Maximilien Buchon de ces poésies de Hebel, qui répugnent même à passer dans le haut allemand, tant elles sont d’une localité et d’une originalité profondes, atteste beaucoup de talent et un sentiment très animé des beautés sincères qu’elle s’efforce de reproduire.
De 1848 à 1852, si vous exceptez, dans l’erreur inouïe, les œuvres de Proudhon, et, dans la beauté pure de la vérité chrétienne, le grand livre de Blanc-Saint-Bonnet (De la Restauration française), deux sortes de productions contraires, mais qui, erreur et vérité à part, sont de ces têtes de saumon qui valent mille grenouilles, comme disait le duc d’Albe, vous n’avez plus rien, pas même les grenouilles, quoique à cette terre généreuse les hommes médiocres n’aient jamais manqué.
Les femmes qui étaient là, imbéciles de tout excepté de beauté physique, ces femmes qui n’avaient guères plus d’esprit que des pêches et plus de cœur que des ananas, sentaient leurs pulpes traversées.
Hugues-le-Loup est une histoire grandiose, à détails poétiques et poignants, et à la beauté de laquelle je ne reproche rien, si ce n’est un vague qui n’est pas celui que l’art produit quand l’art est profond ; car il est un vague plus terrible que la réalité la plus nettement tragique.
Il m’a parlé de plusieurs personnes favorisées par la fortune, par la beauté, par une grande situation sociale, et qui pourtant mènent une vie morale digne de la plus haute estime.
En Espagne, vous trouverez Ferdinand-le-Catholique, qui chassa et vainquit les rois Maures, et trompa tous les rois chrétiens ; Charles-Quint, heureux et tout-puissant, politique par lui-même, grand par ses généraux, et cette foule de héros dans tous les genres qui servaient alors l’Espagne ; Christophe Colomb, qui lui créa un nouveau monde ; Fernand Cortez qui, avec cinq cents hommes, lui soumit un empire de six cents lieues ; Antoine de Lève qui, de simple soldat, parvint à être duc et prince, et plus que cela grand homme de guerre ; Pierre de Navarre, autre soldat de fortune, célèbre par ses talents, et parce que le premier il inventa les mines ; Gonzalve de Cordoue, surnommé le grand Capitaine, mais qui put compter plus de victoires que de vertus ; le fameux duc d’Albe, qui servit Charles-Quint à Pavie, à Tunis, en Allemagne, gagna contre les protestants la bataille de Mulberg, conquit le Portugal sous Philippe II, mais qui se déshonora dans les Pays-Bas, par les dix-huit mille hommes qu’il se vantait d’avoir fait passer par la main du bourreau ; enfin, le jeune marquis Pescaire, aimable et brillant, qui contribua au gain de plusieurs batailles, fut à la fois capitaine et homme de lettres, épousa une femme célèbre par son esprit comme par sa beauté, et mourut à trente-deux ans d’une maladie très courte, peu de temps après que Charles-Quint eut été instruit que le pape lui avait proposé de se faire roi de Naples.
Quand les bons auteurs d’un siécle déposent de la pureté et de la beauté du style d’un de leurs contemporains, nous ne sçaurions nous dispenser de les en croire sur leur parole, nous qui à beaucoup près, ne sentons pas comme eux les finesses de leurs langues. […] Homere ne composa pas bien, ni comme il falloit, la beauté d’Agamemnon, … etc. […] Faute de cette élegance qui consiste dans la beauté, dans la force et dans la grace des expressions, on tombe dans l’ennui de page en page, de ligne en ligne. […] Mais comme il est dangereux en matiere d’ouvrages d’esprit d’établir des régles exclusives, qui feroient tout faire sur le même modéle, et qui nous priveroient par là des especes nouvelles, qui pourroient avoir aussi leur beauté : j’ai ajoûté que peut-être la vie entiere d’un héros maniée avec art, et ornée des beautez poëtiques, seroit un sujet raisonnable de poëme. […] La plûpart des poëtes s’imaginent que la poësie est le plus grand don du ciel : ils se regardent comme des hommes divins, à qui appartiennent par préférence toute la beauté, tout le feu et toute la sublimité de l’esprit : ils mettent les autres arts dans une subordination injurieuse ; et ils croyent même que les sciences ne demandent que de la mémoire avec un jugement ordinaire.
À mesure qu’il avançait dans sa lecture, il a aperçu « quelques beautés ; puis ces beautés ont grandi, puis elles ont dominé les défauts », et le critique n’a plus été sensible qu’à la franchise de l’inspiration, à la force de l’exécution, au sentiment et au mouvement qui manquent à tant d’autres poètes. […] Pagello s’associait à George Sand pour récompenser par une « amitié sainte » leur victime volontaire et héroïque, et tous les trois étaient grandis au-dessus des proportions humaines par la beauté et la pureté de ce « lien idéal ». […] Il se retrouve plus sensible qu’auparavant aux innombrables beautés de l’univers, à la verdure, aux fleurs, aux rayons du matin, aux chants des oiseaux, et il porte aussi frais qu’à quinze ans son bouquet de muguet et d’églantine. » Musset affranchi, devenu tout à fait lui-même, a été unique dans notre poésie lyrique. […] … La Muse et sa beauté pacifique, la Nature et sa fraîcheur immortelle, l’Amour et son bienheureux sourire, tout l’essaim de visions divines passe à peine devant ses yeux, qu’on voit accourir parmi les malédictions et les sarcasmes tous les spectres de la débauche et de la mort… » « Eh bien ! […] Certaines de ses pièces possèdent « une grâce particulière et indéfinissable, une beauté comme celle du monde ancien, un quelque chose qui rappelle la perfection éolienne et ionienne ».
Il y a pourtant ici des beautés charmantes et touchantes, celles du pays humide. […] On n’imagine point, quand on ne l’a point vue, cette fraîcheur, cette innocence ; beaucoup d’entre elles sont des fleurs, des fleurs épanouies ; il n’y a qu’une rose matinale, avec son coloris fugitif et délicieux, avec ses pétales trempés de rosée, qui puisse en donner l’idée ; cela laisse bien loin la beauté du Midi et ses contours précis, stables, achevés, arrêtés dans un dessin définitif ; on sent ici la fragilité, la délicatesse et la continuelle poussée de la vie ; les yeux candides, bleus comme des pervenches, regardent sans songer qu’on les regarde ; au moindre mouvement de l’âme, le sang afflue aux joues, au col, jusqu’aux épaules, en ondées de pourpre ; vous voyez les émotions passer sur ces teints transparents comme les couleurs changer sur leurs prairies ; et cette pudeur virginale est si sincère, que vous êtes tenté de baisser les yeux par respect. […] IV Voilà notre Anglais approvisionné et administré ; à présent qu’il a pourvu au bien-être privé et à la sécurité publique, que va-t-il faire, et comment se gouvernera-t-il dans ce domaine plus haut, plus noble, où l’homme monte pour contempler la beauté et la vérité ?
Elle trouva une beauté imposante à ces formules si bien liées. […] Gloire aux temps où le jeu de l’énergie humaine développe la beauté humaine. Et qui donc prétendrait séparer la beauté de la force ? […] Ce qui domine son éthique, c’est l’idée de convenance, d’eurythmie, de beauté. […] C’est très noble, cette loi de la beauté gouvernant la conduite, c’est très athénien surtout.
Si l’âme ne se fait belle, elle n’aperçoit point la beauté, a dit Plotin ; j’ajoute : Si l’âme ne se fait poétique, elle n’aperçoit point la poésie. […] Un discours politique, un plaidoyer, un sermon, peuvent offrir les mêmes beautés de composition : pourtant ce ne sont point des œuvres poétiques. […] Tout est renfermé là-dedans ; et sans dot tient lieu de beauté, de jeunesse, de naissance, d’honneur, de sagesse et de probité ! […] Cet empire envié par le reste du monde, Ce pouvoir qui s’étend une lieue à la ronde, N’est que de ces beautés dont l’éclat éblouit Et qu’on cesse d’aimer sitôt qu’on en jouit.
Il n’y a relativement qu’un petit nombre d’esprits délicats et cultivés qui soient capables de sentir la beauté sévère d’une œuvre d’art. […] Sans doute l’enflure du style cornélien ne correspond plus à notre goût actuel, mais elle est corrigée par la franchise de l’accent et par la beauté morale des situations, sur laquelle la recherche du pittoresque n’empiète jamais. […] Ce fut en lui que se résuma toujours la beauté du spectacle, qui en fit l’attrait et qui constituait la difficulté de la représentation. […] On se heurte en quelque sorte à des impossibilités, car on n’a pas la faculté de donner à ses figurants la jeunesse, la beauté et la distinction des manières. […] D’autres plus complaisants diront que ce sera la vie qui, en absorbant l’art, en recevra une beauté nouvelle.
Enfin, une autre jeune femme de la même société, Fanny, la dernière, la plus noble et la plus idéale des passions du poëte et celle où le cœur se fait tout à fait sentir, n’est autre que Mme Laurent Le Coulteux, née Pourrat, sœur de la belle Mme Hocquart, et belle elle-même d’une beauté très-fine.
Nous trouvons cette sorte d’amour énergiquement exprimée dans une pièce de vers inédits adressée à un jeune homme qui se plaignait d’avoir passé l’âge d’aimer : Va, si tu veux aimer, tu n’as point passé l’âge ; Si le calme te pèse, espère encore l’orage ; Ton printemps fut trop doux, attends les mois d’été ; Vienne, vienne l’ardeur de la virilité, Et, sans plus t’exhaler en pleurs imaginaires, Sous des torrents de feu, au milieu des tonnerres, Le cœur par tous les points saignant, tu sentiras, Au seuil de la beauté, sous ses pieds, dans ses bras, Tout ce qu’avait d’heureux ton indolente peine Au prix de cet excès de la souffrance humaine ; Car l’amour vrai, tardif, qui mûrit en son temps, Vois-tu, n’est pas semblable à celui de vingt ans, Que jette la jeunesse en sa première sève, Au blondi duvet, vermeil et doré comme un rêve ; C’est un amour profond, amer, désespéré, C’est le dernier, l’unique ; on dit moins, j’en mourrai ; On en meurt ; — un amour armé de jalousie, Consumant tout, honneur et gloire et poésie ; Sans douceurs et sans miel, capable de poison, Et pour toute la vie égarant la raison.
Jamais le commun des femmes ne pourra supporter de chercher à plaire à un homme, devant une autre femme ; il y a aussi une espèce de fortune commune à tout ce sexe en agréments, en esprit, en beauté, et chaque femme se persuade qu’elle hérite de la ruine de l’autre.
Une fois il a saisi la solution d’un problème qui l’occupait depuis longtemps, une autrefois une beauté nouvelle l’a frappé dans un ouvrage inconnu ; enfin, ses jours sont marqués entre eux par les différents plaisirs qu’il a conquis par sa pensée : et ce qui distingue surtout cette espèce de jouissance, c’est que l’avoir éprouvée la veille, vaut la certitude de la retrouver le lendemain.
Frédéric Mistral est le seul, parmi les illustres, qui soit demeuré fidèle à l’harmonieuse tradition des siècles de beauté.
L’occasion est bonne à la critique pour revenir une fois encore sur l’auteur de Moïse , d’Éloa, de la Maison du Berger, de la Mort du Loup et de la Colère de Samson, — poèmes d’une beauté inaltérée, et qui brillent, sous notre ciel littéraire d’aujourd’hui, avec une douce clarté de lointaines étoiles.
C’est dans ces écrits périodiques que Desfontaines a paru aux yeux de ses partisans l’Aristarque de nos jours : c’étoit à leur gré un critique judicieux, qui avoit le tact sûr, avec un talent singulier pour saisir les beautés & les endroits foibles d’un ouvrage ; pour les présenter au public dans leur vrai point de vue, pour les lui présenter d’une manière élégante & enjouée ; un observateur qui mettoit de l’intérêt dans les moindres choses, qui sçavoit l’art d’amuser & d’instruire, de fondre habilement, dans l’occasion, toute cette érudition qu’il avoit puisée dans les meilleurs écrivains anciens & modernes.
M. de Querlon, qui en est l’auteur, juge avec tant d’impartialité, discerne les beautés & les défauts avec tant de finesse & écrit avec tant de précision, que, quoique son ouvrage soit particuliérement destiné à la province, il a une quantité considérable de souscripteurs dans la Capitale.
Ce n’est pas que vous refusiez une adhésion respectueuse à ces chefs-d’œuvre des âges favorisés où nous cherchons avec vous les modèles de la raison élégante et les secrets de l’éternelle beauté.
Ce n’est que dans l’intervalle de ces deux âges, depuis le commencement de la parfaite adolescence jusqu’au sortir de la virilité, que l’artiste s’assujettit à la pureté, à la précision rigoureuse du trait, et que le poco più ou poco meno, le trait en dedans ou en dehors fait défaut ou beauté.
La liberté d’esprit n’est gueres moins necessaire pour sentir toute la beauté d’un ouvrage que pour le composer.
Mais les visions mêmes de Neron et de ses pareils, montrent en quelle consideration tous les arts où la beauté de la voix est d’un grand avantage, se trouvoient dans ces temps-là.
Les femmes n’ont désappris la pudeur et la rougeur sainte, elles n’ont perdu les brûlantes beautés de la honte que parce qu’elles ont appris autre chose… Ces envieuses de l’homme ont mis, comme elles mettent un bonnet, ses vices avec ses sciences.
… Est-ce enfin (car les voilà tous), est-ce enfin et cela peut-il s’appeler un caractère que cette Iza, épousée pour sa beauté seule par cet homme chaste et réfléchi, dont elle fait, en un tour de reins, une marionnette voluptueuse, le polichinelle de l’amour ?
Mais, tel qu’il est, ce livre produit par le désenchantement et par l’ironie, il a de ces beautés qui entraînent et maîtrisent toutes les puissances de l’artiste.
Ces vers, il faut sans doute, pour en comprendre toutes les beautés, les lire dans la langue du poète ; mais on peut, dans une traduction, en comprendre au moins la puissance.
Les bibelotiers de cette époque de décadence, les soi-disant raffinés, ces artificiels niaisement épris de toutes les chinoiseries des civilisations matérielles, les pervertis de l’ennui à qui la simple beauté des choses ne suffit plus, le liraient seuls.
… Cache-leur le secret de cette beauté profonde qui me luit aux heures mystérieuses », et autres hugoteries semblables, hémistiches souvenus des Feuilles d’automne.
Mais il y a, ce semble, plus de liberté et plus de mérite à rester fixe dans des mesures plus modérées, ou si c’est un simple effet du caractère, c’est un témoignage de force non moins rare et dont la proportion constante a sa beauté. […] On connaissait déjà quelques-unes des principales lettres de Washington à La Fayette, que ce dernier avait communiquées ; elles ont un genre de beauté simple, sensée, calme, majestueuse, religieuse, qui élève l’âme et mouille par moments l’œil de larmes. « Nous sommes à présent, écrit Washington à La Fayette (avril 1783), un peuple indépendant, et nous devons apprendre la tactique de la politique. […] Il eut cette idée, et elle est grande ; elle est digne en elle-même de tout ce que l’antiquité peut offrir de stoïque au temps des triumvirs, et elle a de plus l’inspiration sociale, qui est la beauté moderne. […] Les cinq années de prison attachent par tous les caractères de beauté morale, de constance civique, et même d’entrain chevaleresque ; les lettres à madame d’Hénin, écrites avec de la suie et un cure-dent, sont légères comme au bon temps, sémillantes, puis tout d’un coup attendries. […] Chez celui-ci, en effet, l’humilité chrétienne, au-dessus de laquelle, comme beauté morale, il n’y a rien, a pourtant pris la forme d’une âme plus tendre et douce que vigoureuse, et, plus qu’il n’était nécessaire à l’angélique attitude de la victime, ce que j’appelle le généreux humain y a péri.
Il conçoit la plus haute des beautés idéales, mais il n’en conçoit qu’une. […] Retombé dans la vie laïque, il continua à se cultiver et se perfectionner lui-même, étudiant avec passion et avec méthode, mais sans pédanterie ni rigorisme ; au contraire, à l’exemple de Spenser son maître, dans l’Allegro, le Penseroso, le Comus, il arrangeait en broderies éclatantes et nuancées les richesses de la mythologie, de la nature et du rêve ; puis, partant pour le pays de la science et du beau, il visitait l’Italie, connaissait Grotius, Galilée, fréquentait les savants, les lettrés, les gens du monde, écoutait les musiciens, se pénétrait de toutes les beautés entassées par la Renaissance à Florence et à Rome. […] Il y a telle phrase qui, par la beauté virile et l’enthousiasme, rappelle le ton de la République. « Je ne puis louer, dit-il, une vertu fugitive et cloîtrée, inexercée et inanimée, qui ne sort jamais de sa retraite, ni ne regarde en face son adversaire, mais s’esquive de la carrière où, dans la chaleur et la poussière, les coureurs se disputent la guirlande immortelle473. » Mais il n’est platonicien que par la richesse et l’exaltation. […] Des compliments philosophiques et des sourires moraux. « Je cédai, dit Ève, et depuis ce temps-là je sens combien la beauté est surpassée par la grâce virile et par la sagesse, qui seule est véritablement belle ! […] Elles vous l’ont débitée ; voici une scène de votre ménage : « Ainsi parla la mère du genre humain, et avec des regards pleins d’un charme conjugal non repoussé, dans un doux abandon, elle s’appuie, embrassant à demi notre premier père ; lui, ravi de sa beauté et de ses charmes soumis, sourit avec un amour digne, et presse sa lèvre matronale d’un pur baiser506. » Cet Adam a passé par l’Angleterre avant d’entrer dans le paradis terrestre.
« Tout art est gratuit… désintéressé comme tel… Dans la production même de l’œuvre, la vertu d’art ne vise qu’une chose : le bien de l’œuvre à faire, la beauté à faire resplendir dans la matière, la chose à créer selon ses lois propres, indépendamment de tout le reste. » Mais, ceci dit, un art théoriquement pur va rencontrer quelque chose d’étranger à lui, peut-être d’opposé à lui, un instrument, une matière. […] Conçus et exécutés dans l’abstrait, ils auraient leur beauté peut-être, mais une autre beauté. […] Quoi qu’on en ait, quoi qu’on en dise, le dramaturge-né qui pourra être par ailleurs un grand poète ou un créateur de figures égal aux plus grands romanciers, qui, disposant d’un jeu plus complexe et plus vaste, saura joindre dans son art même des beautés que la poésie et le roman ne reçoivent que séparées, et telles qui ne sont ni de l’une, ni de l’autre, qui animera tout un monde et le rendra visible, sonore, en action — de ce fait même travaille dans le relatif et à une œuvre en partie périssable. […] Non pas parce qu’ils écrivent en vers — voyez Molière — mais parce qu’ils transposent la réalité sur un plan d’ordre, d’harmonie, de simplification, de sublimation, de beauté rythmique, de beauté plastique, j’ajouterai de gratuité qui la met en valeur et lui confère une noblesse qu’elle n’a pas à l’état brut.
Pareillement, feuilles et cheveux sont une condition de beauté ou chez l’homme ou chez les plantes. […] On ne voit pas bien la noblesse que peut retirer une femme de la perte de sa beauté ou un homme de la perte de sa fortune. […] Or, si la noblesse, la vertu et la beauté sont quelque part, elles sont dans ta force, dans l’activité, dans l’harmonie. […] Il y a des choses belles, il n’y a pas de Beauté : c’est une expression abrégée. […] Jeu de mots en latin ; lepus-oris, lièrve, et lepor-oris, beauté.
On en pouvait vanter quelques épisodes, cinq ou six peut-être, d’une grandeur héroïque et d’une beauté farouche. […] Mais cette concession, ou plutôt cette juste part une fois faite à la vérité, cette hauteur et cette beauté morale de l’idéal du moyen âge une fois signalées, nous en revenons à ce que nous disions. […] En effet, on ne rencontre pas dans le style de Racine ces grands vers cornéliens, qui du milieu d’un dialogue ou d’une tirade, se détachant en vigueur, resplendissent d’une beauté pour ainsi dire indépendante. […] Et puis, commençons d’abord par sentir et par comprendre toute la beauté de Corneille et de Racine ; il sera temps alors de disserter, de peser, et de donner des rangs. […] Voltaire compose la Henriade, et prend la peine lui-même d’en démontrer les beautés au lecteur français dans son Essai sur le poème épique.
La beauté des campagnes, les coteaux qui encadrent Lyon, Grigny où se passèrent les années cachées de la Terreur, lui sont aussi doux à la pensée que la terre de Milly à Lamartine. […] J’ai sous les yeux trois articles favorables et fort judicieux du Journal de Paris (de germinal an x) ; ils sont écrits au point de vue du christianisme pratique, et l’usage tout poétique et sentimental qu’on fait de la religion y est indiqué comme un danger ou du moins comme un affaiblissement d’une chose auguste et sévère. « Au reste, dit en finissant le critique anonyme, on nous annonce depuis longtemps, et je crois même qu’on publie déjà un ouvrage plus considérable ayant, dit-on, pour titre : Des Beautés poétiques, ou seulement Des Beautés du Christianisme, et dont ce livre-ci paraît être l’avant-coureur ; semblables à ces petits aérostats qu’on a coutume de faire partir avant les grands pour juger des courants de l’atmosphère.
Les rameurs chantaient un air national, tandis que leurs maîtres jouissaient de la beauté du spectacle et du calme de la nuit. […] « Sans nous communiquer nos sensations nous jouissions avec délice de la beauté du spectacle qui nous entourait, lorsque le chevalier de B…, rompant brusquement le silence, s’écria : “Je voudrais bien voir ici, sur cette même barque où nous sommes, un de ces hommes pervers nés pour le malheur de la société, un de ces monstres qui fatiguent la terre…. […] En vain les plus sublimes beautés de l’architecture semblaient demander grâce pour ces étonnantes constructions ; en vain leur solidité lassait les bras des destructeurs ; pour détruire les temples d’Apamée et d’Alexandrie il fallut appeler les moyens que la guerre employait dans les sièges.
Paisibles et silencieux, nous avancions, contemplant la beauté des scènes qui nous environnaient de leur magnificence sauvage. […] Quelques défrichements commencés sur les rivages s’offrirent à nos regards ; ils menaçaient d’un envahissement prochain la beauté primitive de ces solitudes, et je ne pus les voir sans regret. […] Leur grandeur native, leur primitive beauté, se sont effacées.
Mais qu’on le voie du rivage ou qu’on la revoie par le souvenir, c’est alors qu’on en peut apprécier l’horrible beauté, c’est alors qu’on peut songer aux moyens de la rendre sensible aux autres. […] Elle ne peut plus se bercer paresseusement dans son rêve de beauté. […] On mesure la valeur d’une expression, non à sa beauté artistique, mais à son efficacité pour convaincre ou déterminer une action.
Comme malgré les plus cruelles mutilations la pensée d’un ancien ne se laisse pas aisément ramener aux dogmes du catéchisme, comme malgré les plus adroites interprétations il est difficile de répéter le tour de force de cet oratorien150 qui retrouvait la Bible dans Homère, on en arrive peu à peu à vider l’œuvre qu’on étudie de son contenu d’idées, à concentrer l’attention des élèves sur les élégances de style, sur les beautés du langage, sur les figures et sur les mots. […] S’il est critique, il découvrira des beautés cachées dans le livre ou la pièce de l’éminent confrère dont il espère la voix ; il ménagera l’opinion de tel salon qui est une antichambre connue de la docte assemblée parmi laquelle il désire siéger. […] Il annonçait ainsi qu’une nouvelle façon de concevoir la beauté réclamait son droit à la vie et à la lumière.
Il tient à eux par la conception qu’il a de son art, le voulant à la fois moralisateur et amusant par sa notion superficielle de l’être humain qu’il ne sait ni étudier ni montrer tel qu’il est, mais qu’il simplifie et déforme tel qu’il le lui faut pour faire rire ou s’indigner, par l’invraisemblance et l’incohérence de ses fables, par l’outrance de sa verve, par son ignorance de la nature, de la beauté, du normal, des grandes passions et des grands intérêts humains. […] Usant de cet art sobre et puissant des indications disconnexes que nous avons appris à connaître, employant quelque solennité de ton, s’abandonnant à tout le morose d’une imagination qui s’était lassée de trop d’humour, Dickens composa dans Les Grandes Espérances, dans L’Ami commun, Le Mystère d’Edwin Drood, dans certaines parties de Dombey et fils, de La Petite Dorrit, quelques épisodes d’une sinistre beauté, puissamment, écrits, et dans lesquels, par aventure, il atteignit du même coup la force d’un réalisme presque profond, et l’intérêt intense du fantastique. […] Il ne pénètre pas non plus la violente beauté des passions, la profondeur des âmes, les grands élans de l’ambition, de la luxure, de l’amour, de la colère, les sourds conflits des idées et des sentiments, des convictions et des actes qu’impose la vie.
Il y a des beautés de la nature et de l’art qui s’incorporent tellement en nous par la force de l’impression reçue qu’elles pétrifient en quelque sorte notre esprit d’admiration, et que nous les portons à jamais en nous comme la pierre taillée porte son empreinte. […] Il est la grandeur, mais Racine est la beauté. […] Ainsi Racine, pour qui Athalie fut un acte de foi plus qu’une œuvre d’art, n’est pas seulement arrivé à la beauté, ce ravissement de l’intelligence, mais à la sainteté, ce ravissement de l’âme.
Il faut ruiner un palais pour en faire un objet d’intérêt ; tant il est vrai que quel que soit le faire, point de vraie beauté sans l’idéal. La beauté de l’idéal frappe tous les hommes, la beauté du faire n’arrête que le connaisseur ; si elle le fait rêver, c’est sur l’art et l’artiste, et non sur la chose, il reste toujours hors de la scène, il n’y entre jamais.
. — Autre qualité énorme et qui fait les hommes, les vrais hommes, cette peinture a la foi — elle a la foi de sa beauté, — c’est de la peinture absolue, convaincue, qui crie : je veux, je veux être belle, et belle comme je l’entends, et je sais que je ne manquerai pas de gens à qui plaire. […] De ces trois tableaux c’est le plus grand qui nous plaît le plus, à cause de la beauté intelligente des lignes, de leur harmonie sérieuse, et surtout à cause du parti-pris de la manière, parti-pris qu’on ne retrouve pas dans Daphnis et Naïs. […] Cet enfant qui se pend à une grappe, et qui était déjà connu par quelques charmants vers de Sainte-Beuve, est une chose curieuse à examiner ; c’est de la chair, il est vrai ; mais c’est bête comme la nature, et c’est pourtant une vérité incontestée que le but de la sculpture n’est pas de rivaliser avec des moulages. — Ceci conclu, admirons la beauté du travail tout à notre aise.
Les auteurs chez qui le style et la langue sont admirables, je les aime, je les lis, je les relis avec enthousiasme, je tâche d’entrer dans le sanctuaire de leur pensée et d’en concevoir toutes les beautés ; mais je ne les éditerai jamais, parce que je ne me crois pas assez de pénétration ni assez de science pour suffire à une telle entreprise. […] Il avait le tempérament ardent et prompt ; il était homme, dans la rue, à s’arrêter et à oublier même une conversation sur le grec, que son interlocuteur poursuivait tout seul, pour regarder une beauté du peuple qui passait.
Je m’appliquai à lire ses Sermons ; j’y trouvai mille beautés, et je m’appliquai à écrire dans ce genre. […] L’indisposition de son mari, mais surtout la beauté, la jeunesse et l’esprit galant de cette dame n’ont fait aucun tort à sa vertu, et quoique les personnes qui soupiraient pour elle fussent des plus riches du royaume et de la plus haute qualité, elle a mérité l’estime générale de tout le monde par la sagesse de sa conduite ; et on lui doit même cette justice de dire qu’elle s’est piquée d’une belle amitié conjugale sans en pratiquer les principales actions. » Certes, c’est là un témoignage qui compte de la part d’un contemporain, d’un homme qui ne passe pas pour trop scrupuleux et qui s’exprime en général assez librement.
Mais la réalité, nous la voyons, et la beauté morale de sa nature s’y montre à nu en toute sincérité : « (8 août 1847)… Mon bon frère, ton ami Devrez80, qui, va partir pour nos chères Flandres, se charge avec plaisir de nos t’adresses et d’un petit paquet pour toi. […] Et à cet inappréciable attrait de réalité se joint ici une fleur de poésie et de sentiment, une délicatesse toute féminine de charité, une beauté morale ravissante, mais toute naturelle, toute humaine, sans rien d’ascétique et de forcé.
., et les Progrès de la Révolution), possède au plus haut degré la beauté propre, je dirai presque la vertu inhérente au sujet ; grave et nerveux, régulier et véhément, sans fausse parure ni grâce mondaine, style sérieux, convaincu, pressant, s’oubliant lui-même, qui n’obéit qu’à la pensée, y mesure paroles et couleurs, ne retentit que de l’enchaînement de son objet, ne reluit que d’une chaleur intérieure et sans cesse active. Il y a nombre de chapitres qui nous semblent l’idéal de la beauté théologique telle qu’elle resplendit en plusieurs pages de la Cité de Dieu ou de l’Histoire universelle, mais ici plus frugale en goût que chez saint Augustin, plus enhardie en doctrine que chez Bossuet, et aussi, il faut le dire, moins souverainement assise que chez l’un, moins prodigieusement ingénieuse que chez l’autre.
La plante est là, entière, authentique et reconnaissable à un certain point ; mais où est sa couleur, son port, sa grâce, le souffle qui la balançait, le parfum qu’elle abandonnait au vent, l’eau qui répétait sa beauté, tout cet ensemble d’objets pour qui la nature la faisait vivre, et qui vivaient pour elle ? […] C’est dans les classiques qu’il faut aller la cueillir, la respirer, s’en pénétrer ; c’est là qu’on la trouvera vivante ; mais il ne suffit pas, je le répète, d’une promenade inattentive à travers ces beautés. » J’ai voulu, en citant cette belle page, donner idée encore moins de la méthode que du succès.
« Quand les poèmes de Moïse, de David, d’Isaïe, ne nous auraient été donnés que comme des productions purement humaines, ils seraient encore, par leur originalité, par leur antiquité, dignes de toute l’attention des hommes qui pensent, et, par les beautés littéraires dont ils brillent, dignes de l’admiration et de l’étude de ceux qui ont le sentiment du beau. » Lisons donc ces chants inspirés ; ils ont passé par des bouches humaines, et, sous ce point de vue au moins, ils ressortent du jugement humain. […] ” » David, frappé de la beauté d’Abigaïl et touché de son éloquence, accepta les présents et renonça à sa vengeance.
Quelques-uns des dramaturges de notre temps peuvent être de bons écrivains ; mais nos plus grands artistes, ceux qui nous communiquent la plus forte impression de vérité et de beauté ne sont pas au théâtre. […] Il blague la patrie et au besoin il mourrait pour elle ; il blague l’amour filial et pleure quand on lui parle de sa vieille mère, il blague les beautés de l’Italie et se mettrait à genoux devant un Raphaël.
Il est même certain que ce qu’il peut y avoir de beauté dans leurs parodies (et il s’en trouve quelquefois) appartient de droit au grand poète parodié. […] Il souffrit pour le droit ; et si l’exil eut pour lui les compensations qu’il n’eut pas pour un grand nombre de pauvres diables, il serait cependant injuste de méconnaître le mérite et la beauté de son sacrifice.
Aujourd’hui, choisissant, à parfaire, une impression de beauté, véritablement la fleur et le résultat ce sont les Fellows. […] Vous en êtes les auteurs privilégiés ; et je me disais que, pour devenir songeuses, éloquentes ou bonnes aussi selon la plume et y susciter avec tous ses feux une beauté tournée au-dedans, ce vous est superflu de recourir à des considérations abstruses : vous détachez une blancheur de papier, comme luit votre sourire, écrivez, voilà.
La mienne s’adresse à un critique avant tout artiste, averti, capable d’aimer et de sentir la beauté ( Beauté, mon beau souci !
N’est-ce pas là cette science qu’Érasme a si admirablement définie la philosophie chrétienne, associant ainsi un mot païen à un mot chrétien, et confondant ensemble les deux Renaissances dont l’union seule a fait la beauté de l’esprit moderne ? […] La beauté suprême des lettres françaises, dans Molière comme dans Bossuet, qu’est-ce autre chose que l’expression parfaite des vérités de la philosophie chrétienne ?
Je le dis à cette heure, heure de vérité, Comme je l’aurais dit quand devant la beauté Mon cœur épanoui, qui se sentait éclore, Fondait comme une neige aux rayons de l’aurore, Je ne regrette rien de ce monde que vous ! […] Si M. de Chateaubriand n’avait pas écrit cette partie politique de ses Mémoires, et s’il eût laissé le souvenir public suppléer à ses récits, on lui eût trouvé sans doute des écarts bien brusques et des inconséquences ; mais la grandeur du talent, la chevalerie de certains actes, la beauté historique de certaines vues, auraient de loin recouvert bien des fautes ; je ne sais quel air de générosité aurait surnagé, et jamais on n’eût osé pénétrer à ce degré dans la petitesse des motifs et des intentions.
Cet éloge du Grand Condé transporta Bussy, et il faut lui rendre cette justice que, si maltraité qu’il fût de ce prince en d’autres occasions, nul ne l’a peint avec plus d’enthousiasme et de feu dans sa beauté martiale. […] Bussy, dans l’exil, en se souvenant des femmes qu’il avait connues, disait : « Elles aimaient, de mon temps déjà, l’argent et les pierreries plus que l’esprit, la jeunesse et la beauté. » On doit plaindre Bussy de n’avoir su rencontrer que de pareilles femmes à l’époque où vivaient les Sévigné, les La Fayette et bien d’autres.
L’homme, dévoué à la contemplation esthétique, et qui ne considère plus les choses qu’au point de vue de leur beauté, est condamné à périr par l’oubli où il tombe de ses intérêts vitaux : il se trouve bientôt exclu d’un monde où le commun des êtres, aiguillonné par le souci matériel, s’empare des choses nécessaires au détriment de qui ne fait plus effort pour les posséder ou les conserver. […] En même temps, si l’on se place au point de vue de la beauté logique, de la richesse et de l’harmonie des systèmes, il est manifeste que l’on ne saurait mettre en comparaison les fables primitives, les premiers balbutiements de l’esprit avec les théorèmes d’un Spinoza, les constructions idéologiques d’un Hegel, les hypothèses d’un Schopenhauër, d’un Nietzsche ou d’un Guyau.
Poésie de vin du Rhin, mais neuve, abondante et souvent incontestable de beauté. — M. de Chateaubriand est en plein dans son Milton. — Mais je vous ennuie de mes nouvelles : pour moi, puisque je sais que vous êtes assez bon pour y prendre intérêt, je travaille ; mais le labeur s’allonge, et j’en sortirai lentement.
Vers ce même temps, et non plus dans l’ordre de l’action, mais dans celui du sentiment, de la méditation et du rêve, il y avait deux génies, alors naissants, et longuement depuis combattus et refoulés, admirateurs à la fois et adversaires de ce développement gigantesque qu’ils avaient sous les yeux ; sentant aussi en eux l’infini, mais par des aspects tout différents du premier, le sentant dans la poésie, dans l’histoire, dans les beautés des arts ou de la nature, dans le culte ressuscité du passé, dans les aspirations sympathiques vers l’avenir ; nobles et vagues puissances, lumineux précurseurs, représentants des idées, des enthousiasmes, des réminiscences illusoires ou des espérances prophétiques qui devaient triompher de l’Empire et régner durant les quinze années qui succédèrent ; il y avait Corinne et René, Mais, vers ce temps, il y eut aussi, sans qu’on le sût, ni durant tout l’Empire, ni durant les quinze années suivantes, il y eut un autre type, non moins profond, non moins admirable et sacré, de la sensation de l’infini en nous, de l’infinienvisagé et senti hors de l’action, hors de l’histoire, hors des religions du passé ou des vues progressives, de l’infini en lui-même face à face avec nous-même.
Je citerai encore, comme beauté du même genre et naïve expansion d’une nature croyante qui confesse ses plus chères illusions, tout le passage de l’utopie rêvée durant l’année Martignac.
Une foule de pensées justes et d’observations frappantes ressortent de cette Correspondance et augmentent le trésor du lecteur : « Je ne crois pas avec les La Rochefoucauld et les Montaigne que les quatorze quinzièmes des hommes soient des fripons : je crois que cette proportion doit être singulièrement restreinte en faveur de l’honnêteté commune ; mais j’ai toujours reconnu que les fripons abondent à la surface, et je ne crois pas que la proportion soit trop forte pour les classes supérieures et pour ceux qui, s’élevant au-dessus d’une multitude ignorante et abrutie, trouvent toujours moyen de se nicher dans les positions où il y a du pouvoir et du profit à acquérir. » L’expression, en maint endroit, s’anime de bonhomie et de grâce : « Cela, dit-il, en parlant de l’incandescence politique, cela peut convenir aux jeunes gens, pour qui les passions sont des jouissances ; la tranquillité est le lait des vieillards. » Le portrait que Jefferson a tracé de Washington est digne de tous deux : la beauté morale reluit dans ces lignes calmes et précises, dans cette touche solide.
Lerminier, reste pourtant oratoire, et il ne faut pas s’en plaindre ; de grandes beautés littéraires, à côté des défauts, ressortent de cette forme presque nécessaire d’éloquence dans laquelle il est si à l’aise.
Ainsi que me le faisait remarquer un ami, homme d’esprit, Robert a recueilli d’abord en lui les figures que lui offrait la nature, et de même que les âmes ne perdent pas dans les feux du purgatoire leur individualité, mais seulement les souillures de la terre, avant de s’élever au séjour des heureux, ainsi ces figures ont été purifiées dans les flammes brûlantes du génie de l’artiste, pour entrer radieuses dans le ciel de l’art, où règnent encore la vie éternelle et l’éternelle beauté, où Vénus et Marie ne perdent jamais leurs adorateurs, où Roméo et Juliette ne meurent jamais, où Hélène reste toujours jeune, où Hécube au moins ne vieillit plus davantage. » Voilà de la critique certainement éloquente, et je crois, très judicieuse.
Molière même, à qui Boileau reprochait d’avoir partagé son talent entre Térence et Tabarin, entre Scapin et le Misanthrope, Molière n’a rien laissé percer de Sganarelle ni de Scapin dans Le Tartuffe et Le Misanthrope, ni des beautés sérieuses de ces deux chefs-d’œuvre dans les badinages de son théâtre.
Même en sa jeunesse première, dans la gloire de sa beauté blonde, quand il portait fièrement la tête d’un Christ qui rêve d’être Madeleine : cet être à deux faces jouisseuses aima surtout les besognes crépusculaires et équivoques.
L’Emile porte l’empreinte de la même tournure de génie ; ce sont les mêmes paradoxes, les mêmes erreurs, les mêmes beautés.
Nous prendrons en main tour à tour une de ces œuvres, nous en traduirons les principaux textes, en faisant goûter les beautés et en indiquant les imperfections, et nous nous rendrons compte ainsi des trésors d’intelligence, de sagesse et de génie que possède l’homme intellectuel au temps où nous vivons.
Je ne me déplairai pas six mois devant mon ouvrage… il y a pourtant un ciseau, des beautés, de la peau, de la chair dans cette insipide figure ; elle est faite largement ; il y a de la souplesse, du sentiment, de la vie.