Deux siècles à peine après Tartuffe, — Tartuffe, ce magnifique mensonge, — nous avons eu le Fils de Giboyer.
Dans un vitrine placée au milieu d’une fenêtre, il nous fait voir sa collection particulière, une réunion de cires des xvie , xviie et xviiie siècles, petits médaillons momifiés, petites figures cadavériques, effrayantes à la façon de petits morts et de petites mortes. […] Mais prenez un siècle près du nôtre, un siècle immense, brassez une montagne de documents, trente mille brochures, deux mille journaux, tirez de tout cela, non une monographie, mais le tableau d’une société, vous ne serez rien qu’un aimable fureteur, un joli curieux, un gentil indiscret. […] … Et Saint-Simon, croyez-vous qu’il écrivit le langue de son siècle ? […] Quelle amusante parodie d’opposition dans le moment : Sacy aux Débats, Guéroult à L’Opinion nationale, Havin au Siècle, Girardin à La Presse. […] Alors il esquisse un Jésus, fils d’une parfumeuse et d’un charpentier, un mauvais sujet qui quitte ses parents et envoie dinguer sa mère, qui s’entoure d’un tas de canailles, de gens tarés, de croquemorts, de filles de mauvaise vie, qui conspire contre le gouvernement établi, et qu’on a très bien fait de crucifier ou plutôt de lapider : un socialiste, un Sobrier de ce temps-là, un exaspéré contre les riches, le théoricien désespéré de l’Imitation, le destructeur de la famille et de la propriété, amenant dans le monde un fleuve de sang, et les persécutions, et les inquisitions, et les guerres de religion, faisant la nuit sur la civilisation, au sortir de la pleine lumière qu’était le polythéisme, abîmant l’art, détruisant la pensée, en sorte que les siècles, qui viennent après lui ne sont que de la m… jusqu’à ce que trois ou quatre manuscrits, rapportés de Constantinople par Lascaris, et trois ou quatre morceaux de statues, retrouvés en Italie, lors de la Renaissance, soient, pour l’humanité, comme un jour rouvert, en pleines ténèbres… » « Ça c’était un livre, ça pouvait être faux, mais le livre avait sa logique.
Tous les demi-siècles, et plus ordinairement tous les siècles ou tous les deux siècles, paraît un homme qui pense : Bacon et Hume en Angleterre, Descartes et Condillac en France, Kant et Hegel en Allemagne ; le reste du temps la scène reste vide, et des hommes ordinaires viennent la remplir, offrant au public ce que le public désire, sensualistes ou idéalistes, selon la direction du temps, suffisamment instruits et habiles pour tenir le premier rôle, capables de rajeunir les vieux airs, exercés dans le répertoire, mais dépourvus de l’invention véritable, simples exécutants qui succèdent aux compositeurs. […] Regardez ce petit recueil tout nouveau, Essays and Reviews ; vos libertés philosophiques du dernier siècle, les conclusions récentes de la géologie et de la cosmogonie, les hardiesses de l’exégèse allemande y sont en raccourci. […] Pourquoi vit une nation ou un siècle, sinon pour les former ? […] Les architectures de tous les âges mêlaient leurs ogives et leurs trèfles, leurs statues et leurs colonnes ; le temps avait fondu leurs teintes ; le soleil les unissait dans sa lumière, et la vieille cité semblait un écrin où tous les siècles et tous les génies avaient pris soin tour à tour d’apporter et de ciseler leur joyau. […] Autour d’elles comme pour les garder, des arbres énormes, vieux de quatre siècles, allongeaient leurs files régulières ; et j’y trouvais une nouvelle trace de ce bon sens pratique qui a accompli des révolutions sans commettre de ravages, qui, en améliorant tout, n’a rien renversé ; qui a conservé ses arbres comme sa constitution, qui a élagué les vieilles branches sans abattre le tronc ; qui seul aujourd’hui, entre tous les peuples, jouit non-seulement du présent, mais du passé.
Il a été trempé jusqu’au fond dans son siècle, j’entends qu’il a connu par expérience les mœurs de la campagne, de la cour et de la ville, et visite les hauts, les bas, le milieu de la condition humaine ; rien de plus ; du reste sa vie est ordinaire, et les irrégularités, les traverses, les passions, les succès qu’on y rencontre, sont à peu près ceux qu’on trouve partout ailleurs175. […] Je veux supposer enfin que, pour le corps comme pour le reste, il était de sa grande génération et de son grand siècle ; que chez lui, comme chez Rabelais, Titien, Michel-Ange et Rubens, la solidité des muscles faisait équilibre à la sensibilité des nerfs ; qu’en ce temps-là la machine humaine, plus rudement éprouvée et plus fermement bâtie, pouvait résister aux tempêtes de la passion et aux fougues de la verve ; que l’âme et le corps se faisaient encore contre-poids, que le génie était alors une floraison et non, comme aujourd’hui, une maladie. […] Jamais, je crois, chez aucune nation d’Europe et en aucun siècle de l’histoire, on n’a vu de passion si grande. […] C’est pour cela que Shakspeare est étrange et puissant, obscur et créateur par-delà tous les poëtes de son siècle et de tous les siècles, le plus immodéré entre tous les violateurs du langage, le plus extraordinaire entre tous les fabricateurs d’âmes, le plus éloigné de la logique régulière et de la raison classique, le plus capable d’éveiller en nous un monde de formes, et de dresser en pied devant nous des personnages vivants. […] Et qu’est-ce que pourrait faire le pauvre John Falstaff dans ce siècle de perversité !
Un travail complet sur Voltaire serait au reste l’histoire du xviiiie siècle lui-même.
Nous raffolons plus que jamais de ces petites trouvailles et nous appelons bijoux les moindres chiffons, comme des gens dont le grand siècle est déjà loin.
Au reste la critique de notre siècle a fait une rude guerre il toutes ces belles paroles ; elle nous a appris qu’il fallait les imputer plus souvent à l’homme d’esprit qui racontait, qu’à homme de cœur qui avait senti.
Songez-y bien : s’il y a quelque fond de vérité dans cette oraison, un peu cynique et vantarde, d’un de mes amis : « Seigneur, épargnez-moi la souffrance physique ; quant à la souffrance morale, j’en fais mon affaire », l’anesthésie et l’antisepsie ont peut-être plus sérieusement amélioré la misérable condition humaine que n’avaient fait soixante siècles d’inventions.
Je suis le descendant des pages chevelus Qui, sveltes, se levaient après les vidrecomes, À la fin des repas — poètes gentilshommes Dont la couronne avait des baisers pour fleurons, Et qui, l’épée au flanc, coupe en main, fleurs aux fronts, Parmi l’or héraldique et fin des marjolaines, Chantaient le hennin blanc des hautes châtelaines… — Et quoique le fil des beaux siècles soit rompu, J’ai gardé de leur race autant que je l’ai pu3.
L’exception que l’hôtel de Rambouillet faisait, depuis le commencement du siècle, aux mœurs dissolues, se soutint, s’étendit, passa en règle, devint exemple et autorité.
Elle naquit en Italie, vers le treizième siècle, d’un mélange monstrueux de dévotion & de crime.
C’est lui-même : il m’échauffe ; il parle ; mes yeux s’ouvrent, Et les siècles obscurs devant moi se découvrent.
Des siècles se sont écoulés, en des âges de civilisation brillante, avant que les premières lueurs de Critique se soient manifestées parmi les peuples les plus intelligents de la terre. […] Si le manuscrit autographe de l’Énéide n’avait pas été détruit, des siècles de collations et de conjectures auraient été épargnés, et le texte de l’Énéide serait meilleur qu’il ne l’est. […] On l’a amplement démontré depuis cinquante ans ; mais les collectionneurs d’inscriptions n’en sont tombés d’accord qu’après deux siècles de tentatives en sens contraire. […] L’évolution des sociétés civilisées s’est accélérée à tel point depuis cent ans, que, pour l’intelligence de leur forme actuelle, l’histoire de ces cent ans importe plus que celle des dix siècles antérieurs. […] Voilà pourquoi toutes les sciences de l’homme (linguistique, droit, science des religions, économie politique, etc.) ont pris en ce siècle la forme de sciences historiques.
Fut-il tout d’abord ce que ses brillants écrits l’ont montré, théoricien intrépide d’une pensée qui contredisait si absolument celle de son siècle ? […] Comme saint Augustin, en présence des épouvantables catastrophes de son siècle, il conçoit sa Cité de Dieu. […] Que d’autres invoquent donc tant qu’il leur plaira la parole muette, nous rirons en paix de ce faux Dieu, attendant toujours avec une tendre impatience le moment où ses partisans détrompés se jetteront dans nos bras, ouverts bientôt depuis trois siècles. » Tout ce passage est d’un bel accent. […] Quand il dit notre siècle, c’est de celui-là qu’il s’agit pour lui. […] Celui-là sera fameux et mettra fin au xviiie siècle, qui dure toujours, car les siècles intellectuels ne se règlent pas sur le calendrier, comme les siècles proprement dits….
Admirons l’immutabilité de notre sensibilité, et que ce point de vue nous fasse juger d’une manière nouvelle nos poètes des siècles disparus, et les lecteurs qui furent émus par leur poésie. […] Si le vingtième siècle produit un grand poète, ce poète n’ignorera ni l’ardente nostalgie de Mme de Noailles, ni le paganisme bucolique de Marie Dauguet, ni l’aristocratisme littéraire de Mme de Régnier. […] La poétesse chante la fragilité de la beauté féminine que l’art du sculpteur peut fixer pour quelques siècles ou quelques années, ce qui, dans l’infini du temps, s’équivaut. […] Réservoir insensé de tout le tumulte d’un siècle, elle meurt, pour avoir voulu consciencieusement se bâtir une vie, un nid, avec des plumes de poète et des brindilles de littérature. […] « Les 15 ou 20 siècles, continue-t-il, que la race aryenne ou indo-européenne consacra péniblement à la construction d’une éthique internationale, ne pèsent point sur les petites épaules nacrées de l’Inconstante. » M.
Le naturel est en grande partie recouvert par l’acquis ; mais il persiste, à peu près immuable, à travers les siècles : habitudes et connaissances sont loin d’imprégner l’organisme et de se transmettre héréditairement, comme on se l’était imaginé. Il est vrai que nous pourrions tenir ce naturel pour négligeable, dans notre analyse de l’obligation, s’il était écrasé par les habitudes acquises qui se sont accumulées sur lui pendant des siècles de civilisation. […] Mais les grandes figures morales qui ont marqué dans l’histoire se donnent la main par-dessus les siècles, par-dessus nos cités humaines : ensemble elles composent une cité divine où elles nous invitent à entrer. […] Du fond des siècles ils élèvent leur protestation. […] On dira que l’action fut bien lente : dix-huit siècles s’écoulèrent, en effet, avant que les Droits de l’homme fussent proclamés par les puritains d’Amérique, bientôt suivis par les hommes de la Révolution française.
Les écrivains peignent chaque siècle ce concours, parce que chaque siècle il recommence. […] Il donne au loup un titre honorable, l’appelle « beau sire. » Le principal mérite de Louis XIV et de son siècle fut l’établissement de cette politesse qui répand de l’agrément sur toutes les petites actions de la vie, et lie de prime abord des étrangers, même des ennemis. […] Ils mettaient un siècle religieux en garde contre la religion fausse ; on ne fabrique la mauvaise monnaie qu’à l’imitation de la bonne, et toute vertu a sa contrefaçon. […] Il veut toucher les deux ou trois passions éternelles qui mènent l’homme, les quelques facultés maîtresses qui composent la race, les quelques circonstances générales qui façonnent la société et le siècle.
c’est vraiment bien malheureux qu’on n’ait pas de lui, jetée sur le papier, sa pensée de 1852 à 1860, en ces années, où nous avons rencontré chez lui la plus originale cervelle philosophique de ce siècle. […] Une statue, grande comme deux fois un homme, une statue de bronze doré, à la dorure épaisse comme un sequin rongé de vert de-gris par les siècles, une statue qui semble un corps de géant dans la damasquinure d’une armure d’or, — c’est l’Hercule nouvellement trouvé. […] Cette vie avec ses bains, ses verres d’eau de demi-heure en demi-heure, ses petites promenades de l’hôtel aux sources, le règlement et les coupures de la journée, la discipline de la cure, dissipe un peu en nous le spleen abominable de nos derniers jours à Paris, à peu près comme la vie monastique devait suspendre l’ennui des grands ennuyés des siècles passés. […] le Siècle ! […] On cite du mort des traits de bonté divine, comme d’avoir reconnu un ami dans la dèche, et s’il n’a fait toute sa vie que des cascades, c’est qu’il avait la pudeur des hautes aspirations à la littérature, si ridicules dans ce siècle, sans grands talents.
. — Les Poètes Satyriques des xvie et xviie siècles, Sansot et Cie, 1903, in-18. — L’Honnête Dame et le Philosophe, nouvelle trad., trad. de Nicollo Granucci avec notice sur l’auteur (en coll. avec E. Sansot-Orland), Sansot et Cie, 1903, in-18. — Œuvres Galantes des Conteurs Italiens, xive , xve , xvie siècles (en coll. avec E. […] en chef), Le Siècle, Mercure de France, La Grande Revue, Courrier Européen et Revues étrangères. […] — Corneille devant trois siècles, in-18, 1906. […] Collaboration. — Le Siècle, La Plume, La Nouvelle Revue, etc.
.), qui a appartenu à M. de Boze, porte en marge à la première page : Juvenilia Flecheriana 80 ; et en tête : Divertissements, jeux d’esprit ou passe-temps de la jeunesse d’une des premières plumes de ce siècle, et au-dessous : Amusements de la jeunesse d’un homme illustre. […] On va souvent voir une dame, parce qu’il y a toujours compagnie chez elle ; que c’est un réduit de gens d’esprit et de qualité ; qu’on y parle toujours de bonnes choses, ou au moins d’indifférentes ; que l’on se fait connaître, et que l’on se met sur un pied à pouvoir se passer de jeu et de comédie, qui sont les plus ordinaires occupations des gens du siècle qui n’ont rien de meilleur à faire. […] Fléchier, à cet âge et dans cette mode de société, est et doit être, au moins en paroles, partisan et sectateur du bel amour raffiné, de l’amour, respectueux à la Scudéry ; de l’amour, non pas tel qu’on le fait dans le petit monde, mais de celui qui durerait des siècles avant de rien entreprendre et entamer.
Il est arrivé ainsi, au grand regret et déplaisir déjà de Fénelon en son temps, que la langue française poétique s’est vue graduellement appauvrir, dessécher et gêner à l’excès, qu’elle n’a jamais osé procéder que suivant la méthode la plus scrupuleuse et la plus uniforme de la grammaire 118, que tout ce qui est droit, licence et gaieté concédée aux autres poésies, a été interdit à la nôtre, et qu’on n’a fait presque nul usage, en cette voie, des conformités naturelles premières qu’on se trouvait avoir par un singulier bonheur avec la plus belle et la plus riche des langues, conformités que, deux siècles et demi après Henri Estienne, Joseph de Maistre retrouvait, proclamait hautement à son tour119, et qui tiennent en bien des points à la conformité même du caractère et du génie social des deux nations. […] Venu environ un siècle et demi après Théocrite, après ses diminutifs Bion et Moschus, arrivé le lendemain de la grande moisson, il eut l’idée naturelle de glaner, de choisir dans tout ce qui était épars, de nouer la dîme des gerbes et de les ranger. […] Il y eut quatre de ces Anthologies grecques célèbres : la première, cueillie en si heureuse saison, fut donc celle de Méléagre ; la seconde fut celle de Philippe de Thessalonique, lequel vivait au plus tard sous Trajan ; la troisième est due à un avocat Agathias, qui la dressa dans la seconde moitié du vie siècle, après le règne de Justinien ; la quatrième enfin, postérieure de quatre siècles environ à la précédente, fut compilée par un certain Constantin Céphalas, duquel on ne sait rien autre chose.
Depuis, quand ils méritèrent d’être rejetés, un autre gros d’abeilles se vit, qui piqua en sens inverse et les harcela longtemps avec gloire : à deux siècles de distance, le rôle national est le même ; la Ménippée et la chanson de Béranger sont deux sœurs. […] Auguste Bernard exige absolument qu’on lui produise, après plus de deux siècles, un acte notarié et un procès-verbal authentique en faveur de ces noms, il peut se flatter d’avoir gain de cause ; mais, faute de ce certificat, auprès de tous ceux qui entendent le mot pour rire, et qui savent encore saisir au vol la voix de la Renommée, cette chose jadis réputée divine et légère, la gloire de Pithou, de Rapin et de Passerat, n’y perdra rien. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.
Il était mort sans bruit ; le concierge nouveau ne connaissait pas même son nom, il ne savait pas de qui je voulais parler. « Ce petit vieillard si bon et si gai, me dit-il, oui, on s’entretient encore de lui dans le quartier ; on l’a porté au cimetière du Mont-Parnasse ; ses livres de prières ont été son seul héritage. » Ainsi passe la mémoire d’un siècle, un à un et sans bruit ; puis l’histoire vient, qui nous raconte emphatiquement ses fables, et le monde croit que la terre était peuplée de géants, quand ces prétendus géants, bons ou mauvais, n’étaient que des hommes comme nous : major e longinquo ! […] La sagesse du législateur paraît être de les pallier une à une, siècle par siècle, loi par loi.
La littérature n’atteint qu’incidemment les grands courants d’idées, par quelques orateurs, polémistes et penseurs ; et les hommes en qui s’est rencontré le talent littéraire, n’ont souvent pas été — tant s’en faut — les intelligences directrices du siècle. […] Plus audacieusement, suivant le mouvement qui, dans la seconde moitié du siècle, poussait à introduire les procédés de la science dans tous les ordres de la pensée, ce moine a voulu employer les méthodes de l’exégèse contemporaine à démontrer la vérité de la religion ; il a essayé de refaire, dans un esprit opposé, pour une conclusion contraire, l’œuvre de Renan, une Vie de Jésus. […] Vies des poètes français du siècle de Louis XIV, t.
Car, tandis qu’au xvie et au xviie siècle, c’était le Midi, l’Espagne, l’Italie, c’est, depuis bientôt deux siècles, le Nord surtout qui nous attire. […] Et quant à Platon Karatief, si son grand mérite est d’être bon et résigné tout en restant très simple d’esprit, nous avons encore mieux que ce moujick, puisque nous avons l’âme du Crapaud de la Légende des siècles : Bonté de l’idiot ! […] Ils le sont : car une littérature cosmopolite, c’est-à-dire européenne, doit être, par définition, commune et intelligible à tous les peuples d’Europe, et elle ne peut devenir telle que par l’ordre, la proportion et la clarté, qui passent justement, depuis des siècles, pour être nos qualités nationales.
Benjamin Rivière, l’éditeur de la Correspondance intime, une lettre fort intéressante : « Vous ne me faites pas le reproche d’avoir mis Marceline nue devant les siècles » ; je vous en suis reconnaissant. […] Tous les hommes et toutes les femmes illustres de la première moitié de ce siècle, elle ne les voit que grands, généreux et charmants. […] …) Suit cette réflexion : « Plus je lis, plus je pénètre sous les voiles qui me cachaient nos grandes gloires, moins j’ose écrire ; je suis frappée de crainte, comme un ver luisant mis au soleil. » — À propos du retour des cendres : « Les vers de Hugo sont dans le Siècle, 14 décembre.
La Somme de saint Thomas d’Aquin, résumé de la scolastique antérieure, est comme un immense casier qui, si le catholicisme est éternel, servira à tous les siècles, les décisions des conciles et des papes à venir y ayant leur place en quelque sorte d’avance étiquetée. […] La lutte est maintenant avec les protestants et les sectes dissidentes qui, tout en admettant les textes révélés, refusent d’y voir les dogmes dont l’Église catholique s’est chargée avec les siècles. […] L’esprit particulier de l’Allemagne, à la fin du dernier siècle et dans la première moitié de celui-ci, me frappa ; je crus entrer dans un temple.
Oui, quoique les jeunes semblent jusqu’ici enracinés dans le vieux passé et les vieilles méthodes, j’ai la conviction, que d’ici à peu d’années, même parmi les élèves de l’école des Chartes, il y aura un abandon des siècles antiques, pour remonter aux siècles modernes, et là, avec la documentation de ces temps, ressusciter des morts, parmi cette humanité vraiment galvanisable. […] M. de Zeddes, le châtelain, après nous avoir promenés dans tout l’immense château, où l’architecture Louis XV se greffe sur la Renaissance, et où le jour entre par des fenêtres de tous les siècles, nous fait monter dans les greniers, dans la forêt, équarrie de charpente, qui asseyait autrefois un toit sur une habitation aux murs de six pieds d’épaisseur.
Un homme qu’on ne sait comment classer dans son siècle, tant il est en dehors, et à la fois en arrière et en avant, le marquis de Mirabeau, ce mauvais coucheur de la philanthropie, très rare penseur après tout, avait une bibliothèque aux deux coins de laquelle il avait fait sculpter un chien et une chèvre, en souvenir de Socrate qui jurait par le chien et de Zenon qui jurait par le câprier. […] Cette gloire, qui devait avoir dans les siècles ses phases, ses éclipses, ses disparitions et ses réapparitions, fut éblouissante. […] Il est curieux de se dire aujourd’hui qu’il y a vingt-deux siècles des bourgades, isolées et éparses aux extrémités du monde connu, possédaient toutes des théâtres.
Et lorsque, au commencement de ce siècle, l’auteur des Orientales et de Hernani est venu régénérer la langue poétique en lui rendant tout ce qu’elle avait perdu en 1660, le pittoresque, la propriété, le grotesque, on l’a traité de barbare et de topinambou. […] Il a été pendant quelque temps reçu même dans la bonne société ; mais ayant enfin été proscrit comme son prédécesseur, on l’a remplacé par le mot fille, qui était encore du bon ton au milieu du siècle dernier. […] Théodore de Banville, je rappellerai ce que je disais il y a un an, ici même, à propos de ses Odelettes : « Des deux grands principes posés au commencement de ce siècle, la recherche du sentiment moderne et le rajeunissement de la langue poétique, M. de Banville a retenu le second… » Dans ma pensée, je retenais le premier pour M.
Le Pymandre, livre assez peu intelligible, attribué à Mercure, mais qui paraît avoir été composé dans les premiers siècles de l’Église, c’est-à-dire à une époque où une foule de traditions graduellement défigurées et affaiblies finissaient, et où l’on cherchait à les faire revivre en les rattachant au christianisme ; ce livre, qui contient, quoi qu’il en soit, les éléments de la philosophie hermétique, fait de la pensée et de la parole une émanation directe de Dieu. […] Avant que chaque chose eût reçu un nom, avant que ce nom eût été adopté par tous, combien de siècles se seraient écoulés ! […] Et d’abord je prie de considérer encore une fois quelle suite de siècles il faudrait pour parvenir à faire une langue, chose qui serait déjà si difficile avec toutes les données que nous avons.
Cependant, la Divine Comédie, le Paradis perdu, et Goetz de Berlichingen, avaient été écrits dans la langue qui les avait vus naître, tandis que Balzac, en ses Contes, espèce de Josué littéraire, a fait reculer le soleil de la langue de trois siècles. […] Bans un siècle et demi ou deux siècles, recherchera-t-on la nouvelle édition du Balzac 7 comme on recherche toujours les éditions du xvie siècle ?
Cela est surtout vrai pour lui à partir du xvie siècle, et, dans ce siècle, à dater du règne de François II. […] Ainsi, dans l’un des premiers pamphlets attribués à Mézeray29, je vois l’auteur parler de la France et des Français, et « de la longue durée de plus de treize siècles, et de l’expérience qui devrait être acquise par tant de guerres civiles et étrangères, et des périls de totale ruine si souvent encourus par le changement des races royales », tout comme nous ferions aujourd’hui.
Persévérance et uniformité ardente, qui le tint toujours à l’abri de tout échec et de tout soupçon ; qui se sent et transpire dans tout ce qu’il profère et enseigne, et qui lui assurait, dans l’ordre moral et chrétien, une autorité que nul en son siècle n’a surpassée, pas même Bossuet ! […] Là comme toujours, il enseigne ouvertement et sans détour : « Écoutez-moi, et ne perdez rien d’une instruction si édifiante. » Car le propre de Bourdaloue (tant il est sûr de sa modestie et tant il s’oublie lui-même) est de se confondre totalement avec son ministère de prédicateur et d’apôtre ; il ne laisse rien aux délicatesses du siècle : « Écoutez-moi. — Suivez-moi. — Appliquez-vous
Sur les bords de l’Isère, apercevant les ruines du château Bayard : « Ici naquit Pierre Du Terrail, cet homme si simple, dit Beyle, qui, comme le marquis de Posa de Schiller, semble appartenir par l’élévation et la sérénité de l’âme à un siècle plus avancé que celui où il vécut. » Mais pourquoi, à la page suivante, en visitant le château de Tencin, Beyle, venant à nommer le cardinal Dubois, tente-t-il en deux mots une réhabilitation qui crie : « La France l’admirerait, dit-il de ce cardinal, s’il fût né grand seigneur ? […] En 1825, il y avait une école ultra-critique et toute raisonneuse qui posait ceci en principe : « Notre siècle comprendra les chefs-d’œuvre, mais n’en fera pas.
Quoi qu’il en soit, nous ne savons pas, continue ironiquement Franklin, à quelle époque les chapeaux furent, pour la première fois, introduits, mais dans le dernier siècle ils étaient généralement en usage par toute l’Europe. […] C’est ainsi que l’influence de Charlemagne s’est fait sentir pendant plusieurs siècles, et que même aujourd’hui l’éducation de la jeunesse obéit encore à l’impulsion donnée par ce grand homme.
Les deux premiers n’ont que l’esprit de leur siècle, et les mœurs de leur patrie ; mais le génie de César est si flexible à toutes les mœurs, à tous les hommes, à tous les temps, qu’il l’emporte. […] L’on ne mesure bien, d’ailleurs, la force et l’étendue de l’esprit et du cœur humains que dans ces siècles fortunés ; la liberté découvre, jusque dans l’excès du crime, la vraie grandeur de notre âme ; là, la force de la nature brille au sein de la corruption ; là, paraît la vertu sans bornes, les plaisirs sans infamie, l’esprit sans affectation, la hauteur sans vanité, les vices sans bassesse et sans déguisement.
L’attitude de Mme de Choiseul était d’accord avec la vérité : elle resta bien sincèrement, bien tendrement éprise de l’homme dont elle était glorieuse, dont elle disait que ce n’était pas seulement le meilleur des hommes, que « c’était le plus grand que le siècle eût produit », et de qui elle écrivait un jour avec une ingénuité charmante : « Il me semble qu’il commence à n’être plus honteux de moi, et c’est déjà un grand point de ne plus blesser l’amour-propre des gens dont on veut être aimé. » Elle eut fort à s’applaudir de l’exil de Chanteloup et fut seule peut-être à en savourer pleinement les brillantes douceurs ; elle y voyait surtout le moyen de garder plus près d’elle l’objet de son culte, et, sinon de le reconquérir tout entier, du moins de le posséder, de le tenir sous sa main, de ne le plus perdre de vue un seul jour. […] Et les gouvernements sont également fondés sur les mœurs et sur les lois ; détruisez les uns ou les autres, et vous renverserez l’édifice… L’emploi de l’esprit aux dépens de l’ordre public est une des plus grandes scélératesses, parce que de sa nature elle est ou la plus impunissable ou la plus impunie ; et de toutes la plus dangereuse, parce que le mal qu’elle produit s’étend et se promulgue par la peine même infligée au coupable, et des siècles après lui.
C’est toute une âme qui sort de l’obscurité et qui se révèle pleinement à nous après plus de deux siècles. […] — Et plus tard à Paris, et ensuite à Cantorbéry ou à Londres, ne croyez pas que Casaubon puisse se livrer en paix et selon son cœur à ses études chéries ; non, ce qu’on demande de lui, ce que désirent les puissants du siècle, c’est autre chose : et qui donc, en aucun temps, excepté quelques esprits atteints d’une douce manie, va s’occuper uniquement des morts, des livres d’autrefois, des chastes et pures belles-lettres ?
Que ces petites montres de sa ruine qui paraissent encore au-dessus de la bière, c’était la Fortune qui les avait conservées pour le témoignage de cette grandeur infinie que tant de siècles, tant de feux, la conjuration du monde réitérée à tant de fois à sa ruine, n’avaient pu universellement éteindre. Mais était vraisemblable que ces membres dévisagés qui en restaient, c’étaient les moins dignes, et que la furie des ennemis de cette gloire immortelle les avait portés premièrement à ruiner ce qu’il y avait de plus beau et de plus digne ; que les bâtiments de cette Rome bâtarde qu’on allait à cette heure attachant a ces masures, quoiqu’ils eussent de quoi ravir en admiration nos siècles présents, lui taisaient ressouvenir proprement des nids que les moineaux et les corneilles vont suspendant en France aux voûtes et parois des églises que les Huguenots viennent d’y démolir… ».
Andrieux est un homme de bon goût ; mais ses ouvrages ne conviennent plus au siècle vigoureux et sérieux au milieu duquel nous vivons. […] Viollet-le-Duc était un homme d’esprit, exact ; délicat, peu fécond, très-occupé d’ailleurs de fonctions administratives, qui avait précédé tout le monde dès le temps de l’Empire dans le goût des vieux auteurs français antérieurs à Malherbe et de la poésie du xvi siècle : le Catalogue qu’il a dressé de sa bibliothèque, et dans lequel il donne un aperçu de chaque auteur de sa collection, est un livre qui restera.
je laisse maintenant ces trouvailles à d’autres ; mais ce qui ne sera jamais démenti, c’est qu’ils étaient pleins de compassion pour les pauvres, qu’ils aimaient mieux les peindre que les puissants, qu’ils avaient pour les champs et les campagnards les aspirations de La Bruyère, qu’ils croyaient en leur art, qu’ils l’ont pratiqué avec conviction, qu’ils n’ont pas craint la bassesse du sujet, qu’ils ont trouvé l’homme en guenilles plus intéressant que les gens de cour avec leurs broderies, qu’ils ont obéi au sentiment intérieur qui les poussait, qu’ils ont fui l’enseignement académique pour mieux faire passer sur la toile leurs sensations : enfin, parce qu’ils ont été simples et naturels, après deux siècles ils sont restés et seront toujours trois grands peintres, les frères Le Nain. » J’honore le critique qui trouve de tels accents, et quand il aurait excédé un peu, comme c’est ici le cas, dans ses conjectures ou dans son admiration pour les trois frères indistinctement, il n’aurait fait que réparer envers ces bons et dignes peintres un long arriéré d’oubli et d’injustice, leur rendre avec usure ce que près de deux siècles leur avaient ôté ; il n’aurait pas fait d’eux un portrait faux, car il reconnaît et relève en toute rencontre leurs inégalités et leurs défectuosités originaires, il n’aurait donné en définitive qu’un portrait un peu idéal, ou du moins un portrait un peu plus grand que nature, un peu plus accusé et accentué de physionomie, mais toujours dans les lignes de la ressemblance et de l’individualité.
Vaugelas pressent le grand siècle qui. s’avance ; il n’hésite pas à dire que l’heure solennelle qui l’annonce a sonné. […] On aurait là, si l’on en pouvait douter encore, une preuve de plus que le règne et le siècle de Louis XIV a été, non pas un accident (comme je sais quelqu’un de ma connaissance qui l’a dit autrefois), mais bien le résultat et le fruit naturel d’une culture et d’un développement continu.
Boileau, pendant un séjour aux eaux de Bourbon, où il cherchait à se guérir d’une extinction de voix, écrivait à Racine (9 août 1687) : « Je m’efforce de traîner ici ma misérable vie du mieux que je puis, avec un abbé très-honnête homme qui est trésorier d’une sainte chapelle, mon médecin et mon apothicaire : je passe le temps avec eux à peu près comme Don Quichotte le passait en un lugar de la Mancha, avec son curé, son barbier et le bachelier Samson Carrasco ; j’ai aussi une servante : il me manque une nièce ; mais de tous ces gens-là, celui qui joue le mieux son personnage, c’est moi qui suis presque aussi fou que lui… » Les poëtes français du grand siècle, en s’écrivant avec une bonhomie qui a certes bien son prix, n’ont aucune vue critique, aucun de ces aperçus littéraires qu’on serait tenté de leur demander. […] Plusieurs siècles sont en présence ; il se reflète inévitablement quelque chose de l’un à l’autre.
Cette barbarie, cette demi-civilisation saxonne, croisée d’habileté et de finesse normande, le tout enfermé, tassé dans son île, travaillé, trituré, pétri et mûri durant des siècles, selon ce que l’auteur nous a si bien fait voir, se retrouve, dans la conclusion, à l’état de la plus forte, de la plus solide, de la plus sensée, de la mieux tenue, de la mieux pondérée, de la plus positive et de la plus poétique des nations libres. […] Vingt-sept noms font toute l’histoire des temps avant le Déluge, et tous les noms conservés jusqu’aujourd’hui ne font pas ensemble un seul siècle de vivants… » Pensée mémorable et qu’il faut répéter, même en présence du légitime orgueil de la science, reconquérant par lambeaux le passé, mais par lambeaux seulement.
Un progrès moral reste à faire en notre xixe siècle qui se vante d’être un siècle de tolérance, et qui ne l’est encore qu’à demi. […] Au siècle dernier, il y a cent ans, c’était un crime encore (légalement parlant), une tache et un sujet de répulsion d’être déiste comme Rousseau dans l’Émile ou comme Marmontel dans Bélisaire (je ne rapproche que la doctrine, non les talents).
Je le demande, si nous avions perdu tout témoignage positif concernant Charlemagne, si nous en étions réduits pour le reconstruire, lui et son époque, aux romans de chevalerie, aux chansons de Geste des xie et xiie siècles, où seraient l’étoile et la boussole pour s’orienter ? […] Grote convient tout à fait avec Wolf que les poëmes d’Homère n’ont été ni pu être écrits pendant un long laps de temps qui ne peut guère avoir été moindre que de deux ou trois siècles ; mais cette absence d’écriture n’est point une objection suffisante pour ne pas admettre de longs et très-longs poëmes : là est toute la question.
Dans les bons siècles on proportionne l’estime et la louange : l’abbé Goujet reste à sa place, et Voltaire à la sienne. […] Son talent regarde deux siècles ; sa figure appartient à tous les deux ; il termine l’un : on dirait qu’il commence et introduit l’autre.
donner son nom à des aventures, au lieu de le donner à son siècle ! […] Il disait de lui : « C’est encore l’homme qui connaît le mieux ce siècle et le monde, les cabinets et les peuples.
Et puis, quand on en venait au siècle suivant, pourquoi ne pas aborder aussitôt par cet aspect de la charge satirique Mathurin Regnier, dont les grotesques de l’époque Louis XIII procèdent naturellement, et ne sont, après tout, que d’assez mauvais bâtards ? […] Parlant du poëme de la Pucelle, si vanté en son temps et non encore réhabilité du nôtre, Montesquieu disait : « On ne saurait croire jusqu’où est allée dans ce siècle la décadence de l’admiration. » En faisant intervenir ces autorités de haut bord, je crois montrer assez le cas sérieux que je fais du talent de M.
Dans Édouard on voit deux siècles, deux sociétés aux prises, et le malheur qui frappe les amants devient le présage d’un avénement nouveau. […] Ainsi l’on pouvoit voir en ces trois serviteurs de Dieu trois différents mouvements : en l’un la crainte du châtiment, en l’autre l’espoir de la recompense, et dans le dernier le désintéressement et la tendresse d’un parfait amour. » Et n’admirez-vous pas comment l’esprit chrétien se maintient fidèle, en ceux qui l’ont, à travers les siècles, et arrive à peu près dans le vieil abbé du Sinaï ou dans la grande dame de nos jours aux mêmes distinctions morales et aux mêmes éclaircissements ?
Enfin, je vois que quatre ou cinq des plus grands génies littéraires de ce siècle, sans compter une douzaine de talents supérieurs, ont été repoussés ou oubliés par l’Académie. […] Daudet (et c’est singulier d’avoir à dire une chose si simple) le droit d’éprouver ces sentiments ; je le lui reconnais avec entrain, et je suis enchanté qu’il les ait éprouvés, puisqu’il en a fait ce livre, et qu’il a su répondre si crânement, à travers deux siècles et demi, aux Sentiments de l’Académie sur le Cid par les Sentiments de Tartarin sur l’Académie.
Le Figaro l’abandonne, et lui ne s’indigne pas ; il comprend : « J’admets très bien, pour un journal, la nécessité de compter avec les habitudes et les passions de sa clientèle. » Quoi, même lorsqu’il s’agit de ce qui apparaît à tes yeux naïfs la grande bataille de ton siècle, tu admets qu’on sacrifie la justice à un intérêt personnel et que, s’étant jeté volontairement dans la lutte, on s’enfuie à la pensée du risque, abandonnant sans armes ses compagnons de combat. […] Même la religion de l’innocent, innocent toi-même, te paraît singulièrement supérieure, car celle de Jésus fut longue à prendre, mit « quatre siècles à se formuler ».
Et pourtant, malgré l’affectation générale du style, qui répond à celle du caractère, malgré une recherche de fausse simplicité, malgré l’abus du néologisme, malgré tout ce qui me déplaît dans cette œuvre, je retrouve à chaque instant des beautés de forme grandes, simples, fraîches, de certaines pages qui sont du plus grand maître de ce siècle, et qu’aucun de nous, freluquets formés à son école, ne pourrions jamais écrire en faisant de notre mieux. […] La vanité d’abord et surtout, inimaginable à ce degré dans un aussi noble esprit, une vanité d’enfant ou de sauvage ; une personnalité qui se pique d’être désabusée et qui se fait centre de toute chose, que l’univers englouti n’assouvirait pas, que tout gêne, que Bonaparte surtout importune ; qui se compare, chemin faisant, atout ce qu’elle rencontre de grand pour s’y mesurer et s’y égaler ; qui se pose à tout moment cette question, qu’il faudrait laisser agiter aux autres : « Mes écrits de moins dans le siècle, qu’aurait-il été sans moi ?
J’ai vu un plus grand siècle, et les nains (ceci nous regarde) qui barbotent aujourd’hui dans la littérature et la politique ne me font rien du tout. […] Ce sentiment de volupté et d’abandon suprême, qui, chez les anciens, chez Homère, chez les Patriarches, chez la bonne Cérès ou chez Booz, comme chez le bon Jupiter aux bras de Junon, est si simple, si facile, qui coûte si peu à la nature, qui est si doux, qui fait naître des fleurs à l’entour, et qui voudrait dans sa propre félicité féconder la terre entière, se raffine avec les âges ; il devient plus senti, plus délicat, plus sophistiqué aussi, chez les épicuriens des siècles plus avancés.
Ainsi ces trois époques de physionomie si diverse qui constituent le siècle arrivé à son milieu, M. de Balzac les a connues et les a vécues toutes les trois, et son œuvre en est jusqu’à un certain point le miroir. […] Il y a plus de deux siècles déjà, en 1624, Honoré d’Urfé (l’auteur du fameux roman de L’Astrée), qui vivait en Piémont, reçut une lettre très sérieuse qui lui était adressée par vingt-neuf princes ou princesses et dix-neuf grands seigneurs ou dames d’Allemagne ; les susdits personnages l’informaient qu’ils avaient pris les noms des héros et des héroïnes de L’Astrée, et s’étaient constitués en Académie des vrais amants ; ils demandaient avec instance la suite de l’ouvrage.
Il eut une grande influence sur la destinée de Florian ; il arrêta à temps en lui ce que la seule influence de Voltaire et celle de tout le siècle auraient pu y produire d’un peu libertin. […] La fable est partout, et on la réinventerait dans chaque siècle, si elle était oubliée.
Venu sur la fin de Louis XIV, il essuya en plein la chaleur et les rayons du beau siècle à son couchant. […] Pour se rendre compte de cet effet, et même en le réduisant à sa valeur, il convient de se rappeler que le Parlement, à cette date comme toujours, était un peu en retard sur le reste du siècle : aussi, en y apparaissant avec sa bonne mine, sa gravité tempérée d’affabilité et décorée de politesse, sa diction facile, nombreuse et légèrement fleurie, son élégance un peu concertée, l’élève adouci et orné de Despréaux fit une sorte de révolution relative ; il eut le mérite d’introduire et de naturaliser au parquet ce qui régnait déjà partout ailleurs ; et lui, le moins novateur des jeunes gens, il entra si à propos dans la carrière, que son premier pas fit époque.
Il y a quelques années, à Lyon, on a vu se produire un poète éminent, noble, harmonieux, solitaire, sentant et aimant profondément la nature, et agitant avec sincérité en lui les problèmes de la destinée humaine et l’énigme du siècle, cette lutte, qui est celle de toutes les âmes supérieures, entre la science et les croyances, entre les anciennes illusions perdues et les idées nouvelles encore flottantes. […] » me dit tout à coup l’enfant du siècle, balbutiant et ivre à demi, mais toujours couronné de roses.
On parle souvent de la différence d’esprit qui règne entre les différents siècles. […] La langue écrite de d’Antin est négligée, mais elle est pleine de ces locutions qui nous plaisent comme sentant la façon de dire de son siècle.
Si Luynes avait vécu, la fortune de Richelieu s’ajournait pourtant et pouvait manquer : aussi, quand Luynes disparaît, quand il est emporté d’une maladie soudaine (14 décembre 1621) au milieu de cette campagne qu’il avait entreprise sans pouvoir la mener à fin, Richelieu a pour peindre sa mort, son caractère et sa personne, des traits de couleur et de passion que Saint-Simon, un siècle après, aurait trouvés. […] Je laisse ces divers problèmes, ces contradictions apparentes de quelques-unes de ses pensées et de ses actes à agiter aux historiens futurs ; la renommée de Richelieu (et la renommée, il l’a dit, est le seul paiement des grandes âmes) ne peut que s’accroître avec les années et avec les siècles : il est de ceux qui ont le plus contribué à donner consistance et unité à une noble nation qui d’elle-même en a trop peu ; il est, à ce titre, un des plus glorieux artisans politiques qui aient existé ; et plus les générations auront été battues des révolutions et mûries de l’expérience, plus elles s’approcheront de sa mémoire avec circonspection et avec respect.
La raison de Newton aurait eu beau se dire pendant des siècles : « Tout a une cause et les révolutions des astres ont une cause » ; ces deux rapports ne lui auraient jamais donné le terme inconnu : gravitation. […] Grâce à l’organisation du cerveau, produit de l’accumulation des siècles, chaque impression vient d’elle-même se placer dans sa case, qui à son tour vient se placer dans une case plus grande, et celle-ci dans une autre, comme par un emboîtement successif.
… Prenez part de la science un peu amère et du travail compliqué de ce siècle. […] Un bas-bleu célèbre, d’un indigo très foncé, l’a entrepris à son honneur vers la fin du siècle dernier.
Édelestand du Méril, l’auteur très connu en Allemagne, à peu près inconnu en France, de la Poésie scandinave, des Essais philosophiques sur les formes et sur le principe de la versification en Europe et sur la formation de la langue française, et d’une foule d’ouvrages philologiques d’une érudition très vaste et très sûre, est un des plus acharnés travailleurs de ce siècle, qui se vante de ses travailleurs ! […] — qui tenons que tout un siècle d’érudition ne vaut pas une bonne heure de littérature.
C’était bien là, du reste, la pensée que devait avoir sur l’erreur l’écrivain qui, en 1827, tirait l’innocence de Machiavel de la culpabilité universelle de son époque, et qui, en 1833, réduisit cette impudente thèse historique en axiome, quand il dit dans son Robert Walpole, innocenté comme Machiavel et encore mieux, car il était whig : « qu’on ne peut pas blâmer un homme de ce qu’il n’est pas supérieur à son siècle par sa vertu… » Certes ! […] Si peu que je sois de cet avis, quand je pense à des inventeurs comme Walter Scott, Lord Byron, Chateaubriand et Balzac, qui furent tous, je crois, du xixe siècle, je n’en confesserai pas moins que la Critique a pris dans notre temps des proportions qu’on ne lui connaissait pas il y a un siècle, et que Macaulay, par exemple, puisqu’il s’agit de lui, n’a pas peu servi à l’arracher à l’affreux pédantisme dans lequel elle rampait, le long des œuvres du génie.
Des siècles devaient passer avant que les sociétés occidentales, fussent foncièrement unifiées. […] Presque toutes les grandes convulsions de notre siècle cachaient des efforts d’unification.
Notre siècle, après les excès philosophiques qui ont signalé la fin du précédent, est devenu prudent à bon droit dans ces considérations générales ; les cœurs honnêtes ont peur de toute témérité, et il semble même qu’on aime à s’en tenir, dans cette sphère élevée, aux apparences lumineuses, aux traditions générales et aux impressions premières du sentiment, plutôt que de les décomposer et de creuser trop avant, comme si l’on n’était pas sûr de pouvoir recomposer ensuite ce qu’on aurait trop indiscrètement analysé.
« Chateaubriand. » Et maintenant qu’on s’étonne, si l’on veut, et qu’on se scandalise qu’après des années écoulées, en ne cessant de placer M. de Chateaubriand au premier rang littéraire du siècle, j’aie écrit sur lui, dans les deux volumes dont il est le sujet et le centre, comme en pensaient et en parlaient dans la familiarité tous ses amis et connaissances, toutes les personnes de la société en dehors de sa coterie, M.
Grâce à cet anachronisme qui eût glacé tant d’autres, les Poésies d’André Chénier, nées comme à part de leur siècle, ne pouvaient tomber plus à propos, et elles se firent bien vite des admirateurs d’élite qui les poussèrent au premier rang dans l’estime.
Il serait bien plutôt tenté de les considérer comme un poste de transition et de reconnaissance placé à la limite de deux âges, ou encore comme ces fanaux semés sur les hauts lieux, qui servent à lier, à travers les siècles, les divers temps de cette grande expérience incessamment accomplie par l’humanité.
Il a souvent regretté, en lisant les livres de critique et de biographie des deux siècles précédents, la disette et l’insuffisance de secours semblables.
diantre, l’auteur est de son époque et non du siècle de Léon X, de même qu’il est un pauvre Tourangeau, non un riche Écossais.
Le prince Jérôme rassemblait en lui et personnifiait tous les souvenirs, toutes les péripéties de ce siècle étonnant.
De là un déluge de plaisanteries sur la religion ; l’un citait une tirade de la Pucelle ; l’autre rapportait certains vers philosophiques de Diderot… Et d’applaudir… La conversation devient plus sérieuse ; on se répand en admiration sur la révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’était là le premier titre de sa gloire. « Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans l’antichambre comme dans le salon. » Un des convives nous raconta, en pouffant de rire, qu’un coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant : « Voyez-vous, monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de religion qu’un autre » On conclut que la révolution ne tardera pas à se consommer, qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie, et l’on en est à calculer la probabilité de l’époque et quels seront ceux de la société qui verront le règne de la raison Les plus vieux se plaignaient de ne pouvoir s’en flatter ; les jeunes se réjouissaient d’en avoir une espérance très vraisemblable, et l’on félicitait surtout l’Académie d’avoir préparé le grand œuvre et d’avoir été le chef-lieu, le centre, le mobile de la liberté de penser. « Un seul des convives n’avait point pris de part à toute la joie de cette conversation… C’était Cazotte, homme aimable et original, mais malheureusement infatué des rêveries des illuminés.
Et il y eut, au siècle suivant, les snobs de la philosophie, ceux de l’anglomanie, ceux de la sensibilité et de l’amour de la nature, les snobs de Rousseau et de Bernardin de Saint-Pierre.
Et c’est pour nous un allégement de constater que ces extases, ces tortures, ces cris, ces sanglots de George et d’Alfred, et ce mirifique essai d’amour à trois, tout cela, aussitôt « vécu », et avant même d’être fini, s’est sagement transformé en « copie », et en copie de premier ordre, puisque ce fut celle de Jacques et des Lettres d’un voyageur, des Nuits et de On ne badine pas avec l’amour, en attendant la Confession d’un Enfant du siècle.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
Elle devait être bien jeune au commencement du siècle, si Riccoboni, né vers 1674, put encore la connaître.
Il ne faut pas comparer la marche de la Science aux transformations d’une ville, où les édifices vieillis sont impitoyablement jetés à bas pour faire place aux constructions nouvelles, mais à l’évolution continue des types zoologiques qui se développent sans cesse et finissent par devenir méconnaissables aux regards vulgaires, mais où un œil exercé retrouve toujours les traces du travail antérieur des siècles passés.
Or, j’ai soixante-trois ans ; vous voyez combien mon cas est étrange ; les légitimistes à ma façon se préparent en notre siècle de cruels embarras, car il faudrait aussi que les gouvernements fussent fidèles à eux-mêmes, et ils ne le sont guère, il faut l’avouer.
Il avoit la réputation d’être l’homme le plus galant de son siècle & le plus heureux.
Notre siècle n’aura pas cette honte qu’un Regnard soit traité comme un malfaiteur.
I Si les livres que l’on publie aujourd’hui sont, à bien peu d’exceptions près, des productions assez tristes et assez maussades, — comme, du reste, les gens malades, malsains ou mal faits le sont presque toujours, — la littérature, mère de ces livres, n’en vient pas moins d’écrire une des pages les plus gaies du siècle.
Lui, qu’il serait infâme de mettre aux mains de l’enfance, que toute femme laissera tomber des siennes, et dont le vieillard à cheveux blancs rougira d’avoir eu le goût… autrefois, n’en a pas moins mis sur l’esprit du temps qui a suivi le sien une empreinte qu’une moitié de siècle, avec deux Bonaparte et un Joseph de Maistre, n’a pas pu encore effacer !
Les choses qu’il devrait le plus avoir en horreur, les choses les plus répugnantes à un grand artiste, les misérables vulgarités du Siècle, par exemple, il les inonde d’un flot de couleur qui les transfigure, comme la lumière d’or de Murillo ruisselant sur la teigne de son Pouilleux.
Nous faisons, depuis un siècle, des expériences pour les autres. […] Ce déguisement et cette évasion dans une suburre du second siècle… oui, M. […] Le sujet est le même que celui du Booz endormi de la Légende des Siècles. […] Deux siècles ont passé. […] Ce sont des plaisanteries saxonnes, et des plaisanteries d’il y a trois siècles.
Il y a tout un système au fond de ces contes, le système bien connu au dernier siècle sous le nom de philosophie des sensations, renouvelé selon les méthodes de l’école allemande. […] Quel n’est donc pas son effroi, lorsque, ayant retrouvé Raoul par un hasard inespéré, elle l’entend tenir des discours empreints du scepticisme et de l’athéisme du siècle ! […] Je n’ai pas besoin de rappeler aux critiques érudits auxquels s’adresse cette observation le phénomène instructif que présentèrent les longs siècles de Rome impériale. […] Cette résidence fort habitable encore d’un voltairien du dernier siècle appartient à M. […] S’il en était ainsi, pour lui déconseiller la rancune, nous lui citerions une jolie anecdote d’il y a deux siècles.
Il y a en lui une grâce, un tact des convenances, un ton délicat de bonne compagnie que pouvait seule atteindre une nature comme la sienne, qui, étant née belle par elle-même, a joui du commerce journalier des hommes les plus remarquables de son siècle. […] Et cela date de deux siècles ! […] Pour Molière, la postérité tout entière tient dans ces deux siècles. […] Michel Baron disait de lui-même : « Il faut cent ans pour faire un César ; mais il faudrait dix siècles pour faire un comédien tel que moi ! […] qu’une farce, Le Pied de Mouton de Martainville, rendit populaire près de deux siècles plus tard.
Pourquoi le roman de la jeune intelligence n’a-t-il pas été écrit, quand depuis un siècle tant de romans parfaits de l’enfance sont nés ? […] Ainsi la fille d’Hamilcar symbolise devant les âpres, grouillantes masses d’hommes, de Carthage et des mercenaires, les siècles silencieux qu’accumule la rêverie mystique de l’Orient. Même raccourci symbolique de siècles traité épiquement dans La Tentation, férocement dans Bouvard. […] Seillière nous montre allant de la littérature courtoise à La Nouvelle Héloïse existe, forme en somme pendant quatre siècles le fond et le courant du roman français. […] Deux des grandes natures romancières du siècle sont féminines, George Sand et George Eliot.
Je sais des romans vendus à 2 ou 3 000 exemplaires, il y a moins d’un siècle, et que des millions de Français ont lus aujourd’hui. […] « Il y a très peu d’exemples de tels romans historiques dans la littérature du siècle dernier. […] Dans un siècle on refera tous nos livres74. » Philarète Chasles voyait juste. On n’a pas attendu un siècle pour refaire les anciens livres. […] H. d’Alméras, Ce qu’on lisait il y a un siècle.
Mais, débarrassé de ton enveloppe matérielle, délivré de toutes ces choses misérables, avec ta Béatrice, là-haut dans le ciel, glorieusement accueilli, la vie complète d’amour et de paix du siècle vrai détourne ta pensée de notre vie intime et misérable. […] Après les pages sans nombre écrites depuis trois siècles sur un tel sujet, le désir de trouver des paroles nouvelles mène au paradoxe par une pente rapide. […] Si Charlemagne et Clovis ne s’évanouissent pas dans l’espace comme le chef de bandits appelé Romulus et le Lucumon appelé Tarquin, il faut tenir compte des douze siècles écoulés entre la fondation de Rome et l’invasion des Gaules par les Franks, et pourtant Charlemagne, dans le récit de M. […] Il n’était pas exposé, comme la plupart de ses prédécesseurs, à parler du passé d’après de vagues souvenirs, à mentionner l’âge de la monarchie comme une chose incertaine et confuse, à l’appeler, comme l’a fait plus d’une fois le plus illustre, le plus populaire de ses devanciers, tantôt la monarchie de quatorze siècles, tantôt la monarchie de dix siècles ; car il sait, année par année et presque jour par jour, tous les événements accomplis depuis Clovis jusqu’à Louis XVI. […] Il ne voit dans la parole du Christ qu’un instrument de servitude ; il oublie, par une étrange aberration, qu’une foule de grands esprits ont cherché, ont trouvé dans la loi nouvelle, annoncée au monde, il y a dix-huit siècles, le germe de toutes les libertés.
Thiers est le grand historien militaire de ce siècle et de tous les siècles. […] Ce travail est tel que, si, dans cinq ou six siècles, un homme d’État ou un homme de guerre à venir veut se rendre compte, sans erreur et sans effort, de la formation d’une armée au dix-neuvième siècle, il n’aura qu’à ouvrir l’Histoire du Consulat et de l’Empire, et l’armée moderne lui apparaîtra tout entière, recrutée, vêtue, armée, montée, hiérarchisée, disciplinée, commandée, vivant et combattant, comme ces modèles d’anatomie que l’on dévoile dans les musées pour découvrir aux initiés de la science les mystères de la structure humaine. […] Thiers possède ces trois vertus de l’homme d’État et de l’historien à un degré très rare chez ce qu’on appelle les hommes de la tribune ; il fait plus qu’en avoir la foi, il en a l’intelligence, il en a l’audace ; il les confesse hardiment et fièrement devant un siècle qui les oublie trop souvent, et il les réhabilite avec une grande évidence de conviction.
Stéphane Mallarmé Deux fois, durant ce siècle, un étrange phénomène a été produit — d’abdication artistique. […] Mais l’éducation française — et du léger siècle — rendit sa métaphysique fort simple, aisément explicable dans la forme, encore, du Roman. […] La doctrine de Jésus ne peut contrarier en aucune façon les hommes de notre siècle sur leur manière d’envisager le monde ; elle est d’avance d’accord avec leur métaphysique, mais elle leur donne ce qu’ils n’ont pas, ce qui leur est indispensable et ce qu’ils cherchent : elle leur donne le chemin de la vie, non pas un chemin inconnu, mais un chemin exploré et familier à chacun (p. 242). […] Chassons les héréditaires fantômes qui nous font, depuis des siècles, mépriser cette notre vie, au nom de vaines et dégradantes vies ultérieures.
L’ordre chronologique est comme une sorte de biographie de la pensée… Malheureusement cet ordre manque entièrement pour Shakespeare, ce poète moderne aussi peu connu qu’un Ancien, dont nous ne sommes séparés que par les quarante-huit heures de deux siècles, mais qui, en bien des choses, est, pour nous, aussi mystérieux que s’il était reculé et enfoncé dans l’ombre du temps. Trop au-dessus de son époque pour en être bien vu et la préoccuper, car l’ingratitude des hommes n’est souvent que de la distraction ou de l’inintelligence, Shakespeare fut moins méconnu qu’inconnu de son siècle. Rose restée cent ans en bouton, sa gloire n’a fleuri dans toute l’ampleur de sa corolle que vers la fin du siècle dernier, mais depuis qu’elle ombrage la terre, depuis que, comme l’a dit Emerson, je crois, tout le monde intellectuel s’est shakespearisé, les critiques en masse se sont abattus sur le grand mûrier des bords de l’Avon pour en déchiqueter les feuilles gigantesques sous leurs analyses. […] On la trouve plus ou moins enveloppée dans les premiers critiques anglais ou allemands qui aient réagi en faveur de Shakespeare, si longtemps méconnu dans le pays qui fait des lords avec des Macaulay et de simples baronnets avec des Walter Scott, et méconnu même des plus grands ; car, au commencement de ce siècle, Lord Byron lui-même osait placer Pope au-dessus de Shakespeare !
Au dernier siècle, quand de jeunes Français allaient à Rome où le cardinal de Bernis résida comme ambassadeur de France à dater de 1769, et où il ne mourut qu’en 1794, un de leurs premiers désirs, c’était de lui être présentés, et une des premières choses qu’ils trouvaient d’ordinaire à lui dire, c’était de le remercier du plaisir que leur avaient fait ses jolis vers ; ils s’étonnaient ensuite que le prélat ne répondît point à ce compliment comme ils auraient voulu, et qu’il gardât toute son amabilité et toute sa grâce pour d’autres sujets de conversation. […] Jusque-là il était abbé comme on l’était volontiers alors, ayant le titre et quelques bénéfices ; mais il n’était point lié à son état, il n’était prêtre à aucun degré ; et en 1755, à l’âge de quarante ans, on le voit hésiter beaucoup avant de franchir ce pas dont il sent le péril, et d’où sa délicatesse d’honnête homme l’avait tenu éloigné jusque-là : « Je me suis lié à mon état, écrit-il à Pâris-Duverney (le 19 avril 1755), et j’ai mis moi-même dans cette démarche tant de réflexions que j’espère ne m’en repentir jamais1. » Quant aux petits vers galants, ils sont de sa première jeunesse ; il cessa d’en faire à l’âge de trente-cinq ans : J’ai abandonné totalement la poésie depuis onze ans, écrit-il à Voltaire en décembre 1761 ; je savais que mon petit talent me nuisait dans mon état et à la Cour ; je cessai de l’exercer sans peine, parce que je n’en faisais pas un certain cas, et que je n’ai jamais aimé ce qui était médiocre ; je ne fais donc plus de vers et je n’en lis guère, à moins que, comme les vôtres, ils ne soient pleins d’âme, de force et d’harmonie ; j’aime l’histoire… Il y a donc, avant tout, quand on parle de Bernis, à bien marquer les époques, si l’on veut être juste envers un des esprits les plus gracieux et les plus polis du dernier siècle, envers un homme d’une capacité réelle, plus étendue qu’on ne pense, et qui sut corriger ses faiblesses littéraires ou ses complaisances politiques par une maturité décente et utile, et par une fin honorable.
Il n’est pas possible, même après un siècle, de lire une certaine lettre de Bernis à Choiseul du 31 mars sans rougeur. […] Et puis Bernis conclut par quelques mots, ou du moins il rend justice au génie, si plein de ressort, de la race française : « Il faudrait changer nos mœurs, s’écrie-t-il, et cet ouvrage, qui demande des siècles dans un autre pays, serait fait en un an dans celui-ci, s’il y avait des faiseurs. » Cette remarque est profondément vraie, en l’appliquant je ne dis pas aux mœurs, mais aux sentiments et à l’esprit de notre nation, qu’on a vue plus d’une fois se retourner tout d’un coup et en un instant sous une main puissante.
Il mourut en février 1670, à l’âge de quatre-vingt-un ans, en plein siècle de Louis XIV. […] Tout au contraire de Racan, il se tourmente et se consume autant que l’autre se distrayait aisément et s’oubliait : « Je suis venu trop tôt ou trop tard au monde, s’écriait-il ; tout autre siècle que celui-ci eût rougi de me laisser vieillir dans le village. » Sa plus grande crainte est de passer pour gascon et pour avoir des gasconismes dans son langage ; il est le premier à demander grâce et à s’excuser de ses rudesses ; mais, si on le prend au mot et qu’on paraisse lui en trouver en effet, il prétend aussitôt qu’il n’en a pas, et il met au défi toute l’Académie pour la politesse de la diction et l’exactitude.
Elle s’est trouvée ensevelie dans une âpre et impitoyable famine, et en sa fin a acquis par sa constance une plus longue vie dans la renommée des siècles à venir que celles qui, aujourd’hui, prospèrent dans le siècle présent.
Sans le vouloir, elle passe à la Cour, a la ville, chez l’étranger, et dans la République des Lettres pour une des premières femmes de sa nation et de son siècle. […] cette femme si répandue, si fêtée et adorée, cette Idole, pour l’appeler encore une fois par son nom, qui, dans le plus éclairé des siècles, s’était attachée, par les liens durables de l’estime, des princes et des monarques, des philosophes et des lettrés célèbres ; qui faisait les délices ou l’envie du beau monde qui l’entourait ; que l’on cultivait et que l’on courtisai !
Son âme généreuse et fière appartenait à ces siècles de grandeur et de gloire que j’ai cherché à faire connaître. Né comme par miracle hors de son siècle, il appartenait tout entier à des temps qui ne sont plus, et il avait été donné à l’Italie comme un monument de ce qu’avaient été ses enfants, comme un gage de ce qu’ils pouvaient être encore.
Sur la fin de ce séjour et pendant l’exercice de cette garnison si bien établie et consolidée, Louis XIV jugea à propos de le détacher pour lui confier le commandement de la petite armée qu’il envoya en 1686 au duc de Savoie : elle devait l’aider à chasser des vallées des Alpes les religionnaires désignés sous le nom de Vaudois et qui vivaient là cantonnés depuis des siècles ; on les appelait aussi Barbets les jours de mépris et d’insulte, à cause de l’ancien nom de leurs pasteurs (barbas). […] Les ambassadeurs suisses firent alors un dernier et suprême effort de médiation ; dans une lettre des plus pressantes qui fut lue en chaire par toutes les paroisses vaudoises, ils disaient81 : « Nous avons vu que vous avez beaucoup de peine à vous résoudre de quitter votre patrie, qui vous est d’autant plus chère que vos ancêtres l’ont possédée par plusieurs siècles et défendue valeureusement avec la perte de leur sang ; que vous vous confiez que Dieu, qui les a soutenus plusieurs fois, vous assistera aussi et que vous appréhendez même qu’une déclaration pour la sortie ne soit qu’un piège pour vous surprendre et accabler : nous vous dirons pour réponse que nous convenons avec vous que la loi qui oblige à quitter une chère patrie est fort dure ; vous avouerez que celle qui oblige à quitter l’Éternel et son culte est encore plus rude, et que de pouvoir faire le choix de l’un avec l’autre est un bonheur qui, en France, est refusé à des personnes de haute naissance et d’un éminent mérite, et qui s’estimeraient heureuses si elles pouvaient préférer une retraite à l’idolâtrie. » Quelle tache et quelle honte pour la France de Louis le Grand qu’une atroce injustice comme celle-ci trouve presque à se glorifier et à s’absoudre par l’exemple d’une injustice plus abominable encore, dont elle offrait alors au monde l’odieux et parfait modèle !
Ce contemporain, dont le nom n’étonnera que ceux qui n’ont lu aucun de ses trois ouvrages caractéristiques, et qu’un instinct heureux de fureteur ou quelque indication bienveillante n’a pas mis sur la voie des Rêveries, d’Oberman et des Libres Méditations ; l’éloquent et haut moraliste qui débuta en 1799 par un livre d’athéisme mélancolique, que Rousseau aurait pu écrire comme talent, que Boulanger et Condorcet auraient ratifié comme penseurs ; qui bientôt, sous le titre d’Oberman, individualisa davantage ses doutes, son aversion sauvage de la société, sa contemplation fixe, opiniâtre, passionnément sinistre de la nature, et prodigua, dans les espaces lucides de ses rêves, mille paysages naturels et domestiques, d’où s’exhale une inexprimable émotion, et que cerne alentour une philosophie glacée ; qui, après cet effort, longtemps silencieux et comme stérilisé, mûrissant à l’ombre, perdant en éclat, n’aspirant plus qu’à cette chaleur modérée qui émane sans rayons de la vérité lointaine et de l’immuable justice, s’est élevé, dans les Libres Méditations, à une sorte de théosophie morale, toute purgée de cette âcreté chagrine qu’il avait sucée avec son siècle contre le christianisme, et toute pleine, au contraire, de confiance, de prière et de douce conciliation ; fruit bon, fruit aimable d’un automne qui n’en promettait pas de si savoureux ; cet homme éminent que le chevalier de Bouflers a loué, à qui Nodier empruntait des épigraphes vers 1804 ; que M. […] En 1785, il entra au collége de la Marche, où il demeura quatre ans à faire ses humanités, jusqu’en juillet 89, studieux écolier, incapable d’un bon vers latin, mais remportant d’autres prix, et surtout dévorant Malebranche, Helvétius et les livres philosophiques du siècle ; ses croyances religieuses étaient, dès cet âge, anéanties.
Indépendamment du petit roman que j’ai tâché d’y faire saillir et d’en extraire, on trouvera avec plaisir dans ces volumes bien des anecdotes et des traits qui peignent le siècle. […] Les volumes de Lettres de Mme Roland nous arrivent tout tachetés de ces mouillures qui sautent d’abord aux yeux ; ce sont les lieux-communs de son siècle ; il n’y a que plus de fraîcheur et de grâce dans les traits originaux sans nombre dont ils sont rachetés.
Enfin, si on calcule par la pensée l’incalculable ondulation de ces vagues succédant aux vagues qui battent depuis le commencement du monde de leur flux et de leur reflux les falaises dont les granits pulvérisés sont devenus un sable impalpable à ces frôlements de l’eau, on s’égare dans la supputation des siècles et on a quelque sentiment de l’étendue. — Émotion ! […] Une persécution dont deux siècles n’ont pu effacer l’effroi dans la mémoire de ces provinces, consternait une partie du Languedoc et du Vivarais.
Du Vair est un orateur moraliste : lorsqu’il prend son thème dans la Bible, il donne de beaux modèles d’éloquence religieuse, dans un genre auquel le siècle classique devra un de ses chefs-d’œuvre247. […] Bien assurée de ce côté, la raison, mûrie dans les agitations du siècle et l’étude des anciens, se reconnaît juge souveraine de la vérité qu’on peut connaître, et la littérature s’imprègne d’un rationalisme positif et scientifique.
La première différenciation est celle qui s’opère entre le gouvernant et les gouvernés ; elle grandit, l’autorité devient héréditaire, le roi prend un caractère presque divin ; car la religion et le gouvernement sont à cette époque intimement associés ; et pendant des siècles les lois religieuses et les lois civiles se séparent à peine. […] Ces arts se sont séparés dans la suite des siècles ; l’écriture s’est même transformée par l’imprimerie. « Quelque dissemblables que nous paraissent aujourd’hui le buste placé sur la console, le tableau pendu contre le mur, le numéro du Times posé sur la table ; ils sont parents de loin, non-seulement par nature, mais par origine. » La poésie, la musique et la danse formaient aussi à l’origine un groupe inséparable.
La guerre que ce siècle lui livre est si urgente et si acharnée, qu’il y envoie ses conscrits. […] Car il est l’enfant du siècle, dont le plus grand philosophe a donné du mariage cette définition redoutable : « Le mariage est une société de commerce instituée pour supporter en commun les frais de la vie. » De temps en temps, sa jeunesse matée se cabre, s’insurge, se remet à jeter la gourme et le feu ; mais la triste raison de sa mère le ramène bientôt dans l’étroite ornière.
Si nos lecteurs n’ont pas tout à fait oublié un charmant Portrait, que nous avons cité autrefois, d’une grande dame du xviie siècle, se dépeignant elle-même, la marquise de Courcelles4, ils peuvent se représenter les deux tons et les deux siècles dans leur parfaite opposition : d’un côté, la grâce fine, délicieuse et légère ; de l’autre, des traits plus fermes, plus dessinés, nullement méprisables, et un tour de grâce auquel il ne manque qu’une certaine négligence aisée et naturelle. […] Je ne l’aime pas quand elle est en adoration devant son idole, quand elle lui parle solennellement de l’univers, quand à propos d’un imprimé de lui, qu’il lui fait parvenir par la petite poste, elle s’écrie : « J’ai soupiré de ne pouvoir pas prendre l’univers à témoin d’une distinction si flatteuse. » Elle me paraît peu aimable quand elle lui dit encore : « Vous avez le plus beau génie du siècle ; moi j’ai le meilleur cœur du monde… Vous êtes digne qu’on vous élève des statues ; moi je suis digne de vous en élever. » Tout cela est déclamatoire, comme une page même de Jean-Jacques.
Montesquieu, après la publication de L’Esprit des lois, écrivait à l’abbé de Guasco, qui était alors en Angleterre : « Dites à milord Chesterfield que rien ne me flatte tant que son approbation, mais que, puisqu’il me lit pour la troisième fois, il ne sera que plus en état de me dire ce qu’il y a à corriger et à rectifier dans mon ouvrage : rien ne m’instruirait mieux que ses observations et sa critique. » C’est Chesterfield qui, parlant un jour à Montesquieu de la promptitude des Français pour les révolutions et de leur impatience pour les lentes réformes, disait ce mot qui résume toute notre histoire : « Vous autres Français, vous savez faire des barricades, mais vous n’élèverez jamais de barrières. » Lord Chesterfield goûtait certes Voltaire ; il disait à propos du Siècle de Louis XIV : « Lord Bolingbroke m’avait appris comment on doit lire l’histoire, Voltaire m’apprend comment il faut l’écrire. » Mais en même temps, avec ce sens pratique qui n’abandonne guère les gens d’esprit de l’autre côté du détroit, il sentait les imprudences de Voltaire et les désapprouvait. […] Ce que je pourrais bien prédire, ajoute Chesterfield, c’est qu’avant la fin de ce siècle le métier de roi et de prêtre déchoira de plus de la moitié ».
Voltaire eut le malheur de s’en charger, et tout son siècle celui d’y applaudir. […] Il y a dans un siècle de ces courants d’influence morale auxquels on n’échappe pas.
Il faut absolument que je fasse ce qu’il détestait le plus quand cela n’était pas à deux siècles au moins de distance, une biographie ou du moins quelque chose qui y ressemble, et qui rende quelque vie, quelque physionomie, à ce qui de soi seul parlerait peu. […] Bazin est tout différent ; en s’attaquant directement aux mœurs du siècle, l’auteur a trouvé sa matière.
Jasmin, né à Agen vers la fin du dernier siècle, est un homme qui doit avoir environ cinquante et un ans, mais plein de feu, de sève et de jeunesse ; à l’œil noir, aux cheveux qui, il y a peu de temps, l’étaient encore, au teint bruni, à la lèvre ardente, à la physionomie franche, ouverte, expressive. […] Il eut à se défaire lui-même de ses premières habitudes, à débarrasser la superficie de la pierre, comme il dit, de ces couches étrangères qu’y avaient appliquées deux siècles civilisateurs.
Rien n’est moins convaincant que toute cette plaidoirie de l’auteur en faveur des Templiers : il veut tout rejeter sur les accusateurs, sur l’esprit d’un siècle ignorant, et il ne nous peint en rien ni ce siècle même, ni cet ordre orgueilleux et scandaleux, qui devait en tenir par plus d’une grossièreté et d’un abus ; il n’aborde en rien la réalité des accusations, il s’en prend toujours à la manière injuste, illégale et cruelle dont on s’est servi pour arracher aux membres certains aveux.
. — Après Buffon, celui que Le Brun admirait le plus dans son siècle, c’était Montesquieu : il l’a rangé quelque part avec Bossuet au premier rang des génies lyriques, si tous deux avaient voulu l’être. […] Honneur pourtant à lui, quoi qu’on puisse dire bientôt à sa charge, et quoi que nous allions dire nous-même, honneur au poète pour avoir conçu, en ce siècle de raisonnement et de bel esprit, à cette époque de cabale et d’enrôlement universel, une telle idée d’une vocation calme, sereine et recueillie !
Cette famille de Viesse était originaire des Pays-Bas, et habitait la Bourgogne depuis trois siècles. […] Ce vieux chevalier de Saint-Louis avait, en effet, des idées philosophiques et politiques ; il était de son siècle par les idées, sinon par les mœurs.
Je ne vous oublierai point, vous qui m’avez fait jouir pendant un moment des délices d’un siècle, vous mes seuls bienfaiteurs ! […] Voltaire, qui n’a fait qu’assister à la naissance de ce style et qui s’en est raillé, ne l’a pas vu dans son développement et dans tout son beau ; il était venu à temps, dans sa jeunesse, pour corriger le goût public du précieux de Fontenelle : il a fait défaut, un siècle après, pour percer à jour cette forme de bel esprit plus sérieuse, et pour faire opposition, par son exemple, à des Fontenelle bien autrement prépondérants.
Le comte de Münnich paraît vouloir faire l’Alexandre de ce siècle… Il y a un bonheur à venir à propos dans le monde, sans quoi on ne fait jamais rien. Le prince d’Anhalt, qui est peut-être le plus grand général du siècle, demeure dans une obscurité dont lui seul peut ressentir tout le poids ; et d’autres, qui ne le valent pas de bien loin, sont les arbitres de la terre.
Au siècle où nous sommes, ce pouvoir doit-il rentrer au repos ? […] Amnistie, clémence, grandeur d’âme, une ère de félicité s’ouvre, on est paternel, voyez tout ce qui est déjà fait ; il ne faut point croire qu’on ne marche pas avec son siècle, les bras augustes sont ouverts, rattachez-vous à l’empire ; la Moscovie est bonne, regardez comme les serfs sont heureux, les ruisseaux vont être de lait, prospérité, liberté, vos princes gémissent comme vous sur le passé, ils sont excellents ; venez, ne craignez rien, petits, petits !
Quel combat doit s’être livré pendant de longs siècles entre les différentes espèces d’arbres, chacune d’elles répandant annuellement ses graines par milliers ! […] Qu’on jette en l’air une poignée de plumes, et chacune d’elles tombera à terre d’après des lois définies ; mais combien le problème de leur chute est simple auprès de celui des actions et réactions des plantes et des animaux sans nombre qui ont déterminé, pendant le cours des siècles, les nombres proportionnels et les espèces des arbres qui croissent maintenant sur les ruines indiennes !
Je crois avoir déjà remarqué dans quelques-uns de mes papiers, où je m’étais proposé de montrer qu’une nation ne pouvait avoir qu’un beau siècle, et que dans ce beau siècle un grand homme n’avait qu’un moment pour naître, que toute belle composition, tout véritable talent en peinture, en sculpture, en architecture, en éloquence, en poésie, supposait un certain tempérament de raison et d’enthousiasme, de jugement et de verve, tempérament rare et momentané, équilibre sans lequel les compositions sont extravagantes ou froides.
Mais comment s’accoutumer à entendre une élève de ce beau siècle et de ce beau lieu dire de ces mots comme impressionner, animation, etc. ?
Que les gens du siècle et les philosophes, et les chrétiens dissidents, ne s’étonnent pas trop de retrouver le clergé français si puissant : un tel corps ne s’écrase pas aisément, il renaît bien des fois ; c’est déjà beaucoup que ce clergé et les intérêts d’ambition encore plus que de conscience qu’il représente, ne soient plus qu’à l’état de parti.
Floquet, dans son zèle si méritoire, la redécouvrît en quelque sorte, l’exhumât laborieusement avec les preuves, les témoignages sans nombre, et de manière à nous prouver sans réplique que Bossuet avait précédé les autres grands prédicateurs de son siècle par le talent comme par la renommée, et qu’il s’était précédé lui-même, à ne considérer que la portion restée la plus glorieuse de sa carrière.
Par lui, les grandes phases de l’histoire des nations, les monuments de leurs lois, la série des législateurs et des philosophes, tout ce que le travail continu des siècles a apporté d’indestructibles matériaux à l’édifice du nôtre ; par lui, tout ce fortifiant spectacle n’a cessé de se dérouler aux regards des jeunes intelligences que la vue seule du présent pouvait décourager ou irriter outre mesure : leur devancier à peine de dix ans, l’ardent professeur les a constamment échauffées pour la science et pour l’avenir.
Trousseau, dès le milieu du siècle, avait signalé l’abus de cette méthode qui torture la langue grecque et entasse les savants solécismes.
M. l’abbé Delille fut éminemment romain ; tique pour le siècle de Louis XV.
Et voici les premières lignes : « Tous les observateurs ont remarqué ce qu’il y a de troublant, d’alliciant et de profondément nostalgique dans le regard des femmes qui offrent cette particularité d’avoir des yeux bleus avec des cheveux bruns, surtout quand ces femmes appartiennent à une race douloureusement affinée par des siècles de vie élégante et artificielle.
Oui, c’est bien, avec une science plus vive et une plus large intelligence des choses, l’état d’esprit de certains philosophes du siècle dernier, de Diderot souvent, ou de Condorcet affirmant sa croyance au progrès indéfini… Et voici où le livre de jeunesse de M.
Perdons l’habitude de considérer comme stupide et comme ennemi quiconque n’entend pas et ne ressent pas le beau tout à fait comme nous, ce beau que, depuis vingt-quatre siècles, les philosophes ne sont pas parvenus à définir proprement.
Des saxes légers, un Lancret, des musiques puériles et douces qu’on dirait de Dalayrac ou de Monsigny (Poème xviiie , Francœur et La Ramé, la Petite Sylvia, l’Äme de Manon, Au meunier, Il était une bergère, le Miroir de Cydalise, etc.) évoquent la frêle inconscience des heureux d’un siècle que devait finir la Révolution.
Pendant un quart de siècle, quelques écrivains laborieux et artistes ont fait, pour le roman, pour le théâtre, pour la langue française, de braves efforts et de réelles conquêtes.
François Coppée, Catulle Mendès, Anatole France, Armand Silvestre, qui, depuis un quart de siècle, règnent despotiquement sur la presse et qui n’ont usé de leur toute-puissance que pour organiser autour des talents indépendants la conspiration du silence, comme s’ils tremblaient de se diminuer en accueillant les jeunes chez qui leur jalousie inquiète ne leur laisse voir que des rivaux !
Quand on pense que le travail intellectuel de siècles et de pays entiers, de l’Espagne, par exemple, s’est consumé lui-même, faute d’un objet substantiel, que des millions de volumes sont allés s’enfouir dans la poussière sans aucun résultat, on regrette vivement cette immense déperdition des forces humaines, qui a lieu par l’absence de direction et faute d’une conscience claire du but à atteindre.
Avec un million, je ferais traduire le Talmud, publier les Védas, le Nyaya avec ses commentaires et accomplir une foule de travaux qui contribueraient plus au progrès de la science qu’un siècle de réflexion métaphysique.
Une preuve qu’elle l’exerça justement, c’est que, pendant plus d’un siècle, la pièce fut éliminée du théâtre : et certainement ce ne fut pas faute d’esprit, de gaîté, de talent, car la scène de l’interrogatoire est, indécence à part, une des plus comiques du théâtre de Molière.
* * * Cependant, de nouveaux poètes bâtissent le siècle.
Combien de chagrins se fût épargné Montmaur, s’il eût voulu retenir sa langue & ne pas succomber à la tentation qu’ont souvent les plus minces auteurs de s’ériger en Lucien de leur siècle ?
Beaucoup d’érudition Grecque & Latine, mais une érudition sans choix, très-peu de discernement, une présomption sans bornes, un fonds caché de jalousie d’auteur, un penchant insurmontable à les vouloir tous régenter ; voilà ce qui caractérise le fameux Aristarque de son siècle.
Ce dernier, le vrai Pitaval de son siècle, voulant prouver que notre langue ne céde en rien à celle des Romains, eut l’imbécillité de citer ses propres écrits.
Nous savons que le siècle appelle cela le fanatisme ; nous pourrions lui répondre par ces paroles de Rousseau : « Le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel 49, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l’homme et qui lui fait mépriser la mort ; qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus ; au lieu que l’irréligion, et en général l’esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société : car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu’il ne balancera jamais ce qu’ils ont d’opposé50. » Mais ce n’est pas encore là la question : il ne s’agit à présent que d’effets dramatiques.
Celui qui devance son siècle, celui qui s’élève au-dessus du plan général des mœurs communes doit s’attendre à peu de suffrages, il doit se féliciter de l’oubli qui le dérobe à la persécution.
On est tenté de prendre pour la belle nature celle qu’on a toujours vue : cependant le modèle primitif n’est d’aucun siècle, d’aucun pays.
Pélissier ; ce n’était l’avis ni de Chateaubriand, ni de Mme de Staël, ni de Chénier, qui non seulement croyaient qu’on peut demander des leçons aux grands écrivains, mais conseillaient même d’étudier leurs manuscrits. « Je conseillerais, dit Chateaubriand, l’étude des manuscrits originaux des auteurs du grand siècle.
Nous lui devons les plus belles études qui aient été publiées de notre temps sur les grands auteurs classiques des dix-huitième et dix-neuvième siècles, à tous les points de vue, son opinion m’était donc précieuse.
Transporté de honte pour le compte du genre humain, cet homme, qui était un écrivain du talent le plus élevé, résolut d’arracher, dans la mesure de ses forces, Christophe Colomb à la destinée de silence et d’ingratitude qui pesait depuis près de quatre siècles sur sa mémoire, et qui avait mis la grandeur de l’oubli en proportion avec la grandeur du service rendu par lui au monde tout entier.
Victor Hugo est resté après les Misérables le Victor Hugo qu’il était avant, c’est-à-dire un homme très capable de nous donner un grand livre après un mauvais, comme il nous a donné la Légende des siècles après les Contemplations, tandis qu’Ernest Renan, qui n’est pas de cette taille de génie, a été tué net sur le livre qu’il a fait et qu’il lui est impossible de surpasser… Pour faire plus de bruit, Renan a crevé son tambour.
Cette nouvelle ne vous sera pas désagréable… Je prétends que, pour me donner une sensibilité pour Dieu que je n’ai point encore, et sans laquelle je ferois pourtant l’action que je vous ai dite, si l’on avoit la paix, vous me fassiez la grâce de m’écrire souvent et de me confirmer dans l’horreur que j’ai pour le siècle. […] Elle en sortait de temps en temps, et revenait faire des séjours aux Carmélites, où elle voyait successivement passer comme un convoi des grandeurs du siècle, Mme de La Vallière y prendre le voile, et peu après arriver le cœur de Turenne, — ce cœur, qu’hélas ! […] Oraison funèbre d’Anne de Gonzague, depuis ces mots : « Pour la plonger entièrement dans l’amour du monde…, » jusqu’à cette phrase : « O éternel Roi des siècles, voilà ce qu’on vous préfère, voilà ce qui éblouit les âmes qu’on appelle grandes !
Entre les anciens que j’ai cités et les modernes les plus récents, entre Aristide, Épaminondas d’une part, et Fénelon ou Jean-Jacques de l’autre, il plaçait encore Bélisaire ; le reste de l’histoire des siècles intermédiaires n’existait à ses yeux que comme une agitation inutile et insensée. […] Bernardin n’a pas non plus médiocrement agi sur d’autres écrivains formés vers cette fin du siècle, et moins connus comme peintres qu’ils ne mériteraient, sur Ramond, sur Sénancour. […] Je ne prétends point pourtant, dans cette allusion au Consul romain, adopter en tout les plaisanteries de Juvénal et des écrivains du second siècle sur les vers de Cicéron.
L’alliance russe, toujours en perspective, a reculé pour nous dans un horizon de plusieurs siècles ; et pourquoi ? […] Ces considérations, je les récapitule en finissant : L’alliance russe est prématurée de plusieurs siècles pour la France. […] XXVIII Ce seul article tiendra l’Europe en repos pendant un siècle ; car ce sera la coalition éventuelle de six cent mille soldats de l’Autriche avec six cent mille soldats de la France.
Le sort en est jeté, j’écris ce livre : qu’il soit lu par mes contemporains ou par la postérité, n’importe ; il peut bien attendre un lecteur pendant un siècle, puisque Dieu lui-même a manqué, durant six mille années, d’un contemplateur tel que moi. » Cette expression hardie d’un orgueilleux enthousiasme prouve la force intérieure du génie. […] Le siècle entier porta ce deuil de famille ; elle n’eut ni les funérailles populaires de Mirabeau, ni les funérailles littéraires de Voltaire, mais elle eut les pieuses funérailles de fille, d’épouse, de mère, sous les chênes de Coppet, au pied du cercueil de son père, sur les bords de ce lac, en face de ces Alpes, où sa mémoire se confond à jamais avec celle de J. […] Fille d’un ministre dont elle respira en naissant la popularité, favorite d’une nation qui flattait en elle son père, élevée sur les genoux des grands, des philosophes, des poëtes, habituée à entendre les premiers balbutiements de sa pensée applaudis comme des oracles de talent ; mêlée, sans en être trop rudoyée, au commencement d’une révolution qui grandit tout ce qu’elle touche, ses apôtres comme ses victimes ; abritée de la hache pendant les proscriptions par le toit paternel, au sein d’une nature poétique, écrivant dans le silence de cette opulente retraite des ouvrages politiques ou littéraires égaux aux plus beaux monuments de son siècle ; ne subissant qu’un peu les inconvénients de trop de gloire, en butte à une de ces persécutions modérées qui méritent à peine le nom de disgrâce, et qui donnent à celle qui les subit la grâce de la victoire sans les rigueurs de l’adversité ; vengée par l’Europe, de son ennemi, qu’elle a la consolation de voir tomber et de plaindre, remplissant le monde de son bruit, et mourant encore aimée dans son triomphe et dans son amour.
Le Siècle du 31 juillet : « Bühneufestspiel » chronique de M. […] Vous connaissez le sujet de Tristan et Iseult dont j’ai quelquefois entretenu les lecteurs du Siècle, et vous savez que le clou de la pièce qui remplit le premier acte est l’accès de delirium tremens qui s’empare de Tristan et d’Iseult après qu’ils ont bu d’une certaine préparation pharmaceutique. […] (Signé H.H.) » Le Siècle du 6 septembre : feuilleton musical de M.
Octave Mirbeau : Le patriotisme, une des plus étranges manies de cette fin de siècle… Wagner est assurément la plus sublime expression de l’Art au dix-neuvième siècle… 6 avril, l’Événement : article de M. […] 18 avril, le Siècle : feuilleton de M. […] Henry Fouquier). « … Cette œuvre, il est de notre dignité et de notre intérêt de l’entendre et de la connaître… » Même jour, XIXe Siècle : article de M.
Le soir, encastré debout entre un meuble et la cheminée, il regrette spirituellement, une pipe aux dents, le siècle passé, et déplore sa peine à travailler, emporté perpétuellement par l’école buissonnière, et toutes les recherches de circumvallation, que lui fait faire une brochure trouvée sur les quais. […] Puis sa parole va aux élections, et il empoigne amicalement Jourde, le directeur du Siècle, qui est là, sur le manque d’indépendance de sa feuille, sur son aplatissement devant les exigences des amis de Louis Blanc et autres. […] Dans un moment où ils étaient seuls, le gendarme, étendant la main vers les reliures en bois et les reliures en peau de truie des antiques manuscrits des vieux siècles, dit à Renan : « Monsieur, tous ces ouvrages, je pense, sont les livres couronnés par l’Académie ?
Le christianisme rappelle un énorme rocher ramantiquer effrité qui chancelle dans sa base sous la poussée la plus légère, et qui pourtant a pu survivre des centaines de siècles parce que ses excroissances extraordinaires aplanies avec le temps, lui assurent la stabilité. […] Giotto a vécu dans une cité plus morne qu’Euripide, mais dans un monde plus gai… La gigantesque figure qui couvre de son ombre l’Evangile s’élève, à tous les points de vue, au-dessus des penseurs de tous les siècles. […] « Soldats… Du haut de ces Pyramides… Quarante siècles vous contemplentv » C’était le cri du plus grand guerrier et d’un grand homme.
C’est la disparition volontaire d’un homme qui marchait au premier rang de l’état-major intellectuel de son siècle, et qui se jette dans le trou de sa décadence, dans ce byzantinisme encore plus honteux que celui de la décrépite Byzance ; car le sien, à Byzance, s’exerçait sur les choses sacrées, sur la théologie, sur la science de Dieu, et le nôtre, à nous, sur quelles chichetés s’exerce-t-il ? […] Si le grand acteur tragique du commencement du siècle qui regardait ses pleurs couler et les étudiait derrière le cercueil de son père, pour pleurer de même dans Hamlet, nous paraît d’un génie atroce, il y a plus atroce encore : et c’est la comédienne attendrie que vous croyez compatissante, et qui étudie dans vos yeux, sans que vous puissiez vous en douter, l’expression de l’amour affligé ou jaloux que vous avez pour elle, pour vous la voler, cette détrousseuse d’émotion, et aller au théâtre la jouer le même soir ! […] D’un autre côté, le dénouement pathologique est une des faiblesses ordinaires des naturalistes, qui ne croient qu’aux faits de la matière, et celui de M. de Goncourt en rappelle d’autres antérieurement connus : le delirium tremens de L’Assommoir, et la mort de la rage, dans un des romans les plus passionnés de Léon Cladel… Conséquences inévitables du naturalisme, qui se dit, malgré son ignorance, expérimental et scientifique, nous serons peut-être obligés de faire prochainement, dans les livres qui s’adressaient autrefois au cœur ou à l’esprit, le tour des maladies humaines, et nos romans ne seront plus que de dégoûtantes nosographies… M. de Goncourt, l’auteur de la Sœur Philomène, marqué depuis longtemps de ce carabinisme qui a aussi timbré Sainte-Beuve, devait prendre très facilement le fil d’un siècle qui allait, de toutes parts, aux préoccupations physiques, et qui ne trouve plus d’autre terrible et d’autres sources de pathétique, dans ses romans de sentiment et de passion, que la hideuse mort animale de ses héros.
II Le siècle. […] Chaque siècle joue la sienne et fabrique un beau type : celui-ci le chevalier, celui-là l’homme de cour. […] Chose inouïe dans ce siècle, il imagine le physique, comme Victor Hugo ; sans métaphore, ses portraits sont des portraits : « Harlay était un petit homme, vigoureux et maigre, un visage en losange, un nez grand et aquilin, des yeux beaux, parlants, perçants, qui ne regardaient qu’à la dérobée, mais qui, fixés sur un client ou sur un magistrat, étaient pour le faire rentrer en terre ; un habit peu ample, un rabat presque d’ecclésiastique, et des manchettes plates comme eux, une perruque fort brune et fort mêlée de blanc, touffue mais courte, avec une grande calotte par-dessus.
Ce pauvre Musset avait tort : D’un siècle sans espoir naît un siècle sans crainte. Ce n’est pas cela du tout : D’un siècle plein d’espoir naît un siècle désespéré. […] Le grand fait des troisième et quatrième siècles, c’est la diminution de l’idée d’État. […] Devant le Siècle contient des études diverses sur le Directoire. […] Tous ils sont modernes, très modernes, tout à fait de leur siècle.
Coppée rappelle la Légende des Siècles en quelques-unes de ses poésies inférieures et dans son théâtre ; la facture grise de M. […] Le génie français avait imprégné Heine qui, à son tour, a laissé en France des traces qui, bien plus tard, ont abouti dans les dernières recherches d’art de ce siècle. […] Le Romantisme, après une pleine carrière de près d’un siècle, évolue et devient cet Art Nouveau complexe, diffus et compliqué dans ses orientations, mais qui a déjà fait sonner le nom de plusieurs poètes. […] Disons seulement que par-delà les rythmes anciens de la poésie classique, malgré les réactions d’archaïsme trop soumis, le Symbolisme vivra par le vers libre au prochain siècle. […] En détaillant avec trop de précision la chronique du mouvement nouveau, on risquerait de ressembler au Ballanche du commencement de ce siècle, et d’assimiler à de réels novateurs de modernes abbé Delille.
Regardez maintenant le grand artiste du siècle, un laborieux et consciencieux ouvrier, un partisan de Luther325, un véritable homme du Nord, Albert Dürer. […] Il va luire, ce jour, et les perçants rayons du dernier soleil jaillissent déjà, comme une poignée de dards, à travers les ténèbres du siècle. […] Par sa condition civile comme par son culte extérieur, elle en est embrassée et l’embrasse ; car elle a pour chef la reine, elle est un membre de la constitution, elle envoie ses dignitaires sur les bancs de la chambre haute ; elle marie ses prêtres ; ses bénéfices sont à la nomination des grands, ses principaux membres sont les cadets des grandes familles : par tous ces canaux, elle reçoit l’esprit du siècle. […] Supposez des hommes condamnés à mort, non pas à la mort simple, mais à la roue, aux tortures, à un supplice infini en horreur, infini en durée, qui attendent la sentence et savent pourtant que sur mille, cent mille chances, ils en ont une de pardon ; est-ce qu’ils peuvent encore s’amuser, prendre intérêt aux affaires ou aux plaisirs du siècle ? […] On croit revoir, en le lisant, les vieilles cartes géographiques du siècle où les profils saillants des cités anguleuses sont enfoncés dans le cuivre par un burin aussi sûr qu’un compas423.
Il a donc vu se dérouler près des trois quarts d’un siècle, et l’un de ceux des temps modernes les plus fertiles en grands événements. […] car je dois vous dire que d’ici à peu de jours j’ai résolu de quitter ces vêtements mesquins que je porte ainsi que tous les hommes de notre siècle. […] Rien dans l’ordre intellectuel ou physique ne naît de rien en ce monde, et la prétention la moins fondée et la plus nuisible, quand on veut établir solidement la réputation d’un homme de mérite, est d’affirmer qu’il a inventé à lui tout seul ce qui s’est fait dans le siècle où il a vécu. […] — Mais je vous peins pour votre siècle, pour des hommes qui vous ont vu, qui vous connaissent ; ils voudront vous trouver ressemblant. […] Cette scène muette, assez longue et qui sans doute parut durer un siècle à Girodet, ne put se prolonger longtemps ; David rompit le silence, se mit à faire un éloge simple, vrai et fort bien motivé de l’habileté extraordinaire que l’artiste avait déployée dans l’exécution difficile de l’ouvrage.
Je ne sais plus qui écrivit naguère je ne sais plus où que « Wagner, Tolstoï, Ibsen, voilà les trois génies du siècle ». […] Et puis il y a dans les Évangiles des paroles de Jésus qui ont été considérées comme divines, depuis dix-huit siècles, par d’innombrables âmes. […] Le Français croit qu’on n’a jamais su penser et vivre ailleurs qu’en France. » — « Je trouve toujours fort bon qu’un auteur soit de son pays et de son siècle. […] Ou bien on dit que le sentiment de la nature selon Michelet ou George Sand était dans Rousseau et, bien des siècles avant Rousseau, dans les poètes latins et grecs. […] Jalouse fait également songer aux jolies comédies qu’écrivaient, au siècle dernier, les Dufresny, les Boissy et les Fagan.
Malgré toutes les barrières que sa naissance érigeait entre elle et la foule, elle a subi la contagion du siècle. […] Choc pathétique entre une neuve intelligence et les antiques doctrines qui furent, à travers les siècles, l’aliment du cerveau des hommes ! […] Puis les siècles ont mis sur les pierres l’or pâle des mousses et ont achevé le chef-d’œuvre. » M. […] Ainsi ce petit livre, tout plein des voix du siècle, contribua à mon avancement spirituel, en me rappelant le devoir. […] Préférer « la vie » à « la perfection », et célébrer comme un des plus grands livres du siècle ce Bouvard et Pécuchet qui proclame le néant de l’action, le néant du sentiment, le néant de la pensée !
Saumaise a été un fameux critique dans le dixseptième siècle : c’est ce qui a doné lieu à ce vers de Boileau, aux saumaises futurs préparer des tortures, c’est-à-dire, aux critiques, aux comentateurs à venir. […] Ainsi l’on peut dire que chaque siècle a pu avoir ses critiques et son dictionaire néologique. […] La tête de cette statue étoit d’or, c’est le siècle d’or de la langue latine ; c’est le tems de Térence, de César, de Cicéron, de Virgile ; en un mot, c’est le siècle d’Auguste. […] Les jambes de la statue étoient de fer, et les piés partie de fer et partie de terre ; c’est le siècle de fer de la langue latine, pendant lequel les diférentes incursions des barbares plongèrent les homes dans une extrème ignorance ; à peine la langue latine se conserva-t-elle dans le langage de l’eglise. […] Dans le Ix siècle Hubaud religieux bénédictin de S.
Une vérité nouvelle, il y en a une, pourtant, qui est entrée récemment dans la littérature et dans l’art, c’est une vérité toute métaphysique et toute d’a priori (en apparence), toute jeune, puisqu’elle n’a qu’un siècle et vraiment neuve, puisqu’elle n’avait pas encore servi dans l’ordre esthétique. […] Villiers fut de son temps au point que tous ses chefs-d’œuvre sont des rêves solidement basés sur la science et sur la métaphysique modernes, comme l’Ève future, comme Tribulat Bonbomet, cette énorme, admirable et tragique bouffonnerie, où vinrent converger, pour en faire la création peut-être la plus originale du siècle, tous les dons du rêveur, de l’ironiste et du philosophe. […] L’ignominie du siècle exaspère le Latin épris de soleil et de parfums, de belles phrases et de beaux gestes et pour qui l’argent est de la joie qu’on jette, comme des fleurs, sous les pas des femmes, et non de la productive graine qu’on enterre pour qu’elle germe. […] Le roman de mœurs (je laisse en dehors trois ou quatre maîtres que je n’ai pas à juger ici) est tombé plus bas que jamais depuis un siècle et demi qu’il fut importé d’Angleterre. […] Leur crime, après tout, fut de ne pas vouloir « faire comme tout le monde » et il semble qu’elles l’aient assez payé cher, elles — et toute la poésie française qui, pendant un siècle et demi, craignit vraiment trop le ridicule.
Ce fait peut servir à relever la méprise de quelques écrivains modernes, qui rapportent que ce fut pour se conformer au goût général des savants de son siècle, qui étaient grands admirateurs des noms romains, qu’Alcuin prit celui de Flaccus Albinus. […] Certainement un étranger, peu versé dans la langue française, s’apercevrait facilement que la diction de Montaigne, c’est-à-dire du seizième siècle, approche plus de celle des bons écrivains du siècle de Louis XIV, que celle de Geoffroy de Villehardouin, qui écrivait dans le treizième siècle. […] Au reste, un homme d’esprit de ma connaissance voudrait qu’on étudiât et qu’on enseignât l’histoire à rebours, c’est-à-dire, en commençant par notre temps, et remontant de là aux siècles passés. […] De plus, quand on cite un mot ou un tour comme appartenant à un auteur qui n’a pas été du bon siècle, ou qui ne passe pas pour un modèle irréprochable, il faut marquer avec soin si ce tour ou ce mot a été employé par quelqu’un des bons auteurs, et citer l’endroit ; ou plutôt on pourrait, pour s’épargner cette peine, ne citer jamais un mot ou un tour comme employé par un auteur suspect, lorsque ce mot a été employé par de bons auteurs, et se contenter de citer ceux-ci. […] On assure que Leibnitz composa un jour une longue pièce de vers latins, sans se permettre une seule élision ; cette puérilité était indigne d’un si grand homme et de son siècle.
Ce sont moins des remarques, dit-il, que des doutes : « J’aime votre gloire, c’est ce qui me rend peut-être trop difficile. » Puis il félicite Voltaire de ce talent que Dieu lui a donné, de corriger les ridicules de son siècle, et de les corriger en riant, et en faisant rire ceux qui ont conservé le goût de la bonne compagnie. […] Il indique alors quelques ridicules du jour qui sont un sujet tout fait pour la moquerie : « Il est plaisant, dit-il, que l’orgueil s’élève à mesure que le siècle baisse : aujourd’hui presque tous les écrivains veulent être législateurs, fondateurs d’empires, et tous les gentilshommes veulent descendre des souverains. » Il finit surtout par un conseil que Voltaire a trop peu suivi, et qui, au lieu de cette ricanerie universelle à laquelle il s’abandonnait, aurait dû être le but idéal suprême du grand écrivain en ces années de sa vieillesse : Riez de tout cela et faites-nous rire, lui dit Bernis en lui développant son plan ; mais il est digne du plus beau génie de la France de terminer sa carrière littéraire par un ouvrage qui fasse aimer la vertu, l’ordre, la subordination, sans laquelle toute société est en trouble.
» Établissant la différence de mœurs et de sensations des deux peuples, il montre l’inégalité d’inconvénients dans les mêmes injures dites à des hommes publics d’un côté ou de l’autre du détroit : En Angleterre, on pèse l’injure ; en France, il faut la sentir… En Angleterre, l’injure intéresse quelquefois en faveur de celui qui la reçoit ; en France, elle avilit toujours celui qui la souffre… En Angleterre, les invectives n’ont point renversé le trône ; en France, elles ont renversé une royauté de quatorze siècles. […] Anne de Bretagne avait trouvé son pendant à l’autre extrémité de la chaîne, après deux siècles.
Dans les lectures d’histoire qu’on lui fait faire, il lui semble qu’il n’y a pas de roi préférable à Louis XII ; l’écho des victoires l’atteint peu ; et cependant elle a aussi la marque de son temps, et lorsqu’il vient là pendant quelques jours un beau monsieur de Paris, très riche, très gai, très galant pour elle, et qui cause politique avec Mme de Coigny, qui apporte les dernières nouvelles et les commente avec cet esprit de dénigrement propre aux salons, elle n’est pas séduite, elle aperçoit d’abord ce qui manque à l’élégant monsieur, en fait de chevaleresque, et celle dont le cœur est destiné à des cœurs braves, finit par ce trait en le dépeignant : « Et puis il n’a été à aucune bataille, et c’est vraiment ridicule30. » Mme de Coigny aime les longues lectures régulières et qui se continuent, qui occupent et reposent : on lit donc Rulhière, Histoire de l’anarchie de Pologne, toutes les Révolutions de Vertot, La Guerre de Trente Ans de Schiller, Le Siècle de Louis XIV ; toutes ces lectures ne sont pas également intéressantes. […] Là où je verrais une contradiction et une séparation tranchée, ce serait si l’on comparait cette vie nouvelle qui s’essaie en tous sens à ce qu’étaient les vieilles femmes spirituelles du dernier grand monde avant l’ouverture du siècle et avant la renaissance de 1800, Mme Du Deffand, Mme de Créqui par exemple ; il y avait là goût parfait, jugement net, mais sécheresse ; rien au-delà.
L’Espagne était depuis un siècle dans un accroissement de puissance et d’ascendant qui troublait les conditions d’existence et les rapports naturels des pays voisins, et menaçait tout l’occident de l’Europe ; et en même temps elle apportait dans ses conquêtes politiques un système d’oppression absolue et de machiavélisme pratique qui tendait à pervertir la morale, à nouer tout développement de l’esprit et à déformer l’humanité. […] Échos de la Ligue, échos de La Rochelle, il nous en vient encore après plus de deux siècles.
Trois savants hommes, dans la seconde moitié du siècle dernier, se sont attachés à le faire connaître, à dégager son œuvre, sa personnalité en tant que poète, Reiske, Ilgen et Meinecke : ces noms, familiers aux savants, présentent l’idée d’une érudition profonde unie à un goût sûr ; on ne court pas risque de s’égarer en les suivant, et en ayant de plus M. […] André Chénier le savait bien ; il se méfiait du goût de son siècle et de son pays, et il croyait devoir y sacrifier un peu.
Charles Eynard Il y a déjà plus de douze ans que la Revue 189 s’est occupée de Mme de Krüdner, et que nous avons classé à son rang l’auteur de Valérie parmi les aimables romanciers du siècle. […] Eynard cite à ce sujet le docteur Portal et son procédé si souvent raconté pour se créer, à son arrivée à Paris, une réputation et une clientèle ; mais, en rapportant ce trait de charlatanisme aux premières années du siècle, il commet un anachronisme de plus de trente ans.
Toujours, et plus que jamais aujourd’hui, dans l’universelle veulerie qui est la plaie de notre siècle, il n’y a point de leçon plus précieuse à donner, qu’une leçon de vouloir, à quoi que ce vouloir s’applique. […] Dans quelques parties de ses deux chefs-d’œuvre tragiques et dans quelques endroits de ses meilleures tragi-comédies, comme Don Bernard de Cabrère (1648) ou Laure persécutée (1637)329, il nous fait penser à Shakespeare : il est le seul en son siècle de qui on puisse le dire.
Mais enfin une vieille race est, dans son ensemble, une sélection qui s’est poursuivie pendant des siècles. […] Histoire des princes de Condé pendant les XVIe et XVIIe siècles par M. le duc d’Aumale, t.
M. de Broglie avait dès lors sur la nature des crimes politiques, et sur l’application de la peine de mort en général, des idées qu’il a eu occasion d’indiquer depuis dans plus d’un écrit sous la Restauration, et qui tenaient de celles de quelques théoriciens philanthropes du commencement du siècle. […] Le célèbre Johnson l’employait d’ordinaire dans le siècle dernier, et il le rédigeait comme il suit : La loi de primogéniture, disait-il, a cela de bon, que du moins elle ne fait qu’un sot par famille.
Elle y vécut à demi retirée du monde, voyant ses amis et le duc de Villeroi jusqu’à la fin ; ayant souvent auprès d’elle son fils le comte de Caylus, original et philosophe, donnant à souper à des gens du monde et à des savants, et mêlant ensemble la dévotion, les bienséances, la liberté d’esprit et les grâces de la société, dans cette parfaite et un peu confuse mesure qui était celle du siècle précédent. […] Voilà comment parlait Louis XIV, et comment il tenait encore son rang de roi dans ce siècle de l’esprit.
Eût-il vécu cent ans, il n’aurait jamais obtenu ce qui s’appelle considération, autorité ; mais il sut mériter l’indulgence et l’affection, et il peut encore être étudié aujourd’hui comme une curiosité du Grand Siècle et comme une gentille bizarrerie de la nature. […] Sa vie elle-même a son coin dans l’histoire comme une des anecdotes les plus singulières du Grand Siècle.
Dans le même temps on publiait, pour la première fois, les Sermons de Bossuet (1772), et l’abbé Maury avait le très grand mérite de les apprécier aussitôt à leur valeur, malgré son siècle. […] L’abbé Maury n’était pas homme en effet, à cette date, à se consacrer purement au ministère de la parole chrétienne : il n’avait ni assez de foi ni assez de charité pour semer en terre si ingrate, et pour entrer en lutte avec tous les vents du siècle.
J’avais plus d’une fois songé à faire entrer Volney dans ces études, où j’aime à passer en revue les hommes distingués qui appartiennent à la fois au siècle dernier et au commencement du nôtre : un travail d’un jeune et judicieux écrivain, Μ. […] L’analogie et la vérité des descriptions étaient frappantes ; elles conviennent encore à ce pays, après tant de siècles et de vicissitudes. » Là est le côté étroit, le côté fermé chez Volney.
Entendant le solitaire mélancolique accuser hautement la fatalité et le sort de tous les maux, qui affligent tour à tour les diverses nations, il l’en reprendra au nom de ces ruines et lui dira d’y lire les leçons qu’elles présentent : « Et vous, témoins de vingt siècles divers, temples saints ! […] Il ne se dit jamais avec la douce sagesse que devrait avoir un homme qui a médité sur la montagne et qui a vécu au désert : « Les vieilles religions sont comme les vieux arbres : il y a des milliers de familles innocentes d’oiseaux qui y font leurs nids47. » Au reste, il y a dans tout ceci à faire la part du siècle et du moment ; elle est immense.
Cette série d’exemplaires de l’homme est la leçon permanente des générations ; chaque siècle y ajoute quelques figures, parfois faites en pleine lumière et rondes-bosses, comme Macette, Céhmène, Tartuffe, Turcaret et le Neveu de Rameau, parfois simples profils, comme Gil Blas, Manon Lescaut, Clarisse Harlowe et Candide. […] Dans un siècle obscur.
Combien de siècles se sont écoulés avant que les hommes dans les sciences et dans les arts aient pu revenir au goût des anciens, et reprendre enfin le simple et le naturel. […] Celui qui n’a égard en écrivant qu’au goût de son siècle, songe plus à sa personne qu’à ses écrits : il faut toujours tendre à la perfection, et alors cette justice qui nous est quelquefois refusée par nos contemporains, la postérité sait nous la rendre.
C’est parmi ce passé vivant où M. de Régnier a entraîné tant de jeunes gens, vers les deux siècles héroïques et galants, que nous retrouverons Fernand Caussy, esthéticien méticuleux, trop méticuleux mais qui, sur Sénac de Meilhan, le Prince de Ligne et Choderlos de Laclos écrivit des pages sérieuses. […] L’art d’un Richepin est plus contraire que celui de Paul Claudel à l’âme de la race. — « Celui qui n’a égard en écrivant qu’au goût de son siècle, songe à sa personne plus qu’à ses écrits, dit La Bruyère.
Explorer l’inconscient, travailler dans le sous-sol de l’esprit avec des méthodes spécialement appropriées, telle sera la tâche principale de la psychologie dans le siècle qui s’ouvre. Je ne doute pas que de belles découvertes ne l’y attendent, aussi importantes peut-être que l’ont été, dans les siècles précédents, celles des sciences physiques et naturelles.
Bonaparte fit former son infanterie en carré pour recevoir l’attaque, et dit à ses soldats : — Du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent — Les mameluks fondirent sur les Français, etc., etc. » Sir Walter Scott, en opposant le mot de Bonaparte à celui de Murad-Bey, a voulu faire une sorte d’antithèse, très-plaisante apparemment ; il est dommage que la vérité historique ne s’y prête pas.
Sur les autres sujets d’investigation et de noble inquiétude où s’est aventurée la pensée ardente de ce siècle, la Revue encyclopédique conserve cette ligne avancée, ce poste honorable d’avant-garde philosophique, qu’il est toujours bon d’avoir essayé de tenir, même lorsque par endroits on serait contraint de se replier.
Lisons la Confession d’un Enfant du siècle, où Alfred de Musset nous fournit, sur l’état d’âme des Romantiques, de si précieux documents !
La plupart des sentiments dont il a reçu l’héritage sont trop universels encore pour qu’il puisse les dire selon les saintes règles d’une prosodie que des siècles ont formée et dans laquelle, poème à poème, s’est révélée toute l’âme d’un peuple dans sa précision victorieuse.
Sans parler de l’antiquité, le XVIe, le XVIIe et le XVIIe siècles virent se constituer une Europe maîtresse du monde, au nom d’une civilisation supérieure.
Il est également possible d’atteindre, grâce aux odes et aux drames, à une sorte de puissance morale qui confine à la dictature, comme Hugo, Wagner et Émile Zola en donnent l’exemple en ce siècle.
Il n’a pas fallu moins de deux siècles pour que le goût national se dégageât de ce servage et avec Boucher, avec Greuze, avec Fragonard nous restituât une peinture française.
C’est toujours elle que les péripatéticiens, les cartésiens, les matérialistes du dernier siècle, ont choisie pour en faire le sujet de leurs conjectures.
Les premiers citoyens, émules des Grands, en feront autant ; et dans l’intervalle de moins d’un siècle, il faudra sortir de l’enceinte des sept collines pour retrouver une chaumière.
Je crois qu’il faudrait commencer l’étude de l’histoire par celle de sa nation, et celle-ci ainsi que toutes les autres, par les temps les plus voisins en remontant jusqu’aux siècles de la fable, ou la mythologie.
Nommez-moi le siècle où le sang n’ait pas arrosé des champs de bataille !
Agiter une badine sifflante, faire de la crème fouettée en battant son sujet avec l’extrémité d’une cravache, fût-elle sculptée par mademoiselle de Fauveau, tout cela, malgré la désinvolture de la chose, n’est point de l’ironie comme il en faudrait pour nous débarbouiller de nos dernières badauderies sur la Grèce, après un enchantement de tant de siècles, et pour nous empêcher désormais d’être émus en lisant les vers divins qui commencent le poème du Giaour.
Depuis le premier tiers de ce siècle, en effet, la description de la nature, — que disons-nous ?
Au début de ce siècle, Chateaubriand nous incitait à être catholiques, parce que le catholicisme est beau et bienfaisant.
« Votre gloire durera toujours dans les siècles, cher Harmodius et Aristogiton, parce que vous avez tué le tyran et fait Athènes libre sous les lois. » La poésie grecque, et surtout celle qui parlait de myrte, n’avait pas toujours cette humeur farouche et ces souvenirs implacables.
Au siècle dernier, les bons traducteurs, Letourneur ou Brumoy, accommodaient Shakespeare et Eschyle à la française et demandaient grâce pour ce qu’ils leur laissaient de grossièreté et de sauvagerie. […] Et j’ai songé à un vers de Hugo sur les deux statuaires du temple de Jérusalem (cela est, je crois, dans la Légende des siècles) : L’un sculptait l’idéal et l’autre le réel. […] Ou bien êtes-vous déiste, comme l’étaient, au siècle dernier, la plupart des hommes qui ont fait la Révolution ? […] … Il y a un siècle et demi, nous eûmes la visite de votre illustre aïeul Pierre le Grand. […] Le français est, depuis plusieurs siècles, la langue des relations internationales.
La sensation, l’intuition du contemporain, du spectacle qui vous coudoie, du présent dans lequel vous sentez frémir vos passions et quelque chose de vous…, tout est là pour l’artiste… Un siècle qui a tant souffert, le grand siècle de l’inquiétude des sciences et de l’anxiété du vrai…, un siècle comme cela, ardent, tourmenté, saignant, avec sa beauté de malade, ses visages de lièvre, comment veux-tu qu’il ne trouve pas une forme pour s’exprimer ?
Des Hérons et d’autres oiseaux ont, siècle après siècle, dévoré quotidiennement des poissons ; ils prennent leur vol ensuite et vont s’abattre sur d’autres eaux ou sont emportés par le vent à travers la mer, et nous avons vu que les graines qu’ils avalent peuvent encore avoir conservé leur faculté de germination, lorsque de longues heures après ils les dégorgent en pelotes ou les rejettent parmi leurs excréments. […] Les Bermudes et Madère doivent donc avoir été peuplés par des oiseaux qui pendant de longs siècles, avaient déjà lutté ensemble dans leurs patries primitives, et qui s’étaient successivement adaptés les uns aux autres.
Addison et Swift dans leur siècle. — En quoi ils se ressemblent et en quoi ils diffèrent. […] Ces exercices furent partout, au siècle dernier, un brevet d’entrée dans le beau style et dans le beau monde. […] C’est qu’il offrait aux Anglais la peinture de la raison anglaise ; le talent et la doctrine se trouvaient conformes aux besoins du siècle et du pays. […] En effet, les classiques des deux derniers siècles n’ont jamais conçu l’esprit humain que comme cultivé.
Pour moi, je ne souffrirais pas sur la scène un rôle de femme qui ne réunirait pas tout ce que l’esprit chrétien et l’esprit français, cultivés par les siècles, ont donné de profondeur à la sensibilité des femmes, de force et de grâce à leur raison. […] S’il arrive qu’on n’y puisse faire entrer à la fois la vérité locale et la vérité telle que la conçoit un grand poète dans un grand siècle, il faut savoir se passer de la vérité locale. […] Si, depuis trois siècles, nous avons toujours pris la livrée pour la passion elle-même, c’est peut-être que l’amour est plus dans notre imagination que dans notre sang, et que peu de gens parmi nous sont assez passionnés pour ne pas l’être selon la mode. […] Je conviens que ces jeunes filles grecques, juives ou romaines, dans la fable de Racine, sont plus de notre pays que du leur, plus contemporaines du siècle de Louis XIV que de la Grèce héroïque ou de la Rome des Césars.
À la fin du siècle, qu’il a rempli de sa gloire, qu’il continue de régir par ses institutions, mais que ses pâles imitateurs ne peuvent plus effrayer, nous avons entrevu enfin le Napoléon des historiens. […] Marie-Louise est issue d’une race illustrée par dix siècles d’empire et que la jalouse surveillance de la noblesse allemande a préservée de tout alliage impur. […] Pour toujours il avait conquis l’opinion du monde et dominait son pays, son siècle, d’autant plus indiscutablement qu’il affectait plus de simplicité, de réserve et d’impassibilité. […] Rien de plus léger, de plus effilé, de plus aigu que cette flèche, dont la pointe semble piquer le ciel, au-dessus des maisons basses qui, lentement, de siècle en siècle, se sont assemblées en troupeau serré, à l’appel du carillon. […] Nous prouverons que nos idoles, endormies depuis des siècles et des siècles dans la paix des sanctuaires, peuvent très bien assister à des inaugurations de chemins de fer, à des fondations d’écoles, à des constructions d’usines, aux exercices de nos soldats, vêtus d’uniformes européens et munis des engins de tuerie les plus parfaits.
Il ne faudrait point croire toutefois qu’il n’ait pas beaucoup écrit et beaucoup travaillé : c’est le cas de bien des distraits et des rêveurs dans ce siècle assujetti.
Michelet, l’homme qui sait, qui voit, qui sent si admirablement les choses d’autrefois, a dit en quelques lignes ce qui se passa alors dans les âmes : « Cette trompette libératrice de l’archange, qu’on avait cru entendre en l’an mil, elle sonna un siècle plus tard dans la prédication de la croisade.
A celui qui ajournait la religion, l’auteur de ces lettres avait à faire sentir et à démontrer que la science est sans vie, l’industrie sans réhabilitation, les beaux-arts sans rôle social, si un lien sacré d’amour ne les enserre pour les féconder ; il avait à révéler l’influence puissante, bien qu’incomplète, du dogme chrétien et de la théologie sur la politique d’alors et sur les progrès de la société ; il avait à prouver qu’aujourd’hui que cette théologie est reconnue arriérée, s’abstenir d’y substituer celle qui seule comprend l’humanité, la nature et Dieu ; rejeter ce travail glorieux et saint à un temps plus ou moins éloigné sous prétexte que le siècle n’est pas mûr ; s’obstiner à demeurer philosophe, quand l’ère religieuse est déjà pressentie, se rapetisser orgueilleusement dans le rôle de disciples d’un Socrate nouveau, quand la mission d’apôtres devrait soulever déjà tous nos désirs ; — que faire ainsi, c’était se barrer du premier pas la carrière, se poser une borne au seuil de l’avenir, s’ôter toute vaste chance de progrès et être véritablement impie.
Il y règne parfois un mysticisme de langage amoureux qui rappelle certaines poésies du commencement duxvii e siècle.
Molière touche au drame, et produit un effet immense qui traverse les siècles sans s’amoindrir.
salués d’applaudissements de triomphe, des milliers de savants s’emploieront à des investigations physiques presque infinitésimales ; à rechercher la composition atomique et la structure microscopique du corps ; à explorer les formes innombrables de la vie animale et végétale, invisibles à l’œil tout seul ; à découvrir des planètes qui ont parcouru, inconnues pendant des siècles, leurs orbites obscurs ; à condenser, par la puissance du télescope, en soleils et systèmes, ce qui était regardé récemment encore comme la vapeur élémentaire des étoiles ; à traduire en formules numériques l’inconcevable rapidité des vibrations qui constituent ces rayons, si fermes en apparence que les plus forts vents ne les ébranlent pas ; à mettre ainsi en vue les parties les plus mystérieuses de l’univers matériel, depuis l’infiniment loin jusqu’à l’infiniment petit ; mais l’analyse exacte des phénomènes de conscience, la distinction entre les différences, si fines pourtant et si petites, des sentiments et des opérations ; l’investigation attentive des enchaînements les plus subtils de la pensée, la vue ferme mais délicate de ces analogies mentales qui se dérobent au maniement grossier et négligent de l’observation vulgaire, l’appréciation exacte du langage et de tous ses changements de nuances et de tous ses expédients cachés, la décomposition des procédés du raisonnement, la mise à nu des fondements de l’évidence : tout cela serait stigmatisé comme un exercice superflu de pénétration, comme une perte de puissance analytique, comme une vaine dissection de cheveux, comme un tissage inutile de toiles d’araignées ?
Quoique Sémiramis, Rome sauvée, l’Orphelin de la Chine, Tancrède, l’Essai sur l’Histoire générale, le Siècle de Louis XIV & la Pucelle, poëme dans le goût de l’Arioste pour l’invention & pour la singularité, n’eussent point encore paru du vivant de l’abbé Desfontaines, il avoit cependant assez vu de productions de ce génie brillant & fécond, pour avoir remarqué qu’il étoit aussi créateur.
Mais, il faut l’avouer, notre siècle ne vous convie pas à cette noble émulation.
De plus l’ode a un air de prétention, et tout ce qui s’annonce avec cet air-là effarouche notre siècle, qui devrait pourtant traiter les prétentions avec quelque indulgence, car il en a de toutes les espèces.
La maison Dumas, pour l’esprit qui l’a habitée, est la guérite de l’adultère, du duel, de toutes les rengaines dramatiques sur lesquelles cette grande pauvreté qui se croit un luxe, Je théâtre vit depuis des siècles, et quand on y a passé une partie de sa jeunesse, on reste imprégné de ces idées de duels et d’adultères, on les respire ; on les transpire ; on n’est plus capable de rendre autre chose, de créer autre chose que cela.
Son souvenir, la pile de Volta de ce siècle, a frappé au cerveau toutes les organisations magnétiques des poètes et des artistes, et leur a fait rendre, sous le coup de son influence, les plus belles et les plus puissantes choses qui aient jamais vibré et qui aient jusqu’ici été écrites sur sa personne.
Par une punition réservée peut-être à l’orgueil de ce siècle, si infatué de sa raison, il s’est trouvé que jusqu’ici c’est la raison de l’historien qui aie plus manqué au Moyen Âge, et que les poètes, ces enfants, comme disent les philosophes, l’ont infiniment mieux compris que les historiens.
Dans ce livre de vers qu’il a appelés Les Hirondelles, pour exprimer la fidélité au retour de la même pensée, il a été positivement le Voyant d’une patrie qui n’est plus, et, en pleine Allemagne du xixe siècle, il a repris le chant, interrompu par plusieurs milliers d’années, des Hébreux exilés sur les bords des fleuves de Babylone ; seulement les exilés, à Babylone, avaient connu ce qu’ils chantaient et pressé sur leur cœur ce qu’on n’emporte point à la semelle de ses souliers ; tandis que lui, Wihl, l’exilé séculaire, à distance, dans le temps et dans l’espace, de cette patrie tuée et dont il n’a pas même vu le cadavre, a ajouté à la nostalgie fiévreuse de l’exil ce qui l’aurait diminuée s’il avait été moins poète : — l’envenimement de dix-huit siècles.
Pline est assez connu ; on sait qu’il fut un des premiers orateurs de son siècle.
On n’étudiait point autre chose à Rome, et chacun sait quelle part elle a dans la philosophie anglaise : Hutcheson, Price, Ferguson, Wollaston, Adam Smith, Bentham, Reid, et tant d’autres, ont rempli le siècle dernier de dissertations et de discussions sur la règle qui fixe nos devoirs, et sur la faculté qui les découvre ; et les Essais de Macaulay sont un nouvel exemple de cette inclination nationale et dominante ; ses biographies sont moins des portraits que des jugements. […] Il la fait comparaître, et lit l’acte d’accusation ; il présente ensuite le plaidoyer des défenseurs, qui essayent d’excuser ses légèretés et ses indécences ; enfin, il prend la parole à son tour, et prouve que les raisonnements exposés ne s’appliquent pas au cas en question, que les écrivains inculpés ont travaillé avec effet et préméditation à corrompre les mœurs, que non-seulement ils ont employé des mots inconvenants, mais qu’ils ont à dessein et de propos délibéré représenté des choses inconvenantes ; qu’ils ont pris soin partout d’effacer l’odieux du vice, de rendre la vertu ridicule, de ranger l’adultère parmi les belles façons et les exploits obligés d’un homme de goût, que cette intention est d’autant plus manifeste qu’elle était dans l’esprit du temps, et qu’ils flattaient un travers de leur siècle. […] Pendant plusieurs siècles, il a été foulé aux pieds par des hommes de race plus hardie et plus entreprenante. […] Chaque pas du procès reportait à l’esprit, soit en arrière, à travers tant de siècles troublés, jusqu’aux jours où les fondements de notre constitution furent posés ; soit bien loin dans l’espace, par-dessus des mers et des déserts sans bornes, jusque parmi des nations bronzées, qui habitent sous des étoiles inconnues, qui adorent des dieux inconnus, et qui écrivent en caractères étranges de droite à gauche. […] Par cette ampleur de science, par cette puissance de raisonnement et de passion, il a produit un des plus beaux livres du siècle, en manifestant le génie de sa nation.
Instruit à l’école des trois derniers siècles, il était sûr désormais de trouver pour sa pensée une forme obéissante. […] Les trois derniers siècles de notre langue ont livré tous leurs secrets au poète du Dieu des Bonnes Gens : abondance, grandeur et clarté. […] Louer ce mérite si généralement apprécié au xviie siècle, estimé d’une façon moins unanime au siècle suivant, ressemble à un paradoxe dans le siècle où nous vivons. […] Je ne m’arrête pas à relever tout ce qu’il y a d’exclusif et d’étroit dans le jugement porté sur Cervantes par Montesquieu, et répété depuis un siècle comme un arrêt sans appel. […] Je ne blâme pas les éloges qu’il se décerne pour les premières Méditations ; mais je ne puis accepter comme sensée sa colère contre le prosaïsme du siècle.
Tout cela c’est Bonhome, Bonhomet qui se vante d’avoir « la physionomie de son siècle ! […] Il n’était pas venu, des plages bretonnes où il naquit, pour demander à son siècle le bonheur ni la richesse. […] René Boylesve, par ce qu’ils contiennent de précieux pour la connaissance des mœurs provinciales vers la fin du siècle dernier. […] Aussi le problème aérien a-t-il, pendant des siècles, occupé les esprits les plus divers. […] Dans les premières années du siècle, Féli Gautier a tiré de nombreux articles de sa fréquentation de la correspondance de Baudelaire.
Le Roman de la Rose résista deux siècles, ce qui est une fortune longue, il est vrai, pour un roman et même pour un ouvrage plus sérieux. […] Cousin sur la Société française au dix-septième siècle, tout le monde sait que les romans de mademoiselle de Scudéry, le Cyrus surtout, sont un tableau fidèle des mœurs de la société polie dans la première moitié du grand siècle. […] Atala, qui intéressa passionnément la France au début de ce siècle, commence à vieillir à cause de son style d’une simplicité affectée, tandis que René résiste mieux. […] Ame d’un autre temps, noble femme qui, par le contraste de sa supériorité morale avec ce siècle de jouissance, de bien-être et de luxe, a quelque chose de la fière et étrange originalité du Misanthrope de Molière. […] Je ne prétends pas dire qu’on ne l’ait pas aimé dans tous les siècles et qu’on ne l’aime point particulièrement dans le nôtre.
*** Lorsque après de longues avanies, Ronsard fut remis en honneur au siècle dernier, les romantiques s’extasièrent avant tout sur ses qualités d’inventeur de rythmes. […] Un tel mesnage à l’âge d’or ressemble, Tant regretté par les siècles passez. […] Ce prince libéral donnait à Baïf de bons gages et lui procurait le moyen « d’entretenir aux études quelques gens de lettres, de régaler chez lui tous les savants de son siècle et de tenir bonne table ». […] « Ces hommes, disait-il, auront grand mépris de leur siècle, de sa mesquinerie, de sa corruption, de son mauvais goût. […] Maurice Albert ne prend pas des gants pour crier à Victor Hugo : — Vous avez enfoncé des portes qui étaient ouvertes depuis plus d’un quart de siècle tout le long des boulevards !
Et toujours morts pour morts, sac pour sac, feu pour feu, Massacre à tout jamais, en tout siècle, en tout lieu ! […] L’Iblis de la Légende des Siècles emprunte à Dieu les plus beaux éléments de ses plus admirables créations, et, de ces merveilles rapprochées, forge la sauterelle. […] cette haine du mot propre qui nous vint des précieuses, ces bas-bleus de la conversation, et qui affadit deux siècles de notre littérature ! […] Puis, — car les siècles sont plus longs qu’on ne pense, — il vieillit, grincheux et chicanier, avec Voltaire. […] Et, deux pages plus loin, la démonstration faite, l’auteur triomphe : « Je le répète, c’est une erreur qui s’est transmise de génération en génération, et qui, à la longue, est devenue une habitude, et ensuite, d’âge en âge, de siècle en siècle, est passée par le contact de la civilisation, qui l’a admise à l’état de besoin. » Pauvres hommes !
Siècle de Marie-Thérèse et de Frédéric II, de Voltaire et de Cagliostro : siècle étrange qui commence par des chansons, se développe dans des conspirations bizarres, et aboutit par des idées profondes à des révolutions formidables ! […] Pulchérie, c’était l’épicurisme héritier de la partie mondaine et frivole du dernier siècle ; Sténio, l’enthousiasme et la faiblesse d’un temps sans point de repère et sans appui ; Magnus, le débris d’un clergé corrompu et abruti ; Lélia, l’aspiration sublime, qui est l’essence même des intelligences élevées. […] C’est le roman qui tient alors la place qu’occupaient autrefois les livres de controverse dans les siècles anciens ou les grandes questions de critique et de rénovation sociale au dernier siècle. […] Et qui l’a fait plus que George Sand dans ce siècle ? […] Dupin de Francueil, que Jean-Jacques Rousseau et Mme d’Epinay désignent sous le nom de Francueil seulement, et qui, à l’âge de soixante-deux ans, était encore un reste d’homme charmant du dernier siècle.
ce serait trop avancer, mais ce qu’on peut affirmer sans trop de crainte d’être aux prophète, c’est qu’il est un des très rares écrivains d’aujourd’hui, sinon le seul dont les œuvres aient chance d’entrer dans le siècle prochain. […] — Ma foi, quelque chose comme le marbre ou la peinture que les artistes du siècle dernier apportaient, sous le nom de morceau de réception, à l’Académie qui venait de leur ouvrir ses portes. […] Les Siècles morts. — 1890. […] Les Siècles morts, tel est le titre de ce beau livre ; l’Orient antique, tel en est le sous-titre. […] Peut-être bien le mot est-il d’elle ; en tout cas, Déjazet est la femme de ce siècle à qui ses contemporains auront prêté le plus de saillies et d’aventures.
A un fonds de tendresse d’âme et d’imagination romanesque elle joignait une exactitude naturelle, et, comme le disait sa spirituelle amie, une divine raison qui ne lui fit jamais faute ; elle l’eut dans ses écrits comme dans sa vie, et c’est un des modèles à étudier dans ce siècle où ils présentent tous un si juste mélange. […] Proportion, sobriété, décence, moyens simples et de cœur substitués aux grandes catastrophes et aux grandes phrases, tels sont les traits de la réforme, ou, pour parler moins ambitieusement, de la retouche qu’elle fit du roman ; elle se montre bien du pur siècle de Louis XIV en cela. […] La première lui plaisoit par sa bonté et par une certaine ingénuité à conter tout ce qu’elle avoit dans le cœur, qui ressentoit la simplicité des premiers siècles ; l’autre lui avoit été agréable par son bonheur ; car, bien qu’on lui trouvât du mérite, c’étoit une sorte de mérite si sérieux en apparence, qu’il ne sembloit pas qu’il dût plaire à une princesse aussi jeune que Madame. » A l’âge d’environ trente ans, Mme de La Fayette se trouvait donc au centre de cette politesse et de cette galanterie des plus florissantes années de Louis XIV ; elle était de toutes les parties de Madame à Fontainebleau ou à Saint-Cloud ; spectatrice plutôt qu’agissante ; n’ayant aucune part, comme elle nous dit, à sa confidence sur de certaines affaires, mais, quand elles étaient passées et un peu ébruitées, les entendant de sa bouche, les écrivant pour lui complaire : « Vous écrivez bien, lui disait Madame ; écrivez, je vous fournirai de bons mémoires. » — « C’était un ouvrage assez difficile, avoue Mme de La Fayette, que de tourner la vérité en de certains endroits d’une manière qui la fit connaître et qui ne fût pas néanmoins offensante ni désagréable à la princesse. » Un de ces endroits, entre autres, qui aiguisaient toute la délicatesse de Mme de La Fayette et qui excitaient le badinage de Madame pour la peine que l’aimable écrivain s’y donnait, devait être, j’imagine, celui-ci : « Elle (Madame) se lia avec la comtesse de Soissons… et ne pensa plus qu’à plaire au roi comme belle-sœur ; je crois qu’elle lui plut d’une autre manière, je crois aussi qu’elle pensa qu’il ne lui plaisoit que comme un beau-frère, quoiqu’il lui plût peut-être davantage ; mais enfin, comme ils étoient tous deux infiniment aimables, et tous deux nés avec des dispositions galantes, qu’ils se voyoient tous les jours au milieu des plaisirs et des divertissements, il parut aux yeux de tout le monde qu’ils avoient l’un pour l’autre cet agrément qui précède d’ordinaire les grandes passions. » Madame mourut dans les bras de Mme de La Fayette, qui ne la quitta pas à ses derniers moments.
Il y a là toute une théorie, et contraire à celle du siècle. […] Ces tristes fables d’Esope, qui se sont jouées dans l’imagination grecque pendant tant de siècles, n’ont pas rencontré dans leur nation un poëte qui les abritât sous son génie. Empêtrées plutôt qu’habillées dans le style lourd du rédacteur byzantin, elles ont traversé les siècles sous cet informe vêtement, et n’ont trouvé leur Homère que dans un Français, dans un chrétien, dans La Fontaine ; il est vrai que pour les recevoir il s’est fait grec et païen.
. — Autre chose est dire — ce qui est raisonnable — qu’on peut jusqu’à un certain point éduquer les sens de l’enfant ; autre chose est aller jusqu’à attribuer notre faculté perceptive et presque nos organes sensoriels eux-mêmes à un dressage social poursuivi pendant des siècles. […] Il s’en faut de beaucoup que la philosophie et la science aient été, dans notre siècle, des enseigneuses de fraternité. […] C’est le scepticisme social. — Scepticisme religieux, scepticisme irrationaliste, scepticisme immoraliste, scepticisme politique, scepticisme social ; telles sont les principales étapes de la pensée individualiste, négative et destructrice, dans le cours des deux derniers siècles.
Oui, les plus grands, les plus augustes, les plus puissants de notre race, — en plein siècle de lumières, pour me servir de ta suggestive expression, mon éternel ami, — seront fiers de réaliser, d’après mon désir, le rêve que je forme et que voici : L’heure viendra, d’abord, où les rois, les empereurs victorieux de l’Occident, les princes et les ducs militaires, oublieront, au fort de leurs victoires, les vieux chants de guerre de leurs pays, pour ne célébrer ces mêmes victoires immenses et terribles — (et ceci dans le cri fulgural de toutes les fanfares de leurs armées ! […] Ainsi la noble Rome, vénérable, avait disparu, aux yeux du spectateur intelligent, recouverte par le style architectural jésuitique des deux derniers siècles ; ainsi s’était amollie et édulcorée la très glorieuse peinture italienne ; ainsi s’était dressée, sous la même influence, la Poésie Française classique, œuvre de mort intellectuelle, et dont les lois examinées présentent une précise analogie avec les lois de l’Opéra et de la Sonate. […] À Paris, signalons un feuilleton documentaire du Siècle (20 avril) ; et citons : Richard Wagner ne pouvait se dispenser de dire aussi son petit mot sur ce grand inventeur de musique (Bach), qui ne lui a guère laissé à faire, en fait de nouveau, que ce qu’il ne fallait pas faire et voici ce qu’il en dit.
C’est, enfin, que, seul, il a traversé, triomphant, le siècle, sans cesse agrandissant une précoce renommée, sans cesse s’approchant à l’apothéose, pour aller s’éteindre, saintement, dans un temps nouveau. […] Que l’on se rappelle les mélodies d’Opéra italiennes, faites au siècle dernier, et que l’on reconnaisse la prodigieuse et vaine nullité de cette dépense de sons, uniquement asservie à la Mode et à ses exigences. […] Cependant, les poètes du siècle passé avaient pressenti le rôle de la Musique ; Schiller écrivait, en 1797, à Goethe : « j’ai toujours eu confiance que de l’opéra, comme autrefois des chœurs des antiques fêtes dionysiaques, surgirait une plus noble forme de tragédie. » C’est Beethoven qui rendit la musique capable de faire ce qu’on attendait d’elle, et Wagner est le grand disciple de Beethoven, l’héritier direct des poètes classiques.
Décrits, analysés, mis en scène, avec une moquerie tacite, mais aussi avec la pénétration adroite d’un connaisseur d’hommes, ils donnent de la vie et de la société une image au demeurant exacte pour une bonne part de ce siècle. […] Et que l’on joigne à ces grandes œuvres certaines pages de l’Hérodias, les imprécations de Jeochanann, la scène gracieuse où Salomé, nue et cachée par un rideau, étend dans la chambre du tétrarque son bras ramant l’air pour saisir une tunique ; enfin cette Légende de saint Julien qui contient les plus divines pages en prose de ce siècle, la vie pure et fière du château, les combats et les hasards de Julien fuyant son destin de parricide, les lieux luxurieux où il se marie, son crime, sa rigueur, sa transfiguration finale certes pas même chez les grands poètes de ce temps et d’autres on ne trouve un pareil ensemble de scènes aussi purement belles et hautes flattant l’oreille, les sens, l’esprit et toute l’âme, au point que certaines pages entrent par les yeux comme une caresse, se délayant dans tout le corps, et le font frissonner d’aise comme une brise et comme une onde. […] Flaubert : Cependant le siècle le tentait, le heurtait, et le blessait.
Ce sont les lettres et les monuments qui marquent les intervalles des siècles qui se projetteraient les uns sur les autres, et ne formeraient qu’une nuit épaisse à travers laquelle l’avenir n’apercevrait plus que des fantômes exagérés, sans les écrits des savants qui distinguent les années par le récit des actions qui s’y sont faites. […] J’en vais exposer beaucoup d’autres : je m’élève contre un ordre d’enseignement consacré par l’usage de tous les siècles et de toutes les nations, et j’espère qu’on me permettra d’être un peu moins superficiel sur ce sujet. […] Cornélius Népos a écrit les vies des grands capitaines romains et étrangers ; il est digne du siècle d’Auguste, s’il n’en est pas ; le superstitieux, abondant, large et majestueux Tite-Live, l’histoire ecclésiastique et civile de l’Empire ; Velleius Paterculus, des morceaux d’histoires diverses et d’histoire romaine d’un style ingénieux, élégant, mais quelquefois obscur et raboteux ; Valère Maxime,, auteur de mauvais goût, barbare et pointu, des dits et faits mémorables ; le philosophe Sénèque, grand moraliste, mais d’une lecture tardive ; Pomponius Mêla, de la chorographie, et Columelle de l’économie rustique, tous deux purs et corrects ; Quinte-Curce, courant après les qualités d’un bon écrivain, des guerres d’Alexandre ; Pline le naturaliste, subtil, ingénieux, sublime quelquefois, toujours serré, souvent obscur, de tout, de trop de choses pour ne pas fourmiller d’erreurs ; Tacite, le hardi, éloquent, très-éloquent, le sublime peintre Tacite, mais un peu détracteur de la nature humaine, toujours obscur par sa brièveté et son sens profond, des annales de l’Empire et des vies des premiers empereurs ; quand il loue, ne rabattez rien de son éloge ; c’est là qu’un souverain se perfectionnera dans l’art que Tacite appelle les forfaits de la domination75 et que nous appelons la raison d’Etal.
Nous sommes ici à l’époque chevaleresque, tout à la fin du xiie siècle ou au début du xiie ; un siècle entier s’est écoulé depuis la mort du Cid ; un idéal s’est créé à son sujet : il est devenu une figure noble et pure, et même douce autant que fière, un modèle de chevalerie en cette civilisation féodale. […] Nation étrange et forte qui a enfanté, à quatre ou cinq siècles de distance, à l’origine et au déclin de la chevalerie, ces deux grands types, le Cid et don Quichotte, — l’idéal suprême et sa parodie parfaite, le premier des chevaliers et le dernier !
Que de talents en ce siècle, et de talents vraiment prodigieux, je le dis sans flatterie ! […] Il y a eu de grands siècles littéraires : nul né les salue et ne les admire plus profondément que moi ; mais de nos jours la littérature a pris un développement plus suivi, plus régulier, en rapport avec une société moyenne ou démocratique qui consomme prodigieusement.
Les terres qu’ils habitent depuis des siècles leur appartiennent sans doute : personne ne leur refuse ce droit incontestable ; mais ces terres, après tout, ce sont des déserts incultes, des bois, des marais, pauvre propriété vraiment. […] Une lettre fort belle, de ce temps, écrite par lui d’Amérique à un jeune homme que travaillait le mal du siècle, le mal de Werther ou de Rem, nous le montre déjà mur et tel qu’à cet égard il sera toute sa vie : « Vous vivez, mon cher ami, si je ne me trompe, dans un monde de chimères : je ne vous en fais pas un crime ; j’y ai vécu longtemps moi-même, et en dépit de tous mes efforts je m’y trouve encore ramené bien des fois.
M. de Régnier s’inquiète de légende, transporte ses poèmes en des avenues de temps délicieux et flottants ; mais chez lui la légende est un motif à beaux vers et à mélancolie d’artiste, une occasion d’attitudes enchantées auxquelles une époque imprécise assigne du lointain, plutôt qu’une effusion contenue mais spontanée dans le vieux trésor des siècles. […] L’afflux trop puissant de la littérature antique aux xve et xvie siècles nous a jetés trop loin de nous ; seul Rabelais avait pu se plonger dans ce courant sans qu’il l’emportât : les autres n’y purent résister et nous sommes partis pour ailleurs.
Mais si le cas ne s’est pas rencontré, nous en avons un analogue : c’est celui d’un aveugle-né que Platner, médecin philosophe du dernier siècle, soigna et interrogea88. […] On sait que, depuis plus d’un siècle, l’aveugle-né de Cheselden défraie tous les traités de psychologie.
Ce siècle a comme les autres une religion qui le domine : c’est la religion du progrès par la science. […] Il est possible d’imaginer après cela à quels déplacements de la sensibilité il faut conclure, lorsque l’on fait entrer en ligne de compte les transformations de l’organisme enregistrées et transmises par de longues hérédités, au cours des siècles de l’histoire et de la préhistoire.
Or, que nous a dit Gassendi, au commencement, ou au premier tiers du siècle ? […] Sans doute La Fontaine a pu emprunter cette distinction, cette classification à un autre que Gassendi ; car elle est banale dans l’école ; mais le siècle est partagé entre Descartes et Gassendi et il est probable que, si La Fontaine connaît cette classification, c’est qu’il a fréquenté chez Gassendi.
Voici comme il s’exprime en parlant d’un célèbre poète latin moderne : « Il réussit auprès de ceux qui croient qu’on peut faire de bons vers latins, et qui pensent que des étrangers peuvent ressusciter le siècle d’Auguste dans une langue qu’ils ne peuvent pas même prononcer. […] Heureusement pour notre littérature, M. de Voltaire a fait de ce talent un meilleur usage, que de l’emprisonner dans une langue étrangère ; il a mieux aimé être le modèle des poètes français de notre siècle, et le rival de ceux du précédent, que l’imitateur équivoque de Lucrèce et de Virgile.
Tout récemment, un jeune écrivain, parlant déjà de l’école naturaliste au passé défini, comme d’un événement des siècles disparus, disait : « Ce fut le défaut des réalistes de goûter une volupté à surprendre les hommes en flagrant délit d’ignominie2. » Ce jeune avait peut-être tort d’employer un passé d’un recul si profond, mais il avait raison en signalant ce défaut littéraire qui n’est autre chose — il n’est pas inutile de le remarquer — qu’un défaut de sympathie véritable pour l’objet qu’on dépeint. […] Mais l’effort du siècle, et, à mon avis, l’effort généreux, tend à en diminuer le nombre.
La difficulté serait plutôt de trouver un problème qui eût laissé indifférent ce grand esprit, un des plus vastes que l’Angleterre ait produits au cours du siècle dernier. […] Mais ces événements monotones et ternes, qui rempliraient trente siècles d’une matière devenue consciente d’elle-même, n’occupent qu’un instant de ma conscience à moi, capable de les contracter en une sensation pittoresque de lumière.
Ailleurs, des distinctions effacées par la loi restent inscrites dans les mœurs, Il arrive que le souvenir des hiérarchies légalement bouleversées survit pendant des siècles. […] Jullian commentant des renseignements fournis par le Comité des travaux historiques et scientifiques (Ministère de l’Instruction, publique) sur l’accroissement du nombre des Sociétés savantes, apporte à notre thèse cette confirmation : « C’est en effet, dans ce siècle et dans notre pays, le phénomène social le plus net et le plus général que les progrès ininterrompus des associations libres.
Dans les siècles les plus barbares du moyen âge, on ne trouve rien de plus inconstant, de plus variable, que la fortune des maisons royales. […] Dans les premiers siècles, ils pouvaient vendre leurs fils jusqu’à trois fois.
À ce titre, on doit juger bien fausse la restitution qu’un savant et capricieux génie de notre siècle a tentée, sur l’idée vague de ce poëme allégorique d’Eschyle. […] Eschyle était pour la Grèce l’image de cette poésie patriotique et guerrière, célébrant Salamine victorieuse, comme, un siècle auparavant, elle en avait décidé la conquête au profit d’Athènes.
Ce que j’ai lu de plus favorable à Louis XV est dans un petit écrit intitulé : Portraits historiques de Louis XV et de Mme de Pompadour, faisant partie des Œuvres posthumes de Charles-Georges Leroy, pour servir à l’histoire du siècle de Louis XV ; Paris, chez Valade, imprimeur, rue Coquillière, au X (1802).
S’affranchissant des liens étroits d’une nationalité égoïste, il admirait et glorifiait aux yeux de la France les grands poëtes de l’Angleterre et de l’Allemagne ; il généralisait les idées d’art, les tirait de l’ornière des derniers siècles, provoquait des œuvres, applaudissait sans flatterie aux essais nationaux et méritait que Goethe déclarât apercevoir dans cet ensemble de travaux et d’efforts les symptômes d’une littérature européenne nouvelle.
Je ne sais toutefois s’il n’en est pas des fables comme de l’épopée : l’invention n’en appartient pas aux siècles polis, aux époques de réflexion et de science.
Au théâtre comme ailleurs, et presque plus qu’ailleurs, éclate l’opposition des deux parties du siècle : avant 1850, les enthousiasmes, les fureurs, l’idéalisme gonflé du drame romantique ; après 1870, la comédie triomphe sur toute la ligne, étale toutes ses formes, vaudevilles drolatiques, copieuses bouffonneries, peintures réalistes des mœurs.
Georges Polti Si d’autres présentent, toutes les élégances dont la langue française soit capable comme l’expression exacte de leur âme raffinée, et raniment, une fois de plus, la légende wagnérienne, Watteau ou l’antiquité (à la façon du bon Gautier), Verhaeren, — moins symboliste d’ailleurs, n’en déplaise au classement en vogue, que naturaliste, — a crié, dans des strophes dont lui ont appris le rythme les tempêtes, la nouvelle, la paroxysmatique clameur du farouche siècle qui se lève.
C’est du grand Flaubert, des Goncourt, de Zola et de Barbey d’Aurevilly que relève, dans des proportions qu’il importe peu d’établir, la prose, qui n’évolue pas précisément, ainsi qu’on l’a dit, dans un sens analogue à la poésie. » Après avoir développé ses idées, Alfred Vallette concluait : « On peut dès maintenant affirmer que la littérature de notre fin de siècle ne sera pas symboliste… En d’autres nations, en la mystique Allemagne par exemple, peut-être le Symbolisme — guéri de ses manies solitaires de vieillard vicieux — s’infuserait-il dans la prose.
Et cette autre admiration professée à juste titre pour le comte Villiers de l’Isle-Adam, qu’y voir, sinon la preuve d’une parenté intellectuelle, d’une même haine absolue pour ce siècle révolutionnaire et athée ?
Elle me peignait, et nous causions avec une simplicité et une innocence digne des premiers siècles.
Travail, assimilation, imitation, manuscrits, refontes, il a tout passé sous silence, sans songer qu’il dédaignait ainsi le témoignage, la tradition et l’autorité de plusieurs siècles de littérature.
Le règne de Charlemagne est marqué par Bossuet comme la fin des siècles anciens.
Il était entré dans la vie par la plus large, la plus triomphale, la plus appienne des grandes naissances… La race dont il descendait était presque royale à force d’être féodale, et elle gouvernait la Provence depuis des siècles.
En religion, nous tenons pour l’Église ; en politique, pour la monarchie ; en littérature, pour la grande tradition du siècle de Louis XIV.
, on n’a guère réédité que Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Mirabeau l’orateur, et tous les sophistes du xviiie siècle, parce que nous étions devant ce siècle-là et ses petits grands hommes dans la position d’Alberoni devant le duc de Vendôme.
Ce serait moins enfantin que l’histoire pittoresque, moins dangereux que l’histoire fataliste, plus vite compris dans ce siècle, chancelant et sceptique, que l’histoire providentielle, et ce serait infiniment sain.
Que diriez-vous du peintre de ces portraits surchargés, détaillés, minutieux, qui n’expriment que ce qu’on sait depuis des siècles, non pas seulement de tel ou tel orateur, mais de tous les orateurs ?
Elle comptait, dans ce temps de scandales, sur des scandales de plus, et sur ceux-là qui avaient des noms illustres pour les faire mieux retentir et pour les porter plus loin… Il ne fallait rien moins que l’espérance de ces ignominies, auxquelles on sacrifie tout, pour leur sacrifier Madame Sand, le plus grand Préjugé contemporain, la plus grande Routine dans l’admiration de ce siècle.
Eh bien, c’est cette tendance à dissoudre les grands poètes dans leurs siècles, et en particulier dans le sien cette escarboucle de Dante, avec laquelle personne n’a le droit de se donner des airs de Cléopâtre, c’est cette tendance universelle et autorisée que je ne trouve pas dans le livre de M.
De tous les dilettanti de liberté nombreux en ce siècle, M.
que direz-vous donc de la mémoire humaine, Immense Josaphat, où les siècles mêlés S’assemblent en congrès, dès qu’ils sont appelés ; Et non pas seulement les hommes ou leur cendre, Mais où viennent aussi se grouper et se rendre Les empires défunts, les forêts, les cités, Et des fleuves taris les Ilots ressuscités, Et des océans morts les flottes vagabondes, Et non pas seulement la terre, mais les mondes ?
ce qu’a souffert, et dans son corps et dans son âme, un des plus brillants jeunes gens du siècle, qui s’appelait Roger comme celui qui, dans l’Arioste, monte l’Hippogriffe, — qui le montait aussi, et qui le menait comme il le voulait dans le bleu, et qu’en voilà descendu maintenant, cloué par la douleur à terre, et comme Byron, leur maître à tous, à ces grands jeunes gens finis, le disait de lui-même ; « achevant de vivre à son foyer désert, au milieu des ruines de son cœur et dans l’abandon de ses dieux domestiques… » III Telle est, en effet, la destinée de Roger de Beauvoir.
Ponsard dans sa Lucrèce, fait remonter son imitation plus haut que son siècle, en coupant le vin sabin du vieux Corneille avec l’eau pure de l’amphore de Chénier ou celle moins pure de sa propre cruche à lui, M.
Quoi de plus naturel, dès lors, que de conclure du présent au passé, et d’attribuer à la puissance des idées égalitaires toutes les transformations importantes que nos sociétés ont pu subir au cours des siècles ?
Le temps renversera sur vous l’opprobre dont vous aurez couvert les gens de bien, et vingt siècles écoulés ne l’effaceront pas.
Nous montrons dans les fables l’histoire civile des premiers peuples, lesquels se trouvent avoir été partout naturellement poètes. 2º Même accord avec les locutions héroïques, qui s’expliqueront dans toute la vérité du sens, dans toute la propriété de l’expression ; 3º et avec les étymologies des langues indigènes, qui nous donnent l’histoire des choses exprimées par les mots, en examinant d’abord leur sens propre et originaire, et en suivant le progrès naturel du sens figuré, conformément à l’ordre des idées dans lequel se développe l’histoire des langues (axiomes 64, 65). 4º Nous trouvons encore expliqué par le même système le vocabulaire mental des choses relatives à la société 40, qui, prises dans leur substance, ont été perçues d’une manière uniforme par le sens de toutes les nations, et qui dans leurs modifications diverses, ont été diversement exprimées par les langues. 5º Nous séparons le vrai du faux en tout ce que nous ont conservé les traditions vulgaires pendant une longue suite de siècles.
Dans ce passage de Tacite : corrumpere et corrumpi seculum vocant , corrompre et être corrompu, voilà ce qui s’appelle le train du siècle, seculum répond à peu près à secta.
C’est pourquoi les factions les plus obstinées, les guerres civiles les plus acharnées changeront les cités en forêts et les forêts en repaires d’hommes, et les siècles couvriront de la rouille de la barbarie leur ingénieuse malice et leur subtilité perverse.
La poésie la plus élégante, dans le siècle poli qui succédait aux proscriptions romaines, ne s’était pas refusé ce langage du deuil dans l’élégie et dans l’ode, et les noms d’Ovide et d’Horace nous le disent assez.
L’Epreuve est bien de ce siècle où l’amour a été le plus tendre et le plus passionné, mais aussi le plus impitoyablement curieux. […] Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse dans cette fin de siècle, comme dit Jacques ? […] Je rappelle seulement que c’est vers la fin du dernier siècle que la littérature a commencé à reculer pour les femmes l’heure du renoncement. […] ) de Desgenais : pauvre « faux bonhomme » qu’il était lui-même, noblement insurgé, et à tout propos, contre les vices du siècle, — et vivant pourtant comme le siècle, à ce que j’imagine. […] La vieille Kabanova et la pèlerine Fekloucha échangent des radotages sur la vanité du siècle.
Mais au moment où, depuis un siècle bientôt, la patrie de Shakespeare appelle vainement la renaissance de son théâtre, il était digne d’un public lettré, n’en déplaise au goût chatouilleux de M. […] Scènes d’alcôve et de camp, tout lui est bon pour esquisser à grands traits le siècle auquel il s’en prend. […] Comme il eût mis dans sa tragédie toutes les tragédies que le siècle contenait, il n’y en aurait pas eu trois, mais une. […] Il a dévoré dans ses ambitions solitaires plusieurs destinées dont une seule suffirait à remplir sa vie ; il a vécu des siècles dans sa mémoire, et il n’est encore qu’au seuil de ses années. […] Depuis le cinquième siècle jusqu’à la fin du quinzième, le châtiment a participé de la rudesse des mœurs : la jalousie se vengeait par le cloître ou le meurtre.
Chateaubriand, dont nous venons de surprendre les secrets, conseillait de tacher à connaître ceux des bons écrivains du grand siècle. […] Depuis des siècles, Paris est son séjour préféré, et elle daigne, de temps en temps, consoler Londres, et peut-être Berlin. […] Il se plaint, sans doute, et maudit son siècle. […] Il le loue, pour commencer, d’avoir su marier, par une analogie symbolique, ses propres impressions intimes au siècle lui-même. […] N’est-ce pas que pour l’ensemble il n’y a rien dans la poésie française de ce siècle au-dessus de Lamartine et de Hugo ?
Les Trophées forment pour ainsi dire, par leurs divisions, une sorte de petite Légende des Siècles. […] Le grand siècle a en M. […] Cette bataille au bord du Vid est un des plus beaux faits militaires du siècle. […] Tout cela est loin de cette paternité redoutable que l’on prête assez volontiers au siècle qui a précédé le nôtre. […] Jamais plus colossale fumisterie n’a été montée à un peuple pendant un siècle !
P. a trop de ressources dans l’esprit pour l’avoir droit. » * Combien, parmi les romans de la fin de ce siècle, ne sont que de maigres bouquets de fleurs vraies, grossis avec des fleurs de papier ! […] * L’avocat Faber Voilà près d’un quart de siècle qu’on nous donne l’avocat Faber pour un grand orateur. A la vérité, on ne songe pas à le comparer aux grands orateurs d’Athènes et de Rome, ni aux illustres du siècle dernier, Mirabeau, les deux Pitt, Fox, Shéridan, ni à ceux de notre temps, un Robert Peel, un Berryer, un Guizot, un Thiers, un Montalembert, un Rouher. […] Avec l’ordre sans la liberté on a vu des nations florir et durer des siècles ; avec la liberté sans l’ordre, où est le peuple qui ait eu un lendemain ? […] De tous les avantages qui semblaient m’avoir mis, comme dans mon cadre, à l’École normale supérieure, nul ne m’a été plus profitable que d’y faire connaissance et amitié avec le plus illustre chimiste de la seconde moitié de ce siècle, Louis Pasteur.
Il est le major Pictet, comme son parent du siècle passé était pour Voltaire, et mieux encore pour Catherine II, le géant Pictet. […] Et Amiel, qui écrit cela, ajoute : « Voilà bien l’heureux du siècle, titre que je mérite si peu, quoiqu’on me l’ait donné. » Qu’en eût dit Monnier ? […] Aujourd’hui, un collège, mais en 1850 un coin frais de campagne, qui, un siècle avant, faisait partie des Délices, lotis maintenant en trois cents immeubles de rapport. […] Un siècle avant, il eût été mandé au Consistoire et admonesté. […] Mais s’il eût vécu un quart de siècle plus tard, peut-être qu’Amiel, aux surnoms de Seriosa, eût aimé ajouter celui d’Alissa.
Molière a épuisé la comédie pour quarante ans, au moins ; Racine la tragédie pour un siècle ; La Fontaine la fable pour toujours. […] La lecture, c’est « un entretien avec les plus honnêtes gens des siècles passés ». […] Elle frappe coup sur coup Scherer, Renan et Taine, comme si elle se hâtait de découronner le siècle avant qu’il finisse. […] Lui seul et Renan, dans cette seconde moitié du siècle, ont eu ce prix. […] C’est extraordinaire comme le siècle de la division du travail est celui de la confusion des genres.
Trop plein de pudeur, et au lieu de parler en son nom à un siècle qui n’entend pas les vers à demi mot, il s’est déguisé ou enveloppé dans le carrick ou la douillette d’un certain chevalier d’Aï, dont il a mêlé la prétendue biographie à ses poésies mêmes.
J’irai même jusqu’à reprocher à ce style ses formes trop savantes, trop arrêtées, qui n’ont jamais de défaillances gracieuses, de négligences irrégulières, comme Jean-Jacques ne se les permettait pas, comme Mme de Sévigné et tant d’écrivains du grand siècle en offrent délicieusement.
sur tous les points on est à l’œuvre ; en physique, en chimie, en zoologie, en botanique, dans toutes les branches de l’histoire naturelle, en critique historique, philosophique, en études orientales, en archéologie, tout insensiblement change de face ; et le jour où le siècle prendra la peine de tirer ses conclusions, on verra qu’il est à cent lieues, à mille lieues de son point de départ.
La grande raison politique alors se bornait à rappeler combien les Anglais avaient mis d’années pour arriver à la liberté dont ils jouissent ; ce qui signifiait apparemment que les antres peuples étaient condamnés à ne les suivre qu’à quelques siècles de distance.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
Il nous rapporte, du fond des derniers siècles, le vers de Scarron et de Regnard ; il le manie en homme qui s’est imprégné de Victor Hugo et de Banville ; mais il ne les imite point ; tout ce qu’il écrit jaillit de source et a le tour moderne.
Aux quinzième et seizième siècles, la comédie improvisée devint un art très savant qui lutte avec la comédie régulière, qui crée plus que celle-ci des caractères durables, qui laisse dans l’imagination des peuples une trace plus profonde, et qui se vulgarise et se popularise dans toute l’Europe.
Riccoboni, qui écrivait dans la première moitié du dix-huitième siècle, Cailhava, qui écrivait dans la seconde moitié du même siècle, ne se préoccupèrent ni l’un ni l’autre, en traitant à leur tour les mêmes questions, de fixer la date des documents et d’établir une chronologie précise.
En dégageant l’homme de ce qu’il appelait « les sollicitudes de ce monde », Jésus put aller à l’excès et porter atteinte aux conditions essentielles de la société humaine ; mais il fonda ce haut spiritualisme qui pendant des siècles a rempli les âmes de joie à travers cette vallée de larmes.
La Revue des Deux-Mondes, le Journal des Débats se sont obstinés, et je crois qu’ils le font encore, à écrire enfans et parens comme on faisait au siècle dernier.
* * * Un curieux fait dans l’histoire de l’humanité que ce grand acte de dévouement accompli dans une société féodale par toute une famille de vassaux, et que, depuis deux siècles, le Japon célèbre par le théâtre, le roman55, l’image.
On l’a nommé le Térence de son siècle : ce seul mot renferme toutes les louanges qu’on lui peut donner.
Ce M. de Barillon était l’un des plus aimables hommes du siècle de Louis XIV.
Émancipation de la pensée Si la première partie de ce chapitre a pu paraître un peu trop affirmative, c’est parce que je me suis cru appuyé de l’autorité des siècles et des traditions.
Excepté Mercier et Linguet, dont il n’a pas assez longuement parlé, qui traînent aussi, dans cette peste de Jaffa de leur siècle, une pensée malade et aliénée, mais enfin une pensée, tous ces dédaignés et oubliés méritaient de l’être.
Et, pour moi, Guizot l’a si bien compris ainsi, son expérience d’homme d’État et de philosophe l’ont si bien convaincu qu’en Histoire la plus forte des influences n’était ni les choses, ni les idées, ni les missions providentielles, comme disent les confidents indiscrets de la Providence avec d’inexprimables fatuités, ni toutes ces forces chimériques inventées lâchement pour sauver l’homme du danger de sa responsabilité, — espèce de laurier à électricité négative qu’on lui plante sur la tête pour repousser la foudre de Dieu et la condamnation des siècles, — que, dans les biographies récemment publiées, l’illustre historien n’a pas même pris la vie des hommes éclatants, des personnages décisifs de la Révolution d’Angleterre.
Une main qui n’est pas espagnole, mais allemande a entrepris de resculpter cette vieille statue, aux traits diminués par le temps et couverts de la poussière des siècles, et de demander à la génération présente un peu d’admiration pour cette grandeur.
Elle est sur Lemierre, qui n’a fait qu’un beau vers dans l’opinion de son siècle, lequel en resta stupéfait.
Prescott n’est qu’un homme, après tout, de son pays et de son siècle.
L’intérêt d’une histoire, en effet, peut être refroidi par les siècles qui nous en séparent.
L’auteur est mort, et ce livre fut sa vie… Il le pensa, mais debout ; il l’écrivit, mais en agissant, en observant, en se mêlant aux choses et aux hommes de son siècle.
Relues à la distance de deux siècles, ces insolences bêtes font pitié et grandissent Mazarin de toute la petitesse de ses ennemis.
Philosophiquement, comme tous ses pareils les éclectiques du commencement du siècle, faits par M.
IV Cette imitation des deux à trois grands poètes du siècle, qui résume, en ces derniers temps, le stérile mouvement des imaginations poétiques, Reboul, plus que personne peut-être, était né pour y échapper.
Avant lui, on ne trouve dans la littérature du siècle que Chateaubriand, c’est-à-dire un grand poète en prose ; Chateaubriand, qui devait exposer plus tard, sur l’étang classique de Versailles, le berceau de son Moïse, qu’aucune fille de Pharaon n’a sauvé !
Grec, comme André Chénier, par le génie, l’auteur de Mirèio a sur André, tombé de son berceau byzantin dans le paganisme de son siècle, l’avantage immense d’être chrétien, comme ces pasteurs de la Provence dont il nous peint les mœurs et nous illumine les légendes.
Avec son volume d’aujourd’hui, il a prouvé que la notion des livres bien faits existait encore dans certains esprits, malgré le train et l’effacé du siècle, et que l’éditeur, après l’écrivain, après le poète, pouvait être un habile artiste à son tour.
n’a pas de l’originalité à toutes ses pages, mais qui en a une supérieure, quand il en a, Hégésippe Moreau, avec moins même qu’un volume, est entré, pour n’en plus sortir, dans la littérature de son siècle.
Et c’est difficile, car c’est le poids du siècle, et le génie seul est assez robuste pour pouvoir rejeter ce fardeau… Dans tout poète, il y a deux choses : ce que Dieu y a mis et ce que le monde, dont nous faisons partie, y ajoute.
Leur gaieté même est âpre, quand ils plaisantent, et l’on voit, à travers la jeunesse de l’un et la maturité de l’autre, la tête de mort d’un siècle vieux… Enfin, — et c’est là le plus grand reproche qu’on puisse leur adresser, — observateurs de la vie sensible et descripteurs acharnés et presque chirurgicaux du défaut et du vice humain, pour tout ce qui tient à la vie morale, ce sont d’indifférents sourds-muets.
Grimm les philologues, à travers les recueils de qui ces contes ont passé, nous eussions beaucoup mieux aimé, par exemple, quelque servante, comme cette servante de Perrault dont Feuillet nous a parlé dans son livre actuel, en supposant qu’elle ait existé, en supposant que, pour s’excuser d’avoir fait des contes d’enfants, cette petite chose, dans un siècle qui n’aimait que le grand et qui l’aimait jusqu’à l’hypocrisie, cette servante en faveur de qui Perrault, bêtement honteux, a donné la démission de son génie, n’ait été de sa part qu’une invention de plus.
Peut-être eut-il le tort de Caton ; peut-être fut-il trop grand pour sa patrie et pour son siècle.
Le Latium dut être d’abord bien resserré, puisqu’en deux siècles et demi, Rome, sous ses rois, soumit à peu près vingt peuples sans étendre son empire à plus de vingt milles.
Dans un siècle de raffinement, de grossièreté et de pédantisme il fut incomparablement exquis, grossier et pédant. […] Ce bonhomme est un des grands penseurs du siècle. […] Impétueux et mélancolique, ce fut un enfant du siècle. […] Notre Soleil nous emporte avec tout son cortège vers la constellation d’Hercule, où nous arriverons dans quelques milliards de siècles. […] Il a grandi terriblement depuis deux siècles.
Il composait dans tous les tons et se plaisait à éprouver les émotions de tous les siècles. […] Le propre du poëte, c’est d’être toujours jeune et éternellement vierge : Pour nous autres, gens du commun, les choses sont usées ; soixante siècles de civilisation ont terni leur fraîcheur originelle ; elles sont devenues vulgaires ; nous ne les apercevons plus qu’à travers un voile de phrases toutes faites ; nous nous servons d’elles, nous ne les comprenons plus ; nous ne voyons plus en elles des fleurs splendides, mais de bons légumes ; la riche forêt primitive n’est plus pour nous qu’un potager bien aligné et trop connu. […] Ils fouillent, pour exprimer leur pensée, dans tous les siècles et dans tous les pays ; ils emportent le discours jusqu’aux témérités les plus abandonnées ; ils enveloppent et chargent toute idée d’une image éclatante qui traîne et luit autour d’elle comme une robe de brocart constellée de pierreries.
Cicéron I Cicéron est le plus grand homme littéraire qui ait jamais existé parmi les hommes de toutes les races humaines et de tous les siècles, si nous en exceptons peut-être Confucius. […] Nous allons essayer de vous faire apprécier ce grand esprit ; si nous y réussissons, vous pourrez dire que vous avez vécu avec la meilleure compagnie de tous les siècles, avec la plus haute personnification de l’homme de lettres. […] Le vulgaire méprise dans tous les siècles tout ce qui n’est pas vulgaire comme lui.
X…, du Siècle, a reculé les limites de la canaillerie. […] Pauvre prince, amoureux aussi des grands siècles français de Louis XIV et de Louis XV, forcé de travailler à la ruine de la France, sous le commandement de M. de Bismarck, qu’il déteste. […] Je suis entré là-dedans, et, regardant bien, je me suis senti froid dans le dos, devant toutes ces inventions de souffrance, devant tous ces instruments de torture, avec lesquels l’homme, pendant des siècles, férocisa la mort.
Mercredi 5 janvier Ce soir, chez Charpentier, Daudet déclarait qu’il y avait un beau livre à faire : « Le Siècle d’Offenbach » proclamant que tout ce temps descendait de lui : de sa blague et de sa musique, qui n’étaient au fond qu’une parodie de choses et de musiques sérieuses, qu’il avait travesties. […] Dans ce genre est exposée une merveille, la rose, appelée : Madame Cornelissen, une rose à l’enroulement lâche, au tuyautage desserré, au contournement mourant, une rose, où il y a dans le dessin comme l’évanouissement d’une syncope, — une rose névrosée, la rose décadente des vieux siècles. […] J’ai cherché à vous peindre, avec le mélange de grandeur et de féminilité qui est en vous, et même avec un peu de votre langue à la Napoléon ; enfin j’ai cherché à vous peindre en historien, qui aime votre personne et votre mémoire, dans les siècles à venir.
Les poètes, après avoir ébauché dans l’antiquité la découverte de la nature, l’ont reprise à la Renaissance anglaise, poussée à la fin du siècle précédent, étendue jusqu’à nos jours, où la foule obtuse a appris d’eux qu’il existe de sublimes beautés dans le murmure des grands bois, l’ondulation des moissons, la rigidité des pics et le bondissement des flots. […] En tous ces traits, par l’image nouvelle qu’il donna de la nature, de l’homme, de l’Être, le romantisme fit une révolution dans le rôle que l’on prêtait jusqu’à lui à la sensibilité dans la conduite de la vie et l’exercice de la pensée, lien proclama la supériorité et le triomphe, vainquit par là, renouvela tout le domaine littéraire de la forme au fond, attira à lui tout ce qu’il y avait en France de gens plus émus que bons logiciens, se fit ainsi bienvenir des jeunes gens surtout et des femmes et opéra que nos livres depuis le commencement de ce siècle ressortissent plutôt aux littératures septentrionales qu’aux méridionales. […] Chez le public lisant français de ce siècle, plutôt dans les classes aisées que dans les classes pauvres qui échappent à notre appréciation, ce qui l’emporte, tout au rebours de ce qui l’emportait jusqu’à la seconde moitié du XVIIIe siècle ce sont certaines dispositions émotionnelles de sympathie, de pitié, d’horreur pour la souffrance humaine Une préoccupation inquiète des masses de nos semblables s’est emparée de la masse intelligente, qui sait ou qui sent comment il est inévitable que tous les hommes soient solidaires les uns des autres et qui s’effraie de l’étrange désintéressement réciproque qui va séparant de plus en plus les uns des autres, de ce manque d’affection, de communion, de coopération qui rend peu à peu les individus indépendants et solitaires.
quand j’ai franchi le seuil du temple sombre, Dont la seconde nuit m’ensevelit dans l’ombre ; Quand je vois s’élever entre la foule et moi Ces larges murs pétris de siècles et de foi ; Quand j’erre à pas muets dans ce profond asile, Solitude de pierre, immuable, immobile, Image du séjour par Dieu même habité, Où tout est profondeur, mystère, éternité ; Quand les rayons du soir, que l’Occident rappelle, Éteignent aux vitraux leur dernière étincelle, Qu’au fond du sanctuaire un feu flottant qui luit Scintille comme un œil ouvert sur cette nuit ; Que la voix du clocher en sons doux s’évapore ; Que, le front appuyé contre un pilier sonore, Je la sens, tout ému du retentissement, Vibrer comme une clef d’un céleste instrument, Et que du faîte au sol l’immense cathédrale, Avec ses murs, ses tours, sa cave sépulcrale, Tel qu’un être animé, semble, à la voix qui sort, Tressaillir et répondre en un commun transport ; Et quand, portant mes yeux des pavés à la voûte, Je sens que dans ce vide une oreille m’écoute, Qu’un invisible ami, dans la nef répandu, M’attire à lui, me parle un langage entendu, Se communique à moi dans un silence intime, Et dans son vaste sein m’enveloppe et m’abîme ; Alors, mes deux genoux pliés sur le carreau, Ramenant sur mes yeux un pan de mon manteau, Comme un homme surpris par l’orage de l’âme, Les yeux tout éblouis de mille éclairs de flamme, Je m’abrite muet dans le sein du Seigneur, Et l’écoute et l’entends, voix à voix, cœur à cœur. […] Le siècle militaire incarné dans Bonaparte allait s’incarner littérairement dans cet écrivain ; tout était réaction en France depuis la caserne jusqu’aux académies. […] De même que chaque peuple, chaque civilisation et chaque siècle portent leurs pensées, ils portent aussi leur style.
Mais jamais, non plus, il ne raille les croyances qu’il ne partage pas ; et, par cette modération, il se détache de son siècle. […] Pour que ce rôle se révélât pleinement et fût compris par les poètes et par la foule, il fallait que l’humanité eût été gouvernée pendant quinze siècles par la loi chrétienne. […] N’est-ce pas assigner aux événements accomplis dans un siècle, dans un lieu déterminé, des causes ignorées jusque-là, mais pourtant revêtues d’un caractère de vraisemblance ? […] Ce qui est en contradiction manifeste avec le siècle où vivait Philippe-Auguste a trouvé dans l’auditoire une faveur exagérée. […] Six siècles plus tard, ces tirades eussent été à leur place ; prononcées par Philippe-Auguste, elles ne peuvent qu’amener le sourire sur les lèvres.
Gladys a pour sous-titre « ou l’amour moderne » ; je n’y contredis pas, quoique, au fond, je n’y aie rien trouvé qui n’eût été de mise aussi bien au siècle dernier qu’à celui de mademoiselle Scudéry, qu’à celui de Pétrarque, qu’à tous les siècles depuis qu’on a inventé l’amour. […] À travers les siècles, ses actes de macération et d’humilité nous arrivent encore sous une forme riante. […] rappelaient éloquemment combien il était heureux, pour lui et les siens, d’avoir été « délivrés » un siècle avant ! […] Là, nous nous dirons que nous nous aimons, et nous nous aimerons… Nous passerons un siècle entier sans que notre attente en soit jamais trompée ! […] Que pèse la calomnie et que pèse la vengeance, atomes, dans la somme des siècles révolus ?
Paul Bourget, je devrais aussi le faire à son premier maître Balzac, et c’est s’égarer en bonne compagnie, si l’on s’égare, que de se tromper avec celui qui a donné le Père Goriot à son siècle. […] Et les scènes du tympan, les petites vierges des voussures semblaient être ainsi, depuis des siècles, derrière les vitres et les gemmes d’une chasse géante. […] Cela n’était point raisonné, elle n’avait aucune science, elle s’abandonnait à l’envolée mystique de la géante, dont l’enfantement avait duré trois siècles et où se superposaient les croyances des générations. […] Puis, elle quittait le sol, ravie, toute droite, avec les contreforts et les arcs-boutants du chœur, repris et ornementés deux siècles après, en plein flamboiement du gothique, chargés de clochetons, d’aiguilles et de pinacles. […] Ce sont, en effet, toutes les cordes de sa lyre, depuis celle qui a vibré dans Odes et Ballades jusqu’à celle qui a résonné dans la Légende des siècles, que nous allons entendre aujourd’hui.
Vous revendiquez, depuis environ dix-neuf siècles, la liberté de prier Dieu à votre guise et d’une façon qui ne soit pas forcément celle de l’Etat. […] Ce sont choses que Voltaire pardonnait peu, et l’hostilité de Voltaire contre les Parlements est bien antérieure aux affaires Calas, Sirven et d’Etallonde, comme on le voit assez par les premières éditions de l’Histoire du Parlement de Paris écrite avant ces affaires et par le chapitre IV du Siècle de Louis XIV. […] L’histoire du Parlement de Paris est un ouvrage d’érudition très sérieuse ; mais, comme esprit, c’est un pur pamphlet, comme le Siècle de Louis XIV est un pur panégyrique. […] Il faut combiner l’impôt qui les frappe de telle sorte que ce qu’ils auraient donné à l’Etat en un siècle, s’ils avaient été entre les mains de particuliers et soumis au droit de mutation, ils le donnent exactement et intégralement ; — et ce n’est pas un calcul difficile à faire. […] Ils étaient riches, dès la fin du second siècle. « Il n’est pas étonnant qu’en deux siècles leurs missionnaires, ardents et infatigables, eussent attiré enfin à leur parti des gens d’honnêtes familles.
Il s’y trouve tout à côté peut-être de quelque orthodoxe calviniste qui croit à la doctrine de la prédestination, ou de quelque socinien et rationaliste qui ne voit dans le christianisme que le travail successif des hommes les plus vertueux et les plus éclairés de tous les âges, et dans la morale que l’héritage et le perfectionnement des siècles : « Tous deux se disent chrétiens, et je le crois, écrivait-il à une amie digne de le comprendre, je les reçois comme frères, et j’ai du plaisir à m’associer à eux dans un hommage public de reconnaissance et d’amour à l’Être qui nous a donné l’existence et qui l’a douée de tant de biens. » Qu’on la partage ou non, cette façon d’entendre le christianisme, et qui se rapproche de celle d’Abauzit ou de Channing, est élevée et bien pure. […] Décidément, Sismondi n’était plus un homme de ce siècle quand il mourut (25 juin 1842).
Suard donnait la main à deux siècles et renouait, comme Louis XVIII, « la chaîne des temps ». […] Une remarque est à faire sur le rôle général de l’Académie pendant ces vingt ou vingt-cinq premières années du siècle.
L’artiste même, le poëte qui n’est tenu à nul système, mais qui réfléchit l’idée de son siècle, il a de sa plume de bronze inscrit la vieille cathédrale de ce mot sinistre : Anankê. […] Je sais que je suis, à les en croire, le Néron du siècle ; que les femmes veulent me traiter comme Orphée, et les avocats comme Romulus ; mais que m’importe ?
On se plaint souvent que la littérature actuelle ne soit pas plus forte, plus élevée, plus semblable à celle des siècles précédents, des grandes époques précédentes : je ne sais ce que ces plaintes ont de fondé ; nous sommes trop juge et partie peur avoir voix au chapitre dans la question ; mais, en admettant le fondé du reproche, comment voulez-vous que la littérature, la véritable, celle qui a son inspiration propre, celle qui n’est animée ni du désir du gain ni de l’ambition des honneurs, mais qui a sa verve naturelle, originale, son goût de fantaisie ou de vérité, et d’une vérité piquante et parfois satirique (car ce ne sont pas les sujets qui manquent), comment voulez-vous que cette littérature qui sacrifie tout à elle-même, à sa propre satisfaction, au plaisir de rendre avec art, avec relief, et le plus excellemment possible ce qu’elle pense, ce qu’elle voit et dans le jour sous lequel elle le voit, comment voulez-vous qu’elle ait toute sa vigueur, sa joie, sa fierté et son indépendance, si, à tout moment, l’écrivain qui tient la plume a à se faire cette question : « Aurai-je affaire ou non à messieurs du parquet, à messieurs de la police correctionnelle ? […] Il avait été condamné en police correctionnelle pour son livre la Démocratie, parce qu’il y présentait et proposait l’idéal d’un gouvernement futur et libéral qui devait surgir avant la fin du siècle.
Voltaire, Siècle de Louis XV, ch. XXXI ; Siècle de Louis XIV, ch.
« Vers le milieu du siècle dernier, un président à mortier au parlement de Paris, ayant une maîtresse et s’en cachant, car à cette époque les grands seigneurs montraient leurs maîtresses et les bourgeois les cachaient, fit construire “une petite maison” faubourg Saint-Germain, dans la rue déserte de Blomet, qu’on nomme aujourd’hui rue Plumet, non loin de l’endroit qu’on appelait alors le Combat des Animaux. […] Il est probable que les fauvettes et les mésanges du siècle dernier avaient fort jasé sur le compte de M. le président.
Quelques-unes, écrites de Rome, pourraient être regardées comme les premiers modèles de cette description passionnée où notre siècle a excellé. […] J’obéirais à une loi si fâcheuse, à cause que je suis bon citoyen ; mais ce serait par mon silence et non par ma lâcheté, et à la charge de ne point parler, et non pas de parler contre ma conscience16. » Vaugelas, un autre homme de bien à qui nous aurons aussi à rendre justice, défiait Phyllarque de trouver un meilleur cœur que Balzac, une plus grande douceur que « celle qui accompagnait toutes les parties de sa vie. » « Sa probité, ajoute-t-il, lui paraissait une des plus rares choses de ce siècle, comme son esprit est un des plus grands ornements de la cour17. » Quant à la langue, les services que Balzac lui a rendus suffiraient pour le sauver de l’oubli.
L’évolution se poursuit en ce sens, et, un siècle plus tard, les rôles sont distribués d’une façon précise qui ne souffre plus d’interversion ; le chant se range décidément à l’aigu et l’accompagnement au grave. […] Avec Mozart, avec Beethoven, avec tous les maîtres de ce siècle, la basse conserve ses fonctions utilitaires ; placée à la base de l’édifice harmonique, elle le soutient.
Oscar Comettant consentira-t-il à réunir en volume, sous le titre croustillant de Wagner pharmacien, ces brillants articles du Siècle où il a condensé tant de fois le meilleur de lui-même ? […] Lohengrin est un chevalier errant qui passe par hasard à Anvers, en Brabant, vers le onzième siècle, au moment où la fille d’un prince de ce pays, qui passe pour mort, est accusée d’avoir fait disparaître son jeune frère dans le but d’obtenir l’héritage du trône en faveur d’un amant inconnu.
Cet état de choses a donné lieu, à la suite du nombre croissant des naturalisations, à la formation d’un groupe important de nouveau-venus qui apportent de leurs pays d’origine une hérédité, des traditions, des coutumes et des idées morales, différentes de celles qui ont été élaborées chez nous au cours des siècles. […] Il est trop évident qu’ils ont un intérêt majeur à nier ces différences, afin de jouir immédiatement et d’une manière intégrale d’une civilisation qui n’a pourtant été créée, à travers le cours des siècles, que par un long effort commun.
Depuis le commencement du siècle, la statistique nous fournit le moyen de suivre la marche de la criminalité ; or, elle a partout augmenté. […] Pour qu’elle puisse évoluer, il faut que l’originalité individuelle puisse se faire jour ; or, pour que celle de l’idéaliste qui rêve de dépasser son siècle puisse se manifester, il faut que celle du criminel, qui est au-dessous de son temps, soit possible.
Dans ce siècle où les faiseurs de règles, où les législateurs du Parnasse, où les régularistes, si vous voulez les dénommer ainsi, ont été utiles jusqu’à un certain point ils ne sont pas absolument inutiles mais ont été surtout insupportables, à savoir rigoureux, pointilleux sur tous les détails, insistant sur des infiniment petits, et faisant de leur fantaisie souvent, ou de leurs souvenirs poétiques des règles inéluctables, en ce temps-là tous les genres étaient comme soumis aux faiseurs de règles et dominés par eux ; la tragédie plus que tout autre genre ; la comédie presque autant que tout autre genre, le poème épique d’une façon déplorable, abusive et du reste erronée, car c’est sur quoi les faiseurs de règles se sont le plus trompés. […] Il a crié à son siècle : Vous me direz ce que vous voudrez, les animaux ne sont peut-être ni aussi bons, ni aussi ridicules que je les ai peints — je le regrette peut-être — et en bien et en mal ; mais pour ce qui est d’être extrêmement intelligents, voilà ce que je soutiens absolument contre Descartes et contre les cartésiens.
Aussi, partout ailleurs que dans l’exposition et la discussion philosophique, où il a ce que Mirabeau disait l’éloquence de la chose, le célèbre professeur n’est-il qu’un écrivain d’imitation, de pastiche réussi, qui se donne de grands airs, mais qui n’ose prendre la langue de son siècle, parce qu’elle est trouble encore, malgré tout ce que son siècle y a déversé de puissant !
Il dit que le siècle présent, le xixe siècle, est suprêmement un siècle de foi et de certitude.
La seule hypothèse précise que la métaphysique des trois derniers siècles nous ait léguée sur ce point est justement celle d’un parallélisme rigoureux entre l’âme et le corps, l’âme exprimant certains états du corps, ou le corps exprimant l’âme, ou l’âme et le corps étant deux traductions, en langues différentes, d’un original qui ne serait ni l’un ni l’autre : dans les trois cas, le cérébral équivaudrait exactement au mental. Comment la philosophie du xviie , siècle avait-elle été conduite à cette hypothèse ?
Et l’autre sœur, qui, plus brave et aventurière, émancipée de bonne heure, s’est ruée dans les hasards du monde, dans le tourbillon et la fange des capitales, qui n’a eu peur ni des goujats des camps, ni des théâtres obscènes, ni des rues dépavées, et qui, le front débarrassé de vergogne et la grosse parole à la bouche, s’est faite honnête homme cynique, n’espérant plus redevenir une vierge accomplie, ne la prenez pas trop au mot non plus, je vous conseille ; ne croyez pas trop qu’elle se plaise à cette corruption dont elle nous fait honte, à cette nausée éructante qu’elle nous jette à la face pour provoquer la pareille en nous, à cette lie de vin bleu dont elle barbouille exprès son vers pour qu’il nous tienne lieu de l’ilote ivre et qu’il nous épouvante ; osez regarder derrière l’hyperbole étalée et échevelée par laquelle, égalant la luxure latine, elle divulgue sans relâche et le plus effrontément la plaie secrète de ce siècle menteur, tout plein en effet de prostitutions et d’adultères ; osez percer au delà de cette monstrueuse orgie qu’elle déchaîne en mille postures devant nous, — et vous sentirez dans l’âme de cette muse une intention scrupuleuse, un effort austère, un excès de dégoût né d’une pudeur trompée, une délicatesse dédaigneuse qui, violée une fois, s’est tournée en satirique invective, une nature de finesse et d’élégance, que l’idéal ravirait aisément et qui ne ferait volontiers qu’un pas de la Curée au monde des anges.
L’expérience de tous les pays, de tous les siècles vérifie avec éclat la loi : il apparaît, et que toujours les ouvrages transmis à l’immortalité ont leur unité, et que cette unité est obtenue par mille moyens et susceptible de mille formes.
Si, comme il est à craindre, le drame en vers ne devait pas survivre à notre siècle, M.
Il viendra un siècle dogmatique par la science.
Il faudra plus d’un siècle encore pour que la vraie Église chrétienne, celle qui a converti le monde, se dégage de cette petite secte des « saints du dernier jour », et devienne un cadre applicable à la société humaine tout entière.
Cette tunique de Nessus du ridicule, que le juif, fils des pharisiens, traîne en lambeaux après lui depuis dix-huit siècles, c’est Jésus qui l’a tissée avec un artifice divin.
On ne peut pas dire, pour expliquer cette conformité de sentiments, que madame de Staël fut de deux cents ans en arrière de son siècle, ni madame de Rambouillet de deux cents ans en avant du sien ; elles étaient toutes deux de leur temps, de leur sexe, et toutes deux plus sensibles aux plaisirs de l’âme et de l’esprit qu’à tout autre.
Les poëtes de tous les siècles & de tous les pays perdoient de leur mérite, si l’on ne se fût empressé d’assurer les prérogatives du Parnasse.
La simplicité acquise, dans un siècle d’affectation, la simplicité contractée à force de ne plus penser qu’à Dieu seul, fit éviter à Mme Swetchine d’être auteur, et cela avec le danger presque inévitable du talent, comme cette simplicité fit aussi d’elle une sainte femme, sans en faire une religieuse.
La Correspondance diplomatique, interrompue en 1811, dans ces deux premiers volumes qui nous donnèrent un de Maistre d’invention encore plus que de découverte, va, avec les deux volumes nouveaux, de 1800 à 1817 ; c’est-à-dire qu’elle embrasse en définitive les plus grands événements du siècle qui a changé la Tradition européenne.
Telle est, dans son livre, implicitement, sinon expressément contenue, la thèse de Thureau-Dangin, qui n’est pas nouvelle, comme vous voyez, puisque nous la discutons, logiquement ou en fait, depuis plus de trois quarts de siècle.
Taine, que le critique ajoute à son âme naturelle et nationale cinq à six âmes artificielles ou acquises, et que sa sympathie flexible… (rappelez-vous le fameux vers d’Auguste Barbier, qui ne le disait pas de la Critique) : Ouvrant à tout venant et sa jambe et son cœur, l’introduise en des sentiments éteints ou étrangers… « Le meilleur fruit de la Critique — dit encore l’auteur du Carlyle — est de nous déprendre de nous-mêmes, de nous contraindre à faire la part du milieu où nous sommes plongés, de nous enseigner à démêler les objets eux-mêmes à travers les apparences passagères dont notre caractère et notre siècle ne manquent jamais de les revêtir… » Telles sont les propres paroles de M.
À travers les siècles elle respire les entrailles maternelles dont elle est descendue, et, toute fière, elle glorifie son limon.
Mais, pour commencer par les géants de ce temps-là, comment a-t-il traité, lui, le littérateur qui se connaissait autant à la forme qu’à la pensée, comment a-t-il traité de Maistre et Bonald, les deux plus forts esprits du siècle certainement ?
… Une pareille disposition effraie assez les esprits qui étudient les pentes du siècle, pour donner le courage de réagir contre un livre, bien plus utile à des ascètes avancés dans la voie de la perfection chrétienne qu’à des gens du monde vivant dans les réalités et les épaisseurs de ce temps.
On lui a fait une gloire récente dans ce siècle impie, mais je ne sache rien de plus aveugle, de plus stupide et d’une inspiration plus basse et plus sensuelle, que le désespoir de Leopardi, de ce Thersite contre Dieu même, de ce bossu qui, sans sa bosse, aurait peut-être aimé la vie, et à qui, quand il nie et blasphème, on pourrait dire ce que les renards disaient à celui qui avait perdu sa queue : Mais tournez-vous, de grâce !
je ne crois pas que dans ce siècle de progrès, qui fait des questions de toutes choses et qui s’imagine être un grand améliorateur du sort des hommes, il y ait question plus importante, plus pressante, plus menaçante, plus épouvantable que celle-là, si nous avions la force virile de regarder fixement dans cet abîme, et si, comme des femmes, nous n’en détournions pas les yeux.
Voilà ce qu’on dit sur tous les tons depuis des siècles ; mais c’est une erreur, si ce n’est un mensonge.
À ce compte-là, la poésie s’enterre comme les hommes dans quatre planches de sapin mal rabotées et mal jointes… Mais vraiment, quoique nous ne soyons pas enthousiaste fou de notre siècle, nous ne croyons point à cette prophétie, et nous avons voulu nous inscrire en fait et en faux contre elle par un doux haro… sans clameur !
Et ce n’est ni la durée dans le passé, ni la fascinante perspective de l’Histoire, qui grandit les hommes à mesure qu’elle les éloigne de nous, ni le coudoiement avec eux dans la même époque et dans la vie et qui les rapetisse en les mettant de plain-pied avec nous, qui doivent empêcher de juger deux poètes séparés par des siècles, et de dire, sans trembler devant la tradition, lequel est le plus grand des deux.
Ils ont de la sensibilité qu’ils corrompent avec leur goût faux pour un siècle faux, mais qui résiste encore, malgré toutes les mauvaises influences qui ont joué sur elle.
Un jour, il est vrai, un seul jour de ce siècle, nous eûmes mieux que Beaumarchais, puisque nous eûmes Balzac.
Cet abbé, dont je ne garantis pas la tonsure, aurait bien dit la messe dans le feuilleton du Siècle, et je m’étonne que son roman du Maudit n’y ait pas paru.
Le siècle, qui avait deux ans quand naquit Victor Hugo, atteint sa majorité, vingt et un ans, quand naissent Baudelaire et Amiel. […] Nés avec le siècle majeur, ils ont trente ans l’année du coup d’État, l’année où le siècle se met en marche vers la soixantaine, où il devient vieux, désabusé, expérimenté, un peu cynique. Sur ces millésimes d’un siècle, sur ces nombres qui datent la vie des hommes, nous pouvons rêver, en pythagoriciens, et nos rêves, quand ils retombent, s’ordonnent cependant en quelque vérité. […] En tout cas Baudelaire et Flaubert, en des siècles antérieurs eussent bien été des moines. […] Notre siècle en a compté beaucoup dans tous les domaines : c’est un Sénancour, un Joubert, un Tocqueville, un Lemaître.
Le Misanthrope est une de ces pièces qui doivent être imposées à la foule par l’admiration continue des connaisseurs pendant un siècle. […] La supériorité de Molière en fait d’idées, c’est d’avoir très sûrement démêlé celles de son public qui devaient très probablement être celles du public de tous les temps ou du public, au moins, de quelques siècles après lui. […] Voltaire : « Il a été le législateur des bienséances de son siècle ». […] Je vois bien que vous voulez dire que la Cour ne se connaît pas à ces choses ; et c’est le refuge ordinaire de vous autres, Messieurs les auteurs, dans le mauvais succès de vos ouvrages, que d’accuser l’injustice du siècle et le peu de lumière des courtisans. […] Le Bourgeois gentilhomme est une variété de cette comédie des professions que réclamait Diderot un siècle plus tard.
Les siècles se confondaient en une amusante cohue de couleurs et d’oripeaux, qui était le « Tout-Paris » mondain, artistique et littéraire d’alors que M. […] C’est ce sentiment que l’on éprouve à la lecture de ces étonnants romans où l’érudition la plus minutieuse concourt à l’évocation la plus intense et où apparaissent tant de figures puissamment vivantes qui nous imposent, à travers les siècles, leur présence réelle avec une prodigieuse force de vérité. […] Ce fut en ce noble arroi que la mort vint prendre ce frère des Saint-Cendre et des Clérambon pour l’emmener hors d’un siècle auquel il avait passionnément préféré le leur. […] Alfred Vallette, occupait, au numéro 15 de la rue de l’Echaudé-Saint-Germain, le premier étage d’une vieille maison qui mériterait bien qu’on y apposât une plaque commémorative, car elle fut le siège d’un des centres littéraires les plus actifs des dernières années du siècle passé. […] Au cou le foulard de soie blanche qu’il y enroulait d’habitude, il est debout à côté d’un visiteur dans lequel je reconnais, non sans mélancolie, sous le chapeau de haute forme en usage à la fin du siècle dernier, le signataire de ces lignes où j’ai tenté d’évoquer le souvenir du vieux gentilhomme de lettres et de son aimable accueil au jeune admirateur d’antan qui a conservé, en dépit de la mode dénigrante d’aujourd’hui, son admiration de jadis pour les romanciers, les historiens et les critiques d’art de haute valeur que furent, quoi qu’on en dise, Jules et Edmond de Goncourt.
Depuis que la forme de notre théâtre permet que les cinquièmes actes soient en tableaux, les auteurs n’obtiennent plus l’indulgence qu’on avait pour ceux du siècle passé. […] Enfin Voltaire, après avoir, malgré lui, payé le tribut au goût de son siècle dans Œdipe, fit voir dans Zaïre, Alzire, Adélaïde, etc., que l’amour, au théâtre, doit être terrible, passionné, accompagné de remords ; et qu’il doit surtout avoir la première place. […] C’était une idée prise dans la galanterie ridicule du quinzième et du seizième siècles. […] D’ailleurs, si le comique roule sur des caractères généraux et sur quelque vice radical de l’humanité, il sera ressemblant dans tous les siècles. […] La langue du musicien a, sur celle du poète, l’avantage qu’une langue universelle a sur un idiome particulier ; celui-ci ne parle que la langue de toutes les nations et de tous les siècles.
Chaix, La Correspondance des arts dans la poésie contemporaine (1919)), mais il n’en laisse pas moins derrière lui une bonne part de son éclat : élevé jadis à la hauteur de Verlaine et de Mallarmé, ayant occupé le cœur de la presse littéraire des années 1890, le voici en marge des débats du début de siècle et de l’immédiat après-guerre. […] On saisit en cela la ligne de force principale de l’ouvrage, qui entend ouvrir l’espace clos dans lequel l’esprit fin de siècle avait tenu la poésie. […] Mais Scudo fut bien le bavard le plus prétentieux, le plus tranchant pédant, le pion le plus injuste qui ait été appelé à juger les plus grands artistes de ce siècle. […] De Schumann, enfin, un des plus grands artistes de ce siècle, « l’éminent critique » a encore écrit ces lignes : « L’instrumentation de M. […] A toutes époques, depuis un siècle surtout, auprès des triomphateurs du moment, il s’est toujours trouvé un amoindri, un dédaigné, un moqué même, dont la génération suivante a procédé.
Arréat était de chercher dans la littérature dramatique les traces de l’évolution morale au cours des siècles. […] La doctrine évolutionniste est une lumière dans les sciences naturelles, parce que là on dispose ; d’un nombre très honnête de milliers de siècles. […] À un autre point de vue, c’est le procès aux siècles littéraires que Molière fait dans Les Femmes savantes. […] Ce n’est pas en notre siècle que nous pouvons mettre en doute cette assertion. […] Diderot, un siècle environ après Racine et Molière, s’est avisé d’une méthode ou d’un procédé qui devait renouveler, selon lui, l’art dramatique.
L’un bâtit sa maison et la bâtit si solide que, dans plusieurs siècles, les fils de ses fils respecteront sa mémoire identifiée aux murs parés d’une mousse vénérable. […] « Et la fumée de leur tourment montera aux siècles des siècles. […] Des haies d’épines qu’on oublia de tailler depuis des siècles y aboutissent de chaque côté. […] Je n’aime pas beaucoup mon siècle ; cependant, avant de mourir, je veux goûter quelques sensations rares, d’ordre tout intellectuel, et j’ai l’intention de confier le maniement de ma fortune à un homme habile : banquier, industriel où directeur d’un grand journal. […] … Son règne durera dans les siècles des siècles ; les riches la multiplieront à l’infini ; les pauvres se dessécheront à la convoiter sans espoir… Et — c’est ce qu’il faut, c’est ce qu’il faut.
La Légende des Siècles est dramatique ; dramatique, Les Contemplations. […] Il est presque touchant, aussi, de voir Victor Hugo justifier par la géographie et par l’histoire les inventions de la Légende des siècles. […] Que de contrefaçons impunies de la pastorale ou de l’idylle, au long des siècles ! […] il me resterait donc un espoir de vous toucher, de vous sentir, de vous aimer, de vous chercher, de m’unir, de me confondre avec vous quand nous ne serons plus, s’il y avait dans nos principes une loi d’affinité, s’il nous était réservé de composer un être commun, si je devais dans la suite des siècles refaire un tout avec vous, si les molécules de votre amant dissous avaient à s’agiter, à s’émouvoir, et à rechercher les vôtres éparses dans la nature ! […] Le génie latin a passé deux siècles à méconnaître le genre d’imagination et de sensibilité qui inspire cette poésie.
D’un autre côté, blâmer un défaut, c’est louer la qualité contraire, et l’on ne peut immoler une victime sans bâtir un autel ; ce sont les circonstances qui désignent l’une, ce sont les circonstances qui élèvent l’autre, et le moraliste qui combat le vice dominant de son pays et de son siècle prêche la vertu contraire au vice de son siècle et de son pays. […] Devant ce tableau frappant de vérité et de génie, on a besoin de se rappeler que cette inégalité blessante est la cause d’une liberté salutaire, que l’iniquité sociale produit la prospérité politique, qu’une classe de grands héréditaires est une classe d’hommes d’État héréditaires, qu’en un siècle et demi l’Angleterre a eu cent cinquante ans de bon gouvernement, qu’en un siècle et demi la France a eu cent vingt ans de mauvais gouvernement, que tout se paye et qu’on peut payer cher des chefs capables, une politique suivie, des élections libres, et la surveillance du gouvernement par la nation.
Mais les personnes qui l’entreprirent semblèrent ignorer que l’organisme intellectuel se transforme au cours des siècles, et que — comme l’a démontré M. […] L’antique éclat dont resplendissaient Apollonius et Callimaque, illumine donc, après plus de XX siècles, Stéphane Mallarmé : il fut le dernier des Rhéteurs. […] Peut-être ne lui a-t-il manqué que l’Instinct pour dominer ce siècle entre Hugo et Verlaine ? […] Mais surtout aussi, je l’aime et je l’admire, parce qu’après les débauches d’exotisme et les exils en des siècles légendaires, celui-ci demeure de son époque et de sa nation.
Puis, il nous joue des pavanes, des passecailles, des menuets, où, avec des notes de musique, il se montre comme un historien de la gravité du grand siècle louisquatorzien. […] Et causant de l’intérêt qu’aurait, le Livre de vérité, de ce cabaret au siècle dernier, nous arrivons à parler de l’étude d’après nature des êtres et des choses de notre vieux territoire, étude commencée au dix-huitième siècle, par Restif de la Bretonne, Jean-Jacques Rousseau, Diderot, et complètement enrayée par ce mouvement littéraire, rapporté des pays exotiques par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, et ne correspondant pas au tempérament français. Comme là-dessus, Daudet disait les belles choses qu’il y aurait à écrire, en faisant causer des vieilles gens de la province, je lui avouais, qu’au commencement de ma carrière, j’avais été mordu de l’envie de faire un volume des bonshommes de la Lorraine, dans les premières années du siècle, d’après les racontars récoltés dans le pays de ma naissance, et qu’à l’heure présente, c’est un de mes grands regrets de ne l’avoir pas fait, ce volume ! […] C’est lui, qui après s’être montré après la défaite de la Commune, si impitoyable pour les communards, au temps de la campagne anticatholique, se livrait, tous les matins, dans Le Dix-Neuvième Siècle, à l’exécution d’un curé de campagne… Je ne sais, mais il évoque chez moi, l’idée d’un de ces goujats d’armée, qui, lorsqu’un chevalier était renversé sur le dos, sans pouvoir se relever, l’égorgillait sans défense, avec son eustache, par les défauts de son armure.
Pour que de grandes modifications se produisent dans la succession des siècles, il faut qu’une variété, après s’être une fois formée, varie encore, bien que peut-être au bout d’un long intervalle d’années, que celles d’entre ces variations qui se trouvent avantageuses soient encore conservées, et ainsi de suite. […] Quoique la nature emploie de longs siècles à son travail de sélection, cependant elle ne laisse pas un laps de temps indéfini à chaque espèce pour se transformer ; car, tous les êtres vivants étant obligés de lutter pour se saisir des places vacantes dans l’économie de la nature, toute espèce qui ne se modifie pas à son avantage, aussi vite que ses concurrentes, doit être presque aussitôt exterminée. […] La différence première était peut-être insignifiante ; mais, dans le cours du temps, la sélection continuelle des Chevaux les plus agiles par certains éleveurs, et des plus robustes par les autres, a dû rendre cette différence assez prononcée pour qu’elle formât deux sous-races ; après des siècles écoulés, ces deux sous-races sont devenues deux races permanentes et bien distinctes. […] Que la sélection naturelle ait réellement agi pendant toute la durée des siècles passés pour modifier et adapter les diverses formes vivantes à leurs diverses conditions de vie et à leurs différentes stations, on en devra décider d’après la teneur générale des chapitres qui vont suivre ; et la valeur des preuves ou des probabilités qu’ils contiennent.
et pourtant il passe pour être du bon siècle, et il en est ; il imite Callimaque, Philétas, et cela nous reporte aux Alexandrins.
On sait la phrase finale du Pape, dans laquelle il est fait allusion au mot de Michel-Ange parlant du Panthéon : Je le mettrai en l’air. « Quinze siècles, écrit M. de Maistre, avaient passé sur la Ville sainte lorsque le génie chrétien, jusqu’à la fin vainqueur du paganisme, osa porter le Panthéon dans les airs, pour n’en faire que la couronne de son temple fameux, le centre de l’unité catholique, le chef-d’œuvre de l’art humain, etc., etc. » Cette phrase pompeuse et spécieuse, symbolique, comme nous les aimons tant, n’avait pas échappé au coup d’œil sérieux de M.
C’est, d’ailleurs, que Stendhal n’est pas seulement un des écrivains les plus originaux de ce siècle, mais qu’un certain nombre de lettrés, sincèrement ou par imitation, les uns pour paraître subtils et les autres parce qu’ils le sont en effet, considèrent Beyle comme un maître unique, comme le psychologue par excellence, et lui rendent un culte où il y a du mystère et un orgueil d’initiation.
Pour l’exactitude aisée de ses peintures, Alfred Capus est notre premier annotateur de mœurs, et, autant que d’un siècle au suivant on peut comparer, pas inférieur au glorieux Lesage.
Tous les siècles d’une nation sont les feuillets d’un même livre.
L’entrée à l’hôtel Rambouillet de cette femme charmante, dont l’esprit et la grâce n’ont pas vieilli depuis deux siècles, dont la vertu a été aussi souvent citée que sa grâce et son esprit, n’est pas moins un hommage à la pureté de principes et de goût de la marquise de Rambouillet, que ne l’ont été la noble sagesse et l’austère vérité de Montausier, quand il s’y est établi.
L’auteur du Siècle de Louis XIV pense que Boindin ne les a chargés tous trois que par esprit de vengeance & de haine personnelle.
En effet, que Racine ou Despréaux & le plus excellent prosateur du siècle passé eussent entrepris, à l’envi l’un de l’autre, de mettre en notre langue Virgile ou Horace, est-il douteux que les deux traductions ne se fussent balancées, & n’eussent un égal dégré de mérite, chacune dans son genre ?
Plus nous avons réfléchi à ces graves problèmes, plus nous sommes resté persuadé que la grande religion qui a nourri l’Europe pendant tant de siècles peut encore et peut seule suffire aux nécessités de la crise que nous traversons.
Au siècle dernier, d’Arlincourt eut une telle réputation, que la mode féminine lui empruntait le titre de ses œuvres, et, de nos jours, la vogue de M.
C’est la répétition éternelle de ces trivialités dont on a été ennuyé tant de fois, qui cause le dégoût de notre siècle pour les vers en général, dégoût qu’il est impossible de se dissimuler.
Excepté Eugénie de Guérin, sa rivale d’émotion, mais sa supérieure de talent, personne n’avait une telle place dans la publicité de ce siècle… Pourquoi donc ne l’avoir pas gardée ?
… Quand on ne comprend pas très bien une affaire, on dit depuis des siècles : « Cherchez la femme !
Il a cité le docte Bayle, qui, pour diffamer Grégoire et la comtesse, invente un jésuite au douzième siècle, lequel affirme, dans un style de cuistre de tous les siècles, les trop grandes privautés de la comtesse et de Grégoire et la captation des biens de cette dévote par ce directeur… Il a cité le docte Voltaire, qui conclut la thèse de Bayle par cette incomparable impertinence, que « Grégoire aurait été un imbécile s’il n’avait pas employé le profane et le sacré pour dominer la comtesse Mathilde ».
C’est, comme vous le voyez, un vrai regrattage, — insignifiant quand il n’est pas maladroit, — une espèce de travail semblable à celui que l’on fait parfois (et je n’ai jamais su pourquoi) sur les édifices que le temps a austèrement bistrés et qui portent, au rebord de leurs angles et sur le cordon de leurs nervures, la poussière chassée par les siècles ou la graine éclose qu’en passant l’oiseau du ciel y fit tomber.
Or, si c’est là, sans aucune exagération, sa seule philosophie, si son histoire tout entière est contenue dans de telles prémisses, il est facile d’en conclure cette terrible abréviation des soixante années qui valent peut-être deux siècles ordinaires, tant elles ont influé sur le cours des choses et du monde !
Sans Saint-Simon, nous n’aurions jamais vraiment connu le siècle de Louis XIV.
Les plus belles, les plus nobles imaginations de ce siècle furent ébranlées et éblouies par le sang, — cette pourpre qui éblouit quand il s’agit de juger celui qui le verse, — et qui fut versé par ce lâche et ce sot.
Il en a fait un homme politique, un de ces cuisiniers de révolutions et de gouvernements impossibles, qui empoisonnent la France depuis près d’un siècle… Le journalisme, qui, si l’on n’y prend garde, donne de si mauvaises habitudes à la pensée, a donné à Pelletan tous les défauts qui sautent aux yeux dans son nouveau livre : l’inconsistance, la frivolité, les passions de parti et leurs faux jugements et leurs injustices, et surtout cette terrible et misérable faculté de se monter la tête, de suer à froid, comme disait Beaumarchais, en parlant des avocats, ces journalistes du bec comme les journalistes sont les avocats de la plume, et de se faire illusion à soi-même pour mieux faire illusion aux autres.
La Révolution de la fin du siècle, qui précéda la venue de l’auteur des Contes fantastiques, avait, par ses malheurs et ses péripéties, excité jusqu’à la douleur le système nerveux de l’Europe.
que dirait-il, le grand poète, s’il vivait à cette heure du siècle et s’il apprenait tout à coup qu’en France, ce pays de convenance et de goût, il est livré dans une de ses plus belles œuvres aux faiseurs de flonflons, et, comme il les appelait : aux violonneurs !
Honteux d’être obligé de rétrograder jusque-là, car il a un bon sens qui se révolte probablement contre les conclusions de sa philosophie, l’historien de l’intelligence essaie de s’abriter sous l’opinion (d’ailleurs rétractée) de saint Augustin, dont le génie, comme on le sait, élevé dans les écoles, oscilla plus d’une fois aux souffles de son temps, avant de devenir la ferme lumière qui a brillé dans le monde catholique, phare immobile à travers les siècles !
Il l’a essayé, au commencement du siècle, ce spiritualisme vain qui, en dehors des idées chrétiennes, a l’insolence et l’ingratitude de se croire quelque chose.
L’historien fait tourner tout le siècle dans cette lumière sacrée, — espèce de jour nouveau qui ne l’avait jamais pénétré.
, poétiquement un gautiériste… C’est là le mal commun de la poésie de ce moment du siècle… Or Gautier, c’est le symbole de Pygmalion renversé.
Théodore de Banville aura fait partie de cette brillante Heptarchie de poètes qui ont régné sur la France vers le milieu de ce siècle et dont on ne voit point les successeurs… Lui seul des sept — les sept chefs devant Thèbes, mais Thèbes écroulée, car maintenant la Poésie n’est plus !
Madame André, qu’on pouvait imaginer un livre de passion dramatique à faire pâlir tous les drames connus, et d’événements d’une invention extraordinaire, n’est que l’histoire la plus moralement exemplaire, si elle n’est pas la plus vertueuse en tout, et l’analyse très fine et très poursuivie, poursuivie jusqu’aux imperceptibles, de la situation la plus vulgaire de ce siècle où il y a tant de choses vulgaires, — le concubinage libre, qui est en train de remplacer le mariage pour faire place au concubinage légal du divorce que nous donnera la République !
Balzac a mis sa grande main d’organiste savant et inspiré sur tout le clavier de nos nerfs, tant éveillé depuis Shakespeare ; il a frappé plus longtemps et plus largement où le doigt de Shakespeare n’avait fait que pointer ce terrible accord qui s’en ira, retentissant, glacer la moëlle de tous les siècles ; mais hélas !
C’est toujours la même potée de choses vulgaires qu’on nous jette, depuis des siècles, sur la tête.
Songez que nos traditions remontent à plus de trois siècles et que la terre de France est pour nous peuplée de souvenirs.
Le roi, voulant donner des encouragements aux gens de lettres qui contribuaient le plus à la gloire de son siècle, fit inscrire Molière sur la liste des pensionnaires, et lui accorda cent pistoles ; somme assez considérable pour le temps : la reconnaissance dicta ce remerciement. […] Relisez la pièce, hommes superficiels, et vous verrez que jamais comédie ne donna plus de leçons utiles ; il y en a pour tous les sexes, pour tous les états : et dans ce siècle même, nous n’avons qu’à mettre les adresses. […] À vous, merveilleux de tous les siècles, qui rendez les conversations si pitoyables en y prodiguant les turlupinades, les mauvaises plaisanteries, les insipides calembours. […] nous aurons à te louer bien davantage, lorsque tu auras réduit au silence le Héros des ruelles, le dispensateur des petites réputations, l’ennemi de tous les écrivains illustres de son siècle, M. […] Convenez, va-t-on me dire, qu’une pareille moralité est devenue inutile dans un siècle philosophique.
Nous sommes, bien qu’à différents degrés, les produits d’une éducation poursuivie pendant des siècles à travers un grand nombre de générations. […] Les plus humbles veulent jouir des mêmes plaisirs que les plus fortunés ; aussi, depuis la fin du siècle dernier, on peut dire que le public qui suit les représentations dramatiques a presque centuplé. […] De même l’histoire, les idées, les mœurs de l’Athènes de Périclès nous sont plus familières que celles des premiers siècles de notre ère, et même que celles de nos ancêtres directs. […] Ce serait une erreur de penser ainsi, d’autant que, par suite de la révolution qui, vers la fin du siècle dernier, a modifié l’art des décorations et des costumes, la mise en scène de nos chefs-d’œuvre classiques est toute moderne. […] La mise en scène s’est bien lentement perfectionnée et nos idées sur le costume datent à peu près de la fin du siècle dernier.
Le ridicule qu’ils jettèrent sur toutes ces matières est l’époque de la dépravation des mœurs & de l’esprit du siècle. […] Vers la fin du siècle passé, les médecins de Paris eurent ensemble beaucoup d’autres contestations, au sujet de la levure de bière. […] « Paroissez, leur dit-il, & écoutez le jugement qu’un docteur de ce siècle-ci prononce contre Scot & vous ». […] Siècle de Louis XIV. […] Siècle de Louis XIV.
Après ce poème discours, passez au poème final de la Légende des Siècles, Abîme, où parlent tour à tour l’homme, la terre, les planètes, le soleil, les constellations, la Voie Lactée, et enfin Dieu. […] Quant à la figure de lui, que le poète voudrait imposer au lecteur, diffère-t-elle beaucoup de celle qui depuis trois siècles couvre d’un ridicule mérité l’auteur de l’ode sur la prise de Namur. […] Cette poésie pure, cette pointe de diamant de la langue, cette capacité d’une centaine de vers parfaits, en lesquels un parler de dix siècles donne sa fleur absolue, Valéry, après Mallarmé, après Baudelaire, en témoigne. […] La philosophie est une continuité de philosophes qui, en Occident, mènent, sur les questions d’origine et le fin, un dialogue qui dure depuis vingt-cinq siècles. […] L’expérience nous montre que depuis ces vingt-cinq siècles aucun autodidacte, aucun esprit ignorant les travaux de ses prédécesseurs, n’a pu faire œuvre philosophique valable.
Les Lettres du chevalier parurent en 1682, quand le grand siècle n’attendait plus, pour nouveauté dernière qui l’excitât, que les Caractères de La Bruyère. […] On est tout étonné de le voir prendre sérieusement à partie Alexandre, et le morigéner en deux ou trois circonstances, comme civil et galant hors de propos ; il essaye tout aussitôt de se justifier de l’étrange idée : « Que si l’on m’allègue que c’étoit la bienséance de ce temps-là, ce n’est rien à dire ; les grâces d’un siècle sont celles de tous les temps. […] C’est sur tous ces points que notre siècle, notre société moyenne, moins raffinée, se rachète pourtant et retrouve en gros ses avantages.
Nous allons vous parler aujourd’hui du sublime musicien Mozart, comme nous vous parlerons dans quelque autre entretien de Phidias et de Raphaël, ces deux grands littérateurs de la pierre ou de la toile, qui ont parlé aux siècles par la main au lieu de parler par les lèvres. […] VII Donc, vers la fin du siècle dernier vivait à Salzbourg un pauvre maître de musique, organiste de la cathédrale, aux appointements de quelques écus par an, donnant des leçons en ville, et, en cumulant ainsi ces deux salaires, logeant, nourrissant, vêtissant et élevant sa chère famille, composée de sa femme, d’une fille et d’un fils. […] C’est l’histoire de tous les siècles.
Notre siècle sait qu’il est ainsi, voudrait être autrement et ne le peut pas. Il se considère d’un œil morne, et aucun autre n’a mieux senti combien est malheureux un siècle qui se voit. […] Que la France se souvienne qu’elle a perdu en lui un grand écrivain, un grand homme de bien, mais surtout le plus galant homme du siècle.
Après cela, que Macpherson ait profité de sa découverte pour élaguer quelques imperfections, compléter quelques lacunes et composer même quelques poëmes dans le même mode de style et d’images sur des données fugitives, on n’en saurait guère douter ; mais le caractère de Macpherson, malgré sa jalouse partialité pour son œuvre, était trop religieux pour s’obstiner à une supercherie si contraire à la vérité et démentie par tant de témoignages pendant la durée de plus d’un siècle. […] « Je les vois tous rassemblés2 : ils sont pleins de l’orgueil que leur donnent leurs premiers exploits : leurs âmes s’enflamment au souvenir des combats et des siècles passés : leurs regards étincelants cherchent l’ennemi. […] Les bardes conserveront leurs noms, et les rediront aux siècles à venir.
Swift pouvait choisir entre eux et, après avoir choisi, l’indulgence du siècle et sa propre conscience ne lui interdisaient pas de changer. […] Comme cette perte est cinquante fois trop grande pour que la sagesse du siècle juge à propos de s’y exposer dans l’intérêt du salut du christianisme, il n’y a aucune raison de s’y exposer, pour la seule satisfaction de le détruire. […] Les mêmes vices et les mêmes folies règnent partout ; du moins dans tous les pays civilisés d’Europe ; et l’auteur qui n’écrit que pour une ville, une province, un royaume ou même un siècle, mérite si peu d’être traduit qu’il ne mérite pas d’être lu.
Mais ici, encore une fois, le siècle et le ciel conspiraient ensemble : on ne fit qu’enfoncer une porte tout ouverte : la seule gloire fut de l’avoir enfoncée quelques heures plus tôt. […] Il est assez piquant de remarquer que M. de Talleyrand a été peint deux fois, et pas en beau, par les deux femmes supérieures de ce siècle : Mme Sand a fait de lui un portrait affreux, d’un parfait idéal de laideur.
Aujourd’hui, en abordant Mme de Krüdner sous son auréole mystique, dans sa blancheur nuageuse, dans la vague et blonde lumière d’où elle nous sourit, notre vue et notre conjecture se reportent d’abord bien au delà de notre siècle et des deux précédents : nous n’hésitons pas à la replacer plus haut. […] Il n’aurait pas fallu non plus que Mme de Krüdner, même en venant au treizième siècle, eût vécu trop avant dans ce siècle et jusqu’au moment où des mystiques commencèrent de prêcher l’Évangile éternel ; son imagination, toujours périlleuse, aurait pu s’échapper de ce côté, si voisin de la pente de ses rêves.
trois siècles trop tôt, assistât vivant à la scène diplomatique que nous avons sous les yeux, et qu’interrogé par les Italiens ses compatriotes sur le meilleur parti à prendre pour régénérer l’Italie, il prît la parole à Naples, à Rome, à Bologne, à Venise, à Milan, à Turin, soit dans un conseil de diplomates italiens délibérant en famille sur les affaires de la grande nation qui veut revivre, soit dans une de ces tribunes que l’esprit moderne relève au milieu des peuples longtemps muets. […] XXIII Voyez ce qui se passe à Londres : L’Angleterre cherchait en vain depuis trois siècles une position militaire, politique et navale au Midi contre nous ; elle l’avait trouvée en Espagne et en Portugal pendant la guerre de l’indépendance contre Napoléon ; lui aussi avait voulu s’annexer l’Espagne ; on a vu, à la bataille de Toulouse et à l’invasion des Anglais à Bordeaux en 1814, ce qu’a valu à la France le patronage anglais fatalement introduit en Espagne et en Portugal !
LXIII S’il y avait par siècle un Tacite, l’histoire suffirait pour faire la leçon, l’exemple, la justice au genre humain. […] Nous ne disons pas cela pour le Siècle, journal dont nous différons sur la confédération de l’Italie, préférable, selon nous, à l’unité forcée, chimérique et précaire, de la péninsule.
Sans cela, je dirais tout ce qui m’est venu près de ce fourneau, en pensées religieuses, gaies, tristes ; ce que j’ai coulé d’années, de siècles, de baptêmes, de glas, de noces, d’incendies, avec cette cloche. […] L’âge des cloches prend des siècles, du temps sans fin, à moins d’un malheur ou d’une révolution.
Que j’aime à voir, dans des écrits qui ont trois siècles, la tradition des grands principes littéraires exposée en termes si vifs par des esprits neufs à la découverte et à la possession de la vérité ! […] Son siècle lui fit, comme à tous les grands hommes, des fastes héroïques ; il lui donna des rois pour ancêtres ou pour alliés ; il le fit parent, au dix-septième degré d’Elisabeth d’Angleterre : par malheur, à ce degré on n’hérité plus.
Le temps des naïves afféteries est enfui ; les âmes s’aggravent, à mesure que le siècle va. […] A ce banquet, Richard Wagner proposa un toast à l’ami qui lui était resté fidèle plus d’un quart de siècle malgré les ennuis et les attaques qu’on lui prodiguait sans relâche (voir dans le Daily News du 23 mai 1877, en rapport sur le banquet et sur le « toast » que proposa Richard Wagner.
Non seulement des siècles d’une pareille observation resteraient insuffisants ; mais nous savons maintenant que même des faits élémentaires resteraient hors de notre connaissance, nous échapperaient pour toujours, si l’observation ne recevait quelque secours d’ailleurs. […] L’hypothèse d’un principe vital, qui a dominé pendant des siècles et qui est maintenant rejetée par tout le monde, sauf par quelques métaphysiciens et métaphysiologistes, n’était qu’une explication verbale ; elle substituait des mots à des idées.
Mais il faut rejeter les douleurs imaginaires et l’humanité doit marcher libre, débarrassée de la croix qui pèse sur elle depuis trop de siècles. […] Je l’ai dite, voici bien des siècles.
. ; enfin un tableau pris dans le Plaisir ou la Douleur, à tous les étages et dans tous les quartiers, mais cela fait rigoureusement d’après nature et non de chic, et pouvant servir de document historique pour plus tard — nous plaignant de ce que les siècles futurs n’auraient pas de renseignements de visu authentiques sur le « Paris moral » de ce temps. […] Il mettait à ce qu’il crayonnait une petite grâce mondaine, qui était juste ce qu’il fallait à L’Illustration, dont il était le dessinateur des élégances, rendant la femme contemporaine, non seulement dans la féminilité de son siècle, mais dans la robe, la collerette, la manchette de la semaine.
Victor Hugo Monsieur Vous me trouverez, sans doute, bien téméraire d’oser diriger contre vous une accusation ; mais le droit que tout homme de lettres a de défendre le théâtre national et la gloire des auteurs qui l’ont illustré pendant près de deux siècles, me décide à me livrer sans réserve au fanatisme de votre parti politique et littéraire. […] Ces règles, Monsieur, ne sont point créées par moi ; elles sont le fruit de l’expérience des siècles : et en supposant qu’en les violant on pût obtenir par hasard un succès, cela ne prouverait rien contre leur utilité indispensable.
Selon lui, l’univers se partage et se partagera jusqu’à la fin des siècles, — en supposant que les siècles aient une fin, — en deux espèces d’États, toujours et incompatiblement hostiles, la monarchie et la république ; et ces États, sortis d’un hasard primitif, ne peuvent pas changer et se trouvent toujours vis-à-vis l’un de l’autre dans un rapport d’antagonisme qui est leur loi.
Il n’a point d’idéal dans la tête, et, comme son siècle, il aime les choses basses, signe du temps, et ne peut s’empêcher d’aller à elles. […] L’auteur de L’Assommoir n’est ni plus haut, ni plus fort que son siècle, qui l’a emboîté dans ses rails impérieux.
Combien de siècles de civilisation courtoise et religieuse il a fallu pour mûrir un si noble enfant. […] Pour l’instant, tout à ce travail de préparation, tout au scrupule d’une formation littéraire sérieuse, tout à la recherche du beau, et par la forme pure qui plaît, et par l’idée de vérité qui touche, je ne me laisserai pas emporter par le tourbillon du siècle, ni tenter par le désordre universel, cet orgueil de vouloir devancer les saisons que la Providence a fixées aux mondes, ce défaut dont vous savez bien que la société souffre, s’énerve et s’anémie.
Mais si l’on veut parler de la psychologie de notre siècle, la France compte des travaux qui ne le cèdent en importance et en originalité à aucun des livres que l’Angleterre et l’Écosse ont produits de tout temps. […] L’ethnographie de notre siècle est parvenue, soit par l’observation directe, soit par la science des langues et des idiomes, à des vues ingénieuses, instructives, souvent solides, sur les caractères essentiels du génie des races diverses qui peuplent le globe.
[NdA] Victor Hugo, dans La Légende des siècles.
Ligny, une des terribles batailles du siècle et qui ne put être éclipsée que par Waterloo, Ligny fut une vraie victoire : c’eût été une victoire décisive sans un concours de circonstances dont une seule pourtant fut capitale, selon M.
Léonidas ou tel autre héros grec a-t-il mêlé un juron de son temps à la parole sublime qui a traversé les siècles, et qui, des Thermopyles ou de Marathon, est venue jusqu’à nous ?
Voici enfin l’article du Globe (il est temps d’y arriver) qu’il écrivit sur les deux traductions de Lucrèce en vers et en prose, par M. de Pongerville (nº du 13 avril 1830) : « La gloire de Lucrèce, respectée de génération en génération, avait traversé dix-sept siècles, et brillait encore du plus vif éclat sous le règne de Louis XIV
Vis-à-vis du Saint-Siège, M. de La Mennais peut rester soumis, docile et pleinement adhérent en matière de foi ; mais il a cessé de l’invoquer directement pour l’œuvre temporelle ; on sent qu’il n’en espère plus une effusion prochaine de doctrine qui descende sur le siècle.
Épris que nous sommes aujourd’hui, et avec raison, du beau langage de ce grand siècle, il est bon de nous rappeler de temps en temps aussi à quelles inégalités on y avait affaire.
Semblable à ces orages qui, en détruisant la moisson, ravagent et empoisonnent la terre, l’invasion avait jeté dans tous les esprits une perturbation qu’on aurait prise pour l’œuvre de plusieurs siècles.
Il se sentait donc opprimé, envahi par l’activité matérielle du non-moi ; il travailla durant des siècles à s’en affranchir ; il lutta corps à corps avec lui, et dans cette lutte de violence et de ruse, il acquit une vigueur, une souplesse singulières, des membres plus nerveux, des organes plus prompts, des sens plus aigus ; l’effroi stupide et la haine farouche firent place par degrés au sentiment de la supériorité et à l’orgueil radieux de la conquête : Apollon était vainqueur du Python.
Les Romains de la fin de la République avaient des institutions qui mettaient en jeu les mêmes facultés, les mêmes passions que nous avons vues à l’œuvre ; ils assistaient à des révolutions analogues ; les caractères soumis aux mêmes épreuves prenaient les mêmes formes ; et, en se transportant parmi eux au siècle de Cicéron, on pourrait, au premier abord, se croire encore parmi nous.
Que de réflexions profondes et terribles ne reste-t-il pas de ces Nuits d’Young, où l’homme est peint considérant le cours et le terme de sa destinée, sans cette illusion qui nous fait nous intéresser à des jours comme à des siècles, à ce qui passe comme à l’éternité !
Rousseau s’est affranchi dans ce siècle de la plupart des préjugés et des égards monarchiques.
Enfin dans les deux descriptions j’apercevrai, non pas deux procédés seulement, ni deux arts, mais deux siècles et deux hommes : d’un côté, l’esprit lettré, l’orateur, qui raisonne sa sensation et ne conçoit rien que de triste hors des conditions du monde civilisé et de la vie de société ; de l’autre, le critique, l’artiste, capable de prendre tour à tour l’âme de tous les peuples, acceptant la sensation étrange et même illogique, habile à saisir la beauté dans les moins riants aspects de la nature, dans l’égalité monotone de la lumière.
Je sais que l’exactitude de ces vues trop générales est presque toujours sujette à caution ; mais, de même que la poésie un peu débordante et confuse de la Renaissance païenne s’est comme épurée et calmée au XVIIe siècle (à partir de Malherbe), ne pourrait-on pas dire que la Renaissance romantique, qui apportait, elle aussi, un monde d’idées et de sentiments nouveaux, est arrivée, dans la seconde moitié de ce siècle, à la pleine conscience d’elle-même et, plus réfléchie, s’est éprise d’une perfection plus étroite ?
On maudit le « Progrès » ; on déteste la civilisation industrielle de ce siècle, comme hostile au mystère ; on la juge écœurante de rationalisme, et, en même temps, on jouit du pittoresque spécial que cette civilisation a mis dans la vie humaine et des ressources qu’elle apporte à l’art de développer la sensibilité… Le baudelairisme serait donc, en résumé, le suprême effort de l’épicurisme intellectuel et sentimental.
Depuis des siècles immémoriaux la femme est faite au partage.
Son mari, Francesco Andreini, fit graver sur sa tombe une épitaphe qu’on voyait encore à la fin du dernier siècle, et qui se terminait ainsi : « … Religiosa, pia, musis amica, et artis scenicæ caput, hic resurrectionem exspectat.
Ses docteurs aux dix-septième et dix-huitième siècles. — § I.
De toutes ces constructions où l’on se complaisait encore naïvement il y a un siècle, il ne reste plus aujourd’hui que des ruines.
La durée fut suspendue ; une semaine fut comme un siècle.
C’était ici une application du procédé que la théologie juive et la théologie chrétienne allaient suivre durant des siècles, et qui devait produire toute une série d’assesseurs divins, le Métatrône, le Synadelphe ou Sandalphon, et toutes les personnifications de la Cabbale.
Bossuet lui avait souvent parlé là-dessus avec une liberté digne des premiers siècles et des premiers évêques de l’église ; il avait interrompu le cours de ses liaisons plus d’une fois ; il avait osé poursuivre le roi qui lui avait échappé.
Car on apercevra dans cinquante ans ce manque d’harmonie entre l’idée et la parole et dans un siècle l’œuvre incertaine ne sera plus que ruines.
Blasés par l’habitude héréditaire de longs siècles sur les alternatives régulières qui flétrissent et renouvellent la nature, nous pouvons à peine comprendre les sensations d’une race encore neuve, à la vue des phénomènes que ramène le cours des saisons.
* * * — Nous sommes le siècle des chefs-d’œuvre de l’irrespect.
Là, en effet, il y a six siècles, d’autres titans ont lutté contre un autre Jupiter : ces titans, ce sont les burgraves ; ce Jupiter, c’est l’empereur d’Allemagne.
Il eut l’imprudence de se mesurer avec Richelet, un des plus méchans & des plus brouillons écrivains de son siècle.
Sans vouloir discuter cette esthétique très-répandue, je me contente de faire observer que même admit-on le principe que je viens de dire, à savoir le principe du plaisir, encore faudrait-il distinguer entre les différents genres de plaisir que les écrits peuvent nous procurer : par exemple, entre le plaisir des sens et le plaisir de l’esprit, le plaisir de l’imagination et le plaisir du cœur, le plaisir de quelques-uns et le plaisir de tous, le plaisir des ignorants et des grossiers et le plaisir des esprits éclairés, enfin entre le plaisir d’un jour et le plaisir de plusieurs siècles.
Dieu prodigue ses biens… Allusion bien mesurée à la richesse de ceux qui ont renoncé aux biens du siècle.
C’est le catholicisme de Lacordaire qui fait sonner, comme le mulet ses sonnettes, des bourdes creuses de liberté, bobinant comme la chimère du siècle, dans le vide de tant d’esprits !
Assurément, Ponson du Terrail est l’homme d’une littérature bien avilie ; mais tous les bas-bleus de cette heure du siècle peuvent s’y mettre, à eux tous ; ils ne feraient pas Rocambole !
Il fut certainement l’esprit le plus aristocratiquement esthétique d’un siècle et d’une nation également voués au génie bas de l’utilité, Edgar Poe n’a jamais fait, toute sa vie, que de la poésie et de la littérature inutiles, — et c’est encore un de ceux-là que les Omar de la Démocratie qui marche sur nous brûleront un jour avec le plus de plaisir, et, pour parler leur langue abjecte, comme « un faignant !
— l’ont appris enfin, après deux siècles, ils se sont conduits en vrais Anglais et ils n’ont rien négligé pour faire à Shakespeare une histoire, et lui tailler la statue d’une biographie.
Depuis sa mort, tout a été englouti et noyé dans le flot de gloire qui a déferlé sur sa tombe pour avoir fait ses deux chefs-d’œuvre, qui ne sont pas les chefs-d’œuvre de tous les siècles, mais les chefs-d’œuvre du xviiie , et par lesquels tous les livres du xviiie siècle (par qui soient-ils faits)peuvent se tenir vaincus.
Et, nous le répétons, il est instant de le dire distinctement et fort haut, car la tendance du siècle n’est pas de ce côté, mais du côté contraire.
René d’Anjou n’est pas Childebrand, et Lecoy de la Marche n’est pas ignorant comme le poète dont Boileau se moque ; mais, franchement, on ne voit pas très bien pourquoi, si on n’écrit pas une histoire générale de France où le roi René tient naturellement sa place, on a détaché de cette histoire et pris à part, comme un homme assez grand pour se présenter seul, ce roi qui se fond dans les événements de son siècle, — qui n’a pas dévoré son règne d’un moment, comme dit Corneille, mais que son règne d’un moment, si cela peut s’appeler un règne, a dévoré !
L’écu, le tout-puissant écu, dans ce siècle de religions diverses poussées en pleine terre de folies, doit s’établir comme la religion définitive de la Raison et du Progrès, et Bellegarrigue est le Guèbre prosterné de ce soleil nouveau : la pièce de cent sous.
« Ce fut le 5 juin 1666 — nous dit Renée — que cette belle âme, honneur de son siècle, quitta la terre.
Le xixe siècle, ce siècle profondément historique et qui ne sera probablement que cela, du moins chez nous, n’avait pas Histoire de France, il y a encore quelques années.
C’était le commencement de cette ère nouvelle, — qui allait faire son temps, comme la Féodalité, vieillie et affaiblie, avait fait le sien, — l’aurore de cette longue journée d’Histoire dont le midi, éclatant et meurtrier, fut Louis XI et Richelieu, et le soleil couchant, Louis XIV… Saint Louis, le précurseur de ces trois grands hommes, qui ne furent que sa petite monnaie, tombée quelquefois dans du sang ; Saint Louis, qui ne fut pas seulement un Roi, mais le Roi, trouva la Royauté toute faite dans les idées et les besoins de son siècle, et il l’incarna dans sa personne.
Avant lui, les héros qu’il raconte l’avaient transposée… Ils étaient dans l’ignorance du Dieu de leurs pères, qui avait été pendant des siècles le Dieu de la patrie, mais ils étaient des soldats comme les premiers soldats chrétiens, comme Sébastien, Saint Maurice et Saint Georges ; ils étaient des soldats comme les Croisés, comme Bayard, et comme tout ce qu’en fait de soldats le Christianisme a produit de plus pur et de plus héroïque dans l’histoire du monde !
Le siècle a beau être aux impertinences, repoussons celle-ci, pour le compte de la littérature !
Il sera compté dans la littérature épistolaire et mis très haut, j’ai dit pourquoi… Mais si haut qu’il soit mis parmi les épistoliers de son siècle, il en est trois — Voltaire d’abord, puis le prince de Ligne, et enfin Madame Du Deffand elle-même, — qui doivent passer bien avant lui.
Seulement, pour la remplacer, cette notion inférieure et grossière, l’éminent inventeur n’a trouvé rien de plus puissant que de ramasser dans la poussière des rêves de l’humanité les plus rongés par les siècles et les plus transparents de folie le système ruminé par l’Inde, — cette vache de la philosophie, — d’une métempsychose progressive, qui met l’homme aux galères à perpétuité de la métamorphose et son immortalité en hachis !
Dans cette réplique d’un siècle à un autre par ses plus grands hommes, le comte de Maistre, avec son esprit merveilleux, si aristocratique, si français, et ce don de plaisanterie charmante, qui était comme la fleur de son profond génie, le comte de Maistre tient naturellement la place de Voltaire, et c’est bien le Voltaire du catholicisme, en effet !
c’est le sens du siècle même.
Le monde, auquel on avait servi tant de religions depuis un quart de siècle, était si repu de ce genre de folies, qu’il ne fit nulle attention à celle d’Auguste Comte, laquelle ressortait néanmoins en haute bouffonnerie sur celles qu’on lui avait servies jusque-là.
Ce n’est pas l’erreur du quiétisme, — nous n’en sommes plus là, dans ce siècle, — mais c’est peut-être le quiétisme de l’erreur.
Il faut bien que la Critique le dise aux poètes, puisqu’ils l’oublient aux tournants du siècle et dans l’ivresse égoïste de leurs facultés : hors du christianisme, il n’y a pas de poésie forte et profonde.
C’était un déiste du xviiie siècle, d’un déisme invalidé de scepticisme et d’indifférence, mais quelle que fût la philosophie d’André Chénier, dans un temps où tout le monde se vantait d’être philosophe, il était encore assurément le meilleur d’un siècle si violemment hostile aux idées religieuses comme nous, chrétiens, les comprenons.
Elle porte l’odeur d’un autre dans le mystère de sa personne, et sur ses chastes bras, l’impression brûlante encore des bras qui déjà l’ont étreinte… Lamartine a seul, parmi nous, la virginité de la Muse· C’est la seule voix de notre siècle qui ne rappelle pas une autre voix.
Jean Gigon, né avec le siècle, trouvé sur le versant français des Pyrénées par deux gendarmes, dont l’un son parrain, et l’autre sa marraine, lui donnent, l’un son prénom et l’autre son nom de famille, et lui constituent ce nom de Jean Gigon, si fameux — mais seulement fameux là !
en Angleterre, où il y a aussi des littératures restreintes à côté de la grande littérature, vous avez vu ce qu’est devenu le roman de high life qui eut, au commencement du siècle, un tel succès, que Pelham commença la fortune politique de Bulwer… Rien n’est resté de ce genre de roman.
ce qu’il vaut quand il se met à plein dans son siècle à lui.
… Selon nous, ce qui range à part le génie de Balzac parmi les autres génies contemporains et européens, c’est l’esprit, cette faculté perdue que je nommerais volontiers anti-dix-neuvième siècle, tant elle est rare à cette époque, même dans les talents réputés les plus grands !
En vain l’a-t-il fait aussi, comme Christian, victime de l’absence d’éducation morale, cette plaie du siècle, et le ramène-t-il à l’ordre et à la vraie destinée par le sentiment paternel, comme il y a ramené Christian par l’amour ; en vain la scène du verre de champagne accepté, qui l’introduit dans le roman, est-elle charmante et attendrie, ce personnage de Chambornay nuit plus qu’il ne sert au développement du livre, et, avec le talent mâle, sobre et qui se ménage si peu de l’auteur, avec ce talent qui sait revenir si courageusement sur lui-même pour s’opérer de ses propres mains, on est étonné qu’il n’ait pas sacrifié et remplacé cette figure selon nous malvenue à travers toutes les autres qui le sontsi bien.
Celle-ci, que notre siècle, pour qui rien n’est difficile à expliquer, grâce à son double caractère d’incrédulité et d’ignorance, qualifierait simplement de fantaisies et de caprices, contient, ce me semble, une espèce de mystère.
L’influence de la Chartreuse de Parme a été presque nulle dans l’histoire littéraire du siècle. […] La littérature d’imagination, dans le siècle où nous sommes, a traversé plusieurs fois de ces crises : en ce moment même, elle en traverse une. […] Mais il représentaient des idées vers 1830, et des idées entre lesquelles depuis lors le siècle a fait son choix. […] Chose bizarre, en effet, ce « précurseur » retarde sur son siècle ; et tandis que ses Études sonnent l’heure de l’an 1900, ses romans marquent toujours l’heure de 1830. […] Ouvrez les yeux, regardez autour de vous : apparemment le siècle n’est pas si stérile en vertus qu’on n’y puisse de loin en loin rencontrer de bons exemples.
Et je jure par les saints évangiles que le nouveau 9 thermidor qui terminera ce second empire de la terreur sera le premier jour de la royauté renaissante et affermie pour les siècles des siècles. […] J’espère l’obtenir. — Je ne vous dirai pas ce que je souffre ; vous le comprendrez ; mais, excepté le moment où un homme tel que vous m’a fait douter de son estime, Dieu m’a fait la grâce de penser que je donnais un noble exemple à mon siècle. […] Voilà les heureux du siècle !
Regardez ce petit recueil tout nouveau, Essays and Reviews ; vos libertés philosophiques du dernier siècle, les conclusions récentes de la géologie et de la cosmogonie, les hardiesses de l’exégèse allemande y sont en raccourci. […] Pourquoi vit une nation ou un siècle, sinon pour les former ? […] Les architectures de tous les âges mêlaient leurs ogives et leurs trèfles, leurs statues et leurs colonnes ; le temps avait fondu leurs teintes ; le soleil les unissait dans sa lumière, et la vieille cité semblait un écrin où tous les siècles et tous les génies avaient pris soin tour à tour d’apporter et de ciseler leur joyau. […] Autour d’elles comme pour les garder, des arbres énormes, vieux de quatre siècles, allongeaient leur files régulières ; et j’y trouvais une nouvelle trace de ce bon sens pratique qui a accompli des révolutions sans commettre de ravages, qui, en améliorant tout, n’a rien renversé, qui a conservé ses arbres comme sa constitution, qui a élagué les vieilles branches sans abattre le tronc ; qui seul aujourd’hui, entre tous les peuples, jouit non-seulement du présent, mais du passé.
Voilà le grotesque dont les courtisans de la Restauration ont fait leurs délices ; leur rancune et leur grossièreté se sont complues au spectacle de ces marionnettes criardes ; d’ici à travers deux siècles, on entend le gros rire de cet auditoire de laquais. […] L’Angleterre la suit dans cette voie, emportée par le courant universel du siècle, mais à distance, et tirée de côté par ses inclinaisons nationales. […] Un tel théâtre peint une race et un siècle. […] Après tout, si la vraie comédie ne peut vivre qu’en certains siècles, la comédie ordinaire peut vivre dans tous les siècles. […] Comparez cet essai à l’ouvrage de Carlyle ; c’est le même titre et le même sujet, et il est curieux d’y voir la différence des deux siècles.
Courteline, toute fraîche après des siècles. […] Certes il voit les travers de notre siècle de façon fort lucide. […] Ce singulier contresens date de notre siècle — c’est le xixe que je veux dire. Écrire servit alors à tant de choses, fut le fait de tant de gens qu’on oublia que c’était une action d’essence divine, et tandis qu’au cours des siècles précédents tout ce qui s’écrivait participait de l’art, on vit la place de l’art diminuer dans les lettres d’autant qu’il s’écrivait plus de choses étrangères à l’art. […] Succès d’estime, enfin, c’est le remède appliqué sur le sensible amour-propre des auteurs qui ne sont pas à la mesure de leur siècle.
Vers le milieu du siècle dernier, La Condamine racontait que la cuisson du poison était confiée à une vieille femme : si cette femme mourait, le curare était jugé de bonne qualité ; si elle ne mourait pas, on la battait de verges. […] Stahl, qui à un siècle de distance est le continuateur de Van-Helmont, simplifie toutes ces conceptions de principes intelligents, d’esprits recteurs ou d’archées. […] À la fin du siècle dernier, Lavoisier et Laplace vinrent démontrer qu’il n’y a pas non plus deux chimies, l’une pour les corps bruts, l’autre pour les êtres vivants. […] À la création, ces propriétés s’emparèrent de la matière, qui en restera constamment pénétrée dans l’immense série des siècles. […] Au commencement de ce siècle, un physiologiste français, Le Gallois, publiait encore un volume d’expériences : sur le Principe de la vie et sur le siège de ce principe.
Quelques dizaines de siècles de vie sociale n’ont pu effacer des centaines de siècles de vie purement animale ou de vie soumise du moins à tous les rythmes de la nature. […] Cela a l’air absurde, et cependant cela est, et cependant nous-mêmes, hommes de ce siècle, et nullement primitifs, nous considérons encore ces notions comme insoumises à des rapports logiques. […] « Si Froude eût vécu quelques siècles plus tôt, ajoute M. […] Quelques sensibilités d’aujourd’hui, froissées par certaines cruautés de notre système social, ne se consolent qu’en imaginant, dans les siècles à venir, une société parfaite. […] Une des variétés de l’ennui les plus répandues, surtout, dirait-on, depuis un siècle, c’est la nostalgie.
Vous avez mis pas mal de siècles à faire cette conquête. […] Un sentiment nouveau, très faible encore — depuis tant de siècles de lutte ! […] Par eux une fleur naît du fumier des siècles, par eux, une fois de plus, l’amour naît de la mort… J’allais sur la route crépusculaire, dans la bouc, sous la pluie fine et le brouillard. […] Absurde et sans portée se dénoncerait donc l’intention de revenir en arrière, de se restreindre à des jeux de rhétoriciens — hors du siècle… Au surplus, M. […] Cela prête à rire de voir des gens assigner un rôle à la science, lui défendre d’entrer sur tel domaine, lui prédire qu’elle n’ira pas plus loin, déclarer qu’à la fin de ce siècle, lasse déjà, elle abdique.
Passé ces glorieuses époques qu’enfante un concours de circonstances, ménagées souvent durant des siècles, l’intérêt général et social se dissémine, se retire de plus en plus des œuvres distinguées de poésie, que multiplient pourtant l’éducation, l’exemple, le caprice des imaginations précoces et surexcitées. […] L’artiste souffre ; il arrive dès l’abord, sous le poids des siècles qui ont précédé, mais aussi sous leur aiguillon, dans un monde où les premiers rôles de la poésie et de l’art sont pris et, en quelque sorte, usurpés par les ancêtres.
Se sentant pourtant près de mourir, centenaires, millionnaires et célibataires, voilà qu’un vif regret de la patrie les reprend tout d’un coup après plus d’un siècle, et ils ont l’idée de rappeler quelque arrière-petit-neveu ou arrière-petite-nièce pour rentrer dans la religion réformée et dans l’héritage. […] Le siècle est de fer.
On sait la large empreinte qu’en reçut le poëte qui a dit : Ce siècle avait deux ans…. Un autre qui naissait quand ce siècle avait quatre ans déjà, pour rendre ce même effet indélébile, a pu dire : Nous tous, enfants émus d’un âge de merveilles, Bercés sous l’étendard aux salves des canons, Des combats d’outre-Rhin balbutiant les noms, Nous avons souvenir de plus d’une journée Où l’Empire leva sa tète couronnée ; Quelque magnificence, une armée, un convoi, Un Te Deum ardent, la naissance d’un Roi ; Et l’Empereur lui-même, au moment des campagnes, Il passait dénombrant les aigles ses compagnes ; Du geste il saluait tout un peuple au départ, Et moi qui parle ici, mon front eut son regard !
Fortement marquée de l’expérience de son siècle, elle paraît avoir été douée de cette supériorité de caractère et de vue qui, saisissant la vie telle qu’elle est, la domine et sait la refaire aux autres telle qu’elle devrait être. […] Du milieu social où elle naquit, comme de celui où se forma son aînée, Mlle Pauline de Meulan, on peut dire (et je m’appuie ici pour plus de facilité sur des paroles sûres) que « c’était une de ces familles de hauts fonctionnaires et de bonne compagnie, qui sans faire précisément partie ni de la société aristocratique, ni même de la société philosophique, y entraient par beaucoup de points et tenaient du mouvement du siècle, bien qu’avec modération, à peu près comme en politique M. de Vergennes, qui contribua à la révolution d’Amérique, fut collègue de Turgot et de M.
Des centaines de siècles, des milliers de révolutions, des millions de réflexions accumulées, transformées, entre-croisées ont labouré et façonné son âme. […] On n’a qu’à comparer les paysages de Poussin et de Pérelle à ceux de Decamps et de Rousseau, pour comprendre le changement qui s’est fait dans cette voie depuis deux siècles.
Ces deux éléments ne pouvaient s’assimiler qu’après un intervalle d’un siècle. […] « Si l’on ajoute à ces tortures de l’âme les tortures du corps de cette malheureuse famille, jetée, après une nuit d’insomnie, dans cette espèce de cachot ; l’air brûlant exhalé par une foule de trois ou quatre mille personnes, s’engouffrant dans la loge, et intercepté dans le couloir par la foule extérieure qui l’engorgeait ; la soif, l’étouffement, la sueur ruisselante, la tendresse réciproque des membres de cette famille multipliant dans chacun d’eux les souffrances de tous, on comprendra que cette journée eût dû assouvir à elle seule une vengeance accumulée par quatorze siècles.
Ce jour indique-t-il la révolution de la terre autour de son axe, ou bien est-ce le produit d’une série de siècles ? […] J’ai la confiance que ma conduite dans les trois derniers mois (j’ai presque dit dans les trois derniers siècles) ne doit me rien faire perdre dans ton esprit.
Vous savez bien, vous qui avez apporté le papier qui nous a dépouillés de tout ce qui faisait vivre ici les Zampognari depuis les siècles des siècles, vous savez bien qu’on ne nous a laissé que ces trois grosses branches qui s’étendent de notre côté sur la pelouse et sur la maison qui nous restent ; vous savez bien que ces branches sont à nous, c’est encore assez, car l’arbre est si grand que ces seules branches, le quart de l’arbre, nous rempliront encore au moins huit sacs de châtaignes ; c’est juste ce qu’il faut pour quatre bouches, en économisant.
Les autres siècles ont cru que ce temps-là, perdu, était le seul gagné. […] Il est une œuvre humaine qui dure au travers des siècles.
C’est une nymphe du siècle , dit Somaise, qui a inventé cet usage. […] Dans un siècle frivole, de bel esprit, de mauvaises mœurs, sous un gouvernement absolu, la satire, la comédie satirique, devaient être en grand honneur ; les bonnes qualités ne rachetaient pas le ridicule ; après le besoin de parler était venu le besoin de rire.
Edgar Allan Poe7 Analyser l’œuvre d’Edgar Poe, discerner l’esthétique subtile, savante et parfaite, par laquelle il suscite, avec une certitude prévue, l’extrême de certaines émotions, remonter de ces moyens à ces effets, des artifices du style, de la psychologie, de la composition, aux propriétés intimes et essentielles, saisir enfin la cause dernière, l’âme même de Poe, complexe, ténébreuse, retorse et robuste, ayant d’un mécanisme d’acier le froid, le bleu, le fin et le dur, ce sera, d’une certaine manière, appliquer à cet artiste la loi du talion, le disséquer avec les instruments par lesquels il assume sur la plupart des esprits de ce siècle un ascendant impérieux et obéi. […] En un ensemble d’œuvres, les plus étranges de notre siècle, nous avons noté un ensemble de caractères d’abord externes, puis intérieurs Ces caractères associés selon leur similitude, analysés selon leur signification, nous ont permis de conclure chez celui dont ils marquent les écrits, à certaines propriétés mentales, dont l’existence et les modifications réciproques expliquent pourquoi l’œuvre de Poe est telle que nous l’avons vue.
Le duc de Mayenne, interrogé un jour par des amis de d’Aubigné sur la manière dont s’était passé le combat d’Arques et sur ce qui avait précipité la victoire ; après quelques essais d’explication, et se sentant trop pressé, finit par répondre : « Qu’il dise que c’est la vertu de la vieille phalange huguenote et de gens qui de père en fils sont apprivoisés à la mort. » D’Aubigné, qui prend au pied de la lettre la réponse du duc de Mayenne, s’est donné pour tâche dans son Histoire de raconter les exploits et de produire les preuves de cette vertu guerrière, d’en retracer l’âge héroïque dans ses diverses phases : c’est sa page à lui, c’est son coin dans le tableau de son siècle ; et il l’a traité avec assez d’impartialité en général, avec assez de justice rendue au parti contraire, pour qu’on lui accorde à lui-même tous les honneurs dus finalement à un champion de la minorité et à un courageux vaincu.
Figurez-vous deux généraux, qui guerroient depuis un mois, qu’on vient prendre en carrosse et conduire dans la citadelle la plus renommée du Piémont, qui se trouvent au milieu de tout un état-major de généraux et officiers ennemis, qui faisaient entre eux plusieurs siècles, et qui brillaient comme des soleils.
Il appartint comme élève à la première génération de l’École normale en 1811 ; il fit partie de ce qu’on pourrait appeler sans exagération l’avant-garde intellectuelle du jeune siècle : toutes les idées et les vues nouvelles qui flottaient depuis quelques années dans l’air et qui émanaient du mnonde de Mme de Staël, — qu’elle-même devait au commerce de l’Allemagne, — devinrent pour la première fois chez nous, dans cette haute École, des études précises et bien françaises.
« Son vice, comme tous les miens, dit l’auteur des Mémoires, doit aujourd’hui être mort de vieillesse. » Élevé d’abord chez sa grand-mère maternelle, qui s’appelait Marzia, soumis par elle, dans une maladie qu’il fit, à toutes les superstitions populaires et aux pratiques occultes de la magie, il y prit, sans trop y croire, un avant-goût de cette disposition à la cabale et aux enchantements, qui fut quelquefois une de ses ressources en ce siècle de Cagliostro.
Vous quittez le pays à demi allemand qui n’est à nous que depuis un siècle.
Il ne voit dans les règles des docteurs sévères que des « discours un peu tristes », dans Arnauld et Nicole que des « gens d’esprit, bons disputeurs. » Etranges sentiments dans un siècle chrétien !
Ils sont passés ces jours dont tu dois être fier ; C’était un autre siècle, et pourtant c’est hier !
Bain), que tous les siècles ont estimé et loué, implique en quelque mesure le sacrifice.
Il en fut ainsi de la physique et de la chimie pendant des siècles ; ainsi des sciences biologiques, dont les résultats ne sont encore qu’entrevus.
Carlyle, Lamartine et Michelet l’ont étudiée, pendant ce siècle, avec succès.
Ce genre de critique littéraire dont il fallait déterminer exactement l’objet, est le seul qu’on ait pratiqué au siècle passé et au commencement du nôtre.
Dans l’illustre et grand siècle où nous sommes, n’avoir pas reculé dès le premier jour devant la laborieuse mission de l’écrivain, c’est s’être imposé la loi de ne reculer jamais.
Durant les deux siècles qui dominent notre littérature et la littérature de l’Europe la supériorité française s’établit au théâtre par la comédie de mœurs et la tragédie.
Industriel, rien ne m’interdit de travailler avec des procédés et des méthodes de l’autre siècle ; mais, si je le fais, je me ruinerai à coup sûr.
Le siècle n’est pas aux poésies de M. de Laprade : notre génération prend le livre, le livre lui glisse forcément et fatalement des mains.
Non, dans une république aristocratique ; non, surtout si vous observez que Platon parle surtout du respect aux lois anciennes, qui ne sont, au moment présent, l’œuvre ni de la foule, ni d’une élite, mais l’œuvre du passé, l’oeuvre lente des siècles ; et vous arrivez à cette conclusion que peut-être Platon est un homme qui veut qu’un peuple soit surtout gouverné par son passé, ce qui est l’essence même de l’aristocratisme. — Vous vous trompez peut-être ; mais vous avez comparé, rapproché, contrôlé une idée par l’autre, limité ou rectifié une idée par l’autre, et vous avez goûté le plaisir qui est celui que l’on doit aller chercher chez un penseur, qui est le plaisir de penser.
Son génie consiste à avoir compris l’importance du fait… C’est en ce sens qu’il a été vraiment chef d’école… initiateur d’une analyse qui a renouvelé le roman français… Il a influencé tous les grands écrivains de son époque, Taine, Mérimée, Balzac, Flaubert, Bourget, Chuquet, Erekmann-Chatrian… Il a créé Tolstoï… Taine a appelé Stendhal le plus grand psychologue du siècle.
En l’absence de William Shakespeare, trépassé il y a trois siècles, Beaumont-Vassy avait pensé à nous ressusciter le galbe imposant de cet halluciné sublime dans je ne sais quel drame, — ou plutôt dans je ne sais quelle scène historique de longue haleine comme ont imaginé d’en écrire les hommes qui ne savent pas remuer puissamment l’échiquier du théâtre, où les conceptions de la pensée se carrent et se cubent sous l’empire des plus difficiles combinaisons.
L’autorité paternelle, en laquelle nous avons cru pendant des siècles, parce que nous acceptions, comme un fait qui vivait, la lettre morte d’une législation dépassée par les progressistes chinois, l’autorité paternelle, que Huc nous montre, comme le reste de cet empire, qui s’évapore en formules, ne reprendra pas le sceptre domestique échappé de ses mains.
Apprenez-moi, si vous le savez, ô antiquaires de la littérature d’hier, plus vieille que celle d’un siècle !
Contre le merveilleux et l’incompréhensible de son histoire, à lui qui vivait il y a les trois jours de trois siècles, à lui le moderne qui touchait à Luther et à qui nous touchons, on ne pouvait opposer l’éloignement des temps et leur poésie ; la légende des religions naissantes, et l’imagination de peuples qui avaient l’imprimerie et qui étaient assez vieux pour tout discuter.
Henri III, Henri IV, tous les événements du siècle qui tourne autour d’eux, n’ont pas donné une seule distraction à l’historien attaché au sujet particulier de son livre et qui l’ouvre en 1584 pour le fermer en 1598.
Boissier a cette magie… Je me suis intéressé, moi qui le pénétrais pourtant, à toute la peine qu’une nature souple, gracieuse et veloutée comme la sienne, s’est donnée pour saisir délicatement de ses fines dents de rat érudit et pour ronger, sans faire le bruit scandaleux d’une vaste déchirure, le bas de cette aube divine du Christianisme, qui traîne dans les siècles et qui y passe, sans perdre jamais un seul fil de sa trame sacrée, au-dessus du museau de tous les rongeurs !
Au bonheur d’une félicité non interrompue il fallait ajouter l’honneur d’avoir souffert quelques jours, et on a inventé cette gloire du malheur pour que le bonheur de Goethe fût plus grand, son illustration plus complète, et que tous les genres d’intérêt, cet enfant gâté de la destinée les inspirât… Après cela, dira-t-on que la Fortune n’est pas une chienne fidèle, — et qu’elle n’a pas payé dans les mains de Goethe tout ce qu’elle doit depuis des siècles aux hommes de génie malheureux ?
Mais les jésuites, cette garde pontificale immortelle, ne devaient point leur existence à une pensée de Clément XIV ; ils n’étaient pas les hommes d’un homme ou d’un règne, et ils comptaient, quand on les supprima, plus de siècles de services et d’actions d’éclat que les plus vieux soldats de Napoléon n’avaient de chevrons.
Comme cela le venge bien de tous ces siècles pendant lesquels ce sang a coulé pour la France, et glorieusement régné sur elle !
Manon Lescaut est tout simplement l’expression du matérialisme du xviiie siècle rejoignant et embrassant au bout d’un quart de siècle, le matérialisme du xixe , qui avale le livre et le trouve bon… Trop près de la Révolution française et venant d’un homme trop médiocre pour qu’on fît beaucoup d’attention à son roman, il fut publié quand le sang allait tout à l’heure passer par flots sur cette société, fondue en boue, et qui avait été les chiffons du xviiie siècle.
C’était le fanatisme d’un autre siècle mettant l’aigle dans le nimbe à la place du calice. […] Il crée une formule ; à ce moule il donne un nom qui devient la justice des siècles. […] Le roman est d’une fabulation amusante ; c’est l’histoire d’un médecin de campagne au dernier siècle. […] » — Avouons que, pendant une seconde, l’enfant du siècle en fut le charretier, — et passons ! […] Tous les membres de cette famille de Mirabeau ont été des personnages d’une rare originalité, très propres à faire ressortir les contrastes du siècle qui a précédé la Révolution.
Clairville) que plusieurs de ces déesses ont la jambe correcte, ce qui me fait pardonner à mon siècle d’avoir remplacé le monologue de la Tragédie par le dialogue du mollet… mais pourquoi s’avisent-elles d’apprendre leurs rôles ? […] La grande valeur de la bêtise humaine consiste en ceci : qu’elle sera, dans un siècle encore, un ouvrage actuel et que alors, cependant, on ne pourra méconnaître qu’elle fut écrite en 1860. […] Et il n’y a pas cinquante ans de cela… Qu’il y ait cinquante ans ou mille siècles, ces jours sont affreusement loin de nous, loin comme les choses dont on ne se souvient pas, comme une langue dont le sens est perdu. […] Grâce à cette incurie, les siècles suivants n’auront-ils pas à faire pour le nôtre ce que nous avons fait pour le seizième ? […] Brummel, qui est, à vrai dire, un de ces traités comme on en savait faire au siècle des La Rochefoucauld et des La Bruyère, mais dont on a perdu la recette aujourd’hui, nous avons un moraliste ingénieux, pénétrant, incisif, très fin, — subtil même si vous voulez, — et un écrivain toujours d’une admirable justesse, passé maître dans l’expression des nuances.
Entre ces deux romans si dissemblables, si comparables en plus d’un trait, qui marquent les deux extrémités du siècle, Manon Lescaut, Paul et Virginie, Mlle Aïssé et son passionné chevalier tiennent leur place, et par le vrai, par le naturel attachant de leur affection et de leur langage, ils se peuvent lire dans l’intervalle. […] C’est une petite gazette courante, comme on en a trop peu en cette première partie du siècle. […] Sans partager les vues religieuses de son amie, et pensant au fond comme son siècle, il consentait à tout, il se résignait d’avance à tous les termes où l’on jugerait bon de le réduire, pourvu qu’il gardât sa place dans le cœur de sa chère Sylvie , c’est ainsi qu’il la nommait.
Mais parce qu’une île déjà bien peuplée, telle que la Grande-Bretagne, n’a pas, autant qu’on peut en juger, reçu pendant le cours des derniers siècles, par l’un ou l’autre de ces moyens occasionnels de transport, quelques immigrants d’Europe ou de quelque autre continent, ce qu’il est d’ailleurs assez difficile de prouver, il n’en faudrait nullement conclure, qu’une île pauvrement peuplée, bien que située beaucoup plus loin de la terre ferme, ne pût recevoir de colons par les mêmes moyens. […] Cette période, mesurée au nombre des années, doit avoir été extrêmement longue, et lorsque nous nous souvenons que quelques plantes ou animaux naturalisés se sont répandus dans de vastes régions en quelques siècles, cette période doit avoir suffi pour quelque somme de migration que ce soit156. […] De sorte que, lorsqu’elles se trouvèrent mélangées les unes avec les autres pendant la période glaciaire, les formes septentrionales durent vaincre les formes méridionales moins puissantes ; juste de la même manière que nous voyons aujourd’hui beaucoup de productions européennes couvrir le sol de la Plata ou, en moindre degré, de l’Australie, et jusqu’à un certain point vaincre les productions indigènes de l’une ou l’autre de ces contrées ; tandis qu’au contraire un très petit nombre de formes méridionales se sont naturalisées en Europe, bien que des peaux, de la laine et d’autres objets, propres à transporter accidentellement des graines, aient été continuellement importés en Europe, depuis deux ou trois siècles de, la Plata, et depuis trente ou quarante ans de l’Australie.
— il n’y a là que mythologie rebattue, vulgarité d’images, niaiseries sentimentales, — le niais et le retors s’agençant très bien dans Gœthe, — comme nous en trouvons dans les Almanachs des Muses et autres recueils de romances et d’idylles du siècle dernier. […] Qu’on cite de lui un mot, — un de ces mots qui retentissent le long des siècles une fois qu’un homme les a prononcés, comme le Qu’il mourût, du vieux Corneille, le Ventrem feri de Tacite, le « Il n’a pas d’enfants » de Shakespeare ! […] Werther, qui fut le coup de pistolet du siècle à mettre avec le coup de canon Krupp du Faust.
Celles qui résistent à l’épreuve capitale des années, qui grandissent au long des siècles et se recouvrent d’une gloire éternelle, sont au contraire celles qui participent le plus de l’humanité, qui descendent au plus vrai des consciences, celles qui synthétisent le mieux dans l’espace et la durée la matière émouvante de l’art : l’Homme et la Vie. […] Mais aussi quelle tâche ardue à laquelle des siècles ne suffisent pas. […] La Révolution des Encyclopédistes était plus sage et devait être moins rapide, mais plus profonde Il lui fallait plusieurs siècles pour s’accomplir et, interrompue, détournée par les erreurs des partis et la réaction impériale inévitable, c’est peut-être maintenant qu’elle va reprendre. […] L’art mourant et qui depuis plusieurs siècles se recommence sans cesse, l’art mourant en sera fécondé.
Cette idée me paraît la folie la plus spirituelle et la plus profonde que j’aie ouïe, et bien préférable aux folies chrétiennes, musulmanes ou philosophiques, des ier , viie et xviiie siècles de notre ère. […] Ma délicate sagesse n’aime pas cette indécence ex professo, et je me dis : « Voilà un fou bien dégoûtant qu’on devrait enfermer avec les fous de Bicêtre. » Et quand on me dira : « L’original Rétif de La Bretonne, le bouillant Rétif, etc. », je penserai : C’est un siècle bien malheureux que celui où on prend la saleté pour du génie, la crapule pour de l’originalité, et des excréments pour des fleurs. […] Et ici ce n’est pas à lui que nous en ferons le reproche, c’est à elle pour l’avoir permis, pour avoir été philosophe et de son siècle au point d’oublier combien elle favorisait l’aridité de ce jeune cœur en se faisant la confidente de son libertinage d’esprit. […] Enfin c’est un être à part, un être supérieur tel qu’il s’en rencontre peut-être un par siècle, et tel que ceux qui l’approchent, le connaissent et sont ses amis, doivent ne pas exiger d’autre bonheur. » Ce qui frappe d’abord ici, c’est combien le ton diffère de celui de tant de pages précédentes : on entre dans une sphère nouvelle ; il y a dignité, élévation. […] Homme singulier, esprit aussi distingué que malheureux, assemblage de tous les contraires, patriote longtemps sans patrie, initiateur et novateur jeté entre deux siècles, tenant à l’un, à l’ancien, par les racines, hélas !
Jadis, l’esprit classique, modelé par la discipline purement logique des dix-septième et dix-huitième siècles français, attribuait à l’intelligence la place prépondérante : la littérature de ces deux siècles nous en est une preuve suffisante. […] J’imagine qu’un long sommeil de vingt siècles ait appesanti ses membres, les ait maintenus dans cette sorte de léthargie qui se confond avec la mort, tout en laissant subsister la vie : à son réveil elle n’eût pu restituer, avec plus de fidélité, les états antérieurs qui constituèrent sa première conscience. […] Et j’admire la souplesse du geste servant à recomposer l’attitude que tant de siècles nous avaient fait oublier : geste qu’auparavant nous vîmes esquissé par d’autres, mais qui sentait son acteur et la préoccupation de tenir un rôle, il est chez elle si spontané qu’il rejette délibérément dans le lointain la vie présente, pour faire surgir au premier plan les images d’autrefois. […] Ce sont l’Ordre, reposant tout entier sur le principe d’autorité, qui maintient entre les divers membres du groupe, comme entre les pièces d’un organisme savamment assemblées, les rapports de dépendance et de hiérarchie propres à assurer leur fonctionnement… La Morale, qui envisage l’être individuel, comme un composé d’instincts bons et mauvais, entre lesquels se poursuit une lutte sans trêve, les uns conservateurs, les autres destructeurs de la personnalité, répondant de façon frappante d’ailleurs à cette théorie biologique de la Phagocytose, ou lutte entre les bons et mauvais microbes qui constituent l’être physique et rivalisent entre eux pour la destruction ou la durée de celui-ci… La Religion, enfin, qui reposant au fond sur l’idée kantienne, perçue bien avant Kant, de la relativité de la connaissance, propose l’hypothèse d’une Destinée supra-terrestre, laquelle peut seule donner un sens à la vie… la Religion, le plus puissant de tous les freins, assise même de l’ordre social, sur laquelle durant tant de siècles s’appuya l’édifice, et dont un penseur de nos jours a pu dire, en termes d’autant plus saisissants qu’il n’y voyait que le dernier soutien de cet ordre compromis : « On peut évaluer son apport dans nos sociétés modernes, ce qu’elle y a introduit de pudeur, de douceur et d’humanité, ce qu’elle y entretient d’honnêteté, de bonne foi et de justice. » Veut-on maintenant qu’au type normal nous opposions son contraire ?
Combien longtemps, en France et dans notre siècle, n’a-t-on pas continué à appeler « poëtes de la nouvelle école » ceux qui étaient déjà passés au rang de modèles ! […] Comme Regnard, de nos jours, il a su introduire dans le cadre de l’auteur latin la peinture de son siècle, en conservant des noms classiques à ses personnages. […] Rien ne pourrait mieux faire comprendre que ce vieux drame la merveilleuse transformation qu’opéra Shakspeare dans les représentations théâtrales du siècle d’Élisabeth. […] Nous ne devons donc point, pour juger le mérite de ces grands hommes, perdre de vue les règles qui étaient prescrites aux poëtes de leur siècle. […] Déjà plusieurs auteurs des siècles gothiques avaient célébré la chaste Romaine, et Shakspeare a pu se dispenser de puiser aux sources premières.
Ce sont chez le duc de Nevers des soupers délicieux et libres avec Chaulieu et La Fare, avec le grand prieur de Vendôme, tous libertins de mœurs et d’esprit qui côtoient le grand siècle sans en être, et n’attendent que la Régence. […] Je n’ai pas oublié que madame Geoffrin, dans son bon sens bourgeois aiguisé de malice, disait de lui : « Il est manqué de partout, guerrier manqué, ambassadeur manqué, homme dJaffaires manqué, et auteur manqué. » — « Non, reprenait Horace Walpole qui cite le mot, il n’est pas homme de naissance manqué. » — « Non, dirai-je à mon tour plus fermement encore après cette épreuve où on le verra en 93, il n’est pas un homme comme il faut manqué, puisqu’il sut rester tel, si convenable, si décent, si souriant, et prêt à devenir laborieux dans la mesure de ses forces, à demander à sa plume une ressource honnête, à l’heure de l’adversité extrême. » Nivernais, en son beau moment et avant que le siècle tournât décidément au sérieux, avait ses admirateurs et son école mondaine.
En ce point, notez-le, Mme Guizot est fermement du siècle, de la philosophie, de l’expérience, qui examine, va jusqu’au bout et ne se rend pas ; elle ne fait intervenir aucun élément mystérieux et irrationnel dans l’éducation. […] Née catholique, atteinte de bonne heure par l’indifférence qu’on respirait dans l’atmosphère du siècle, revenue, après des doutes qui ne furent jamais hostiles ni systématiques, à un déisme chrétien très-fervent, à une véritable piété, elle s’y reposa, elle s’y apaisa.
Rousseau, le premier des hommes doués du don d’écrire, était par sa nature, par son éducation, par sa place subalterne dans la société, par sa haine innée contre l’ordre social, par son égoïsme, par ses vices, le dernier des hommes comme législateur et comme politique, faux prophète s’il en fut jamais, et dont les dogmes, s’ils étaient adoptés par l’opinion séduite de son siècle, devaient nécessairement aboutir aux plus déplorables catastrophes pour le peuple qui se livrerait à ce philosophe des chimères. […] Et voilà l’homme qu’un siècle entier a appelé philosophe !
Le Pastor fido, de Guarini, fut peu de temps après la plus heureuse imitation de l’Aminta du Tasse ; mais le Tasse lui-même ne parut pas attacher à cette œuvre de sa jeunesse l’importance qui s’y attacha dans le goût du temps ; il aspirait avant tout à la gloire épique, ce sommet de l’art selon son siècle ; il ne voulut pas donner la mesure de son génie dans un monument inférieur à l’épopée. […] L’ambition de ce siècle était littéraire, philosophique, artistique ; la renaissance des lettres avait ennobli le cœur des princes et des peuples.
Son âme généreuse et fière appartenait à ces siècles de grandeur et de gloire que j’ai cherché à faire connaître. Né comme par miracle hors de son siècle, il appartenait tout entier à des temps qui ne sont plus, et il avait été donné à l’Italie comme un monument de ce qu’avaient été ses enfants, comme un gage de ce qu’ils pouvaient être encore.
Diane de Poitiers, l’Aspasie de ce siècle, gouvernait depuis vingt ans Henri II par l’amour qu’elle avait pour lui autant que par l’amour qu’il avait pour elle. […] XVIII Le secret de cette aversion croissante était un amour plus semblable à une fatalité du cœur, le destin d’une Phèdre moderne, qu’à l’égarement d’une femme et d’une reine dans un siècle de plein jour.
Le sang semble laver le sang dans son histoire ; on dirait que son crime coule de ses veines avec le sien ; on n’absout pas, mais on compatit ; compatir ainsi, ce n’est pas absoudre, mais c’est presque aimer ; on cherche des excuses dans les mœurs féroces et dissolues du siècle, dans l’éducation à la fois dépravée, sanguinaire et fanatique de la cour des Valois, dans la jeunesse, dans la beauté, dans l’amour, et l’on est tenté de dire comme M. […] » Il a raconté en effet la vie de cette reine et de ce siècle comme on ne la racontera plus.
Il y a trois siècles la « dignité » de l’écrivain ne l’empêchait point de flatter, en des dédicaces, un homme puissant et riche ; aujourd’hui cela serait mal vu, mais il peut flatter les goûts de vingt mille sots. […] Il n’était pas préparé à la vie collective par la suite des siècles où l’hérédité et les conditions de leur vie ont façonné ses ancêtres.
On ne la reprendra point pour assurer l’ordre de la pensée, (après deux siècles et bientôt deux siècles et demi on a fini par s’apercevoir que les lois de l’attraction et de la gravitation universelle étaient généralement applicables et parfaitement calculables mais que l’hypothèse même de l’attraction à distance et de la gravitation à distance était parfaitement impensable, c’est-à-dire enfin que Newton est métaphysiquement impensable).
Lui qui, dans ses délicieux volumes sur le Japon, nous donna des albums d’un pittoresque si aigu, lui qui sut évoquer avec une si lumineuse fidélité des paysages de féerie, des scènes comiques ou attendries, voire des gestes de simple grâce animale, il a découvert ici l’élan aveugle de la brute humaine déchaînée et l’épouvante des tortures ingénieuses, affinées par des siècles de pratique infernale. […] Elle devient infiniment douloureuse quand elle porte sur ces problèmes religieux qui ont fait de tout temps, et qui continuent de faire à travers les siècles, le fond dernier de la vie humaine.
Bientôt cependant par-delà le maître des Chants du crépuscule et de la Légende des siècles, M. […] c’est, cette fois, pour ouvrir le siècle neuf, une femme de vingt ans. » Depuis elle a donné Ferveur et Horizons.
La méthode historique dont notre siècle est fier a fait merveille, et ses travaux sont dans toutes les mains. […] Qu’on ne s’y trompe pas, notre siècle positif a encore moins de goût pour les analyses psychologiques que pour les spéculations métaphysiques.
Nous avons vu également ce qu’est l’homme de lettres dans son mélange avec le prêtre, avec celui qui se glorifiait de ce caractère sacré et qui se flattait d’en toujours porter haut la marque ; nous avons vu tout ce que cet élément trop littéraire, cette trop grande activité et cette fièvre d’écrivain, a de périlleux et de dissolvant, surtout dans un siècle sans calme, au sein d’une atmosphère échauffée où tout excite et enflamme.
Que peuvent faire tous les chants, toutes les confessions des enfants du siècle à cet esprit sain, sobre, nourri aux mœurs de la famille ; qui, enfant, lisait les Essais de Nicole le dimanche, qui apprenait par cœur Les Provinciales dans le latin de Wendrock, et qui, venu plus tôt, aurait aimé à se mouler en tout sur le patron des Bignon, des Pithou, des d’Aubray, sur celui des Fleury et des Rollin ?
Pour une ou deux qui ont réussi, toutes les autres portent à faux et ont été démenties par les événements : le courant du siècle lui donne de plus en plus tort.
Comme les amours Psyché expriment une métamorphose de l’âme, les destinées de Peau-d’Ane représentent, selon le poëte, les destinées du siècle, de ce Siècle-Midas, de ce Siècle-Prose, lequel, sous son enveloppe matérielle, cache un germe à demi clos de foi, de poésie et de beauté.
Sût-on d’ailleurs faire revivre, par impossible, et ressaisir quelques-unes des finesses discrètes et des grâces qu’il représente, on peut grandement douter que l’emploi en fût applicable dans des jours aussi rudes que les nôtres, et quand le siècle de fer de la presse est véritablement déchaîné.
Mais le poëte, à son tour, pour vivre, pour arriver jusqu’à nous et continuer de régner dans toute sa splendeur, a besoin du critique, c’est-à-dire du serviteur fidèle et zélé qui le recueille même après des siècles, qui rassemble son héritage épars, qui recouse avec une piété diligente et discrète les plis de sa robe dispersée.
Il est très-capable de réussir dans un pareil ouvrage, et de nous donner une belle histoire revêtue de tous les agréments de la diction. » Puis, le comparant à Voltaire qui est en train de composer son Siècle de Louis XIV, et qu’il nous représente comme un jeune homme maigre, qui paraît attaqué de consomption , l’honnête Jordan souhaite à l’un plus de santé et à l’autre plus d’aisance.
« Comme pour achever l’œuvre des âges, les des Esseintes marièrent pendant deux siècles leurs enfants entre eux, usant leur reste de vigueur dans les unions consanguines. » Père mort, il y a treize ans — des Esseintes atteignait alors sa dix-septième année — « d’une maladie vague ».
Enfin, il n’est point d’homme qui ait été possesseur paisible d’une place éminente ; le plus grand nombre en a marqué la perte par une chute éclatante ; d’autres ont acheté sa possession par tous les tourments de l’incertitude et de la crainte ; et cependant, tel était l’effroi que causait le retour à l’existence privée, qu’un seul homme ambitieux, Sylla, ayant volontairement abdiqué le pouvoir, et survécu paisiblement à cette grande résolution ; le parti qu’il a pris est encore l’étonnement des siècles, et le problème dont les moralistes se proposent tous la solution.
il a vieilli dans les affaires sans y prendre une idée, sans atteindre à un résultat, cependant il se croit l’esprit des places qu’il a occupées ; il vous confie ce qu’ont imprimé les gazettes ; il parle avec circonspection même des ministres du siècle dernier ; il achève ses phrases par une mine concentrée, qui ne signifie pas plus que les paroles ; il a des lettres de ministres, d’hommes puissants, dans sa poche, qui lui parlent du temps qu’il fait, et lui semblent une preuve de confiance ; il frémit à l’aspect de ce qu’il appelle une mauvaise tête, et donne assez volontiers ce nom à tout homme supérieur ; il a une diatribe contre l’esprit à laquelle la majorité d’un salon applaudit presque toujours, c’est, vous dit-il, un obstacle à bien voir que l’esprit, les gens d’esprit n’entendent point les affaires.
Il y a là, si l’on veut, une sorte de contradiction nécessaire et innocente, qui fait que le pessimiste, épris du néant, a droit de vivre, de jouir, d’aimer les bonnes et belles choses ; que le déterministe délibère tout comme le croyant au libre arbitre, et accepte devant les hommes la responsabilité de ses actes : tout comme on se sert dans le langage de mots et d’images qui impliquent mille croyances et une conception de l’univers que nos pères des antiques tribus aryennes s’étaient faites, et que nous avons réformées depuis des siècles.
Il a dévoré dans ses ambitions solitaires plusieurs destinées dont une seule suffirait à remplir sa vie ; il a vécu des siècles dans sa mémoire, et il n’est encore qu’au seuil de ses années.
Les sectes flottantes entre le judaïsme, le christianisme, le baptisme et le sabisme, que l’on trouve dans la région au-delà du Jourdain durant les premiers siècles de notre ère 284, présentent à la critique, par suite de la confusion des notices qui nous en sont parvenues, le problème le plus singulier.
Grâce aux synagogues, le judaïsme put traverser intact dix-huit siècles de persécution.
Chaque minute, à ce moment, devient solennelle et a compté plus que des siècles entiers dans l’histoire de l’humanité.
Bussy-Rabutin, historien trop véridique de son siècle, nous a transmis les noms des principales héroïnes de la galanterie qui commençait à fatiguer la cour par ses excès, et qui amena un nouveau genre de dissolution.
Sa Gilissa est la commère lointaine de la nourrice de Juliette : on dirait qu’elles voisinent, à travers les siècles, d’Argos à Vérone.
A eux deux, ils feraient presque un siècle assorti, cela lui fait peur.
C’étoit le Chrysostôme de son siècle.
Convenons pourtant d’une chose, que le goût des fables est passé : notre siècle leur préfère l’esprit de philosophie, d’exactitude & de raison : elles étoient d’une grande ressource aux anciens poëtes.
Gall a entrepris cette œuvre, mais il en a compromis le succès par une précipitation excessive ; il a voulu réaliser à lui tout seul une entreprise qui, en supposant qu’elle fut possible, demanderait peut-être plusieurs siècles d’observations et d’expériences rigoureusement suivies.
Quoi qu’il en soit de ces vues théoriques, revendiquons pour Maine de Biran et pour le spiritualisme français de notre siècle l’honneur d’avoir apporté à la philosophie une idée vivante et nouvelle, l’idée de la personnalité humaine.
Sophocle et Euripide coururent après lui la même carrière ; et en moins d’un siècle, la tragédie grecque, qui avait pris forme tout d’un coup entre les mains d’Eschyle, arriva au point où les Grecs nous l’ont laissée : car, quoique les poètes dont je viens de parler, eussent des rivaux d’un très grand mérite, qui même l’emportèrent souvent sur eux dans les jeux publics, les suffrages des contemporains et de la postérité se sont néanmoins réunis en leur faveur.
Il a fallu insister sur ce point, parce qu’il n’y a pas si longtemps qu’on a compris la grande différence qu’il y a entre l’historien littéraire et le critique ; parce que, jusqu’aux dernières années du dernier siècle, les historiens littéraires croyaient avoir mission de critique et réciproquement ; parce que telle histoire de la littérature française, celle de Nisard, est tout entière œuvre de critique et comme histoire littéraire n’existe pas, de telle sorte que l’auteur n’a rien fait de ce qu’il devait faire et a fait tout le temps, et du reste d’une manière admirable, ce qu’il devait ne pas faire du tout ; si bien encore que son livre, absolument manqué comme histoire littéraire, reste tout entier debout comme recueil de morceaux de critique.
Lamartine seul, dans ce siècle anti-romanesque, — le mélancolique et beau Lamartine, qui eut le don de faire rêver toutes les femmes de l’Europe et peut-être de l‘Asie, — car en Asie elles rêvent, maintenant, — avait eu la fortune d’un pareil mariage, et Janin le recommença.
Il est inutile que vous invoquiez des faits, que vous établissiez des comparaisons : les faits n’ont rien à voir avec les idées conçues a priori et aucune comparaison ne peut valoir une vérité supérieure transmise par les siècles, un dogme aussi essentiel que celui de la suprématie de la France.
René Doumic dans la Revue des deux mondes à l’occasion des portraits du prochain siècle.
Leur activité a été proportionnée à ce que demande le siècle : il serait difficile de les suivre chacun, surtout ceux qui ont combiné la littérature et l’industrie. […] CIV M. de Chastellux (l’auteur de La Félicité publique et sur qui Villemain est en train d’écrire une notice académique) était l’engoué par excellence à une fin de siècle où l’illusion enlevait toutes les têtes et où l’on était lancé comme des cerfs-volants. […] Il croit avoir renfermé dans son poème soi-disant philosophique, La Sauvage, toute la quintessenee de la philosophie de l’histoire et le produit net de la pensée politique de ce siècle et de tous les siècles.
Il me semble que la conscience nationale est beaucoup plus haute et beaucoup plus claire au quinzième siècle qu’elle ne le fut un siècle plus tard. […] Marcel Prévost, ont été un des plus grands succès de librairie du présent siècle. […] Ce rapport est d’un très grand intérêt pour l’histoire littéraire, et même pour l’histoire politique de ce siècle. […] Il s’indignait bien plus des atrocités des treizième et quatorzième siècles que de celles qui se passaient sous ses yeux. […] Le dernier ouvrage de Quinet est toujours ce qu’il a fait de meilleur, toujours « un livre capital », toujours « le livre capital du siècle », toujours « grandiose », toujours « brillant et cependant profond ».
Il appelle Jocelyn : « l’unique, grand poème moderne, à la fois sublime et familier », et la Chute d’un Ange : « le seul grand poème épique du siècle ». […] La Grèce restera toujours, pour nos imaginations occidentales, le moins assimilable des pays, comme beaucoup de civilisations étrangères, dont le recul des siècles obscurcit fatalement la notion exacte. […] C’est plein de force et d’éclat, et pénétré partout de ce génie singulier propre à notre siècle et qui reconstruit pièce à pièce les époques passées par leurs côtés puissants et idéalement vrais. […] Faute de stylisation, la langue provençale, à la suite des siècles, s’est vulgarisée au point de n’avoir pu être réhabilitée par le plus grand des poètes. […] C’est vous, Avignon, ville italienne pendant près d’un siècle, qui devriez friser les rr et les dgie comme en Italie.
Tout juste après le siècle du génie et des productions divines. Ce siècle s’éclipse pour ne plus reparaître. […] Il observait, à cette occasion, que la plupart des jeunes élèves qui allaient à Rome copier d’après les anciens maîtres, y apprenaient l’art de faire de vieux tableaux : ils ne songeaient pas que, pour que leurs compositions gardassent au bout de cent ans la vigueur de celles qu’ils prenaient pour modèles, il fallait savoir apprécier l’effet d’un ou de deux siècles, et se précautionner contre l’action des causes qui détruisent.
devons-nous croire que les premières générations humaines qui firent usage de la parole eurent une parole intérieure à demi tactile, à demi sonore, et qu’il fallut plusieurs siècles pour opérer cette purification de la parole intérieure qui, de nos jours, chez l’enfant, se produit vraisemblablement en quelques années ? […] Si, d’autre part, l’image tactile était absolument anéantie, la même quantité de conscience s’appliquant dans un temps donné aux voyelles et aux consonnes, les premières ne sauraient être plus profondément enracinées dans les mémoires que les secondes, et la linguistique trouverait aux unes et aux autres la même fixité dans l’évolution des langues ; or il est constant que, dans le cours des siècles, les voyelles subissent en général plus de changements que les consonnes ; ce phénomène nous invite à accorder à l’image tactile une intensité minimum toujours positive, toujours supérieure à zéro ; mais la lenteur de l’évolution des voyelles, et la réalité d’une évolution parallèle, bien que plus lente encore, des consonnes, prouvent que l’élément tactile de la parole intérieure est bien loin d’avoir l’importance qui lui est attribuée par l’école du toucher. […] Plas, Histoire de la psychologie en France, xixe -xxe siècles, Paris, La Découverte, 2006, p. 51).
Chaque année du siècle porte ses nécessités avec sa date : Louis XVIII et la charte valaient un peu mieux que le comité de salut public et la guillotine en permanence ! […] De ce détail de la fortune de Thénardier, Hugo s’élève à vol d’aigle dans le champ de bataille impérial du siècle, et il écrit une bataille de Waterloo qui efface, selon moi, tout ce qu’on a, jusqu’ici, écrit de lyrique sur ce champ de mort.
Tel était le théâtre vers 1580, à Londres, sous « la grande reine » ; il n’était pas beaucoup moins misérable, un siècle plus tard, à Paris, sous « le grand roi » ; et Molière, à son début, dut, comme Shakespeare, faire ménage avec d’assez tristes salles. […] Il a écrit avec l’atticisme d’un écrivain du siècle de Louis XIV.
Ce n’était pas un simple jurisconsulte, c’était un homme au courant de toutes les choses littéraires de son siècle, et qui partageait les idées nouvelles. […] Chaque peuple est une exception, chaque siècle est un phénomène.
§ 6 Des bourrasques, des rafales, le lent travail des siècles viennent toujours démolir ou désagréger, fissurer les édifices de croyance où l’humanité se réfugie et à l’abri desquels elle n’arrive point à se trouver heureuse. […] Et l’âme collective les ramène d’une idée à l’autre, selon que celle-ci ou celle-là s’adapte mieux à tel siècle, à telle classe ou à tel individu.
(Siècle du 3 février.) […] Mendès replace la recherche de l’art total dans les débats esthétiques français des XVIIe et XVIIIe siècles.
« Le culte et l’amour ardent du beau sont des vertus qui nous appartiennent ; notre honte est d’avoir été contraints d’obéir pendant des siècles ; c’est pour cela que notre mimique, tout en étant belle et passionnée, reste défiante et n’est pas toujours franche… Le Toscan est le plus Italien de tous les Italiens, et, par conséquent, le plus défiant et le plus réservé de tous ; le Napolitain fait avec les bras des gestes de télégraphe ; le Romagnol est rude et franc ; le Romain, dans ses mouvements dignes de la statuaire, garde toujours gravées en caractères invisibles les lettres fatidiques S. […] La faute n’en est pas à la race juive, mais à nous, qui l’avons persécutée pendant tant de siècles avec une pitié si évangélique. » 64.
V Si vous voulez juger de l’impression que fit sur moi ce chef-d’œuvre exhumé d’une langue depuis tant de siècles muette et morte, écoutez celle que la première apparition de ce poème fit sur l’esprit de son savant traducteur français, M. de Chézy. […] XV Voyons maintenant comment, quelques siècles plus tard, un autre poète, d’une époque plus raffinée, a converti en drame ce touchant et gracieux épisode.
Et je me suis représenté en inculpé, à qui des juges, bienveillants certes, mais clairvoyants et attentifs, allaient demander : « Que faisiez-vous, il y a un quart de siècle, vous et votre génération ? […] Et pendant ce quart de siècle, quelle a été votre conduite ?
À la première génération, peut-être la millionième partie seulement des germes produits laissa des descendants capables de se reproduire à leur tour, et la loi de sélection agit probablement avec la même sévérité pendant un grand nombre de siècles, perfectionnant ainsi le plan général de l’organisation avec une rapidité d’autant plus grande. […] Il faut donc admettre au contraire que chacun de nos règnes et de nos embranchements doit à l’origine avoir été représenté par un nombre considérable de races, issues chacune d’un germe primitif, et qui varièrent simultanément et parallèlement de manière à pouvoir parer par leur nombre à toutes les chances de destruction que le type en formation devait courir pendant le cours des siècles avant de se fixer.
C’était assurément le plus grand spectacle qu’on ait vu depuis plusieurs siècles.
Étudions l’antiquité comme tous les âges antérieurs au nôtre, pénétrons-nous de son esprit pour la comprendre et l’admirer dans le vrai sens ; mais tâchons dans nos œuvres d’exprimer, ne serait-ce que par un coin, l’esprit de notre siècle, de dire à notre heure ce qui n’a pas été dit encore, ou de redire, s’il le faut, les mêmes choses d’une manière et d’un accent qui ne soit qu’à nous.
Il est certain que par ces condamnations en partie rétrospectives, l’assemblée de 1700 ne faisait que confirmer et terminer en quelque sorte le programme ecclésiastique de la dernière moitié du siècle, qu’elle ne s’attaquait qu’à des doctrines déjà frappées et bientôt stériles, bien qu’elles eussent encore des racines vivaces, et qu’elle n’obviait en rien (et ce ne pouvait être son rôle) à ces autres doctrines bien autrement dangereuses qui s’insinuaient partout et qui étaient à la veille de se démasquer.
Mais qui nous dit que si, dès l’âge de vingt-cinq ans La Bruyère, dans un siècle différent du sien, avait été obligé pour vivre, pour se faire connaître, de tailler sa plume, d’écrire moins bien d’abord, mais vite, mais toujours, il n’aurait point tiré de lui autre chose encore que ce que nous en avons, et je veux dire autre chose de bien, qui sait ?
Ces sortes de journaux qui, à quelques années de distance, deviennent nécessaires aux contemporains eux-mêmes, s’ils veulent apporter de l’ordre et de la précision dans leurs souvenirs, augmentent de prix, au bout d’un siècle, pour la postérité qui y apprend quantité de choses qu’on ne sait plus, et que presque personne n’a songé à écrire.
Quand je dis qu’il s’y opposait à demi-voix, je n’ai dans l’idée que ses paroles à l’intérieur de l’Académie ; car, par sa plume et dans le Journal des Savants, il ne cessa de faire ouvertement la guerre à cette publicité croissante qui a quelques inconvénients sans doute, mais qui est dans la loi du siècle, et qu’on peut vouloir régler, sans plus espérer de l’empêcher.
Ainsi la petite société de Boileau, Racine, La Fontaine et Molière vers 1664, à l’ouverture du grand siècle : voilà le groupe par excellence, — tous génies !
Ne parlons pas tant des vertus du grand siècle.
Flaubert une telle œuvre : le siècle a, depuis des années, besoin d’un grand artiste nouveau, il le réclame ; de désespoir il se montre parfois tout prêt à l’inventer.
Lorsque, il y a cent ans environ, tout le public lettré, à l’annonce de la traduction des Géorgiques par l’abbé Delille, se prononçait si vivement en faveur des traductions en vers des poètes anciens, qui eut dit qu’à un siècle de là le point de vue serait retourné et renversé, que l’on nierait l’avantage qu’il peut y avoir à posséder chez soi les tableaux anciens dans des copies harmonieuses, élégantes, suffisamment ressemblantes et fidèles, et qu’on ne priserait plus guère, en fait de traductions, qu’un calqué rude, sec, inélégant, heurté ?
L’opinion prit alors ce caractère énergique qui la rend maîtresse des événements ; et c’est ainsi que le grand mouvement qui a abattu la puissance gigantesque créée par la Révolution, loin de démentir l’esprit primitif de celle-ci et le génie du siècle, n’a fait que déployer le principe fondamental de l’une et de l’autre, sous de plus nobles auspices et dans une direction plus heureuse. » Quand il écrivait ainsi, M. de Senfft était encore libéral, et il avait foi encore en l’avenir des peuples. — Mêlant des idées mystiques et des pensées de l’ordre providentiel à ses observations d’homme politique, il voyait, l’année suivante (1812) et lors de la gigantesque expédition entreprise pour refouler la Russie, il voyait, disait-il, dans « cette réunion monstrueuse » de toutes les puissances de l’Europe entraînées malgré elles dans une sphère d’attraction irrésistible et marchant en contradiction avec leurs propres intérêts à une guerre où elles n’avaient rien tant à redouter que le triomphe, « un caractère d’immoralité et de superbe, qui semblait appeler cette puissance vengeresse nommée par les Grecs du nom de Némésis » et dont le spectre apparaît, par intervalles, dans l’histoire comme le ministre des « jugements divins. » Il lisait après l’événement, dans l’excès même des instruments et des forces déployées, une cause finale providentielle en vue d’un résultat désiré et prévu : car telle grandeur d’élévation, telle profondeur de ruine.
Camille Rousset encore, qui est aux sources de cette histoire militaire des xviie et xviiie siècles, et qui y préside avec libéralité.
Tout historien perspicace et philosophe travaille à celle d’un individu, d’un groupe, d’un siècle, d’un peuple ou d’une race ; les recherches des linguistes, des mythologues, des ethnographes n’ont pas d’autre but ; il s’agit toujours de décrire une âme humaine ou les traits communs à un groupe naturel d’âmes humaines ; et, ce que les historiens font sur le passé, les grands romanciers et dramatistes le font sur le présent. — J’ai contribué pendant quinze ans à ces psychologies particulières ; j’aborde aujourd’hui la psychologie générale.
Puis il songe que, si dans un ou plusieurs siècles, la forme actuelle de la société se trouve radicalement changée, à cette distance tous les révoltés d’aujourd’hui, pêle-mêle, passeront pour des précurseurs et sembleront avoir travaillé pour l’avènement de la justice… Décidément le rôle de révolutionnaire artiste comporte des plaisirs si distingués qu’on est presque excusable d’y sacrifier un peu de sa conscience.
En son nom, durant des siècles, on infligera des tortures et la mort à des penseurs aussi nobles que lui.
. — En un seul point Wagner ne s’est point conformé à l’exactitude historique, — c’est en faisant célébrer le mariage de Lohengrin et d’Elsa à l’église ; l’action de Lohengrin se passe au commencement du dixième siècle, or ce n’est guère que vers les onzième et douzième siècles que l’église parvint à imposer le mariage religieux, et dans les descriptions de mariages avant cette époque il n’est jamais question de cérémonies religieuses.
Ou bien le progrès n’est qu’apparent et le surhomme, qui après tant de siècles ramènera l’homme, le surhomme, passé aussi bien qu’avenir, est en même temps un sous-homme.
Quand on pense qu’un siècle dit de lumières, et de la plus raffinée civilisation, aboutit à des actes publics de cette barbarie, on se prend à douter de la nature humaine et à s’épouvanter de la bête féroce, aussi bête que féroce en effet, qu’elle contient toujours en elle-même et qui ne demande qu’à sortir.
Siècle à jamais heureux et incomparable, où les illustres naufragés de la politique, quand ils s’appelaient Retz, avaient comme pis-aller, pour se consoler dans le courant d’une semaine, un Corneille, un Despréaux et un Molière en personne, leurs œuvres à la main, et Mme de Sévigné sur le tout !
Mais on admet alors que les habitudes d’esprit acquises par les individus au cours des siècles ont pu devenir héréditaires, modifier la nature et donner une nouvelle mentalité à l’espèce. […] Sans doute un raisonnement en forme lui démontrerait qu’il est de son intérêt de promouvoir le bonheur d’autrui ; mais il faut des siècles de culture pour produire un utilitaire comme Stuart Mill, et Stuart Mill n’a pas convaincu tous les philosophes, encore moins le commun des hommes. […] La multiplication des habitudes au cours des siècles a dû en effet s’opérer chez eux d’une manière différente, en surface, par un passage de l’analogue à l’analogue et sous l’influence de circonstances accidentelles, taudis que le progrès de la technique, des connaissances, de la civilisation enfin, se fait pendant des périodes assez longues dans un seul et même sens, en hauteur, par des variations qui se superposent ou s’anastomosent, aboutissant ainsi à des transformations profondes et non plus seulement à des complications superficielles. […] Mais il ne faut pas oublier que les primitifs d’aujourd’hui ou d’hier, ayant vécu autant de siècles que nous, ont eu tout le temps d’exagérer et comme d’exaspérer ce qu’il pouvait y avoir d’irrationnel dans des tendances élémentaires, assez naturelles. […] Pour répéter, pour imiter, pour se fier, il suffit de se laisser aller ; c’est la critique qui exige un effort. — Donnez-vous alors quelques centaines de siècles au lieu de quelques années ; grossissez énormément les petites excentricités d’une famille qui s’isole : vous vous représenterez sans peine ce qui a dû se passer dans des sociétés primitives qui sont restées closes et satisfaites de leur sort, au lieu de s’ouvrir des fenêtres sur le dehors, de chasser les miasmes au fur et à mesure qu’ils se formaient dans leur atmosphère, et de faire un effort constant pour élargir leur horizon.
Peut-être a-t-il fourni à Villiers qu’il n’y a guère plus de cinq ou six hommes par siècle capables de lire n’importe quoi, serait-ce des étiquettes de pots à moutarde. […] Ce siècle est grand et fort, un noble instinct le mène. […] Le récit d’un crime sensationnel dans un numéro du Petit Parisien trouve en un jour beaucoup plus de lecteurs simultanés que l’œuvre lyrique de Pindare n’eut de lecteurs successifs échelonnés sur vingt-quatre siècles. […] De là l’état de grève du poète, non seulement contre le « siècle », mais de façon très particulière contre ce temps, où de partout disparaissent, chassés, écrasés, cette conscience du mystère intérieur, ce respect du mystère extérieur qui sont le poumon vital et l’air respirable de la poésie. […] Ce dernier est saisissant, personnifiant la durée brute d’un siècle dans les bêtes monstrueuses.
Les Confessions sont, dans leur essence même, un livre d’impudeur : ce livre est donc bien le père de la moitié de la littérature du siècle dernier. […] A la vérité, il ne dit pas un mot de la beauté de Venise, tant célébrée depuis un siècle par les écrivains, et avec des mots si pâmés ! […] C’est bien à ce siècle que Rousseau doit sa formation littéraire. […] Ou, si cela est, c’est donc que le siècle est bien infâme. […] Le premier, c’est de montrer à un siècle corrompu, en se mettant à sa portée, qu’on peut se relever d’une chute, et que même une erreur d’un moment peut être la source d’actes sublimes.
Grâce aux documents conservés et par des procédés exacts de reconstruction méthodique, nous pouvons aujourd’hui supprimer la distance du temps, nous représenter en spécimens plus ou moins nombreux le Français ou l’Anglais du dix-septième siècle ou du moyen âge, l’ancien Romain, et même l’Indou de l’époque bouddhique, nous figurer sa vie privée, publique, industrielle, agricole, politique, religieuse, philosophique, littéraire, bref, faire la psychologie descriptive de son état moral et mental et l’analyse circonstanciée de son milieu physique et social, puis de ces éléments passer à des éléments plus simples encore, démêler les aptitudes et les tendances qui se retrouvent efficaces et prépondérantes dans toutes les démarches de son esprit et de son cœur, noter les conceptions d’ensemble qui déterminent tout le détail de ses idées, marquer les inclinations générales qui déterminent le sens de toutes ses actions, bref, distinguer les forces primordiales qui, présentes et agissantes à chaque moment de la vie de chaque individu, impriment au groupe total, c’est-à-dire à la société et au siècle, les caractères que l’observation lui a reconnus115. […] Voilà pourquoi, à une certaine limite, notre explication s’arrête, et, quoique, de siècle en siècle, nous la poussions plus avant, il est possible qu’elle vienne toujours s’arrêter devant une limite.
Il y a six mille ans, les plantes et les animaux de l’Égypte étaient pareils à ceux d’aujourd’hui ; plusieurs espèces de plantes et d’animaux n’ont pas varié à travers les énormes intervalles des périodes géologiques ; d’un bout à l’autre de la terre, de nos jours et à des époques séparées de notre temps par des myriades de siècles, le petit mollusque dont la coquille forme la craie a la même structure et la même vie. — Bien plus, beaucoup de nos corps chimiques, l’hydrogène, le fer, le sodium, d’autres encore, se rencontrent dans le soleil, à trente-cinq millions de lieues de notre terre, au-delà encore dans des étoiles si éloignées qu’il faut plusieurs années à leur lumière pour arriver jusqu’à nous, ou que leur distance échappe à toutes nos mesures. — À cette distance prodigieuse, les astres restent pesants comme notre terre ; on s’en est assuré par les mouvements des étoiles doubles. […] Au commencement du siècle, la découverte du potassium et du sodium a montré qu’au contact de certains métaux l’eau se décompose à froid ; c’était là un caractère nouveau.
» Saint Paul écrit quelques années après aux Hébreux : « Dieu a créé les siècles par son Fils, le Verbe, la parole divine, la lumière, la vie ! […] La raison de toutes choses, comme de toute qualité de ces choses, est donc Dieu. » Ses aperçus, qu’il développe ensuite sur la physique et sur la construction de notre globe, se ressentent de l’imperfection des sciences expérimentales dans son siècle.
Je sais qu’à ce mot, un cri de scandale et de sacrilège va s’élever de toute la France ; mais, sans rien enlever à l’auteur du Misanthrope de ce que la perfection de son vers ajoute à l’originalité de son talent, et en le proclamant, comme tout le monde, l’incomparable et l’inimitable, mon enthousiasme pour le grand comique du siècle de Louis XIV ne me rendra jamais injuste ni ingrat envers un autre homme inférieur en diction, égal, si ce n’est supérieur, en conception, incomparable aussi en fécondité : Balzac ! […] La maison pleine de mélancolie où se sont accomplis les événements de cette histoire était précisément un de ces logis, restes vénérables d’un siècle où les choses et les hommes avaient ce caractère de simplicité que les mœurs françaises perdent de jour en jour.
La France y ramènera par sa loyauté mieux prouvée l’Angleterre et l’Espagne, ou bien elle agira seule avec des forces prépondérantes ; l’Amérique espagnole sera protégée, les États-Unis seront réprimés, l’Espagne et l’Angleterre seront ramenées, et cette grande entreprise sera l’honneur de ce siècle en Europe et l’honneur de la France dans l’Amérique espagnole. […] Les pionniers ne construisent pas pour les siècles, les scieurs de long ne savent qu’abattre pour les dépecer ces grands arbres aristocratiques des forêts, qu’ils jouissent de jeter à terre comme les envieux des supériorités de la nature.
De là la réaction qui a commencé à se produire au siècle dernier : de là Rousseau : de là l’aspiration à la nature et le débordement de la sensibilité si longtemps contenue ; de là le grand essor de la musique, cette expression pure du sentiment, cette langue naturelle de l’homme ; de là enfin la révolution et la crise de la morale, ou plutôt d’une morale imaginaire et fausse. Mais ce n’est pas en un jour, ni même en un siècle, que s’établit une conception nouvelle de la vie.
Ainsi employa-t-il l’instrument qu’il s’était pendant vingt-cinq ans préparé (vingt-cinq ans de cette vie, exemple des vingt-cinq siècles de l’histoire de l’art), la musique, mais une musique riche de toutes les puissances détournées de toutes les sensations, et pour nos faiblesses d’intelligences commentée d’un somptueux appareil de légende, de poésie et de décorations architecturales et chorégraphiques, — cet instrument, l’art de la musique, étayé de divers artifices de littérature et de plastique. […] Et vinrent ensuite, au travers des siècles, les renouveleurs de la parole, depuis les Pères de l’Église jusqu’à ces vénérables confesseurs du Port-Royal hardis de toute vérité parmi l’âge des hypocrisies.
4 mars Nous causons avec Flaubert des Légendes des siècles de Hugo. […] Peut-être, un jour, ces lignes que nous écrivons froidement, sans désespérance, apprendront-elles le courage à des travailleurs d’un autre siècle.
En agissant ainsi, il porte simplement la peine de la conception historique qu’il s’est faite, si toutefois il s’en est fait une, si tant est qu’il soit autre chose que ce qu’il a été, d’organisation spontanée et viciée, depuis qu’il descend jusqu’à nous la longue chaîne des siècles et des événements. […] Il venait, après l’invasion du protestantisme, dans une monarchie catholique de quatorze siècles.
Le contact des nations fut suivi du contact des siècles.
Je cours sur ces audaces finales qu’on entrevoit assez, et que déplore le poète tout en les racontant et les dénonçant comme le signe d’une société perdue et d’un siècle désespéré.
Une expression naturelle de regret se mêle dans la parole d’Arago au sentiment d’orgueil que lui inspire la vérité inaltérable, mais peu accessible, des sciences : Les sciences exactes, a-t-il dit dans sa notice sur Thomas Young, ont sur les ouvrages d’art ou d’imagination un avantage qui a été souvent signalé : les vérités dont elles se composent traversent les siècles sans avoir rien à souffrir ni des caprices de la mode ni des dépravations du goût.
Ce prud’homme était digne d’un siècle moins corrompu que le nôtre, où sa vertu n’a pas été estimée selon son prix.
Il devrait en être de même de l’enseignement ; et cependant, d’un bout de l’Europe à l’autre, notre enfance est gouvernée par de vieux usages, par des lois surannées qui ont été faites pour d’autres hommes et pour un autre siècle.
Peut-être est-ce le défaut des peintres : ils aiment trop à être bien, à avoir une vie qui ressemble à celle des bons propriétaires… À Venise, il se laisse peu à peu gagner à la couleur : il voudrait donner au costume de ses pêcheurs et de ses femmes quelque chose qui rappellerait les étoffes vénitiennes des siècles précédents : Les femmes en hiver ont des robes en laine avec d’immenses dessins de toutes les couleurs les plus vives.
J’ai souvent pensé qu’un homme de notre âge qui a vu le Premier Empire, la Restauration, le règne de Louis-Philippe, qui a beaucoup causé avec les plus vieux des contemporains de ces diverses époques, qui, de plus, a beaucoup lu de livres d’histoire et de mémoires qui traitent des derniers siècles de la monarchie, peut avoir en soi, aux heures où il rêve et où il se reporte vers le passé, des souvenirs presque continus qui remontent à cent cinquante ans et au-delà.
ils ont chance d’y retrouver une famille, d’y obtenir une chapelle domestique après des siècles.
Ce n’est pas jouer sur les mots que de dire qu’au milieu de son siècle et entre les philosophes ses contemporains, Rousseau a été relativement chrétien.
Après ces morceaux littéraires qui appartiennent par leur date aux dix premières années du siècle, et si l’on excepte quelques articles insérés dans la Biographie universelle, on ne retrouve plus M.
Le progrès est frappant sur tous les poèmes des champs et de l’agriculture qui ont précédé, soit dans le dernier siècle, soit au commencement de celui-ci : c’est un progrès analogue à celui de notre jeune école de paysagistes sur ses prédécesseurs au temps du premier Empire.
Je sais qu’il y a en tout ceci bien du jeu, que l’art est une chose fort différente de la nature, que ce qui s’appelle roman en particulier est fait pour plaire et amuser à tout prix, et le plus souvent moyennant illusion : je ne voudrais pourtant pas qu’on y mentît par trop, qu’on y donnât des idées par trop fausses et chimériques. et j’ai présent à l’esprit en ce moment la boutade d’un moraliste un peu misanthrope, qui écrivait pour lui seul après la lecture de quelqu’un de ces romans à la Sibylle ou à la Scudéry : « Quand je me reporte en idée aux débuts de l’espèce humaine sur cette terre, à cette longue vie sauvage dans les forêts, à ces siècles de misère et de dureté de l’âge de pierre qui précéda l’âge de bronze et l’âge même de fer ; quand je vois, avant l’arrivée même des Celtes, les habitants des Gaules, nos ancêtres les plus anciens, rabougris, affamés et anthropophages à leurs jours de fête le long des fleuves, dans le creux des rochers ou dans les rares clairières ; — puis, quand je me transporte à l’autre extrémité de la civilisation raffinée, dans le salon de l’hôtel de Rambouillet ou des précieuses spiritualistes de nos jours, chez Mme de Longneville ou chez Mme de…, où l’on parle comme si l’on était descendu de la race des anges, je me dis : L’humanité n’est qu’une parvenue qui rougit de ses origines et qui les renie.
Les nations, pour se former, pour sortir de l’état social élémentaire et pour s’élever dans la civilisation et dans la puissance, ont besoin de tels hommes ; quand elles se sont défaites et qu’elles sont restées, des siècles durant, en dissolution et en déconfiture, elles en ont également besoin pour se reformer, et rien n’en saurait tenir lieu : elles languissent et traînent, ou s’agitent vainement, jusqu’à ce qu’elles aient trouvé cet homme-là.
« Le prince Edouard avait du héros, a dit Chateaubriand, mais on n’était plus dans ce siècle des Richard Cœur-de-Lion où un seul chevalier conquérait un royaume.
Viollet-Le-Duc se sépare des architectes classiques proprement dits, à le suivre dans les fines et savantes explications qu’il a données de l’architecture française des XIIe et XIIIe siècles, sa grande et principale étude, son vrai domaine royal, si je puis ainsi parler, et à y reconnaître avec lui, sous des formes si différentes à l’œil, et si grandioses à leur tour ou si charmantes, quelque chose de ces mêmes principes et de ce libre génie dont l’art s’est inspiré et s’inspira toujours aux époques d’invention heureuse et de florissante originalité ; tellement qu’à ne voir que l’esprit, il y a plus de rapport véritable entre les grands artistes de la Grèce et nos vieux maîtres laïques bâtisseurs de cathédrales, qu’entre ces mêmes Phidias ou Ictinus d’immortelle mémoire et les disciples savants, réguliers, formalistes, qui croient les continuer aujourd’hui.
Qu’on allègue tant qu’on le voudra ses convictions : il fut mal avec les meilleurs de son siècle, il se prononça contre les hommes qui avaient le plus de distinction et de mérite en son temps, et s’acquit leur mésestime : c’est toujours une mauvaise marque pour un critique.
Charles Loyson serait le génie du siècle ; l’envie commençait à le mordre, signe de gloire, et l’on faisait sur lui ce vers : Même quand Loyson vole, on sent qu’il a des pattes.
Quelques jours après (il sut tout cela depuis par Maret), pendant que la paix se négociait, l’Empereur était à Schœnbrunn, et, se trouvant dans un de ses rares quarts d’heure de loisir, il dit à Maret : « Lisez-moi un peu ce chapitre de l’ouvrage apporté à Austerlitz par un officier du maréchal Ney. » Et, après avoir écouté quelque temps ; « Et qu’on dise maintenant que le siècle ne marche pas !
Les talents poétiques et littéraires d’aujourd’hui (sans parler des autres, politiques et philosophes) sont soumis à de redoutables épreuves qui furent épargnées aux beaux génies du siècle de Louis XIV, et il est bien juste de tenir compte, en nous jugeant, de ces difficultés singulières qu’on a à subir.
La terre de Blet, possédée pendant plusieurs siècles par la maison de Sully, passa par mariage de l’héritière, en 1363, à la maison de Saint-Quentin, où elle fut transmise en ligne directe jusqu’en 1748, date de la mort d’Alexandre II de Saint-Quentin, comte de Blet, gouverneur de Berg-op-Zoom, père de trois filles d’où sont nés les héritiers actuels Ces héritiers sont le comte de Simiane, le chevalier de Simiane, et les mineurs de Bercy, chacun pour un tiers, qui est de 97 667 livres sur la terre de Blet, et de 20 408 livres sur la terre des Brosses.
Le second fait est, sous la direction d’un grand et bienfaisant pape, le désarmement de l’Église catholique, égarée depuis un siècle dans le camp des adversaires de la démocratie.
2º Elle accueillerait, je crois, aujourd’hui, Gustave Flaubert ou Baudelaire, mais à la condition que Gustave Flaubert ou Charles Baudelaire aient écrit en 1914 ce qu’ils écrivirent au siècle dernier.
Mais en quoi consiste ce procédé par lequel formant les individus en classes, séparant tels et tels des autres, « nous les considérons sous une certaine idée d’unité comme étant quelque chose en elles-mêmes. » Il a été considéré comme une chose « mystérieuse », il a été « expliqué mystérieusement », exposé dans un « jargon mystique », et a causé des siècles de combats entre les réalistes et les nominalistes34.
Aimant peu l’histoire, et ne considérant Tacite que « comme une bégueule qui dit des nouvelles de son quartier », elle fait la guerre à l’historien dans Voltaire ; elle lui garde sous clef, par exemple, son histoire du Siècle de Louis XIV, et l’empêche de la terminer.
Dans la seconde partie de son roman, l’auteur essayera d’attribuer la conduite légère de sa Louise à la philosophie du siècle, à cet esprit de débauche, autorisé par Louis XV, soufflé par Voltaire, propagé par tant d’autres.
S’il manquait à ces lectures ce qui les eût vivifiées dans le sens mondain et littéraire, dans le sens politique et profane, si l’intelligence et le souffle du nouveau siècle ne pénétraient pas dans ces horizons tracés, peut-on s’en étonner, peut-on l’en plaindre ?
D’excellents poètes ont vécu de mon temps, il y en a eu de meilleurs encore avant moi, et il n’en manquera pas de plus grands parmi ceux qui nous succéderont ; mais que, dans la difficile question de la lumière, je sois le seul de mon siècle qui sache la vérité, voilà ce qui cause ma joie et me donne la conscience de ma supériorité sur un grand nombre de mes semblables. » Ce n’est pas à dire pourtant que Gœthe lut sans valeur au point de vue scientifique.
Le fait qu’une société est demeurée très longtemps Sans varier, durcie dans une même forme pendant des siècles, — plus que le fait de s’être écartée de ses origines par un grand nombre de transformations, — la rend impropre à des métamorphoses nouvelles.
Quoi qu’il en eût, Dosloïewski était de ce siècle et en connaissait les doctrines qui sont exclusivement scientifiques, c’est-à-dire de raisonnement, et, en particulier, de raisonnement sur les origines.
Au reste, la poésie dramatique fit plus de progrès depuis 1635 jusqu’en 1665 ; elle se perfectionna plus en ces trente années-là, qu’elle ne l’avait fait dans les trois siècles précédents.
Des figures nues dans un siècle, chez un peuple, au milieu d’une scène, où c’est l’usage de se vêtir, ne nous offensent point.
Et c’est précisément pour cette raison qu’il s’est fondé au cours de ce siècle une psychologie objective dont la règle fondamentale est d’étudier les faits mentaux du dehors, c’est-à-dire comme des choses.
L’auteur, en effet, en pleine possession non seulement de son génie, mais de son expérience théâtrale, aurait voulu forcer l’actrice, même de trois siècles après lui, à jouer comme il l’entendait et non pas à son gré à elle, qu’il n’aurait pas écrit autrement ; il semble avoir dicté la mimique mot à mot et c’est-à-dire geste par geste : N’allons pas plus avant, demeurons, chère Œnone, Phèdre n’a fait que quelques pas sur le théâtre et s’arrête, fatiguée, presque épuisée ; l’arrêt doit être brusque, une des mains de la reine cramponnée au bras de sa nourrice : Je ne me soutiens plus, ma force m’abandonne ; Toute une attitude lassée, déprimée ; une sorte d’écroulement du corps.
Thiers est, en effet, la seule personne du siècle à qui le succès ait été aussi facile qu’à Mme Sand.
Le naturalisme avait sa raison d’être, dans le siècle où nous sommes ; il en avait même plusieurs, que nous avons ici plusieurs fois déduites ; et, si nous en voulons autant du reste, nous n’en voulons de rien plus à M.
C’est une épigramme de quatre vers de la poétesse Anyté, une Grecque qui écrivait trois siècles avant notre ère : « O bouc », dit-elle, « des enfants t’ont mis des rênes de pourpre et ont garni d’un mors ta bouche barbue ; ils se jouent à figurer des courses de chevaux autour de l’autel du Dieu, tandis que doucement tu les portes tout réjouis. » L’expression de « bouche barbue » est devenue, dans Richepin, le point de départ d’une excellente peinture. […] Ce siècle et le suivant ramèneront la poésie à ses origines scientifiques : Empédocle, Pythagore, les philosophes primitifs de la Grèce antique enfermaient la science d’alors dans la formule immortelle du vers. […] Il mania l’hexamètre dactylique avec assez de supériorité pour trouver du plaisir à s’y reprendre, au temps de l’âge mûr, et pour s’appliquer à traduire, dans la langue de Catulle et de Virgile, — avec une souplesse, avec une vigueur qui font penser à ces gageures de lettrés du xvie et du xviie siècles, — un sonnet de José-Maria de Heredia. […] Giraud : “ Tracer le tableau de l’Ame française dans cette fin de siècle qui prend parfois une noire couleur de fin du monde et parfois une rose couleur d’aube nouvelle.” […] Le biographe le plus copieux et non le moins utile de Verlaine, Edmond Lepelletier, affirme sans hésitation que l’idée des Fêtes galantes aurait été suggérée à l’auteur par la lecture du XVIIIe Siècle des deux Goncourt et, plus encore, par l’admiration des peintures de la galerie Lacaze, qui, nous dit-il, venaient d’entrer au Louvre.
On ne m’accusera pas de dénigrer Napoléon, par exemple, juste orgueil de notre siècle, mais j’affirme que le code qui porte son nom et qui l’a grandi fût resté lettre morte si Bonaparte n’eût été que son inventeur, et si toutes les provinces de la France ne l’avaient pas fait par leurs désirs, leurs besoins, pièce à pièce avant lui. […] C’est par quelques extraits que je crois pouvoir, mieux que par des dissertations, donner idée de ce roman qui devait être intitulé : la Jeune Bourgeoisie, et qui dépeint de la façon la plus saisissante l’étrange forme qu’a prise notre société depuis un quart de siècle. […] Droz est plutôt une étude consciencieuse de la fin du siècle dernier qu’un roman. […] C’était le portrait d’une jeune fille mise à la mode du siècle dernier, souriante, très légèrement poudrée, fraîche comme une rose. […] L’Idée de Jean Têterol est, pour nous résumer, un livre attachant et doublement attrayant, à notre époque de romans malsains et aussi maniérés sous leur allure étudiée de grossière franchise que les livres précieusement écrits du siècle dernier.
Ils ont alimenté les XVIe XVIIe et XVIIIe siècles ; et notre époque à son tour y retrempe son génie. […] On a dit depuis des siècles qu’il était vivant, exact, animé, peintre admirable, grand observateur, etc. […] Quant à Mme Dacier, son but était de « donner à son siècle une traduction » d’Homère « qui, tout en conservant les principales beautés de ce grand poète, pût faire revenir les gens du monde de leur préjugé57 ». […] Loin de l’égaler aux héros, on l’appellera un fils dénaturé, un de ces hommes dont parle saint Paul, sans culte, sans affection et sans principes ; sa fausse gloire n’aura duré qu’un instant, et son opprobre ne finira qu’avec les siècles : la dernière postérité ne le connaîtra que par ses crimes, que par la piété filiale FOULEE AUX PIEDS à la face des rois et des nations qui ont eu la lâcheté d’applaudir à son usurpation ; enfin, que par l’attentat qui lui a fait détrôner un père et un roi juste, pour se mettre à sa place. […] Le dernier siècle, dit-il, a vu ce qu’il y avait d’extrême dans la liberté, le nôtre a vu ce qu’il y a d’extrême dans l’esclavage.
Le nom de Vigny se présente rarement dans les Mémoires historiques du dernier siècle. […] 2° Il était le poète monarchique né à la vie sociale avec 1814 et rien qu’avec 1814 ; il avait servi, chanté même la légitimité ; il aurait aimé par les dehors du moins, par la noblesse de ses goûts, à rester fidèle à l’antique tradition, à toutes les vieilles religions de race et d’honneur : et il en était venu, par l’expérience et en respirant l’air du siècle, à ne croire que bien peu aux dynasties et aux chefs d’État, et à concevoir même un sentiment de répugnance ou d’hostilité secrète contre tout ce qui est proprement politique, contre ce qui n’est pas de l’ordre pur de l’esprit.
Lui qui a si ingénieusement et si justement comparé la suite des âges et des siècles à la vie d’un seul homme, lequel, existant depuis le commencement du monde jusqu’à présent, aurait eu son enfance, sa jeunesse, sa maturité, comment n’a-t-il pas reconnu que cet âge de jeunesse qu’il rejetait dans le passé était en effet le plus propre à un certain épanouissement naturel et riant, dont l’à-propos ne se retrouve plus ? […] Je terminerai ici avec Théocrite : cette gloire qu’il proclamait la seule durable ne l’a point trompé ; c’est, après tant de siècles, un honneur en même temps qu’un charme de l’aborder de près et de venir s’occuper de lui.
Telle était cette princesse ; elle devait tuer un jour, bien involontairement, le jeune peintre qui aurait pu devenir le Raphaël de son siècle et qui ne fut que Léopold. […] Sans doute il y a eu et il y a, aujourd’hui surtout, en France, où une génération de grands peintres prépare un second siècle de Léon X, en deçà des Alpes, il y a des peintres qui peignent, comme Géricault, ou dessinent, comme Michel-Ange, avec le crayon fougueux et infaillible qui calque les formes du Créateur, qui sculpte la charpente des os et des muscles du corps humain ; il y en a qui ont ravi à Titien le coloris, à Raphaël la grâce, à Rubens l’éblouissement et l’empâtement profond, délayés dans des rayons par leurs pinceaux ruisselants ; il y en a qui font nager, comme Huet, leurs paysages, sévèrement réfléchis par un œil pensif, dans les lumières sereines de Claude Lorrain ou dans les ombres transparentes de Poussin ; il y en a qui pétrissent, comme Delacroix, en pâtes splendides, les teintes de l’arc-en-ciel sur leurs palettes ; il y en a qui, comme Gudin, font onduler la lumière et étinceler l’écume sur les vagues remuées par le souffle de leurs lèvres ; il y en a, comme Meissonier, qui donnent aux scènes et aux intérieurs de la vie domestique l’intérêt, la réalité, le pittoresque et le classique de la peinture héroïque ; il y en a qui, comme mademoiselle Rosa Bonheur, transportent avec une vigueur masculine, sur la grande toile, les pastorales de Théocrite, les chevaux de charrette ou les taureaux fumants dans le sillon retourné par le soc luisant ; il y en a qui, comme les deux Lehmann, dont le plus jeune, dans sa Graziella écoutant le livre qu’on lui lit à la lueur du crépuscule, sur la terrasse de l’île de Procida, au bord de la mer, semblent avoir retrouvé sur leur palette l’âme mélodieuse de Léopold Robert.
Cet homme était nouveau parmi les enfants du siècle. […] J’ai eu, depuis que je raisonne, une aversion particulière pour le grand Frédéric, qu’un siècle frénétique s’est hâté de proclamer grand homme, mais qui n’était au fond qu’un grand Prussien.
Goethe, à ses débuts, est un homme du dix-huitième siècle ; il a vu jouer dans son enfance le Père de famille de Diderot et les Philosophes de Palissot ; il a lu nos auteurs, il les goûte, et lorsqu’il a opéré son œuvre essentielle, qui était d’arracher l’Allemagne à une imitation stérile et de lui apprendre à se bâtir une maison à elle, une maison du Nord, sur ses propres fondements, il aime à revenir de temps en temps à cette littérature d’un siècle qui, après tout, est le sien. […] …” — Je rapproche ces deux témoignages de deux des plus grands poètes du siècle en souhaitant qu’ils tombent sous les yeux de leur successeur ; peut-être, grâce à cet aveu de ses devanciers, serait-il plus sage qu’eux.
« Il n’y a qu’une réponse : c’est que, depuis d’innombrables générations, la vue du soleil couchant est associée au sentiment de la fin du travail, du repos, de la satisfaction. » C’est trop dire, sans doute ; les teintes mêmes du soir et sa fraîcheur ont un effet psychologique qui entre comme élément dans notre émotion ; nos souvenirs personnels y sont aussi associés, et non pas seulement les réminiscences ancestrales ; pourtant il est plausible d’admettre que le calme des heures de repos goûtées par le genre humain depuis des siècles descend en nous avec les ombres du soir. […] De plus, il doit y avoir ici un effet de l’hérédité et de la sélection : depuis des siècles innombrables, les êtres animés reçoivent les rayons bleus du ciel sous lequel ils vivent : ils en ont l’accoutumance héréditaire, ils se sont adaptés à ce milieu lumineux des jours sereins comme aux rayons verts des champs et des bois.
Il y a donc eu, à travers les siècles, action et réaction mutuelle de tous les cerveaux humains, jusqu’à ce qu’ils fussent en harmonie, comme des horloges marquant la même heure au cadran de la logique, — et aussi l’heure vraie, l’heure que commande l’évolution de la nature, où toujours ce qui est est et trouve dans ce qui précédé sa raison d’être. […] Les religions naturalistes et les philosophies naturalistes se sont figuré la matière première comme un abîme à la fois obscur et fécond, laboratoire caché de la vie, où la pensée ne jaillit qu’après des siècles, étincelle brillante et fugitive.
* * * — Combien de temps faudra-t-il encore — peut-être des siècles — pour que notre barbare civilisation ait le moindre confortable, et qu’une salle de plaisir quelconque, une salle de café ou de bal ou de spectacle, ne soit pas une boîte à maladie ou à malaise pour le lendemain. […] reprenait-il, c’est peut-être le pain sur la planche qui m’a manqué, pour être un des quatre grands noms du siècle… Pourquoi n’aurais-je pas atteint Hugo ?
L’étude de la littérature et de l’art des siècles écoulés le prouve d’une manière éclatante. […] Le siècle de Louis XIV.
Une fois qu’on s’en est bien rendu compte, qu’on aille contempler des assises de conglomérat d’une puissance de plusieurs mille pieds, qui, bien que formées plus vite peut-être que beaucoup d’autres dépôts, ne sont cependant composées que de cailloux brisés ou arrondis qui, portant chacun la trace des siècles qui les ont usés ou polis, prouvent avec quelle lenteur la masse entière s’est accumulée. […] Cependant si l’observation n’eût révélé ce fait remarquable, qui aurait pu soupçonner quelle immense suite de siècles était représentée par quelques strates superposées ?
Il en est un peu de même pour la littérature du siècle de Louis XIV.
Sa manière, qui se rapporte bien à celle des traducteurs de son siècle, qui ont Perrot d’Ablancourt pour chef, est large, facile, coulante, naturelle : « Il n’y a rien de gêné, disait Boileau d’une des traductions de Maucroix ; tout y paraît libre et original. » Maucroix aimait cette habitude et ce train de traduire, même lorsqu’il l’appliquait à des matières assez ingrates : Pour écrire, disait-il, il me faudrait un grand fonds de science et peu de paresse.
Ingres, duquel on le rapprochait assez naturellement, qu’il admirait comme le modèle des artistes, comme l’artiste de ce siècle le plus classique, et à qui il ne se laissait comparer qu’avec résistance et réserve, il marquait cependant la différence essentielle qui les séparait : Ingres plein de science, d’étude de l’Antiquité, cherchant l’idéal même par le souvenir historique, surtout par la poésie et par l’imagination, et dans la trace de Raphaël, de Phidias ou d’Homère ; et lui, Léopold, n’y voulant arriver, si c’était possible, que par la nature.
Il est ici-bas logé au dernier et pire étage de ce monde, plus éloigné de la voûte céleste, en la cloaque et sentine de l’univers, avec la bourbe et la lie, avec les animaux de la pire condition…, et se fait croire qu’il est le maître commandant à tout, que toutes créatures, même ces grands corps lumineux, incorruptibles, desquels il ne peut savoir la moindre vertu, et est contraint tout transi les admirer, ne branlent que pour lui et son service… Ici Charron combine et resserre deux passages différents ; il écourte Montaigne, mais il ne saurait faire oublier ni supprimer cette admirable interrogation que l’on dirait de Pascal s’adressant des objections à lui-même : Qui lui a persuadé que ce branle admirable de la voûte céleste, la lumière éternelle de ces flambeaux roulant si fièrement sur sa tête, les mouvements épouvantables de cette mer infinie, soient établis et se continuent tant de siècles pour sa commodité et pour son service ?
Venir après deux siècles s’interposer entre une maîtresse aussi subtile et aussi coquette d’esprit, aussi versatile de cœur que la sœur des Condé et des Conti, et un amant aussi fin, aussi délié, aussi roué si l’on veut, que M. de La Rochefoucauld ; prétendre sérieusement faire entre les deux la part exacte des raisons ou des torts ; déclarer que tout le mal est uniquement d’un côté, et que de l’autre sont toutes les excuses ; poser en ces termes la question et s’imaginer de bonne foi qu’on l’a résolue, c’est montrer par cela même qu’on porte en ces matières la ferveur d’un néophyte, qu’on est un casuiste de Sorbonne ou de cour d’amour peut-être, mais un moraliste très peu.
Habile capitaine plutôt que grand général, sa mesure à cet égard est difficile à prendre, et j’aimerais assez à entendre là-dessus des gens du métier : à le traduire à la moderne, ce qui est toujours hasardeux, vu l’extrême différence des moyens en usage aux différents siècles, il me fait l’effet d’être ou d’avoir pu être, comme militaire, quelque chose entre Gouvion Saint-Cyr et Macdonald, et plus près du premier à cause des pensées.
Frédéric était un grand homme, de ceux en qui réside et se personnifie la force et la destinée d’une nation ; le prince Henri, tel qu’il ressort à nos yeux de la correspondance qu’on vient de publier et des divers témoignagnes, me paraît un prince raisonneur, réfléchi, méthodique, quelquefois jusqu’au bizarre et au minutieux, ombrageux, susceptible, capable d’envie, fastueux, aimant la montre, ne haïssant pas d’être trompé, ayant une forte teinte de la sensibilité et de la philanthropie de son siècle ; avec cela de la justesse par places, de la mesure habile, de la combinaison, de l’adresse, des parties ingénieuses ; mais grand homme, c’est beaucoup dire : il n’est grand en rien, il n’a rien d’héroïque ; c’est un esprit distingué et un guerrier de mérite.
Jouvin au Figaro dansdes articles de véritable critique, reprirent et poussèrent l’attaque : George Sand, dans le Siècle, sans répondre à personne en particulier, évoqua un Béranger noble, élevé, sérieux, fier, idéalisé et encore ressemblant, plusgrand que nature, une figure d’au-delà, telle qu’elle sort de la tombe à l’heure du réveil, en dépouillant toutes les petitesses humaines et les chétives misères.
Ainsi, dans une lettre au prince Albert de Broglie au sujet de Donoso Cortès, elle veut marquer que la disposition de cet éloquent Espagnol à maudire notre siècle en masse, disposition qu’elle était loin de partager, ne lui donne pourtant point de l’éloignement pour sa personne et qu’elle se sent plus attirée que repoussée, malgré cette opposition des points de vue : « Jamais, dit-elle, disposition morale ne m’a paru plus étrangère au mouvement de la pensée ; aussi, toute dissidence avec lui (Donoso Cortès) amène un effet surprenant, c’est de se sentir, dans un sens, rapproché de lui à mesure qu’on s’en sépare. » On m’avouera que c’est du Rambouillet tout pur.
Dans l’un, il répond à deux reproches qu’on faisait à l’éducation classique et qui partaient de côtés bien différents : en même temps que les catholiques (comme l’abbé Gaume) reprochaient à l’Université de faire des païens, les économistes libéraux (comme Bastiat) lui reprochaient de faire des républicains à l’antique et des Spartiates au rebours du siècle.
Ce serait la préparation naturelle à une lecture de Gil Blas, un avant-goût, dans le grand siècle, de ce qui nous plaît et nous étonne dans les saynètes et les nouvelles espagnoles de Mérimée7.
Après l’apothéose, après les gémonies, Pour le vorace oubli marqués du même sceau, Multitudes sans voix, vains noms, races finies, Feuilles du noble chêne ou de l’humble arbrisseau ; Vous dont nul n’a connu les mornes agonies, Vous qui brûliez d’un feu sacré dès le berceau, Lâches, saints et héros, brutes, mâles génies, Ajoutés au fumier des siècles par monceau ; Ô lugubres troupeaux des morts, je vous envie, Si quand l’immense espace est en proie à la vie, Léguant votre misère à de vils héritiers, Vous goûtez à jamais, hôtes d’un noir mystère, L’irrévocable paix inconnue à la terre, Et si la grande nuit vous garde tout entiers !
Cette lettre, ou telle autre pareille, ne nous forcez pas à le dire, nous les amis de Mme de Staël, et qui comprenons ses premiers mouvements en plus d’un sens, c’est la compensation peut-être d’avoir écrit un jour au général Moreau de revenir d’Amérique pour nous combattre, d’avoir appelé Bernadotte le véritable héros du siècle, celui qui joint la vertu au génie ; elle a pu, dans des moments de révolte et d’irritation trop motivée, s’emporter à ces vivacités extra-françaises ; elle était femme après tout, nous ne l’en blâmons pas ; mais concevez donc aussi qu’elle a pu écrire à un autre moment cette lettre toute française en simple brave femme qu’elle était ce jour-là, et en bonne patriote.
Ô classe moyenne et aisée de nos jours, n’enviez pas l’hygiène ni le régime du grand roi dans ce qu’on appelle le plus poli des siècles.
Les Mystères qui avaient mis deux siècles à croître et à se former eurent ainsi leur promotion finale : le bas moyen âge est l’époque de leur entière célébrité et de leur triomphe.
» C’est ici que Chrémès fait cette heureuse réponse qui a eu son écho à travers les siècles : « Je suis homme, et je considère que rien d’humain ne m’est étranger. » Et il s’attache de son mieux à désarmer la misanthropie du farouche voisin, à lui, rendre en un sens quelconque la réponse facile : « Prenez que c’est ou un avertissement, ou bien une simple question à mon usage ; si vous avez raison, pour que je vous imite ; sinon, pour que je vous ramène » Ménédème, malgré tout, regimbe encore : « C’est mon habitude à moi ; à vous de faire comme vous l’entendez !
À vingt ans, il méditait aussi de doter le siècle d’une épopée, la Colombiade ou la découverte de l’Amérique.