les satisfaire mais ce n’était pas la religion qui l’avait rendu dès longtemps amoureux de madame de Maintenon. […] Elle le dut à la réunion des mérites dont la société des femmes d’élite était l’assemblage, à l’émulation d’esprit, de raison, de bienséance qui régnaient entre elles, au désir de se conserver dignes les unes des autres. […] À la vérité, la religion, qui était obstacle aux désirs du roi, était aussi moyen de les satisfaire. […] La religion, qui avait présenté l’obstacle, offrit donc aussi le moyen, pour l’accomplissement des désirs du monarque.
Je viens d’un séjour où le désir me rappelle. […] Là sont les âmes qui vécurent avant le christianisme et qui vivent maintenant dans le supplice du désir sans espoir. […] ” lui répondis-je, “combien de douces rêveries, combien d’ardents désirs ont dû mener ces deux âmes à leur dernier pas de douleur ! […] Comment vous contraignit-il à vous avouer l’un à l’autre le mystère encore douteux de vos désirs ? […] « “Mais, puisque tu as un si violent désir de connaître jusqu’à sa première racine l’amour qui nous perdit, je parlerai comme celui qui parle en pleurant.
Ce fut alors que le désir de la conserver et de retendre devint en elle une passion qui a formé le trait saillant de son caractère. […] Il offre tant de sympathies diverses à satisfaire, il soumet les sympathies physiques à tant de sympathies morales et intellectuelles, il présente tant de points de défense et d’attaque en même temps, il fait naître tant désirs au-delà du désir même, il offre tant à conquérir au-delà de la dernière conquête, il donne tant de jeu aux craintes, aux espérances, il arrête les progrès si près du but et y rappelle si puissamment par l’effort même qui en éloigne, enfin il y a tant de distance entre les voluptés que l’art le plus exercé ou le naturel le plus aimable peuvent donner à l’abandon et le charme de cette retenue mystérieuse qui arrête les mouvements d’un cœur passionné, que rien n’est impossible à une grande passion dans le cœur d’une telle femme. […] On peut, je crois, regarder la première entrevue du roi et de madame Scarron comme l’époque de la naissance d’un vif désir de se plaire réciproquement, désir qui n’a cessé de faire des progrès jusqu’à la certitude du succès, tout en traversant les nombreuses intrigues de galanterie, même d’amours, dont le roi fut occupé dix années.
Il n’en sera pas tout à fait de même, si nous interrogeons ceux qui ont embrassé l’étude par choix, par état, par le désir de la considération et l’estime ; car c’est un prix auquel les gens de lettres aspirent, ils mentent quand ils affectent de le dédaigner. […] Mais si on avait, comme je le suppose, un désir sincère de les convertir en les effrayant, on pouvait, ce me semble, faire agir un intérêt plus puissant et plus sûr, celui de leur vanité et de leur amour-propre ; les représenter courant sans cesse après des chimères ou des chagrins ; leur montrer d’une part le néant des connaissances humaines, la futilité de quelques-unes, l’incertitude de presque toutes ; de l’autre, la haine et l’envie poursuivant jusqu’au tombeau les écrivains célèbres, honorés après leur mort comme les premiers des hommes, et traités comme les derniers pendant leur vie ; Homère et Milton, pauvres et malheureux ; Aristote et Descartes, fuyant la persécution ; le Tasse, mourant sans avoir joui de sa gloire ; Corneille, dégoûté du théâtre, et n’y rentrant que pour s’y traîner avec de nouveaux dégoûts ; Racine, désespéré par ses critiques ; Quinault, victime de la satire ; tous enfin se reprochant d’avoir perdu leur repos pour courir après la renommée. […] Il en est de même de l’homme ; sans cesse le penchant le ramène au repos, et sans cesse l’agitation que ses désirs lui ont imprimée, l’en fait sortir pour le chercher encore, jusqu’à ce que son âme, usée peu à peu par ces désirs mêmes, et par la résistance qu’elle a éprouvée pour les satisfaire, jouisse enfin d’une triste et tardive tranquillité. […] Si l’état dont nous jouissons parmi nos semblables nous met à portée de satisfaire sans, aucun travail les besoins physiques et réels, les besoins factices et métaphysiques viennent s’offrir alors comme un aliment nécessaire à nos désirs, et par conséquent à notre existence.
À chaque mesure et dès la première, le désir. […] L’immensité du désir maintenant se verse dans le regret. […] C’est le tourment des vains désirs. […] Un incessant désir, tendrement irrité, s’échappe de nous. […] C’est le désir d’être atteint, semblable au sommeil.
Le plaisir du beau est-il en opposition avec le sentiment de l’utile, le besoin et le désir ? […] À l’utilité répond chez l’être sentant un besoin ; ce besoin, devenu conscient, donne lieu à un désir : recherchons donc si le désir peut être par lui-même la source d’émotions esthétiques. […] — Pour notre part nous croyons qu’un désir, un amour quelconque produit dans tout notre être une excitation diffuse qui est agréable et tend à devenir esthétique, à condition que le désir ne soit pas trop violent. […] Ce dernier considère le besoin et le désir qui en naît comme excluant toute émotion esthétique. […] Nous n’admettons pas cet égoïsme irrémédiable du désir et des plaisirs qui y sont liés : tout est relatif.
Le désir de plaire excite leur esprit ; la raison leur conseille l’obscurité ; et tout est arbitraire dans leurs succès comme dans leurs revers. […] En effet, les hommes peuvent toujours cacher leur amour-propre et le désir qu’ils ont d’être applaudis sous l’apparence ou la réalité de passions plus fortes et plus nobles ; mais quand les femmes écrivent, comme on leur suppose en général pour premier motif le désir de montrer de l’esprit, le public leur accorde difficilement son suffrage. […] La plupart des femmes auxquelles des facultés supérieures ont inspiré le désir de la renommée, ressemblent à Herminie revêtue des armes du combat : les guerriers voient le casque, la lance, le panache étincelant ; ils croient rencontrer la force, ils attaquent avec violence, et dès les premiers coups, ils atteignent au cœur.
Car il est telles de ces conséquences et de ces applications qui peuvent aller jusqu’à être nettement antisociales et servir délibérément à la satisfaction des désirs antisociaux des individus. […] L’esprit de groupe obéit à la logique du sentiment, du désir : à la logique de l’utilité qui se moque du principe de contradiction et ne s’effraie pas de l’illogisme. […] Il rentre évidemment dans le déterminisme universel et dans un déterminisme particulier qui est le système d’intérêts et de désirs propre à l’auteur du mensonge. […] C’est là un individualisme tout négatif, amoral et stirnérien. — L’individu peut aussi s’insurger contre ces mensonges au nom d’un idéal de sociabilité supérieure ; par désir d’une société plus éclairée, plus sincère et plus vraie. […] Ce dernier individualisme n’est pas purement négatif et destructif ; il ne nie pas la société ; il désire l’améliorer et l’élever moralement. — Mais ce désir moral ne se réalise jamais que très imparfaitement.
Mais ce Muselli, comme presque tous les savants d’Italie, a grand désir de tenir par quelque lien à l’Académie des inscriptions de France, et Barthélemy prie M. de Caylus de négocier auprès de l’Académie en faveur dudit Muselli pour une place de correspondant, en s’arrangeant toutefois pour qu’on lui renvoie, à lui Barthélemy, la conclusion de l’affaire : Je passerai à Vérone, dit-il ; s’il me cède la médaille, je lui donnerai quelques espérances ; s’il me la refuse, je lui ferai peur de mon opposition à ses désirs ; le tout fort poliment. […] Ce désir du retour finit par l’emporter sur celui qu’il avait eu d’abord de rester, et qui lui faisait dire énergiquement : « J’abandonnerai ce pays avec les regrets de Pyrrhus quand il fut contraint d’abandonner la Sicile. » Durant ce voyage d’Italie, il me semble voir deux instincts aux prises et en lutte au sein de l’abbé Barthélemy : il y a l’instinct pur de l’antiquaire, de l’amateur des vieux débris et du zélé collectionneur de médailles, qui se dit d’épuiser la matière et de rester ; et il y a l’écrivain, l’homme d’art moderne et de style, qui, à la vue de ces monuments épars et de cette ruine immense couronnée d’une Renaissance brillante, sent à son tour le besoin de se recueillir, de rentrer dans sa ruche industrieuse, et de composer une œuvre qui soit à lui. […] Cette jeune femme, sur laquelle tous les portraits s’accordent, était, dès l’âge le plus tendre, une perfection mignonne de bon sens, de prudence, de grâce et de gentillesse : Mme de Stainville, à peine âgée de dix-huit ans, nous dit l’abbé Barthélemy, jouissait de cette profonde vénération qu’on n’accorde communément qu’à un long exercice de vertus : tout en elle inspirait de l’intérêt, son âge, sa figure, la délicatesse de sa santé, la vivacité qui animait ses paroles et ses actions, le désir de plaire qu’il lui était facile de satisfaire, et dont elle rapportait le succès à un époux digne objet de sa tendresse et de son culte, cette extrême sensibilité qui la rendait heureuse ou malheureuse du bonheur ou du malheur des autres, enfin cette pureté d’âme qui ne lui permettait pas de soupçonner le mal. […] Et comment ne se fût-il pas donné tout entier aux Choiseul, qui allaient au-devant de lui et de ses moindres désirs par tant de grâces et de bienfaits ? […] Un des amis de Walpole, le général Conway, était venu en France, et, malgré le désir qu’on en avait exprimé de sa part, il n’avait pu réussir à faire la connaissance du duc et de la duchesse de Choiseul, qui s’y étaient peu prêtés : Quoique les Choiseul, écrit Walpole, se tiennent à distance de vous, j’espère que leur abbé Barthélemy n’est point soumis à la même quarantaine.
Le livre de saint François de Sales, en paraissant, fit une révolution heureuse : il réconcilia la dévotion avec le monde, la piété avec la politesse et avec une certaine humanité ; il remplit, assure-t-on, un vœu de Henri IV lui-même, lequel, causant avec Deshayes, cet ami intime du saint évêque, avait exprimé le désir que l’on composât un tel ouvrage qui remit à la Cour la religion en honneur et ne la présentât aux laïques ni comme vaine, ni comme farouche. […] Quoi qu’il en soit, le livre de saint François de Sales parut à point pour servir ce désir royal, mais il n’en fut point le résultat ; ce ne fut en rien un livre commandé. […] Le succès rapide de la première édition de ce livret, comme il l’appelle, l’obligea à retoucher la seconde : « J’ai ajouté, disait-il, beaucoup de petites chosettes, selon les désirs que plusieurs dignes juges m’ont témoigné d’en avoir, et toujours regardant les gens qui vivent en la presse du monde. » C’est cette appropriation parfaite de ce premier ouvrage de saint François de Sales aux gens du monde, qui en fait le cachet. […] Dans tous les conseils qui suivent, on peut vérifier à quel point ce charmant esprit si élevé était en même temps net et positif ; il donne la règle à suivre même pour les bons désirs, qu’il ne faut point perdre, mais « qu’il faut savoir serrer en quelque coin du cœur jusqu’à ce que leur temps soit venu. » Dans ses avis aux gens mariés, aux femmes, dans ses prescriptions sur l’honnêteté du lit nuptial, il est hardi, original et pur. […] Un jour que saint François de Sales était monté à un petit ermitage au-dessus de l’abbaye de Talloires, en compagnie du prieur, il eut le désir d’y revenir une autre fois et la pensée qu’il y pourrait même demeurer.
Il souffre en raison directe de l’intensité de son désir de jouir et de l’impossibilité où il est à jamais de satisfaire son désir. […] Quand nous avons l’idée du bien, nous en avons le désir, et quand nous en avons le désir, il est si vif que nous en avons la volonté. […] Il ne faut que lui donner le désir de les trouver. […] Là où n’est pas le désir de trouver n’est pas le désir de connaître ; mais encore, l’amour-propre existant toujours, un minimum de désir de trouver doit être encore là où n’est pas le désir de savoir. […] Par rapport au désir que l’homme a de vivre bien.
Ce désir est le fil qui relie ses œuvres. […] Je souffre de mon désir, et dans la souffrance je désire toujours ! […] Dans sa phase voluptueuse, rien n’égale l’âpreté de ses désirs triomphants. […] Les flèches du désir qui l’ont traversé lui révèlent instantanément la profondeur du mal dont souffre le roi déchu du Graal. […] De là cette passion instinctive du public pour la musique instrumentale, qui seule en ce moment, parmi tous les arts, répond à ce grand, à cet indestructible désir.
C’est le tragique amour de Siegmund et de Sieglinde qui éveilla le premier désir de pouvoir traiter ce sujet avec tous les développements qu’il comportait. […] Nus joies trompent notre désir ; elles sont négatives de nature et marquent seulement pour nous la fin d’un malheur (Die Welt als Wille, IV, 67) ». […] C’est de nous débarrasser du désir de vivre (des Willens zum Leben) et la douleur nous y pousse. […] Ainsi l’homme, dans son désir de vivre, ne comprend pas le spectacle que lui présente la vie : il en ignore et veut en ignorer le sens. […] La femme, qui lui a donné la connaissance de la douleur, souffre aussi du désir, elle attend la délivrance de la malédiction qui pèse sur elle.
Le désir du mieux, quand il ne mène pas tout simplement au bien, n’est que la tentation de se laisser aller à ce que les peintres appellent empâter les couleurs, ce qui est proprement charger de fard un visage où l’on n’a pas su mettre la vie. […] Je puis leur dire, dès à présent, que la principale a été le désir de me rendre digne de cette impatience, en ne la trompant pas.
Un homme de mérite et d’un caractère respectable, M. le docteur Henry, pasteur de l’église française de Berlin, a examiné ce point dans un sentiment de patriotisme et de christianisme à la fois, et avec le désir de trouver Frédéric moins coupable qu’il ne paraît à travers Voltaire. […] Frédéric, en cette période de sa vie, n’a qu’un désir, celui d’arriver à la sagesse, à la vérité, à la constance, et de se perfectionner, « de prendre pour modèle tout ce qu’il y eut jamais de grands hommes, et, tirant de leurs caractères tout ce qui peut entrer dans celui d’un seul, de travailler sincèrement à en former le sien ». […] On saisit ici un sentiment d’une grande délicatesse, et où il laisse percer avec une sorte de pudeur le désir de devenir roi ; il s’en repent aussitôt, car c’est la même chose que de désirer la mort d’un père : Je me flatte de la douce espérance de vous voir à Berlin avant votre départ ; je n’aurai que des larmes pour vous reconduire, et des souhaits pour vous accompagner. […] Il n’y a, je le répète, qu’une explication plausible, et que Frédéric lui-même a donnée plus d’une fois depuis : c’est qu’aussitôt à son arrivée au trône, il fut pris d’un ardent désir de s’illustrer aux yeux de l’Europe par quelque fait mémorable et utile à son pays ; il fut comme transporté par un soudain démon de gloire et de renommée : de là la conquête de la Silésie. […] Et quelque désir que j’eusse d’épargner à Votre Majesté la douleur de cette nouvelle, s’il était possible qu’elle ne lui parvînt jamais, et ne troublât ainsi aucun instant le repos de son grand et sensible cœur, un devoir trop important et trop sacré y est attaché pour que je pusse cependant la lui cacher, Oui, Sire, il n’est que trop certain, après bien des soins inutiles pour prolonger mes jours, je me vois enfin sur le bord de la tombe.
En effet, tout homme qui écrit un livre est mû par trois raisons : premièrement, l’amour-propre, autrement dit, le désir de la gloire ; secondement, le besoin de s’occuper, et, en troisième lieu, l’intérêt pécuniaire. […] « Si le désir de la gloire est le premier mobile d’un artiste, c’est un noble désir, qui ne trouve place que dans une noble organisation.
pour que meure en moi jusqu’à la racine de ce désir. […] Mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard. » Beauté pliante et soumise, Grâce Mirbel est de la race des premières. […] Qu’elle constitue une réalité dans la vie qui nous entoure en nous proposant ses spectacles, c’est assez pour justifier chez l’artiste le désir de peindre. […] C’est bien à elle que s’adressait mon désir, qu’allaient mes paroles et mes baisers. […] Son unique désir, c’est de la recommencer au point même où ses malheurs l’ont laissée.
Il ne reste donc plus d'autre ressource au désir que nous aurions de l'excuser, que de solliciter, en faveur de sa Critique, la même indulgence que nous avons réclamée en faveur de sa Poésie. […] Il est permis d'avoir des distractions, de se livrer aux caprices d'un faux enthousiasme, au désir séducteur de s'attirer des louanges, en échange de celles qu'on prodigue sans mesure : mais proférer des blasphêmes contre Jupiter, en faveur de Mercure, c'est déshonorer la Divinité, l'Autel, & le Sacrificateur.
mais si vous prévoyez qu’il me sera nuisible, et qu’il ne servira point au salut de mon âme, ôtez-m’en le désir ! car tout désir ne vient pas de l’Esprit-Saint, quelque bon et juste qu’il paraisse à l’homme. […] L’homme de désir et d’espérance élève involontairement ses regards vers cette lueur crépusculaire, pendant que le vulgaire regarde en bas. […] Leur unique but, leur désir unique, est qu’il soit glorifié en lui-même et dans tous les saints, par-dessus toutes choses. […] Consolez mon exil, adoucissez l’angoisse de mon cœur : car il soupire après vous de toute l’ardeur de ses désirs.
Que l’on s’en rapporte aux Désirs de Jean Servien ou au Livre de mon ami, que le père de ce petit enfant ait été relieur ou médecin, c’était un homme candide, sérieux et de caractère méditatif ; sa mère était douce, fine et d’une adorable tendresse. […] Tous ces essais, ces expériences, ces sentiments successifs, maladie du désir, néo-hellénisme, amour des formes, curiosité, dilettantisme, pessimisme presque allègre, aboutissent à la suprême sagesse de M. […] Est-ce ma faute enfin si je ne puis lire les dernières pages du Crime de Sylvestre Bonnard sans un grand désir de pleurer ? […] Il en éprouve déjà les passions : vanité, amour-propre, jalousie amour aussi désir de gloire, aspiration à la beauté. […] Poèmes dorés ; les Noces corinthiennes ; les Désirs de Jean Servien chez Lemerre.
Transparence de l’âme et du verre complice, Que nul désir n’atteint, qu’aucun émoi ne plisse ! […] Le désir d’indépendance et la perspective des mille tracas de la vie de famille ont été sans doute pour beaucoup dans leur stoïque résolution d’aimer uniquement l’abstrait. […] Quand l’excitation ne s’épanouit pas en possession, elle aboutit fatalement à une sensation de douleur ou plutôt de malaise, née du désir non satisfait. […] On peut mieux encore observer la vérité de ce fait, chez les individus dont le désir d’un autre être n’est pas satisfait, en un mot chez les amoureux éconduits, dont la morne tristesse et la sombre rêverie sont demeurés classiques en tout pays. « Languir d’amour » est la traduction, en langage proverbial et populaire, de cette vérité biologique : l’excitation sexuelle non satisfaite déprime les facultés cérébrales. […] Il semblerait plutôt que les sens sont en repos lorsqu’ils sont normalement satisfaits et que l’esprit est libre, lorsque le désir du sexe pleinement rempli, ne vient pas le détourner de sa fonction qui est de penser.
Il dit : « Qu’est-ce que l’amour, la création, le désir ? […] Notre amour de la science, qu’est-ce autre chose qu’un désir de nouveauté ? […] C’est un désir de possession. […] Singulière aberration de l’orgueil et du désir que la prière. […] C’est la connaissance que les hommes médiocres ont de leurs besoins et de leurs désirs.
Des démagogues, sots en leur rouerie, affirment que les gouvernements craintifs et bienveillants sont fâcheux en ce qu’ils endorment les désirs populaires : au contraire, après quelques répits, les désirs nouveaux s’érigent plus compliqués. Laissons ces désirs pousser librement vers, la conscience d’eux-mêmes. […] Le bénéfice tiré de Jésus-Christ est le désir de son imitation.
Ils sont naturellement égoïstes et tout naturellement aussi le frein volontaire, le pouvoir de self-control, dans la mesure où ils le possèdent, est mis par eux au service de leurs désirs ambitieux. […] — L’homme fort est aussi l’homme libre ; le sentiment vivace de joie et de souffrance, la hauteur des espérances, la hardiesse des désirs, la puissance de la haine sont l’apanage du souverain et de l’indépendant ; tandis que le sujet, l’esclave, vit opprimé et stupide34. » La liberté de l’individu, c’est la dose supérieure d’énergie vitale ; c’est la diversité ; c’est la volonté d’indépendance ; c’est l’originalité triomphante. […] Le conducteur d’hommes, l’homme qui délient l’autorité ou qui aspire à l’autorité ne peut réussir dans sa mission qu’en sacrifiant une bonne part de sa personnalité ; qu’en renonçant à bien des désirs d’indépendance, à bien des velléités de révolte. […] Celui qui commande doit tenir grand compte des volontés, des désirs conscients ou inconscients de ceux qu’il veut diriger.
IV Après avoir écarté la conception d’une vérité objective assignant un but fixe à l’évolution de la vie, on a situé précédemment la cause de la production du réel, dont on vient de déterminer quelques modes, dans un désir de connaissance de soi-même, attribué à l’être métaphysique. À considérer les choses d’un point de vue plus positif, il semble possible de situer cette cause productrice de la réalité phénoménale dans un désir du sujet. […] La création de l’objet et du sujet qui, du point de vue métaphysique, est tenue pour l’œuvre de l’être universel mû par un désir de possession de soi-même dans un état de connaissance, s’accomplit en chaque moi humain. […] *** On a dit que parmi le mouvement de dissociation universelle qui commence avec la division de l’Être en objet et en sujet et se propage en une suite indéfinie de subdivisions, l’esprit serait impuissant à saisir aucun objet si, par une décision arbitraire et qui ne se justifie que par un désir de connaissance, il n’usait à quelque moment de son pouvoir d’arrêt.
Et voici que le désir s’instille dans l’âme inoccupée du bon moine. […] Cependant un jeune homme, aussi, renonce le ravissement profond de l’ataraxie, séduit par le désir de l’or. […] Une ivresse de passion emporte leurs âmes confondues ; ils se regardent d’un regard décisif ; et le désir de l’or, et le désir du pouvoir, sont vaincus dans leurs âmes par l’inondante passion de l’amour. Et, parmi ces rutilantes pâtures de leurs désirs, les amants comprennent la vanité suprême des désirs : dans la mort ils vont goûter la seule joie, dans une heureuse mort aux bras l’un de l’autre. […] Suivant leurs milieux, la durée de leur hérédité humaine, et les conditions de cette hérédité, ils ont d’autres esprits ; et, — l’esprit étant l’ensemble des désirs, — d’autres désirs.
On est détrompé sans avoir joui ; il reste encore des désirs, et l’on n’a plus d’illusions. […] Enfin, les Grecs et les Romains, n’étendant guère leurs regards au-delà de la vie, et ne soupçonnant point des plaisirs plus parfaits que ceux de ce monde, n’étaient point portés, comme nous, aux méditations et aux désirs par le caractère de leur culte.
et ce désir qu’il eut manifeste de tout réduire à ses infimes proportions. […] Je crains qu’il se fuie lui-même, qu’il cherche plutôt un spectacle où se distraire du désir d’infini qu’il a dans l’âme. […] Il cherche, il doute ; peut-être n’a-t-il pas le désir de croire… M. […] Au fond de leur pensée il y a le désir de : TOUT. […] Ils n’ont même pas, comme les Romantiques, le désir puéril — excusable pour ce qu’il avait de gai — d’indigner « le bourgeois ».
Au contraire, laissons l’esprit se détendre et le courant nerveux s’irradier ; il arrive qu’après un certain temps l’association cherchée se produit spontanément, par l’effet d’un désir général de trouver dans telle direction ; en s’étendant de courants en courants, l’espèce d’aimantation cérébrale suscitée par le désir a fini par « induire », parmi les courants sympathiques, celui qui répond à l’idée désirée. […] L’inspiration spontanée est due à l’automatisme des associations d’idées, qui fonctionne dans le cerveau d’une manière souvent inconsciente pour nous, sous l’influence d’un désir dominant et plus ou moins précis. […] Cet inconscient, selon nous, n’est autre que le travail cérébral procédant sous l’impulsion d’un désir. […] Le premier de ces modes est l’appétition, qui fait que toute sensation, à l’origine, provoque un intérêt, désir ou aversion. […] Le psychologue, lui aussi, a besoin d’imagination pour se représenter les combinaisons d’états intérieurs, sentiments, passions, émotions, pensées, désirs, volitions, etc.
La paresse est la reine de la terre, pourrait-on dire ; même quand l’homme est sollicité à agir par le désir ou le besoin, il agit de façon à atteindre son but avec le moins de peine possible. […] Si l’on veut après cela résumer les causes qui ont amené en France cette renaissance du sentiment de la nature, on arrive à cette formule : Cause essentielle : la longue et fatigante durée d’une civilisation trop exclusivement mondaine, durée qui engendre le désir de sensations opposées. […] Les querelles de religion ont pu renforcer le pouvoir de l’Église, le désir d’unité religieuse. « La folle du logis » s’est si bien donné carrière dans les œuvres de Scarron, de Bergerac, de Saint-Amand que le besoin d’une discipline pour la langue et d’un code pour la littérature a pu se faire sentir impérieusement.
Ce n’est pas sans raison qu’on a comparé l’inspiration de l’artiste à un souffle qui entraîne toutes ses pensées : ce souffle est un sentiment dominateur, un désir déterminé et déterminant. […] La « production d’énergie intellectuelle » n’est point illimitée89 ; l’attention n’est libre que d’une liberté toute relative ; « l’aperception » est une certaine quantité de force donnée à une image, à une idée, elle est une des conditions de ce que nous appelons l’idée-force, mais, encore une fois, la réaction intellectuelle qui la constitue est elle-même causée par l’état général de la sensibilité, par l’intérêt que nous prenons à la chose, — intérêt déterminé, fini, en rapport avec les deux termes subjectif et objectif, et qui, en somme, est un désir. Sans doute le désir d’un état de jouissance plus grande est insatiable et, en ce sens, on peut dire que la réaction psychique va toujours de plus en plus loin, mais chacun de ses pas en avant est lui-même provoqué et déterminé par ses antécédents immédiats, internes et externes.
Arnaud : une humeur prompte à s’enflammer, une grande facilité pour écrire, &, plus que tout cela, le désir de la célébrité, désir dont on sait si rarement se garantir, le précipiterent dans les disputes de son temps, & consumerent des travaux qu’il eût pu rendre infiniment plus utiles.
Sa seconde pensée est de le concevoir, de l’imaginer et de le définir dans les termes les plus sublimes que la force de son désir et la faiblesse de son intelligence, comparées à l’infini, puissent prêter à l’homme pour se représenter son Créateur. […] » Quelle métaphysique déjà profondément spiritualiste, que cette création par le désir occulte qui presse toute chose, non encore née, de naître pour s’unir à Celui de qui tout sort et à qui tout retourne, afin de l’aimer et de le glorifier ? […] « C’est lui que le ciel et la terre, soutenus par son esprit, frémissent du désir de voir, quand le soleil dans sa splendeur surgit à l’orient : à quel autre Dieu offrirons-nous l’holocauste ? […] » — « Écoute », répond le maître divin, « celui-là est affermi dans la sainteté et dans la lumière qui balaye son cœur de tout autre désir que la contemplation de Dieu et de soi-même, qui ne se réjouit ou ne s’attriste ni de ce qu’on appelle bien ni de ce qu’on appelle mal terrestre ; celui-là est affermi dans la sainteté et dans la vérité qui peut replier en Dieu tous ses désirs, comme la tortue replie à volonté tous ses membres sous son écaille. […] Combats ton ennemi, qui prend en toi la forme du désir !
Stéphane Mallarmé est un sage qui nous invite, dans l’Après-midi d’un Faune, à nous éblouir de l’Univers, en le contemplant à travers le Désir, comme à travers la pulpe lumineuse des raisins vides. […] Elle avait dit la veille en confidence à une tierce personne : « Malgré le désir que j’ai de voir Marcel, je voudrais bien le voir partir. […] » se désole René Ghil, harcelé de désirs troubles et de migraines. […] Ils fuient l’objet de leurs désirs ou, s’ils l’étreignent, rêvent d’autre chose. […] Cette force, c’est l’Éros de Platon, qui n’a rien de commun avec l’Éros charnel, et chez qui la passion brûle plus haut que le désir.
Dévoré de désir de se consacrer à Dieu et contrarié sans doute par les desseins de sa famille qui le voulait engager dans l’état paternel, il se déroba par la fuite, vint à Paris sans l’aveu de ses parents, et se jeta dans le noviciat des Jésuites. […] La foi avec tous ses motifs n’y ferait plus rien : dégagés que nous serions de ce souvenir de la mort, qui, comme un maître sévère, nous retient dans l’ordre, nous nous ferions un point de sagesse de vivre au gré de nos désirs, nous compterions pour réel et pour vrai tout ce que le monde a de faux et de brillant ; et notre raison, prenant parti contre nous-même, commencerait à s’accorder et à être d’intelligence avec la passion. […] — « Je n’ai qu’à l’adresser, cet arrêt, à tout ce qu’il y a dans cet auditoire d’âmes passionnées, pour les obliger à n’avoir plus ces désirs vastes et sans mesure qui les tourmentent toujours et qu’on ne remplit jamais… » Supposez en cet auditoire un Louvois, un Colbert, comme ils y étaient sans doute, et ressentez l’effet. […] Vous nous l’accorderez, Seigneur, et ce ne peut être en vain que vous nous inspirez pour lui tant de désirs et tant de zèle. […] Il en a un assez pareil dans le sermon qui ouvre son premier Avent, pour le jour de la Toussaint, lorsque voulant inspirer le désir et donner un avant-goût du bonheur réservé aux justes et auquel ils atteignent dès cette vie, il s’écrie : Avoir Dieu pour partage et pour récompense, voilà le sort avantageux de ceux qui cherchent Dieu de bonne foi et avec une intention pure.
Désir de ne rien laisser perdre, sans doute, et inconscience vaniteuse, et manie du document. […] Dans quelques années, si on oublie qu’un jour tu fus brave, si on te pardonne d’avoir fait une fois un geste de virilité, nous te verrons, vieillard qui bave de désir devant tous les hochets, recommencer à mendier le suffrage d’Albert Vandal et de Jules Lemaître. […] « Assoiffés du désir de toutes les possessions », ils ont le même goût « pour tout ce qui est luxueux, riche, vite réalisé ». […] Chez lui, morale et esthétique sont d’accord avec la faiblesse roidie du tempérament, en lutte avec le désir profond et inavoué. […] Tu ne jouis pas de la pensée : tu jouis un peu de l’espoir et du désir de la pensée ; tu es heureux surtout de voir que nous croyons à tes bonnes fortunes.
L’importance de l’objet auquel on aspire ne donne point la mesure de la douleur que fait éprouver la privation, c’est à la violence du désir qu’il inspirait, c’est surtout à l’opinion que les autres se sont formés de l’activité de nos souhaits, que cette douleur se proportionne. […] Absorbées par cet intérêt, elles abjurent, plus que les guerrières du temps de la chevalerie, le caractère distinctif de leur sexe ; car il vaut mieux partager dans les combats les dangers de ce qu’on aime, que se traîner dans les luttes de l’amour propre, exiger du sentiment, des hommages pour la vanité, et puiser ainsi dans la source éternelle pour satisfaire le mouvement le plus éphémère, et le désir dont le but est le plus restreint : l’agitation que fait éprouver aux femmes une prétention plus naturelle, puisqu’elle tient de plus près à l’espoir d’être aimée ; l’agitation que fait éprouver aux femmes le besoin de plaire par les agréments de leur figure, offre aussi le tableau le plus frappant des tourments de la vanité. […] La peine se multiplie par la peine, et le but s’éloigne par l’action même du désir ; et dans ce tableau qui semblerait ne devoir rappeler que l’histoire d’un enfant, se trouvent les douleurs d’un homme, les mouvements qui conduisent au désespoir et font haïr la vie ; tant les intérêts s’accroissent par l’intensité de l’attention qu’on y attache ; tant la sensation qu’on éprouve, naît du caractère qui la reçoit bien plus que de l’objet qui la donne. […] Mais c’est dans la marche intérieure de la révolution, qu’on peut observer l’empire de la vanité, du désir des applaudissements éphémères, du besoin de faire effet, de cette passion native de France, et dont les étrangers, comparativement à nous, n’ont qu’une idée très imparfaite. — Un grand nombre d’opinions ont été dictées par l’envie de surpasser l’orateur précédent, et de se faire applaudir après lui ; l’introduction des spectateurs dans la salle des délibérations a suffi seule pour changer la direction des affaires en France.
Tout désir fut une idée… Les renouvellements du désir sont inépuisables par la fécondité de l’esprit, l’originalité d’idées, l’art de voir et de trouver de nouveaux aspects moraux, enfin l’optique de l’amour. » L’amour est un exercice de l’intelligence et de la volonté. […] Michelet fait remarquer, que, dans ces moments où « l’amour et la pitié coulent en douces larmes », les sens se renouvellent et, « souvent plus vif qu’au jeune âge, revient l’aiguillon du désir. » Ainsi la nature récompense les vieux époux d’être bons, et la sensibilité et la bienfaisance engendrent la volupté. […] Il dira, par exemple : « Chaque fois que la femme consent au désir de l’homme, elle accepte de mourir pour lui. » Cela est bien exagéré.
» Ces paroles signifient : « Il y a trois ans, quand madame de Montespan vivait bien avec son mari, j’aurais consenti volontiers à élever ses enfants : ainsi qu’on ne croie pas que c’est l’orgueil ou l’ambition qui me font demander un ordre du roi ; qu’on croie encore moins que c’est le désir d’attirer sur moi les regards du prince. » Ici la précaution me semble d’autant plus marquée, que madame Scarron pouvait à bon droit trouver au-dessous d’elle l’éducation des enfants légitimes du marquis de Montespan, bien qu’ils fussent au-dessus des bâtards de la marquise. […] Mais cela prouverait qu’elle connaissait l’intérêt que le roi portait à madame Scarron et son désir de lavoir pour gouvernante de ses enfants, ne prévoyant pas sans doute qu’un jour cet intérêt irait fort au-delà de l’estime et de la bienveillance. […] À quoi aurait servi d’opposer son honneur aux désirs d’un prince, source de tous les honneurs, et habitué à croire qu’il élève les femmes par les fautes mêmes où il les abaisse ? […] Pour conserver l’affection du prince en même temps que son estime, pour ne pas mentir au sentiment qu’il avait inspiré sans y céder, il fallait qu’en résistant à ses désirs, on laissai voir une pressante disposition à y céder, mais en même temps une soumission profonde à une puissance qui ordonne d’y résister ; il fallait, en faisant souffrir de sa résistance, qu’il fût certain qu’on en souffrait soi-même.
J’avais un ardent désir de revoir mon ancien monde, de redevenir l’ancien moi. C’est ce désir qui m’a empêché de me tuer… J’étais un autre, et je haïssais, je méprisais cet autre ; il m’était absolument odieux ; il est certain que c’était un autre qui avait revêtu ma forme et pris mes fonctions. » Ici, il faut distinguer. […] En effet, les sensations constituantes du moi étaient autres, et par suite les goûts, désirs, facultés, affections morales étaient différents.
Introduction L’école du « document humain » Vers le milieu du siècle, il souffla comme un grand désir de vérité, car la science — dont l’objet est le vrai — étant restée jusque là spéculative, devenait d’utilité palpable, industrielle et efficace. […] Ce désir du vrai avait déjà hanté Balzac.
Un sentiment, un désir n’entrent dans la conscience qu’en forçant une résistance dont ils gardent l’empreinte et qui les déforme. Un sentiment, un désir n’entrent dans la conscience qu’à la condition de ne pas paraître ce qu’ils sont. […] Il prend, par moments, une valeur quasi-métaphysique pour revenir l’instant d’après à signifier simplement l’appétit sexuel, le désir proprement dit. […] Ou mieux encore l’idée que nous ne sommes créateurs, producteurs qu’en tant que nous allons dans le sens du désir. […] C’est qu’elle ne trouvait plus pour lui faire obstacle le désir de chercher… à lui résister… etc.
Ils se sentent pleins d’un grand désir de confesser leur douleur. […] La jeune fille couva longtemps au foyer des ressentiments taciturnes et d’exaspérés désirs de liberté. […] Il paraît certain qu’elle avait l’intelligence vive et le désir d’apprendre. […] Le désir du progrès anime aux aventures de la pensée. […] Le désir de l’Italie était en quelque sorte inné chez Gœthe.
Si le désir est l’essence de l’homme, quelle est donc l’essence du désir ? […] C’était son désir qui marchait devant lui et qui séchait les bruyères sur sa route. […] Ce ne sont qu’animaux fourchus de désir, bipèdes en quête de l’impossible. […] Par la puissance même de leurs désirs. […] Il ne voit plus clair dans son désir.
Par exemple, un obscur désir est devenu peu à peu une passion profonde. Vous verrez que la faible intensité de ce désir consistait d’abord en ce qu’il vous semblait isolé et comme étranger à tout le reste de votre vie interne. […] Elle supposera donc que, tout le reste demeurant identique, un certain désir a passé par des grandeurs successives : comme si l’on pouvait encore parler de grandeur là où il n’y a ni multiplicité ni espace ! […] Désir léger, qu’on souhaiterait à peine de voir réalisé, et qu’on forme pourtant malgré soi, comme si la nature commettait quelque grande injustice, et qu’il fallût écarter tout soupçon de complicité avec elle. […] Or, nous ne voyons pas de différence essentielle entre l’effort d’attention et ce qu’on pourrait appeler l’effort de tension de l’âme, désir aigu, colère déchaînée, amour passionné, haine violente.
Il n’est pas difficile de supposer que, l’identité des mots aidant, l’amour chrétien, aspiration éperdue vers le Dieu infini et parfait, désir affiné et subtilisé parle sentiment du néant de l’âme amoureuse devant l’incompréhensible objet de l’amour, ce sentiment de tendresse mystique a fourni le type de la dévotion galante de l’amant à sa dame. […] Tandis que la poésie antique ne connaissait que la passion physique, et, pour rendre raison de la force de l’amour, regardait le désir allumé par Vénus dans la nature entière à la saison nouvelle, la poésie moderne, par une orientation toute contraire, assimilera l’amour humain à l’amour divin et en fondera la puissance sur l’infinie disproportion du mérite au désir Même quand le terme réel de l’amour appartiendra à l’ordre le plus matériel et terrestre, la pensée et la parole s’en détourneront, et c’est à peine si, comme indice de ses antiques et traditionnelles attaches au monde de la sensation physique, il gardera ces descriptions du printemps, saison du réveil de la vie universelle ; encore ces descriptions seront-elles de moins en moins sincères et vivantes, et ne subsisteront-elles chez la plupart des poètes que comme une forme vide de sens, un organe inutile et atrophié. […] Elle ne sera délogée et reléguée entre les conventions surannées que par Racine, qui retrouvera l’amour douloureux, l’antique désir, enveloppé et compliqué de tout ce que quinze ou vingt siècles ont ajouté au fond naturel de l’homme.
Il n’y a pas contradiction entre les deux désirs. […] Il a remarqué que « ce qu’ils appellent les lois de l’histoire » ou de la morale « n’est en somme que la coordination logique de leurs désirs ». […] Nos désirs changeants créent à chaque instant en nous des « vérités » nouvelles, et nous nous gardons bien de les confronter avec leurs anciennes. […] Mais je cède à un désir qui m’entraîne loin de ce programme de justice.
Pourquoi la science, la sensualité, la lutte, le travail, la volonté, l’action, le désir, la raison, affaires humaines, puisque la terre est maudite, la vie de l’homme un perpétuel péché ? […] Cet Être d’essentielle force est aussi l’Être d’amour par excellence : c’est pour prix de cet amour, sans doute, qu’il exige de nous l’obéissance passive, l’innocence spirituelle, l’absence de passion, l’inertie de la volonté, l’annihilation du désir, l’ignorance de tout ce qui n’est pas lui. […] L’animal humain, non chrétien par nature, possède en lui un instinct de vie et un inconscient désir d’accroissement qui durent entraver ses efforts énergiques pour parvenir à l’anéantissement, c’est-à-dire au seuil de la vie bienheureuse. […] Le cerveau, humblement courbé sous le poids du Dogme, se releva insensiblement, tout frémissant de désirs nouveaux.
Tranchons le mot, tout cela est triste et honteux pour les Lettres, et nous avions grand’raison d’insister sur la nécessité pour le véritable homme littéraire et pour le poëte de modérer ses goûts, ses désirs de bien-être matériel, et de se tenir dans une certaine médiocrité, nourrice des bonnes et saines pensées. […] Thiers va publier l’Histoire du Consulat dans quelque temps, on espère exciter par là Chateaubriand à détacher de ses Mémoires toute la partie relative au duc d’Enghien et au Consulat ; le désir de rétablir les faits à son point de vue et la démangeaison de contredire Thiers feraient ainsi passer l’illustre écrivain sur la détermination, qu’on disait invariable, de ne rien laisser publier, avant sa mort, de son livre tant convoité.
C’est parmi cet écoulement du temps que toutes les choses, objets et sujets tour à tour les unes pour les autres, se rencontrent et se considèrent, ardentes à assouvir le désir de connaissance intégrale dont on a fait le principe de la vie phénoménale. […] Son vœu est de glacer la surface de l’océan des apparences : réalisé intégralement, il irait, ainsi qu’on l’a dit, jusqu’à supprimer toute réalité ; mais il est limité par cette force incoercible du mouvement, animée d’un désir non moins absolu et dont il ne réussit jamais à triompher entièrement.
Mais plus tu les violes, et plus tu es belle et plus tu excites l’universel désir. […] L’abus de leur corps avait totalement aboli en elles le désir : apaisées, endormies, amorties, angélisées, la seule approche de l’ancien péché les eût fait s’évanouir d’épouvante. […] Nul n’est plus exempt de parti pris, de passion, d’intolérance, de snobisme, de cabotinage, ni moins possédé (dans ses grandes études) par le désir de plaire. […] Et, seuls vivants dans un pauvre paquet d’os et de muscles ankylosés, noués en boule dans une corbeille, les yeux d’une rachitique roulent, désorbités, effrayants du désir de vivre, de la volonté de guérir… » Mais il faut tout lire. […] Il songe : — Que l’image de Notre-Dame de Lourdes ait été uniquement créée par le désir de Bernadette, qu’importe ?
VIII Ainsi le morne Dieu connaissant la Fin proche, Entrevoyant la fin des grands Ors superflus, S’acheminait vers les achèvements voulus ; — Ainsi Tristan criait au Jour son long reproche, Et son désir au Jour mauvais plus ne s’accroche, Aspiration à des hymens absolus ; — Ainsi le Pur, en qui les Mondes ne sont plus, Planait, extatique Colombe, sur la Roche… Ô mépriseur, nieur serein, ô attesté Blasphémateur de l’Ordinaire, en l’Unité Vivant, ô découvreur des réels récifs, Mage, — À nous, ainsi, l’esprit hautain et le pervers Génie, ainsi le rêve et la non-vaine image Et l’idée où se meut l’autre et l’autre univers ! […] Après les privations, il était maintenant « avide de jouissances » ; les sensations, les aspirations, l’ambition, « l’ardent désir d’amour », emplissaient son cœur ; il était dans un état d’excitation voluptueuse et dévorante, qui mettait sang et nerfs dans des transports fiévreux » ; son « être entier s’était consumé dans cette création », à tel point, que « l’idée qu’une mort subite le surprendrait » et l’empêcherait de terminer cette œuvre « puisée dans son cœur même », s’empara de lui et le fit poursuivre son achèvement avec une ardeur redoublée (IV, 342-348 ; et Glasenapp, Biogr. : I, 194). […] Presque toujours, dans ses commentaires, Wagner nomme le chevalier de Saint Graal le centre du poëme ; c’est lui qui est poussé par un désir invincible, par le désir inexprimable d’être aimé, à quitter la région éthérée de pureté absolue, dans laquelle il vit, pour venir se mêler aux hommes, et pour trouver un cœur de femme qui se donne à lui, tout entier et sans question (IV, 353-366). […] Fille de mon désir, Contre moi ton désir s’obstine !