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1564. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Il arrêta une minute sur moi son monocle  : « Non, dit-il, j’ai jugé inutile de traduire Virgile. […] Vingt ans après, ayant à juger le même homme, M.  […] Vous jugez si l’on glosa chez les Gavots. […] Vous jugez si l’on glosa chez les Gavots. […] Quelques passages lui suffisaient pour juger un auteur avec compétence.

1565. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Louis XVI, poursuivi de sollicitations en faveur de Beaumarchais, voulut juger la question par lui-même. […] Une chose peut bien avoir égaré l’opinion sur la valeur poétique de l’Année terrible, puisqu’elle rend encore très difficile de juger ce livre pertinemment : ce sont les passions politiques. […] Ces sentiments particuliers de Victor Hugo, que nous avons toute espèce de droit et de raison de juger inférieurs même comme valeur littéraire, peuvent-ils produire, ont-ils produit des fruits poétiques ? […] Aussi la critique peut le contredire, juger même très sévèrement ce qu’elle a le droit d’appeler ses erreurs, elle parlera toujours de lui avec l’estime respectueuse que commandent le travail et le talent d’un véritable écrivain. […] En somme, aucune contradiction profonde ne se trahit dans cette nature ouverte, expansive, débordante, sans défiance, complication ni calcul ; nous la voyons mieux, nous la jugeons mieux, l’harmonie du poète et de l’homme n’est point troublée.

1566. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Et Bernhardi avoue ce que, le 8 août 1914, MM. de Jagow et de Bethmann-Hollweg ne jugèrent pas opportun d’avouer. […] Les gouvernements divers jugent à leur gré l’opportunité d’une intervention : c’est affaire à eux. […] Et voilà quelque trois cents années de tentative égoïste dûment regardées, jugées et peintes. […] On n’ose pas le juger : on l’admire et il vous fâche ; il vous amuse et vous irrite ; il vous enchante et vous déplaît. […] Les critiques la jugeront, plus tard, en tant qu’histoire, quand un autre Boislisle aura eu le prodigieux talent de l’annoter comme le Saint-Simon.

1567. (1911) Nos directions

Alors, mais alors seulement, on jugera si le poète fut « sincère » et s’il « pensa » ! […] On a trop ri du « Symbolisme » ; d’aucuns en rient encore ; on le jugea sur ses folies. […] Il prétend que nous le jugions en fonction de sa gloire acquise, grand poète toujours, pour une fois français. […] Certes il nous paraîtra atteindre dans ce jeu à une adresse véritable, mais à condition que nous jugions ses coups de loin. […] Cette satisfaction, à la fois intellectuelle et musicale, vous jugerez comment ces beaux poètes nous la donnent.

1568. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

La première lettre se prenait aux caractères du roman qui est jugé immoral ; Delphine s’y voit confrontée avec l’héroïne d’un roman injurieux, de laquelle on a également voulu, de nos jours, rapprocher Lélia. […] Vers le même temps, le Mercure en publiait un, signé F., mais tellement acrimonieux et personnel, que le Journal de Paris, qui, par la plume de M. de Villeterque, avait jugé le roman avec assez de sévérité, surtout au point de vue moral, ne put s’empêcher de s’étonner qu’un article écrit de ce style se trouvât dans le Mercure, à côté d’un morceau signé de La Harpe, et sous la lettre initiale d’un nom cher aux amis du goût et de la décence. […] Nous tous du jeune siècle, nous jugeons Ferney en descendant de Coppet. […] De son côté, elle le jugeait l’homme le plus séduisant de l’Angleterre, ajoutant toutefois : « Je lui crois juste assez de sensibilité pour abîmer le bonheur d’une femme68. » Mais ce qu’on ne peut exprimer de Coppet aux années les plus brillantes, ce que vous voudriez maintenant en ressaisir, ô vous tous, cœurs adolescents ou désabusés, rebelles au présent, passionnés du moins des souvenirs, avides d’un idéal que vous n’espérez plus pour vous, — ô vous tous qui êtes encore, on l’a dit justement, ce qu’il y a de plus beau sur la terre après le génie, puisque vous avez puissance de l’admirer avec pleurs et de le sentir, c’est le secret et l’entre-croisement des pensées de ces hôtes sous ces ombrages ; ce sont les entretiens du milieu du jour le long des belles eaux voilées de verdure. […] Corneille à ses débuts parut irrégulier à d’Aubignac et à l’Académie ; Racine, en commençant, fut jugé fade et amollissant par les amateurs de Corneille.

1569. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Au reste, vous en jugerez. […] Oui, tout ce qui échappe au vulgaire niveau, tout ce qui ne reste point asservi à la coutume banale est ici sévèrement jugé. […] Ils semblaient plus occupés de leurs cigares que de ses belles phrases, et, à en juger par leurs regards constamment dirigés du côté de la porte, il y avait lieu de supposer qu’ils songeaient à s’en aller. […] Il disait qu’on ne pouvait bien juger les choses en un premier aperçu, qu’il faudrait revoir, et il faisait d’autres insinuations que le cruel Pierre s’obstinait à ne pas vouloir comprendre. […] Un jour sa maîtresse, qui venait de le rencontrer dans un piteux état, se mit à parler de lui avec son intendant Gabriel, un homme qui, à en juger par ses yeux fauves et son nez en bec de corbin, était évidemment destiné à l’état d’intendant.

1570. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Le mal se cache si bien, le secret est si universellement gardé, que chacun est ici la dupe de tous : si sévèrement que nous affections de juger les autres hommes, nous les croyons, au fond, meilleurs que nous. […] Pensons donc à une fourmi que traverserait une lueur de réflexion et qui jugerait alors qu’elle a bien tort de travailler sans relâche pour les autres. […] Ainsi procédait le philosophe qui prouvait le mouvement en marchant ; son acte était la négation pure et simple de l’effort, toujours à recommencer et par conséquent impuissant, que Zénon jugeait nécessaire pour franchir un à un les points de l’intervalle. […] Nous ne voyons pas qu’aucun des grands stoïciens, même celui qui fut empereur, ait jugé possible d’abaisser la barrière entre l’homme libre et l’esclave, entre le citoyen romain et le barbare. […] Mais ce n’est pas assez dire : il faudra creuser plus profondément encore si l’on veut comprendre, non plus seulement comment la société oblige les individus, mais encore comment l’individu peut juger la société et obtenir d’elle une transformation morale.

1571. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

J’allais ajouter qu’il y a une chose à laquelle il n’a rien compris et dont il ne s’est jamais douté, pour peu qu’elle existe encore, c’est l’autre science, celle du Saint et du Divin ; et qu’il semble tout à fait se ranger à cet axiome volontiers cité par lui et emprunté des jurisconsultes : Idem judicium de iis quae non sunt et quae non apparent, Ce qu’on ne peut saisir est comme non avenu et mérite d’être jugé comme n’existant pas232. […] Lui qui n’était pas philosophe ni protestant à demi, il jugeait qu’il y avait plus de place encore pour des opinions quelconques sous la noble pourpre flottante de ses patrons que sous l’habit noir serré du ministre ; mais c’était à condition toujours de n’en rien laisser passer242. […] Étant autrefois à Rome, il avait été consulté et avait donné son avis sur des manuscrits de l’Imitation de Jésus-Christ que les bénédictins revendiquaient pour un moine de leur Ordre, Gersen  ; il n’était pas de leur avis, et avait jugé les manuscrits quelque peu falsifiés.

1572. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

— Par ces quatre rues, jugez des autres. — On ne peut faire cent pas dans la ville sans y rencontrer un accessoire du palais : hôtel de l’état-major des gardes du corps, hôtel de l’état-major des chevau-légers, hôtel immense des gardes du corps, hôtel des gendarmes de la garde, hôtels du grand-louvetier, du grand-fauconnier, du grand-veneur, du grand-maître, du commandant du canal, du contrôleur général, du surintendant des bâtiments, hôtel de la chancellerie, bâtiments de la fauconnerie et du vol de cabinet, bâtiments du vautrait, grand chenil, chenil-dauphin, chenil dit des chiens verts, hôtel des voitures de la cour, magasin des bâtiments et menus-plaisirs, ateliers et magasins pour les menus-plaisirs, grande écurie, petite écurie, autres écuries dans la rue de Limoges, dans la rue Royale et dans l’avenue de Saint-Cloud, potager du roi comprenant vingt-neuf jardins et quatre terrasses, grand-commun habité par deux mille personnes, maisons et hôtels dits des Louis où le roi assigne des logements à temps ou à vie : avec des mots sur du papier, on ne rend point l’impression physique de l’énormité physique. — Aujourd’hui, de cet ancien Versailles mutilé et approprié à d’autres usages, il ne reste plus que des morceaux ; allez le voir pourtant. […] La maison civile de Monsieur en comprend 420 et sa maison militaire 179 ; celle du comte d’Artois 237 et sa maison civile 456  Les trois quarts sont pour la montre ; avec leurs broderies et leurs galons, avec leur contenance dégagée et polie, leur air attentif et discret, leur belle façon de saluer, de marcher, de sourire, ils font bien, alignés dans une antichambre ou espacés par groupes dans une galerie ; j’aurais même voulu contempler les escouades des écuries et des cuisines ; ce sont les figurants qui remplissent le fond du tableau  Par cet éclat des astres secondaires, jugez de la splendeur du soleil royal. […] Cinq fois par semaine, chez le duc de Choiseul, à dix heures du soir, le maître d’hôtel vient jeter un coup d’œil dans les salons, dans l’immense galerie pleine, et, au juger, fait mettre cinquante, soixante, quatre-vingts couverts197 ; bientôt, sur cet exemple, toutes les riches maisons se font gloire de tenir table ouverte à tous venants  Naturellement, les parvenus, les financiers qui achètent ou se donnent un nom de terre, tous ces traitants et fils de traitants qui, depuis Law, frayent avec la noblesse, copient ses façons.

1573. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Il n’a point été impatient de justice ; il ne l’a pas attendue, cette justice, de ses contemporains ; il a jugé que ni les républicains ardents et sectaires, ni les royalistes absolus et irrités, ni les hommes religieux implacables contre sa répudiation du sacerdoce, même sanctionnée par le souverain pontife, ni les démocrates jaloux de toute antiquité de race dans ceux-là même qui les adoptent, ni les démagogues furieux contre ceux qui conservent le sang-froid et la mesure aux révolutions, ni les bonapartistes survivants du premier Empire, qui ne pardonnent pas à l’homme de 1814 d’avoir préféré la patrie à un homme, et prévenu par la déchéance de Napoléon le suicide de la France, ni les apôtres turbulents de la guerre, qui ont toujours trouvé entre eux et leurs mers de sang, dans les ministères, dans les ambassades, dans les congrès, l’homme de la paix, personnifié par le grand diplomate, ni les légitimistes de 1830, qui n’excusent pas ce vieillard monarchique d’avoir conseillé deux Bourbons sur le même trône, ni toutes les médiocrités, enfin, que la longue fortune et la supériorité exaspère contre tout nom historique, il n’a pas jugé, disons-nous, qu’aucun de ces partis contemporains fût assez impartial pour l’écouter, même du fond de sa tombe ; il a su attendre, et il a bien fait. […] Thiers, à en juger par ce qu’il en dit dans son Histoire de l’Empire, ne nous paraît pas avoir compris la supériorité de ce modèle, pas plus que la supériorité de M. 

1574. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

C’est ici le moment de juger l’œuvre pendant le repos et le glorieux salaire de l’ouvrier. […] C’est cette différence fondamentale entre Homère et le Tasse qui nous semble juger les deux poètes et les deux poèmes. […] XIV M. de Chateaubriand l’a jugé avec plus de sévérité que nous, parce qu’il était peut-être plus critique et moins poète que le Tasse.

1575. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Il ne fut point abbé ni prieur, il ne remplit point de grande charge ecclésiastique. « Mon fils, lui dit Jésus-Christ, ne vous affligez point si vous voyez qu’on honore et qu’on élève les autres, pendant qu’on vous méprise et qu’on vous abaisse… On confiera aux autres différents emplois et l’on ne vous jugera capable de rien. […] Pour lui, juger un livre, ce n’est nullement analyser l’impression plus ou moins voluptueuse qu’il en a reçue ; mais c’est, essentiellement, le « situer » dans une série. […] Il a jugé que Balzac, Sand et Flaubert ensemble étaient bien peu de chose auprès de Léon Tolstoï ou de Dostoïewsky ….

1576. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

si l’on peut dire, aujourd’hui, comment Paris sera vu et jugé dans cent ans, nul ne peut savoir de quelle comédie il sera le héros, de quel drame il sera la victime ! […] Il s’occupa de reproduire le modèle incroyable qu’il avait sous les yeux, laissant aux lecteurs à venir, le soin de juger du mérite et de l’intérêt de la ressemblance. […] Elle était habile et droite ; elle jugeait bien de toutes choses, grâce à ce sang-froid qui ne l’a pas quittée ; elle était une vraiment grande artiste et une femme comme il faut, sans exagération, sans excès ; prudente, au contraire, et réservée avec un petit fonds d’orgueil, soit dans les petites, soit dans les grandes aventures de sa vie ; attentive, et ne négligeant aucun détail, elle protégeait et défendait sa gloire avec le même zèle que sa fortune.

1577. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Écoutons l’histoire : « Chaque assemblée quinquennale redoublait, au moment du vote du don gratuit, d’instances pour la destruction de l’hérésie : « Nous ne demandons pas, Sire, disaient les évêques, que votre Majesté bannisse à présent de son royaume cette malheureuse liberté de conscience, qui détruit la véritable liberté des enfants de Dieu, parce que nous ne jugeons pas que l’exécution en soit facile ; mais nous souhaitons que si votre autorité ne peut étouffer tout d’un coup ce mal, elle le rende languissant et le faire périr peu à peu73 » Sous ce langage patelin, ne reconnaissons-nous pas ce fait positif, que l’épiscopat n’accordait au roi l’argent dont il avait besoin pour entretenir sa valetaille, que contre une promesse formelle de persécution 74 ?‌ […] Des enfants de sept ans étaient donc jugés capables de discerner le vrai du faux, et de trancher les questions sur lesquelles un Claude et un Bossuet étaient divisés. […]  » A l’égard de la bourgeoisie et du peuple on employait les dragons ; on jugeait cet argument assez clair.

1578. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

C’est même à l’intensité de la sensation que nous jugeons de la plus ou moins grande quantité de travail accompli : l’intensité demeure donc bien en apparence au moins, une propriété de la sensation. […] Helmholtz a signalé un phénomène d’interprétation du même genre, mais plus compliqué encore : « Si l’on compose du blanc, dit-il, avec deux couleurs spectrales, et qu’on augmente ou diminue dans le même rapport les intensités des deux lumières chromatiques, de telle sorte que les proportions du mélange restent les mêmes, la couleur résultante reste la même, bien que le rapport d’intensité des sensations change notablement… Cela tient à ce que la lumière solaire, que nous considérons comme étant le blanc normal, pendant le jour, subit elle-même, quand l’intensité lumineuse varie, des modifications analogues de sa nuance 19. » Toutefois, si nous jugeons souvent des variations de la source lumineuse par les changements relatifs de teinte des objets qui nous entourent, il n’en est plus ainsi dans les cas simples, où un objet unique, une surface blanche par exemple, passe successivement par différents degrés de luminosité. […] L’originalité de Fechner est de n’avoir pas jugé cette difficulté insurmontable.

1579. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Ce diplomate, dont on a les Mémoires, a consacré tout un intéressant chapitre à ses relations avec Talleyrand47 ; il y a inséré les réponses qu’il reçut de lui dans les dernières années, lorsque de temps en temps il jugeait à propos de se rappeler à son souvenir. […] À la juger sérieusement et d’après le simple bon sens, cette conversion (si cela peut s’appeler une conversion) n’offrait pas de si grandes difficultés.

1580. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Le prologue et l’épilogue font une bordure qui découpe l’épisode dans le tout, et nous l’offre en tableau complet ; c’est comme tel que nous le jugerons. — Jocelyn est un enfant des champs et du hameau ; malgré ce nom breton de rare et fine race, je ne le crois pas né en Bretagne ; il serait plutôt de Touraine, de quelqu’un de ces jolis hameaux voisins de la Loire, dans lesquels Goldsmith nous dit qu’il a fait danser bien des fois l’innocente jeunesse au son de sa flûte, et qui ont dû lui fournir plusieurs traits dont il a peint son délicieux Auburn. […] Notre critique, si confiante en Jocelyn, a donc pu être jugée à l’effet un peu imprévoyante, presque comme au lendemain des Paroles d’un Croyant : une vraie critique de girondin.

1581. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Depuis lors, dans l’édition de 1833, il a été jugé possible d’introduire de nouvelles petites pièces, de simples restes qui avaient été négligés d’abord : c’est ce genre de travail que nous venons poursuivre, sans croire encore l’épuiser. […] Ce serait pourtant se tromper beaucoup que de le juger un artiste si désintéressé ; et l’Hermès nous le montre aussi pleinement et aussi chaudement de son siècle, à sa manière, que pouvaient l’être Haynal ou Diderot.

1582. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Dubois, qui jugea que, dans cette simple idée de magasin à l’anglaise, il n’y avait pas assez de chance d’action ; qu’il fallait y implanter une portion de doctrine, y introduire les questions de liberté littéraire, se poser contre la littérature impériale, et, sans songer à la politique puisqu’on était en pleine Censure, fonder du moins une critique nouvelle et philosophique. […] Dubois seulement qui jugeait ainsi, c’était M. 

1583. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Jugez de la part exorbitante que s’adjugent l’Église et l’État, puisque, avec des frais de culture si minimes, le propriétaire trouve dans sa poche, à la fin de l’année, 6 ou 8 sous par arpent, sur quoi, lorsqu’il est roturier, il doit encore payer les redevances à son seigneur, mettre pour la milice à la bourse commune, acheter son sel de devoir, faire sa corvée, et le reste. […] En Auvergne, où les hommes valides s’expatrient l’hiver pour chercher du travail, on prend les femmes672 : dans l’élection de Saint-Flour, il y a tel village où les quatre collecteurs sont en jupon. — Pour tous les recouvrements qui leur sont commis, ils sont responsables sur leurs biens, sur leurs meubles, sur leurs personnes, et, jusqu’à Turgot, chacun est solidaire des autres ; jugez de leur peine et de leurs risques ; en 1785673, dans une seule élection de Champagne, quatre-vingt-quinze sont mis en prison, et chaque année il y en a deux cent mille en chemin. « Le collecteur, dit l’assemblée provinciale du Berry674, passe ordinairement pendant deux ans la moitié de sa journée à courir de porte en porte chez les contribuables en retard. » Cet emploi, écrit Turgot675, cause le désespoir et presque toujours la ruine de ceux qu’on en charge ; on réduit ainsi successivement à la misère toutes les familles aisées d’un village. » En effet, il n’y a point de collecteur qui ne marche par force et ne reçoive chaque année676 « huit ou dix commandements ».

1584. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Que Moïse, Isaïe, apparaisse en nos champs, Les peuples qu’ils viendront juger, punir, absoudre, Dans leurs yeux pleins d’éclairs méconnaîtront la foudre         Qui tonne en éclats dans leurs chants. […] J’écrivis à Hugo pour lui dire « que je l’avais lu, que j’étais tour à tour ravi du talent, blessé du système ; que la critique radicale de la société, chose sacrée parce qu’elle est nécessaire, chose imparfaite parce qu’elle est humaine, m’était antipathique ; que, si j’écrivais sur son livre, je respecterais avant tout l’homme, l’amitié, le suprême talent, le génie, cette épopée du talent ; mais qu’en confessant mon admiration pour le talent, il me serait impossible de ne pas combattre à armes cordiales le système ; et qu’en combattant le système, je froisserais peut-être involontairement l’homme et l’œuvre ; que par conséquent j’attendrais sa réponse avant d’écrire une ligne de l’admiration et de la réprobation qui bouillonnaient en moi ; et que, s’il craignait que la condamnation des idées du livre ne blessât le moins du monde en lui l’homme et l’ami, je n’écrirais rien, car, même pour défendre la société, il ne faut jamais, comme un vil séide, enfoncer même une épingle au cœur d’un ami, et qu’il me répondît donc, s’il le jugeait à propos ; que, s’il ne me répondait pas, j’interpréterais son silence, et je n’écrirais rien ».

1585. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Quand on compare Werther aux mœurs et aux livres de notre époque, on doit le juger excellent. […] Lisez, dans Minutius Félix, l’admirable entretien d’Octavius et de ses amis au bord de la mer, et jugez si le Christianisme n’a pas débuté par là.

1586. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Je suis trop peu sûr de m’être gardé de toutes ces causes d’erreur, pour oser juger en historien les ouvrages d’esprit de mon temps. […] Appliquée à l’histoire des beaux-arts et au jugement des chefs-d’œuvre, elle a, dans des Études sur l’art à toutes les époques, esquissé l’histoire des grandes écoles et mis en lumière des vérités qui apprennent à bien voir et à bien juger.

1587. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Mais combien plus étonnante est l’histoire de cette intelligence qui n’a plus de sens, de ce professeur qui veut juger la littérature, l’art des peuples et qui ne les voit pas ! […] Mais il ne recommença pas, et ses disciples jugèrent convenable de ne point ressembler au maître en cette posture fâcheuse.

1588. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Wagner, malgré son audace, puisse jamais arriver à une troisième transformation de ce beau style. » En somme, pas de critiques approfondies : le Ménestrel jugeait Tristan de cette façon expéditive : « l’histoire de Tristan et Isolde est d’un lamentable sans précédent. » Dans leurs brochures apologétiques de Wagner, Baudelaire et Champfleury ne parlaient guère de Tristan. […] Le numéro de janvier 1885 contient les articles suivants : 1° Richard Wagner : motifs extraits de ses écrits. — Cet article composé de passages pris aux livres de Wagner, expose comme quoi il faut juger toute œuvre en tenant compte du milieu où elle a été produite ; 2°  Sur Jacob Grimm, en mémoire du 4 janvier 1785 — Jacob Grimm est le philosophe allemand qui s’est le premier attaché à l’étude de l’esprit germanique ; 3° Etudes sur l’éternité, par Philipp van Hertefeld ; 4° Sur l’architecture théâtrale, par Friedrich Hofmann. — Cette étude montre que Wagner a repris l’idée du théâtre grec ; elle compare le théâtre de Bayreuth aux théâtres anciens et modernes ; 5° Observations sur Parsifal : explication de passages douteux ; 6° Un dialogue de fin d’année, au sujet du nouveau calendrier wagnérien ; enfin les communications nouvelles, etc.

1589. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Quant à l’action, vous avez pu juger, d’après l’analyse, de son entrain, de son ardeur ; de l’activité énergique avec laquelle elle met aux prises les passions et les intérêts de ses personnages. […] parce qu’il vous a plu de me faire la cour, parce que j’ai été assez confiante pour croire en vous, parce que je vous ai jugé un galant homme, vous deviendriez un obstacle au bonheur de toute ma vie ?

1590. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Il est composé de deux styles disparates : d’un style alors amoureux de Janin, celui du frère cadet ; d’un style alors amoureux de Théophile Gautier, celui du frère aîné ; — et ces deux styles ne se sont point fondus, amalgamés en un style personnel, rejetant et l’excessif sautillement de Janin et la trop grosse matérialité de Gautier : un style dont Michelet voulait bien dire plus tard, qu’il donnait à voir, d’une manière toute spéciale, les objets d’art du xviiie  siècle, un style peut-être trop ambitieux de choses impossibles, et auquel, dans une gronderie amicale, Sainte-Beuve reprochait de vouloir rendre l’âme des paysages, et de chercher à attraper le mouvement dans la couleur, un style enfin, tel quel, et qu’on peut juger diversement, mais un style arrivé à être bien un. […] Et mon ambition, je l’avoue, serait que mon livre donnât la curiosité de lire les travaux sur la folie pénitentiaire 9, amenât à rechercher le chiffre des imbéciles qui existent aujourd’hui dans les prisons de Clermont, de Montpellier, de Cadillac, de Doullens, de Rennes, d’Auberive ; fît, en dernier ressort, examiner et juger la belle illusion de l’amendement moral par le silence ; que mon livre enfin eût l’art de parler au cœur et à l’émotion de nos législateurs.

1591. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Ce qui était déformation en 1850 est devenu aujourd’hui le principe d’une règle par quoi nous jugeons des déformations actuelles. […] C’est le sentiment introduit dans la linguistique ; les mots sont jugés bons ou mauvais selon qu’il plaît et sans que l’on soit tenu à fournir un motif valable et discutable.

1592. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

IV, chap. 2] On jugera de l’éloquence de saint Chrysostome par ces deux morceaux traduits ou extraits par Rollin, dans son Traité des études, tom.  […] Et le pauvre apprend ici à juger de son état tout autrement qu’il ne fait, et, loin de se plaindre, à savoir même bon gré à sa pauvreté, qui lui tient lieu d’asile, de port, de citadelle, en le mettant en repos et en sûreté, et le délivrant des craintes et des alarmes dont il voit que les richesses sont la cause et l’origine. » Le but qu’avait saint Chrysostome en tenant tout ce discours, n’était pas seulement d’instruire son peuple, mais de l’attendrir par le récit des maux dont il lui faisait une peinture si vive.

1593. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Car enfin, si l’on veut avoir une littérature dramatique, il faut pour la juger un public qui soit tout à la fois le public de tout le monde et qui ne soit le public de personne. […] Lui seul doit nous juger, lui seul nous fait sortir de la fausse voie qui nous égare, lui seul récompense nos travaux, et lui seul enfin, en nous indiquant ce qui est bon, ce qui est beau, nous inspire ces grands et généreux ouvrages qui conduisent leur auteur à la gloire et à l’estime publique.

1594. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Boileau, lui, les eut davantage, mais Boileau a mieux fait que de traduire Pindare : il l’a jugé. […] … Les quelques notices qu’on vient de publier nous vengent-elles, au moins, par l’expression, des oublis pires que les erreurs de ce livre sur la tribune moderne où l’on ne trouve ni classement, ni comparaison, ni hiérarchie établie entre les talents qu’il veut juger ?

1595. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Les figures que tout le monde connaît, ces grands hommes qui ont l’honneur d’être la propriété du genre humain et qui ne sont pas seulement de la poudre de sépulcre à laquelle on ordonne de se lever, nous font trembler sur la loyauté historique de l’auteur, par la manière dont ils sont jugés. […] Coulé et figé dans le bronze d’un système, il est identiquement le même homme, le même disciple de Vico et d’Hegel qu’il était, quand, pour la première fois, il a passé sous nos yeux ; et comme son histoire n’a d’autre unité que celle de son principe, comme d’elle-même elle n’en a pas plus que la nation multiple, anarchique et contradictoire qu’il a entrepris de raconter et de juger, il se trouve que quand on a flétri, comme nous l’avons fait, ce principe, honteusement commode, de la fatalité en histoire, on est à bout et on a tout dit !

1596. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

On est emporté par cette tragédie tête-à-tête dans laquelle l’adultère, s’il n’est pas jugé autrement, est au moins jugé par ses fruits.

1597. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

C’est à la lueur du système royaliste qu’ils jugeaient la vie et les livres, mais quels sagaces connaisseurs de poésie et de prose ! […] Je suis fier que le général nous ait jugés dignes de cet effort.

1598. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Il semblerait difficile, à son point de vue, avec les données qu’il s’est imposées, parlant au nom d’une société établie, au nom d’un esprit ordonné et constitué, et comme entre les colonnes d’un tribunal souverain, qu’il le jugeât autrement.

1599. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Si nous nous mettons, pour le juger, à vouloir absolument le considérer à travers les conséquences plus ou moins accumulées de ses doctrines et les innombrables disputes qu’elles ont engendrées, nous ne le retrouverons jamais tel qu’il fut.

1600. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Le vieux et brave Friant, ce modèle des divisionnaires dans la main de l’Empereur, en avait, jugé avec son coup d’œil exercé : « Sire, nous ne « viendrons jamais à bout de ces gens-là, si vous ne les « prenez à revers, au moyen de l’un des corps dont « vous disposez. » — « Sois tranquille », lui répondit Napoléon ; « j’ai ordonné ce mouvement trois fois, et « je vais l’ordonner une quatrième. » C’était le corps de d’Erlon que Napoléon avait demandé à Ney dès trois heures un quart ; un ordre rédigé par le maréchal.

1601. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Le premier jour qui devait être employé si activement, Grouchy, après des tâtonnements infructueux pour s’assurer de la marche des Prussiens, ne fit que deux lieues, s’arrêta à six heures du soir et jugea qu’il serait à temps le lendemain pour suivre l’ennemi, qui se trouvait ainsi avoir gagné sur lui plusieurs heures.

1602. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il a jugé bon dès lors d’adresser à tous ce qu’il n’avait d’abord écrit que pour lui seul.

1603. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Quelques mois plus tard, cette statue de l’antique Pylade était déjà détrônée chez lui par l’amour : le sentiment qui avait inspiré au poëte sa nouvelle dut lui sembler arriéré, et par trop adolescent ; il ne jugea pas à propos d’accorder à celle-ci une publicité à part.

1604. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Pour les esprits superficiels et qui jugent sur l’étiquette, l’éclectisme n’a souvent paru désigner qu’un procédé extérieur qui va par le monde, quêtant et glanant les vérités à droite et à gauche, sans les avoir avant tout approfondies en soi.

1605. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Et d’abord nous partirons d’un fait incontestable et qui, jugé diversement, interprété en bonne ou en mauvaise part, saute du moins à tous les yeux.

1606. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Jugez, par l’application de cette règle, de toutes les parties de notre constitution, et voyez si elles sont dans une dépendance directe de la volonté du peuple… Que tout homme qui combat et qui paie exerce son droit de concourir à l’élection des membres de la législature par un égal et juste suffrage ; soumettez-les, à de courts intervalles, à la réélection ou à la réprobation de leurs commettants : que le magistrat exécutif soit choisi pour le même terme et de la même manière par ceux dont il doit être l’agent. » Or, c’est là que nous tendons évidemment : partout l’élection, partout le contrôle !

1607. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Je craindrais de trop généraliser les caractères d’un talent que je n’ai pu juger que par échantillons ; M.

1608. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Il s’agit dans un dernier chapitre de juger le meurtre de César et d’en apprécier la moralité : « Certes César, s’écrie l’historien comme s’il ne pouvait plus se contenir, avait trop bien mérité les vingt-trois coups de poignard qui l’étendirent sans vie aux pieds de la statue de Pompée et du Sénat asservi par lui.

1609. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Il n’est pas probable toutefois qu’ils oublient l’écrivain qui a donné le plus de chaleur, de force et de vie à la parole ; l’écrivain qui cause à ses lecteurs une émotion si profonde, qu’il est impossible de le juger en simple littérateur.

1610. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

C’est bien pis, si l’on se met à vouloir juger des vers d’une tragédie.

1611. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Vergier conte qu’il raisonne à l’infini, « qu’il parle de paix, de guerre, qu’il change en cent façons l’ordre de l’univers, que sans douter il propose mille doutes. » Voilà que ce bonhomme se trouve un spéculatif, et aussi un observateur. « Il ne faut pas juger les gens sur l’apparence. » Il a l’air distrait, et voit tout, peint tout, jusqu’aux sentiments les plus secrets et les plus particuliers.

1612. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Il a trop senti et trop jugé, trop espéré et trop détruit.

1613. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Mais qui connaîtra la force de cc mot la jeunesse, qui saura les entraînements et les passions de cet âge, celui-là seul pourra juger le mérite du renoncement.

1614. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Il appartient à d’autres de juger ce que j’ai pu faire : je rends compte de ce que j’ai voulu faire, de l’idée qui m’a guidé dans mon travail.

1615. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Vous jugez que, dans ces conditions, il n’a pas dû se livrer souvent à des orgies néroniennes !

1616. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

L’art social reconnaîtra-t-il à des pensées nettement antisociales ou jugées telles le droit de s’exprimer (par exemple au pessimisme asocial ou antisocial, à l’immoralisme) ?

1617. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Le Messie ne fut plus un roi à la façon de David et de Salomon, un Cyrus théocrate et mosaïste ; ce fut un « fils de l’homme » apparaissant dans la nue 94, un être surnaturel, revêtu de l’apparence humaine, chargé de juger le monde et de présider à l’âge d’or.

1618. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

La jalousie s’allumait surtout en vue de l’avenir, en vue de ce royaume de Dieu, où tous les disciples seraient assis sur des trônes, à la droite et à la gauche du maître, pour juger les douze tribus d’Israël 461.

1619. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Mill, qui n’ignore pas que la plupart des gens courent vite aux conséquences réelles ou présumées d’une doctrine pour la juger, nous propose de les examiner.

1620. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

La cour s’était partagée entre elle et madame de Montespan ; celle-ci avait pour elle les affidés qui comptaient sur l’habitude du roi jugée invincible, l’autre ceux qui comptaient sur son inconstance.

1621. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

* * * — Napoléon est tout jugé pour moi.

1622. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Pour l’être, il faut qu’en lisant on fasse tout sentir, qu’on ne mette personne dans le cas de mal juger, de trouver détestable à la représentation, ce qu’on a beaucoup applaudi à la lecture.

1623. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

Il est bien difficile de juger d’une manière exacte du degré d’intelligence d’une personne qui a perdu le moyen de s’exprimer.

1624. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

On s’afflige en songeant que Pope et Swift, en Angleterre, Voltaire et Rousseau, en France, jugés, non par la haine, non par la jalousie, mais par l’équité, par la bienveillance, sur la foi des faits attestés ou avoués par leurs amis et par leurs admirateurs, seraient atteints et convaincus d’actions très condamnables, de sentiments quelquefois pervers1. » Les événements de la vie de Chamfort prouvent que la trempe de son âme était naturellement forte, et qu’habitué de bonne heure à lutter contre l’adversité, il ne s’en laissa jamais abattre.

1625. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

J’ignore les termes du programme et des développements qui ont été jugés nécessaires ; je sais seulement que le prix a été partagé entre M. le baron Massias et M. 

1626. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

mais en métaphysique et dans la critique littéraire, elle manque de principes arrêtés, du haut desquels on regarde les choses ; elle ne sait juger définitivement ni les œuvres, ni les systèmes.

1627. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

C’est sur elle qu’on peut le juger.

1628. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Sans eux, dont il évoque, sans les juger, les témoignages, que serait-il, puisqu’il n’est pas au-dessus d’eux ?

1629. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Mais ils oublient que les sociétés se jugent par leurs amusements encore plus que par leurs travaux.

1630. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Odysse Barot n’a pas le courage de lui accorder, à elle expressément, du génie ; mais comme on sent qu’elle est bien plus pour lui que cet Edgar Poe, par exemple, auquel il en octroie pour se débarrasser de la peine de le juger !

1631. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Les peines édictées, qui sont « la mort et la confiscation des biens » au profit des hôpitaux, pour les DEUX combattants, pouvaient être d’autant plus sévères que, dans cet édit de 1679, le législateur créait ce fameux tribunal d’honneur composé des maréchaux de France, qui devaient juger en dernier ressort et punir les injures de l’honneur outragé… Le législateur avait fait de sa loi une espèce de filet, tissé de précautions et de peines, dans lequel il pût prendre tous ceux qui participaient à un duel d’une manière quelconque : combattants, seconds, témoins, porteurs de cartels ou d’appels, même jusqu’aux laquais qui, le sachant, porteraient une lettre de provocation de leurs maîtres, — condamnés par ce fait seul au fouet et à la fleur de lys, et, si récidive, aux galères à perpétuité !

1632. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

D’un autre côté, la seconde partie de son ouvrage, qui traite des manœuvres devant l’ennemi, ne peut être discutée et jugée que par un homme de guerre comme lui, — et j’ai le malheur de n’en être pas un, — compétent comme lui en ces matières spéciales.

1633. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Nous pouvons en juger.

1634. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Ces accusations, jugées absurdes aujourd’hui, donnèrent lieu à un procès qui dura des années ; car la passion a cela de particulier qu’elle se retire de sa bêtise sur son intensité, et que son ineptie ne l’empêche pas de réussir.

1635. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Il a fait obéir l’Histoire… Amédée Renée n’a pas plus définitivement jugé que les autres la politique du grand Cardinal.

1636. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Ce fut dans le xviie  siècle que les catholiques se crurent obligés de répondre à l’absurde commérage des chroniqueurs du Moyen Âge, dont nous pouvons juger la consistance par celle des reporters de nos jours.

1637. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Il ne reste rien pour en juger, dit M. d’Arbois de Jubainville, de l’histoire des Gaulois écrite par Callisthènes ou de celle que, sous Auguste, avait composée Timagène, et ce qu’on en sait fait frémir.

1638. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Jusqu’ici l’abdication de Charles-Quint et son ensevelissement dans un cloître, ce double texte de déclamations que la Philosophie a enrichi de si belles phrases, étaient jugés, mais, à ce qu’il paraît, n’étaient pas connus… et c’est cette abdication et cet ensevelissement que la publication de documents nouveaux doit nous faire connaître.

1639. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Wallon a mis à la masse des livres sur Saint Louis, mais dans son stock il n’y a rien de plus que ce que nous savions, et sa manière de pénétrer et de juger l’homme dans Saint Louis, qui pouvait être toute la nouveauté de son livre, n’a pas été cette nouveauté.

1640. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

… C’était cela qui dominait tout, quand je le jugeais.

1641. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

D’autres lettres — en grand nombre probablement — sont restées et resteront inédites, pour des raisons et des scrupules que nous n’avons pas à juger.

1642. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Il était malade, affaibli ; il voyagea pour se refaire russe, pour se reprendre à son pays, pour le juger mieux !

1643. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

En cela, ils ont sainement jugé.

1644. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Il ne peut pas l’avoir immédiatement, et voici pourquoi : il faut aux livres comme aux talents destinés au succès rapide, au succès à l’heure même, un côté de médiocrité, soit dans la forme, soit dans le fond, lequel ne déconcerte pas trop la niasse des esprits qui se mêlent de les juger.

1645. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Mais sur ces pages qui restent là, qu’on peut reprendre et qu’on peut relire pour les juger, ce traître style écrit, qui n’a ni la voix, ni le geste, ni l’émotion de la chaire qu’on a sous les pieds, ni les mille yeux attentifs du public qu’on a devant soi, ce traître style écrit dénonce la médiocrité, ou le néant, ou les défauts de l’écrivain.

1646. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Il ne commence point par creuser dans les facultés de l’homme pour mieux juger du but de l’humanité.

1647. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Franchement, quand on a lu attentivement son travail, peut-on dire que le métaphysicien, avec les grêles propositions de son analyse habituelle, ait vu réellement et jugé profondément ce mâle onzième siècle qui demanderait tant de vigueur de génie et de largeur d’appréciation ?

1648. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Le Système du Monde de Laplace n’a qu’un petit nombre de lecteurs qui l’entendent et peuvent le juger, mais les écrits de Sainte Térèse sont plus difficiles à comprendre dans les arcanes de leur beauté que les livres même de Laplace.

1649. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Ainsi, déjà, pour qui sait juger, l’éloquence de Mirabeau n’est plus qu’un grand éclat de lave figée et vide, qui se creusa en bouillonnant, mais le large ruissellement de son passage, qu’on suit encore avec étonnement sur la poussière contemporaine, finira bientôt par s’effacer.

1650. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

IV L’abbé Christophe l’a bien jugé, ce xve  siècle.

1651. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Et la preuve, c’est que de ces philosophes à la mode du moment, le plus à la mode est le mieux jugé, et c’est Renan : le plus populaire parce qu’il est le plus vague, dit Caro, avec la cruauté d’un homme qui sait parfaitement ce qu’il écrit… Caro a trouvé joli — et je déclare que cela l’est — de traiter Ernest Renan avec une finesse égale à la sienne.

1652. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

C’est d’ensemble que je l’ai vu et que je l’ai jugé.

1653. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Seulement, par les traits qui en sont sortis, par les quelques flèches que nous pouvons juger, puisqu’elles brûlent, à force de talent, d’un feu inextinguible et immortel, nous pouvons induire quel poète il aurait été s’il eût vécu un jour de plus.

1654. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

» Par cette poésie seule vous pouvez juger la manière de madame Ackermann.

1655. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Mais pour ce grand homme sans critique, qui ne sut jamais se juger et qui se prit toujours de travers, la grande vie et la grande gloire ne seront pas où il les mettait.

1656. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

— quand il s’agit de voir les choses et de les juger.

1657. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Les critiques le jugeront, et c’est une occasion que je leur offre de dire un dernier mot, s’ils en ont un à dire, sur cet homme grandement classé et déjà classique.

1658. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

About est un charmant esprit capable de tout, s’il voulait en prendre la peine, mais qui a jugé son temps et la vie, et qui ne se gêne pas, ma foi !

1659. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Il n’est plus, et le La Bruyère de prétention va cesser d’être… Et vous allez entendre et juger le fantaisiste et l’humouriste vrai : vous allez voir le véritable Arthur de Gravillon que voici !

1660. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Ceux des Romains qui jugeaient au lieu d’écrire, et se contentaient d’apprécier les talents sans en avoir, en classant leurs orateurs, citaient Cicéron pour l’abondance, Salluste pour la précision, Pline pour l’agrément, Fronto pour une certaine gravité austère.

1661. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

N’y aurait-il pas encore des hommes qui, malgré leur orgueil, sentant leur faiblesse, haïssent par instinct les lumières qui les jugent, et ne peuvent consentir à entendre louer ceux qu’ils estiment trop pour oser prétendre à leur estime ?

1662. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Si cependant il y a quelque vraisemblance, ou quelque vérité dans ce que nous avons dit plus haut de l’imitation et de l’invention classiques, le lecteur est à même de juger le paradoxe, et de voir exactement en quoi consistent ici l’Illusion et l’erreur. […] Voulez-vous un poète, et un vrai poète vraiment « galant », et vraiment « tendre », qui plus naturellement et plus aveuglément qu’aucun autre, à en juger par les œuvres, ait cru que la beauté consistait dans le vague et dans l’indétermination ? […] Krantz a réussi dans sa tentative pour concilier ces contraires, le lecteur en jugera. […] On jugera, par ce seul trait, de l’originalité du livre de M.  […] Il jugea donc prudent de sortir de France au plus vite, de passer la mer même, et d’aller quelque temps se faire oublier en Angleterre.

1663. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Lasserre lui reprocha de vouloir fonder les distinctions sociales sur le mérite personnel, trop difficile à juger et donc moins pratique que les privilèges héréditaires. […] Des réformateurs sérieux, s’ils avaient jugé le moment venu de soustraire les intelligences françaises à une autorité de ce genre, l’auraient rendue inutile en enseignant les causes physiques et historiques d’où les pouvoirs sociaux tirent leur légitimité. […] Il s’étonnait qu’on le jugeât « immoral » et ne se croyait qu’humain. […] Ils nous montraient les amants appliqués il toucher leur maîtresse par la louange de ses charmes et dans l’angoisse d’être jugés par elle inférieurs à leur rival, en vaillance, en générosité, en esprit. […] En 1833, le plus célèbre des poètes français ayant fait une évasion quasi-publique hors du mariage, ne se contentait pas que ses amis s’abstinssent de le juger.

1664. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

C’est ainsi qu’il faut le prendre pour le bien juger. […] Le législateur ne jugera pas ; car, alors, il ferait des lois en vue des jugements qu’il voudrait porter. […] Il ne jugera point ; car il jugerait pour gouverner. […] Croit-il donc qu’un jury sera assez philosophe pour juger sur texte sans passions et sans préjugé ? […] Jugez s’il est protégé ! 

1665. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Mais, sans exiger qu’il eût lui-même lu, analysé, et jugé tout ce que le xviie  siècle a vu naître et mourir de romans — puisque aussi bien un Allemand, M.  […] Nous voulons voir et juger nous-mêmes. […] Par la place que l’idée du progrès occupe dans l’œuvre de Voltaire, on peut juger de celle qu’elle tient dans l’œuvre de ses contemporains, et notamment des encyclopédistes. […] Et si nous osions encore y joindre ce que son ami Nicolas Bouchard en a dit, dans ses Confessions d’un bourgeois de Paris, c’est alors qu’on pourrait juger à quelle école, en sa vingtième année, Molière apprit la vie de garçon. […] Mais si ce n’est pas le Pour et le Contre, alors, à en juger d’après le langage de Rousseau, c’est quelque pièce encore plus hardie, qui n’a pas été recueillie dans les œuvres de Voltaire.

1666. (1888) Poètes et romanciers

. — À qui donc appartiendra-t-il d’apprécier ce gage et de juger ce concours dont le prix sera une place au Prytanée ? […] — Jugez-nous. […] Nous jugerons l’écrivain librement, comme nous aurions aimé à l’admirer librement aussi. […] Elle empêche les sens de voir, la raison de juger. […] Ce n’est rien moins que la question du mal hardiment posée, hardiment débattue et jugée.

1667. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Si elles sont bonnes, qui en jugera ? […] Il est l’homme de Pascal qui « en juge par sa montre » et qui se moque de ceux qui jugent par leur goût. […] A le prendre en gros, ce n’est point si mal jugé. […] C’est là précisément ce qui l’a fait juger méchant ou insensible. […] Mais on juge sévèrement ceux qui sont capables de se juger.

1668. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Je vous connais jusqu’au fond, et c’est pour cela que j’ai une affection si véritable pour vous ; je juge peut-être mieux l’état de votre âme que vous ne pouvez le juger vous-même ; je sais que, si vous veniez ici, vous y vivriez dans un état d’agitation intérieure et profonde que rien ne pourrait dérober ‘a mes regards. […] J’admire qu’Ampère, connaisseur de tout temps assez incertain en matière de beaux-arts, se trouve ainsi avoir aiguisé ses sens au point d’être subitement doué de seconde vue et de dépasser Lavater, et en général je ne saurais me faire à cette méthode qui me paraît bien hasardeuse et qu’il affectionne avant tout, de prétendre juger du caractère des hommes d’État par des portraits et des bustes plus ou moins ressemblants et quelquefois douteux ; mais, cela dit, ce voyage à travers l’histoire romaine qu’on refait avec Ampère est plein d’agrément et d’instruction ; la contradiction même y est profitable : on y remue, on y ravive, bon gré, mal gré, ses notions et ses jugements. […] Cependant son respect pour les convenances était tel, ses égards pour ses amis allaient si loin, sa sensibilité par moments empiétait si fort sur sa pensée, qu’il n’est pas impossible, à ne juger qu’humainement et par les dehors, — qu’il est même assez probable, — qu’il eût accordé, s’il en avait eu le temps, satisfaction aux vœux et aux instances de ses entours. […] Il est difficile de bien juger M. de Sénancour sans avoir entretenu avec lui, par les principaux ouvrages de sa jeunesse, un commerce intime et prolongé.

1669. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Wood et sa bande de fondeurs et de chaudronniers battent monnaie jusqu’à ce qu’il n’y ait plus dans le royaume une vieille bouilloire de reste, qu’ils en battent avec du vieux cuir, de la terre à pipe ou de la boue de la rue, et appellent leur drogue du nom qu’il leur plaira, guinée ou liard, nous n’avons pas à nous inquiéter de savoir comment lui et sa troupe de complices jugent à propos de s’employer ; mais j’espère et j’ai confiance que tous, jusqu’au dernier homme, nous sommes bien déterminés à ne point avoir affaire avec lui ni avec sa marchandise971. » Swift s’emporte, ne répond pas. […] Et puisque c’est cinquante fois plus que la sagesse de notre âge n’a jugé à propos d’aventurer pour le salut du christianisme, il n’y a nulle raison de s’exposer à une si grande perte pour le seul plaisir de le détruire981. […] « On décida que la conduite de toutes les autres serait jugée par la sienne, comme par un guide infaillible. […] Jugez de ce qu’il voit et de ce qu’il souffre ; c’est là sa beauté idéale et sa conversation badine, et vous devinez qu’il aura pour philosophie comme pour poésie et pour politique l’exécration et le dégoût.

1670. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Villemain, ces généreux instituteurs d’une génération qui, bientôt, les voit à l’œuvre politique et qui peut juger si le libéral cachait le despote, et à quel point leur conduite est concordante avec leur domination ! […] Alfred de Musset, il fume et se promène  ; M. de Latouche lui-même, bien qu’il n’ait rien à juger, cherche l’ombre des bois. — Ajoutez encore ce grand fait : les Anglaises portent des chapeaux de tulle fané et languissant. — Voilà des événements, et, certes, la postérité sera bien heureuse de savoir quels cigares fumait M. de Musset, sous quels arbres se promenait M. de Latouche, quels vaudevilles jugeait M.  […] Vous jugez de l’embarras, et si la maîtresse de céans fut mal à l’aise jusqu’au moment où son mari, entendant ce remue-ménage, vint à son secours. […] Ce fut là un grand deuil pour tous ceux qui avaient pu juger, non seulement le présent, mais l’avenir de cet homme. […] Ne jugez pas d’une noble armée par les goujats, par les pillards, par la plèbe sans nom qui accourt sur les champs de bataille, comme les corbeaux, pour dépouiller les morts.

1671. (1899) Arabesques pp. 1-223

Voici pourquoi : au moment de commencer une nouvelle campagne, et afin que toute équivoque soit évitée à l’avenir, j’ai cru nécessaire de répondre à quelques-unes des critiques formulées contre mes publications antérieures et d’établir le critérium selon lequel j’ai jugé, je juge, je jugerai mes contemporains. […] Mais combien il est fâcheux que vous n’ayez pas davantage ménagé X. » J’ai conclu de ces appréciations divergentes que chacun jugeait selon son parti pris, et que, par suite, j’avais eu raison de donner mon sentiment sans m’inquiéter de savoir s’il plaisait à ceux-ci ou s’il déplaisait à ceux-là. […] Cela prend une valeur documentaire aussi bien quant au jugeur que quant au jugé. […] À Rome, il devenait le jouet de prélats finauds qui le bernaient, sapaient peu à peu sa confiance dans la panacée d’amour qu’il comptait faire accepter, puis, lorsqu’ils le jugeaient ébranlé, mûr pour la rétractation, lui ménageaient une entrevue avec Léon XIII. […] D’autres malins lui suscitent un ou plusieurs rivaux qu’ils jugent plus aptes à soutenir leurs intérêts.

1672. (1902) Le critique mort jeune

M. de Gourmont est, à en juger par son œuvre seule, d’humeur aristocratique, peu entendu dans l’art de la réclame et mauvais courtisan du succès. […] Cette définition en style précieux peut signifier que M. de Gourmont était jugé digne d’écrire des proses pour des Esseintes, à l’exemple de Stéphane Mallarmé. […] Remy de Gourmont ne jugerait pas cet hellénisme moins barbare que les nouveautés qu’il voulait justement flétrir. […] Point du tout, il est conservateur de ce qui existe, le jugeât-il détestable. […] Bordeaux y compatit sans s’interdire de les juger.

1673. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Peut-être eut-il jugé qu’elle rentre plutôt parmi les phénomènes d’hallucination. […] Nul homme plus que Gœthe ne semble, à le juger par ses écrits, harmonieux et pondéré ? […] Il pourrait en aller de même des actes humains, et ils ne seraient jugés que selon leur opportunité et la qualité de leurs courbes esthétiques. […] Il n’y a quelquefois pas d’autre moyen de juger d’une opinion politique que de considérer la qualité de ceux qui la professent. […] Tout ce qu’ils jugent criminel, je le pratique ou je le pense.

1674. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Ce sera expliquer du même coup la complaisance de Louis XIV pour un talent qu’il n’a certainement pas jugé en critique, de la portée duquel il ne s’est pas rendu compte avec conscience. […] Mon excuse est que, plus heureux que moi, ils ont presque tous des principes politiques et s’en servent pour juger le passé. […] Je n’ai pas la compétence requise pour juger le naturaliste dont le principal titre paraît bien avoir été une intrépidité dans l’hypothèse, féconde surtout par les contradictions soulevées. […] Il n’est pas exact que la raison ait le pouvoir de juger souverainement de la vérité. Il n’est pas vrai que la conscience ait le pouvoir de juger souverainement de la moralité.

1675. (1894) Critique de combat

Il a en revanche des admirations qui le jugent. […] Il a eu ainsi comme deux âmes successives pour juger son personnage. […] Il faut, avant de juger, plaider la cause de l’un et de l’autre ; sinon, l’on peut être polémiste habile, mais historien, non pas ! […] Voilà qui est gaillardement jugé ! […] Nos jugements nous jugent.

1676. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Sachons pourtant qu’en parlant si plaisamment de Malherbe et en traçant le portrait du poète-grammairien auquel il oppose celui d’un libre et naïf génie, c’est-à-dire le sien propre, Régnier jugeait bien plus son adversaire d’après ses propos que sur ses écrits et ses œuvres mêmes. […] Quelques-uns des critiques qui ont travaillé au choix, et qui en ont pris l’occasion de juger, sont poètes eux-mêmes : on a ainsi une image des théories et des œuvres à la fois.

1677. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

 » — Il n’importe, et la jolie femme, bien conduite, va philosopher sans le savoir, trouver sans effort la définition du bien et du mal, comprendre et juger les plus hautes doctrines de la morale et de la religion  Tel est l’art du dix-huitième siècle et l’art d’écrire. […] Ses Persans jugent la France en Persans, et nous sourions de leurs méprises ; par malheur, ce n’est pas d’eux, mais de nous qu’il faut rire ; car il se trouve que leur erreur est une vérité464.

1678. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Allez, frère Hilario, et mettez-vous seulement un sceau de silence sur votre barbe ; qui sait si, en sauvant le patrimoine de ces pauvres gens, nous ne parviendrons pas aussi à découvrir quelque embûche tendue à la vie du criminel, peut-être innocent, qu’on va juger sur de si vilaines apparences ! […] Jugez donc ce que quatre personnes qui ne font qu’une, et qui sentent le cachot sous leurs pieds et la mort sur leur tête par le supplice prochain d’un seul d’entre eux, prêt à les tuer tous d’un seul coup, peuvent se dire !

1679. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Il n’est pas jusqu’au grand Commynes sur qui n’agisse le charme de l’Italie : il n’a pas besoin de la subtilité d’outre-monts pour savoir traiter une affaire, mais à voir de quel ton, combien longuement il décrit Venise, lui qui est si peu descriptif de nature, on peut juger de l’impression qu’il en a reçue. […] On peut en juger par les Cent Nouvelles nouvelles, faites pour la cour de Bourgogne122.

1680. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

— « … Nous sommes partis et revenus avec M. de Lamennais qui nous a ramenés jusqu’à la porte… Je te laisse à juger si l’on a parlé progrès, religion, liberté, avenir humanitaire ! […] Alexandre Dumas (cette colère qui m’a fait entrevoir un moment le ciel d’une mère, le cœur de son enfant soulevé en sa faveur), c’est que ce n’est pas ici, dans ce monde comme il est fait, qu’il faut prétendre être jugé suivant ses vertus et ses fautes… » J’emprunte ici quelques détails à des fragments de Mémoires : Un projet de mariage de Sainte-Beuve, publiés par la Gazette anecdotique du 31 janvier 1889.

1681. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Parler d’une pièce, la juger, si pauvre qu’elle soit, c’est encore ardu ; d’où la prépondérance prise par les acteurs, les actrices, leur vie privée et celle des auteurs bien plus accessibles à chacun que leur talent ou leurs défauts. […] Le proclamer à point pour le théâtre, le juger digne du genre supérieur, comment lui faire plus bel éloge ?

1682. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Il semble que Beckmesser n’ait pas été jugé digne de ce motif. […] Motif 49 (p. 54,56, 57, 59, 61, 65, 69, 73, 248, 352). — Caractéristique de la personne d’Eva qui, disent d’abord Pogner et plus tard Sachs, jugera en même temps que le peuple et les maîtres.

1683. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Je profiterai à l’avenir de toutes celles qui s’offriront, afin que ma correspondance vous soit moins à charge ; et, afin que vous puissiez juger de mon exactitude, je numéroterai de suite toutes mes lettres. […] Si vous pouviez me faire passer de Pétersbourg par l’occasion des vaisseaux quelque pacotille soit en lits de fer ou ce que vous jugerez plus convenable, j’imagine que j’aurais bientôt acquitté mes dettes.

1684. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Bardoux prend à sa droite Girardin, à sa gauche Berthelot : le fabricateur de La France a été jugé un convive plus important que le décompositeur des corps simples. […] Jeudi 18 juillet En réfléchissant combien mon frère et moi, nous sommes nés différents des autres, combien notre manière de voir, de sentir, de juger était particulière, — et cela tout naturellement et sans affectation et sans pose — combien en un mot notre nous n’était pas une originalité acquise à la force du poignet, je ne puis m’empêcher de croire que l’œuvre que nous avons produit, ne soit pas un œuvre très différent de celui des autres.

1685. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Sans cette condition, il est bien difficile de sentir et impossible de juger les réflexions philosophiques dont ces sciences seront les sujets. […] D’un autre côté, comment procéder avec sûreté à l’étude positive des phénomènes sociaux, si l’esprit n’est d’abord préparé par la considération approfondie des méthodes positives déjà jugées pour les phénomènes moins compliqués, et muni, en outre, de la connaissance des lois principales des phénomènes antérieurs, qui toutes influent, d’une manière plus ou moins directe, sur les faits sociaux ?

1686. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

C’est que pour juger la prose, il faut de l’esprit, de la raison et de l’érudition, et qu’il y a beaucoup de tout cela en France ; tandis que pour juger la poésie il faut le sentiment des arts et l’imagination, et ce sont deux qualités aussi rares dans les lecteurs que dans les auteurs français.

1687. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Or une tendance est, elle aussi, une chose ; elle ne peut donc ni se constituer ni se modifier par cela seul que nous le jugeons utile. […] Cependant il y a des exceptions78 et on s’exposerait à de sérieuses erreurs si l’on jugeait toujours de la concentration morale d’une société d’après le degré de concentration matérielle qu’elle présente.

1688. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Tous les deux ont raison ; et la philosophie Dit vrai lorsqu’elle dit que les sens tromperont Tant que sur leur rapport les hommes jugeront. […] Sa distance me fait juger de sa grandeur ; Sur l’angle et les côtés ma main la détermine ; L’ignorant le croit plat ; j’épaissis sa rondeur.

1689. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

C’est là la source inépuisable des erreurs où sont tombés toutes les nations, tous les savants, au sujet des commencements de l’humanité ; les premières s’étant mises à observer, les seconds à raisonner sur ce sujet dans des siècles d’une brillante civilisation, ils n’ont pas manqué de juger d’après leur temps, des premiers âges de l’humanité, qui naturellement ne devaient être que grossièreté, faiblesse, obscurité. […] Le stoïcisme l’anéantit, parce qu’il ne reconnaît d’utilité ou de nécessité que celles de l’âme, et qu’il méconnaît celles du corps ; encore le Sage seul peut-il juger de celles de l’âme.

1690. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Saint-Simon, qui s’est donné carrière en toute rencontre sur le frère aîné de l’abbé et sur les Saint-Pierre, comme il les appelle, indiquant que l’abbé et ses frères étaient cousins germains, par leur mère, du maréchal de Bellefont, ajoute : « Voilà une parenté médiocre, on sait en Normandie quels sont les Gigault (Bellefont). » Mais de loin cela nous paraît être de fort bonne maison, et l’on en jugeait ainsi, même sous Louis XIV, à deux pas de Saint-Simon.

1691. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

les poëtes n’ont pas comme les peintres leur exposition annuelle où chaque curieux défile, où chaque critique est convié d’office et où, tant bien que mal, ils sont regardés et jugés.

1692. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Hugo qui, dans le présent volume, a rimé de charmants messages de la Rose au Papillon, devrait mieux juger le maître antique.

1693. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

J’insiste sur cet article de la contexture, parce que les trois quarts des gens jugent un livre d’après une page, sur une beauté ou un défaut, sur une impression isolée, et non par une idée recueillie de l’ensemble.

1694. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Ils n’appellent pas les choses par leur nom, surtout en matière d’amour, ils vous les laissent deviner ; ils vous jugent aussi éveillés et avisés qu’eux-mêmes.

1695. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Les événements, qui ne remuaient jadis que de petits territoires contigus à la France, remuent en ce moment le globe tout entier ; comment juger avec connaissance de cause ces événements, sans en connaître la scène et les acteurs ?

1696. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Il fut mis à Saint-Lazare, transféré le 6 thermidor à la Conciergerie, jugé et exécuté le 7.

1697. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

… De Larroumet, je ne prendrai que ce que je puis bien juger, ce qui intéresse cette chaire : il y aura profit pour nous à regarder ce qu’il a fait pour nos études, comment il l’a fait, et par où il peut nous être un guide et un modèle.

1698. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Quelle que soit la manière dont elle doive le juger un jour, l’Histoire littéraire la lui conservera.

1699. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

À cette sensation, il jugeait nécessaire, à nos époques peu naïves, d’ajouter un certain effet de surprise, d’étonnement et de rareté.

1700. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Cela est très probable, à en juger par les comédies écrites dans lesquelles les prologues sont d’un constant usage.

1701. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

« Le malheur fut que M. de Reinach se jugeât digne d’une commission considérable.

1702. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

On en peut juger par le Talmud, écho de la scolastique juive de ce temps.

1703. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Rien que mariée à l’un de ces fidèles d’Angennes qui servaient Henri IV et ne le jugeaient pas, il lui était difficile de ne pas s’intéresser au prince de Condé dont l’éducation avait été confiée au marquis de Pisani, son père, et qui était indignement persécuté par le roi, follement l’amoureux de la femme qu’il lui avait donnée avec l’intention de la lui ravir9.

1704. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Le démon de Stagyre, ou, ce qui revient au même, le mal de René, c’est le dégoût de la vie, l’inaction et l’abus du rêve, un sentiment orgueilleux d’isolement, de se croire méconnu, de mépriser le monde et les voies tracées, de les juger indignes de soi, de s’estimer le plus désolé des hommes, et à la fois d’aimer sa tristesse ; le dernier terme de ce mal serait le suicide.

1705. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Au xviiie  siècle, il se fit un grand changement et une révolution dans la manière de voir et de juger ; on se passa volontiers de la Cour en matière d’esprit.

1706. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Ajoutez à cela le suffrage universel, mais à deux degrés ; vous avez toute la théorie politique de Destutt de Tracy dans son Commentaire de l’esprit des lois : ouvrage éminent, d’ailleurs, et qu’il ne faut pas juger seulement par l’échantillon de cette constitution toute spéculative.

1707. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Que celle-ci soit parfaite, et celui-là admirable, nous jugerons encore l’œuvre vaine, s’il n’y a qu’adaptation prosodique.

1708. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

À force de complaisances — d’autant que certains critiques sont aussi des auteurs — elle a diminué elle-même son autorité et nous avons pu juger, lors d’un incident récent, le cas que les directeurs faisaient d’elle.

1709. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Un moyen sûr de juger d’une école, c’est de voir si les élèves qu’on y fait promettent un jour de bons maîtres.

1710. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Que les anglois jugent eux-mêmes si l’on n’emploïeroit pas encore aujourd’hui chez eux avec succès l’adresse dont Agricola se servit.

1711. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Ainsi la déclamation s’écrivoit en notes aussi-bien que le chant musical. à en juger même par la maniere dont Boéce s’explique, les anciens avoient trouvé l’art d’écrire en notes la simple déclamation avant que de trouver l’art d’écrire en notes la musique.

1712. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

sauf à dire au vulgaire : « Vous ne pouvez pas en juger, mais je vous assure que je suis un grand écrivain. » Le vulgaire serait mal fondé à les contredire.

1713. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Un néologisme lui suffit à juger un livre !

1714. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Les objections que l’on voudrait me faire ne doivent donc point m’arrêter, parce qu’elles n’auraient aucune base si elles se présentaient ici : je n’entends être jugé que sur les conséquences et les résultats.

1715. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Pour en juger, il n’est pas besoin d’avoir recours à des écrivains exceptionnels.

1716. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Elle n’a plus à juger que de l’art avec lequel l’auteur de la Chiromancie ou la science de la main 9 a fait un livre d’analogies étincelant de rapprochements ingénieux, inattendus, saisissants, où la forme didactique, cette forme d’un ennui affreux, est sauvée par la qualité de l’esprit de l’auteur, dont l’expression ne faiblit jamais et qui couvre toutes les aridités et tous les pédantismes de la nomenclature avec le luxe des élégances les plus charmantes, les plus cavalières et les plus lestes !

1717. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

À force d’activité, de fermeté et de volonté maîtrisante, il avait obtenu la concession ; mais ce fut quand il s’agit de l’exploiter qu’il put juger de la mauvaise foi du gouvernement auquel il avait affaire et des dispositions générales du pays contre cet incroyable gouvernement.

1718. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Ils jugeaient l’esprit de leur temps par le leur, et voilà pourquoi ils se trompèrent… Le public de ce temps-ci est très indifférent au talent.

1719. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

C’est, en effet, son génie poétique qui l’abusa sur la valeur des hommes que, philanthrope par poésie et non par bêtise, comme tant d’autres, il ne sut jamais ni discerner ni juger.

1720. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Le Système du monde de Laplace n’a qu’un petit nombre de lecteurs qui l’entendent et peuvent le juger, mais les écrits de sainte Térèse sont plus difficiles à comprendre, dans les arcanes de leur beauté, que les livres même de Laplace.

1721. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

On sent que l’enthousiasme de l’auteur pour les Saints ne l’empêche pas de juger fermement les hommes.

1722. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Ce livre qui nous promet un système ne le donne point : il nous l’annonce, et après des réfutations tardives de doctrines épuisées, réfutations qui ne peuvent pas passer décemment pour des prolégomènes, il nous renvoie au numéro prochain, c’est-à-dire à un second volume qu’il nous faut attendre pour juger la valeur philosophique de M. 

1723. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Jugez tous les vrais poètes à cette lumière !

1724. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

La Critique, positive comme l’Histoire, et qui, pour l’instant, tient en sa possession les poésies complètes et avouées de Banville, en d’autres termes toute sa moisson poétique de 1841 à 1854, vannée, triée par lui et engrangée pour l’immortalité, s’il y a lieu, la Critique a bien moins à se préoccuper des chances d’un avenir incertain qu’à juger des efforts accomplis et du talent prouvé par l’œuvre même.

1725. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

Que ce soit donc un vrai nom que ce nom de Marie Desylles, ou que ce soit un pseudonyme, plus pudique que celui de George Sand qui ne l’était pas, si les lettres de Réa Delcroix sont un roman de femme, je suis plus à l’aise pour les juger.

1726. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Par ce temps d’inepte philanthropie, c’est le misanthrope de la Philanthropie se détachant, pour le juger, de l’insolent tout le monde, et les gens d’esprit qu’il venge des sots par sa misanthropie — des sots, ces affreux étouffoirs par le nombre !

1727. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Il jugea la conscience incapable d’apercevoir les faits psychologiques autrement que par juxtaposition, oubliant qu’un milieu où ces faits se juxtaposent, et se distinguent les uns des autres, est nécessairement espace et non plus durée.

1728. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Toujours l’histoire jugera les peuples et les princes ; toujours la vérité éloquente et sage parlera aux hommes de leurs devoirs, et affermira les âmes nobles, en faisant rougir celles qui ne le sont pas.

1729. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Jugez vous-même, lecteur, par ce fragment conservé dans les pages d’un moine de Byzance : « Jusques à quand restez-vous abattus76 ?

1730. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Nous ne pouvons juger par ses œuvres que son intelligence et son imagination, tandis que par la Divine Comédie nous pouvons juger de Dante tout entier : esprit, âme et cœur. […] « Vous me plaignez, mon ami ; vous me jugez malheureux et désespéré ! […] Je chercherai donc dans l’histoire morale de l’homme un fait historique qui puisse vous servir de point de comparaison pour juger de l’état de mon âme. […] « Vous qui jugez mon sort si malheureux, vous ignorez tout le bonheur que l’ennui peut procurer à ceux qu’il a choisis pour ses victimes. […] Par sa tournure de pensée et sa manière de sentir et de juger, il s’éloigne donc considérablement des tendances qui entraînent la littérature moderne et des goûts du public actuel.

1731. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

et jugez de la surprise générale, voici que l’affiche du théâtre forain annonce le spectacle accoutumé ! […] Et Dieu sait s’il inquiétait la garde et le commissaire, et Dieu sait s’il avait une armée à sa suite et s’il jugeait sans appel ! […] Vous verrez, que de progrès en progrès, nous attendrons, pour bien juger le talent de nos grands coloristes, de M.  […] Au théâtre, en effet, tout autant que devant l’Aréopage, vous étiez jugé en dernier ressort. […] Jugez des autres, par cet échantillon !

1732. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Cet homme est jugé pour M.  […] Il représente, au juger, une bonne dizaine d’années de travail. […] L’oreille de Hugo ne s’y est pas trompée et il a jugé que cela compensait bien la légère cacophonie de donc sonde. […] Mais toute sa vie morale montre un homme qui, non seulement a trouvé la religion belle, mais l’a trouvée bonne et l’a jugée vraie. […] Jugez s’il en est ainsi, puisque, moi-même, je me suis surpris à le lire, de temps en temps, dans cette idée-là.

1733. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Comme il jugeait tout à l’heure des passions et des doctrines par leurs effets, le Moraliste juge de la beauté par son influence. […] Mais c’est à la condition qu’il se rencontre dans un homme à la ressemblance de Beyle, dépourvu de sens moral et qui analyse sans juger. […] Plusieurs excellents esprits ont jugé qu’il était possible de donner une expression rythmique aux vérités les plus exactes. […] Il se met vis-à-vis d’eux à ce point de vue intérieur qui est aussi celui de chacun de nous quand nous nous jugeons dans la vérité de notre conscience ; et qui de nous ne comprend que, malgré tout, il valait mieux que sa destinée ? […] Vivre à Paris, et dans une société choisie, c’est subir l’épreuve de beaucoup d’opinions malignes, volontiers hostiles, c’est traverser une critique continue et fine, se sentir jugé par beaucoup d’intelligences adverses.

1734. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Jugez maintenant, à l’étrangeté et à la grandeur du sacrifice, de ce qu’il a pu coûter. […] Dans le comité qui doit juger les royalistes, lui seul, tient pour les mesures de rigueur : il donnera sa démission, et cela suffira pour que M. de Maupas soit sauvé. […] Le candidat aurait quatre ou cinq heures pour l’apprendre et l’étudier ; et l’on pourrait beaucoup mieux juger de son intelligence. […] Çà et là des phrases éclatent, qui jugent l’homme. […] Si elle fait ainsi quelque chose de rien, jugez de ce qu’elle peut faire quand elle rencontre une chanson digne d’elle.

1735. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Jugez plutôt. […] Et il faudra les raconter, et il faudra les juger, — et il faudra même aller les voir. […] Car jugez quelle solitude morale doit vous apporter un siècle de vie. […] Jugez plutôt. […] Vous verriez comme Fouquier-Tinville et les autres seraient conspués, comme les victimes seraient acclamées, et si le peuple jugerait qu’il y a des crimes nécessaires !

1736. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

C’est un amateur comme ceux qui, autrefois, au parterre de la Comédie, jugeaient les pièces librement avec l’instinct seul du bon sens. […] Corneille ne demandait point ce jugement, et que, d’après ses statuts, elle ne pouvait juger d’un ouvrage que du consentement de son auteur ». […] S’il a tant de valeur que vous-mêmes le dites, Il sait quelle est la vôtre et connaît vos mérites, Et jugera de vous avec plus de raison Que moi qui n’en connais que la race et le nom. […] Je n’entreprendrai point de juger entre vous Qui mérite le mieux le nom de son époux : Je serais téméraire et m’en sens incapable ; Et peut-être quelqu’un m’en tiendrait récusable. […] Assistant, sous le Consulat, à une représentation du Cid et s’apercevant qu’on avait supprimé le rôle de l’Infante, il en demanda la raison ; et, comme on lui répondit que le rôle avait été jugé inutile, « Tout au contraire !

1737. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

À lui voir conduire ses affaires, expliquer les lois sur l’exportation, sur l’importation des grains, étudier leur esprit, saisir leurs défauts, un homme l’eût jugé capable d’être ministre d’État. […] Examen fait de ma capacité, le rhétoricien de Pont-Levoy fut jugé digne d’être en troisième. […] On fut longtemps à le juger, il était trop au-dessus de ses juges.

1738. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Je voudrais donc, de bon cœur, juger d’après cette méthode les comédies que ce dernier mois nous a apportées. […] Après cela, ce n’est pas nécessairement juger de travers que de juger d’après son plaisir.

1739. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

On ne peut donc pas juger le style uniquement sur ce qu’il dit et montre, mais encore et surtout sur ce qu’il ne dit pas, fait penser et sentir. […] Si La Fontaine vivait aujourd’hui et subissait l’esclavage, il ne pourrait plus faire rimer voyager avec juger, ni dire : Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? […] Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu.

1740. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

D’après ma théorie, cette loi n’est autre que celle de l’hérédité, qui seule, autant que nous en puissions juger jusqu’ici, produit dans les cas les plus fréquents des organismes tout à fait semblables entre eux, ou du moins presque semblables, comme on le voit dans le cas des variétés. […] Une pareille manière de voir tranche le nœud gordien de la question de dispersion des mêmes espèces jusqu’aux points les plus distants, et fait disparaître bien des difficultés ; mais, autant que j’en puis juger, nous ne sommes pas autorisés par les faits à supposer que des changements géographiques aussi considérables aient eu lieu dans les limites de la période actuelle et de l’existence des espèces aujourd’hui vivantes. […] Mais parce qu’une île déjà bien peuplée, telle que la Grande-Bretagne, n’a pas, autant qu’on peut en juger, reçu pendant le cours des derniers siècles, par l’un ou l’autre de ces moyens occasionnels de transport, quelques immigrants d’Europe ou de quelque autre continent, ce qu’il est d’ailleurs assez difficile de prouver, il n’en faudrait nullement conclure, qu’une île pauvrement peuplée, bien que située beaucoup plus loin de la terre ferme, ne pût recevoir de colons par les mêmes moyens.

1741. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Nous n’avons aucun registre généalogique, nous ne pouvons établir la communauté d’origine qu’à l’aide des ressemblances de toutes sortes que nous constatons : c’est pourquoi nous préférons nous fier à ceux d’entre les caractères organiques qui, autant que nous en pouvons juger, semblent devoir s’être le moins modifiés sous l’influence directe des conditions de vie auxquelles chaque espèce s’est récemment trouvée exposée. […] Mais il paraît en être de même de ces variations qui, autant que nous en pouvons juger, pourraient se manifester plus tôt ou plus tard dans la vie, et qui, néanmoins, tendent à réapparaître à un âge correspondant chez les parents et chez leurs descendants. […] Des éleveurs me disaient qu’ils différaient juste autant que leurs parents ; et, en effet, il semblait qu’il en fût ainsi à en juger par le seul coup d’œil.

1742. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

À en juger par les propriétés de plus en plus nombreuses dont il a fallu l’enrichir, nous serions assez porté à voir dans l’atome, non pas une chose réelle, mais le résidu matérialisé des explications mécaniques. […] Nous jugeons du talent d’un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité. […] Et remarquez que vous ne sauriez lui épargner aucun détail de ce rôle, car les plus médiocres événements ont leur importance dans une histoire, et, à supposer qu’ils n’en eussent point, vous ne pourriez les juger insignifiants que par rapport à l’acte final, lequel, par hypothèse, n’est pas donné.

1743. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il faut les juger aux chandelles, comme disaient nos pères. […] Larroumet a pour moi ce grand mérite de juger du théâtre en homme de théâtre plus qu’en professeur. […] Et, pour le dire en passant, vous pouvez juger par là combien était peu intelligente la suppression qu’en avait faite M.  […] Vous pouvez, sur ce simple aperçu, juger les sentiments secrets qui animent l’amant éconduit : du mépris, de la colère, du dépit, toutes sortes de sentiments qui sont d’une violence extrême. […] Mlle Brohan en a jugé ainsi : elle s’abstient de ces petites niches qui distraient leur attention.

1744. (1894) Études littéraires : seizième siècle

On jugea qu’il fallait rendre. […] Ils avaient la même manière d’envisager les choses, d’entendre la politique, de pratiquer la diplomatie, et de juger et de traiter les comtes de Saint-Pol. […] Le certain, c’est que ses mœurs furent jugées mauvaises. […] Pantagruel y vient à son tour pour juger le procès fantasque des seigneurs de Baisecul et de Humevesne. […] Il était l’homme croyant, passionné de foi, se détournant des hommes jugés impurs ou tièdes et criant à Dieu : « Inspire-moi ! 

1745. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Vous en jugerez. […] Je m’attache seulement à une de ces observations que tout le monde peut faire, et que vous jugerez. […] On jugeait, on dissertait, on prêchait en latin. […] C’étaient les Français qui faisaient la croisade contre les Albigeois ; tout en la faisant, ils la jugeaient. […] non seulement ils jugeaient cette croisade, mais celles même qui les conduisaient à la terre sainte.

1746. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Cette immoralité naïve, ces raisonnements de girouette, cette façon de juger l’amour en poissarde, achèvent le portrait. […] Il juge l’amour de Desdémona comme il jugerait celui d’une cavale : cela dure tant ; ensuite… Et il expose là-dessus une théorie expérimentale, avec détails précis et expressions crues, à la façon d’un physiologiste de haras254. […] À ces rugissements, vous jugez de sa haine. […] Son esprit est encore intact ; mais à la violence du style, à la crudité des détails précis, à l’effrayante tension de toute la machine nerveuse, jugez si l’homme n’a pas déjà posé un pied au bord de la folie : Oh ! […] Ne la jugez pas comme un tableau.

1747. (1932) Le clavecin de Diderot

Il s’agissait non d’amour, mais de guerre, autant que j’en pus juger par le distique initial : En alt vois s’est escrié Vous estes en dol tut fines… que, deux heures durant, un vieux fou se contenta de répéter avec, pour tout commentaire, de multiples aboiements qui reprenaient les mots, un à un, et nous servaient, à propos de la moindre voyelle, tout un jeu de rauques vocalises. […] Les autres, il les assimile aux choses, à ces choses qu’il a jugées a priori une fois pour toutes, d’essence inférieure et juste bonnes à être possédées. […] Qui, de l’ensemble originel, détache, pour l’étude, un élément, ne tardera point à juger cet élément (et comme de l’ensemble, l’homme commence par s’extraire lui-même on voit à qui va sa première adoration) doué de vie en soi, et ainsi, lui accordera la priorité, sans doute même, pouvoir absolu sur l’ensemble dont il est extrait. […] Les lourdes femmes à fonction charnelle décrétaient organe de l’insuffisance ce que le reste de l’univers jugeait organe de l’abomination. […] Elle avait, au préalable, lu et jugé mes plus intimes pensées.

1748. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

On jugera ainsi un jugement au lieu de juger une chose. […] Supposez aboli le langage, dissoute la société, atrophiée chez l’homme toute initiative intellectuelle, toute faculté de se dédoubler et de se juger lui-même : l’humidité du sol n’en subsistera pas moins, capable de s’inscrire automatiquement dans la sensation et d’envoyer une vague représentation à l’intelligence hébétée. […] Il vivrait dans l’actuel et, s’il était capable de juger, il n’affirmerait jamais que l’existence du présent. […] Il n’a pas jugé, dans sa Critique de la Raison pure, que la science devînt de moins en moins objective, de plus en plus symbolique, à mesure qu’elle allait du physique au vital, du vital au psychique.

1749. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Cet homme qui s’est donné l’air d’un méphistophélès américain eut le courage de compromettre sa vie pour la réalisation de plans qu’il jugeait peut-être insensés, mais nobles et justes : une telle page dans la vie d’un écrivain rayonne plus haut et plus loin que de rutilantes écritures. […] Il a le sens inné de l’aristocratisme et ce sens lui a quelquefois servi de critère pour juger tout un mouvement littéraire : « … les dernières recrues du naturalisme, ces plats phraseurs, ces fils grossiers de paysans obtus, cerveaux pétris par des siècles de roture et qui ne savent ni penser ni sourire… » M.  […] Barrès, qui avait des raisons d’estimer hautement son moi et de le juger intachable, n’a pu transmettre ces raisons essentielles à la foule de ses imitateurs. […] Je disais de lui, avant cette aventure : « Je veux juger de la forme et non de la qualité de son influence. […] Il ne fut jamais un chercheur de pierres précieuses : il sertissait celles qu’il avait sous la main, plus soucieux de leur mise en valeur que de leur rareté ; mais, pêcheur de perles, il le fut aussi trop peu et, trop confiant en sa force improvisatrice, il laissa, même en des morceaux jugés par lui définitifs, échapper des à peu près et des erreurs.

1750. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

En général, lorsqu’on peut étudier les proches parents d’un grand personnage ou d’un homme distingué, soit ses père et mère et aïeux, soit ses frères et sœurs, soit ses enfants, on est plus à même de le bien connaître, car on connaît la souche et la race ; on peut mieux juger de ce qu’il a dû au fonds commun, à la trame commune, et de ce qu’il y a ajouté ou de ce qu’il en a développé. […] Puis il se mit à publier une édition de ses Œuvres : « J’ai longtemps résisté, disait-il dans sa préface, aux sollicitations d’amis trop prévenus en ma faveur, qui me pressaient de faire imprimer ces mélanges ; mais à mon âge de quatre-vingts ans, on perd la force de résistance comme toutes les autres, et je me suis laissé persuader. » On put mieux juger de ses Fables, lorsqu’on les lut enfin recueillies.

1751. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

J’ai été bien autrement victime moi-même d’une prévention et d’une erreur des hommes, quand, ayant eu le malheur d’atteindre le chef des gardes de notre forêt en croyant défendre ma cousine, mon oncle et ma tante audacieusement attaqués à coups de fusil, j’ai été jugé digne de mort et miraculeusement sauvé de la guillotine : eh bien ! […] Ce fut le conventionnel qui le rompit (car évidemment l’évêque, confondu, ne savait plus que dire) ; il se souleva sur un coude, présenta son pouce et son index replié un peu vers sa joue, comme on fait machinalement lorsqu’on interroge et qu’on juge (c’était donc maintenant le conventionnel qui, arrogamment, interrogeait et jugeait l’évêque ; le pénitent intervertissait les rôles, et jetait à ses pieds le confesseur au nom de ses doctrines glorifiées) ; il interpella l’évêque avec un regard plein de toutes les énergies de l’agonie.

1752. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

« Vous pouvez juger, mon cher Baldelli, de ma douleur par la manière dont je vivais avec l’incomparable ami que j’ai perdu. […] Vous jugerez comme cette cruelle vue me persécute ; je suis malheureuse à l’excès.

1753. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Je n’ai jamais compris, les respectant fort, les colères des critiques qui jugent, au nom de l’art, ces estimables denrées. […] Science, contrepoint, facture à la façon des maîtres classiques, voilà les qualités qu’il estime le plus hautement, et celui-là sera jugé le plus grand qui saura le mieux écrire une fugue.

1754. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Il en appelle des jugements courants : il veut juger par lui-même, entendra les œuvres de Wagner, et les siffler— ou les applaudir — en connaissance de cause. […] Wagner a écrit quelque part qu’on pouvait juger Tristan d’après les lois les plus rigoureuses qui découlent de ses affirmations théoriques, — tant il est sûr de les avoir suivies d’instinct, — mais il avoue qu’il s’était, en composant, affranchi de toute idée spéculative et qu’il sentait même, à mesure qu’il avançait dans son œuvre, combien son essor faisait éclater les formules de son système écrit. « Il n’y a pas, ajoute-t-il avec quelque nuance de regret, de félicité supérieure à cette parfaite spontanéité de l’artiste dans la création, et je l’ai connue en composant mon Tristan. » Il en fut de même, à ce qu’on peut croire, quand il termina l’Anneau du Nibelung, interrompu pour Tristan, et quand il écrivit les Maîtres Chanteurs et Parsifal.

1755. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Henri Barbusse est ainsi jugé par M.  […] Émile Despax a donné, avec la Maison des Glycines, un des plus beaux recueils de poèmes parus depuis longtemps, et c’est celui-là même que l’on jugea indigne du prix Sully-Prudhomme !

1756. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Je n’en pouvais juger que l’accent, le style, la manière… Accent, style, manière connus, antithétiques, défectueux souvent, mais aujourd’hui décadents, dégradés, dépravés, et d’une dépravation systématique et volontaire après laquelle le talent cesserait absolument d’exister… Il reste à examiner la composition de l’Homme qui rit, les caractères, l’action, l’intérêt, les entrailles mêmes du livre, et à conclure que le destin qu’il a est mérité. […] Lorsque, depuis les Contemplations, par exemple, jusqu’à ce Quatre-vingt-treize 49, on a examiné, analysé, jaugé, jugé, caractérisé tous les livres qui ont paru de cet infatigable travailleur de la mer… littéraire, comment s’y prendre pour être neuf, quand il ne l’est plus, et pour ne point rabâcher, quand il rabâche ?

1757. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Étonnée, elle demanda ce que cela signifiait : « Il me dit alors que ce rat avait fait une action criminelle et digne du dernier supplice, selon les lois militaires ; qu’il avait grimpé par-dessus les remparts d’une forteresse de carton qu’il avait sur la table dans ce cabinet, et avait mangé deux sentinelles, faites d’amadou, en faction sur un des bas-tions ; qu’il avait fait juger le criminel par les lois de la guerre ; que son chien couchant avait attrapé le rat, et que tout de suite il avait été pendu comme je le voyais, et qu’il resterait là exposé aux yeux du public pendant trois jours, pour l’exemple.

1758. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Du temps de Bossuet, un esprit des plus fins, M. de Tréville, jugeait assez sévèrement son caractère.

1759. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Mais, Napoléon apprécia jusqu’à la fin cette sage, pure et paternelle administration du préfet qu’il tenait dans ses mains, qu’il inspirait de son souffle et de sa volonté ; et quand il jugea l’instant venu d’élever son traitement à un chiffre considérable, il répondait à Frochot qui l’en remerciait : « Il faut bien que je pense à vous, puisque vous ne pensez qu’à moi. » Pourquoi faut-il qu’un jour, une heure de malencontre et de faiblesse ait tout gâté !

1760. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

En cela, il avait fort raison, et le procédé si vanté de Voltaire, d’écrire les vers sous forme de prose pour juger s’ils sont bons, ne mène qu’à faire des vers prosaïques, comme le sont, au reste, trop souvent ceux de Voltaire.

1761. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

On peut juger des Réflexions et menus propos qui s’y mêlaient et qui donnaient le motif, par le morceau de Topffer sur le paysage alpestre, inséré dans la Bibliothèque de Genève vers ce temps270.

1762. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

C’est un instrument dont le Corps législatif aura incontinent à tirer tout le parti qu’il jugera à propos.

1763. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Ils écrivaient sans autre modèle que les objets mêmes qu’ils retraçaient ; aucune littérature antécédente ne leur servait de guide ; l’exaltation poétique s’ignorant elle-même, a par cela seul un degré de force et de candeur que l’étude ne peut atteindre, c’est le charme du premier amour ; dès qu’il existe une autre littérature, les écrivains ne peuvent méconnaître en eux-mêmes les sentiments que d’autres ont exprimés ; ils ne sont plus étonnés par rien de ce qu’ils éprouvent ; ils se savent en délire ; ils se jugent enthousiastes ; ils ne peuvent plus croire à une inspiration surnaturelle.

1764. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Nous jugeons, par l’échelonnement de nos découvertes, que nous avons agi, que nous avons produit une série d’actions, que cette série correspond à une série de qualités ou caractères des choses, que notre action est efficace, et partant réelle.

1765. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Quand il se convertit, le point qui le heurtait le plus c’était l’éternité des peines : « Il ne comprenait pas comment cette éternité peut s’accorder avec la bonté de Dieu. » Il jugeait Dieu d’après lui-même ; ce n’était pas là une si grande injure, et sa garde n’avait point tort de dire « que Dieu n’aurait jamais le courage de le damner. » III On voit bien déjà, par les excès et les singularités de ses qualités et de ses fautes, que, sans quitter le caractère gaulois, il le dépassa.

1766. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Ainsi faisons-nous quand nous nous jugeons les uns les autres ; sur une rencontre d’un moment, on arrête que tel est avare, tel est fier, tel a de l’esprit, tel est sot.

1767. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Il a fait la critique de lui-même, dans ce roman de Dominique (1863) qui est, en dehors de toutes les écoles, une des œuvres excellentes du roman contemporain : dans une forme impersonnelle, avec une délicate psychologie, il a mis les doutes, les amertumes, le renoncement final de l’homme qui a essayé de créer et qui a jugé sa création médiocre.

1768. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Brown (How the French boy learns to write, Cambridge, 1915, ch. v), comment un professeur américain, qui a visité nos lycées, a jugé cet-effort de notre pédagogie.

1769. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Il est vrai que le souvenir de leur sexe peut également se retourner contre elles… En somme, soit que l’idée d’un autre charme que celui de leur style agisse sur nous, soit qu’au contraire l’effort de leur art et de leur pensée nous semble attenter aux privilèges virils, il est à craindre que nous ne les jugions avec un peu de faveur ou de prévention, qu’elles ne nous plaisent à trop peu de frais dans les genres pour lesquels elles nous semblent nées (lettres, mémoires, ouvrages d’éducation), et qu’elles n’aient, en revanche, trop de peine à nous agréer dans les genres que nous considérons comme notre domaine propre (poésie, histoire, critique, philosophie).

1770. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Jugez si, après cela, le mari doit pardonner !

1771. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Philarète Chasles C’était la plus étonnante créature de Dieu, la plus instinctive, la moins apte à conduire les affaires ou à juger les hommes, la mieux douée pour s’élever, planer, ne pas même savoir qu’il planait, tomber dans un abîme et un gouffre de fautes, sans avoir conscience d’être tombé ; sans vanité, car il se croyait et se voyait au-dessus de tout ; sans orgueil, car il ne doutait nullement de sa divinité et y nageait librement, naturellement ; sans principes, car, étant Dieu, il renfermait tous les principes en lui-même ; sans le moindre sentiment ridicule, car il pardonnait à tout le monde et sc pardonnait à lui-même ; un vrai miracle, une essence plutôt qu’un homme ; une étoile plutôt qu’un drapeau ; un arome plutôt qu’un poète, né pour faire couler en beaux discours, en beaux vers, même en actes charitables, en hardis essors, en spontanées tentatives, les trésors les plus faciles, les plus abondants d’éloquence, d’intelligence, de lyrisme, de formes heureuses, quoique trop fluides ; de grâces inépuisables, non pas efféminées, mais manquant de concentration, de sol et de virilité réfléchie.

1772. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Elle jugera, & vos cris ne seront point entendus, & tous ces téméraires critiques disparoîtront, heureux si l’oubli ne les dérobe à l’opprobre.

1773. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

  Les rôles de servante (fantesca) ou, comme on dit plus tard en France, de soubrette, étaient joués par la signora Silvia Roncagli, de Bergame, terriblement éveillée, si nous en jugeons par les canevas des Gelosi.

1774. (1842) Essai sur Adolphe

Si elle eût pleuré, il était sauvé ; mais elle a vu sa douleur sans la partager, elle l’a jugé, elle a mesuré sa force : il est perdu.

1775. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Dans le Livre de Daniel, au milieu de la vision des empires représentés par des animaux, au moment où la séance du grand jugement commence et où les livres sont ouverts, un être « semblable à un fils de l’homme » s’avance vers l’Ancien des jours, qui lui confère le pouvoir de juger le monde, et de le gouverner pour l’éternité 370.

1776. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Ses raisonnements, il est vrai, étaient souvent subtils (la simplicité d’esprit et la subtilité se touchent ; quand le simple veut raisonner, il est toujours un peu sophiste) ; on peut trouver que quelquefois il recherche les malentendus et les prolonge à dessein 973 ; son argumentation, jugée d’après les règles de la logique aristotélicienne, est très faible.

1777. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Je crois, au contraire, et la suite apprendra qui d’Auger ou de moi a raison, que madame de Scarron a plu très sensible me ni au roi dans sa première visite ; que le compliment qu’il lui adressa non seulement fut sincère, mais même inspiré par une secrète inclination pour elle, et fut une première amorce, jetée par des espérances confuses de possession plus ou moins prochaine, à un cœur qu’il jugeait disposé à lui céder.

1778. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Un Père prodigue Sous une tout autre forme et dans un milieu différent, le sujet du Père prodigue est le même que celui du Fils naturel : la paternité y est encore jugée et censurée par l’enfant.

1779. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Au grand quartier général, dit-il, on ne jugeait que les résultats, sans penser à ce qu’ils coûtaient, et l’on n’avait aucune idée de la situation de l’armée ; mais en prenant le commandement d’un régiment, il fallut entrer dans tous les détails que j’ignorais, et connaître la profondeur du mal.

1780. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Les plus beaux tableaux furent jugés des portraits.

1781. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Le christianisme ne doit pas être suspect d’amoindrir la personne humaine, puisqu’il l’a jugée digne d’être rachetée par le sang d’un Dieu.

1782. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

On en jugera par ces Lettres, qui sont un peu monotones pour le ton, mais dans lesquelles on trouve des remarques utiles.

1783. (1761) Apologie de l’étude

Dans ces sciences on n’a besoin de personne pour se juger : dans les matières de goût on n’est vraiment apprécié que par le jugement public.

1784. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

  Dans l’impossibilité de vider la question de moralité entre Furetière et ses accusateurs, que nous reste-t-il à juger, à nous postérité ?

1785. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

regardez les acteurs de ce drame qui se joua une fois sur la terre et dont le ciel fut spectateur, et jugez si la vision de notre Mystique ne nous les a pas reproduits, dans l’esprit éternel de leur personnage, quoique éclairés par mille côtés et mille détails que, pour des raisons de providence, l’Évangéliste avait laissés dans l’ombre.

1786. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Il aurait jugé cette vieille institution, qui n’a plus de sens aujourd’hui — si éventrée qu’on y fourrera des femmes demain — et qui ne tente plus que la petite et sotte vanité française, infatigablement éprise des distinctions, même bêtes, malgré ses affreux mensonges sur l’égalité… Il eût vu cela.

1787. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Ainsi il admire l’Hôpital et Coligny, ses héros d’opinion, et il admire avec autant de passion sincère le grand François de Guise, par exemple, qui est le héros de l’opinion opposée à la sienne, mais il ne jugera plus avec cette haute et radieuse libéralité les travaux du Concile de Trente, et quand il aura dit des Jésuites « qu’ils eurent le génie de la politique et la passion religieuse », cet écrivain généreux, quand il s’agit de tel homme historique, se croira quitte envers la justice et la vérité.

1788. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Il ne se condamne ni ne s’absout ; il ne s’applaudit ni ne se siffle ; il ne se reprend en sous-œuvre ni ne monte plus haut que soi pour se juger ; et c’est la vérité qu’il s’est appliqué intellectuellement cette maxime affreuse qui fut la sienne : « Ne jamais, jamais se repentir. » Donc, pas de surprise !

1789. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Vraie supériorité de femme que chacun sentit et que personne ne jugea, parce qu’elle charmait trop ceux qui se mêlèrent à sa vie, elle n’était peut-être pas plus belle qu’elle n’était spirituelle, cette femme à qui Canova n’avait qu’à poser une couronne sur les cheveux pour en faire la Béatrice du Dante, et que tous ils ont dite si belle, dans une si grande unanimité d’illusion, que cela équivaut à une réalité pour l’Histoire.

1790. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Il ne se condamne ni ne s’absout ; il ne s’applaudit ni ne se siffle, il ne se reprend en sous-œuvre ni ne monte plus haut que soi pour se juger, et c’est la vérité qu’il s’est appliqué intellectuellement cette maxime affreuse qui fut la sienne : « Ne jamais, jamais se repentir. » Donc, pas de surprise !

1791. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

J’ai son livre, et son livre me suffit pour la juger.

1792. (1915) La philosophie française « I »

À l’opposé de Kant (car c’est à tort qu’on l’a appelé le « Kant français »), Maine de Biran a jugé que l’esprit humain était capable, au moins sur un point, d’atteindre l’absolu et d’en faire l’objet de ses spéculations.

1793. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Cet éloge, où un particulier loue un prince avec lequel il a quelque temps vécu dans l’obscurité, pouvait être précieux ; le souvenir des études de leur jeunesse et cette heureuse époque où l’âme, encore neuve et presque sans passions, commence à s’ouvrir au plaisir de sentir et de connaître, devait répandre un intérêt doux sur cet ouvrage ; mais nous ne l’avons plus, et nous n’en pouvons juger ; nous savons seulement qu’il était écrit en grec.

1794. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Mais cette renommée posthume, que le déclin superstitieux de la Grèce devait attacher un jour à ce philosophe jugé par Aristote plus physicien que poëte, n’est qu’un témoignage imparfait de l’empire bienfaisant qu’il avait eu, dans l’heureuse civilisation de la Grèce.

1795. (1864) Le roman contemporain

Vitet, qui a pu juger les choses, non seulement au point de vue littéraire, mais au point de vue politique. […] Dumas fils en soit, parce qu’il ne m’appartient pas de juger les hommes, mais très certainement sa muse en est. […] Un grand nombre de personnes, ceci est un des signes du temps, ont éprouvé la curiosité de lire ce roman que le parquet avait jugé assez immoral pour le poursuivre, sans que le tribunal le jugeât assez immoral pour le condamner. […] Je traiterai la question d’art, mais elle est primée par la question d’idée et de doctrine qu’il faut avant tout juger. […] Hugo est déjà jugée et condamnée.

1796. (1885) L’Art romantique

« Un tableau de Delacroix, placé à une trop grande distance pour que vous puissiez juger de l’agrément des contours ou de la qualité plus ou moins dramatique du sujet, vous pénètre déjà d’une volupté surnaturelle. […] La sensibilité de l’imagination est d’une autre nature ; elle sait choisir, juger, comparer, fuir ceci, rechercher cela, rapidement, spontanément. […] D’ailleurs, n’est-il pas plus commode, pour certains esprits, de juger de la beauté d’un paysage en se plaçant sur une hauteur, qu’en parcourant successivement tous les sentiers qui le sillonnent ? […] Sa cause sera jugée par le jugement de Dieu. […] Alors ce même public, espérant que l’émeute lui saurait gré de sa mansuétude, se taisait, voulant avant toute chose connaître et juger.

1797. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

La critique consiste à se placer au centre des créateurs, à les juger d’après leurs intentions. […] Ce sens, l’auteur du Salut est en vous le restitue et le développe avec une majesté dont jugera le lecteur sagace. […] La postérité jugera ; mais c’est un fait. […] La railler serait railler certaines de nos heures, et non des moins agréables, malgré que nous jugions convenable d’y pleurer. […] Je ne crains pas ce rapprochement ; ils me comprendront ceux qui savent lire ou juger d’un être à travers les mots.

1798. (1929) La société des grands esprits

Nous jugeons les événements historiques surtout au point de vue de leurs conséquences intellectuelles. […] Sans doute, un réalisme intransigeant pourrait juger cette coloration inexacte ; mais les poètes la trouvent juste ». […] » En premier lieu, à supposer que l’accord soit fait réellement, c’est depuis si peu de temps qu’on peut juger expédient de l’affermir et de prévenir un nouveau retour d’opinion. […] Ces deux copies conservées à la Bibliothèque nationale ont une authenticité égale à celle du manuscrit dit autographe, qui ne l’est qu’en partie ; tous les éditeurs en avaient jusqu’à présent jugé ainsi, et ils avaient bien jugé ; et il y a une bonne centaine de Pensées, dont quelques-unes des plus longues et des plus belles, dont nous n’avons le texte que par ces deux copies, l’original ayant été perdu. […] Dans l’Histoire de la Révolution, Michelet, révolutionnaire et démocrate jusqu’aux moelles, n’en continue pas moins de juger impartialement.

1799. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Cela posé, jugeons-le sans miséricorde, et parlons-en sans retenue. » Puisqu’il est bien convenu que nous l’aimons, nous aussi, j’accepte le pacte proposé par Joubert. […] L’auteur avait conçu, vous vous en souvenez, « l’idée de faire l’épopée de l’homme de la nature » qu’il jugeait, dans l’Essai, plus vertueux et plus heureux que l’homme civilisé. […] Les doctrines étaient jugées par leurs fruits. […] Il jugeait ces choses, quoique inévitables, répugnantes. […] Écoutez comment Chateaubriand jugeait ce personnage.

1800. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Puis, nous le jugeons fort intéressant et nous l’aimons tel qu’il est : il n’inquiète plus notre religion et n’irrite plus notre philosophie. […] Jugez, avec une telle vie, quelle expérience a dû lui venir, quelle inaptitude à croire et à s’étonner. […] Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. […] Et ils ont jugé qu’Hermione était une mauvaise femme et Oreste un méchant fou. […] Les bons boulevardiers, qui ont pris tout de suite le plus court, jugent ce livre inconvenant.

1801. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Je ne pose à mes critiques que cette seule question, et je consens à être jugé par la réponse qu’on y fera. […] Et moi je gagne impunément cent mille florins ; moi je suis atteint et convaincu d’avoir triché toute ma fortune, d’avoir joué à coup sûr, et cependant je suis riche et honoré ; je juge, au lieu d’être jugé. […] On a maintenant les pièces sous les yeux : on peut juger. […] Et maintenant jugez l’arbre à ses fruits ! Par la moisson que nous avons récoltée, jugez et quelle a été la semence, et quelles racines elle avait jetées dans le sol.

1802. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

L’oreille d’Hugo ne s’y est pas trompée et il a jugé que cela compensait bien la légère cacophonie de donc sonde. […] Le 4 novembre, il fut jugé et condamné. […] Il jugeait lui-même tous les procès ecclésiastiques importants de la chrétienté. […] Aux hypothèques il le jugeait inoffensif. […] Il fut admiré, méprisé et craint : admiré des hommes secondaires et des hommes de moyen ordre, qui démêlaient bien en lui des parties, fort réelles, d’homme supérieur ; — méprisé des hommes vraiment de premier rang, qui sentaient bien que le demi-succès suffisait, sinon à le satisfaire, du moins à le désarmer ; et soyez sûr que Napoléon, en le replaçant, a marqué, à la fois, qu’il le jugeait intelligent et qu’il le tenait pour inoffensif ; — craint, enfin, des hommes qui se méprisaient eux-mêmes et se jugeaient nuls, relativement à lui, c’est à savoir par tous les hommes du Directoire.

1803. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

La religion, selon cette façon de juger, ne peut qu’avoir tort. […] Ce sont des dieux, on pourrait même dire, qui n’ont pas été dégradés par une matérialisation que l’on peut juger grossière ou enfantine. […] C’est à moi d’en juger. […] En matière d’enseignement, les diplômes qu’il décerne ne sont que des indications : « Je désigne monsieur un tel comme ayant été jugé par moi apte à enseigner. » Je ferai peut-être bien, moi, particulier, de me fier à cette indication ; mais j’ai le droit de n’en avoir cure et de confier mon fils à un homme que j’ai jugé, moi, apte à enseigner mon fils ; et c’est un abus énorme que de prétendre m’obliger à ne le confier qu’à celui que vous avez estampillé. […] Certaines congrégations (Jésuites, Bénédictins, etc.) ne jugèrent pas expédient de demander l’autorisation et se dispersèrent tout de suite.

1804. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

L’écrivain ne jugea pas à propos de réitérer. […] Comparons et jugeons. […] Le marquis et la marquise, pleins de tendresse et d’illusions, jugèrent qu’un grand poète leur était né. […] Jugez un peu s’il ressemblait seulement à M.  […] Et justement cette insouciance nous explique pourquoi il fut durement jugé.

1805. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Pour qui sait juger impartialement les choses, son rôle moral paraît fini dans l’histoire de l’humanité, et l’heure n’est pas loin peut-être où la doctrine du rêveur de Nazareth entrera d’une manière définitive dans le passé, aussi bien que les théogonies des Hellènes, des Celtes et des Scandinaves, sur les ruines desquelles elle avait assis sa puissance. […] Il est possible, en effet, qu’en de rares circonstances cet homme si parfaitement correct ait éprouve le besoin d’étonner le profane vulgaire par ses excentricités : ç’avait été jugé de bon ton par les romantiques de 1830 ; quoiqu’il s’en défendît parfois, il avait été un de leurs continuateurs, et en dehors de sa causticité naturelle, il avait pu hériter d’eux quelques habitudes puériles. […] On ne peut sur ceci avancer que des hypothèses, et il sera donné à l’avenir seul de juger en dernier ressort. […] D’aucuns jugeront puéril cet ensemble de lois et de formules que nous analysons, et nous n’en analysons que le petit nombre. […] La postérité seule en jugera sans doute souverainement.

1806. (1910) Rousseau contre Molière

— Mais vous vous refusez A juger sainement de nos périls… Eliante se soumet ; mais voici qu’arrive l’avocat. […] D’instinct, mais avec raison ; car il manquerait de bon sens, du sens de la distinction entre le réel et le fantastique, du sens de la distinction entre la plaisanterie et le sérieux, du sens de la distinction entre deux arts qui n’ont rien de commun et comme un homme qui voudrait juger d’un tableau avec les oreilles. […] Je voudrais bien qu’on me montrât clairement et sans verbiage par quels moyens il pourrait produire en nous des sentiments que nous n’aurions pas et nous faire juger des êtres moraux autrement que nous n’en jugeons en nous-mêmes. […] Il convient aussi, et à en juger par le nombre de lignes que Rousseau consacre à cet article, il semble qu’il y attribue une extrême importance, il faut aussi exercer et développer infiniment sa coquetterie. […] Il faut recevoir l’impression générale des choses ; il faut noter la place où, tout le roman lu, Julie se met dans notre esprit et, à en juger de la sorte, Julie est beaucoup plus grande, beaucoup plus haute, beaucoup plus riche aussi et consistante que Sophie !

1807. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Tous les grands faits de notre histoire ont été appréciés et jugés au nom de cette iniquité première. […] Avant la guerre européenne, on eût jugé une telle démonstration impossible, sa simple tentative sacrilège. […] C’est par leur absurdité (jugée sublime) qu’ils ont surtout entraîné les hommes du XIX d’abord leurs contemporains, puis les fils et petits-fils de ceux-ci. […] Elle est la conséquence, même chez des gens accoutumés à juger les effets et les causes, d’une certaine débilité de l’entendement, jointe à un immense orgueil. […] Du côté chair et sang, la chose est jugée par plusieurs millions de jeunes cadavres accusateurs.

1808. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Il faut avoir un grand courage et une singulière dureté pour juger si rigoureusement M.  […] Incapables de dévouement et de foi, exempts de préjugés, désabusés et curieux, ils regardent les hommes et les choses sans se donner la peine de les juger ou de les conduire. […] Effrayé par la quantité de chopes, d’absinthes pures et de « rhums à l’eau » que les doux poètes avaient absorbée, il jugea qu’ils étaient atteints de « dipsomanie ». […] On a tort de juger trop souvent notre pays par les affiches de nos théâtres, le cabotinage débraillé des gens du monde, les fantaisies des hystériques de lettres et les divertissements des étrangers qui cherchent chez nous de bons soupers, un bon gîte et le reste. […] Je tiens à dire, pour l’honneur de mon pays, qu’on se tromperait gravement si l’on jugeait de la France tout entière d’après la petite écume de polissons de lettres, de « cercleux » sans scrupules, de rastaquouères effrontés, et de politiciens-forbans qui flotte à sa surface.

1809. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Mais son excuse est surtout qu’il jugea ces vers à leur valeur, se contenta de cette unique épreuve et ne « pécha » plus. […] Mais jugez quelle doit être son angoisse ! […] On en pourrait dire autant à propos des portraits de femmes qu’il a tracés, et qu’on risque de mal juger si l’on ne tient pas compte d’un clément qui a dû modifier la vision du peintre. […] Comme ils n’ont pas de règle qui les dirige dans leur conduite, nous n’en avons pas non plus pour juger de cette conduite. […] Weiss ne se pique pas de neutralité ; alors même qu’il s’occupe seulement de juger des œuvres d’art, il reste encore un polémiste : sa critique, offensive et défensive, est une critique de combat ; et c’est bien ce qui la rend si vivante.

1810. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Cet humaniste excellent ne pouvait plus juger le phénomène que représente le génie de l’auteur des Misérables. […] Ils n’aperçoivent pas qu’ils jugent ainsi la nature de ce mouvement. […] Ce genre avait des règles, un canon d’après lequel juger cet ouvrage. […] À cette heure encore, il ne s’est pas réveillé du songe d’orgueil qui l’a précipité et, avec lui, son peuple dans une aventure aujourd’hui jugée. […] De là, dans les armées de ce type, cet esprit critique et qui rend plus délicat le rôle du chef, obéi, suivi, mais jugé.

1811. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Zola ait renoncé à juger les œuvres dramatiques. […] Jugez-en. […] Vous allez en juger. […] Mais alors comment juger ? On jugera d’après son impression.

1812. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Mais il y a en nous certaines notions d’après lesquelles nous jugeons qu’un acte est bon ou mauvais. […] Les pessimistes vivent la vie comme les autres hommes ; ils n’en diffèrent que parce qu’ils l’ont jugée. […] Il a pu juger de l’effet de leurs convoitises. […] Elle ne savait rien de la vie ; mais apparemment cette vie tu la connaissais et tu te jugeais capable de l’y diriger avec toi. […] Il ne m’appartient pas d’en juger, et ce n’est pas mon rôle que d’avoir une opinion en pareille matière.

1813. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Je n’en persisterai pas moins à dire qu’il faut juger humainement des choses. […] Eh bien, maintenant, jugez-en vous-même ; vous connaissez ma femme ; c’est, comme je vous l’ai déjà dit, un ange ! […] Jugez-moi !

1814. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Admirablement placés pour juger le talent ou le métier d’un auteur, elles ne le sont nullement pour reconnaître à ses traits extraordinaires la présence du génie. […] Et aujourd’hui que nous pouvons la juger avec le recul nécessaire, la préface des Rougon-Macquart apparaîtra, aux yeux de tous, comme une date considérable : « Je veux expliquer, y dit M.  […] À l’heure où ces crimes s’accomplissaient, ces crimes que la postérité jugera, nous n’avons pas entendu votre voix, défenseurs de Dreyfus.

1815. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Parlerai-je aussi de ceux qui jugeaient bon d’informer leurs contemporains de l’amour qu’ils portaient à leurs mères ? […] Jugé avec sévérité et d’après les seules œuvres qu’il a données au public, Villiers de l’lsle-Adam pourrait être considéré comme un demi-génie. […] Il ne pourra être définitivement jugé qu’après la publication d’Axel, la grandiose épopée dramatique à laquelle il travaille depuis bien des années. […] Ils me jugent trop sévère et témoignent de la sympathie pour mes piètres essais. […] Ce dont je suis certain, c’est que j’eus lieu de juger suffisantes les satisfactions obtenues.

1816. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

J’ai beaucoup connu et beaucoup aimé Mathieu de Montmorency, je garde pour sa mémoire un souvenir qui tient du culte ; mais ce souvenir ne m’empêche pas de juger l’homme avec la froide sagacité que le temps donne même à la tendresse des souvenirs. […] On peut juger du charme d’une telle société ; madame Récamier n’y cherchait que le mouvement doux de sa vie, elle y trouva bientôt l’importance de situation et la célébrité littéraire qu’elle n’y cherchait pas.

1817. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Quiconque, dans une souveraineté nouvelle, jugera qu’il lui est nécessaire de se garantir de ses ennemis, de se faire des amis, de réussir par force ou par ruse, de se faire aimer ou craindre des peuples, suivre et respecter par les soldats, de détruire ceux qui peuvent lui nuire, de remplacer les anciennes institutions par de nouvelles, d’être à la fois sévère et gracieux, magnanime et libéral ; celui-là, dis-je, ne peut trouver des exemples plus récents que ceux de César Borgia. » Était-ce là, aux yeux de Machiavel, de l’histoire ou des principes ? […] Pour bien juger il faut bien comprendre ; le livre du Prince n’a été bien compris que par J.

1818. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Jugeons ces deux représentants de deux grands peuples. […] Dès ce moment je commence à juger par là de ton amour pour moi.

1819. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Or il semble, au premier coup d’œil, que les objections abondent contre notre manière de juger la période poétique actuelle. […] Quel sera mon criterium pour juger un produit de l’art, un tableau, une statue, un poèmed ?

1820. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

On peut juger de l’admiration qu’on y professait pour ce grand homme, par le ton si modéré et si respectueux des objections que fait le grand Arnauld aux Méditations de Descartes. […] Je voudrais voir juger avec le cœur seul un homme qui a volontairement habité avec la souffrance, et qui, à l’exemple du Christ, a voulu, par sa mort au monde, racheter quelques-uns d’entre nous.

1821. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Il ne faut pas juger de ces sortes d’états intellectuels d’après les habitudes d’un temps où l’on écrit beaucoup. […] Grâce aux beaux travaux dont cette question a été l’objet depuis trente ans, un problème qu’on eût jugé autrefois inabordable est arrivé à une solution qui assurément laisse place encore à bien des incertitudes, mais qui suffit pleinement aux besoins de l’histoire.

1822. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Bailey, l’être intelligent, comme un monarque constitutionnel, gouverne régulièrement par le moyen de ses ministres : l’Entendement étant le Secrétaire d’État au Département de l’intérieur, la Faculté de Juger étant le Chief Justice of the Commonpleas, et la Raison le First Lord of the Treasury (ou premier ministre). » Est-il possible d’éviter toujours ces expressions ? […] Supposons que par une accumulation d’expériences sûres et variées on en soit venu à constater, par exemple, que telle manière de sentir suppose elle-même telle variété d’imagination, qui suppose elle-même telle façon de juger et de raisonner, qui suppose telle manière de vouloir et d’agir, etc., etc, que cette détermination soit aussi précise que possible, on pourrait à l’aide d’un seul fait reconstituer un caractère, puisque le problème se réduirait à ceci : Etant donné un membre de la série, retrouver la série tout entière.

1823. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Obligé de reconnaître que le brutal aphorisme a du vrai pour aujourd’hui comme il en avait pour hier, et que la République n’a pas encore beaucoup fait pour la régénération du goût public, je me résigne, à peu près de la même manière qu’on se suicide, à imprimer cette pièce, un peu consolé cependant par un pressentiment vague, qui me dit qu’un jour, un jour que nous devons tous espérer, cette œuvre mort-née sera peut-être jugée digne d’être la voix avec laquelle un théâtre national fouettera le patriotisme à la France28. […] Depuis, j’ai pu juger que cette mort n’était pas aussi invraisemblable qu’elle le paraissait à mes auditeurs.

1824. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

V Si vous voulez juger de l’impression que fit sur moi ce chef-d’œuvre exhumé d’une langue depuis tant de siècles muette et morte, écoutez celle que la première apparition de ce poème fit sur l’esprit de son savant traducteur français, M. de Chézy. […] C’est là qu’à la vue des austérités effrayantes et sans bornes que s’infligent une foule d’anachorètes, vous jugerez si ces vertueux solitaires méritent que pour les protéger votre bras soit incessamment froissé par le nerf toujours tendu de votre arc invincible.

1825. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Cet anneau, sans aucun doute, a été renfermé dans le corps d’un poisson, à en juger par l’odeur de mer qui s’en exhale ; reste à savoir comment le fait a pu avoir lieu. […] Vous le jugez mal : une statue d’or de sa chère Sita est sans cesse sous ses yeux.

1826. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Les idées que nous exposions à ce sujet furent accueillies avec une certaine réserve ; certains les jugèrent paradoxales. […] Et c’est pourquoi nous jugeons que le souvenir d’une perception ne saurait se créer avec cette perception ni se développer en même temps qu’elle.

1827. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Resterait alors à savoir quels sont les défauts qui peuvent devenir comiques, et dans quels cas nous les jugeons trop sérieux pour en rire. […] Les mots profondément comiques sont les mots naïfs où un vice se montre à nu : comment se découvrirait-il ainsi, s’il était capable de se voir et de se juger lui-même ?

1828. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Donc, il est aisé de juger quel était ce seigneur à voir seulement cet héroïque front, cet air libre, ce rencontre hardi et ce visage dans lequel on ne voit que lignes d’honneur et signes de bonne fortune.

1829. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Celui dont elles ont jugé la sensibilité et les connaissances proportionnées à leur tempérament et à leur caractère ; celui auquel elles ont révélé les secrets d’une constitution faible et délicate ; celui qu’elles ont en même temps chargé de la conservation de leurs enfants, et des mains duquel elles les ont reçus, est devenu pour ainsi dire nécessaire à leur existence ; le perdre est un malheur qu’elles ressentent vivement : que l’on juge d’après cette réflexion des regrets que la mort de M. 

1830. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Prisonnier à Pavie, il fut relâché par ceux des victorieux entre les mains de qui il était tombé : « Car ils voyaient bien, dit-il, qu’ils n’auraient pas grand’finance de moi. » Ayant eu ordre de vider le camp des impériaux avec tous les autres prisonniers jugés insolvables, il regagne ses foyers et sa Gascogne.

1831. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Quoi qu’il en soit, et vous en jugerez tout à l’heure, messieurs, le concours a eu de la vie, et la poésie qu’on y couronne n’est pas une poésie froide et morte.

1832. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Je vous remets, mon cher ami, la disposition de tout ce qui me regarde : offrez mes services, pour quelque emploi que ce soit, si vous le jugez convenable, et n’attendez point ma réponse pour agir ; je me tiendrai heureux et honoré de tout ce que vous ferez pour moi et en mon nom.

1833. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

ne daignant même pas pénétrer jusqu’au cœur les sujets oiseux que j’avais imprudemment choisis, mais qu’il me condamnait maintenant à poursuivre, comme s’ils eussent été les seuls qu’il jugeât dignes de moi.

1834. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Quels produits différents de l’intelligence que la pensée qui fait écrire et celle qui fait agir ; la pensée qui se resserre dans les limites d’un acte à accomplir, et celle qui s’étend dans un grand espace et veut juger en général les résultats et les causes !

1835. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

» Sans prétendre juger du fond des choses dans des affaires si embrouillées, il est certain pour moi, par la manière dont il est parlé de Joubert dans le récit de Fouché, et par la comparaison des pièces produites dans cette vie même du général, que Joubert, plus ou moins en garde d’abord contre les procédés de Brune, fut bientôt retourné et gagné par Fouché.

1836. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Croirait-on, à les voir couverts de cheveux blancs, de croix d’honneur, de lunettes d’or, de toges et d’habits brodés, fiers, bien nourris, maîtres de cette société qu’ils administrent, qu’ils jugent et qu’ils grugent…, croirait-on que leurs calculs sont dérangés, que leur sommeil est troublé par le bruit du fouet dont ils ont eux-mêmes armé un pauvre petit diable sans nom, sans fortune et sans talent… ?

1837. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Qui lira en jugera.

1838. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Mais sachons du moins de quels éléments il disposait à l’origine, afin d’être à même de juger ce qu’il en a fait et ce qu’il y a ajouté de son propre fonds.

1839. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Vague et chimérique dans ses plans et ses velléités personnelles, il jugeait cependant avec vérité de l’état de l’esprit public en Allemagne, surtout à la suite du dernier décret dit de Trianon, qui portait à l’extrême l’application du blocus continental, et il pronostiquait exactement comme le roi Jérôme, quoique en vertu de désirs et de sentiments tout opposés : « Le système continental, introduit en Allemagne, y marqua, disait-il, une époque décisive pour l’esprit public de cette contrée.

1840. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Pour nous qui nous permettons de choisir chez lui et de le juger tout en l’admirant, je dirai qu’il va insister trop et gâter un peu sa cause ; le théologien reparaît et se donne carrière ; il va se livrer à une sorte d’analyse psychologique du mystère de la Trinité et de celui de l’Incarnation.

1841. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Ceux qui n’ont pas connu Condorcet, qui ne l’ont étudié qu’en gros et qui ne le jugent que par son dernier livre et par sa mort, croient qu’il avait en lui cet esprit du sacrifice moderne, ce feu sacré qui se passait d’autel.

1842. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Tel homme de valeur que vous traitez sous jambe, dont vous croyez pouvoir user et abuser, et que vous cassez aux gages quand vous le jugez inutile, aura sa revanche un jour, bien tard.

1843. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Trois ou quatre jours auparavant, le maréchal de Belle-Isle, ministre de la guerre, ayant reçu un courrier du comte de Clermont, qui n’apportait que des détails sur la position de l’armée, jugea pourtant devoir en rendre compte immédiatement au roi ; il le trouva dans la cour du château, déjà en carrosse, prêt à partir pour le pavillon de Saint-Hubert, et il n’hésita pas à faire arrêter le carrosse pour donner les lettres à lire : « Cela dura un demi-quart d’heure, nous dit M. de Luynes, et fit un spectacle, car il n’est pas ordinaire de voir un secrétaire d’État, ni qui que ce soit, faire arrêter les carrosses du roi, et c’est peut-être la première fois que cela est arrivé, au moins depuis longtemps. » Une victoire, en effet, eût été un grand soulagement après une aussi triste campagne, et, sans réparer les fautes, elle les eût couvertes ; l’honneur du comte de Clermont eût été sauvé.

1844. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Ce qui me frappe en elle, si j’osais me permettre de la juger d’un mot, ce n’est pas seulement qu’elle soit une grande actrice, c’est combien elle est une personne distinguée.

1845. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Ce funeste trait de lumière frappe la raison avant d’avoir détaché le cœur ; poursuivi par l’ancienne opinion à laquelle il faut renoncer, on aime encore en mésestimant ; on se conduit comme si l’on espérait, en souffrant, comme s’il n’existait plus d’espérances ; on s’élance vers l’image qu’on s’était créée ; on s’adresse à ces mêmes traits qu’on avait regardés jadis comme l’emblème de la vertu, et l’on est repoussé par ce qui est bien plus cruel que la haine, par le défaut de toutes les émotions sensibles et profondes : on se demande, si l’on est d’une autre nature, si l’on est insensé dans ses mouvements ; on voudrait croire à sa propre folie, pour éviter de juger le cœur de ce qu’on aimait ; le passé même ne reste plus pour faire vivre de souvenirs : l’opinion qu’on est forcé de concevoir, se rejette sur les temps où l’on était déçu ; on se rappelle ce qui devait éclairer, alors le malheur s’étend sur toutes les époques de la vie, les regrets tiennent du remords, et la mélancolie, dernier espoir des malheureux, ne peut plus adoucir ces repentirs, qui vous agitent, qui vous dévorent, et vous font craindre la solitude sans vous rendre capable de distraction.

1846. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Autant que j’en puis juger, le reste est nouveau, méthodes et conclusions.

1847. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Il a gardé, dans la société contemporaine, quelque chose de la fière allure de ces aventuriers d’autrefois qui, vivant dans des sociétés moins munies de police et de gendarmes, payaient de beaucoup de courage le droit de faire à leur guise et de n’être point jugés tout haut.

1848. (1890) L’avenir de la science « XII »

Combien de livres de notre siècle seront jugés de même par l’avenir !

1849. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Vous verrez de quelle manière se tournera cette amitié. » Le 28 juin, « Vous jugez très bien de Quantova (madame de Montespan) ; si elle peut ne point reprendre ses vieilles brisées, elle poussera sa grandeur au-delà des nues ; mais il faudrait qu’elle se mît en état d’être aimée toute l’année sans scrupule111 ; en attendant, sa maison est pleine de toute la cour ; les visites se font alternativement, et la considération est sans bornes. » Une autre lettre, du 3 juillet, porte : « Ah !

1850. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Quand on veut juger Mme de Sévigné ou Mme de Maintenon, et se rendre compte de leur nature, est bien obligé d’avoir une idée générale et une théorie sur elles.

1851. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

L’exilé Bussy-Rabutin, qui en jugeait plus philosophiquement, lui en adresse cependant une lettre pleine d’éloge.

1852. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Ils étaient ensemble (à l’Académie des sciences morales et politiques) d’une commission pour juger le prix à donner sur le meilleur exposé de l’état de la philosophie allemande.

1853. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Le public le jugea d’abord un grand homme, & lui le crut encore plus que le public.

1854. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

J’ajouterai que, sans vouloir mêler la morale à la science, ni juger la valeur d’une dissection anatomique par ses conséquences sociales et religieuses, il est permis cependant, en présence de certains zoologistes si pressés de rabaisser l’homme jusqu’au singe et de se servir, pour le succès de leur thèse, de l’exemple du nègre, que cette thèse intéresse particulièrement, il est permis, dis-je, de demander d’où vient cette répulsion universelle que l’humanité civilisée éprouve aujourd’hui contre l’esclavage.

1855. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

On ne peut lui interdire de juger ; mais si d’un jugement rapide et concis il passe à la discussion, et si de la discussion elle-même il tire une conclusion sur le fond des choses, il cesse d’être historien et devient philosophe.

1856. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Les rouleaux dont je parle se sont anéantis avec le goût gothique : mais quelquefois les plus grands maîtres ont jugé deux ou trois mots necessaires à l’intelligence du sujet de leurs ouvrages, et même ils n’ont pas fait scrupule de les écrire dans un endroit du plan de leurs tableaux où ils ne gâtoient rien.

1857. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Que de lecteurs, et surtout de lectrices, jugent, d’après la seule couverture et les quelques mots quelle porte, un ouvrage qui coûta des années de peine à son auteur !

1858. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Elle n’effacera que peu à peu les traces d’une fatalité séculaire ; pour juger avec équité certains phénomènes sociaux et politiques de l’Italie contemporaine, il faut connaître son malheur passé.

1859. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Jouffroy jugeait invincible.

1860. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Juger de tout, apprécier la vie, peser la crainte et l’espérance, voir et l’intérêt des hommes, et l’intérêt des sociétés, s’instruire par les siècles et instruire le sien, distribuer sur la terre et la gloire et la honte, et faire ce partage comme Dieu et la conscience le feraient, voilà sa fonction.

1861. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Pour en bien juger et les saisir à la source même, nous aurons à remonter un peu dans la chronologie littéraire.

1862. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Certes, à mes yeux, les Contemplations ne sont pas le chef-d’œuvre d’Hugo, tant s’en faut ; je les trouve même son livre le plus faible4 ; mais ce n’est pas une raison pour insulter au génie, même défaillant, en quels termes, on en a pu juger par un mot pris au hasard entre mille. […] Barbey d’Aurevilly prépare un volume de critique sur les critiques qu’il intitule cavalièrement les Juges jugés. […] Jugez-en. « Nous aimons mieux vraiment, quel qu’il ait été, conclut M.  […] — vous allez voir — mais à coup sûr amusants — jugez-en par le premier.

1863. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Taine a bien jugé. […] Cette présence active, à un technicien matériel du roman, paraît d’abord un défaut, jugeons-la seulement par ses fruits. […] Cela même qui eût fait juger à Paulette que son papa était fort : de la décision, du sacrifice, — rayer, barrer. […] Il est généralement écrit par des esprits doués pour la critique qui transportent leur don critique dans le roman parce qu’ils jugent plus agréable de faire du roman. […] Et gardons-nous de le juger avec un esprit taupe, c’est-à-dire aveugle.

1864. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

La vie de Voltaire est amusante ; mais, quand nous ne la connaîtrions pas, son œuvre n’en serait pas moins facile à comprendre et à juger. […] Et, en outre, que Jean-Jacques ait eu l’idée d’écrire ce livre, et qu’il l’ait écrit comme il l’a fait, et qu’il se soit jugé lui-même intéressant à ce point pour les autres hommes, cela seul est une grande lueur sur son caractère, puisque c’est le plus fort témoignage de l’orgueil maladif et délirant qui en formait presque tout le fond. […] Elle me jugea moins sur ce que j’étais que sur ce qu’elle m’avait fait, et à force de ne voir en moi qu’un laquais, elle m’empêcha de lui paraître autre chose… Je crois que j’éprouvai dès lors ce jeu malin des intérêts cachés qui m’a traversé toute ma vie et qui m’a donné une aversion naturelle pour l’ordre apparent qui le produit. […] Lorsque les théologiens parlent des suites du péché originel ; lorsque les moralistes parlent des instincts égoïstes et de l’animalité qui est en nous ; et lorsque les uns déclarent la nature mauvaise, et lorsque les autres la jugent fort mêlée, il est bien évident qu’ils ne parlent pas de l’homme préhistorique, vivant (si toutefois il y a jamais vécu) dans un état d’isolement dont nous ne savons rien, mais, de l’homme vivant avec ses semblables, car c’est là seulement que nous pouvons observer la « nature ». […] Que deviendrait un peuple, si chaque enfant devait être laissé libre de juger la vie et de se faire tout seul une religion et une morale ?

1865. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Taine qui, dans son admiration pour le psychologue, qu’il ne craignait pas d’égaler d’autre part à Shakespeare et à Saint-Simon, n’ait cependant formulé des réserves quand il en est venu à juger sa politique : « En politique », dit-il, « Balzac n’a fait qu’un roman… »‌ J’imagine qu’un lecteur de 1902, et qui n’aurait jamais ouvert la Comédie humaine, en aborde l’étude après avoir constaté cet accord des critiques d’il y a cinquante ou vingt-cinq ans sur les prétendues fantaisies sociologiques de son auteur. […] De là ses adorables sacrements qui aident au triomphe de la grâce et soutiennent le pécheur… » — « Je ne veux pas juger l’Eglise catholique, dit Benassis (Médecin de campagne), je suis très orthodoxe, je crois à ses œuvres et à ses lois… » Il serait aisé de signaler d’autres pages du même ordre dans beaucoup d’autres épisodes de la Comédie humaine : — ainsi la conversion du docteur Minoret dans Ursule Mirouet, l’entrée au couvent d’Albert Savarus et de la duchesse de Langeais, la confession de Mme de Mortsauf dans le Lys de la vallée, le magnifique dialogue d’Agathe Bridau mourante et de l’abbé Loraux dans le Ménage de garçon. […] La force doit reposer sur des choses jugées. […] Il en résulta aussitôt, dans l’ordre de l’intelligence, un mouvement d’orgueil qui se traduisit par une rébellion systématique contre l’ensemble des institutions traditionnelles, et, dans l’ordre des mœurs, une apparence de nivellement qui put, durant une courte période, faire croire à un effacement des différences entre les hommes jugées jusqu’alors les plus ineffaçables. […] Même après la Confession et les Lettres d’un voyageur, après les trois romans fameux : Elle et Lui, Lui et Elle, Lui ; après les deux biographies de Paul de Musset et de Mme Arvède Barine, la première si touchante de piété fraternelle, la seconde si aiguë d’analyse et si pénétrante, le procès entre les deux illustres amants n’est pas jugé en dernier ressort.

1866. (1896) Études et portraits littéraires

Or, classer, c’est comparer, et comparer, c’est juger. […] Taine a donc jugé ; si bien qu’on a pu dire que nul, dans ces derniers quinze ou vingt ans, n’avait « proscrit » ou « pardonné » davantage. […] Jules Lemaître, qui le jugeait naguère avec une concision singulièrement élégante, a reconnu lui devoir une partie de sa « substance morale ». […] À en juger par ses récits, le désir charnel occupe incessamment les hommes, et, tout compte fait, sa satisfaction reste à peu près l’unique affaire de la vie. […] Plusieurs fois le mot de « classique » est tombé de la plume à ceux qui ont jugé Maupassant.

1867. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

La nouvelle Critique, si passionnément friande et des mémoires et des correspondances, est-elle plus scientifique dans sa constitution de dossiers aussi incertains, que l’ancienne Critique, laquelle s’en tenait aux œuvres elles-mêmes et pour les juger et pour comprendre leurs auteurs ? […] Elle est par elle-même, et c’est elle qu’il faut regarder, approfondir, analyser, juger enfin, et d’abord et surtout dans sa qualité technique. […] Quand il venait en congé, c’est dans ce milieu que Louis Pasteur grandissait, dirigé par son père, dont on jugera la valeur morale par des phrases comme celle que je vais citer et qu’il adressait à son fils, alors âgé de vingt ans. […] Il l’est par réflexion, ayant justement appris, dans l’enquête si étendue à laquelle il a voué sa jeunesse, à juger ses émotions, à les coordonner, à les raisonner. […] « Il faut s’habituer, cher ami, à juger ceux qu’on admire et à voir, à suivre la vérité à travers les hommes… Être aussi tendre que ferme, dire à ses amis, sans les flatter, leur fait, et pourtant ne jamais juger les intentions, le fond des consciences, la bonne foi… » Il conclut, enfermant la leçon dans une image d’une poésie délicieuse : « Que ce grand malheur, le premier, mais non le dernier, hélas !

1868. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Aujourd’hui que nous jugeons les choses à distance et par les résultats dégagés, Molière nous semble beaucoup plus radicalement agressif contre la société de son temps qu’il ne crut l’être ; c’est un écueil dont nous devons nous garder en le jugeant. […] On le retrouve pourtant en défiance continuelle de ce côté ; il craint les boutiques de la galerie du Palais ; il préfère être jugé aux chandelles, au point de vue de la scène, sur la décision de la multitude. […] discret et lâché à propos l’avait fait juger capable. « Voyez, petit garçon, dit alors Molière à Baron enfant qui était là, voyez ce que fait le silence quand il est observé avec conduite. » Quant à la scène sérieuse, mélancolique, du jardin, entre Chapelle et Molière, que nous avons donnée, Grimarest la raconte à peu près dans les mêmes termes, mais il y fait figurer le physicien Rohault au lieu de Chapelle.

1869. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Hugo, « on jugerait bien plus sûrement un homme d’après ce qu’il rêve que d’après ce qu’il pense. […] C’est avec surprise et presque avec une sorte de stupeur que, dans certains vers où vous vous voyez tout d’un coup en présence de vous-même, vous reconnaissez vos sentiments les plus personnels, vos pensées les plus intimes : vous sentez vous échapper la propriété de ce que vous jugiez le plus vôtre. […] Hugo pour le juger.

1870. (1920) Action, n° 2, mars 1920

D’abord parce qu’ils l’aimèrent, ensuite parce qu’il ne faut pas juger ce grand poète sans imagination sur ses exclamations de café, sur ses « Sinistre ! […] De son ascendance ou de son éducation ou même de son hérédité chrétienne, il a gardé, malgré lui, ce goût de l’examen de conscience, et le besoin de juger certaines réalités (celles de l’amour) sous un critère (Les Paraboles cyniques, p. 219) qui n’est point Hellène, tout au plus Hellénistique et plutôt chrétien. […] Il est jugé comme un fumiste de lettres.

1871. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Comme les soldats d’Afrique, ces soldats du corps à corps, y auraient l’avantage sur les autres, et comme on jugerait vite la différence ! […] À n’en juger même qu’en moraliste et en philosophe, il est évident qu’ici le sacrement vint directement en aide et en réconfort à la vertu guerrière.

1872. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Pour revenir, est-ce aller trop loin que de croire de Nodier bibliographe, lexicographe et philologue, qu’après tout, l’élève du chevalier Croft garda toujours quelque chose de lui, et que même pour les doctes excentricités qu’il jugeait en souriant et que depuis il nous a peintes, il s’en inocula dès lors quelques-unes avec originalité ? […] A en juger par les fruits plus savoureux en avançant, il faut croire que la fatigue intérieure et trop réelle se trompe, s’élude, dans la production, par de certains charmes.

1873. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Il n’est pas rare d’en trouver jusqu’à dix dans un arrondissement qui pourrait à peine en faire vivre deux, s’ils se renfermaient dans les limites de leurs charges. » Aussi « sont-ils en même temps juges, procureurs, procureurs fiscaux, greffiers, notaires », chacun dans un lieu différent, chacun exerçant dans plusieurs seigneuries et sous divers titres, tous ambulants, tous s’entendant comme fripons en foire, et se réunissant au cabaret pour y instrumenter, plaider et juger. […] Beaumarchais, ayant acheté la charge de lieutenant général des chasses aux bailliages de la garenne du Louvre (douze à quinze lieues de rayon), jugeait à ce titre les délinquants.

1874. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Innocent VI était plus implacable ; il fit juger Rienzi par une commission de cardinaux qui le déclarèrent hérétique et rebelle. […] Si cela est arrivé d’Homère et de Virgile, jugés par des hommes lettrés et supérieurs, comment cela n’arriverait-il pas à votre poète florentin dans les tavernes et dans les places publiques ?

1875. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Le point d’optique de Paris était plus vrai que celui de Turin pour juger la marche du monde. […] C’était le premier grand homme que j’eusse encore approché de si près dans ma vie ; j’étais fier de l’entendre, et je me recueillais respectueusement pour me souvenir ; je ne prévoyais pas que j’aurais un jour à le juger comme philosophe et à rendre témoignage de ses petites faiblesses et de sa haute vertu.

1876. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

— Cela peut bien être, répondis-je au professeur ; mais alors, pour le juger, il faut attendre que nous ayons soixante ans. […] Nous avons joui ; attendons pour juger que nous ayons l’âge où l’on dit que l’amour et l’enthousiasme, ces deux huiles parfumées de la lampe de la vie, soient taris ou évaporés dans nos âmes.

1877. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Grandet avait pour lui l’autorité de la chose jugée. […] Je me fie à vous, venez voir ma femme toutes et quantes fois vous le jugerez convenable.

1878. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Jugez de mon désespoir. […] Alors, je pus connaître tout le dommage que je lui avais causé, car je l’aperçus qui s’employait de son mieux à nettoyer et lisser son nid ; mais, pour le moment, je ne jugeai pas à propos de pousser plus loin mes expériences.

1879. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Il jugeait, comme il avait tout jugé, trop légèrement, cette nouvelle phase de la révolution ; il voulait prendre les devants sur l’opinion, se faire craindre, peut-être apprécier ; il méditait un éclat de tribune, dont le retentissement rejaillirait sur son amie et ferait cesser les ménagements que le gouvernement avait encore pour elle.

1880. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Discours, pamphlets, brochures, articles de polémique éclosent avec une formidable abondance ; et, après ces ouvrages inspirés par les circonstances, animés par les passions du jour, adressés aux contemporains et peu soucieux de la postérité, il en apparaît bientôt d’autres plus médités, plus apaisés, plus froids en apparence, mais où il n’est pas difficile de retrouver le feu couvant sous la cendre ; j’entends les mémoires et les histoires qui prétendent transmettre à l’avenir et déjà juger les événements de la veille. […] Il faut d’abord qu’un régime soit fortement enraciné, et cela depuis une certaine durée, pour qu’on puisse juger avec équité les fleurs et les fruits qu’il peut porter.

1881. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Et, théoricien, Richard Wagner jugea, librement, sans peurs, sans soucis des opinions reçues, les artistes qui l’avaient précédé. — Qu’on lise donc les nombreux écrits de Wagner — les pages où il nie être révolutionnaire, ne voulant être que rénovateur, — les pages sur Bach, qu’a, justement, réunies M.  […] » Et Mozart jugeait ainsi Beethoven dans un temps, où lui-même, clairement, sentait s’épanouir et mûrir, enfin, son génie intérieur que la contrainte d’une misérable et pénible carrière musicale avait, jusque là, toujours entravé, dans la réalisation de ses tendances les plus originales… … Très tôt, au contraire, dès la jeunesse, Beethoven apporte au monde ce tempérament de résistance qui, durant toute sa vie, l’a maintenu, envers ce monde, dans une indépendance farouche.

1882. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

VI Ces considérations ne sont aucunement, on l’a jugé dès le début, une étude théorique sur l’art wagnérien ; j’ai négligé la suite méthodique et quelques entiers développements qu’eussent exigés une théorie ; encore ai-je voulu laissera l’écriture le ton d’une improvisation, avec les laisser-aller du style ici dans les familiarités du parler, là (quand m’y entraîne le sujet, et j’en demande pardon) dans les excessivités du lyrisme ; mes lecteurs m’excuseront — et peut-être me sauront gré — de n’avoir pas donné à ces trente-six pages les quatre ou cinq mois de labeur nécessaires à la correction de mes grammaticalités. […] Et la victoire fut que je m’étais fait critique musical ; la Renaissance musicale avait accueilli mon innocence avide de bien devenir, et hebdomadairement je jugeais des concerts où j’avais toujours assisté.

1883. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Le vieux Corneille, à qui il avait demandé des conseils en lui soumettant la tragédie d’Alexandre, lui avait répondu ce que nous lui aurions répondu nous-même aujourd’hui que nous jugeons de sang-froid et à distance la nature de son génie : « qu’il avait un admirable talent de poète épique, mais qu’il ne lui trouvait pas le nerf vibrant et concentré de la tragédie ». […] Jugez donc, mon cher neveu, dans quel état je puis être, puisque vous n’ignorez pas la tendresse que j’ai toujours eue pour vous, et que je n’ai jamais rien désiré, sinon que vous fussiez tout à Dieu dans quelque emploi honnête.

1884. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Si l’on jugeait à propos de reléguer la grammaire générale raisonnée après l’étude des grammaires et des langues particulières, ou du moins jusqu’au moment où les élèves posséderaient une langue étrangère ancienne ou moderne, avec laquelle ils pourraient comparer la syntaxe de la leur, je ne m’y opposerais pas ; la méthode qui remonte des faits particuliers aux premiers principes, est peut-être à préférer ici à la méthode qui descend des premiers principes aux cas particuliers. […] Soit dit sans blesser le dernier traducteur français de Lucrèce68, les meilleures traductions qu’on en a faites ne sont que des copies sans couleur, sans force et sans vie ; en parler sur ces ébauches, c’est juger Raphaël ou le Titien d’après une description.

1885. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Mais pour sentir combien le tout est faible, on n’a qu’à jetter l’œil sur un Vernet, ou plutôt cela n’est pas nécessaire ; ce n’est pas une de ces productions équivoques qu’on ne puisse juger que par un modèle de comparaison. […] Je n’y entends rien ; et il faut convenir que si la chose n’était pas faite, on la jugerait impossible.

1886. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

de nous avoir jugés dignes d’assister, aujourd’hui même, près de ton tabernacle, et de supplier la miséricorde pour nos péchés et pour les ignorances du peuple. […] Pour faire juger cette poésie, dont nous avons ailleurs, dans une intention plus générale, détaché quelques fragments, nous ne pouvons hésiter que sur le choix.

1887. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Sire Noble, le Lion, convoque tous les animaux en son palais pour juger du cas et pour prononcer sur la plainte qu’a portée par-devant lui Ysengrin ; c’est une cour plénière.

1888. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Mignet a l’esprit naturellement peu porté à la métaphysique ; il la jugeait viande creuse dans sa jeunesse, et aujourd’hui il l’accepte volontiers toute faite de la main de ses amis.

1889. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Et n’est-ce pas lui qui a dit quelque part : « Les auteurs vivants jugent mal les auteurs vivants ? 

1890. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Homme bon, entraînant, fragile, cœur tendre, esprit facile, talent naturel, langue excellente, plume intarissable, inventeur invraisemblable et hasardeux, qui sut être une fois, comme par miracle, le copiste inimitable de la passion, tel fut l’abbé Prévost, qu’il ne faut point juger, mais qu’on relit par son meilleur endroit et qu’on aime.

1891. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Le résultat continuel de l’effort de la critique appliquée à la littérature est d’étendre ainsi de plus en plus le domaine de l’homme instruit, et d’appeler chacun à profiter, et, jusqu’à un certain point, à juger par soi-même de ce qui avait été jusqu’alors la propriété des doctes et des hommes de cabinet.

1892. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Ce pourrait bien être de lui et de son exemple que Mme de Grammont était préoccupée en 1686, et Fénelon lui répondait : Ce qui me fâche le plus dans ces affaires malheureuses, c’est que le monde, qui n’est que trop accoutumé à juger mal des gens de bien, conclut qu’il n’y en a point sur la terre.

1893. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Ce n’était pas si mal juger, car il est évident, par les lettres et le peu d’écrits qu’on a d’elle, que la princesse n’avait tout son esprit qu’en conversation et en action, et non plume en main.

1894. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Le même Saint-Simon, qu’on va trouver attaché, acharné sans trêve à Dangeau comme pour le mortifier, et qui annotera d’un bout à l’autre son journal, a jugé ce journal d’une manière à la fois bien sévère et singulièrement favorable : Dangeau, dit-il, écrivait depuis plus de trente ans tous les soirs jusqu’aux plus fades nouvelles de la journée.

1895. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Quoi qu’il en soit, ce dilettante brillant et incrédule dut à quelque chose de fier et de hardi qu’il avait dans l’imagination, et qui tenait sans doute à ses origines méridionales, d’être le premier chez nous à parler dignement de Dante, et même de le juger très finement sur des beautés de détail et d’exécution qui semblaient être du ressort des seuls Italiens : Il faut surtout varier ses inversions, disait-il en pensant au travail imposé aux traducteurs ; le Dante dessine quelquefois l’attitude de ses personnages par la coupe de ses phrases ; il a des brusqueries de style qui produisent de grands effets ; et souvent, dans la peinture de ses supplices, il emploie une fatigue de mots qui rend merveilleusement celle des tourmentés. — Quand il est beau, disait-il encore, rien ne lui est comparable.

1896. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Mais à son heure, et encore jeune, il jugeait bien de toute cette littérature antérieure ; et c’est à lui que Balzac adressait, à une date qui doit être des premiers mois de 1640, cette lettre souvent citée où il lui disait : Mais est-ce tout de bon que vous parlez de Ronsard, et que vous le traitez de grand ?

1897. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

J’ai dit qu’en France, à en juger par l’histoire de notre société, les femmes d’un certain âge sont plus propres à ce genre de perfection que les hommes ou que les plus jeunes femmes : ces dernières en effet ont volontiers le travers d’épouser les modes jusque dans les choses de l’esprit, et de les porter d’abord à l’excès.

1898. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Villars est plein de verve et d’ardeur, il se dévore ; il conçoit à tous moments des plans, des possibilités d’entreprise là où d’autres jugent qu’il n’y a rien à faire.

1899. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Saint-Évremond l’a très bien jugé quand il a dit : Que peut-on penser sur le chapitre de M. de Bussy, que ce que tout le monde a déjà pensé ?

1900. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

J’aime à croire que non, car le fond de mon opinion est le même ; mais j’aime tout ce qui est de l’homme quand l’homme est distingué et supérieur ; je me laisse et me laisserai toujours prendre à la curiosité de la vie, et à ce chef-d’œuvre de la vie, — un grand et puissant esprit ; avant de la juger, je ne pense qu’à la comprendre et qu’à en jouir quand je suis en présence d’une haute et brillante personnalité.

1901. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

M. de Muralt est tout occupé de n’en pas être dupe, et de juger du fond.

1902. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Nous semblons mal venus de nous ingérer, fût-ce à la dernière heure, de juger des hommes qui ont été nos guides et nos maîtres, ou qui n’ont cessé de l’être que parce qu’à un certain jour nous nous sommes émancipés et séparés.

1903. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

honneur, avant tous, à Vauban, le guerrier patriote ; à Boisguilbert, le petit jugé de Rouen, si vanté de M. 

1904. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

On ne pouvait lui demander comme à un Quatremère de Quincy de marquer plus expressément les degrés de mérite de chaque artiste dans son ordre ; il était lui-même trop artiste et trop intéressé dans un art voisin, trop collatéral en quelque sorte pour cela ; il ne pouvait guère juger ses pareils et ses confrères que de côté et comme de profil : il était en train de le faire avec bien de l’esprit et de la grâce.

1905. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Il regrette de ne pas être mort avant, ou il souhaiterait d’être né après : la misérable race qui vit présentement est déjà jugée par Jupiter.

1906. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Un homme estimable et savant, qui a récemment travaillé sur les Évangiles, et qui n’a porté dans cet examen, quoi qu’on en ait dit, aucune idée maligne de négation, aucune arrière-pensée de destruction, qui les a étudiés de bonne foi, d’une manière que je n’ai pas qualité pour juger, mais certainement avec « une science amoureuse de la vérité », a qualifié heureusement en ces termes la mission et le caractère de Jésus, de la personne unique en qui s’est accomplie la conciliation la plus harmonieuse de l’humanité avec Dieu : « Celui qui a dit : Soyez parfaits comme Dieu, et qui l’a dit non pas comme le résultat abstrait d’une recherche métaphysique, mais comme l’expression pure et simple de son état intérieur, comme la leçon que donnent le soleil et la pluie : celui qui a parlé de la sainteté supérieure qu’il exigeait des siens comme d’un “fardeau doux et léger” ; celui qui, révélant à nos yeux une pureté sans tache, a dit que “par elle on voyait Dieu…”, celui qui, enfin, renonçant à la perspective du trône du monde, a senti qu’il y avait plus de bonheur à souffrir en faisant la volonté de Dieu qu’à jouir en s’en séparant… celui-là, c’est Jésus de Nazareth. » Lui seul, et pas un autre au monde42 !

1907. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

On peut juger si les soldats, déjà excités par Spendius, s’indignent à ce récit.

1908. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Elle était de taille moyenne, mais bien prise et d’une grande blancheur ; elle avait de très beaux yeux, les dents parfaitement belles, l’air noble et doux, un maintien simple, élégant et modeste ; son esprit, cultivé par la lecture des meilleurs auteurs, y avait puisé un discernement juste, et acquis la facilité de bien juger des hommes et des ouvrages de goût. » Alfieri, qui n’avait fait d’abord que traverser Rome et qui s’était livré ensuite à des courses errantes et comme haletantes dans le midi de l’Italie, n’y tint pas ; il revint, et lui, si altier, si fier, mais encore plus amoureux, il fit tant et si bien auprès du bon cardinal et de tout le Sacré Collège et de tous les monsignori du lieu, qu’il obtint à son tour la grâce d’habiter la même ville que son amie.

1909. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Luzel, et à en juger par ses traductions, on entrevoit qu’il a dû faire d’assez jolis chants que peuvent chanter, à la rigueur, les jours de Pardon, les paysans que nous a peints et repeints si souvent M. 

1910. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Ainsi en jugèrent tous les contemporains.

1911. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Pendant ces travaux où il faisait preuve d’habileté pratique et de connaissance des détails, il avait l’œil aux grands événements qui se déroulaient et qu’il considérait de haut et d’ensemble comme d’un belvédère, ou mieux encore comme du centre d’une fournaise ; car la Suisse, en ces années d’occupation et de déchirement, devenue un champ de bataille dans toute sa partie orientale, offrait «  l’aspect d’une mer enflammée. » Jomini y suivit de près les fluctuations de la lutte, les habiles manœuvres de Masséna pendant les sept mois d’activité de cette campagne couronnée par la victoire de Zurich, les efforts combinés de ses dignes compagnons d’armes, les Dessolle, les Soult, les Loison, les Lecourbe : ce dernier surtout « qui avait porté l’art de la guerre de montagne à un degré de perfection qu’on n’avait point atteint avant lui. » Mais, s’il estimait à leur valeur les opérations militaires, il ne jugeait pas moins les fautes politiques, et ce qu’il y avait de souverainement malhabile et coupable au Directoire à avoir voulu forcer la nature des choses, à avoir prétendu imposer par décret une unité factice à treize républiques fédérées, à s’être aliéné une nation amie, à avoir fait d’un pays neutre, et voué par sa configuration à la neutralité, une place d’armes, une base d’opérations agressives, une grande route ouverte aux invasions.

1912. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Parmi les nombreux essais que Millevoye a faits en presque tous les genres de poésie, il en est beaucoup que nous n’examinerons pas ; ce sera assez les juger.

1913. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Quand la démolition sera commencée, bien mieux, quand elle sera faite, ils ne jugeront pas plus juste.

1914. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

A chaque instant, il jugera l’action ou le personnage, et ce jugement sera un résumé ; une louange, un reproche, un mot de compassion, un sourire moqueur, sont des conclusions sous lesquelles se groupent toutes les parties d’une aventure.

1915. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Le préjugé de l’autorité fait moins échec à la raison chez les simples ignorants, qui jugent par la lumière naturelle.

1916. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Mais, sans prétendre juger les œuvres d’aujourd’hui comme fixes et complètes, nous pouvons nous en figurer assez nettement le caractère et la direction : d’autant que, par une heureuse rencontre, nous sommes évidemment placés à un point de partage, ou, si l’on veut, à un tournant de la littérature.

1917. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Vous jugez bien qu’on ne fabrique pas ces pensées-là avec des procédés et des formules.

1918. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Toutes les fois qu’il parle d’une œuvre sur laquelle son sentiment ne m’est pas connu d’avance, j’ai cette impression, s’il l’exalte, qu’il aurait aussi bien pu la mépriser, et s’il la trouve médiocre, qu’il aurait aussi bien pu la juger admirable.

1919. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

La bourgeoisie a pu les juger ainsi — et par surcroît les découvrir incapables de produire, car ils ne produisent rien.

1920. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Attachez-vous aux procès par écrit et multipliez si adroitement les incidents et la procédure qu’une affaire blanchisse dans votre étude avant que d’être jugée.

1921. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

faut seulement distinguer, parmi ces vérités, celles qui sont d’une pratique constante et universelle, de celles dont l’application est plus particulière à certaines sociétés ; les vérités qui nous servent d’armes offensives et défensives dans la conduite de la vie, de celles qui demeurent au fond de notre intelligence à l’état de notions spéculatives, et qui nous aident à juger les hommes et les choses.

1922. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Charles Maurras, soucieux de restaurer le règne de l’Intelligence, y luttait contre les empiètements de la sensibilité brouillonne et, à rebours des esthètes névropathes, nous invitait à ne pas réduire le monde à soft décor et à ne pas juger des choses, en dernier ressort, sur l’unique témoignage des sens.

1923. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Cette doctrine qui porte, en Angleterre, le nom générique de « Psychologie de l’Association » (Association-Psychology), dans James Mill n’en est encore qu’à son début ; mais appuyée sur les travaux antérieurs de Hume et de Hartley, elle se présente déjà chez lui sous une forme nette et arrêtée, comme on en va juger.

1924. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Ponocrates commence par essayer son écolier ; il emploie à l’avance la méthode de Montaigne, qui veut qu’on fasse d’abord trotter le jeune esprit devant soi pour juger de son train.

1925. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Ayant fait choix de son jeune Scythe voyageur pour le faire parler et juger de la Grèce vers le temps d’Épaminondas et de Philippe, il s’est donné beaucoup de peine pour introduire l’examen de certaines questions que la vue de la Grèce, à cette date, ne soulevait pas, pour en éluder et en écarter adroitement certaines autres, et pour atteindre à une sorte de vraisemblance froide dont on ne lui sait aujourd’hui aucun gré.

1926. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Le snob est sincère, et s’il s’inquiète de fournir aux autres hommes des prétextes de le juger favorablement, c’est afin que leur illusion vienne au secours de la sienne : c’est lui qu’il supplie qu’on trompe.

1927. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Hennequin, dans cette petite histoire de la psychologie, maintient la pertinence des deux approches antagonistes, alors que le devenir scientifique de la psychologie, à partir des années 1870, tend à éclipser la méthode introspective, jugée bien trop métaphysique.

1928. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Par un choc en retour imprévu mais légitime, de même que les spectacles communément tenus pour beaux déplaisent au mélancolique, les spectacles jugés laids par les gens à tempérament heureux doivent confirmer l’état d’âme où il se complaît, le dispenser de toute négation et de toute révolte, évoquer sa tristesse et la laisser s’épancher.

1929. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Je ne me souviens que d’une seule composition purement allegorique qui puisse être citée comme un modele, et que le Poussin et Raphael voulussent avoir faite, à juger de leur sentiment par leurs ouvrages.

1930. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Ils avaient même jugé indispensable de fonder un journal rien que pour l’anéantir.

1931. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Carthage succombe, parce que sans doute la Providence jugea plus convenable de confier les destinées sociales aux vertus guerrières.

1932. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Sa façon de juger la nature ne nous est pas indifférente, mais elle ne nous importe que secondairement.

1933. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Il ne suffit pas de juger en dernier ressort sans vouloir prendre part aux débats ; mais il convient de se pénétrer à fond des systèmes qui militent entre eux.

1934. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Le public compta les piqûres et jugea que la province littéraire disputée était assez grande pour recevoir deux habitants.

1935. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Cela n’empêche pas qu’en vous lisant et en me reportant à mes souvenirs, je ne me sois fait quelques objections çà et là sur la mesure exacte selon laquelle vous jugez certains hommes. […] Mais lorsque l’horizon se fut éclairci, et qu’on put commencer à juger de l’état des lieux, on vit un monde nouveau s’élever au-dessus des ruines ; la société s’y reconstitua peu à peu, et le courant de l’intelligence, purifié, put reprendre sa marche vers l’avenir. […] Je l’ai cru longtemps moi-même sur la foi de l’auteur, avant d’avoir pu en juger par ma propre expérience. […] Il exprime, en effet, plus que toute autre cet esprit, vif, railleur, entreprenant, aimant l’action, et par-dessus tout grand parleur, peritus dicendi, qui est, ainsi qu’en jugeait déjà César, l’esprit national de la race gauloise. […] Les règles semblent leur être indispensables, et ils jugent bien plus fort un homme de talent qui s’y soumet avec grâce, qu’un homme de génie qui les rejette.

1936. (1927) Approximations. Deuxième série

Je vous laisse le soin d’en juger, et tout jugement me sera bon qui ne vous induira point à douter de la profondeur et de la fidélité de mon attachement. […] Oui, Adolphe, vous m’approuvez et jugez cela plus honnête. […] C’est précisément parce qu’il ne peut pas juger qu’après avoir temporisé, le Duc précipite le jugement. […] La retenue n’a peut-être tout son prix que dans ses abandons, — que hante alors une profondeur. « Ce que Mary lui reprochait surtout, c’était sa complète indifférence à ce que tous les autres hommes jugent désirable et digne d’efforts. […] À travers tout le recueil d’Études — ce livre dont il est si beau, si conforme à lui-même qu’il l’ait plus tard sévèrement jugé, — chef-d’œuvre où la ferveur ne fait qu’un avec la perspicacité, — serpente ce murmure de « diaphane litanie ».

1937. (1923) Nouvelles études et autres figures

Persès les corrompit et ils jugèrent la cause selon ses désirs. […] L’Église même jugeait que ces descriptions n’intéressaient point la foi. […] Les Visiteurs ne ressemblaient pas à nos inspecteurs qui, chaque année, jugent en une heure du passé, du présent et de l’avenir d’une classe et de son maître. […] Sainte-Beuve oublia, pour juger Dominique, l’insuccès de Volupté. […] Les contemporains n’en jugèrent pas ainsi.

1938. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

À ce moment, l’esprit est devenu capable de se juger, et il se juge. […] Ne le jugez pas par la grotesque peinture que Walter Scott en a faite ; son sir Percy Shafton n’est qu’un pédant, un copiste froid et terne ; et c’est la chaleur, l’originalité qui donnent à ce langage un tour vrai et un accent ; il faut se l’imaginer non pas mort et inerte, tel que nous l’avons aujourd’hui dans les vieux livres, mais voltigeant sur les lèvres des dames et des jeunes seigneurs en pourpoint brodé de perles, vivifié par leur voix vibrante, leurs rires, l’éclair de leurs yeux, et le geste des mains qui jouaient avec la coquille de l’épée ou tortillaient le manteau de satin. […] Jugez quelle poésie en doit sortir, combien supérieure aux choses, combien affranchie de l’imitation littérale, combien éprise de la beauté idéale, combien capable de se bâtir un monde hors de notre triste monde ; en effet, entre tous ces poëmes, il y en a un véritablement divin, si divin que les raisonneurs des âges suivants l’ont trouvé ennuyeux, qu’aujourd’hui encore c’est à peine si quelques-uns l’entendent, la reine des fées de Spenser. […] Remarquez que le sage Malherbe a écrit des énormités presque semblables dans les larmes de saint Pierre, que les faiseurs de sonnets en Italie et en Espagne atteignent en ce moment le même degré de démence, et vous jugerez qu’en ce moment par toute l’Europe il y a un âge poétique qui finit. […] Sidney, Wilson, Asham et Puttenham ont cherché les règles du style ; Hackluit et Purchas ont rassemblé l’encyclopédie des voyages et la description de tous les pays ; Holinshed, Speed, Raleigh, Stowe, Knolles, Daniel, Thomas More, lord Herbert fondent l’histoire ; Camden, Spelman, Cotton, Usher et Selden instituent l’érudition ; une légion de travailleurs patients, de collectionneurs obscurs, de pionniers littéraires amassent, rangent et trient les documents que sir Robert Cotton et sir Thomas Bodley emmagasinent dans leurs bibliothèques, tandis que des utopistes, des moralistes, des peintres de mœurs, Thomas More, Joseph Hall, John Earle, Owen Felltham, Burton, décrivent et jugent les caractères de la vie, poussent leur file par Fuller, sir Thomas Browne et Isaac Walton, jusqu’au milieu du siècle suivant, et s’accroissent encore des controversistes et des politiques qui, avec Hooker, Taylor, Chillingworth, Algernon Sidney, Harrington, étudient la religion, la société, l’Église et l’État.

1939. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Seulement, autant qu’on en peut juger, l’invention est moindre dans le domaine de la perception que dans celui des sentiments et des idées. […] Mon excuse est que, plus heureux que moi, ils ont presque tous des principes politiques et s’en servent pour juger le passé. […] Binet et Passy, le « procédé de travail, autant que nous avons pu en juger, conserve toujours la même nature psychologique, c’est le raisonnement ; et quelque étonné qu’on puisse être de trouver un pareil mot en un pareil endroit, il est bien certain que c’est avec du raisonnement que M.  […] Cette opération est généralement inconsciente, précisément à cause de la supériorité de l’organisation ; la conscience qui ne naît guère, autant qu’on en peut juger, qu’à un certain degré de l’organisation, et se développe quelque temps avec elle, décroit ensuite et finit par disparaître si cette organisation continue à progresser. […] Rachel, dans Médée, devait être touchante même dans le meurtre de ses enfants, elle jugeait ne plus pouvoir l’être si la première scène était conservée.

1940. (1914) Une année de critique

Émile Faguet demeurait dans son poêle, fidèle à une tradition qu’il est permis de ne pas juger absurde, et qui veut que le rôle d’un écrivain soit d’abord d’écrire. […] Tout au plus est-il permis de juger que leur style manque de quelques-unes de ces grâces auxquelles nous avons accoutumé d’attacher peut-être trop de prix. […] Des esprits superficiels, qui jugent le « moi » romantique, parce que le « moi » a été dit haïssable, et que tout ce qui est haïssable leur semble romantique, pourront seuls faire grief de cette tendance aux deux écrivains. […] Lucien Corpechot, et considérer en Louis XIV une sorte de possédé de l’idée de perfection, un ministre de l’intelligence en lutte contre les forces inconscientes, pour ne point juger folle prodigalité et caprice coupable, le dessein royal de faire naître une forêt sur le sol le plus ingrat. […] Aussi lui semble-t-il insupportable d’exister sans juger à toute minute son existence.

1941. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

— « Jugez vous-même », répondit Moréas ; « je vous dirai le dernier poème que j’ai fait, il a pour titre le Retour. […] Et si le monde se permettait d’avoir son opinion sur le faune, le faune, lui, se croyait justifier à juger le monde. […] Mais le jour viendra, — il est déjà venu, je crois, — où on jugera plus équitablement les personnes qui furent mêlées à ce mouvement. […] Qui donc jugerait de la valeur d’un terrain sans avoir pénétré jusqu’à l’argile rouge et dure du sous-sol ? […] Et l’on fera toujours bien de juger un peuple sur ses véritables représentants.

1942. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Quand on veut juger un écrivain, deux choses sont également mauvaises : ne pas connaître l’homme du tout, et le trop connaître. […] … Car on voit, dans cette époque de peu de raison, beaucoup de gens qui se vantent de juger avec leurs nerfs : ce qui revient à penser avec son cœur et à sentir avec son esprit. […] — Daignez m’écouter et vous en jugerez autrement. […] « Si l’on examinait avec soin, dit Chamfort, l’assemblage de qualités rares de l’esprit et de l’âme qu’il faut pour juger, sentir et apprécier les bons vers, le tact, la délicatesse des organes, de l’oreille et de l’intelligence, etc., on se convaincrait que, malgré les prétentions de toutes les classes de la société à juger les ouvrages d’agrément, les poètes ont dans le fait encore moins de vrais juges que les géomètres. […] ———— Victor Hugo s’était préparé d’abord à l’École polytechnique : on doit toujours s’en souvenir lorsqu’on le veut juger.

1943. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

On doit aussi, non pour le juger, mais pour le comprendre, tenir compte de cette époque où il eut son adolescence. […] Elle ne consentait pas non plus à écrire, suivant le conseil de Chénier, sur ses pensers qu’elle jugeait nouveaux, des vers antiques. […] Les contraintes gênantes sont exactement celles qu’on n’a point examinées, jugées inévitables et acceptées : il n’est de liberté que dans la servitude consentie. […] Pour le juger, ce poète, nous devons le considérer dans son temps ; pour le juger, et pour le comprendre. […] Le romancier qui s’est promis de juger son temps et d’en signaler les tares et, le diagnostic établi, de formuler le remède, celui-là peut craindre que l’analyse le laisse dépourvu.

1944. (1886) Le naturalisme

Je crois qu’il est à cette heure difficile de juger ces moules. […] Aujourd’hui nous pouvons juger avec sérénité l’illustre androgyne, parce que, quoique nous soyons presque ses contemporains, nous n’avons pas assisté à la période militante de ses œuvres. […] Zola convient que son style, loin de posséder cette simplicité et cette pureté qui rapprochent, en quelque sorte, la nature de l’esprit et l’objet du sujet, cette sobriété qui exprime chaque idée par les mots strictement nécessaires et propres, est surchargé d’adjectifs, panaché, enrubanné et bariolé à l’infini, si bien que l’avenir le jugera peut-être de qualité inférieure. […] XV L’Espagne. — Le mouvement de 1808. — Les Walter-Scottiens. — La Avellaneda. — Fernan Caballero. — La transition : Alarcon. — Valera. — Comment on a jugé Valera en France. […] Ses épousailles avec le réalisme le préserveront de la tentation de se faire dans ses romans le champion de la libre pensée, du système constitutionnel, choses que je ne prétends pas juger ici, mais qui, dans les admirables livres de Galdos, sont trop la raison d’être de ses livres.

1945. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Esprit des lois, XXIV, ch. 1] : « Comme on peut juger parmi les ténèbres celles qui sont les moins épaisses… ainsi l’on peut chercher entre les religions fausses celles qui sont les plus conformes au bien de la société. » Et si nous voulons aller jusqu’au bout de sa pensée, quel reproche — en s’enveloppant, pour le lui faire, de précautions infinies — voyons-nous qu’il adresse à la « vraie religion » ? […] Brockerhoff, Jean-Jacques Rousseau, sein Leben und seine Werke, Leipzig, 1863-1874 ; — Jean-Jacques Rousseau jugé par les Genevois d’aujourd’hui, Paris et Genève, 1878 ; — H.  […] Lucien Brunet, La Nouvelle Héloïse et Mme d’Houdetot, Paris, 1888]. — L’imitation de Clarisse Harlowe ; — et des romans de Marivaux. — L’intention morale ; — et que, pour en juger équitablement, il ne faut que se reporter aux polissonneries du jeune Crébillon. — La nouveauté du milieu dans la Nouvelle Héloïse ;  : — et que son premier mérite en son temps était de ne pas être un « roman parisien » [Cf. les romans de Crébillon, de Duclos, et de Marivaux]. — Les personnages y sont non seulement bourgeois, mais provinciaux ; — sans que d’ailleurs leurs aventures en soient pour cela moins tragiques. — Les événements y sont intérieurs aux personnages au lieu de leur être extérieurs [Cf. les romans de Prévost et ceux de Le Sage]. — D’un autre côté le roman, considéré jusqu’alors comme un genre inférieur, — y est traité comme aussi capable que la tragédie même de porter la pensée ; — et, à ce propos, de l’abus des digressions dans La Nouvelle Héloïse. — Enfin la nature y tient moins de place que l’homme ; — mais pourtant plus de place qu’elle n’avait accoutumé d’occuper dans l’art ; — et, si la langue n’en est pas absolument nouvelle, elle diffère cependant beaucoup de la langue du temps ; — par la chaleur du mouvement qui l’anime ; — par la manière dont l’écrivain s’y mêle de sa personne ; — et enfin pour son accent, non seulement oratoire ; — mais lyrique. — Opinion mélangée des critiques sur La Nouvelle Héloïse [Cf.  […] I ; Marc Monnier, Jean-Jacques Rousseau jugé par les Genevois ; et J.  […] 2º Le Philosophe ; — et que peut-être ne l’a-t-on pas encore impartialement jugé ; — si de tous les encyclopédistes, — et même de tous les Girondins, avec lesquels il fut proscrit, — Condorcet est presque le seul qui n’ait pas profilé d’une espèce d’amnistie qu’on accorde : — aux premiers, pour les « persécutions » dont ils n’ont pas d’ailleurs été l’objet [Cf., ci-dessus, les articles relatifs à l’entreprise de l’Encyclopédie] ; — et aux seconds pour n’avoir pas eu le temps de se montrer tels qu’ils étaient [Cf. 

1946. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Ce n’est point à la critique littéraire qu’il appartient de le juger. […] Aussi, à le juger seulement par les œuvres qu’il a données en France, on peut le définir hardiment le système qui reproduit de la réalité ce qui relève le plus directement de la sensation, c’est-à-dire le côté extérieur et matériel des hommes et des choses. […] Quand elle voulut s’affirmer par la destruction, les papes la condamnèrent comme une hérésie, et l’art fut ranimé par l’Église, qui jugea, non sans raison, qu’elle perdrait plus à le répudier qu’à s’en servir. […] Toutefois, nous ne saurions parler, même par allusion, des immoralités, des gravelures, des turpitudes qui déshonorent beaucoup de ces fabliaux ; ils s’analysent, il est vrai, plus malaisément qu’ils ne se jugent : car, pour les juger, un mot suffit : la plaisanterie n’y a jamais assez bonne grâce pour en rendre moins répugnante la trivialité grossière. […] Ils ont jugé nécessaire de maintenir des catégories parmi les faits et des classes parmi les hommes.

1947. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Il se faisait trouvère lui-même pour mieux juger les trouvères. […]  » — « Eh bien, la chose est jugée.

1948. (1929) Dialogues critiques

Brunetière jugeait La Chartreuse de Parme illisible. […] Pierre Miomandre prétend que les caillettes, qui raffolaient des intellectuels au temps d’Anatole France, les jugent assommants et n’apprécient plus aujourd’hui que les sportsmen, surtout les aviateurs.

1949. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Si la connaissance vaste et la science profonde du théâtre comique nous suggère une idée telle du comique parfait, qu’elle puisse nous servir de criterium unique et absolu pour juger et pour classer toutes les œuvres, cette idée, quelles que soient les conditions empiriques de sa formation, renferme une part d’a priori, j’entends le principe même de nos jugements et de notre classification. […] En lisant un drame comique ou tragique, elle ne consulte pas ce qu’il devait être et l’idée d’après laquelle les philosophes le jugeront, mais ce qu’il est et l’impression qu’elle en reçoit.

1950. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

. — Pour exécuter les vôtres, a reparti M. le comte d’Artois, il faut que vous me permettiez d’aller jusqu’à ma voiture. » Il revient avec une épée, le combat commence ; au bout d’un temps, on les sépare, les témoins jugent que l’honneur est satisfait. « Ce n’est pas à moi d’avoir un avis, a repris M. le comte d’Artois ; c’est à M. le duc de Bourbon de dire ce qu’il veut ; je suis ici pour recevoir ses ordres. —  « Monsieur », a répliqué M. le duc de Bourbon en adressant la parole à M. le comte d’Artois et en baissant la pointe de son épée, « je suis pénétré de reconnaissance de vos bontés, et je n’oublierai jamais l’honneur que vous m’avez fait. » Se peut-il un plus juste et plus fin sentiment des rangs, des positions, des circonstances, et peut-on entourer un duel de plus de grâces   Il n’y a pas de situation épineuse qui ne soit sauvée par la politesse. […] Le comte de Clermont tient les rôles « à manteaux sérieux » ; le duc d’Orléans représente avec rondeur et naturel les paysans et les financiers ; M. de Miromesnil, garde des sceaux, est le Scapin le plus fin et le plus délié ; M. de Vaudreuil semble un rival de Molé ; le comte de Pons joue le Misanthrope avec une perfection rare292. « Plus de dix de nos femmes du grand monde, écrit le prince de Ligne, jouent et chantent mieux que tout ce que j’ai vu de mieux sur tous nos théâtres. » — Par leur talent, jugez de leurs études, de leur assiduité et de leur zèle ; il est évident que, pour beaucoup d’entre eux, cette occupation était la principale.

1951. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Son imagination seule s’était échauffée en le composant ; son cœur était resté tiède et dans ce parfait équilibre qui permet à l’écrivain de juger son ouvrage. […] Plus tard il se séparait en deux parts en écrivant ses poèmes et ses romans ; l’une de ces deux parts regardait penser et écrire l’autre, afin de pouvoir la diriger et la juger.

1952. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Et maintenant relisons, si vous voulez, une troisième fois ensemble ; je vais feuilleter page à page ce divin poème épique du cœur de la Chloé moderne avec vous ; vous jugerez si le charme qui m’a saisi à cette lecture vient de mon imagination ou du génie de ce jeune Provençal. […] Les fils poétiques sont si délicats et si indissolublement ajustés dans la trame qu’en enlever un c’est faire écheveler la trame entière ; citons-en plutôt quelques passages au hasard, et par induction jugez de l’ensemble du chant.

1953. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

L’avenir jugera ce procédé diplomatique dont Machiavel lui-même eût été étonné : un ambassadeur s’immisçant, à l’abri du droit des gens, dans les affaires du prince auprès de qui il représente l’alliance et l’amitié de son maître ; et cet ambassadeur remplaçant, le soir même de la révolution, le souverain qu’il a éconduit du trône, du palais et du pays ! […] Une commission militaire jugea rigoureusement les officiers coupables ; le roi Victor-Emmanuel confirma son abdication ; son frère, le duc de Génevois, devenu roi sous le nom de Charles-Félix, régna appuyé sur l’Autriche, plein de défiance contre le prince de Carignan son neveu, dont l’ingratitude ou la légèreté avait profondément aigri son âme ; il voyait en lui le premier conspirateur du royaume.

1954. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

« “Quand tu jugeras que nous les aurons atteints, alors dirige-toi vers la ville, et demande la demeure de mon père, le magnanime Alcinoüs. […] » Jugez-en vous-mêmes, âmes tendres, pour qui nulle tendresse de l’âme n’est perdue, quelle que soit la chose qui vous aime.

1955. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Par la même raison, s’il se décidait pour le bien, on avait imaginé de le récompenser, non en payement d’un devoir rempli, mais pour le porter à l’habitude de bien faire par l’appât d’une rémunération ; car il est si faible, et le bien si difficile, qu’on jugeait nécessaire d’appeler l’intérêt à l’aide du devoir. […] Dans aucun autre pourtant il n’a déployé plus de séductions pour nous faire sentir avec son humeur, voir avec ses yeux, juger avec ses préventions, et dans aucun autre son éloquence n’est plus pure de déclamation.

1956. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Les énormes fautes de critique que l’on commet d’ordinaire en appréciant les œuvres des premiers âges viennent de l’ignorance de ce principe et de l’habitude où l’on est de juger tous les âges de l’esprit humain sur la même mesure. […] Le défaut de la critique des supernaturalistes est en effet de juger toutes les époques de l’esprit humain sur la même mesure.

1957. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

La cause était jugée, la guerre serait heureuse, puisque les dieux la voulaient : elle fut aussitôt résolue. […] Quelques Thespiens furent seuls jugés dignes de rester et de mourir dans leurs rangs.

1958. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Pour qu’il y ait conscience, le sujet et l’objet doivent se différencier ; en même temps, cette différenciation ne doit pas exclure une certaine unité, sans quoi le sujet ne pourrait rien juger de l’objet : le propre du jugement, c’est la différenciation aboutissant à l’union. […] L’enfant ne peut juger que d’après soi ; il est inévitable qu’il attribue aux objets quelque chose d’analogue à lui-même et, en particulier, à sa pensée lorsqu’elle fonctionne, c’est-à-dire lorsqu’elle raisonne.

1959. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Voilà un problème bien délicat pour nous, qui vivons justement dans le présent et qui le voyons de trop près pour le bien juger. […] En définitive, c’est la dissolution vitale qui est le caractère commun de la décadence dans la société et dans l’art : la littérature des décadents, comme celle des déséquilibres, a pour caractéristique la prédominance des instincts qui tendent à dissoudre la société même, et c’est au nom des lois de la vie individuelle ou collective qu’on a le droit de la juger.

1960. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Vous jugerez après si j’étais dans les conditions voulues pour soulever, garantir et médiatiser l’Italie, à moi tout seul. […] Je suis l’instrument, bon ou mauvais, qui a reçu le premier souffle du siècle à travers ses cordes, et qui rend le son juste ou faux, mais sincère, et qui le rend, non pour que les autres s’accordent à sa note, mais pour qu’ils la jugent et la rectifient s’ils ont un autre diapason dans leur âme.

1961. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Il est glorieux sans doute pour l’Italie comme pour l’Angleterre que les deux plus grands prosateurs français de ce siècle n’aient pas jugé au-dessous de leur talent de copier ces deux modèles étrangers et d’écrire leurs noms sur les piédestaux éternels de Milton et de Dante ; mais le système de traduction qu’ils ont adopté l’un et l’autre est, selon nous, un faux système, un jeu de plume plutôt qu’une fidélité de traducteur. […] Il jugeait les peuples et les chefs des peuples ; il était à la place de celui qui un jour cessera d’être patient, puisant à son gré au trésor des récompenses et des peines.

1962. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Le prince de Ligne qui, malgré ses alliances d’esprit avec le xviiie  siècle, n’hésita pas un instant dans son antipathie contre la Révolution, fut des premiers à bien juger du grand mouvement nouveau, de sa portée et de ses conséquences dans l’avenir.

1963. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Il ne m’appartient pas de faire le rigoriste, ni de m’inscrire contre cette magie de l’expression et de la parole qui faisait que Voltaire ici ne se formalisait pas du fond : pourtant, Massillon n’est-il pas un peu jugé par ce goût même si déclaré que Voltaire avait pour lui, et par cette faveur singulière dont il jouissait de ne pas déplaire à l’adversaire ?

1964. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Il n’était pas tout à fait d’accord avec Roederer sur Anne de Bretagne et en particulier sur Louis XII, qu’il jugeait moins favorablement.

1965. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

festin étrange selon le siècle, mais que Jésus a jugé digne de son goût !

1966. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Revenu après cet orage à ses loisirs de Reims, Maucroix, comme le pigeon voyageur rentré au nid, se promit bien de s’y tenir coi et ne plus quitter ses amis ni ses compères : Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines.

1967. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

… » Mais c’est la réponse de l’Amiral qui est belle de tristesse, de prévoyance et de prophétie ; tout un abrégé de sa destinée tragique s’y dessine ; il répond : « Puisque je n’ai rien profité par mes raisonnements de ce soir sur la vanité des émeutes populaires, la douteuse entrée dans un parti non formé, les difficiles commencements (et il revient ici à l’énumération des obstacles)… ; — puisque tant de forces du côté des ennemis, tant de faiblesse du nôtre ne vous peuvent arrêter, mettez la main sur votre sein, sondez à bon escient votre constance, si elle pourra digérer les déroutes générales, les opprobres de vos ennemis et ceux de vos partisans, les reproches que font ordinairement les peuples quand ils jugent les causes par les mauvais succès, les trahisons des vôtres, la fuite, l’exil en pays étrange… ; votre honte, votre nudité, votre faim, et qui est plus dur, celle de vos enfants.

1968. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Bien neuf à toute intrigue, bien peu instruit des manœuvres qui devaient incessamment éclater, je l’étais encore moins de la part qu’on lui en a attribuée : j’avais admiré, quand il passa avec la minorité de son ordre, et sa popularité qui trouvait la nation dans les Communes, et son zèle pour la chose publique qui le portait à la réunion ; je voyais alors en lui le premier de la noblesse des États, et je le jugeai le plus propre à m’éclairer et à me dire jusqu’à quel point je pouvais soutenir les droits contre les prétentions.

1969. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Louis XIV, à cette époque, et dût sa santé ensuite se rétablir, est donc entré décidément dans cette seconde et dernière moitié de la vie, et il ne serait pas juste de prétendre juger uniquement par là de ce qu’il a pu être dans la première.

1970. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Sapey, dans un Essai sur la vie et les ouvrages de Guillaume du Vair, publié en 1847, a relevé ces imitations ou plutôt ces copies qu’a faites Charron de certaines pages de du Vair, et pour qu’on en pût mieux juger, il a rangé les unes et les autres sur deux colonnes parallèles, par exemple : du Vair Philosophie morale des Stoïques.

1971. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Mais je me fie que les simples et débonnaires, et les Éthériens et sublimes en jugeront équitablement… Il a l’air ici de vouloir s’appuyer sur le double assentiment des sages et des simples, et de ne faire bon marché que de l’entre-deux ; mais cela est dit pour la forme, et il se soucie très peu des simples et du peuple.

1972. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Et il touche un coin de défaut de la comtesse, qui nous est également attesté par les contemporains : si elle était capable d’affaires et de dévouement utile, elle l’était aussi de rancunes et d’intrigues ; elle en voulait à ceux des serviteurs de Henri qu’elle jugeait opposés à elle et à son influence, à Castille, à d’Aubigné : Faites, pour Dieu !

1973. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Un hasard lui a fait connaître Bovary qui, à défaut d’autre médecin, l’a guéri un jour d’un abcès à la bouche ; le marquis, en venant à Tostes, a entrevu une fois Mme Bovary, et d’un coup d’œil l’a jugée assez comme il faut pour être invitée au bal.

1974. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Sans doute elle renferme beaucoup de mal, mais le mal y est moins mauvais qu’ailleurs, et c’est beaucoup. » — « Vous jugez la France trop défavorablement, dit-il encore ; sans doute les âmes y sont, comme partout, affaiblies par l’égoïsme, mais infiniment moins que vous ne pourriez le croire.

1975. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Depuis que Fléchier avait inauguré ce genre de compliment et de remerciement public en 1673, vingt ans s’étaient écoulés ; le genre avait eu le temps de s’user déjà : La Bruyère se proposa pour difficulté de le renouveler, et il y réussit à tel point, il fit tant de bruit et d’éclat par la nouveauté de sa manière, qu’on a prétendu que c’est de ce jour et à cause de lui que l’Académie, toujours prudente et en garde contre l’extraordinaire, jugea à propos de soumettre préalablement le discours du récipiendaire à une commission.

1976. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Les Lettres dont on vient de publier deux volumes promettaient, à en juger d’après les extraits donnés par M. de Falloux dans la Vie de Mme Swetchine, d’être la partie la plus intéressante de ses œuvres.

1977. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

La première camarera-mayor, la duchesse de Terranova, lui a tellement imprimé dans l’esprit l’aversion pour tout ce qui a nom et apparence de français, elle a tellement cherché et réussi à le rendre jaloux du moindre Français qui paraît devant les fenêtres de la reine, qu’un jour qu’un misérable fou s’était présenté à la portière du carrosse de cette princesse pour en recevoir l’aumône, « le roi en parut tellement ému, qu’à en juger par ce qu’il dit, il semblait que, si ce n’eût été dans le palais, il l’aurait peut-être fait assommer.

1978. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

On en jugera par la scène du bain de Léda et par les jeux, si habilement exprimés, auxquels se livrent ses compagnes en nageant près d’elle : LEDA.

1979. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Même au plus fort de sa puissance, de l’usage exorbitant qu’il en faisait et qu’il proclamait nécessaire, il avait toujours dit que dans cinquante, ou soixante ans on pourrait gouverner autrement, mais que le temps n’était pas venu : jugea-t-il que ce temps, beaucoup plus rapproché qu’il ne l’avait pensé d’abord, était venu en 1815 ?

1980. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Il lui semble que cette aberration laborieuse de l’esprit humain, qu’on a pu comparer à un cauchemar pesant, a été fructueuse et féconde : « Le sentiment de l’infini a été, pense-t-il, la grande acquisition faite par l’humanité durant ce sommeil apparent de mille années. » Il lui est arrivé, à certains jours, en même temps qu’il jugeait sans grande estime ce que nous appelons notre ère immortelle de 89, et où il ne voyait, en haine des badauds, qu’un fait purement français de vulgarisation égalitaire, de regretter, tout à l’opposite, je ne sais quelle époque du haut Moyen-Âge où, derrière les mille entraves et sous leur abri peut-être, l’intelligence des forts s’exerçait et se développait avec plus de vigueur et d’élévation solitaire.

1981. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Ami du poète novateur Le Brun, célébré et magnifiquement pleuré par lui, par ce futur ami d’André Chénier, le jeune Racine, de qui son père jugeait un peu sévèrement tant qu’il vécut, disant de lui, comme d’un jeune présomptueux, « qu’il voudrait tout savoir et ne rien étudier », était-il d’étoffe à être un poète novateur aussi, à oser dans le sens moderne, à désoler, puis à enorgueillir ce père redevenu et resté tant soit peu bourgeois, à l’étonner par un classicisme repris de plus haut ou par un romantisme anticipé, à être un peu plus tôt, et à la face de Voltaire vieillissant, quelque chose de ce qu’André Chénier, a été plus tard ?

1982. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Laissant donc le mystère inédit dont on ne peut juger sur parole, je m’en tiens à celui que j’ai sous les yeux, imprimé, et qui a pour sujet la Passion de Notre-Seigneur.

1983. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

mais, peu à peu, le retour de ces mélodies monotones vous pénètre et vous imprègne en quelque sorte, et pour peu que des souvenirs personnels un peu tristes s’y ajoutent, vous vous sentirez pleurer sans songer seulement à juger, à apprécier ou à apprendre les airs que vous entendez.

1984. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Dans les discours familiers que le sieur de Verjus pourra avoir avec les députés bien intentionnés de la Diète, Sa Majesté a jugé avec beaucoup de raison qu’il serait bon qu’en même temps que ledit sieur de Verjus s’expliquerait avec la hauteur et la fermeté nécessaires pour faire connaître au corps de la Diète qu’elle n’est pas pour rien changer aux ordres qu’elle a donnés, il fut en état de faire connaître que Sa Majesté garde toute la modération et toute la justice que l’on peut raisonnablement désirer d’elle. » Louvois, en donnant ainsi des ordres à un envoyé diplomatique, empiétait d’ailleurs sans façon sur son collègue M. de Croissy, qui avait succédé lui-même au trop mou et trop modéré Pomponne dans le département des Affaires étrangères : il faisait acte de dictature diplomatique.

1985. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

C’est alors, et sans plus tarder, que le comte de Loss jugea à propos de s’adresser par lettre au maréchal de Saxe occupé au siège de Namur, pour le prier de repousser les influences contraires et de jeter dans la balance le poids de son nom.

1986. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Pour juger André Chénier comme homme politique, il faut parcourir le Journal de Paris de 90 et 91 ; sa signature s’y retrouve fréquemment, et d’ailleurs sa marque est assez sensible. — Relire aussi comme témoignage de ses pensées intimes et combattues, vers le même temps, l’admirable ode : Ô Versailles, ô bois, ô portiques !

1987. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Bussy semble juger l’Épître sur le Passage du Rhin avec les idées de Desmarets : il y condamne l’emploi de la Fable.

1988. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

On ne saurait trop dire que les cinq livres de Rabelais forment non pas un, mais cinq ouvrages, qui s’échelonnent pendant trente ans à des moments très divers de notre Renaissance, et qu’à vouloir les juger tous en bloc comme formant une seule œuvre, on risquerait de n’en pas apprécier exactement la valeur… et de s’égarer sur le caractère de l’auteur.

1989. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

(Notez que cela est quelque chose et qu’en tout ceci, tandis que je parais condamner et juger, je ne fais que constater et définir. ) Les Litanies de la mer, où le poète parvient à appliquer à la mer toutes les invocations des litanies de la sainte Vierge, n’est qu’un jeu byzantin, une surprenante « réussite » lyrique, une « patience » qui finit par mettre la nôtre à une rude épreuve.

1990. (1890) L’avenir de la science « V »

Avec une conscience de l’humanité aussi développée que la nôtre, nous aurions bien vite fait le rapprochement, nous nous jugerions comme nous jugeons le passé, nous nous critiquerions tout vivants.

1991. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Que si les gens d’esprit y regardent parfois d’un peu près, ou bien ils se rabattent avec une facilité caractéristique sur notre incompétence à juger de ces sortes de choses, ou bien ils se mettent franchement à en rire.

1992. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Rousseau jugé par les Genevois d’aujourd’hui, 1819, p. 31.

1993. (1886) De la littérature comparée

Avec plus d’étude, les écrivains apprendraient, par la connaissance du passé et par la comparaison, à mieux juger leur propre temps ; ils seraient moins hardis dans leurs tentatives, et, partant, dépenseraient moins de forces en pure perte ; ils développeraient leur sens critique d’autant plus utilement, que l’époque est passée où les grandes œuvres se produisaient inconsciemment, comme par l’effet de quelque mystérieux travail de la nature, et que la critique est devenue la meilleure source d’inspiration.

1994. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

On sentait que la princesse Georges venait de juger son mari et qu’elle l’avait condamné.

1995. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Cet acte de Commynes a été jugé diversement.

1996. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

La figure de Tacite, à n’en juger que par ses seuls écrits, nous paraîtrait trop sourcilleuse et trop sombre, si elle n’était adoucie et comme éclairée par le sourire de Pline.

1997. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Droz nous le dira d’un mot : « La véritable aristocratie respecte et maintient les lois ; la noblesse se regardait comme au-dessus des lois. » L’esprit de la noblesse de robe est finement distingué de celui de la noblesse d’épée et de la noblesse de cour : « Les magistrats regardaient les militaires comme des machines obéissantes ; ils se jugeaient plus indépendants, plus instruits, plus désintéressés que les gens de cour ; et ils avaient en morgue ce que ceux-ci avaient en vanité. » Toutes les nuances d’inégalité qui composaient l’Ancien Régime, et qui causaient des froissements si sensibles à l’amour-propre, à mesure que l’ambition s’éveillait dans tous les rangs, sont fidèlement analysées par l’historien ; et il n’est pas moins attentif à indiquer les causes de rapprochement entre les classes, les signes précurseurs de l’avènement prochain du tiers état.

1998. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Lubis, appartenant à la Bibliothèque nationale, a été prêté à M. de Lamartine, lequel a jugé à propos d’y marquer d’un trait de plume (pour plus de brièveté) les passages qu’il avait à y emprunter : j’ai entre les mains cet exemplaire avec ces passages indiqués, et le mot fin ou finir là écrit de la main du rapide historien.

1999. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Portalis, durant l’exil qui suivit la proscription de Fructidor, âgé pour lors de cinquante-quatre ans, pouvait écrire à un ami en toute vérité : Je ne dis point la sagesse, mais le hasard du moins a fait que je n’ai appartenu à aucun parti, et qu’en conséquence j’ai toujours été mieux placé pour bien voir et bien juger.

2000. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

» L’orateur proclame comme un asile les principes imprescriptibles du droit des gens : les lois pénales de l’émigration ne sont point applicables à l’émigré naufragé ; l’émigré dans les conditions de bannissement accepté où il s’est placé, n’est plus un Français, c’est toujours un homme : Des hommes naufragés ne sont donc proprement justiciables d’aucun tribunal particulier ; il ne s’agit pas de les juger, mais de les secourir.

2001. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Je ne me permets point de juger ce que fait ou ne fait pas la Providence, grand mot dont on abuse, et qui n’est souvent que la déification de notre propre pensée ; mais il me semble que si le gouvernement représentatif n’a pas un type unique et seul bon, et s’il n’est pas lui-même l’unique gouvernement possible, il faut se garder d’offrir toujours des types dans un ordre aussi changeant et aussi divers que celui de l’histoire, et dans lequel le fait donne à la théorie des démentis perpétuels.

2002. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Mérimée dans l’étude si creusée de son brigand et de sa bohémienne, c’est que l’auteur, en homme d’esprit qui sait son monde, a jugé convenable d’encadrer son roman dans une sorte de plaisanterie et d’ironie : il voyageait comme antiquaire, il ne voulait que résoudre un problème d’archéologie et de géographie sur la bataille de Munda livrée par César aux fils de Pompée, lorsqu’il fait la connaissance du bandit qui lui racontera ensuite son histoire : et le roman finit par un petit chapitre où l’antiquaire reparaît encore et où le philologue se joue au sujet de la langue des bohémiens.

2003. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Sa distance me fait juger de sa grandeur : Sur l’angle et les côtés ma main la détermine.

2004. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Il faut donc louer Tocqueville précisément à cause de la généralité de ses vues, qui ne nous enchaînent pas à telle application plutôt qu’à telle autre, et qui, mettant à notre disposition des principes excellents, nous laissent libres de juger de la mesure et des moyens de l’exécution.

2005. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

A l’avenir — et peut-être même au présent — de juger s’ils ont eu tort ou raison.

2006. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Il est utile, pour les belles œuvres, désintéressées et sincères, qu’elles ne soient pas confondues, dans l’esprit du public, inhabile souvent à les juger, avec l’ordure et la spéculation de l’ordure. […] C’est chose jugée et définitive. […] Elle a d’abord déclaré que la pièce russe, étant russe, et non point parisienne, on n’y pouvait rien comprendre ; ensuite, elle a jugé que c’était un vieux mélo, parce qu’on y voit un infanticide, et qu’il y a des infanticides aussi dans les tragédies de M.  […] Quant à l’auteur, il a été jugé d’un mot : on a dit que c’était un « fumiste », parce que l’on ne sent en lui d’autres préoccupations que celle de se satisfaire, « de se plaire », ainsi que le recommandait fièrement M.  […] La critique est un art admirable, en ce qu’elle dispense de lire et de comprendre les œuvres qu’il lui faut juger.

2007. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Avait-il jugé la répétition de tomber bonne ? […] Stevenson jugeait que cette demoiselle méritait d’épouser un héroïque général, et que, même, elle aurait pu prétendre à une statue. […] Ils prêtent un peu le flanc au ridicule ; sans vouloir reconnaître leur premier aveuglement, ils s’obstinent à nier les anciennes œuvres qu’ils ont peu lues et mal jugées. […] Les grands poètes contemporains, ainsi que les grands politiques et les grands capitaines, se laissent malaisément suivre, juger et admirer par les mêmes hommes dans toute l’étendue de leur carrière. […] Charles Maurras l’a jugé, à plusieurs reprises, avec une grande rigueur.

2008. (1895) Hommes et livres

Brunetière me paraît avoir établi, on ne saurait se soustraire, en critique littéraire, à la nécessité de juger les œuvres. […] Mais il jugea sensément que, n’ayant ni fortune ni alliances, ni protection d’aucune sorte, son fils ne devait compter, pour percer, que sur son mérite et sa science ; il l’envoya donc où se formaient depuis des siècles les plus habiles et renommés médecins : il l’envoya étudier à Montpellier. […] C’est qu’en fin de compte le public seul jugeait. […] Jusqu’ici, tous les historiens de France qui ont rencontré Alberoni sur leur chemin ont jugé l’homme par sa politique, et cette politique, tantôt par le succès, tantôt par la politique adverse du régent ; M.  […] Elle appelle la raison, non la conscience, à juger les actions : elle présente les caractères dans leur rapport au vrai.

2009. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Hommes du pouvoir, vos efforts rétrogrades sont jugés ; mais quand vous réussiriez quelque temps à faire de l’immobilité, ce ne serait jamais de l’ordre, ce ne serait qu’un désordre caché. […] et ne seraient-ce pas les classes élevées, ces classes qui les méprisent, qui en ont horreur, qui les jugent, ne seraient-ce pas elles qui paieraient le tribut au bourreau, si la roue de la fortune avait tourné différemment ? […] Jugez-en vous-mêmes : voyez vos codes, vos gendarmes, vos prisons, vos bagnes, vos échafauds ; entendez la plainte universelle ; et dites-moi si l’homme possède la liberté naturelle.

2010. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Il n’a pas un jugement dégagé de l’agenouillement devant la politique à la façon du nôtre et qui lui permette de juger un Pasquier dans son inanité, un Thiers dans son insuffisance, un Guizot dans sa profondeur vide. […] * * * — Hier en sortant de la répétition d’Aladin, il me revenait cette idée qui me hante presque toujours, à la sortie du spectacle : c’est que Molière, en lisant ses pièces à sa servante, a jugé le théâtre. […] C’est la grande critique qui nous a discutés, jugés, appréciés.

2011. (1903) Propos de théâtre. Première série

Et, si je crois qu’Aristote n’a pas compris la tragédie grecque ou plutôt a compris certaine tragédie, grecque, celle de son temps, laquelle ne nous est pas parvenue, et a jugé toute la tragédie grecque par comparaison avec celle-là ; rien ne serait plus admissible que ceci que Scaliger n’ait rien compris à Robert Garnier. […] C’était, ce qui est arrivé souvent en France, juger d’une tragédie en la prenant pour une comédie. […] Ainsi en jugèrent les comédiens qui, revenant de Versailles au milieu de la nuit, réveillèrent Racine pour lui apprendre que le roi avait daigné s’amuser aux Plaideurs. […] Léandre a fini par persuader à son père, puisqu’il tient à juger, de juger à domicile. […] C’est un préjugé des hommes qui connaissent les tragédies et qui les jugent pour les avoir lues, que de croire que le spectacle est indifférent à une œuvre poétique faite pour être vue en même temps qu’écoutée.

2012. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

« Chaque siècle, dit Fontenelle, a pour ainsi dire, un certain ton d’esprit. » C’est justement ce ton d’esprit auquel s’est monté le journal français qui fera juger, plus tard, des lumières du xixe  siècle ; son œuvre accomplie, il devra s’estimer bien haut, notre siècle, s’il peut se rendre à lui-même cette justice d’avoir uni l’exactitude à la vivacité de l’esprit, l’étendue à la finesse, l’élégance à la conviction. […] Pour les bien juger, voyez-les l’un et l’autre dans le dernier asile des vivants et des morts, jusqu’alors respecté par les poètes dramatiques ; voyez-les, ces chevaliers errants de la fantaisie, entrer dans le cimetière, un lieu sacré, que Molière et Shakespeare ont envahi par droit de conquête et par droit de naissance. […] Aussi pouvez-vous juger du désappointement des bourgeois de Paris, lorsqu’il leur fallut écouter, d’un bout à l’autre, ces paroles austères, ce drame sérieux, aux lieu et place de la bouffonnerie qu’ils attendaient. — Il arriva que Don Juan fit peur à ces timorés et timides esprits. […] Ce n’est pas seulement d’aujourd’hui que l’accessoire est inventé ; à l’accessoire on a sacrifié même l’esprit de Molière : jugez donc !

2013. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Les anciens eux-mêmes jugeaient que leur climat était un don des dieux : « Douce et clémente, disait Euripide, est notre atmosphère ; le froid de l’hiver est pour nous sans rigueur, et les traits de Phœbus ne nous blessent pas. » Et ailleurs il ajoute : « Ô vous ! […] Bientôt il se fait payer pour juger dans les décastéries, pour assister aux assemblées publiques. […] Nous n’y prenons point part ; nous avons des délégués qui, choisis par eux-mêmes ou par l’Etat, combattent, naviguent, jugent ou prient pour nous. […] Si donc la mort est telle, je dis qu’elle est un gain ; car de cette façon tout le temps après la mort n’est rien de plus qu’une seule nuit, — Mais si la mort est le passage en un autre lieu, et si, comme on le raconte, en ce lieu-là tous les morts sont ensemble, quel plus grand bien, ô juges, pourrait-on imaginer délivré des prétendus juges qu’on voit ici, trouvait là-bas de vrais juges, ceux qui, dit-on, jugent là bas, Minos, Rhadamanthe, Eaque, Triptolème et tous ceux des demi-dieux qui ont été justes dans leur vie, est-ce que ce changement de séjour serait fâcheux ?

2014. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Il vantait également ses Églogues sacrées, mais en leur préférant celles d’Antoine Godeau, évêque de Grasse ; et il ajoutait plaisamment que c’était là un témoignage qu’il rendait à la vérité connue, et que l’amitié qui le liait à Godeau ne le faisait point juger ainsi. […] Faut-il croire, comme on l’a dit, que plus tard, devenu grave et sérieux, Belleau jugea frivole son premier enthousiasme ? […] Enfin, ce n’est pas sur le Printemps qu’il faut juger le don poétique d’Agrippa d’Aubigné, c’est sur les Tragiques, qui sont l’œuvre de sa maturité. […] Il lui adresse cette apostrophe sublime : De Beze, je te prie, escoute ma parole Que tu estimeras d’une personne folle : S’il te plaist toutefois de juger sainement, Après m’avoir ouy tu diras autrement. […] Sainte-Beuve jugeait la plupart des grandes odes de Lebrun assez sévèrement, et il leur trouvait un air du commun, un accent sec et glapissant.

2015. (1887) George Sand

C’étaient « les deux faces d’un esprit porté à s’assombrir et avide de s’égayer, peut-être d’une âme impossible à contenter avec ce qui intéresse la plupart des hommes, et facile à charmer avec ce qu’ils jugent puéril et illusoire… Je ne peux pas, disait-elle, m’expliquer mieux moi-même. […] Se rappelle-t-on les pages brûlantes qui commencent ainsi : « Lélia passa ses doigts dans les cheveux parfumés de Sténio, et, attirant sa tête sur son sein, elle la couvrit de baisers… » Il y a dans ces pages un si indéfinissable mélange de platonisme et de volupté, l’un reprenant sans cesse ce que l’autre a ravi, et la volupté vaincue revenant à chaque instant se jouer du platonisme tour à tour indigné et attendri, il y a dans cette lutte dangereuse et trop longtemps décrite quelque chose de si irritant pour l’imagination, que je n’hésite pas à juger Pulchérie, la prêtresse du plaisir, moins impudique dans ses ivresses, que cette sublime Lélia dans les hallucinations de sa cynique chasteté. […] C’est alors que, en face des injustices sociales dont elle était blessée, elle évoquera l’image de la vie champêtre et le tableau des intérieurs rustiques ; elle transportera de la scène du monde, qu’elle a jugée artificielle, sur une scène aussi humaine et plus naturelle à son gré, le conflit des passions et les drames du cœur, qu’elle poursuit toujours. […] Hospitalière, mais gravement et silencieusement, si l’on s’en était tenu à cette première impression, on aurait pu la juger assez sévèrement ; il ne fallait pas s’y tenir, et, selon son expression, elle et son pays avaient du bon quand on les connaissait. […] L’infirmité morale de cette nature, incomplète et prodigue, était de confondre des sentiments trop différents dans une sorte de mélange que l’opinion, même la plus indulgente, jugeait souvent équivoque et refusait de comprendre.

2016. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Quant au public, qui lit les œuvres des historiens, n’est-il pas à souhaiter qu’il sache comment ces œuvres se font, afin qu’il soit davantage en mesure de les juger ? […] Leur orgueil et leur excessive âpreté dans les jugements qu’ils portent sur les travaux de leurs confrères sont souvent reprochés aux érudits, nous l’avons vu, comme une marque de leur excessive « préoccupation des petites choses », en particulier par des personnes dont les essais ont été sévèrement jugés. […] C’est alors que les fondateurs de la Revue critique d’histoire et de littérature entreprirent de réagir contre cet état de choses ; qu’ils jugeaient, à bon droit, démoralisant. […] L’instinct naturel pousse à juger de la valeur des affirmations d’après leur forme. […] Pour faire entrer dans la tête des élèves les faits jugés essentiels le professeur faisait de la leçon une réduction très courte, « le sommaire » ou « résumé », qu’il dictait ouvertement et qu’il faisait apprendre par cœur.

2017. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Pour juger d’une décadence, le critique peut se mettre à deux points de vue, distincts jusqu’à en être contradictoires. […] Si les médecins distingués nous paraissent souvent de médiocres juges de la vie psychologique, c’est précisément qu’ils jugent cette vie par le dehors et qu’aucune sympathie ne les introduit dans l’intime domaine du sentiment Le martyrologe ne semblera-t-il point un recueil d’indéchiffrables extravagances au regard de celui qui n’aura jamais éprouvé les nostalgiques délices de la folie de la Croix ! […] Les autres, oubliant de quel incorruptible écrivain ils jugent le labeur, attribuent aux causes les plus mesquines un pessimisme qui n’est qu’une conséquence, mais où ils veulent voir une contradiction. […] Taine appartient à une école qui professe trop nettement le culte des faits accomplis pour ne pas juger comme vains tous les efforts que pourraient tenter vers le passé les apôtres de la réaction. […] Ils entrevoient derrière elle, les uns toutes les idées pour lesquelles ils vivent, les autres toutes les idées contre lesquelles ils vivent, et ils jugent un livre écrit sur cette Révolution d’après le service qu’ils en peuvent tirer pour ou contre ces idées.

2018. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Partant, jugez si je mérite d’être ainsi traité, et si je dois plus longtemps souffrir que les financiers et trésoriers me fassent mourir de faim, et qu’eux tiennent des tables friandes et bien servies… Rosny introduit, après bien des retards, dans le Conseil des finances, y trouva une conjuration et complicité tacite des autres membres qui tendaient à le déjouer et à le faire tomber en faute : Or sus, mon ami, lui avait dit le roi au moment de l’y installer, c’est à ce coup que je me suis résolu de me servir de votre personne aux plus importants Conseils de mes affaires, et surtout en celui de mes finances.

2019. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

À ce portrait où perce discrètement la critique et qu’il jugeait trop flatteur, Duclos en a opposé un de lui par lui-même qui est d’un sentiment bien véridique, au moins en tout ce qui touche à l’esprit, et où il y a des aveux : Je me crois de l’esprit, et j’en ai la réputation ; il me semble que mes ouvrages le prouvent.

2020. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Je sentais s’évanouir également ces idées naturelles ou plutôt de naturaliste et de médecin, qui ne s’y sont pas moins glissées ; ce qui faisait dire à Pline l’Ancien que de toutes les morts la mort subite était la plus enviable « et le comble du bonheur de la vie » ; ce qui a fait dire également à Buffon « que la plupart des hommes meurent sans le savoir ; que la mort n’est pas une chose aussi terrible que nous nous l’imaginons ; que nous la jugeons mal de loin ; que c’est un spectre qui nous épouvante à une certaine distance, et qui disparaît lorsqu’on vient à en approcher de près… ».

2021. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Charles Monselet, ont parlé de lui tour à tour ; il y a à s’instruire sur son compte à leurs discussions et à leurs spirituelles analyses ; mais s’ils me permettent de le dire, pour juger au net de cet esprit assez compliqué et ne se rien exagérer dans aucun sens, j’en reviendrai toujours de préférence, indépendamment de mes propres impressions et souvenirs, à ce que m’en diront ceux qui l’ont connu en ses bonnes années et à ses origines, à ce qu’en dira M. 

2022. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Il ne travaille pas assez pour arriver à écrire des mémoires un peu longs et complets ; la plume lui tombe des mains avant la fin, et c’est dommage ; il était si capable de bien juger et de donner sur les hommes qu’il a connus de ces traits qui restent et qui fixent en peu de mots la vérité du personnage !

2023. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

À sa manière, qui est plutôt hardie qu’aisée, j’ai jugé que ce n’était point la peine ici, et que ce ne serait qu’un soin futile qui, en manquant, lui ferait peu de faute.

2024. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Nous avons d’ailleurs les discours qui furent prononcés de part et d’autre, et nous sommes en mesure non point d’en rabattre, mais de nous faire une idée parfaitement nette de la comédie et d’en bien juger.

2025. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

On ne parle pas ainsi d’un Turgot et de sa tentative de réforme, la jugeât-on même peu ménagée et inopportune.

2026. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

L’auteur ici, pas plus qu’ailleurs, ne procède au hasard, et ne se laisse aller à son impression sans la juger et la commander.

2027. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Ce jeune homme, et très jeune homme au temps où il servait avec Vauvenargues, avait le trait caractéristique de sa famille : « Je lui trouve dans l’humeur quelque chose des Riquetti, qui n’est point conciliant. » Vauvenargues, qui jugeait ainsi le petit chevalier, essayait de lui insinuer un peu de douceur, de politesse de ton et de mœurs, de l’assouplir. « Quant au genre de persuasion que vous soufflez au chevalier, lui disait Mirabeau, vous ne réussirez pas, s’il est du même sang que nous ; votre système est d’arriver aux bonnes fins par la souplesse ; le mien est d’arriver au bien, droit devant moi, ou par la violence ; de fondre sur le mal décidé, de l’épouvanter, et enfin de m’éloigner de ce qui n’a la force d’être ni l’un ni l’autre. » Ce système à outrance et que Vauvenargues a décrit dans un de ses caractères intitulé Masis (évidemment d’après Mirabeau), est le contraire de sa science à lui, de sa tactique dans le maniement des esprits, qui va à les gagner par où ils y prêtent, et à en tirer le parti le meilleur : Où Masis a vu de mauvaises qualités, jamais il ne veut en reconnaître d’estimables ; ce mélange de faiblesse et de force, de grandeur et de petitesse, si naturel aux hommes, ne l’arrête pas ; il ne sait rien concilier, et l’humanité, cette belle vertu, qui pardonne tout parce qu’elle voit tout en grand, n’est pas la sienne… Je veux une humeur plus commode et plus traitable, un homme humain, qui ne prétendant point à être meilleur que les autres hommes, s’étonne et s’afflige de les trouver plus fous encore ou plus faibles que lui ; qui connaît leur malice, mais qui la souffre ; qui sait encore aimer un ami ingrat ou une maîtresse infidèle ; à qui, enfin, il en coûte moins de supporter les vices que de craindre ou de haïr ses semblables, et de troubler le repos du monde par d’injustes et inutiles sévérités.

2028. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

On peut juger de son désespoir ; les brigands ont beau la rassurer et lui promettre tous les égards possibles, ne désirant tirer de leur capture qu’une bonne rançon, elle ne cesse de gémir et de crier.

2029. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Eugène Viollet-le-Duc, élevé par lui librement, philosophiquement, mis de bonne heure à même des belles choses, entouré des bons et beaux exemplaires en tout genre, est devenu l’homme distingué que nous savons, le restaurateur le plus actif et le plus intelligent de l’art gothique en France, ayant en toute matière des idées saines, ouvertes, avancées, et maniant la parole et la plume aussi aisément que le crayon ; j’ajouterai qu’à en juger par ses directions manifestes, il n’a guère en rien les doctrines de son oncle ; et c’est en cela que je loue ce dernier de n’avoir point appliqué, dans une éducation domestique qu’il avait tant à cœur de mener à bien, de vue exclusive ni de système personnel et oppressif.

2030. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Elle s’en séparait, sans avoir d’ailleurs l’intention de la maudire, car il n’y a que le fanatisme qui maudit : la France du XIXe siècle, dans ce qu’elle avait d’inspiration directe et naturelle, et si on ne la faisait, pas dévier, entendait bien profiter du XVIIIe siècle, en hériter sous bénéfice d’inventaire, lui laissant, à sa charge, les impiétés grossières, les énormités elles témérités antisociales, déjà senties et jugées sur la fin par ses hommes d’esprit les plus éclairés.

2031. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Nous avons gardé du moine et du clerc, du lettré du Moyen-Age ou de la Renaissance, dans notre manière de juger et de classer les hommes, même ceux qui ne sont pas de purs esprits, et qui, par vocation, ont le plus affaire aux éléments du dehors.

2032. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

La géométrie est pour Gavarni une étude chère qu’il a approfondie, qu’il a poussée fort loin et qu’il a conduite par certaines considérations qui lui sont propres jusqu’aux limites de la découverte (ce n’est pas à nous d’en juger).

2033. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Je lui dirai que j’ai remarqué, depuis mon retour de Moncallier, une mélancolie morne en Son Altesse Royale, une dissimulation profonde et une inquiétude perpétuelle dans son esprit, que j’ai même jugée quelquefois pouvoir venir aussi bien d’un reste de maladie ou d’une inégalité de tempérament, que de quelque dessein caché… Il passe des temps considérables de la journée ou dans une cave ou sur un lit ; rien ne le contente ni ne le divertit.

2034. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

J’en indiquerai quelques-unes qu’il faudrait citer dans l’original : « De même que chez les poètes un vrai génie n’est jamais que rare, de même le vrai goût est rarement le lot des critiques ; les uns et les autres également ne tirent que du Ciel leur lumière, les uns nés pour juger comme les autres pour produire. » « Quelques-uns ont d’abord passé pour beaux esprits, ensuite pour poètes ; puis, ils se sont faits critiques, et ils se sont montrés tout uniment des sots sous toutes les formes ! 

2035. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

« Le roi (nous dit le Journal de Luynes) lui a répondu avec la même sécheresse : « Ce n’est pas la peine, je n’y serai presque pas. » Elle lui a demandé ensuite si au moins elle ne pourrait pas rester ici ; il lui a répondu sur le même ton : « Il faut partir trois ou quatre jours après moi. » — La reine est, comme l’on peut juger, fort affligée d’un traitement aussi dur. » Tous ces beaux sentiments, enfants de la maladie et de la peur, étaient dissipés et avec la santé étaient revenus les désirs, les habitudes, toutes les ivresses de la vie.

2036. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Jugez de là ce que je vous désire pour l’année que nous venons de commencer.

2037. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Merci encore de les juger avec beaucoup d’indulgence… — Croyez-le bien, je sens la valeur d’une expression sympathique, lorsqu’elle sort d’une plume telle que la vôtre ; croyez-le bien encore, l’attention sérieuse que vous accordez à ces petits volumes est un encouragement comme il est un privilège.

2038. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Je me permettrai, là où j’en puis juger, d’exprimer parfois un désir et un doute.

2039. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Ce sont de ces lapsus qui ne devraient jamais échapper à la plume d’un souverain, et qui le jugent.

2040. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

On jugea sur un point la présence de M. de Turenne nécessaire, à cause d’une colonne ennemie qui s’avançait.

2041. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Je ne serai jamais inquiète des contes qui iront à Vienne tant qu’on vous en parlera ; vous connaissez Paris et Versailles, vous avez vu et jugé.

2042. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

L’empereur, au lieu de me dire des injures, aurait mieux fait de juger ceux qui lui inspiraient des préventions ; il aurait vu que des amis comme ceux-là sont plus à craindre que des ennemis.

2043. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Hier encore (mai 1868), il m’insultait sans nécessité, sans motif suffisant129 ; il ne se disait pas que j’étais son confrère, que je l’avais toujours salué et respecté en public ; que j’avais allumé le premier un cierge à sa chapelle de sainte Élisabeth ; que je l’avais célébré orateur dans le Constitutionnel, journal habituel des voltairiens ; que, si hautain et aristocratique de nature qu’on soit, un peu de sympathie envers les bonnes gens d’une autre étoffe que nous n’est jamais un tort ; que si, depuis quelques années, il est éprouvé, je le suis aussi, et que cela peut-être devait faire un lien ; que là où la Providence a jugé à propos de le frapper douloureusement, la nature aussi m’a affligé presque de la même manière ; que nous sommes à quelque degré compagnons de maux… Mais M. de Montalembert répondra qu’il sévit au nom des principes. — Les principes, soit ; mais à la condition qu’ils ne se séparent jamais de l’humanité !

2044. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Un ami qui l’interrogeait, en 1814, sur l’état réel de la France jugée autrement que par les journaux, reçut cette réponse : que l’état de la France ressemblait à un livre ouvert par le milieu, que les ultras y lisaient de droite à gauche au rebours pour tâcher de remonter au commencement, que les libéraux couraient de gauche à droite se hâtant vers la fin, mais que personne ne lisait à la page où l’on était.

2045. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Ce serait bien incomplétement connaître Mme de Duras que de la juger seulement un esprit fin, une âme délicate et sensible, comme on le pourrait croire d’après son influence modératrice dans le monde et d’après une lecture courante des deux charmantes productions qu’elle a publiées.

2046. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Il s’abandonne, avec une joie d’artiste, comme il l’a dit, à l’impression des documents qu’il est le premier à consulter : il atteint à la vérité par la force de sa sympathie ; il a voulu « retrouver cette idée que le moyen âge eut de lui, refaire son élan, son désir, son âme, avant de le juger » ; il se fait à lui-même une âme du moyen âge : de sorte que les obscurs instincts des masses populaires deviennent, dans sa conscience d’érudit, une claire notion du rôle de l’Église et du rôle de la royauté.

2047. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Il faut nous défaire pour juger ses idées de toutes nos habitudes d’abstraction et d’analyse.

2048. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Cette idée que des hommes peuvent juger des hommes, non pas seulement au point de vue utilitaire, mais au nom de la vérité, de la conscience universelle, de l’absolu, me paraît de plus en plus baroque et monstrueuse.

2049. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Nous avons voulu montrer l’origine et les progrès du style symbolique, plutôt pour expliquer que pour juger.

2050. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Le mensonge égoïste est jugé répréhensible ; le mensonge de groupe est moral et méritoire.

2051. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Ils se dégoûtent aisément, dédaignent les suffrages faciles, et aiment mieux juger, goûter et s’abstenir, que de rester au-dessous de leur idée et d’eux-mêmes.

2052. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Roustem, déguisé en Turc, s’introduit dans un château qu’occupe l’ennemi, pour juger de tout par lui-même.

2053. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Mme de Maintenon, en recevant les lettres de Fénelon, et tout en les goûtant pour leur délicatesse infinie, les jugeait pourtant avec cet excellent esprit et ce bon sens qu’elle appliquait à tout ce qui n’excédait pas sa portée et l’horizon de son intérieur.

2054. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Et même quand il ne peut plus bouger de son fauteuil, et quand tous le jugent baissé et absent, il mérite que celle qui avait si bien senti et fait durer sa nature poétique dise encore de lui : Chateaubriand est dans une belle langueur.

2055. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Nous pouvons la juger directement par des lettres d’elle, par des écrits de morale où elle se peint.

2056. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Des hommes qui ont une telle portée et un tel lendemain ne doivent pas être jugés selon les émotions et les réactions d’un jour.

2057. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Il me regardait comme un bel esprit à qui il fallait des choses sublimes, et qui était très difficile à tous égards. » Il y eut un temps où Mme de Montespan dut faire quelque effort pour rompre la glace et pour initier cette personne de son choix auprès du roi ; on peut juger plus tard des fureurs et des amertumes.

2058. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

., etc. » Mais avant d’envoyer la lettre, tourmenté de perplexités, il avait jugé bon de la montrer à son voisin Rulhière, et c’est pour cela qu’il venait le réveiller à cette heure indue, à neuf heures du matin.

2059. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

On peut juger si celle-ci entre dans le badinage : « La posture où il faudrait me mettre pour remuer conviendrait peut-être mieux à ma figure qu’à mon rhumatisme. » Toute cette partie de la correspondance nous montre les deux femmes célèbres à leur avantage, dans toute la vivacité de leur goût mutuel, en veine heureuse et en plein accord ; et Mme de Maintenon, avec son habituelle justesse, résume cette impression quand elle dit (29 mai 1707) : Je viens de relire encore vos lettres pour voir si j’ai répondu à tout : Mon Dieu !

2060. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Les Mémoires que nous lisons, et qui ne sont guère qu’un examen moral et chrétien de conscience, nous le montrent au fond meilleur à bien des égards que ne le jugeait le monde et que les observateurs sévères ne le soupçonnaient.

2061. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Boileau, vieillissant et morose, jugeait déjà le bon goût très compromis et déclarait à qui voulait l’entendre la poésie française en pleine décadence.

2062. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Je joindrai ici quelques-uns de ses jugements divers qui ont particulièrement trait au goût français : sur la musique, par exemple, — il jugeait la nôtre ce qu’elle était alors.

2063. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Pendant que je suis en train de l’étudier et de chercher encore moins à le juger qu’à le définir, je rencontre, au chapitre des « Jugements téméraires », cette remarque qui s’applique à nous autres critiques moralistes, et qui est faite pour nous modérer dans nos conjectures.

2064. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

La bonne et loyale Marguerite, qui ne connaissait rien aux partis, et qui n’en jugeait que par les honnêtes gens, par les hommes de lettres de sa connaissance, penchait à croire que ces vilains placards étaient du fait, non des protestants, mais de ceux qui cherchaient prétexte à les compromettre et à les persécuter.

2065. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

* * * — Une femme de ma connaissance disait qu’elle croyait pouvoir, sans se tromper, juger assez bien moralement les femmes qu’elle rencontrait dans la société, en les voyant manger : ainsi pour elle, une femme qui mangeait du foie gras, sans pain, était nécessairement une femme sensuelle.

2066. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Regardons ; regardons longtems ; sentons et jugeons.

2067. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Or, c’est du sens qu’il s’agit ici, puisqu’il s’agit de juger.

2068. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Les gens de goût voyaient sans colère et sans crainte ces importations qu’ils jugeaient sans danger pour un public français.

2069. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il a fallu vingt-quatre heures à de Tocqueville pour que les Dandins dadais du Journal des Débats, qui le jugèrent un Montesquieu, lui fissent une célébrité, et Saint-Bonnet, au bout de plus de quarante ans, n’a pas eu la sienne, dans la plénitude de ce mot.

2070. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Pour les autres, c’était un prodige… un prodige dont on pourrait juger, car il avait choisi un sujet de livre adéquat à sa force.

2071. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Nous ne saurions juger, d’après des œuvres trop mutilées, toute la verve satirique de Catulle.

2072. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Je goûte infiniment ses odes ; elles sont bien supérieures à toutes les productions lyriques de nos poëtes anglais. » Lady Montague jugeait là comme le monde du temps ; elle croyait Rousseau peu honnête homme et grand poëte, conditions qui s’excluent devant la postérité.

2073. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Je vous prie seulement de ne pas trop vous arrêter à notre état politique et de ne pas nous juger sur ce que vous pourrez en apercevoir. […] Car c’est sur le nombre des certificats d’études obtenus par les écoliers que les inspecteurs ont pris l’habitude de juger le maître. […] Vous jugez du scandale. […] Il n’y a guère plus de deux ou trois grandes façons de juger et de sentir en politique. […] Lors donc que l’abbé X… nous dit que Darboy n’a été qu’un diplomate et un grand fonctionnaire, cela ne nous semble point si mal jugé.

2074. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

N’avons-nous point pu juger nous-mêmes de ces grossières erreurs de la critique ? […] Ce Marcel, d’abord fort lié avec Molière, se réconcilia avec lui depuis la représentation du Mariage sans mariage, à en juger par les épitaphes louangeuses qui parurent, signées de ce nom Marcel, après la mort du grand comique. […] C’est là qu’on peut juger de la tournure d’esprit qu’avaient alors certaines réunions de gens instruits, et le ton cependant ému de la harangue ne laisse pas que de laisser filtrer la plaisanterie à la mode et le bel esprit. […] Comme il était déjà très tard, chacun se retira bientôt après. » On a pu juger par cette oraison fort originale, étrange même — et réimprimée ici pour la première fois, — du bruit qu’avait fait, en mourant, le comédien et l’auteur de génie, que quelques envieux avaient osé déclarer inférieur à Scaramouche, son maître. […] Nostre bien-aimé Dominique de Mormandin, escuyer, sire de la Grille, nous ayant humblement fait remonstre qu’il a trouvé une nouvelle invention de marionnettes qui ne sont pas seulement d’une grandeur extraordinaire mais mesure représentant des commediens avec des décorations et des machines imitant parfaitement la danse et faisant la voix humaine, lesquelles serviront non-seulement de divertissement au public mais serviront d’instruction pour la jeunesse ; Lui accordons privilége de donner ses représentations pendant le cours de vingt années à dater du présent dans nostre bonne ville et faux bourgs de Paris et par toutes autours telles bourgs et lieux de notre royaume qu’il jugera à propos ; deffendant expressement à toute personne de quelque qualité ou condition que ce soit d’apporter audit exposant aucun trouble ou empêchement dans la jouissance du présent privilége, à condition par lui de ne rien faire contre l’honnêteté publique, deffendant à toutes personnes, de quelque qualité ou condition que ce soit, même à celle de nostre maison d’y entrer sans payer, ni d’y faire aucun désordre à peine de punition exemplaire.

2075. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

« Je suppose que ce soit ici notre derniere heure à tous, que les cieux vont s’ouvrir sur nos têtes, que le tems est passé & que l’éternité commence, que Jesus-Christ va paroître pour nous juger selon nos oeuvres, & que nous sommes tous ici pour attendre de lui l’arrêt de la vie ou de la mort éternelle : je vous le demande, frappé de terreur comme vous, ne séparant point mon sort du vôtre, & me mettant dans la même situation où nous devons tous paroître un jour devant Dieu notre juge : si Jesus-Christ dis-je, paroissoit dès-à-présent pour faire la terrible séparation des justes & des pécheurs ; croyez-vous que le plus grand nombre fût sauvé ? […] François premier abolit l’ancien usage de plaider, de juger, de contracter en latin ; usage qui attestoit la barbarie d’une langue dont on n’osoit se servir dans les actes publics, usage pernicieux aux citoyens dont le sort étoit réglé dans une langue qu’ils n’entendoient pas. […] C’est un des grands avantages de notre siecle, que ce nombre d’hommes instruits qui passent des épines des Mathématiques aux fleurs de la Poésie, & qui jugent egalement bien d’un livre de Métaphysique & d’une piece de théatre : l’esprit du siecle les a rendus pour la plûpart aussi propres pour le monde que pour le cabinet ; & c’est en quoi ils sont fort supérieurs à ceux des siecles précédens. […] Il y a beaucoup de gens de lettres qui ne sont point auteurs, & ce sont probablement les plus heureux ; ils sont à l’abri des dégoûts que la profession d’auteur entraîne quelquefois, des querelles que la rivalité fait naître, des animosités de parti, & des faux jugemens ; ils sont plus unis entre eux ; ils joüissent plus de la société ; ils sont juges, & les autres sont jugés. […] On demande s’il y a une condition plus heureuse qu’une autre, si l’homme en général est plus heureux que la femme ; il faudroit avoir été homme & femme comme Tiresias & Iphis, pour décider cette question ; encore faudroit-il avoir vécu dans toutes les conditions avec un esprit également propre à chacune ; & il faudroit avoir passé par tous les états possibles de l’homme & de la femme pour en juger.

2076. (1908) Après le naturalisme

Mais elle n’offre pas d’autre valeur que celle d’une méthode à employer pour éviter les égarements de l’art pour l’art et ce n’est pas selon elle qu’on jugera les œuvres. […] D’abord par l’évocation du moyen âge, il réhabilite le peuple que le classicisme n’avait pas jugé digne de ses préoccupations et qu’il bannissait, sinon pour le ridiculiser de la scène et du roman. […] La seule éducation qui convienne aux écrivains — comme à tous les hommes du reste, mais à eux bien davantage — doit consister d’abord dans le développement des primordiales qualités intellectuelles, dans la connaissance des méthodes de juger par soi-même, ensuite dans l’acquisition des vérités selon leur étendue et leur importance.

2077. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Après un long examen, on découvre que tous ces cas si différents s’accordent, autant qu’on en peut juger, en un seul point, qui est la présence d’un mouvement de va-et-vient, en d’autres termes, d’une vibration du corps sonore, comprise entre certaines limites de lenteur et de vitesse, et propagée à travers un milieu jusqu’à l’organe auditif. […] Autant que nous pouvons en juger, entre le premier cas où le pendule cesse d’osciller après quelques minutes et les autres cas où il continue son oscillation pendant un temps de plus en plus long, il n’y a qu’une différence : c’est que, dans le premier cas, les obstacles sont plus grands, et que, dans les autres, ils sont moindres ; cette présence d’un surplus d’obstacles est donc l’antécédent d’un ralentissement plus grand. — Mais cela ne prouve pas encore que, si les obstacles étaient nuls, le ralentissement serait nul. […] Ramenée à ces termes précis, la proposition nous laisse une certaine inquiétude ; sans doute, au premier aspect, voyant une oblique sensiblement inclinée et deux parallèles médiocrement distantes, nous avons jugé que l’oblique, après avoir rencontré la première, rencontrerait la seconde ; c’est que le point de rencontre n’était pas loin ; nous l’apercevions avec les yeux, ou nous le marquions d’avance par l’imagination ; sur ces indices, nous avons induit avec vraisemblance que, si petite que fût l’inclinaison et si grande que fût la distance, la proposition serait toujours vraie.

2078. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

D’ailleurs, suis-je certain moi-même de la juger avec une impartialité parfaite ? […] Je jugeai ma création, et, avec une triste variante de la Genèse, je la trouvai mauvaise. […] que d’avoir savouré des vers à vingt ans, et d’en juger d’autres à quarante ? […] Seulement il oubliait qu’il ne serait pas jugé par des contemporains de mademoiselle de La Vallière et de madame de Sévigné ! […] C’est pourquoi l’on peut dire, en parodiant un mot célèbre de Michaud à propos d’un personnage beaucoup moins inoffensif, qu’Agnès de Méranie n’a pas été jugée, mais exécutée ; en revanche, nul n’a le droit de s’étonner du mécontentement et de la froideur qui accueillirent Charlotte Corday.

2079. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

« Chacun doit soumettre sa volonté à l’étreinte de la loi, et la loi n’a jamais fait un grand homme ; la loi réduit à la lenteur de la limace ce qui aurait eu le vol de l’aigle229. » Le juge, enchaîné à un texte, ne peut juger selon sa propre inspiration. […] Ce sera fini en moins d’une demi-heure ; mais quand tu auras vu celles-là de tes propres yeux, tu pourras juger en conscience pour toutes celles qu’il te plaira d’ajouter, et je t’assure bien que tu n’en diras pas autant que je pense en faire.

2080. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Assez d’autres se chargeront de juger et de critiquer les acteurs ; moi je me plais à dire ce qu’ils avaient à vaincre, et en quoi ils ont réussi. […] J’ai été arrêté le 15 fructidor et conduit à la Force ; jugé le 16, et condamné à mort d’abord, et puis à la déportation par bienveillance.

2081. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Cela me rappela le craquement que j’avais éprouvé dans ma bouche, et je me jugeai mort. […] Bandinello jugeait mal du goût public par tout ce qu’on avait dit de son Hercule.

2082. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

« De mon point de vue actuel, je ne peux juger ces productions de ma jeunesse, me dit-il. […] Là où nous avons vu hier Hamlet, nous voyons aujourd’hui Staberle 20, et là où demain doit nous ravir la Flûte enchantée, il faudra, après-demain, écouter les farces du plaisant à la mode. » IV Voici comment, en homme supérieur, il se jugeait lui-même : « Le style d’un écrivain est la contre-épreuve de son caractère ; si quelqu’un veut écrire clairement, il faut d’abord qu’il fasse clair dans son esprit, et si quelqu’un veut avoir un style grandiose, il faut d’abord qu’il ait une grande âme. » Goethe a parlé ensuite de ses adversaires, disant que cette race est immortelle.

2083. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Elles sont pour les critiques, qui trouvent là d’après quelles maximes on doit juger, et comment on peut rendre intéressante et agréable la simple analyse d’un livre. […] Les Français ne reverront jamais un talent égal à celui de Voltaire ; mais on peut dire que, le point de vue de Villemain se trouvant plus élevé que celui de Voltaire, Villemain peut critiquer Voltaire et juger ses qualités, et ses défauts. » On aime à voir un grand poète rendre cette éclatante justice à un grand critique ; cela efface d’avance les puériles négations de notre temps.

2084. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Car vous pensez bien qu’ils ne perdent pas le temps à corriger les épreuves du travail d’autrui, même quand ils ont jugé utile de se l’approprier, pour des raisons d’intérêt, financier supérieures aux raisons de la littérature. […] Je crois qu’on peut attendre beaucoup de bien du concours si généreusement ouvert par la Revue des Revues, et que les œuvres jugées les meilleures par son jury de romanciers et de philosophes seront précisément celles qui révéleront chez leurs auteurs quelques-unes des vertus que Michelet réclame de l’écrivain populaire digne de ce nom.

2085. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Il serait donc injuste, Lecteur, de juger sévèrement ces discours comme vous pourriez faire d’un traité. […] Depuis que tout le monde s’en mêle, c’est une profession qui tend à disparaître : car à propos d’art, et d’art littéraire surtout, chacun se réserve le droit de juger en dernier ressort.

2086. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

À l’état de liberté naturelle, nous n’avons aucun point de comparaison d’après lequel nous puissions juger de l’effet produit par un constant exercice ou une longue inactivité, car nous ne connaissons pas les formes mères. […] Il suit de là que des modifications de structure, considérées par les classificateurs méthodistes comme étant d’une haute valeur, peuvent être entièrement dues aux lois de la corrélation de croissance, sans être, autant du moins que nous pouvons en juger, du plus léger service à l’espèce.

2087. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

C’est par là précisément qu’il m’intéresse, que ses erreurs sont instructives, et c’est de ce point de vue qu’il faut juger ses « plagiats ». […] Trouver les sources d’un auteur, c’est un travail relativement facile ; il y faut beaucoup de lectures, de la mémoire, un certain flair et de la chance aussi ; ce travail est nécessaire, mais il n’est qu’une première étape ; reste à comparer l’œuvre d’art avec ses sources, comparaison qui porte sur toutes les nuances du fond et de la forme ; et reste enfin à juger la « combinaison » nouvelle dans son ensemble, et à en trouver la genèse intime dans le tempérament même du poète ; grosse difficulté, devant laquelle on recule le plus souvent.

2088. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

À en juger par ce qu’on a de lui, on croirait qu’il a eu de la jeunesse à peine ; il en a eu pourtant, et il l’a sentie.

2089. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Il eût été honteux à Sully de l’accepter, aussi le refusa-t-il. » Sur quoi un écrivain de notre temps, bien fait pour juger de Sully avec toute sorte de compétence, M. 

2090. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Et tout le monde qui avait à faire à lui, se tenait à l’entour debout, et lors il les faisait juger et renvoyer chacun en la manière que je vous ai dit auparavant du bois de Vincennes.

2091. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Elle n’était pas si inférieure à ce roi qu’on le croirait, ou plutôt elle ne lui était inférieure qu’en politesse, en mesure, en esprit de suite et de précision : mais, à certains égards, elle le jugeait avec bien de l’intelligence et avec un bon sens plus libre et plus étendu qu’il n’osait se le permettre pour son propre compte ; elle le trouvait ignorant sur une foule de points, et elle avait raison.

2092. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Daru dont il était parent, il regardait à mille choses, à un opéra de Cimarosa ou de Mozart, à un tableau, à une statue, à toute production neuve et belle, au génie divers des nations ; et tout bas il réagissait contre la sienne, contre cette nation française dont il était bien fort en croyant la juger, contre le goût français qu’il prétendait raviver et régénérer, du moins en causant : c’était là être bien Français encore.

2093. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Son père, savant dans le goût du xvie  siècle, était de plus un homme d’esprit et qui pensait par lui-même ; nous en pouvons encore juger.

2094. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Ce qui la rapproche surtout de cet homme de grand esprit et qui avait laissé jusqu à présent trop peu de souvenir, c’est une certaine conformité dans la manière de juger les choses et les personnes, le besoin de causer à cœur ouvert, d’être entendue de quelqu’un.

2095. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Maine de Biran n’a pas de ces vigoureuses expressions de pensée qui se gravent, mais il a et il rend bien, à force d’y revenir et d’y abonder, la plénitude de son objet : À en juger par ce que j’éprouve, dit-il en un de ces endroits essentiels, et ne considérant que le fait psychologique seulement, il me semble qu’il y a en moi un sens supérieur et comme une face de mon âme qui se tourne par moments (et plus souvent en certaine temps, à certaines époques de l’année) vers un ordre de choses ou d’idées, supérieures à tout ce qui est relatif à la vie vulgaire, à tout ce qui tient aux intérêts de ce monde et occupe exclusivement les hommes.

2096. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Rou se confondit alors en respects et en humilités, se déclarant un trop petit écolier pour prétendre juger des œuvres d’un tel maître

2097. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Mais trop souvent, aujourd’hui, on nous envoie à juger des notices sèches, des biographies longues, informes, farcies de dates et de citations.

2098. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Je dissimulerais mon impression si je ne disais que, tel qu’il se dessine dans ce premier volume de son Journal, d’Argenson paraît plus ambitieux qu’on ne le jugerait d’après l’ensemble de sa carrière, et qu’il s’y montre aussi moins bonhomme, plus brutal et plus désagréable de nature qu’on ne se le figurait d’après ses écrits jusqu’ici publiés et tous plus ou moins arrangés ou morcelés à dessein.

2099. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Son arrivée fut un événement ; la Cour et la ville la fêtèrent à l’envi ; elle était la lionne du moment, le sujet de conversation à la mode ; elle faisait concurrence au célèbre Wilkes dont le procès se jugeait dans le même temps.

2100. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Ces gens de goût, Montaigne et Horace, quand ils nous parlent d’eux et qu’ils se jugent, doivent être écoutés avec intelligence et sourire, avec quelque chose de ce sourire fin qu’eux-mêmes ils ont en nous parlant.

2101. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Fromentin un peintre heureux, naturel et comme natal ; à en juger par cette application toute nouvelle qui semble une métamorphose, cela ne m’étonnerait pas si bientôt, à l’un des prochains salons, on voyait de lui, sortant de son pinceau comme ici de sa plume, des paysages français de Normandie ou de Touraine, ou de cette même Sèvre niortaise, pour faire pendant et contraste aux précédents tableaux de l’Algérie.

2102. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Mes conseils, ceux de l’abbé (de Vermond), ceux de Mercy, n’ont rien produit, n’ont pu vous garantir des inconvénients ; jugez combien j’en dois être affectée, et combien je voudrais, aux dépens de ma vie, vous être utile et vous tirer de l’abandon où vous vous êtes jetée.

2103. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Béranger qui, à plus de trente ans de là, eut bien des confidences de La Mennais, a dit dans une lettre à un ami : « Vous avez bien jugé la nature de son esprit.

2104. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Jugez quand ce fut lui, quand l’idéal un moment fut trouvé ; alors les orageuses amours commencèrent, la vie devint errante.

2105. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Cet idéal, qu’attestait déjà la Tentation, ressort désormais et se compose en plein sous une harmonieuse tristesse dans le Pianto, dont l’éclat est trop voisin de nos pages66 pour que nous puissions l’y juger.

2106. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

On n’a qu’un très petit nombre de ses sermons : c’en est assez, avec ses Entretiens spirituels qu’on a recueillis, pour nous faire juger cette éloquence solide et insinuante, qui semble une causerie aisée, soudaine, enlevée jusqu’au pathétique par une émotion intérieure : c’est parfois un commentaire chaleureux de quelque texte sacré, parfois une libre instruction sans ordre apparent, ou divisée sans subtilité.

2107. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Il y a un an, à Paris, on jugea presque subversif un couplet de revue, qui parodiait (si peu !)

2108. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Il y a trois ans, à Paris, on jugea presque subversif un couplet de revue, qui parodiait (si peu !)

2109. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

De là vient que si nous voulons juger deux nuances de couleur, nous les plaçons côte à côte, que si nous voulons estimer deux poids, nous en prenons un dans chaque main, et que nous comparons leur pression, en faisant passer rapidement notre pensée de l’un à l’autre : et, « comme de toutes les grandeurs, celles d’étendue linéaire sont celles dont l’égalité peut être le plus exactement connue, il en résulte que c’est à celles-là qu’on doit réduire toutes les autres. » Car c’est le propre de l’étendue linéaire, que seule elle permet la juxtaposition absolue, ou pour mieux dire, la coïncidence, comme il arrive pour deux lignes mathématiques égales ; l’égalité devenant alors identité.

2110. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Il ne faut point offenser l’hôte terrible, le Dieu qui punit le crime, et qui, même aux Enfers, ne lâche point les mortels. » — Pour tout concilier, il va s’en rapporter à son peuple ; c’est lui qui jugera et qui décidera.

2111. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Je lui écrirai ce qu’il vous plaira ; je ne le verrai de ma vie, si vous le voulez ; j’irai même à la campagne, si vous le jugez nécessaire ; mais ne le menacez plus de l’envoyer au bout du monde.

2112. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Ajoutons seulement que l’excessive sévérité avec laquelle, en temps de calme, et du fond de leur fauteuil, bien des gens sont portés à juger de tels accidents, prouverait seulement qu’ils diraient peut-être pis eux-mêmes dans le tumulte et dans l’occasion.

2113. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Mlle de Lespinasse, qui finit par le juger ce qu’il était et par l’estimer à son taux sans pouvoir jamais s’empêcher de l’aimer, avait commencé avec lui par l’admiration.

2114. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Ce serait peut-être à moi à décider lequel est le plus triste d’être sourd ou aveugle, ou de ne point digérer : je puis juger de ces trois états avec connaissance de cause ; mais il y a longtemps que je n’ose décider sur les bagatelles, à plus forte raison sur des choses si importantes.

2115. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Disciple de Descartes en philosophie, mais disciple libre et qui se permettait de juger son maître, il comprit qu’il y avait un rôle à prendre, un milieu à tenir entre les gens du monde et les savants, et que l’esprit, qui, d’un côté, servait à entendre, pouvait servir, de l’autre, à exprimer.

2116. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

En se dépouillant aujourd’hui, pour le juger, de toute prévention et comme de tout ressouvenir personnel, on ne peut au moins s’empêcher de voir qu’il méconnaissait sur des points essentiels le génie du temps, celui même de la nation, et qu’il blessait la fibre française.

2117. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Ninon cherche à procurer au savant calviniste toutes les ressources dont elle dispose : « Il a trouvé ici de mes amis qui l’ont jugé digne des louanges que vous lui donnez.

2118. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Le plus sûr et le plus commode pour juger des belles parties de Bonald, c’est de briser, de secouer en quelque sorte son réseau, et de ne voir que les pensées mêmes qui s’en détachent.

2119. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Guillaume de Schlegel, Fauriel et Ampère, on peut dire toutefois que l’ensemble de son œuvre et de son influence n’a pas été encore exposé, discuté et jugé régulièrement et au complet.

2120. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Mais il est plus utile d’insister sur les ressorts élevés qu’il trouvait dans cette foi et dans cette conscience royale, ce qui lui faisait dire au milieu des hasards de la politique : « Mais au moins, quel qu’en soit l’événement, j’aurai toujours en moi toute la satisfaction que doit avoir une âme généreuse quand elle a contenté sa propre vertu. » Parlant de ces six volumes de Mémoires au moment où ils parurent, M. de Chateaubriand les a très bien jugés en disant : Les Mémoires de Louis XIV augmenteront sa renommée : ils ne dévoilent aucune bassesse, ils ne révèlent aucun de ces honteux secrets que le cœur humain cache trop souvent dans ses abîmes.

2121. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Ce Figaro, qui mérite un nom plus sérieux, parce que, sans viser à la dignité, il s’abstient toujours de la déclamation et qu’il ne pousse pas son rôle à l’extrême, a très bien jugé en quelques mots ce prince de Conti qui le raillait.

2122. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

L’École d’artillerie de Châlons était partagée : quelques élèves, parmi lesquels Duroc, avaient jugé convenable d’émigrer.

2123. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Ce qu’il ne disait pas et ce que peut-être il ne voyait pas assez, c’est que beaucoup de ces choses qu’il jugeait perdues n’étaient pas si éloignées de renaître dans le temps même où il les regrettait.

2124. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Parlant de son ami le maréchal de Berwick et le montrant, dès l’adolescence, à la tête d’un régiment et gouverneur d’une province, Montesquieu disait : « Ainsi, à l’âge de dix-sept ans, il se trouva dans cette situation si flatteuse pour un homme qui a l’âme élevée, de voir le chemin de la gloire tout ouvert, et la possibilité de faire de grandes choses. » Sans prétendre rien dire de pareil de cette charge de président à mortier obtenue de bonne heure, Montesquieu du moins fut dès lors sur le pied de tout voir, de juger les hommes à leur niveau, et de n’avoir pas à faire d’effort pour arriver et s’insinuer jusqu’à eux ; il n’eut qu’à choisir entre les relations qui s’offraient.

2125. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Pour juger du livre de Considérations qu’il leur a consacré, il y aurait à examiner ce qui a été dit avant lui sur ce sujet, à rendre à Machiavel, à Saint-Évremond, à Saint-Réal, ce qui leur est dû ; et, pour la forme, on aurait à rapprocher du discours historique de Montesquieu le discours même de Bossuet.

2126. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Pour juger Franklin littérateur, économiste et auteur de différentes inventions utiles, il convient de se bien représenter ce jeune homme à sa date et à sa place, au milieu de ses compatriotes si rudes, si inégalement instruits et si peu faits à tous les arts de la vie.

2127. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Je suis extrêmement mal logé ; car je n’ai aucun lieu où je puisse faire du feu à cause de la fumée ; vous jugez bien que je n’ai pas besoin de grand hiver, mais il n’y a remède que la patience.

2128. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

C’est une réflexion que j’ai souvent faite avec les autres ministres du roi ; et, quoique mon caractère soit malheureusement inquiet, quoique toute ma vie j’aie porté mes regards en arrière pour me juger encore dans les choses passées, quoique mon esprit se soit ainsi chargé de toute la partie des remords dont ma conscience n’eut jamais que faire, néanmoins, et à mon propre étonnement, je cherche en vain à me faire un reproche.

2129. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Nous jugeons l’intelligence bonne, parce que nous jouissons de connaître et de comprendre, la puissance bonne, parce que nous jouissons d’agir et de mouvoir, etc.

2130. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Je gage que son effet vous fatiguera ; qu’il n’y a point de plans, mais point ; rien de décidé ; qu’on ne sait toujours où posent les figures du parvis ; que cette grosse suivante à énorme derrière rouge, au lieu d’être large, continue d’être monstrueuse et mal assise ; qu’il n’y a point de repos, que vous y ressentez partout la furia francese ; qu’à juger de la figure qui tient le petit enfant, par le plan qu’on lui suppose, elle est d’une grandeur colossale, etc., etc.

2131. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

La beauté humaine cède ici devant la beauté surnaturelle, et on a jugé par le contraste entre une religion qui produit des Saintes comme sainte Thérèse et celle qui ne fait d’une âme, naturellement propre à tout ce qu’il y a de plus grand, rien de plus peut-être que la femme la plus méritante du protestantisme contemporain, et certainement le cœur le plus vaillant qui y ait jamais palpité !

2132. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Ce ne sont guères là, à proprement parler, que deux Mémoires, — deux simples Mémoires à consulter, au dossier d’un procès perdu sans avoir été jugé, comme tant d’autres procès !

2133. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Je le demande, car il ne faut pas se contenter de l’opinion courante, toujours fausse, puisqu’elle prend racine dans le passé : il faut se mettre, pour juger, au point de vue de l’ensemble, si peu étendu que soit le champ de notre vision mentale.

2134. (1901) Figures et caractères

Il y faut la patience de tout apprendre et la vivacité de tout sentir ; aussi ceux qui ont entrepris le labeur difficile et délicat de juger les œuvres et les ouvrier à de la pensée humaine trouveront-ils quelque outrecuidance à m’en voir tenter l’essai sans m’être soumis à la discipline intellectuelle où ils ont pris leur compétence et leur autorité. […] Il les jugeait avec une impartialité parfaite, une prescience divinatoire de leur avortement ou de leur réussite. […] Jean de Tinan, au contraire, aimait la vie quoi qu’on ait pu dire d’elle, et bien résolu à ne point la prendre sur sa mauvaise réputation et à l’éprouver par lui-même, en jeune homme, quitte ensuite à ’la juger en homme. […] En tout cas, à en juger par le subterfuge qu’il y employa, le duc de Portland fut certes l’homme le plus digne au monde du bonheur conjugal. […] Il faudrait, pour le juger entièrement dans ses principes et dans ses résultats, attendre que les poètes qui y contribuèrent aient achevé l’œuvre entreprise.

2135. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Jugez ce qu’il put accumuler en lui d’impressions, de sentiments et d’idées. […] Aujourd’hui encore, « le monde »  ou ce qui en reste  peut beaucoup pour le succès d’un écrivain : jugez de ce qu’il pouvait à cette époque. […] Au surplus, mettez-vous à la place de ce vieillard qui va être guillotiné demain, qui voit les choses d’ici-bas, non seulement à travers sa foi, mais du seuil de la mort et de l’éternité et comme de la fenêtre d’un autre monde ; et jugez quelle misère doit lui paraître la petite aventure alpestre du jeune lévite. […] Les vraies « Feuilles d’automne », ce sont les Recueillements : le soleil de l’avenir humain y brille, pour le poète, à travers les feuillages jaunis de son automne, au bout des sentiers jonchés de ses illusions et de ses deuils… L’éternelle mélancolie et l’éternel espoir… Mais pourquoi un critique impérieux et inventif, dialecticien de la même façon que d’autres sont poètes, et qui produit des théories comme un rosier porte des roses, a-t-il dit  et même démontré  que la poésie romantique et la poésie personnelle, c’est tout un ; que ce qui distingue, en gros, les romantiques des parnassiens, c’est que les premiers, monstres de vanité, se jugeaient si intéressants et si particuliers qu’ils ne nous parlaient que d’eux-mêmes et de leurs petites affaires, au lieu que les seconds se sont appliqués à peindre ce qui leur était extérieur, et qu’ainsi « l’évolution de la poésie lyrique » en ce siècle, c’est, en somme, le passage de la poésie subjective à la poésie objective   Je crois pourtant n’avoir presque jamais rencontré, ni dans Chateaubriand, ni dans Lamartine, Hugo ou Vigny, ni même dans Musset, rien de personnel qui ne soit en même temps général ; et je le pourrais prouver très facilement, si c’était ici le lieu.

2136. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il lui faut toujours juger à la hâte et s’attacher au plus saillant des objets. […] Après tout, cette disparité n’aurait rien de très dangereux, et pourvu que le système judiciaire fût unique et que le citoyen fût jugé partout par les mêmes lois, il n’aurait pas à se plaindre de trouver quand il voyage des états d’esprit différents. […] L’État, par besoin d’argent, avait vendu le droit de juger. […] Il voudrait les avoir toutes successivement, sachant bien que, pour pénétrer quelque chose, il faut l’aimer passionnément, ou plutôt l’avoir passionnément aimé, et s’être ressaisi ensuite pour en juger avec sang-froid. […] S’il apprécie les écrits des autres sans avoir été créateur lui-même, la technique de l’art littéraire lui est toujours peu connue, et il donne dans le défaut de juger par simple impression, ou dans celui de juger par règles générales, théories, et a priori ; et c’est précisément entre ces deux écueils qu’est sans doute la vraie voie de la bonne critique. — S’il apprécie les écrits des autres après avoir été créateur et l’étant encore, il y a péril qu’il ne songe trop à lui et ne se prenne pour le modèle sur la considération duquel il jugera de tout ouvrage ; et il lui faudra beaucoup de vertu pour avoir assez de clairvoyance.

2137. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Je vous laisse à en juger. […] Or, je viens d’adresser ma chanson aux ouvriers-poètes, et vous jugez si j’ai dû penser à vous. […] C’est au lecteur à juger des souffrances morales infligées à une âme délicate et pure par la brutalité impérieuse et par l’égoïsme poli. […] « Tout au contraire le livre nous a paru utile, et tous, en famille, nous avons jugé que la lecture en était bonne pour les innombrables Mme Bovary en herbe que des circonstances analogues [et la lecture des romans de George Sand, s’il vous plaît !] […] Il s’abstient de juger.

2138. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Si mauvais qu’eût été jugé Don Garcie, les morceaux en étaient bons ou plutôt des morceaux puisque Molière a pu mettre dans le rôle d’Alceste des fragments très considérables du rôle de Don Garcie et dans Amphitryon un morceau très considérable de Don Garcie et dans Tartuffe un fragment notable de la même pièce1, il pouvait agir ainsi puisque Don Garcie n’avait pas été imprimé et ne l’a été qu’après sa mort. […] Bérénice de Racine : Pour le Prince, entre tous sans peine on le remarque ; Et d’une stade loin il sent son grand monarque ; Dans toute sa personne il a je ne sais quoi Qui d’abord fait juger que c’est un maître roi. […] Toute sa cour s’empresse à chercher ses regards : Ce sont autour de lui confusions plaisantes ; Et l’on dirait d’un tas de mouches reluisantes Qui suivent en tous lieux un doux rayon de miel. […] Bossuet fait évidemment allusion à la scène viii de l’acte IV de l’École des femmes, au discours de Chrysalde que je suis forcé de reproduire tout entier pour en faire juger. […]      Je le jugerais presque à voir votre visage. […] […] Apprends, Marquis, je te prie, et les autres aussi, que le bon sens n’a point de place déterminée à la comédie ; que la différence du demi-louis d’or et de la pièce de quinze sols ne fait rien du tout au bon goût ; que debout et assis, on peut donner un mauvais jugement ; et qu’enfin, à le prendre en générai, je me fierais assez à l’approbation du parterre, par la raison qu’entre ceux qui le composent, il y en a plusieurs qui sont capables de juger d’une pièce selon les règles, et que les autres en jugent par la bonne façon d’en juger, qui est de se laisser prendre aux choses, et de n’avoir ni prévention aveugle, ni complaisance affectée, ni délicatesse ridicule. » Et c’est-à-dire, ce me semble : Je ne cherche que la vie ; Je tâche à l’atteindre ; Et je dis au public : ma pièce vit-elle ?

2139. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

qu’un regard pour juger le monde et des serres pour le déchirer. […] Il ne jugeait pas aussi librement que nous, et il n’était pas amateur de bric-à-brac. […] Si, par hasard, nous jugeons qu’il lui arrive de contrarier le secret de l’auteur, qu’importe ! […] Elle suivait son rôle et créait son fantôme, se voyait, se jugeait, présumait de l’impression qu’elle devait susciter. […] Car nous ne pouvons juger du sentiment chez un acteur que par des manifestations extérieures.

2140. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Jugez maintenant des matériaux qu’ils fournissent au théâtre et des personnages qu’ils demandent au théâtre ; pour être d’accord avec le public, la scène n’aura pas trop des plus franches concupiscences et des plus puissantes passions ; il faudra qu’elle montre l’homme lancé jusqu’au bout de son désir, effréné, presque fou, tantôt frissonnant et fixe devant la blanche chair palpitante que ses yeux dévorent, tantôt hagard et grinçant devant l’ennemi qu’il veut déchirer, tantôt soulevé hors de lui-même et bouleversé à l’aspect des honneurs et des biens qu’il convoite, toujours en tumulte et enveloppé dans une tempête d’idées tourbillonnantes, parfois secoué de gaietés impétueuses, le plus souvent voisin de la fureur et de la folie, plus fort, plus ardent, plus abandonné, plus audacieusement lâché à travers le réseau de la raison et de la loi qu’il ne fut jamais. […] Jugez de ce qu’ils étaient au seizième siècle : la race anglaise17 passe alors pour « la race la plus belliqueuse » de l’Europe, « la plus redoutable dans les batailles, la plus impatiente de tout ce qui ressemble à la servitude. » « Les bêtes sauvages anglaises » : c’est ainsi que Cellini les appelle ; et « les énormes pièces de bœuf » dont ils s’emplissent, entretiennent la force et la férocité de leurs instincts. […] Il n’avait que trente ans ; jugez de la poésie qui peut sortir d’une vie aussi emportée et aussi remplie : d’abord la déclamation exagérée, les entassements de meurtres, les atrocités, la pompeuse et furieuse fanfare de la tragédie éclaboussée dans le sang, et des passions exaltées jusqu’à la démence.

2141. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

« Il ne s’est pas beaucoup exposé, disait un contemporain qui l’a bien jugé ; son genre n’est pas le plus difficile, et il n’en avait qu’un. » Il n’est pas de ceux dont on puisse dire à aucun jour : Il s’est surpassé.

2142. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Jouir d’une mine qu’on a jugée la plus avantageuse, qu’on ne voudrait pas changer pour une autre, et voir devant ses yeux un maudit visage qui vient chercher noise à la bonne opinion que vous avez du vôtre, qui vous présente hardiment le combat, et qui vous jette dans la confusion de douter un moment de la victoire ; qui voudrait enfin accuser d’abus le plaisir qu’on a de croire sa physionomie sans reproche et sans pair : ces moments-là sont périlleux ; je lisais tout l’embarras du visage insulté : mais cet embarras ne faisait que passer.

2143. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Il démêlait très finement le naturel et la portée des femmes, et, tout en les estimant à quelques égards meilleurs que l’homme et en les entendant volontiers dans leurs confidences, il les jugeait dangereuses là où elles l’étaient, et ne se laissait point consumer ni absorber : La femme a en elle un foyer d’affection qui la travaille et l’embarrasse ; elle n’est à son aise que lorsque ce foyer-là trouve de l’aliment ; n’importe ensuite ce que deviendra la mesure et la raison.

2144. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Mais ce qui m’a soutenu, c’est la persuasion que notre Révolution ayant un grand but et un grand mobile, on doit s’estimer heureux toutes les fois qu’on se trouve pour quelque chose dans ce grand mouvement, surtout quand c’est de cette manière-là, où il ne s’agit ni de juger les humains, ni de les tuer.

2145. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Lorsque plus tard Villars revit le roi, il fut question de ce mauvais procédé de M. d’Usson ; mais il faut voir comme Villars parle de ses ennemis sans fiel et d’un air de magnanimité ; il n’est pas de la même humeur que Saint-Simon : Sa Majesté me parla d’un officier qui, dans le dessein de se donner les honneurs de la victoire d’Hochstett, lui avait dépêché un courrier avant le mien pour lui en annoncer la nouvelle, je le jugeai indigne de ma colère, et répondis seulement à Sa Majesté que l’on pouvait lui pardonner d’avoir manqué à son général, puisque le bonheur d’être le premier à annoncer une bonne nouvelle tourne quelquefois la tête ; mais que cette action, qui pouvait être blâmée, était cependant une des plus raisonnables qu’il eût faites.

2146. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Il ajoutait dans le billet d’envoi : « Monseigneur le Surintendant a voulu avoir ces six vers, et je ne suis pas fâché de lui avoir fait voir que j’ai toujours eu assez d’esprit pour connaître mes défauts, malgré l’amour-propre qui semble être attaché à notre métier. » — L’ancien Balzac n’aurait pas écrit ce petit billet-là, ni le moderne Balzac non plus : l’amour-propre les empêchait de se voir et de se juger.

2147. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Pour moi, et là où je suis plus à même d’en juger, c’est avant tout un esprit bien fait, net, délié, philosophique, au courant de toute science et de toute branche d’étude ; un écrivain facile, alerte, spirituel.

2148. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Un grand critique à ses heures perdues, Napoléon, assistant, sous le Consulat, à une représentation du Cid et s’apercevant qu’on avait supprimé le rôle de l’infante, en demanda le motif ; et comme on lui répondit que le rôle avait été jugé inutile et ridicule ; « Tout au contraire, s’écria-t-il, ce rôle est fort bien imaginé.

2149. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

La manière dont il traite les soldats blessés ou infirmes rentrant d’Allemagne suffit d’ailleurs pour le juger.

2150. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Jomini, tout le premier, s’emparant de quelques phrases de la préface, a jugé très sévèrement l’ouvrage et ne paraît pas l’avoir pris un instant au sérieux9.

2151. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

De quel droit jugeait-il l’illustre Saxon comme un simple condottiere dans des proportions plus grandes, et lui en prêtait-il les calculs et l’âme ?

2152. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le général, déjà affaibli, se sentit atteint, du premier jour : il jugea du caractère de son mal et de l’issue.

2153. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

« Monsieur Decrès, j’ai jugé à propos d’accorder la retraite au conseiller d’État Malouet ; vous en recevrez le décret et vous le lui notifierez ; vous lui insinuerez également que mon intention est que, sous quinze jours, il ait choisi son domicile à quarante lieues de Paris.

2154. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Elle jugeait mieux des personnes et des caractères que sa tendre amie, et elle lui disait quelquefois, à propos de l’inintelligence de cœur de certaines gens les plus polis de surface et les plus avenants en apparence : « Ah !

2155. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Jomini, dès le matin, n’avait cessé d’observer, de juger, de critiquer : il était là, on l’a dit, dans le plus pur de son élément.

2156. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Léon Gautier, dans un livre intéressant sur les anciennes Épopées françaises, se plaçant à l’époque qu’il estime la plus belle de notre moyen âge poétique, a jugé avec une extrême rigueur notre Renaissance littéraire du xvie  siècle ; et je demande à le citer ici de préférence à d’autres qui ont pensé de même, au poète Miçkiewicz par exemple, parce qu’il embrasse plus complètement tous les éléments du procès et qu’il y entre, le dernier venu, en toute connaissance de cause : « Nous ne savons pas, dit M. 

2157. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

La situation des journaux a notablement empiré depuis l’introduction de la presse dite à quarante francs : je ne m’attache à juger que du contre-coup moral.

2158. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Ses premières poésies attirèrent l’attention dans le moment ; un peu antérieures, par la date de leur publication, à l’éclat de la seconde école romantique de 1828, on les trouva pures, sensibles, élégantes ; on ne les jugea pas d’abord trop pâles de style et de couleur.

2159. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Cette portion capitale de son enseignement n’est pas publiée encore ; mais nous qui l’avons entendu dans sa chaire, il nous est permis d’en juger.

2160. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

L’histoire en a profité cette fois, mais elle les admet peu en général ; son front, d’ordinaire impassible, ne laisse guère monter jusqu’à lui les mille éclairs sous-entendus et les sourires ; — et voilà pourquoi, en pur critique littéraire que je suis, j’ai toujours crainte de m’approcher, comme aussi j’ai peine à juger du masque de cette muse sévère.

2161. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Qu’on en juge par le récit de cette mort : « L’ordre de juger Madame Élisabeth fut un défi de cruauté entre les hommes dominants à qui serait le plus implacable contre le sang de Bourbon.

2162. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Il nous en avait pourtant bien avertis, lui qui jugeait de ses vers par l’oreille et croyait les justifier assez en attestant qu’il n’en avait jamais fait de plus « sonores » ; lui qui défendait le mot de lubricité pour le bon son qu’il faisait à la rime ; lui qui tant d’années avant qu’on l’eût inventé, connaissait l’art de la lecture, et qui lisait ou disait les vers en perfection, de façon à transporter les plus froids auditeurs : il les débitait tout simplement en poète, rendant sensibles toute sorte d’effets d’harmonie et de rythme, qui échappent à la lecture des yeux.

2163. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Il y a en lui un sentiment, principe et limite ci la fois de l’individualisme, qui le légitime et le contient ; ce sentiment, tout-puissant sur lui, et qui lui sert de règle à juger toutes les actions d’autrui, c’est l’honneur féodal, le respect du pacte et du lien social, qui lient unis le vassal et le suzerain.

2164. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Ainsi s’explique la confiance de Boileau en ses « règles » ; elles définissent la perfection absolue, universelle, nécessaire, celle où doivent tendre toutes les œuvres qu’on fera, et d’après laquelle on doit juger toutes les œuvres qu’on a faites.

2165. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

J’éprouvai de la colère et de la honte à m’entendre juger ainsi.

2166. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Ils m’ont fait tant de plaisir entre quinze et dix-huit ans que je leur en garde une reconnaissance éternelle et qu’il m’est encore difficile de les juger aujourd’hui en toute liberté.

2167. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Là, tous les préceptes sont des paroles des Livres saints, et toutes les actions sont jugées d’avance.

2168. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

J’ai jugé que les trois lectures α, β, γ faites sur mon horloge à trois moments différents étaient dépourvues d’intérêt et que la seule chose intéressante était la combinaison de ces trois lectures.

2169. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Verlaine, froissé de ces procédés qu’il jugeait, à tort ou à raison, injurieux pour la mémoire de son ami, m’avait prié d’intervenir auprès de Baju pour qu’il s’en abstînt désormais, ce qui n’empêcha pas ce dernier de continuer — en l’absence de sonnets où il était incompétent — à émailler la revue d’annonces fantaisistes sur le grand disparu.

2170. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Il faudrait, pour le juger entièrement dans ses principes et dans ses résultats, attendre que les poètes qui y contribuèrent aient achevé l’œuvre entreprise.

2171. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

On peut juger, par les fragments qui en restent, de leur magnificence et de leur fureur.

2172. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Aussi bien le public avait jugé, avant moi, ce drame avorté.

2173. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

» Avec quel dédain un peu jaloux elle s’en prend à Mme de Staël, qui s’attendait d’abord à trouver dans Goethe un second Werther, et qui était toute désappointée et au regret de l’avoir trouvé si différent, comme si elle l’en avait jugé moindre !

2174. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

[NdA] Sa surdité presque complète ne l’avait nullement empêché, durant des années, de suivre la représentation de ses pièces : il n’en perdait presque rien, et disait même qu’il n’avait jamais mieux jugé du jeu et de l’effet que depuis qu’il n’entendait plus les acteurs.

2175. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Tous les gouvernements ayant eu leurs lois de septembre, et les hommes qui les avaient combattues ce jour-là étant venus depuis, à leur tour, proposer les leurs sous le coup de la nécessité, il est plus facile aujourd’hui d’en bien juger et de s’en rendre compte avec impartialité.

2176. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Trouvant dans les Œuvres de Vauvenargues deux morceaux qui sont une « Prière » et une « Méditation » religieuse, Condorcet, que ces morceaux gênaient, déclare sans hésiter qu’ils ont été trouvés dans les papiers de l’auteur, après sa mort ; qu’ils n’ont été écrits, d’ailleurs, que par une sorte de gageure ; mais que les éditeurs ont jugé à propos de les ajouter aux Pensées de Vauvenargues, pour faire passer les maximes hardies qui sont à côté.

2177. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Vous jugez bien que, selon le monde, je dois être contente, et, selon Dieu, je suis transportée.

2178. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

il faut être époux, il faut devenir père, pour juger sainement de ces vices contagieux qui attaquent les mœurs dans leur source, de ces vices doux et perfides qui portent le trouble, la honte, la haine, la désolation, le désespoir dans le sein des familles.

2179. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Son livre sur la contre-révolution d’Angleterre en 1827 avait été un mouvement dans ce sens : la manœuvre fut interrompue pendant le ministère Martignac, qu’il n’avait jugé que comme une fausse trêve.

2180. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

On en jugera par un seul trait : Que de fois, s’écrie-t-il, je me suis trouvé meilleur en le quittant !

2181. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Notez que ces calomnies secrètes et dites à l’oreille de tant de gens n’empêchèrent pas, cinq ans après, Voltaire renouant avec M. de Brosses, devenu alors premier président du parlement de Bourgogne, de lui écrire au sujet de quelque affaire qu’il lui recommandait (novembre 1776) : « Pour moi, à l’âge où je suis, je n’ai d’autre intérêt que celui de mourir dans vos bonnes grâces. » Littérairement, de Brosses eut une fois à juger Voltaire ; c’est à la fin de sa Vie de Salluste, et il le fit avec équité, sans qu’on y puisse découvrir trace de ressentiment.

2182. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Son compatriote Bodin, qui, au tome II de ses Recherches sur l’Anjou, l’a jugé au moral bien sévèrement, cite de lui des lettres de vieillard assez agréables et assez souriantes.

2183. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Nous voilà dans l’obscurité de la petite loge, avec la salle encore vide, où émergent, çà et là, quelques têtes ayant sur la figure de l’implacabilité de juge, qui va juger des criminels. « J’ai comme le bout des doigts aimantés ! 

2184. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

En 1804, l’auteur d’une de ces Biographies universelles idiotes où l’on trouve moyen de raconter l’histoire de Calas sans prononcer le nom de Voltaire, et que les gouvernements, sachant ce qu’ils font, patronnent et subventionnent volontiers, un nommé Delandine, sent le besoin de prendre une balance et de juger Shakespeare, et, après avoir dit que « Shakespear, qui se prononce Chekspir », avait, dans sa jeunesse, « dérobé les bêtes fauves d’un seigneur », il ajoute : « La nature avait rassemblé dans la tête de ce poëte ce qu’on peut imaginer de plus grand, avec ce que la grossièreté sans esprit peut avoir de plus bas. » Dernièrement, nous lisions cette chose écrite il y a peu de temps par un cuistre considérable, qui est vivant : « Les auteurs secondaires et les poètes inférieurs, tels que Shakespeare  », etc.

2185. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Il n’était plus question pour le Critique ni de juger ni de classer, mais de raconter les aventures de sa sensibilité à travers les livres.

2186. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Il y aurait une distinction à faire entre les critiques qui sont aussi romanciers ou poètes et les critiques qui se vouent exclusivement à juger les œuvres d’autrui.

2187. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

» Trois choses contribuent ordinairement à rendre un orateur agréable et efficace : la personne de celui qui parle, la beauté des choses qu’il traite, la manière ingénieuse dont il les explique : et la raison en est évidente ; car l’estime de l’orateur prépare une attention favorable, les belles choses nourrissent l’esprit, et l’adresse de les expliquer d’une manière qui plaise, les fait doucement entrer dans le cœur ; mais de la manière que se représente le prédicateur dont je parle, il est bien aisé de juger qu’il n’a aucun de ces avantages.

2188. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Par exemple, si un magistrat avait acquis toutes les connaissances primitives ou accessoires à son état, en suivant le cours de l’éducation publique jusqu’à sa fin, il renverrait moins fréquemment les affaires par devant des experts et jugerait plus sainement de la bonne ou mauvaise foi de ceux-ci.

2189. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Dans l’un et l’autre cas, vous serez faux, à vous juger à la rigueur.

2190. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Les bornes des sens de l’homme, pour voir l’univers ; de son intelligence, pour en connaître les lois ; de ses facultés, pour en juger l’ensemble : telles sont les limites de la parole, considérée comme expression de l’intelligence ou de la pensée.

2191. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Cela était important pour le bien juger.

2192. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Je rêve de la Terreur ; j’assiste à des scènes de massacre, je comparais devant le tribunal révolutionnaire, je vois Robespierre, Marat, Fouquier-Tinville… ; je discute avec eux ; je suis jugé, condamné à mort, conduit en charrette sur la place de la Révolution ; je monte sur l’échafaud l’exécuteur me lie sur la planche fatale, il la fait basculer, le couperet tombe je sens ma tête se séparer de mon tronc, je m’éveille en proie à la plus vive angoisse, et je me sens sur le cou la flèche de mon lit qui s’était subitement détachée, et était tombée sur mes vertèbres cervicales, à la façon du couteau d’une guillotine.

2193. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Geffroy tente ici la réhabilitation, l’apologie, plus encore, l’apothéose, je ne veux pas le juger en de brèves lignes. « L’esprit de révolte du vieux Blanqui, dit M.  […] Exempt de cet enthousiasme que la guerre n’éveille pas dans l’âme des nouvelles générations, mais fort éloigné d’une « rouspétance » qu’il jugerait nuisible à son repos, le licencié Roux a toutes les docilités et tout le scepticisme d’un troupier très moderne. […] non, si nous en jugeons d’après M.  […] Vous me jugerez mal, mon action est folle, on ne se livre pas ainsi à un inconnu. […] Trois jeunes gens, apparemment aristocrates (du moins je les jugeai tels à cause de leurs cravates), étaient assis sur des sièges élégants, mais incommodes.

2194. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Tous mes lecteurs se souviennent que j’ai écrit, en 1847, un livre qu’il ne m’appartient pas de juger littérairement ; livre qui produisit, lors de son apparition, un effet tellement universel que les critiques du temps ne purent le comparer qu’au mouvement de curiosité de l’Émile de J. […] Ce n’est point un acte de contrition, c’est un acte de conscience : on en jugera.

2195. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Je laisse aux érudits le soin d’avoir lu tous les Poètes, et de juger, si un érudit, qui ne saurait être un poète, a droit de décider en cette affaire. […] À ceux qui s’étonneraient, je répondrai : « Considérez que ce poète, peu lu et mal connu, jugé d’après ses théories étroites et paradoxales, fut harmonieux comme Lamartine, profond comme Baudelaire, poignant comme Musset, grave comme Alfred de Vigny et musical comme Verlaine ; songez que les Poèmes barbares ont précédé la Légende des Siècles et la surpassent certainement en largeur épique ; méditez enfin religieusement cette œuvre parfaite, où la langue poétique n’a été maniée qu’avec ce respect sacré que possèdent seuls les génies.

2196. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Si l’on en a jugé autrement, c’est à cause des états anormaux qui préludent souvent chez eux à la transformation définitive. […] On comprend donc qu’ayant mis au-dessus du monde sensible une hiérarchie d’Idées dominées par cette Idée des Idées qu’est l’Idée du Bien, Platon ait jugé que les Idées en général, et à plus forte raison le Bien, agissaient par l’attrait de leur perfection.

2197. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Je ne puis entrer dans des détails qui me feraient sortir de mon sujet ; je me bornerai à faire remarquer que, s’il n’y a rien actuellement sous le mot, il y a, il doit y avoir un savoir potentiel, la possibilité d’une connaissance. « Dans la pensée actuelle, dit Leibniz, nous avons coutume d’omettre l’explication des signes au moyen de ce qu’ils signifient, sachant ou croyant que nous avons cette explication en notre pouvoir ; mais cette application ou explication des mots, nous ne la jugeons pas nécessaire actuellement… J’appelle cette manière de raisonner aveugle ou symbolique. […] Une autre forme d’idée fixe consiste en questions sans fin sur un problème abstrait que les malades eux-mêmes jugent insoluble. […] Nous dirons avec Spinoza : « L’appétit est l’essence même de l’homme… Le désir, c’est l’appétit avec conscience de lui-même  Il résulte de tout cela que ce qui fonde l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir, ce n’est pas qu’on ait jugé qu’une chose est bonne ; mais, au contraire, on juge qu’une chose est bonne parce qu’on y tend par l’effort, le vouloir, l’appétit, le désir. » A l’origine, le plaisir n’est pas cherché pour lui-même ni la peine évitée pour elle-même, puisqu’il est bien clair qu’on ne peut rechercher ni éviter ce qu’on ne connaît pas.

2198. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

On ne saurait juger de la conception que d’après l’exécution, du génie que sur son ouvrage. […] Au fait, il n’eut pas de vieillesse ; on ne peut la juger sur eux. […] Non pas : les hommes de goût et de réflexion s’en détacheront les premiers et il est jugé à cette heure.

2199. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Admirons l’immutabilité de notre sensibilité, et que ce point de vue nous fasse juger d’une manière nouvelle nos poètes des siècles disparus, et les lecteurs qui furent émus par leur poésie. […] Les quelques pièces qu’on rassemblées les anthologies nous permettent de juger de la maîtrise parfaite de son talent où il semble que l’art de Heredia s’est marié à celui de Henri de Régnier, en une simplicité d’un goût toujours sûr. […] Mais comment discuter sérieusement ; les écrivains et les critiques honnêtes ne se placent pour juger une œuvre qu’au point de vue de la famille.

2200. (1864) Études sur Shakespeare

On eût cru commettre une sorte de profanation en appliquant, à des drames qu’on jugeait informes et grossiers, les mots de génie et de gloire. […] » Ailleurs il s’afflige de cette tâche qui sépare deux vies unies par l’affection : « Je ne puis, dit-il, toujours t’avouer, de peur que la faute que je pleure ne te fasse rougir ; et tu ne peux m’honorer d’une faveur publique, dans la crainte de déshonorer ton nom27. » Puis il se plaint d’être, sinon calomnié, du moins mal jugé, et de ce que les fragilités de sa « folâtre jeunesse » sont épiées par des censeurs encore plus fragiles que lui28. […] Les profits qu’il retirait du théâtre, en qualité d’auteur et d’acteur, ont été évalués à deux cents livres sterling par an, somme considérable pour le temps ; et si les bienfaits de lord Southampton sont venus au secours de l’économie du poëte, on peut juger que du moins ils n’ont pas été mal employés. […] Les besoins de la curiosité l’emportent trop souvent sur ceux du goût, et le plaisir d’aller encore admirer Shakespeare devait céder à l’intérêt plus vif d’aller juger les nouvelles productions de ses émules.

2201. (1940) Quatre études pp. -154

Ce dernier rappelle que Mme de Staël jugeait Lenore intraduisible : il l’a traduite cependant : C’est cette ballade que j’ai essayé de rendre en français ; elle m’avait tristement ému dans nos cantonnements lors de nos guerres d’Allemagne, et je l’avais retenue presque par cœur ainsi qu’une autre, Guter Mond du gehst so still, que je chantais en Poméranie, en traversant la nuit au clair de lune, sur les glaces de la Baltique, le détroit qui sépare Stralsund de l’île de Rugen. […] Il nous dira que Locke est le premier qui ait remarqué que l’inquiétude causée par la privation d’un objet est le principe de nos déterminations ; mais qu’il a le tort de faire naître l’inquiétude du désir, tandis qu’en réalité le désir naît de l’inquiétude ; que d’ailleurs, Locke a mis entre le désir et la volonté plus de différence qu’il n’y en a en effet ; qu’il restait donc à démontrer que cette inquiétude est le premier principe qui nous donne les habitudes de toucher, de voir, d’entendre, de sentir, de goûter, de comparer, de juger, de réfléchir, de désirer, d’aimer, de haïr, de craindre, d’espérer, de vouloir ; que c’est par elle, en un mot, que naissent toutes les habitudes de l’âme et du corps. […] Denis le philosophe a voulu être un savant ; il a passé des mathématiques à la physique, et de la physique aux sciences naturelles ; il a manié des pièces d’anatomie, il a assisté aux dissections, il a étudié en médecin le mécanisme de nos organes et les fonctions de notre corps ; et au bout de ce travail, il a jugé que la matière, la seule matière, suffisait à expliquer la pensée et la vie. […] Ce même philosophe esquisse aussi la psychologie de l’ennui. « Traite des Sensations », Œuvres, II, 75 ; à propos de la statue sentante : « Enfin, si le besoin a pour cause une de ces sensations qu’elle s’est accoutumée à juger indifférentes, elle vit d’abord sans ressentir ni peine ni plaisir.

2202. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Faut-il donc juger de tels cours comme des livres composés à loisir dans le silence du cabinet, et doit-on s’étonner d’y rencontrer bien des répétitions, bien des disparates, un style inégal, des mouvements abrupts, enfin l’improvisation prise en quelque sorte sur le fait, et jetée au vent de la publicité avec ses innombrables défauts ? […] Il fallait une critique nouvelle pour des temps nouveaux : celle-ci a été jugée capable d’arrêter un esprit sincère à l’entrée ou sur la pente du sensualisme. […] Si l’homme résume le monde entier, comme le monde entier réfléchit Dieu, si toutes les puissances de l’essence divine passent dans le monde et reviennent dans la conscience de l’homme, jugez du haut rang de l’homme dans la création, et par conséquent de la psychologie dans la science. […] comment jugerez-vous Platon, Aristote, Descartes, Leibnitz ? […] Il fallait donc, après avoir été jusqu’au bout de la psychologie, entrer dans la métaphysique, et nous faire un système qui puisse rendre compte de tous les besoins de la pensée, afin de pouvoir aussi rendre compte des autres systèmes, les interroger et les juger.

2203. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Une expérience mal faite et donnant des résultats défectueux ne saurait être éclairée que par une expérience mieux instituée ; il faut, en un mot, une critique expérimentale pour juger des faits d’expérience. […] Il vous suffira, pour juger de la généralité de la fonction glycogénique dans le règne animal, de jeter les yeux sur la liste suivante, que j’ai fait écrire sur le tableau. […] Mais en physiologie surtout, ce sont les faits qui doivent juger les théories, et jamais le contraire ne doit avoir lieu. […] J’avais cru d’abord ne devoir rien dire de ce travail qui, comme je vous le démontrerai tout à l’heure, n’a rien de physiologique, bien qu’il ait la prétention d’aborder et de juger des questions physiologiques. […] Mais la science physiologique permet de fixer dans quel cas il faut dire oui, et dans quel cas non ; et voilà justement pourquoi, pour juger une question vitale, il faut être physiologiste.

2204. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Le Menteur est trop comique, à sa manière ; et, manquant par-là de réalité, c’est un peu par là, c’est même surtout par-là, — vous en jugerez dans un moment, — qu’il me paraît manquer de force et de profondeur. […] Jugez-en plutôt : FILIDAN Ah ! […] Du moment, en effet, que l’art se mêle à la vie pour la décrire, — au lieu de s’en séparer pour l’interpréter, pour l’embellir ou pour la satiriser, — il ne saurait s’empêcher longtemps de la juger et, par conséquent, de prétendre à la diriger. […] Une autre fois, en 1678, — remarquons bien toutes ces dates, — le pénitencier de Notre-Dame croyait devoir aviser M. de la Reynie, le lieutenant de police, qu’il était effrayé du nombre de femmes qui s’accusaient en confession d’avoir empoisonné leurs maris ; Le danger grandissait, il y fallait pourvoir… on institua pour instruire et juger l’affaire un tribunal d’exception : la Chambre ardente ou Chambre des poisons.

2205. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Et, par exemple, lui qui savait si bien le latin et qui avait une des plus belles bibliothèques de particulier, il avait peu étudié le grec, et des oracles qu’il citait sans cesse, il y avait une bonne moitié qu’il ne prenait pas directement à leur source : J’ai grand regret, écrivait-il à Spon, de n’avoir exactement appris la langue grecque tandis que j’étais jeune et que j’en avais le loisir ; cela me donnerait grande intelligence des textes d’Hippocrate et de Galien, lesquels seuls j’aimerais mieux entendre que savoir toute la chimie des Allemands, ou bien la théologie sophistique des Jésuites… Pour bien juger Gui Patin, il le faut voir en son cadre, en sa maison, dans son étude ou cabinet, et, par exemple, le jour enfin où, ayant été nommé doyen de la Faculté (honneur pour lequel il avait déjà été porté plus d’une fois, mais sans que le sort amenât son nom), il traite ses collègues dans un festin de bienvenue (1er décembre 1650) : Trente-six de mes collègues firent grande chère : je ne vis jamais tant rire et tant boire pour des gens sérieux, et même de nos anciens.

2206. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

En écoutant les critiques de la châtelaine de Coppet et des hôtes distingués qui s’y trouvaient réunis, Bonstetten jugeait ses juges eux-mêmes : sur ce chapitre de l’Italie, il sentait bien le défaut de la cuirasse chez Mme de Staël : « Elle est d’une extrême bonté ; personne n’a plus d’esprit ; mais tout un côté est fermé chez elle ; le sentiment de l’art lui manque, et le beau, qui n’est pas esprit et éloquence, n’existe pas pour elle. » Ceci était parfaitement vrai de Mme de Staël avant Corinne et le séjour en Italie.

2207. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Ici nous touchons à une question assez délicate ; car il ne s’agit pas de venir introduire dans l’enseignement des noms trop nouveaux, de juger hors de propos des ouvrages du jour, de confondre les fonctions et les rôles.

2208. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Cela me fait juger, monsieur, qu’un Dictionnaire historique et critique que vous voudriez faire serait l’ouvrage le plus curieux qui se pût voir.

2209. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Et s’il était séant de sortir un moment en idée de cette enceinte et du cercle même de la patrie, s’il était possible de se considérer et de se juger du dehors, j’ajouterais hardiment : Il était juste que, chez la nation réputée la plus aimable et qui est certainement la plus sociable entre toutes, la vertu se traduisît sous cette forme attrayante et douce ; qu’elle y reçût solennellement ces hommages émus et gracieux.

2210. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Le vice de l’ouvrage n’est pas dans tel chapitre en particulier, il est dans la monotonie du sujet et le peu d’art qui m’a empêché de combattre cette monotonie naturelle : on ne peut juger un semblable défaut qu’en lisant le livre d’une haleine.

2211. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Pour juger des événements, il faut aujourd’hui recourir à d’autres règles, à d’autres principes que ceux d’une politique mondaine.

2212. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

À un certain moment, comme il jugea l’affaire perdue, il se crut inutile, et, laissant le reste de la conclusion à son confrère, il s’échappa dans l’impatience de retrouver sa chère solitude.

2213. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Si quelque chose m’assure que Manuel, s’il avait vécu, serait resté peuple, et eût résisté à la contagion semi-aristocratique qui a infecté tant de nos tribuns parvenus, c’est que Béranger l’a jugé ainsi.

2214. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Rousseau a jugé, avec assez de sévérité, la société de ce temps, et ce ton que Claire d’Orbe ne représente pas mal, quoi qu’il en dise.

2215. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Aujourd’hui, il nous paraît bien facile de juger et de trancher des Pensées de Pascal ; en 1668, c’était un peu autrement.

2216. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Bayle, qui vécut toujours hors de France, qui ne tient point, à vrai dire, au règne de Louis XIV, qui, par le style comme par les idées, fut plutôt du siècle d’avant ou de celui d’après, Bayle admira beaucoup cette petite école ; il la jugeait très-poétique et tout à fait à son gré.

2217. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Quoi qu’il en soit, le but moral de Phèdre est hors de doute ; le grand Arnauld ne put s’empêcher lui-même de le reconnaître, et ainsi fut presque vérifié le mot de l’auteur « qui espéroit, au moyen de cette pièce, réconcilier la tragédie avec quantité de personnes célèbres par leur piété et par leur doctrine. » Toutefois, en s’enfonçant davantage dans ses réflexions de réforme, Racine jugea qu’il était plus prudent et plus conséquent de renoncer au théâtre, et il en sortit avec courage, mais sans trop d’efforts.

2218. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Ils ne sont point appelés poètes ni géomètres, mais ils jugent de tous ceux-là352. » — Au dix-huitième siècle, leur autorité est souveraine.

2219. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

En effet, on le croyait raisonnable et même bon par essence  Raisonnable, c’est-à-dire capable de donner son assentiment à un principe clair, de suivre la filière des raisonnements ultérieurs, d’entendre et d’accepter la conclusion finale, pour en tirer soi-même à l’occasion les conséquences variées qu’elle renferme : tel est l’homme ordinaire aux yeux des écrivains du temps : c’est qu’ils le jugent d’après eux-mêmes.

2220. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Je ne crains pas non plus que ton autorité soit inférieure à celle que j’ai eue jusqu’à ce jour : mais parce qu’une cité entière est un corps à plusieurs têtes, comme l’on dit, et qu’on ne peut pas être au gré d’un chacun, souviens-toi, au milieu de cette diversité, de suivre toujours le dessein que tu jugeras le plus honnête, et d’avoir égard à l’intérêt de tous plutôt qu’à l’intérêt d’un seul. » Il donna ensuite des ordres pour ses funérailles, pour qu’elles se fissent à l’instar de celles de son aïeul Côme, dans la mesure enfin qui convient à un simple particulier.

2221. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Si les anciens sont admirables pour avoir rendu la nature avec vérité, et si nous pouvons juger de cette vérité, c’est donc que la nature qu’ils ont représentée est encore devant nos yeux.

2222. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Si, trop sensibles à la l’orme, trop épris de bon sens et de bon goût, nous sommes tentés de la juger bien sévèrement, il faut adoucir pourtant un peu notre justice, et songer que la prolixe médiocrité de nos trouvères et de nos conteurs a conquis le monde.

2223. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Voilà le principe selon lequel on peut juger les puissances : n’en voit-on pas les conséquences ?

2224. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Mais, et précisément pour cette raison, il ne faut pas juger du genre de la farce par Patelin qui est resté unique, qui n’a rien continué, rien commencé, que nous sachions, dans l’histoire de notre théâtre, qui par conséquent est en dehors du cours normal de son développement.

2225. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Déplacement avantageux Comme ce devient difficile au Français, perplexe en son cas, de juger les choses à l’étranger !

2226. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Le monde s’étonne, et eux-mêmes, s’étonnent, peut-être, plus encore de ces réflexes qui les poussent, à chaque instant, à détourner la tête vers les brumes du passé : Où rêvent, fraternels, les éphèbes antiques Et Narcisse au grand cœur qui mourut de s’aimer, Eux-mêmes ne s’expliquent guère cette obsession à rouvrir : L’Ère auguste des dieux et des amours bizarres, « Bizarres »,, c’est le désaveu qu’ils jugent prudent de s’infliger.

2227. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

XXII Je demande pardon au lecteur pour mille aperçus partiellement exagérés qu’il ne manquera pas de découvrir dans ce qui précède et je le supplie de juger ce livre, non par une page isolée, mais par l’esprit général.

2228. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

La Religion est austere & gênante ; c'est avouer qu'on est incapable de porter le joug des vertus qu'elle commande : elle est nuisible ; c'est fermer les yeux aux avantages les plus sensibles, les plus indispensables qu'elle procure à la société : ses devoirs excluent ceux du Citoyen ; c'est la calomnier manifestement, puisque le premier de ses préceptes est de remplir les obligations de son état : elle favorise le despotisme & l'autorité arbitraire des Princes ; c'est méconnoître son esprit, puisqu'elle déclare, dans les termes les plus énergiques, que les Souverains seront jugés, au Tribunal de Dieu, plus sévérement que les autres Hommes, & qu'ils paieront avec usure l'impunité dont ils ont joui sur la terre : la foi qu'elle exige contredit & humilie la raison ; c'est insulter à l'expérience & à la raison même, que de regarder comme humiliant un joug qui soutient cette raison toujours vacillante, toujours inquiete quand elle est abandonnée à elle seule, ainsi que les ennemis de la Foi en sont eux-mêmes convenus*.

2229. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Sa fille l’a jugée sans le savoir, et l’a condamnée.

2230. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

À l’heure où elle parle, il est à son régiment, et il continue de montrer un portrait qu’il a d’elle et des lettres : Jugez de mon indignation et de ma douleur.

2231. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Aussi, plutôt que de penser que Mme Bovary soit le produit des circonstances, nous faut-il juger que la nécessité ; interné qui la régit choisit, parmi les circonstances qui l’environnent, celles qui sont propres à, satisfaire sa tendance.

2232. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

On peut en juger par la piéce intitulée le Petit Orphelin, que le Pere du Halde nous a donné d’après la traduction du P. de Premare.

2233. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Nous verrons en effet que l’influence qui paraîtrait la moins probable — celle des races européennes avec lesquelles le noir est en contact depuis beaucoup moins de temps qu’avec les sémites musulmans — serait, en réalité, la plus manifeste, à en juger d’après les apparences.

2234. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Nous qui avions l’intention de dire plus tard, dans un détail qui éclaire le talent par la vie, ce que fut Maurice de Guérin, nous avions senti, en lisant ces lettres, que jamais, quoi qu’il pût arriver, il n’inspirerait désormais un pareil langage, et nous voulûmes que ceux qui l’avaient aimé pussent en juger.

2235. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Pourquoi dès lors vous déclarer non solidaires des êtres qu’un affinement spirituel moindre vous fait juger comme étant de valeur nulle, et des choses dont la forme ne correspond pas en tous points à la formule de vos rêves ?

2236. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Si donc, lecteur qui parcourez ces pages par une étude de spéculation et de goût, vous ne voulez jamais oublier le côté sérieux des arts, ce qui touche à l’énergie de l’âme, à la passion du devoir et du sacrifice, à la liberté morale, même pour bien juger les grâces et la puissance du lyrisme hellénique, vous aimerez à réfléchir sur une beauté plus sévère : vous contemplerez cette originalité plus étrangère, plus lointaine pour nous, et cependant incorporée dans notre culte religieux et partout présente, que nous apporte la poésie des prophètes hébreux, de ces prophètes nommés par le Christ à côté de la loi, dont ils étaient, en effet, l’interprétation éclatante et figurée.

2237. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

À ce titre, on doit juger bien fausse la restitution qu’un savant et capricieux génie de notre siècle a tentée, sur l’idée vague de ce poëme allégorique d’Eschyle.

2238. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Antiquité, moyen âge et temps modernes jusqu’à hier en ont toujours jugé ainsi. […] Jugez du désastre si vous prescriviez à l’humanité enfantine les devoirs de l’humanité mûre, et à l’humanité philosophe les devoirs de l’humanité bâtissante ! […] sont des questions que les législateurs de tous les temps ont le droit de traiter toutes les fois qu’ils le jugent convenable ; car le droit individuel de propriété ne peut être fondé que sur l’utilité commune et générale de l’exercice de ce droit, utilité qui peut varier selon les temps. » Nulle part Saint-Simon n’a mieux montré l’antinomie qui était au fond de sa pensée sur cette question. […] C’est même en juger trop favorablement. […] En un mot, ils voyaient la nature comme ils se voyaient. — Et maintenant que nous connaissons mieux la nature, voici un homme qui n’est pas le seul à juger ainsi, qui s’avise, non plus de penser que la nature ressemble à l’humanité, mais que l’humanité doit ressembler à la nature.

2239. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Même remarque à faire pour Mme de Sévigné, dont on n’apprécierait bien la riche nature et le brillant esprit qu’en se laissant emporter au flot large de sa correspondance, et qu’on ne peut absolument pas juger d’après les quelques lettres pincées et précieuses qui sont consacrées dans les recueils. […] Ou bien, en effet, elle évite de juger les ouvrages et se borne à en chercher historiquement l’explication dans toutes les circonstances qui ont précédé et entouré, leur venue au monde ; ou bien elle porte sur eux un jugement esthétique : mais, dans l’un comme dans l’autre cas, elle fait profession de se défier de l’humeur personnelle, qui est la source du talent ainsi que de l’erreur. […] Il n’est plus question, à l’heure qu’il est, de savoir si Homère, Platon, Cicéron, Virgile sont des hommes merveilleux ; c’est une chose sans contestation, puisque vingt siècles en sont convenus : il s’agit de savoir en quoi consiste ce merveilleux qui les a fait admirer de tant de siècles ; et il faut trouver moyen de le voir ou renoncer aux belles-lettres, auxquelles vous devez croire que vous n’avez ni goût ni génie, puisque vous ne sentez point ce qu’ont senti tous les hommes… La postérité jugera qui vaut le mieux, de M.  […] Mais ce que j’ose affirmer sans hésitation, c’est que la plupart de ceux qui le louent et même qui enseignent à l’admirer s’exaltent à froid sur des qualités qu’ils ne peuvent pas goûter sincèrement et qui deviendraient à leurs yeux autant de défauts, si des circonstances adverses avaient contrarié jadis le succès d’Aristophane, et si les vieux maîtres de la critique, avertis par ce premier jugement du sort, avaient jugé comme la fortune et décidé qu’il était un poète comique inférieur à ses rivaux. […] Enfin il soumet le progrès des arts au même ordre fatal que celui des sciences, sans réfléchir que la question se pose en d’autres termes, et que la collaboration des hommes ordinaires et des ans fût-elle jugée suffisante pour découvrir l’un après l’autre tous les secrets de la nature, il ne s’ensuivrait pas que la création purement ingénieuse des idées et des formes dût être rangée, elle aussi, sous cette même loi mécanique du temps et du nombre multipliant, jusqu’à en faire une valeur, l’obscure force des talents médiocres.

2240. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Par exemple, vous ouvrez un volume, et vous tombez sur ce passage : « Il venait souvent sans être invité, et restait longtemps sans qu’on fît effort pour le retenir : d’où nous jugeâmes, Mlle de Silly, et moi, qu’une de nous deux lui avait plu. […] Je vis, alors, qu’il la traversait par le milieu ; d’où je jugeai que son amour était au moins diminué de la différence de la diagonale aux deux côtés du carré. » Cette fois, vous n’hésitez plus, et vous vous écriez : « Dix-huitième siècle ! […] Écoutez et jugez : C’est par toi qu’on va voir les Muses enrichies, De leur longue disette à jamais affranchies. […] Vous savez ce que disait le Régent, pour peindre ces yeux noirs ardents et ce teint jaune : — « Deux charbons — sur une omelette. » Nous aurions pu rappeler avant tout que Saint-Simon était Picard : et, par conséquent, colérique. « La monarchie de Louis XIV fut dite et jugée par le Picard Saint-Simon. » Qui dit cela ? […] Mais enfin, soit au premier degré, soit au second, il est impossible de ne pas reconnaître un véritable type héréditaire dans la manière dont certaines personnes comprennent, jugent, raisonnent, imaginent.

2241. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Jugez-en vous-mêmes : C’est le trépas qu’un tel impie a mérité ! […] Je crois bien, sans juger par l’événement, que le Serpent noir est de cette dernière catégorie. […] Mais justifie, autant que je puis en juger, La réputation qu’il a d’être léger. […] Vous en jugerez quand vous connaîtrez la suite […] Et jugez un peu !

2242. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

La plus grande injustice qu’on pourrait commettre envers l’Allemagne ce serait de la juger en elle-même, de lui demander des vérités ou des beautés intrinsèques et durables. Il faut la juger (et c’est aussi de ce point de vue que l’a jugée Napoléon) comme manifeste, pour sa vertu excitatrice, et comme nous jugeons les Lettres anglaises de Voltaire. […] Pour la première fois elle fut l’objet d’un récit suivi et vivant, où les œuvres viennent s’encadrer, où elles sont analysées, jugées, moins d’après un code de règles préexistantes que d’après l’expérience littéraire des honnêtes gens. […] Le recul seul, la comparaison entre les générations qui l’ont précédée et celles qui l’ont suivie, a permis depuis de classer, de juger et de mesurer cette génération des enfants du siècle.

2243. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

De même que le tact semble avoir appris à l’œil à juger des vraies dimensions de l’espace, de même, c’est le tact qui, aidé du goût, de l’odorat, de tous les sens vitaux, a enseigné le plus souvent aux yeux ce qu’il fallait admirer, rechercher, aimer. […] Spencer, si la beauté des mouvements n’exclut pas toute idée de travail accompli, du moins la grâce proprement dite l’exclut ; car elle se ramène à la facilité, et la facilité à la moindre dépense de force. — Nous répondrons que, pour juger si la force n’est pas dépensée en excès, il faut toujours supposer au mouvement un but quelconque par rapport auquel il se trouve coordonné. […] D’ailleurs il est impossible de juger les peuples dont l’existence nationale date d’un siècle et qui sont pour ainsi dire en voie de formation, sortes de nébuleuses humaines. […] Il est si commode d’avoir un « critérium » fixe pour juger l’œuvre d’art) Une femme du peuple disait au sortir d’un sermon : « Quel grand prédicateur ! […] Peut-être, au contraire, pour les aveugles, la supériorité esthétique des lignes courbes et des surfaces arrondies est-elle plus marquée encore que pour ceux qui jugent avec leurs yeux : les angles, surtout les angles sortants, blessent presque le toucher ; ils froissent beaucoup moins la vue.

2244. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Je vis alors qu’il la traversait par le milieu : d’où je jugeai que son amour était diminué de la différence de la diagonale aux deux côtés du carré. » Si diverses qu’elles soient, toutes ces manières de parler se ressemblent, au fond ; et ne sont-ce pas celles dont s’était tant moqué Molière ? […] Rousseau, dans son Émile], c’est ce qui rend sa Fable éminemment convenable à l’éducation de l’enfance. — La fréquentation des Fables de La Fontaine est pour l’enfance une promenade au Jardin des plantes ; — et quand on y apprendrait « qu’il ne faut point juger des gens par l’apparence » ou encore que de tout temps « les petits ont pâti des sottises des grands », quel inconvénient y voit-on ? […] Suppression de l’académie de Sedan. — Bayle s’établit à Rotterdam, 1681, — comme professeur libre de philosophie, pensionné par la ville. — Publication des Pensées sur la comète, 1682, — et de la Critique générale de l’histoire du calvinisme du Père Maimbourg. — Caractère singulier de ces deux ouvrages ; — dont la forme est en retard ; — et les idées en avance de trente ou quarante ans sur celles de ses contemporains. — Bayle entreprend la publication des Nouvelles de la République des lettres, 1684. — C’est un journal ou une « Revue » sur laquelle il faut se garder de le juger : — « Je n’y faisais point de critique, a-t-il écrit lui-même, et ne voyais dans les livres que ce qui pouvait les faire valoir. » — Révocation de l’Édit de Nantes. — Bayle publie ses deux pamphlets : Ce que c’est que la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand, 1686 ; et le Commentaire philosophique sur le Compelle intrare, 1686 ; — indignation du parti protestant, et de Jurieu en particulier. — L’adversaire de Bossuet n’est pas moins celui de Bayle ; — auquel il reproche amèrement de « prêcher le dogme de l’indifférence des religions et de la tolérance universelle ». — Bayle se cache d’être l’auteur de son livre ; — en parle lui-même avec ironie dans ses Lettres ; — se plaint dans ses Nouvelles qu’on le lui impute ; — et inaugure ainsi la tactique assez déloyale qui sera celle de Voltaire. — Il a le « courage de ses opinions », et la peur de leurs conséquences. — De l’Avis aux réfugiés, 1690 ; — et si Bayle en est l’auteur [Cf.  […] 2º Le Poète ; — et d’abord de l’inutilité de parler de l’homme, — qui fut un triste personnage ; — mais dont les œuvres et la vie n’ont presque pas de rapport ensemble ; — et cette observation suffit par contrecoup à juger le lyrique. — Le « lyrisme » de Rousseau est le lyrisme impersonnel ; — qui est le contraire même du lyrisme ; — et rien n’est plus difficile à expliquer que sa réputation. — Ses débuts malheureux au théâtre. — Ses paraphrases des Psaumes ; — ses Odes et ses Cantates ; — ses Allégories. — Comment il essaie de suppléer au sentiment personnel absent, — par les mouvements désordonnés ou les contorsions dont l’auteur de l’Art poétique avait semblé faire le caractère essentiel de l’ode ; — par l’emphase ou la déclamation du langage ; — et par l’entassement des allusions mythologiques [Cf. l’Ode au comte du Luc : Tel que le vieux pasteur du troupeau de Neptune, et la Cantate de Circé : Sa voix redoutable Trouble les enfers, Un bruit formidable Gronde dans les airs]. […] L’originalité du roman de Le Sage ; — et que, naturellement, pour en juger, il faut retrancher de son Gil Blas les histoires supplémentaires qui interrompent le récit principal [Cf. 

2245. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Furieux, nous avons combattu, le feu planait sur la demeure des hommes, et nous avons endormi dans le sang ceux qui veillaient aux portes de la ville. » Par ces propos de table et ces goûts de jeune fille, jugez du reste20.Les voici maintenant en Angleterre, plus sédentaires et plus riches : croyez-vous qu’ils soient beaucoup changés ? […] Jugez par ce monceau de dévastations et de carnages à quels excès la volonté ici est tendue.

2246. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Avant d’entrer dans ce détail, il faut que je donne un avis que je crois nécessaire, pour empêcher de juger peu équitablement de cette description, sur ce que tout y est particularisé et mis en détail, au-dessus de ce qui semble qu’un voyageur ait pu la faire. […] Il me suffira de dire, pour donner une idée de son mérite, que Golius, ce fameux professeur des langues orientales, le jugeait le plus digne de tous ses disciples de remplir sa chaire et de lui succéder.

2247. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Celles-ci sont à citer pour la bonté et le grand sens : « Je ne vous ai point parlé de votre pièce à la première représentation226, parce que j’ai appréhendé d’être séduit par la manière dont elle avait été représentée ; mais, en vérité, Molière, vous n’avez encore rien fait qui m’ait plus diverti, et votre pièce est excellente. » Ainsi jugeait Louis XIV, toujours de sens rassis, jamais sur une première impression. […] et qu’il ait jugé nécessaire de s’en défendre dans une lettre à Mme de Maintenon.

2248. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Or, il faut se rappeler que, dans la perception même la plus véridique, il y a une construction de l’objet par nous : voir une maison, ce n’est point demeurer passif, c’est, réunir en un tout une multitude de signes séparés, c’est interpréter ces signes, c’est, induire la réalité d’après des apparences, juger de la situation dans l’espace, dans le temps, etc. […] Cette opposition de fait n’a pas besoin d’être pensée et jugée pour être immédiatement sentie, et il est bien difficile qu’elle ne soit pas toujours sentie à quelque degré.

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