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1408. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Les hymnes de Callimaque offrent les mêmes beautés et les mêmes défauts ; on y voit le génie esclave de la superstition, et des erreurs populaires chantées avec autant d’harmonie que de grâce.

1409. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Ce n’est pas tout ; nous avons encore de lui trois ou quatre pièces, ou panégyriques en vers ; l’un intitulé Le Cheval de Domitien ; l’autre où, selon son expression, il adore le dix-septième consulat du prince  ; le troisième, où il rend grâces de ce qu’il a été honoré de sa table très sacrée .

1410. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

La cité lyonnaise y était particulièrement incriminée : le patriotisme de Camille Jordan prit feu à l’instant ; il se leva pour justifier ses compatriotes, accoutumés à être des victimes et non des auteurs de crimes ; « Bien loin, disait-il, de reprocher au Directoire son message, je lui en rends des actions de grâces, puisqu’il me fournit l’occasion de prendre à cette tribune la défense de ma malheureuse patrie, et de repousser loin d’elle les inculpations calomnieuses dont on s’est plu si souvent à la noircir. […] Je vous prie en grâce de me faire savoir vos projets, je n’oublierai pas l’affaire de M… — Adieu. […] J’espère l’obtenir. — Je ne vous dirai pas ce que je souffre ; vous le comprendrez ; mais, excepté le moment où un homme tel que vous m’a fait douter de son estime, Dieu m’a fait la grâce de penser que je donnais un noble exemple à mon siècle. […] La situation était plus forte que les sentiments ; la contradiction des esprits s’étendait et prenait jusque sur les cœurs : la grâce elle-même et son doux génie en personne n’y pouvaient rien. […] J’en fais grâce.

1411. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Cela tiendrait-il, comme un critique moins indulgent l’a conjecturé, à ce que, ne s’assujettissant presque jamais, même dans sa prose, à un rigoureux enchaînement, Mme de Staël était peut-être, parmi les contemporains, la personne la moins propre à recevoir avec résignation et à porter avec grâce le joug de la rime ?  […] Est-il besoin, après les articles de Fontanes, de mentionner deux morceaux de Geoffroy qui ne font que présenter les mêmes idées, moins l’urbanité malicieuse et la grâce mondaine48 ? […] » Ce mot de Delphine fut réellement prononcé par Mme de Staël, lorsqu’à la suite du 18 fructidor, elle courut près du général Lemoine, pour solliciter de lui la grâce d’un jeune homme qu’elle savait en danger d’être fusillé, et qui n’est autre que M. de Norvins. […] Mme de Staël, pour qui le mot de rancune ne signifiait rien, amnistia plus tard avec grâce l’auteur des Lettres de l’Admireur, lorsqu’elle le rencontra chez M. […] Mais grâce lui soit faite !

1412. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

De justice, d’honneur, il ne parle qu’en courant et pour la forme : « Avant tout, dit-il à son fils, ayez des manières. » Il y revient dans chaque lettre avec une insistance, une abondance, une force de preuves, qui font un contraste grotesque. « Mon cher ami, comment vont les manières, les agréments, les grâces, et tous ces petits riens si nécessaires pour rendre un homme aimable ? […] Avec quelle grâce et quelle dextérité ils savent persuader, intéresser, amuser, caresser la vanité malade, retenir l’attention distraite, insinuer la vérité dangereuse, et voler toujours à cent pieds au-dessus de l’ennui où leurs rivaux barbotent de tout leur poids natif ! […] Il a recours au Christ, le médiateur unique ; il le supplie, il le sent présent, il se trouve par sa grâce justifié, élu, guéri, transformé, prédestiné. […] Tout à l’heure peut-être, tel pécheur, le plus envieilli, le plus endurci, sans l’avoir voulu, sans y avoir songé, va tomber pleurant, le cœur fondu par la grâce. […] Le même instinct se révèle encore par les mêmes signes ; la doctrine de la grâce subsiste toujours vivante, et la race, comme au seizième siècle, met sa poésie dans l’exaltation du sens moral.

1413. (1886) Le roman russe pp. -351

On respecte en lui le dépositaire d’un secret de vie ; un miracle si difficile ne peut être accompli que par une grâce spéciale d’en haut. […] Et dans l’âme, comme au ciel, s’ouvrent des espaces sans fin ; une foule de visions argentées se lèvent avec grâce dans ses profondeurs. […] Grâce à la munificence impériale, l’incorrigible nomade put voyager, s’expatrier pour respirer à l’aise en dehors de l’empire. […] Ce tableau, qui eût dû être laid, repoussant, l’écrivain l’avait revêtu de grâce et de charme, en quelque sorte contre sa volonté, par la vertu intime de sa poésie. […] Mais la littérature du proscrit ne trouva pas grâce en Russie ; on en voulut à Tourguénef de sa lettre indulgente, on l’accusa de complicité avec les ennemis de l’État.

1414. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Ni l’élégance virgilienne du Pianto, ni la gravité philosophique de Lazare, n’ont trouvé grâce devant l’opinion ignorante. […] Plusieurs de ces sonnets sont des chefs-d’œuvre de grâce ou d’énergie ; je citerai particulièrement les sonnets sur Raphaël, Corrège, Michel-Ange et Dominiquin. […] La Convention ne pouvait trouver grâce devant la sagesse clairvoyante de .M.  […] Le talent de M. de Vigny se distingue surtout par la grâce, la délicatesse, et semble convenir expressément à la plainte. […] Ni le mouvement lyrique, ni la grâce élégiaque, ni le trouble des sens, ni la pompe du spectacle ne peuvent remplacer l’élément humain, l’élément auquel Sophocle et Shakespeare doivent leur immortalité.

1415. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

De telles historiettes lui ont acquis dans le monde catholique la réputation d’un conteur délicieux et d’une grâce irrésistible, par-dessus son autre réputation. […] Le Chat noir a trop d’esprit dans sa robe lustrée et sa grâce féline a bien trop de délicatesse pour qu’il s’attarde sur des, livres. […] C’est la grâce que je leur souhaite. […] Peut-être même seriez-vous monté derrière la voiture, mais j’en doute, il faut des grâces que vous n’avez pas. […] Toutes les grâces sont dans ses gestes, toutes les musiques dans sa voix.

1416. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Et c’est dommage ; car ce poète délicat et passionné, initié, sans doute par grâce d’état, à certains mystères du cœur féminin, eût été capable de nous faire entrevoir ce qui se passait aux heures de caprice, dans ce cœur fragile et fougueux. […] Grâce à lui, nous pouvons revivre des jours anciens et refaire l’itinéraire, assez compliqué et très pittoresque, d’un janissaire contemporain du sultan Yavouz Selim. […] Le moyen de résister à des grâces si fortes ? […] C’est là qu’il put lire la Bible et garder du Sir Hasirim assez de grâce et de volupté pour donner aux Charités d’Ionie toute la langueur orientale. […] On retrouve, dans ce nouveau poème, la grâce ingénieuse et touchante de Tobie et de Noël.

1417. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Il s’étudia aux grâces attendries ; il s’exerça, comme à une tâche, au marivaudage sentimental. […] Grâce à cette extraordinaire souplesse, M.  […] On a sous la main un moyen, grâce auquel on s’en tirerait à si bon compte ! […] Cette légèreté, cette grâce souriante, ç’a été la marque du talent de M.  […] Pour un peu de force qu’il y manque, il s’en dégage tant de grâce spirituelle et tant d’émotion !

1418. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Grâce à cette aptitude, l’enfant de quinze mois apprend, en deux ou trois ans, les principaux mots de la langue usuelle et familière. — Notez la différence profonde qui sépare cette acquisition de l’acquisition parallèle que pourrait faire un perroquet. […] Il a fallu brûler le diamant pour savoir qu’il est du carbone ; et c’est depuis cent ans seulement que la chimie instituée a pu classer les corps bruts. — Grâce à ces procédés, on a pu, dans chaque département de la nature, former les êtres en classes de plus en plus naturelles, ordonner comme une armée, en compagnies, en bataillons, en régiments, en divisions, l’énorme multitude des individus, toutes les formes animales, toutes les formes végétales, les cent vingt mille espèces de plantes, les deux cent soixante mille espèces d’animaux, et, dans la plupart des cas, démêler le type réel et constant qui fait chaque espèce, chaque genre, chaque famille, chaque ordre, chaque embranchement. — On n’y a point toujours réussi ; plusieurs de nos démarcations demeurent artificielles, et ne sont que commodes ; d’autres, provisoires, attendent des recherches ultérieures82 pour devenir définitives. […] Grâce à ces notations abréviatives, nous fabriquons une quantité prodigieuse de composés qui sont les nombres.

1419. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Grâce à mes travaux, ceux qui sont étrangers aux lettres grecques, même ceux à qui elles étaient familières, pensent avoir fait beaucoup de profit et dans l’art de la parole et dans la sagesse. […] Montaigne a sa grâce gauloise, mais il n’a pas sa grâce attique et sa conviction dans le juste et le beau.

1420. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Grâce à la langue de Platon, la sagesse de Socrate ne peut plus mourir. […] Et moi, je pense que je sers Apollon aussi bien qu’eux, que je suis consacré au même dieu ; que je n’ai pas moins reçu qu’eux de notre commun maître l’art de la divination, et que je ne suis pas plus fâché de sortir de cette vie ; c’est pourquoi, à cet égard, vous n’avez qu’à parler tant qu’il vous plaira, et m’interroger aussi longtemps que les onze voudront le permettre. » Il badine ensuite avec une grâce véritablement divine, comme s’il était déjà un homme divinisé, avec ses amis, en jouant avec les beaux cheveux de Phédon, qui était assis à ses pieds, sur un siège plus bas que le lit. […] Mais allons, Criton, exécutons-nous de bonne grâce, et qu’on m’apporte le poison s’il est broyé ; sinon, qu’il le prépare lui-même.

1421. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Le corsage bombé, soigneusement voilé, attirait le regard et faisait rêver ; il manquait sans doute un peu de la grâce due à la toilette ; mais, pour les connaisseurs, la non-flexibilité de cette haute taille devait être un charme. […] « — Monsieur, grâce ! […] Mme des Grassins, pour laquelle Eugénie était parfaite de grâce et de bonté, persistait à tourmenter les Cruchot.

1422. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Elle n’avait pas pour habitude de recevoir quand on lui venait offrir des actions de grâces. […] « Il est facile de comprendre qu’à un semblable discours, prononcé avec cette grâce, cet air de majesté jointe à la plus pénétrante douceur, et cette amabilité qui étaient particulières à Pie VI, les expressions me manquèrent absolument pour lui répondre. […] Ayant rendu à Sa Sainteté les actions de grâces qui lui étaient dues, je crus de mon devoir de lui en garder, ainsi qu’à sa famille, une éternelle reconnaissance.

1423. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Grâce à la justice tardive des heures qui amortissent les rancunes, les étonnements et les mauvais vouloirs, et emportent lentement chaque obstacle dans la tombe, nous ne sommes plus au temps où le nom de M.  […] Dupont Nous avons rencontré un pauvre petit portrait de demoiselle avec un petit chien, qui se cache si bien qu’il est fort difficile à trouver ; mais il est d’une grâce exquise […] Ce n’est donc qu’avec une excessive défiance que nous nous sommes approchés de la Nymphe au Scorpion. — Mais cette fois il nous a été réellement impossible de refuser notre admiration à l’artiste étranger. — Certes nos sculpteurs sont plus adroits, et cette préoccupation excessive du métier absorbe aujourd’hui nos sculpteurs comme nos peintres ; — or c’est justement à cause des qualités un peu mises en oubli chez les nôtres, à savoir : le goût, la noblesse, la grâce — que nous regardons l’œuvre de M. 

1424. (1739) Vie de Molière

On sait que chez les Athéniens, les auteurs jouaient souvent dans leurs pièces, et qu’ils n’étaient point déshonorés pour parler avec grâce en public devant leurs concitoyens. […] L’Isabelle de Molière occupe presque toujours la scène avec esprit et avec grâce, et mêle quelquefois de la bienséance, même dans les tours qu’elle joue à son tuteur. […] C’est la seule petite pièce en un acte, où il y ait de la grâce et de la galanterie.

1425. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Il y a plus : le français est, selon moi, la langue la plus ingrate, la plus sourde, la plus pauvre, la moins souple, mais de toutes la plus soignée ; semblable aux femmes françaises qui, moins belles comme race qu’aucune autre race européenne, sont de toutes les femmes les plus habiles à se faire valoir par les grâces, l’esprit et le tact si rare de toutes les convenances du lieu et du moment. […] J’ai vu le grave et chaleureux publiciste littéralement ivre de joie à l’aspect de ce qu’il appelait ce grand succès ; Bonstetten, plus modéré, parce que la grâce n’admet aucune violence, n’applaudissait pas moins de tout son cœur.

1426. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Jamais je ne serais sorti de moi-même de mes éternelles irrésolutions ; mais Dieu m’avait préparé en ce pays le secours dont j’avais besoin ; sa Providence, par un enchaînement de grâces admirable, m’a conduit au terme où elle m’attendait ; pleine d’amour pour un enfant rebelle, pour le plus indigne des pécheurs, elle m’arrache à ma patrie, à ma famille, à mes amis, à ce fantôme de repos que je m’épuisais à poursuivre, et m’amène aux pieds de son ministre pour y confesser mes égarements et m’y déclarer ses volontés. […] Demande à Dieu pour moi la grâce de supporter la vie elle me devient tous les jours plus à charge. » Il ne se dissimule pas un des périls les plus grands auxquels il sera soumis, la tentation d’écrire.

1427. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

On se détend alors ; on consent, après avoir dit beaucoup, à s’envelopper, si on le peut, dans la grâce, dans une sorte d’illusion idéale encore. […] Si dans bien des scènes, dans celle par exemple de la marquise de Villars et du chevalier Des Préaux, on peut s’étonner de retrouver la phraséologie amoureuse moderne, il en est d’autres, telles que la conversation des filles d’honneur de la reine, où une couleur suffisamment appropriée se joue en parfaite bonne grâce.

1428. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

La prononciation quelque peu puritaine et ce débit empreint d’autorité redoublaient encore leur effet en sortant du sein d’une jeunesse si pleine d’éclat et presque souriante de grâce. […] Politique avisé autant qu’homme aimable, plein d’expédients et de ressources, fertile, infatigable, possédant à fond les affaires et les portant avec légèreté et grâce, les égayant presque toujours dans le ton, il était le chef de cette école de diplomates dont Chaulieu avait connu de brillants élèves, et dont il a fait un groupe à part dans son Élysée : Dans un bois d’orangers qu’arrose un clair ruisseau Je revois Seignelai, je retrouve Béthune, Esprits supérieurs en qui la volupté Ne déroba jamais rien à l’habileté, Dignes de plus de vie et de plus de fortune !

1429. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Il n’y en a point encore qui ait frappé au but, et jamais on n’y frappera apparemment, tant sont grandes les profondeurs de Dieu dans les œuvres de la nature, aussi bien que dans celles de la grâce. […] Bayle lui-même remarque, à ce sujet des périodes du Père Maimbourg, que ceux qui s’inquiètent si fort des règles de grammaire, dont on admire l’observance chez l’abbé Fléchier ou le Père Bouhours, se dépouillent de tant de grâces vives et animées, qu’ils perdent plus d’un côté qu’ils ne gagnent de l’autre.

1430. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Vous n’avez ni Parlement, ni États, ni gouverneurs ; ce sont trente maîtres des requêtes, commis aux provinces, de qui dépendent le bonheur ou le malheur de ces provinces, leur abondance ou leur stérilité. » En fait, le roi, souverain, père et tuteur universel, conduit par ses délégués les affaires locales, et intervient par ses lettres de cachet ou par ses grâces jusque dans les affaires privées. […] Cela posé, suivons les conséquences. — En premier lieu, je ne suis propriétaire de mon bien que par tolérance et de seconde main ; car, par le contrat social, je l’ai aliéné442, « il fait maintenant partie du bien public » ; si en ce moment j’en conserve l’usage, c’est par une concession de l’État qui m’en fait le « dépositaire ». — Et ne dites pas que cette grâce soit une restitution. « Loin qu’en acceptant les biens des particuliers, la société les en dépouille, elle ne fait que changer l’usurpation en véritable droit, la jouissance en propriété. » Avant le contrat social, j’étais possesseur, non de droit, mais de fait, et même injustement si ma part était large ; car « tout homme a naturellement droit à tout ce qui lui est nécessaire » ; et je volais les autres hommes de tout ce que je possédais au-delà de ma subsistance.

1431. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Jonathas avertit son ami, le fait cacher, intercède pour lui, le justifie, obtient sa grâce. […] « La parole qui coule avec les grâces de la profondeur du génie est plus mémorable que les grandes actions. » « La pensée nous fait dieux ! 

1432. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Mais Musset a des cris de passion égaux à tout — et une tendresse, une grâce, un esprit, qui sont un perpétuel ravissement. […] Et, s’il me fallait avouer, à mon corps défendant, que Musset n’a peut-être pas la puissance des deux autres, du moins je ne pourrais me prononcer entre ces deux-là, et je me redirais les vers du poète Charles de Pomairols, parlant de Lamartine : (…) Et son génie aisé, que la grâce accompagne, N’a pas le rude élan de la haute montagne Assise pesamment sur ses lourds contreforts, Miracle de matière, orgueilleuse géante, Qui redresse les flancs de sa paroi béante, Et tend au ciel lointain sa masse avec efforts.

1433. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Quel honneur avivé de bonne grâce me fit mon ami, de trois jours et toujours, l’historien York Powel, de Christ Church. […]   Je pose, à mes risques esthétiquement, cette conclusion (si par quelque grâce, absente, toujours, d’un exposé, je vous amenai à la ratifier, ce serait pour moi l’honneur cherché ce soir) : que la Musique et les Lettres sont la face alternative ici élargie vers l’obscur ; scintillante là, avec certitude, d’un phénomène, le seul, je l’appelai l’Idée.

1434. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

La facilité qu’ils ont d’exprimer avec une gracieuse précision les moindres détails, de noter des nuances presque imperceptibles, les a conduits à une grâce coquette et mignarde, qui n’est pas le but de l’art. […] Grâce à des amis très chatouilleux sur le point d’honneur pour leurs amis, l’affaire est déclarée sérieuse ; un duel a lieu, et Lenski est tué.

1435. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

La justesse n’y a pas la grâce de la promptitude ; elle ne jaillit pas comme chez Voltaire ; elle n’est pas un bonheur de l’esprit : c’est une déduction rigoureuse ; on en convient, on n’en est pas touché. […] Mais rien n’égale, pour la grâce et la pureté de la peinture, cet amour qui naît comme à l’abri de l’amitié fraternelle ; cet éveil des sens chez le jeune homme qui se trahit le premier, parce qu’il se défie le moins de ce qu’il sent : les troubles de la pudeur qui agitent la jeune fille avant que sa conscience soit avertie, et qui lui parlent sans paroles ; le malaise secret dans ce qui ressemble le plus au bonheur, le premier amour ; les joies permises qui ne laissent guère plus de paix à l’âme humaine que les joies défendues.

1436. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

On entre en marché ; dès les premiers mots, elle accepte, avec une bonne grâce parfaite, les offres loyales du vieux gentilhomme : le tabellion l’avait calomniée. […] Tout ce morceau est d’une grâce exquise : on y voit une jeune âme recouvrer la vue sous les mains amies qui l’opèrent et qui la guérissent.

1437. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

J’ai vu la beauté même et les grâces dormantes ; Un doux ressouvenir de cent choses charmantes Me suit dans les déserts. […] Mais le sort me fait voir Qu’il ne sera jamais en mon pouvoir De mériter de vous aucune grâce.

1438. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Le génie de Mlle de Guérin n’embrasse que son frère ; mais quelle grâce et quelle passion divine dans cette attitude éplorée qui résume toute une existence et la lie si étroitement autour d’une autre, — car elle l’avait bercé et elle l’a enseveli ! […] On tremble pour sa grâce native, quand on rapporte que, dans son enfance, elle voulut apprendre le latin sous le même maître que ses frères et l’on n’est rassuré qu’en lisant l’humble réflexion de sa sœur : « Elle ne faisait cela que dans des vues de piété et pour mieux comprendre les offices de l’Église », écrivait dernièrement cette sœur, avec l’accent du plus naïf des légendaires.

1439. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Peu d’hommes ont, — au complet, — cette grâce divine du cosmopolitisme  ; mais tous peuvent l’acquérir à des degrés divers. […] Grâce à cette énergie qui est en lui, il restera tel jusqu’à la fin.

1440. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Toutes les puissances souveraines reconnaissent la Providence, et ajoutent à leurs titres de majesté, par la grâce de Dieu ; elles doivent en effet avouer publiquement que c’est de lui qu’elles tiennent leur autorité, puisque, si elles défendaient de l’adorer, elles tomberaient infailliblement. […] Grâce à cette forme de gouvernement, les nations nouvellement entrées dans la civilisation, devaient rester longtemps sans communication extérieure, et oublier ainsi l’état sauvage et bestial d’où elles étaient sorties.

1441. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Et quel hymne dépassa jamais cette invocation d’Hippolyte à Diane, dans le Chœur joyeux et pur par où commence avec tant de grâces la tragédie sanglante de Phèdre ? […] Au rivage de Munychium furent attachés les câbles, pour descendre ; et dès lors, sous le coup d’impures amours, elle a été frappée dans l’âme de la terrible maladie d’Aphrodite ; et, soumise à un cruel malheur, elle attachera elle-même aux voûtes nuptiales le cordon fatal qui va serrer son cou d’albâtre, par effroi de l’implacable déesse, par désir jaloux de bonne renommée, et pour écarter de son âme les peines de l’amour. » Sous les détours, et comme sous les plis onduleux de cette poésie, le dénouement même prédit ne semble-t-il pas se voiler à demi, avec cet art suprême des Grecs de ne pas épuiser l’horreur et de garder toujours la dignité et presque la grâce austère dans la douleur ?

1442. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

On l’adorait pour ses grâces infinies. […] » Sa naïveté d’optimisme, un peu vile chez un adulte, pourrait cependant inspirer d’agréables chants de flûte, si elle s’accompagnait de bonne grâce. […] La grâce de ce malheureux est dans ce mot. […] Mais le sexe fort manque de toutes les grâces qui donnent du prix à cette mimique endiablée. […] Volontiers, elle se persuade d’avoir peint les êtres et les choses, quand, d’un mouvement dont le négligé peut avoir bien de la magnificence et de la grâce, elle les en a drapés.

1443. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

La Commission de l’année dernière pas plus que celle de cette année ne se l’était dissimulé : la grande difficulté littéraire que rencontre l’institution présente, c’est que le but moral qu’elle réclame avant tout puisse tomber d’accord, dans les ouvrages dramatiques d’un ordre élevé, avec toutes les autres conditions de grâce, d’élégance, d’émotion, de divertissement et de distinction légère que le monde proprement dit a droit de son côté d’exiger ; c’est que le but moral, si on l’y introduit, ne s’y affiche pas d’une manière contraire à la vérité des choses ni au goût, et qu’un genre prétendu honnête mais faux, comme en d’autres temps, n’aille pas en sortir.

1444. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Vous ne les verrez jamais citer un endroit heureux, ils ne relèveront jamais une grâce délicate.

1445. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

L’auteur, appelé par les devoirs de sa haute charge domestique à assister à la dernière maladie de Louis XV, en note tous les détails et les alentours avec cette vérité entière et inexorable qui ne fait grâce de rien ; le sentiment qui l’anime n’est pas une curiosité pure, et, dans ce qui semblerait même repoussant, sa probité s’inspire à une source plus haute : témoin de l’agonie d’un monarque et d’une monarchie, il veut flétrir ce qui en a corrompu la sève et ce qui en pourrit le tronc.

1446. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Thiers, un prince sorti de ces retraites pour remonter sur le trône de ses pères n’eût pas été moins glorieux que Gustave Wasa sorti des mines de la Dalécarlie. » Tout manqua donc, grâce à tant de fautes, grâce surtout au génie guerrier et pacificateur de Hoche.

1447. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Je ne citerai ici en finissant qu’une espèce d’idylle, du genre de Théocrite et de Longus, comme André Chénier ou Paul-Louis Courier auraient pu la faire, ingénieuse, quelque peu lascive, d’une couleur étudiée, d’une grâce accomplie.

1448. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Une foule de pensées justes et d’observations frappantes ressortent de cette Correspondance et augmentent le trésor du lecteur : « Je ne crois pas avec les La Rochefoucauld et les Montaigne que les quatorze quinzièmes des hommes soient des fripons : je crois que cette proportion doit être singulièrement restreinte en faveur de l’honnêteté commune ; mais j’ai toujours reconnu que les fripons abondent à la surface, et je ne crois pas que la proportion soit trop forte pour les classes supérieures et pour ceux qui, s’élevant au-dessus d’une multitude ignorante et abrutie, trouvent toujours moyen de se nicher dans les positions où il y a du pouvoir et du profit à acquérir. » L’expression, en maint endroit, s’anime de bonhomie et de grâce : « Cela, dit-il, en parlant de l’incandescence politique, cela peut convenir aux jeunes gens, pour qui les passions sont des jouissances ; la tranquillité est le lait des vieillards. » Le portrait que Jefferson a tracé de Washington est digne de tous deux : la beauté morale reluit dans ces lignes calmes et précises, dans cette touche solide.

1449. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Grâce à l’obligeance du Dr Krishaber, j’ai pu consulter le journal même de ses observations.

1450. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

C’est par son œuvre en prose qu’il faut le mesurer, non par l’éloquence gauche de l’Aventurière (1848) ou les grâces vieillottes de Philiberte (1853).

1451. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

France n’a souhaité que votre divertissement et qu’il a rédigé avec bonne grâce et humour un roman-feuilleton, une sauce appétissante d’un plat peu sérieux.

1452. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Et maintenant, dans En route, mieux encore : c’est la foi, la grâce, l’élan chrétien, le baptême et la communion que ce consciencieux artiste a attaqués.

1453. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

C’est le type syrien dans toute sa grâce pleine de langueur.

1454. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Voltaire écrivait3 : « Vers l’an 1750, la nation rassasiée de vers, de tragédies, de comédies, d’opéra, de romans, d’histoires romanesques, de réflexions morales plus romanesques encore et de disputes théologiques sur la grâce et les convulsions, se mit enfin à raisonner sur les blés.

1455. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

On ne peut disconvenir que les talents mêlés, qui se laissent aller à leur naturelle abondance, n’aient d’ordinaire plus de variété, plus de grâce et de charme ; mais on ne peut douter que les talents distincts ou qui savent se concentrer, ont plus de caractère, de vigueur et d’essor.

1456. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

» Willy, élève de Stanislas qui oublie ses condisciples vieillis pour Claudine « petit pâtre bouclé » et qui, devant l’objectif du photographe, ne boucle plus la boucle d’un p’tit jeune homme que si c’est Polaire qui offre ses grâces postérieures ; Willy qui ne sut jamais voir aux yeux d’autrui que ses propres vices, m’accusera, j’espère, d’avoir cédé à une nostalgie perverse : je viens de relire deux de ces volumes de contes où Mendès, fameux par ses imitations, se laisse saisir lui-même, fuyant et onduleux seulement comme une amuseuse qui s’amuse.

1457. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Nulle grâce.

1458. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Parmi celles qui dansent, il y a une espèce de bacchante frappant du tambour, déployée avec une légèreté et une grâce infinies, jambes et bras en l’air ; elle a la tête tournée vers le spectateur qui la voit du reste par le dos.

1459. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

S’il en avait eu, aurait-il demandé sa grâce au Régent dans des vers que de Lescure a publiés à la fin de son volume, et, la grâce obtenue, se serait-il relevé d’à genoux, à la mort du Régent, pour frapper d’une dernière Philippique la mémoire de l’homme qu’il ne craignait plus et qui lui avait pardonné ?

1460. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Individualité pédante, qui n’a que l’empirisme de la science, qui raconte ses impressions comme si c’était la règle suprême de la beauté, et qui les raconte sans légèreté, sans bonhomie et sans grâce !

1461. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

— je ne sais quelle grâce méprisante qui l’empêchera de tomber jamais dans les hautes niaiseries du pédantisme contemporain : « Cela est assez ignoble pour être historique », est un mot qui le révèle.

1462. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Quand elle n’est pas contenue et soutenue par l’idée du public, son corset à elle, tout s’abaisse et s’en va de sa manière de parler et d’écrire dans un abandon sans grâce et surtout sans noblesse.

1463. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Avoir oublié une chose si aisée à prouver, s’enferrer soi-même sur une contradiction si évidente, c’est une grâce d’état d’aveuglement.

1464. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

C’est, de soupçon, un ironique aussi que ce fin serpent qui se tord avec tant de grâce autour de son vase de poison.

1465. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Il se jette à genoux pour nous demander grâce en faveur des assassins, aimant mieux supprimer la morale que d’utiliser l’échafaud !

1466. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Roger de Beauvoir31 I Dans ce temps de démentis, de ces démentis qu’on s’allonge avec une grâce et une facilité qui honorent étrangement la littérature, Parbleu !

1467. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

On dirait la grâce d’une femme qui range les plis de sa robe pour mieux entrer dans son cercueil, et c’est mieux que cela !

1468. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

II Il nous est impossible de croire qu’il n’y a point pensé un peu… S’il ne nous avait donné que des poésies dans le livre qu’il publie aujourd’hui, nous dirions : « C’est une grâce d’état, une inspiration particulière que cette poésie perpétuellement grave, que cette cornemuse, perpétuellement enflée du même vent. » La poésie de M. de Laprade, grave et vide, ressemble à la barbe de cet ambassadeur de Venise, dont Paul III disait, croyant qu’il n’y avait rien derrière cette barbe, pleine de gravité : Bella barba !

1469. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Et si c’est toujours la même chose, si rien, dans cette promenade qu’on nous raconte, ne modifie en quoi que ce puisse être l’état des connaissances générales et des aperçus sur l’Amérique, le grand pays en question, dont la solution déconcertera peut-être bien des prophéties et des calculs, il ne reste plus au voyageur pour tout mérite que d’avoir montré les grâces de son esprit en prenant l’air.

1470. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Les spectacles quotidiens que ces sociétés leur offrent, les contacts et les frottements auxquels elles les exposent, les combinaisons diverses où elles les font entrer mettent incessamment en jeu ces mécanismes plus ou moins conscients grâce auxquels les idées sociales se modifient, se précisent, s’élargissent.

1471. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Le petit nombre d’hommes qui restent à la fin, se trouvant dans l’abondance des choses nécessaires, redeviennent naturellement sociables ; l’antique simplicité des premiers âges reparaissant parmi eux, ils connaissent de nouveau la religion, la véracité, la bonne foi, qui sont les bases naturelles de la justice, et qui font la beauté, la grâce éternelle de l’ordre établi par la Providence.

1472. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Faites-nous des vers, de grâce, et l’on vous répondra. […] Je vous fais grâce du reste de la discussion, qui fut très animée. […] Les Grâces de Germain Pilon ne sont-elles pas de pure convention, comme formes et comme ajustement ? […] Alors le poète exhale un cri de désespoir et de fureur ; il rassemble toutes les puissances de son cœur et de son génie, pour arracher à Dieu la grâce de l’humanité qui va périr. […] Grâce à lui, nulle époque antérieure ne sera connue de l’avenir comme la nôtre.

1473. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Celui qui, dans une cour dissolue, accepte ou sollicite des grâces, ignore le prix qu’on y mettra quelque jour. […] Grâce à la justice des immortels et à ma prudence, il me reste une ressource : le fils de Claude est vivant ; je le montrerai à l’armée. […] Soit imprudence, soit ambition, il vante à Néron les grâces et l’esprit de sa femme (TACIT. […] La douceur de ses charmes masquait une âme atroce ; c’était une Furie sous le visage des Grâces. […] Junius Gallion, frère de Sénèque, effrayé, demande grâce ( Id. ibid.

1474. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Grâce à cette méthode, ses surprises ne pouvaient plus lui servir de conclusions qu’en l’honneur de l’humanité. » Hélas ! […] Le maniérisme n’y est point fatigant ; il se montre, au contraire, presque toujours joli, d’une grâce parfois exquise, d’un goût très sûr ; et il n’y a pas « trop de lys », ainsi qu’on pouvait le craindre d’un homme qui en abusait tant, dans la vie. […] S’il a fait son foyer désert et vide de cette grâce et de cette consolation, c’est pour faire son œuvre plus sincère, pour la préserver des petites concessions auxquelles, presque toujours, vous assujettit l’influence de l’épouse ou le caprice de l’amie. […] Commencé gaiement parmi des grâces légères, des ironies, des sensualités délicates, au milieu d’une société libertine et facile, le roman finit brusquement dans un coup de drame. […] Je ne m’étonnai point et répliquai avec une bonne grâce souriante et un peu lasse : — Mauvais, soit !

1475. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

M. de Maistre transporta à l’Église, notre mère selon la grâce, cette tendre affection qu’il avait eue pour sa mère selon la nature, et, dans tous ses rapports avec les pouvoirs légitimes, on retrouve la trace de cette heureuse alliance : un esprit libre, réglé par un cœur soumis. […] Cet illustre philosophe a écrit dans la Législation primitive, au sujet du Génie du christianisme, ces lignes qui indiquent les tendances de son esprit et la nature de son talent : « Les personnes qui aiment les preuves de sentiment en trouveront en abondance, ornées de toutes les pompes et de toutes les grâces du style, dans le Génie du christianisme. […] Hoffmann, apportaient aux mêmes idées l’appui d’un remarquable talent de polémique, et d’un savoir rendu plus piquant par les grâces du savoir-vivre, de sorte que l’influence du feuilleton du Journal des Débats grandissait tous les jours. […] Il venait à la manière d’Horace, dont son talent plein d’urbanité rappelle quelquefois la grâce, lui conter à la dérobée ses émotions, ses ennuis, son chagrin de vieillir, et la prier de l’aider à traduire en strophes cadencées l’incident qui l’avait frappé dans la journée, la pensée philosophique qui avait saisi son esprit. […] Après des études terminées avec éclat, il vint à Paris pour y faire un cours de droit ; il y trouva les débris de la société directoriale dont la licence frivole et les grâces fanées ne pouvaient que choquer l’austérité génevoise d’un jeune homme au cœur pur et à l’esprit solide et ardent.

1476. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

. — C’étaient les portraits de Nicolas Kobus, conseiller à la cour de l’électeur Frédéric-Wilhelm, en l’an de grâce 1715. […] Plus d’une belle fille l’observait d’un œil sévère, cherchant quelque chose à reprendre, tandis que son joli bras, nu jusqu’au coude, suivant la mode du pays, reposait sur le bras de Fritz avec une grâce naïve ; mais deux ou trois vieilles, les yeux plissés, souriaient dans leurs rides et disaient sans se gêner : « Il a bien choisi !  […] Et maintenant, représentez-vous les cercles amoureux de la valse qui s’enlacent, les pieds qui voltigent, les robes qui flottent et s’arrondissent en éventail ; Fritz, qui tient la petite Sûzel dans ses bras, qui lui lève la main avec grâce, qui la regarde enivré, tourbillonnant tantôt comme le vent et tantôt se balançant en cadence, souriant, rêvant, la contemplant, puis encore s’élançant avec une nouvelle ardeur ; tandis qu’à son tour, les reins cambrés, ses deux longues tresses flottant comme des ailes, et sa charmante petite tête rejetée en arrière, elle le regarde en extase, et que ses petits pieds effleurent à peine le sol. […] Mais c’étaient Fritz et la petite Sûzel qui faisaient l’admiration universelle, à cause de leur grâce et de leur air bienheureux.

1477. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Il haïssait tous ces présents dont l’usage est universel en Orient pour obtenir les grâces et les emplois, et il ne manquait point de faire entrer dans les coffres du roi tous ceux qu’il apprenait que les ministres recevaient ou se faisaient donner à cette fin. […] Deux jours après, il fut fait généralissime de la Perse, ce qui mettait trente mille hommes sous son commandement, qu’il pouvait assembler dans vingt-quatre heures ; et, dans les cinq jours de temps que dura seulement sa faveur, on lui fit la valeur de vingt mille louis d’or de présents pour avoir seulement ses bonnes grâces ou sa recommandation. […] Les gens qui ont reçu quelque grâce du roi vont la baiser en pompe et en cérémonie, en mettant pied à terre, et se tenant debout contre, ils prient Dieu à haute voix pour la prospérité du prince. […] Car vous savez, dit-il, que les sacrées lois de l’élu de Dieu ne permettent pas qu’une personne à qui cette sorte de disgrâce est arrivée obtienne le souverain commandement sur nous ; après cela, nous serons contraints de recourir à Hamzeh-Mirza ; et de quelle grâce, je vous prie, recevra-t-il notre élection ?

1478. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Je ne désire rien, je ne demande rien, je n’accuse personne ; je fais le procès-verbal de l’art en l’an de grâce 1844, voilà tout. […] « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut : « Les sciences et les arts étant les ornements les plus considérables des États, nous n’avons point eu de plus agréable divertissement depuis que nous avons donné la paix à nos peuples, que de les faire revivre en appelant près de nous tous ceux qui se sont acquis la réputation d’y exceller, non seulement dans l’étendue de notre royaume, mais aussi dans les pays étrangers ; et, pour les obliger davantage de s’y perfectionner, nous les avons honorés des marques de notre estime et de notre bienveillance. » Maintenant, lisez le privilège de l’Opéra, donné en 1831 à M.  […] En passant à Angers, j’avais obtenu la grâce d’un Vendéen condamné aux galères. […] D’ailleurs, ces primes, reçues du Théâtre-Français ou du ministère, n’ont point été surprises, elles ont été discutées, débattues, réglées ; ce n’est de la part du Théâtre-Français ni de celle du ministère une grâce, une faveur ou une gratification, c’est un marché conclu, une transaction commerciale réglée : ministre, directeur des beaux-arts, commissaire du roi, comités d’administration, étaient dans l’exercice de leur droit, et M. 

1479. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Voici une pièce, par exemple (omise encore, je ne sais pourquoi, dans notre recueil), qui me semble exquise et parfaite à tous égards, et qui unit composition, grâce, malice.

1480. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Le caractère de Raymon de Ramière offre une personnification effrayante, mais non exagérée, de cet égoïsme séduisant, de cette grâce affectueuse, de cette éloquence, de cette sensibilité toujours au service de sa propre satisfaction et de son plaisir.

1481. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

L’auteur anglais a fait du moins à M. de Balzac la grâce insigne de discerner son Eugénie Grandet d’avec le Père Goriot.

1482. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

C’est avec regret que nous avons vu Beauvall et refuser au rôle d’Ordonio la noblesse et la grâce qui en font une partie essentielle, et en charger sans nécessité l’odieux avec une brusquerie vulgaire, qui pouvait compromettre les mots les plus simples.

1483. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Charles Morice Henri de Régnier reflète en des grâces lyriques, en des gestes de jeunesse puissante et qui, parfois, se veut laisser croire lasse, tous les désirs d’art de ce temps, les reflète sans tous expressément les réaliser.

1484. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Citons l’Arioste, le cardinal Bibbiena, Machiavel, Ruzzante, Pietro Aretino, Francesco d’Ambra, Ludovico Dolce, Annibal Caro et des milliers d’auteurs qui firent admirer surtout la complication et la singularité des intrigues qu’ils inventaient et les grâces souvent trop libres de leur dialogue.

1485. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Pardonnez-lui, de grâce, seigneur capitaine, puisqu’il se résout à payer l’étrenne.

1486. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Sa femme et sa fille font avec bonne grâce les honneurs du thé.

1487. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

L’Évangile, de la sorte, a été le suprême remède aux ennuis de la vie vulgaire, un perpétuel sursum corda, une puissante distraction aux misérables soins de la terre, un doux appel comme celui de Jésus à l’oreille de Marthe : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes de beaucoup de choses ; or une seule est nécessaire. » Grâce à Jésus, l’existence la plus terne, la plus absorbée par de tristes ou humiliants devoirs, a eu son échappée sur un coin du ciel.

1488. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Rousseau envoyant (dans son Ode au comte de Luc, dont le mouvement lyrique est fort remarquable) un prophète fidèle jusque chez les dieux interroger le Sort ; et en trouvant fort ridicules les Néréides dont Camoëns obsède les compagnons de Gama, on désirerait, dans le célèbre Passage du Rhin de Boileau, voir autre chose que des naïades craintives fuir devant Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, accompagné de ses maréchaux-des-camps-et-armées.

1489. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Du reste, bonne, brave, loyale et intelligente nature ; mélange du poète, du gueux et du prince ; riant de tout ; faisant aujourd’hui rosser le guet par ses camarades comme autrefois par ses gens, mais n’y touchant pas ; alliant dans sa manière, avec quelque grâce, l’impudence du marquis à l’effronterie du zingaro ; souillé au-dehors, sain au-dedans ; et n’ayant plus du gentilhomme que son honneur qu’il garde, son nom qu’il cache, et son épée qu’il montre.

1490. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Il fit ses Humanités au Collège de Clermont ; et comme il eut l’avantage de suivre feu Monsieur le Prince de Conti dans toutes ces Classes, la vivacité d’esprit qui le distinguait de tous les autres, lui fit acquérir l’estime et les bonnes grâces de ce Prince, qui l’a toujours honoré de sa bienveillance et de sa protection.

1491. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Baudouin transportera la fausse gentillesse de son beau-père dont il est épris, les grâces de Boucher, dans une grange, dans une cave, dans une prison, dans un cachot ; il fourrera partout la petite maison et le boudoir.

1492. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Elle a recouvré sa grâce première ; elle a ôté ce vilain bas bleu qui n’allait pas à sa jambe de princesse et l’a jeté placidement au nez de la civilisation occidentale, du fond de cette simple ferme d’Asie qu’elle habite, porte fermée aux illusions.

1493. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Pour que toujours, à toute époque, les choses se soient passées ainsi, ne faut-il pas qu’il y ait dans cette Chine, dont c’est là l’éternelle histoire, des faits d’un ordre providentiel, mystérieux et terrible, peu aperçus du commun des historiens, mais pourtant comme il s’en rencontre à certaines places dans les annales du genre humain… Pour les peuples, ainsi que pour les hommes, la grâce méprisée — longtemps et obstinément méprisée produit l’endurcissement, l’aveuglement, l’impénitence.

1494. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

— on le pria, si je m’en souviens bien, de nous dire des vers au dessert, et on s’attendait à quelque chose comme les Petites blanchisseuses ou toute autre gaîté un peu vive de cet esprit qui traite parfois la grâce comme lui-même… en la grisant, et qui lui fait faire… (voulez-vous que je dise : trop souvent ?

1495. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Évidemment, il y a moins de cérémonies, moins de circonlocutions, moins de révérences en toutes choses, dans l’expression et dans le geste de la pensée, et la politesse, qui force souvent à être fin, quand elle n’est pas un prosternement vulgaire, donne précisément à l’abbé d’Olivet cette finesse qui pince sans avoir l’air d’y toucher, et qui est une grâce dans son hypocrisie transparente.

1496. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Quelle est cette ironie fatale, qui se mêle jusqu’à ses tendresses, car il rit de la femme qu’il aime et, grâce amère de la vie !

1497. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Qui peut le plus peut le moins : en jugeant Ninon nous aurons jugé Laïs, nous aurons jugé toutes les glorieuses prostituées dont les désordres paraissent à certaines gens des mérites et des grâces, et, par là, nous pourrons nous faire une idée de la pauvreté de ces idoles devant lesquelles toute une société n’a pas rougi de se mettre à genoux.

1498. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

mais comme la grâce et la beauté d’une figure au sein d’un costume démodé.

1499. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Grâce à elle, en effet, au xive , Étienne Marcel avait osé proclamer la souveraineté populaire, et plus tard Louis XI, ce roi conventionnel, comme l’appelle F. 

1500. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Armand Hayem45 I Dans un temps où les mandarins des instituts s’imaginent diriger et gouverner l’Esprit humain, voici un livre qui aurait dû avoir leurs bonnes grâces et qui a perdu ses coquetteries à leur en faire… L’auteur de ce livre, Armand Hayem, est, je crois bien, parmi les jeunes écrivains de la génération qui s’élève quand le siècle finit, un des mieux faits pour avoir des succès d’institut.

1501. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

C’est de l’Alfred de Musset sans la grâce de ses éperons d’or ; de l’Alfred de Musset mis à pied et au niveau de la bassesse générale des imaginations, ne choquant plus personne par sa supériorité même.

1502. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Il a pu rendre cette grâce fluide et rayonnante dans la précision de la langue française : chose difficile !

1503. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

En réalité, c’est là le tout du livre, le reste n’étant que détails, et il y en a de charmants de grâce descriptive, de tendresse et de mélancolie… Je sais bien qu’on a dit, en thèse générale, que le poète n’existe que par les détails ; mais, selon moi, c’est trop vite conclure en faveur d’un poète à qui n’appartient pas la conception première de son poème, et qui a manqué, tout en la voulant, cette unité qui est la gloire de tout poème, et qu’avait même cet Homère qu’on a cru plusieurs !

1504. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

… Le malheureux poète, dont le matérialisme grandit chaque jour, a retenu des dons de sa jeunesse la sensualité trempée de larmes, cette mélancolie des organes lassés ou épuisés qui a la grâce de toute tristesse, car toute tristesse, fût-ce la moins noble, nous sied plus que la joie, tant nous sommes faits pour la douleur !

1505. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Ce vin des autres qu’on lui a versé, il l’a bu… dans sa main, quelquefois avec assez de grâce (toujours l’enfant et rien de plus !)

1506. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Sa résignation n’a pas la beauté sévère d’une vertu, mais la grâce d’une amabilité : Madame la Providence, Hélas !

1507. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que cet homme qui avait de la douceur dans le caractère, comme de la grâce dans le style, et qui avait été témoin de la Saint-Barthélemi en France, dans des phrases élégantes et harmonieuses, en parle non seulement avec tranquillité, mais avec éloge.

1508. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

La correspondance entre Ausone et Paulin à cette date, les pièces de vers qu’ils s’adressent mutuellement, sont pleines d’intérêt : c’est une controverse piquante, non sans grâce, et qui nous initie à la vie nouvelle qui sera celle de toute une race pieuse qui se retrouvera dans l’avenir. […] Nodier, par exemple, cet homme de tant de grâce et d’esprit, mais étranger aux vraies méthodes, et qui, « dans tout ce qui tient à l’étude des langues, s’est fait remarquer par de bonnes intentions plutôt que par de bons ouvrages » (la définition est de Génin), s’était écrié dans un accès d’enthousiasme pour le simple, comme en ont les littérateurs des époques blasées : « Les patois ont donc une grammaire aussi régulière, une terminologie aussi homogène, une syntaxe aussi arrêtée que le pur grec d’Isocrate et le pur latin de Cicéron. […] L’article manque en latin, et c’est certainement une imperfection réelle ; mais il existe dans les langues romanes, chez qui c’est certainement aussi un perfectionnement. » Vous savez, messieurs, qu’à l’époque la plus brillante et la plus pure de la langue latine, Auguste était tellement préoccupé de la clarté et de la précision qu’il sentait bien que cette noble langue n’avait pas au même degré que la dignité ou la grâce, qu’il n’hésitait pas à ajouter des prépositions aux verbes, à répéter les conjonctions : « Præcipuamque curam duxit, sensum animi quam apertissime exprimere : quod quo facilius efficeret, aut necubi lectorem vel auditorem obturbaret ac moraretur, neque proepositiones verbis addere, neque conjunctioncs sœpius iterare dubitavit, quoe detractae afferunt aliquid obscuritatis, etsi gratiam augent34. » Les langues romanes, le vieux français en particulier, tout en défigurant à tant d’égards et en étant si prodigieusement loin de valoir la langue d’Auguste, s’acheminaient du moins à répondre, en fait de clarté et de précision, à la grande préoccupation d’Auguste.

1509. (1929) Dialogues critiques

Qu’est-ce qui inspire mieux que la grâce et la beauté ? […] Grâce à la Colère de Samson, Marie Dorval restera toujours sur l’affiche ; pour une comédienne, cela prime tout. […] Pierre Grâce au ciel, Valéry est bien vivant… M. 

1510. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Son application, ses progrès, son obéissance, sa modestie, la douceur de son caractère, la grâce de son langage et de ses manières en firent le modèle de l’école ; il fut chargé par le maître de le suppléer habituellement dans ses leçons aux plus jeunes de ses élèves. […] « S’il sent qu’il ait assez de droiture et de fermeté pour remplir les grands emplois, il ne les refuse point quand on les lui présente ; il les reçoit avec actions de grâces, et fait tous ses efforts pour les remplir dignement. […] Si, par quelque action éclatante ou par quelque ouvrage important, il mérite bien de la patrie, il ne fait pas valoir ses services dans la vue d’en être récompensé ; il attend modestement et avec patience que la libéralité du prince se déploie en sa faveur ; et s’il arrive que, dans la distribution des grâces, on l’ait oublié, il ne s’en plaint pas, il n’en murmure pas.

1511. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Elle est donc, dans le domaine de la sensibilité, quelque chose d’analogue à ce qui, dans l’art, cause le plaisir par excellence et réalise le charme suprême : la grâce. La grâce est produite par une surabondance qui a pour résultat l’affranchissement du rude « combat pour l’existence », la liberté et l’aisance des mouvements, le jeu facile de la pensée, l’expansion du cœur et la générosité du vouloir : le vrai plaisir est la grâce de la vie.

1512. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Elle respire, je ne sais quelle grâce grecque, quelle coquetterie antique, distraite, presque lointaine, qu’on se rappelle d’un marbre d’un Musée, et dont sa robe au repos, dessine les plis et la simplicité tombante. […] Sainte-Beuve reproche à Taine d’avoir soumis son Histoire de la littérature anglaise à l’examen d’ennemis, d’inférieurs, enchantés de le faire passer sous leur férule et de l’admonester… Et la parole des uns et des autres de monter… et Taine de déclarer que les quatre grands grands hommes, sont : Shakespeare, Dante, Michel-Ange, Beethoven, qu’il dénomme « les quatre cariatides de l’humanité ». — Mais tout cela c’est de la force, et la grâce ? […] Il a monté, à Vaugirard, une imprimerie toute pleine de prêtres interdits, de sacripants défroqués, de Trompe-la-mort, en rupture de grâce, qui, à la vue d’un commissaire de police, s’effarouchent vers la porte.

1513. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

La maîtresse de maison pleine de grâce coquette, mais un peu trop préoccupée de faire de son appartement un petit hôtel Rambouillet du xixe  siècle. […] » * * * — Un de ces dimanches du printemps, la maréchale C… diadémée de hauts cheveux en couronne, avec son front de la Renaissance, ses épaules de nymphe, et la grâce de toute sa personne penchée sur une causerie qui la faisait souriante, apparaissait comme une svelte divinité de la Régence qui aurait été peinte par le peintre anglais Lawrence. […] » Cela est dit non avec un sourire, une grâce de parole, une légèreté de paradoxe : c’est formulé en axiome dur, tranchant, absolu.

1514. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Elle est vêtue d’une espèce de deuil violet, dans lequel l’élégance de sa personne a une grâce sévère, une grâce triste. […] » En descendant l’escalier, tout en étant touché de la grâce et de la politesse de ce grand esprit, il y avait, au fond de moi, une ironie pour cet argot mystique, creux et sonore, avec lequel pontifient des hommes comme Michelet, comme Hugo, cherchant à s’imposer à leur entourage, ainsi que des vaticinateurs ayant commerce avec les dieux.

1515. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Cela n’égale pas en grâce, mais cela surpasse en précision pittoresque le chef-d’œuvre de La Fontaine, la description de la maison de Philémon et de Baucis. […] Oui, si j’étais ton frère de sang, aussi bien que je me sens ton frère de cœur, je voudrais anéantir d’abord toutes tes juvénilités en prose, idylles de mansardes, pastorales de tabagies où la finesse et la grâce du style ne rachètent pas même la monotone trivialité du sujet commençant toujours par une orgie pour finir par un suicide. […] Je ne ferais grâce qu’aux divins fragments enchâssés çà et là dans tes poèmes comme des tronçons de statues de marbre de Paros dans la muraille d’une taverne de Chio.

1516. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

” » Alors s’engage entre Virgile et Béatrice une conversation métaphysique où la scolastique tient plus de place que l’amour, et où une certaine Lucia, vierge et martyre, personnifie, à ce qu’on croit, la grâce divine, et sollicite Béatrice à voler au secours de son premier amour. […] Le ruisseau représente sans doute la grâce. […] Accorde-nous, par grâce, de dévoiler devant ses yeux ta bouche, afin qu’il contemple la seconde beauté que tu lui dérobes encore ! 

1517. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Au siècle dernier, les bons traducteurs, Letourneur ou Brumoy, accommodaient Shakespeare et Eschyle à la française et demandaient grâce pour ce qu’ils leur laissaient de grossièreté et de sauvagerie. […] Après nous avoir dit ce que nous devons regretter et ce que nous devons craindre, dites-nous, de grâce, ce dont nous pouvons nous réjouir et ce que nous pouvons espérer. […] Non, voyez-vous, pour les grâces et les gentillesses du discours, pour la noblesse des périphrases et pour la finesse capillaire des allusions, pour toute cette rhétorique à la Thomas, c’est encore M.  […] Cette manière de dater ne manquait point de grâce. […] … De là la grâce mélancolique répandue sur ce petit livre.

1518. (1902) Le critique mort jeune

Grâces soient rendues à la curiosité de G. […] C’est par ces procédés socratiques et qu’il ne manie pas sans grâce que M.  […] Et dans la « Tentation de Saint Antoine », lorsque le Christ vient chasser les infernales apparitions, il se lance avec joie dans un long commentaire sur la grâce. […] M. de Régnier montre assez dans les diverses parties de ses contes qu’il a le don de distribuer les lumières et les grâces de la vie pour qu’on soit assuré qu’un jour il renoncera tout à fait au mécanisme. […] Comment s’attacher à un bien si fragile que le désir et la grâce d’une femme, et, en même temps, voir couler les heures d’un cœur reposé ?

1519. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Et c’est la grâce que je vous souhaite, en vous embrassant en Jésus-Christ, qui fut tout simplicité, tout indulgence et tout amour. […] La voiture légère seule avait de la grâce. […] Il nous montre une jeune personne qui est toute en front et en yeux, avec un menton avancé et dur, le tout sec et sans grâce. […] Napoléon n’a jamais pu pardonner à Barras d’avoir été avant lui dans les bonnes grâces de Joséphine. […] Il savait gré au contraire à Bernadotte d’être entré après lui dans les bonnes grâces de Désirée Clary.

1520. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Il était affectueux et bon, « civil de manières, d’ailleurs honnête et loyal dans sa conduite », « d’un naturel ouvert et franc206  » ; s’il avait les entraînements, il avait aussi les effusions des vrais artistes ; on l’aimait, on se trouvait bien auprès de lui ; rien de plus doux et de plus engageant que cette grâce, cet abandon demi-féminin dans un homme. […] » dit la reine à son fils Hamlet… … Une action — qui flétrit la grâce et la rougeur de la modestie, —  appelle la vertu hypocrite, ôte la rose — au beau front de l’innocent amour, —  et y met un ulcère, rend les vœux du mariage — aussi faux que des serments de joueurs. […] Elle s’est prise de compassion pour Cassio, et veut sa grâce passionnément, quoi qu’il advienne, que la chose soit juste ou non, qu’elle soit dangereuse ou non. […] Je parlerai à lui faire perdre patience ; son lit lui semblera une école, sa table un confessionnal ; j’entremêlerai dans tout ce qu’il fera la requête de Cassio246. » Elle demande sa grâce : « Non, pas maintenant, chère Desdémona ; une autre fois. —  Mais sera-ce bientôt ? […] Cassio, sur son conseil, va trouver Desdémona qui lui fera obtenir sa grâce ; cette visite sera la perte de Desdémona et de Cassio.

1521. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Grâce à Dieu, mon cher ami, j’ai presque fini ma carrière, qui n’a été qu’une suite d’embarras et de douleurs. […] une existence douce, aimable, à ses foyers ; une grâce simple dans les manières, quelquefois une espèce d’enfance qui joue sérieusement : et tout à coup ensuite sur la scène une existence immense, extraordinaire, terrible, avec une figure grecque et pure et les fureurs d’un lion réveillé.

1522. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Mme de Chabot, la comtesse de Boigne qu’il nomme à part et distingue, lui montrèrent qu’on pouvait être jeune et continuer l’esprit, les grâces, la parfaite amabilité du passé. […] Sa maison, grâce en partie à son aimable compagne, était l’une des plus agréables dans cette cité républicaine si bien policée, dont il eut la douleur, avant de mourir, de voir renverser tout l’édifice, et dont la chute hâta sa fin.

1523. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

La Bruyère et Fénelon parurent et achevèrent, par des grâces imprévues, la beauté d’un tableau qui se calmait sensiblement et auquel il devenait d’autant plus difficile de rien ajouter. […] Il avoit de l’esprit, de la lecture, des restes d’une excellente éducation (je le crois bien), de la politesse et des grâces même quand il vouloit, mais il vouloit très-rarement… Sa férocité étoit extrême, et se montroit en tout.

1524. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Mais enfin, le signal ayant été donné, même quand le moment n’était pas choisi, et que certaines conjonctures pouvaient sembler contrariantes, il y avait sans doute pour tous ceux qui étaient appelés à concourir à l’œuvre et à la rendre exécutoire, il y avait à entrer dans la nouvelle situation soudainement créée, à s’y faire de bon cœur dès qu’on l’acceptait, à y répondre d’une manière plus prompte, moins indécise et avec une largeur de concession qui eût paru de meilleure grâce. […] Grâce à cet amendement improvisé, qui a passé dans la loi, le Français est considéré et traité comme un petit monsieur de qualité qui n’oserait sortir en plein air de peur de s’enrhumer, tandis que les autres nations, un Américain, un Suisse, un Belge, un Anglais, tous gens à la peau moins douillette, se moquent du chaud et du froid et bravent les intempéries des saisons.

1525. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

C’est en effet en observant religieusement ces règles antiques, et en joignant aux grâces qui en dérivent, plus d’habileté dans la composition dramatique et dans la peinture des passions, que Racine et Voltaire ont assuré la prééminence du théâtre français. […] M. de Stendhal, l’auteur qui écrit avec le plus d’esprit et de grâce en faveur du genre romantique, ne nous apprend point d’où il vient, ni en quoi il consiste.

1526. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Le sublime de la forêt américaine, la grâce nette des montagnes grecques, la grandeur du cirque romain, le tohu-bohu bariolé du campement oriental, les ciels bas et brumeux de la Germanie et les riants soleils d’Italie, les architectures exquises et les vierges solitudes, toutes les formes que la nature et l’homme ont offertes à ses yeux, il a tout su voir et tout su rendre. […] Il écrivit à Napoléon une demande en grâce, en consultant ce qu’il se devait plutôt que ce qui toucherait le juge : il blessa l’empereur, qui jeta la lettre au feu.

1527. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

France pourrait à son tour me faire grâce de torcol et bardocucule, deux bons vieux mots que j’ai employés quelque part et qui l’irritent. […] Ainsi le romantisme, après avoir sonné tous les tumultueux tocsins de la révolte, après avoir eu ses jours de gloire et de bataille, perdit de sa force et de sa grâce, abdiqua ses audaces héroïques, se fit rangé, sceptique et plein de bon sens ; dans l’honorable et mesquine tentative des Parnassiens, il espéra de fallacieux renouveaux, puis finalement, tel un monarque tombé en enfance, il se laissa déposer par le naturalisme auquel on ne peut accorder sérieusement qu’une valeur de protestation légitime, mais mal avisée, contre les fadeurs de quelques romanciers alors à la mode.

1528. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Mme Garnier, rayonnante de grâce et de naturel, fut ma première admiration dans un genre de beauté dont la théologie m’avait sevré. […] Le dogme de la grâce est le plus vrai des dogmes chrétiens.

1529. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Cauchemar du gendre, la nuit, voyant des milliers de têtes dont le nez est ainsi tourmenté par des mains au bout de bras n’appartenant à personne. » Octobre Mlle *** (Renée Mauperin), la cordialité et la loyauté d’un homme alliées à des grâces de jeune fille ; la raison mûrie et le cœur frais ; un esprit enlevé, on ne sait comment, du milieu bourgeois où il a été élevé, et tout plein d’aspirations à la grandeur morale, au dévouement, au sacrifice ; un appétit des choses les plus délicates de l’intelligence et de l’art ; le mépris de ce qui est d’ordinaire la pensée et l’entretien de la femme. […] C’est une jeunesse, une gracilité de ligne, une finesse ténue des attaches, un modelage douillet du ventre, une science de tout ce grassouillet virginal et bridé, une grâce délicate comme voilée d’enfance, avec dans une si petite chose, presque la grandeur d’une statue.

1530. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

* * * — Quand le xviiie  siècle va mourir et que la grâce de Watteau en cet art d’esprit, n’a plus que le souffle, il tombe dans l’art français, une invasion de lourds barbares qui se gracieusent, de teutomanes qui font les gentils : les Wille, Schenau, Freudeberg, etc., — et même Lawreince. […] Après tant de grâces maigres, tant de petites figures tristes, préoccupées, avec des nuages de saisie sur le front, toujours songeuses et enfoncées dans l’enfantement de la carotte ; après tous ces bagous de seconde main, ces chanterelles de perroquets, cette pauvre misérable langue argotique et malsaine, piquée dans les miettes de l’atelier et du Tintamarre ; après ces petites créatures grinchues et susceptibles, cette santé de peuple, cette bonne humeur de peuple, cette langue de peuple, cette force, cette cordialité, cette exubérance de contentement épanoui et dru, ce cœur qui apparaît là-dedans, avec de grosses formes et une brutalité attendrie : tout en cette femme m’agrée comme une solide et simple nourriture de ferme, après les dîners de gargotes à trente-deux sous.

1531. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Buttler, après avoir raconté ses efforts pour convaincre ses complices, finissait par ces vers : Lorsque je leur ai dit que, s’offrant à leur place, D’autres briguaient déjà mon choix comme une grâce, Que le prix était prêt, que d’autres, cette nuit, De leur fidélité recueilleraient le fruit, Chacun a regardé son plus proche complice ; Leurs yeux brillaient d’espoir, d’envie et d’avarice ; D’une sombre rougeur leurs fronts se sont couverts ; Ils répétaient tout bas : d’autres se sont offerts. […] Nos héroïnes tendres, Monime, Bérénice, Esther, Atalide, sont pleines de douceur et de grâce, mais ce sont des femmes faibles et timides ; les événements peuvent les dompter.

1532. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

« Nous ne donnons pas Mme de Chevreuse, — dit-il nonchalamment, — comme un modèle à suivre, mais nous espérons (ajoute-t-il) que tant de grandeur d’âme, de constance, d’intrépidité, d’héroïsme bien ou mal employé, trouvera grâce pour des fautes que nous n’avons pas voulu dissimuler. » Mais on se lave en vain les mains dans la cuvette de Pilate. « Vous ne donnez pas », mais vous faites prendre ! […] « Grâce à vos leçons, je me suis complu dans une pauvreté fière. » Ceci rappelle le mot de M. 

1533. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Grâce à lui, ils ouvrent devant le public, éternellement ébloui par un certain état de maison qu’il croit être le bonheur, des perspectives de vie fastueuse, ou large, ou même ruinée, fortune présente, fortune passée, peu importe, puisque l’or a ruisselé devant ceux qui le connaissent à peine. Grâce à lui, ils ont la ressource des beaux coups d’épée, des mots braves, de certaines façons cavalières de sortir d’une difficulté, qui plaisent infiniment à tant de bonnes gens emprisonnés et emmurés dans la perpétuelle incertitude.

1534. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Mais n’allez pas toutefois accorder à cette nature si fraîche éclose trop d’ignorance et de simplicité ; elle sait le monde et la vie, elle a souffert bien des peines et s’est étudiée à bien des grâces.

1535. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Grâce à eux, à leurs théories et à leurs travaux, l’art, qui ne se mêla pas encore au mouvement général de la société, acquit du moins, pendant cette retraite en commun, une conscience distincte et profonde de sa personnalité ; il s’éprouva lui-même, reconnut sa valeur, et trempa son instrument.

1536. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Il faut qu’on me présente des images naïves et brillantes de toutes les passions du cœur humain, et non pas seulement et toujours les grâces du marquis de Moncade6.

1537. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Il causa de la science agréablement, avec une légèreté, une grâce, une ironie souvent exquises, et, il faut le dire aussi, avec un excès parfois de gentillesse et de galanterie.

1538. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Il faut tout l’esprit, le talent et la grâce de M. 

1539. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Le plus louable critique, en ce sens, demeurera Huysmans, qui, il y a douze et quinze ans, sonnait la gloire d’artistes qu’on croit trop, ici ou là, avoir découverts hier… Ces bons écrivains pratiquent la bonne méthode ; avec le minimum de préjugés, ou avec des préjugés qui me plaisent, ils disent le sentiment qui devant tel tableau les retint ; leur dire vaut par la délicatesse de leur tact, et la grâce de leurs racontars les plus philosophes intercalent quelques théories d’ensemble, intéressantes puisqu’ils sont intelligents.

1540. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Le pharisien debout disait en lui-même : « Ô Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres hommes (par exemple comme ce publicain), voleur, injuste, adultère.

1541. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

La sultane voulait être coiffée et habillée par des Grâces.

1542. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Seulement, vieille même, et avec les acquisitions et les grâces tardives de ce nouvel état, elle ne fut pas uniquement, de par la vieillesse, cette personne et ce charme si à part que l’on appelait madame Swetchine !

1543. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

De l’un il avait l’énergie téméraire, et de l’autre la beauté suprême, l’ironie, la grâce, l’insolence, tous les ensorcellements des hommes qui doivent vivre et mourir par l’amour.

1544. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Il accuse les partis extrêmes, mais il oublie, avec la grâce d’un étourneau, que les partis extrêmes obéissent à la loi qui les régit.

1545. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Valfrey, qui sent à plein nez l’air du bureau ministériel, a l’importance dans le ton qui doit le faire accepter sur le pied d’un privilégié, possédant une érudition spéciale, — l’érudition des choses d’État, — érudition mystérieuse, presque hiératique, car, si enragé d’érudition qu’on veuille être, tout le monde n’a pas la clé du bureau où tous ces renseignements se puisent… Il n’y a que des favorisés qui pénètrent, par grâce, dans les arcanes des correspondances secrètes ; et quoique Valfrey n’ait presque rien rapporté de ces cartons, dans lesquels on l’a autorisé à pratiquer ses petites fouilles, il a l’avantage d’en revenir, et il en revient, pour y retourner !

1546. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Il ne nous fait grâce ni d’un paravent ni d’une lampe ; et, dans ces moments suprêmes, ces détails peuvent avoir leur grandeur et faire la vérité plus vraie : — il s’agit de savoir les placer et les remuer d’une main puissante.

1547. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Madame de Maintenon l’emportait trop par la raison, par le caractère, par la dignité dans la vie, par le sentiment religieux qui planait perpétuellement sur son âme, et teignait ses mots et ses actes de ses reflets les plus graves et les plus solennels, pour avoir ce que l’on appelle de la grâce, ce joli mouvement des natures légères… Littérairement, il est resté d’elle des choses d’une beauté rare, une correspondance qu’aucune femme d’aucun temps ne recommencerait.

1548. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Son talent ne sert plus qu’à édifier ceux qui ont sa foi, mais si la Grâce surnaturelle ne s’en mêle pas, il ne change ou ne modifie ni les convictions opposées à la sienne, ni les scepticismes, ni les incrédulités.

1549. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

De tous les professeurs de cette époque qui ont brillé en dehors de leur enseignement, c’est un de ceux que je place le plus haut… On a beaucoup vanté About, qui a les mauvaises qualités françaises sans en avoir les bonnes, — qui est un esprit sans profondeur, sans consistance, sans élévation ; qui se donne des airs de Voltaire, mais qui n’en a pas les grâces.

1550. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Grâce à cette circonstance individuelle, la publication de ces lettres n’aura pas l’effet que la Philosophie pouvait en attendre si un plus habile les avait traduites et interprétées avec un talent plus profond.

1551. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

À nous aussi, le préjugé traditionnel avait passé au cou le nœud de pourpre et de soie — doux et éclatant — dans lequel il étrangle la Vérité, contente d’être étranglée comme un Turc soumis au kalife, et si nous nous sommes débarrassés du lacet fascinateur et terrible, si nous l’avons rejeté et rompu, grâces en soient rendues surtout à ce grand poème du Ramayâna, — l’un des plus beaux (disent les savants) de la littérature sanscrite, — et qu’on vient de traduire tout exprès pour nous qui ne serions, certes !

1552. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Grâce à cette circonstance individuelle, la publication de ces lettres n’aura pas l’effet que la Philosophie pouvait en attendre, si un plus habile les avait traduites et interprétées avec un talent plus profond.

1553. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

On lui a fait une gloire récente dans ce siècle impie, mais je ne sache rien de plus aveugle, de plus stupide et d’une inspiration plus basse et plus sensuelle, que le désespoir de Leopardi, de ce Thersite contre Dieu même, de ce bossu qui, sans sa bosse, aurait peut-être aimé la vie, et à qui, quand il nie et blasphème, on pourrait dire ce que les renards disaient à celui qui avait perdu sa queue : Mais tournez-vous, de grâce !

1554. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Grâces en soient rendues à un pauvre missionnaire bénédictin, ce livre nécessaire, nous l’avons !

1555. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

J’ai voulu tout d’abord donner un échantillon du style, navré et mécontent, d’un homme qui fut agréable et qui n’est plus présentement qu’un mélancolieux, drapé, moins la grâce du feuillage, en saule pleureur de l’orléanisme parlementaire.

1556. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

— d’avoir obtenu du bon Dieu des poètes la grâce de devenir, le temps d’un livre, Victor Hugo en ses vieux jours.

1557. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

On ne s’étonne plus de la grâce de bucolique qui, partout, dans ses œuvres poétiques, se mêle sans cesse au lyrisme grandiose de Lamartine, quand on voit de quel nid était sorti le rossignol qui chantait inextinguiblement en lui, quand l’aigle, qui y était aussi, ne criait pas… La première impression que reçut son génie, cette première impression dont nous restons marqués à jamais, fut l’impression de la maison de son père, où il était né parmi les pasteurs, comme Virgile, et les vendangeurs du Mâconnais.

1558. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

La vie, si on la connaissait, de ce prodigieux acrobate, qui a su se faire de sa mutilation une grâce de plus, et dont l’énergique volonté a remplacé, par un art inouï, le membre le plus nécessaire ù son art, doit être bien autrement attachante que l’histoire de la jambe cassée et pleurée du clown de M. de Goncourt !

1559. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Il a même précisément le genre de talent qui en rapporte le plus en France : il a l’imagination, l’éclat, la grâce, la légèreté, et il les a, à ce qu’il paraît, éternelles.

1560. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

En 1633, le commandeur du Jars et d’autres sont condamnés à perdre la tête ; un seul a sa grâce sur l’échafaud ; tous les autres sont exécutés.

1561. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Grâce à eux, les musiciens en réputation commencent à croire que la poésie bien faite n’empoisonne pas la musique, comme les marchands de paroles au boisseau en font courir le bruit ; et tous les compositeurs jeunes vont demander des libretti aux jeunes écrivains, comme les élégants vont chez les meilleurs faiseurs. […] S’il obtient, par grâce, un quart d’heure de tête-à-tête, — il l’emploira en querelles, en jalousies. […] Grâce à cette ingénieuse proposition, le lycéen s’est ménagé six visites. — Le jour où il vint compléter les dix francs du billet, le petit bonhomme achevait de manger pour un louis de friandises à l’actrice en question. […] Grâce à ses relations, il entre dans la littérature comme les gens qui arrivent en retard à la porte d’un théâtre, rompent avec violence la queue formée, et se mettent à la tête, de façon à pénétrer les premiers dans la salle, sans avoir eu les ennuis de l’attente. […] C’était la grâce ajoutée à la grâce, disaient ceux qui avaient la réputation de ne dire que la vérité. — On a répété d’elle des mots charmants, qu’elle daignait faire elle-même, et sa correspondance indique une tournure d’esprit qui ne devait pis son originalité au vulgaire jargon des coulisses. — On a raconté quelquefois que les maréchaux de l’empereur Napoléon, lorsqu’ils devaient assister à quelque cérémonie d’apparat, allaient consulter Talma sur la manière de draper leur manteau de cour.

1562. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

De Plombières, il écrivait à sa femme : « … Prévenances, politesses, bonnes grâces, dont je suis confus et qui me mettent assez mal à l’aise. […] Celui-ci le constate avec bonne grâce, sans récrimination, bien entendu, puisqu’il n’y a là de la faute de personne ; mais avec un peu de mélancolie. […] Claudie, est une conception pleine à la fois de grâce et de grandeur. […] Il y a une grâce dans la bonté et une mélancolie atténuée et fine qui sont des charmes. […] Il a été frappé quelquefois, en s’appliquant un peu, de la grâce et de l’harmonie, à la rencontre de la hauteur de l’édifice.

1563. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Les femmes dont on lui conte l’aventure ont ce charme souverain qui fait tout pardonner, mêlé de grâce physique, de douceur d’âme et de tristesse. […] Mais rien de ce que font les étudiants ne lui semble sans grâce et sans prix. […] Le Père s’effaça avec beaucoup de modestie et de bonne grâce. […] C’est qu’ils ont été touchés par la grâce qui est la « sainte dynamite du bon Dieu ». […] Il n’y a pas d’opposition entre la nature et la grâce, entre la raison et la foi… Le P.

1564. (1864) Études sur Shakespeare

De là une monotonie que ne rachètent point la grâce naïve ni le mérite poétique de quelques détails, et que redouble la coupe du poëme en stances de cinq vers, dont les deux derniers offrent presque constamment un jeu d’esprit. […] Ses sonnets, saillies du moment que la grâce poétique ou spirituelle de quelques vers n’eût pas sauvées de l’oubli sans la curiosité qui s’attache aux moindres traces d’un homme célèbre, jetteront çà et là quelques lueurs sur les parties obscures ou douteuses de sa vie ; mais, sous le rapport littéraire, ce n’est plus que comme poëte dramatique que nous avons à le considérer. […] Dans Mesure pour Mesure, Angelo, cet indigne gouverneur de Vienne, après avoir condamné à mort Claudio pour crime de séduction envers une jeune fille qu’il veut épouser, travaille lui-même à séduire Isabelle, sœur de Claudio, en lui promettant la grâce de son frère ; et lorsque, par l’adresse d’Isabelle qui substitue à sa place une autre jeune fille, il croit avoir reçu le prix de son infâme marché, il donne ordre d’avancer l’exécution de Claudio. […] L’originalité, la naïveté, la gaieté, la grâce sont-elles donc si communes que nous les traitions si sévèrement parce qu’elles se sont prodiguées sur un fond léger et de peu de valeur ? […] Accoutumé par le goût de son siècle à réunir souvent les idées et les expressions par leurs relations les plus lointaines, il en contracta l’habitude de cette subtilité savante qui aperçoit tout, rapproche tout et ne fait grâce de rien ; elle a gâté plus d’une fois la gaieté de ses comédies comme le pathétique de ses tragédies.

1565. (1940) Quatre études pp. -154

Ces données que lui ont fournies ses yeux de chair, il les enrichit de telle sorte, il les doue d’une grâce si variée et si profonde, il les anime de tant de vie, il leur enlève si poétiquement leur matière, que nous avons devant nous une forêt de rêves et d’enchantements, où les essences se mêlent, où les fleurs s’étoilent, où voguent le Soir et le Silence, où l’âme enfin se dissout. […] Je me suis crue aussi obligée d’ajouter quelques vers qui, en apprenant aux lecteurs les premières vertus de Lenore, motivent la grâce qui lui est faite au moment d’expirer. […] En vain mes Sœurs s’applaudissent-elles de cet art pénible qu’elles ont inventé pour le charme des oreilles ; en vain se sont-elles imposé cette servitude des sons et des mesures dont tu te plains ; elles ne sauraient plaire qu’autant que je les inspire ; et les prodiges dont elles se vantent sont bien moins dus aux grâces contraintes qui les parent, qu’aux véritables beautés que je leur prête. […] Lorsque, dans son livre De l’Esprit (1759), qui obtint d’autant plus de succès qu’il fut condamné et brûlé, il aborda le sujet de la passion, il le traita pendant des pages et des pages, sans faire grâce d’aucun de ses avantages, d’aucun des prestiges de sa force désormais victorieuse. […] Ce qui restait d’imparfait, la petite différence qu’il tolérait encore pour distinguer le Créateur de sa créature, semblait devenir intelligible par ses prestiges ; dans cette marge étroite pouvaient se réfugier les désespoirs, mais non plus les malédictions ; c’était une grâce qu’elle fût aussi limitée, aussi restreinte ; le reste de l’univers était assez vaste pour qu’on pût s’y sentir heureux.

1566. (1895) Hommes et livres

Il y a dans les grâces fluides de son style, dans la douce harmonie de son vers, quelque chose d’abandonné et de tendre, qui caresse les sens et va au cœur. […] Ce sont là minauderies d’un esprit enfantin à qui l’on n’a pas encore appris quelle grâce plus puissante a toujours la simplicité. […] Mais Auguste fait grâce entière à son amant, à elle ; il révèle une générosité qu’elle ne soupçonnait pas : par suite le jugement d’Émilie change soudain. […] Grâce au baron de Montesquieu, il ne faudra pas plus de quelques années. […] Ils papillotent, ils voltigent, ils font leurs grâces, ils sifflent leurs airs.

1567. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Aussi rendons-lui grâces de ne s’être laissé ni fatiguer ni refroidir, et d’avoir traversé les lâchetés de la réaction tel qu’il avait traversé les atrocités de la dictature, démêlant ce qu’il y avait de grand et de glorieux sous d’ignobles apparences, de même qu’il avait compris ce qu’il y avait de sublime et de méritoire sous d’épouvantables forfaits.

1568. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Et j’ai songé : « Admirons les effets de la grâce divine, ou simplement peut-être de cette douceur, de cet assagissement, de cette résignation, de cette sérénité qu’apporte l’expérience aux âmes bien nées !

1569. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

C’est lorsque Hélène passe devant les vieillards troyens, et qu’ils se récrient, qu’Hélène est belle ; et c’est lorsque l’Arioste me décrit Angélique, je crois, depuis le sommet de sa tête jusqu’à l’extrémité de son pied, que malgré la grâce, la facilité, la molle élégance de sa poésie, Angélique n’est pas belle.

1570. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Nous avons, nous, une lumière allumée par la foi pour voir en cet homme providentielles grâces d’état que Dieu lui a communiquées, dans les intérêts d’une fonction sans laquelle le monde périssait, mais Renée ne l’a pas, cette lumière, et pourtant il a vu cette infaillibilité et il a dit qu’il l’avait vue !

1571. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Madame Daniel Stern n’a point certainement cette grâce-là !

1572. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Fournier se fût peut-être naturellement élevé de l’érudition à la critique ; il aurait virilement creusé le roc vif de l’histoire, et, s’il n’en eût pas percé les blocs et sondé les assises, il aurait au moins remué et retourné quelques-unes des pierres dont elle est faite, tandis qu’imitateur d’un vieillard dont les grâces séniles sont perdues, devenu sceptique… comme lui, par amour tremblant de la vérité, il ne nous a donné pour tout résultat que le petit regrattage de choses et de mots historiques qu’il appelle l’Esprit de l’histoire… L’Esprit de l’histoire !

1573. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Cela dit, et lui parti avec une si pauvre conception de l’Histoire, nous avouerons de fort bonne grâce qu’il va très bien.

1574. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Elle avait bien des défauts et nous les reconnaissons… Pédante si l’on veut, quelquefois sans grâce et précieuse, esprit faux en philosophie, bas-bleu à ravir l’Angleterre de l’éclat enragé de son indigo, madame de Staël, par la distinction de sa pensée, par la subtilité de son observation sociale, par son style brillant d’aperçus, par ses goûts, ses préoccupations, ses passions même, tendait vers la plus haute aristocratie, vers la civilisation la plus raffinée.

1575. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Sans ce besoin, plein de coquetterie, de se recommander au seigneur public et de se concilier ses chères bonnes grâces, Weill n’eût peut-être pas collé au front de son livre cette locution usuelle, vulgaire, qui semble chercher des échos dans l’esprit de tous ceux qui la débitent, et qui doit plaire par sa simplicité familière aux amateurs du simple et du familier (et on sait s’ils sont nombreux, ces braves gens-là !)

1576. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

En l’an de grâce 1866 (plus de trente ans après la mort de Gœthe !)

1577. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

L’huissier ne nous fait pas grâce d’une entrée ou d’une sortie.

1578. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

On le trouva, à l’Hôtel de Ville, la mâchoire brisée, son habit violet déchiré, ses culottes nankin avalées, ses bas de coton sur ses talons, souillé, sanglant, vautré sur une table où il venait d’écrire, et après l’avoir un peu lavé, un peu pansé, tout en l’insultant, on le jeta, ce reste vivant d’homme, au bourreau, qui coupa comme il put cette tête fracassée, et telles furent, en mourant, la grâce et la décence de ce magnifique gladiateur de l’Égalité !

1579. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

II Que grâces lui soient rendues, à cette Correspondance qui balaie, du coup, les anecdotes et les anecdotiers sur Balzac, les anecdotes et les anecdotiers qui s’attachent à toute célébrité et sont la vermine de toute gloire.

1580. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Il a son soin et son apprêt et il les porte partout, jusque dans ses lettres, où il a gardé le pli de ses livres et où je ne trouve aucune des qualités qui font d’une correspondance quelque chose de si vivant, de si intime, de si ouvert sur soi : la primesauterie, la négligence aimable, la grâce, la naïveté, l’impétuosité du mouvement, les enfantillages adorables des esprits puissants qui badinent avec leur force, comme des rois avec leur sceptre ou leur épée !

1581. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Grâce à Hoffmann, la notion du fantastique serait faussée dans beaucoup d’esprits, si à côté de lui nous n’avions pas des modèles de ce surnaturel attaqué de front et grandement réussi.

1582. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

La force de Byron, en effet, sa grâce, son mouvement, et je dirais presque la divinité anthropomorphite de sa poésie, tout est du plus pur grec qui ait jamais existé.

1583. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Ce poëme, illisible sans la grâce d’état philosophique, n’est dangereux que par fragments.

1584. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

C’est pour eux encore une heure de grâce !

1585. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Il a une imagination aux grâces un peu pâles, mais touchantes.

1586. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Grâce à des modifications ministérielles, il en était revenu peu de temps après, avec deux raisons pour réussir à son retour.

1587. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

« On devine combien fut grand le scandale et combien le bon prédicateur dut regretter une phrase qui, toute légitime qu’elle fût, avait eu la malheureuse vertu d’arrêter si complètement la grâce, ou du moins de compromettre un succès.

1588. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Ils sont comme les saints les plus aimés de Dieu, que l’on trouve, au fond de leurs tombes, avec des grâces de sommeil incomparables, tout vermeils et déjà parfumés du ciel.

1589. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Il y avait presque du sentiment là-dedans, comme dans la Romance à Madame… Ils étaient trois, les éditeurs, comme les trois Grâces, mais moins unis.

1590. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Grâces lui soient rendues !

1591. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Laurent Pichat, ce cygne des années lointaines qui s’est mis, comme un jeune coq, à chanter l’aurore qui se lève sur un monde nouveau le poulailler de la Démocratie, aurait, assurément, plus de grâce et de profondeur dans ses chants s’il chantait les heures crépusculaires, voisines de la nuit qui nous menace.

1592. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Je vois mieux ainsi ce sincère glorificateur du silence, ce trappiste de la Poésie, qui s’était créé comme une solitude monastique sous les rideaux et les persiennes de son salon de la rue des Écuries-d’Artois, si plein des portraits et des souvenirs de sa jeunesse, et dans lequel il s’était, de si longue main et de si bonne grâce, préparé à ce qu’il admirait le plus : — silencieusement mourir !

1593. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

En effet, on eût dit qu’ils avaient fait un mystérieux échange, et qu’elle lui avait laissé la grâce pour le dédommager de lui avoir emporté son nom !

1594. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

À ce tableau il oppose celui de l’officier français : « Idolâtre de son honneur et de celui de son souverain ; bravant de sang-froid la mort, avec toutes les raisons d’aimer la vie ; quittant gaiement les délices de la société pour des fatigues qui font frémir la nature ; humain, généreux, compatissant, tandis que la barbarie étincelle de rage autour de lui ; né pour les douceurs de la société comme pour les dangers de la guerre ; aussi poli que fier ; orné souvent par la culture des lettres, et plus encore par les grâces de l’esprit. » Il parcourt ensuite rapidement nos victoires, nos exploits et nos pertes ; il célèbre cette brave noblesse qui partout a versé son sang pour l’État76.

1595. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Quand un idiome a vieilli sur son sol natal, ou que, défiguré dans son passage sous un ciel nouveau, il a perdu l’instinct délicat de sa forme première, sa grâce ou son énergie ; qu’il n’est plus en rapport avec le monde troublé et nouveau dont il est entouré, il n’importe : l’éclair de l’esprit, l’émotion de l’âme se fait jour par toute voie laissée à l’intelligence ; et le génie de l’architecte brille encore dans l’imperfection des matériaux mutilés ou à peine dégrossis qu’il emploie.

1596. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Praxitèle ne le détruit pas, mais, en atténuant les membres pour leur faire exprimer la grâce, il en rend la notion plus sensible, trop saisissable même. […] Grâce à leur activité vagabonde, les idées circulent, les poèmes voyagent et vont chercher ceux qui ne viendraient pas naturellement à eux. […] Caravage ne nous fait grâce d’aucune ride, d’aucune verrue, d’aucune gibbosité, pas plus que les Flamands ou les Hollandais. […] Aussi accepte-t-il de bonne grâce l’héritage romantique qu’il augmente encore. […] Grâce à eux, il n’est pas un livre de M. 

1597. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Elle ne dit pas d’un homme de grande taille, qu’il est mal proportionné, elle dit qu’il est petit ; d’un ingambe, non qu’il marche sans grâce, mais qu’il boite ; d’un tempérant, non qu’il s’oublie quelquefois à table, mais que tous les soirs on le ramasse dessous. […] * De grâce, ne me demandez pas de saluer, dans les révolutionnaires de 1848 et de 1870, des supériorités méconnues, que la France aveuglée avait trop tardé à mettre aux affaires. […] De grâce, indiquez-moi les passages, que j’aie le plaisir de les lire de mes yeux. […] Quoique tout cela soit raconté avec bonne grâce, suis-je dans l’illusion en croyant y sentir comme l’humiliation secrète d’une âme d’élite forcée de s’avouer qu’elle n’est pas « maîtresse du corps qu’elle anime » ? […] Condamné sous l’Empire pour une extravagante déclaration d’athéisme dans un journal, j’avais obtenu qu’en raison de sa jeunesse on lui fît grâce.

1598. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Ce célèbre danseur qui déployait ses membres sur la scène avec tant de légèreté, de noblesse et de grâces, n’était dans la rue. qu’un homme dont vous n’eussiez jamais deviné le rare talent. […] « Sa vertu fait peur… » C’est que sa vertu n’a ni l’afféterie, ni les petites grâces, ni les petites mines d’une femme de cour. […] Caligula dit, par forme de conversation, à Canus Julius : « A propos, j’ai donné l’ordre de votre supplice… » Julius lui répond : « Je vous rends grâces, prince très-excellent » (Chapitre XIV.) […] nous vous demandons grâce. […] Je me jette à vos pieds, j’embrasse vos genoux, et je vous demande grâce pour tous ces malheureux.

1599. (1898) Essai sur Goethe

Le livre et l’homme planaient au-dessus de la critique, dans un rayonnement, et l’on ne savait qu’admirer davantage, de la grâce, de la fraîcheur, du sens et du charme des aventures racontées, ou du talent du narrateur. […] Grâce à de puissantes interventions, il fut relâché contre une caution de 25.000 florins, sous promesse solennelle de ne plus quitter son château de Hornberg. […] Quand Ulysse parle de la mer immense et de la terre infinie, cela est vrai, humain, intime, saisissant et mystérieux… » Charlotte est comme lui, bien qu’elle nous soit présentée comme un modèle de grâce naturelle. […] Voyez-la s’arrêter avec grâce ! […] Grâce à l’appoint que lui apportèrent plus tard les pièces et le concours de Schiller, il faillit réussir.

1600. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Ils n’en ont pas moins eu leur raison d’être, à leur heure ; et les auteurs n’en ont pas toujours déployé la richesse d’imagination, la souplesse de talent, et la grâce de style de Bernardin de Saint-Pierre. […] Non pas au moins sans quelque compensation ; et s’il y a dans la femme, comme il l’a si bien dit lui-même, avec tant de grâce et même de profondeur, « une gaieté légère qui dissipe la tristesse naturelle de l’homme », cette revanche, ou cet adoucissement de ses pires infortunes ne lui a pas manqué. […] Grâce à l’obligeance de M.  […] Je développe en vous, chaque fois que je vous vois, de nouvelles grâces et de nouvelles vertus. […] Je néglige aujourd’hui le second, dont je dirai tôt ou tard les grâces péniblement apprises.

1601. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Grâce à la démocratie des journaux, la politique a ouvert un débouché inattendu à ces forçats de l’imprimerie. […] L’œuvre de Flaubert a la couleur et la violence ; celle de Chateaubriand a la grâce et l’enchantement. […] Pour que la grâce soit complète, il y faut de la grandeur, ce qui n’est pas facile dans de si petits sujets. […] Grâce à l’hostilité du célèbre tundiste, la réputation de Chateaubriand a été compromise avant même que sa vie fût bien connue. […] Grâce à elle l’Abbaye-aux-Rois devint une sorte de royauté où Chateaubriand trônait comme Gœthe à la cour de Weimar.

1602. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

D’ailleurs l’art exige que l’intérêt ne soit pas trop dispersé dans une composition dramatique ; voilà pourquoi l’aimable Octavie ne nous est aussi montrée qu’en passant ; cette femme si douce, si pure, si vertueuse, dont les grâces modestes sont éclipsées par l’éclat trompeur et l’ostentation de son indigne rivale. […] Ces jeunes gens furent pris, et Donwald, qui jusqu’alors avait servi fidèlement et utilement le roi, se flatta d’obtenir leur grâce ; mais n’ayant pu y parvenir, il en conçut un violent ressentiment. […] Dans la nouvelle de Cinthio, et dans la pièce de Whestone, le juge prévaricateur vient à bout de ses desseins sur la sœur qui demande la grâce de son frère. Condamné par le prince à être puni de mort, après avoir épousé la jeune fille qu’il a outragée, il obtient sa grâce par les prières de celle qui oublie sa vengeance dès que le coupable est devenu son époux. […] Faussement accusée, elle ne sait se justifier qu’en disant combien elle aime ; modeste et timide sous son déguisement, elle apparaît dans la grotte de Bélarius comme l’ange de la grâce, elle est belle dans le désert comme à la cour, et ajoute encore à la beauté du paysage dans lequel Shakspeare a placé les deux jeunes princes.

1603. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

non, tout n’était pas dans l’éclat des cheveux, Dans la grâce et l’essor d’un âge plus nerveux, Dans la chaleur du sang qui s’enivre ou s’irrite ! […] De bonne heure il conçut l’idée de naturaliser dans la littérature et la poésie romaine certaines grâces et beautés de la poésie grecque, qui n’avaient pas encore reçu en latin tout leur agrément et tout leur poli, même après Catulle et après Lucrèce. […] « “Ce qui n’a pas la grâce de Virgile : (…) là où le large Mincio s’égare en de lents détours sinueux et voile ses rives d’une molle ceinture de roseaux.)

1604. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Mais, de grâce, retire ce fer de mon sein : Morna, je le sens qui me glace. […] Les grâces de la jeunesse étaient sur son visage : son bras était la mort des héros. […] Elles souriaient aux grâces épanouies sur le visage du jeune héros ; mais la mort était dans ses mains : il était fort et terrible comme les eaux du Lora.

1605. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

La langue qu’ils parlent évite à la fois la grâce et la passion : qui songerait à s’imaginer l’homme dans le savant ? […] Vous y sentirez ce souci presque exclusif de la pensée dans l’austérité d’un art qui se refuse les fleurs de charme et de grâce. […] En sorte, comme le disait avec l’accent délicieux qui lui était propre, Théodore de Banville, en sorte que « Grâce à l’égalité du luxe que nous avons tristement conquise, nous voilà revenus au temps du paradis terrestre où il n’y avait qu’un homme et qu’une femme : un veston en vaut un autre, et la première dame venue, honnête ou frivole, n’a pas plutôt dépensé trente billets de mille francs qu’elle est mise comme tout le monde et de façon à ne pas se faire remarquer ».

1606. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Et ce chant, sans effusions féminines, sans câlines prières s’efforçant d’obtenir par les hasardeuses singeries de la grâce moderne le rendez-vous réservé d’un Dieu, se développe avec cette certitude de pardon et cette conviction de rachat qui s’imposèrent aux humbles et suggestives âmes du Moyen-âge. […] Le petit nocturne à deux voix, traité dans la manière de Gounod : Ô nuit sereine, ô nuit profonde, a certainement de la grâce, de même que la cavatine du ténor qui suit : Si dans tes bras, exauçant mon désir. […] Grâce à son zèle, les Bâlois ont entendu Lohengrin, le Hollandais volant et les Maîtres Chanteurs.

1607. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

. — Comme pendant à cette délicieuse chanson, il faut prendre aussitôt celle du Réformé content de l’être (1814), dont le refrain est d’un effet tout contraire au précédent, et dont l’air également va en sens inverse du trait final : Tout va bien (bis), Grâce au Ciel, je n’ai plus rien, Je n’ai plus rien, je n’ai plus rien. […] « Comme lorsqu’un riche, prenant à pleine main la coupe toute bouillante au dedans de la rosée de la vigne, après avoir bu à la santé de son gendre, la lui donne en cadeau pour l’emporter d’une maison à l’autre, — une coupe toute d’or, son bien le plus cher et la grâce du festin, — honorant par là son alliance, — et il rend le jeune époux enviable à tous les amis présents pour un si cordial hyménée ; « Et moi aussi, riche du nectar versé, présent des Muses, j’envoie ce doux fruit de mon génie aux héros chargés de couronnes, et j’en favorise à mon gré les vainqueurs d’Olympie et de Delphes… » 18.

1608. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Ce qui se dit dans cette entrevue entre le petit Didier et le père de sa future on ne peut que le deviner ; mais tout se passa sans doute de bon accord et de bonne grâce, car la nuit était déjà tombée toute noire sur la montagne et sur la vallée que le père et le prétendu, le visage ouvert par la confiance et par la bonne amitié, étaient encore assis chacun sur un coin du banc, la table entre eux deux et la nappe mise devant une bouteille de vin, un morceau de pain et un fromage blanc, pendant que la Jumelle, rappelée du verger, debout et modeste derrière son père, était invitée par lui et résistait longtemps à boire un doigt de vin dans le verre de son fiancé. […] « Elle a rougi de bonne grâce, comme le vin dans le verre !

1609. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

J’espérais les respecter toujours et les réserver à d’autres générations pour la grâce du paysage : hélas ! […] Tous ceux sur qui le fort met ses pieds triomphants ; Les faibles sont les siens, sa force les relève ; Il porte dans ses mains la grâce et non le glaive.

1610. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

« Il faisait fournir des barques et des canots à ceux qui voulaient fuir ; il anéantissait les lettres et les notes qui auraient pu servir de témoignage du zèle qu’on avait montré pour lui, des injures qu’on avait proférées contre Vitellius ; il distribuait des gratifications avec mesure, et nullement comme un homme qui n’a rien à ménager après lui ; ensuite il s’appliqua à consoler le fils de son frère, Salvius Coccéianus, enfant en bas âge, qui tremblait et qui pleurait, louant sa tendresse, gourmandant son effroi, l’assurant que le vainqueur ne serait pas assez barbare pour refuser la grâce de ce neveu, à lui, qui avait conservé à Rome toute la famille de Vitellius, et qui allait, par la promptitude de sa propre mort, mériter la clémence de ce rival : car ce n’était point, ajoutait-il, dans une extrémité désespérée, mais à la tête d’une armée demandant à combattre, qu’il épargnait volontairement à la république une calamité nouvelle ; qu’il avait assez de renommée pour lui-même, assez d’illustration pour ses descendants ; que le premier, après les Jules, les Claude, les Servius, il avait porté l’empire dans une nouvelle famille ; que son neveu devait donc accepter la vie avec une noble assurance, sans oublier jamais qu’Othon fut son oncle, et cependant sans trop s’en souvenir. » VIII « Après ces soins donnés aux autres, il prit quelques moments de repos. […] Ensuite ses courtisans coururent aux temples, et, l’exemple une fois donné, les villes voisines de la Campanie attestèrent à l’envi leur joie par des adresses à l’empereur, et par des victimes immolées en actions de grâces aux Dieux.

1611. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

On se croirait dans les gorges de la Sabine d’Horace, sur les rives du præceps Anio  ; tout a un caractère de grâce et de gaîté terrestres qui rappellent l’Arcadie : ses bergers, ses pêcheurs, ses nymphes, ses radeaux chargés d’herbes odorantes qui traversent le fleuve au chant des faneuses pour porter d’une rive à l’autre les foins du pré penchant à la meule ou à l’étable des troupeaux. […] XXXII Écarté de l’arène politique avant d’avoir combattu, Louis de Ronchaud s’ensevelit dans la solitude de son cœur et de ses pensées ; il ne se laissa connaître que par quelques rares amis, à qui la grâce de son caractère n’en cachait pas la force, comme une femme d’Orient qui voile sa taille et son visage pour la foule, d’un blanc linceul, et qui ne le dépouille qu’en rentrant dans la maison, derrière les jalousies et les grilles de sa chasteté.

1612. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Ici le grand Apelle, heureux dès avant nous, De sa vision même est devenu l’époux ; L’Aube est d’Angelico la sœur chaste et divine ; Raphaël est baisé par la Grâce à genoux, Léonard la contemple et, pensif, la devine ; Le Corrège ici nage en un matin nacré, Rubens en un midi qui flamboie à son gré ; Ravi, le Titien parle au soleil qui sombre Dans un lit somptueux d’or brûlant et pourpré Que Rembrandt ébloui voit lutter avec l’ombre ; Le Poussin et Ruysdaël se repaissent les yeux De nobles frondaisons, de ciels délicieux, De cascades d’eau vive aux diamants pareilles ; Et tous goûtent le Beau, seulement soucieux, Le possédant fixé, d’en sentir les merveilles. […] Il y a aussi de suaves commerces de cœur et d’esprit entre l’homme et la femme ; l’amitié amoureuse, qui est plus que l’amour, car elle en atout le charme, et elle n’en a point les malaises, les grossièretés ni les violences : l’ami jouit paisiblement de la grâce féminine de son amie, il jouit de sa voix et de ses yeux et il retrouve encore, dans sa sensibilité plus frémissante, dans la façon dont elle accueille, embrasse et transforme les idées qu’il lui confie, dans sa déraison charmante et passionnée, dans le don qu’elle possède de bercer avec des mots, d’apaiser et de consoler, la marque et l’attrait mystérieux de son sexe.

1613. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Introduction Un missionnaire du siècle dernier, montant en chaire pour la première fois devant l’élite de la société parisienne, s’exprimait ainsi : « À la vue d’un auditoire si nouveau pour moi, il semble que je ne devrais ouvrir la bouche que pour vous demander grâce en faveur d’un pauvre missionnaire dépourvu de tous les talents que vous exigez, quand on vient vous parler de votre salut. » Ne devrais-je pas, à l’exemple du père Bridaine, vous demander grâce en faveur d’un obscur missionnaire de la religion des lettres qui vient vous entretenir des objets sacrés de son culte ?

1614. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Et voici la tranquille grâce d’une danse : dans une fugue sautillent les mélodies ; c’est la danse paisible et charmante de trois couples. […] Mais le caractère constant de ces œuvres est la sereine grâce : des allégrettos brefs et légers, des menuets adorablement réguliers : partout la délicate plaisanterie d’une âme ingénue.

1615. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Grâce à cette combinaison, les lendemains de Lohengrin seront plus qu’assurés. […] Et comme les émotions étaient, au dix-huitième siècle, adorablement simples et fines, une musique d’opéra fut dressée, simple, exclusivement mélodique, mais adorable de fine grâce et d’achevée clarté : par Monsigny, Philidor, Duni, qui traduisirent — ainsi qu’avaient fait Haydn et Mozart pour l’Allemagne — les ingénues tendresses de leur âge et de leur société ; mais par Grétry, surtout, le très parfait.

1616. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Il mettait à ce qu’il crayonnait une petite grâce mondaine, qui était juste ce qu’il fallait à L’Illustration, dont il était le dessinateur des élégances, rendant la femme contemporaine, non seulement dans la féminilité de son siècle, mais dans la robe, la collerette, la manchette de la semaine. […] Il leur fait grâce, en les fouettant d’un rien d’ironie, d’une ironie qui est un sourire à peine sensible, une petite flèche lui partant d’un coin de lèvre et qui, toute légère qu’elle est, entre dans un ridicule comme dans une baudruche.

1617. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Rien de plus grandiose que sa grâce. […] Que l’on suppose jointe à la faculté verbale qui l’a produite, les facultés analytiques et réalistes d’un Balzac, la grâce d’un Heine, ce serait Shakespeare ; que l’on joigne encore à cette intelligence reine, la pensée encyclopédique d’un Goethe, l’on aurait un poète transcendant, qui porterait en sa large cervelle toutes les choses et tous les mots.

1618. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Lui, le tendu, l’ambitieux, le Crotoniate fendeur de chêne et qui y reste pris, a dans le rythme la grâce vraie et jusqu’à la langueur. […] Victor Hugo entasse des montagnes de grosses choses, d’énormités et de pathos, sur ce fil de la Vierge étincelant et flottant, et ce fil ne se rompt jamais et ne perd pas un seul instant de sa mollesse et de sa grâce.

1619. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Il le décrit donc ce bonheur, et nous l’avons dit, ce n’est qu’une vignette, — une vignette à la Tony Johannot, — mais dont la grâce, malheureusement, n’est plus très-neuve. […] Sainte-Beuve, nous a donné récemment le spectacle de cette dernière grâce un peu tombante des pouvoirs, blasés ou séduits qui mettent une main protectrice sur quelque jeune épaule qui ne les soutient pas et qu’ils décorent.

1620. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Il en est de ces mets de l’intelligence comme de ceux du corps : il vient un moment où même les plus excellents, à force de reparaître et de nous être servis sous toutes les formes, lassent le goût ; il n’était pas jusqu’à Beuchot, l’éditeur passionné de Voltaire, qui, sur la fin, lorsqu’on lui apportait des lettres nouvelles de son auteur favori, ne criât grâce et ne répondit : « Assez, j’en ai assez ! 

1621. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

[NdA] Galant homme en effet, il l’est et me l’a bien prouvé depuis par son procédé personnel mêlé de bonne grâce et d’indulgence ; mais il est dans un camp, il est d’un parti, et dès lors il ne s’appartient pas tout entier.

1622. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Joubert déduit et développe dans la seconde partie de son raisonnement avec bien de la ténuité et de la grâce : « Eh bien !

1623. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Mais en même temps, par un fonds d’ancienne humeur franche, ce bon peuple avait gardé ses facultés légères et pénétrantes, sa grâce amoureuse, son rire prompt et subtil, et ses retours épicuriens jusqu’au sein des publiques douleurs. 

1624. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Tandis qu’avec une aisance pleine de grâce, et d’un vol qui plane nonchalamment, M. de Lamartine s’élançait aux plus hautes régions qu’on eût jusqu’alors tentées, M.

1625. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

« Sous le poids accablant de cette infériorité humiliante, l’homme de lettres devait quelquefois aussi comparer d’un œil jaloux ces palais somptueux, ces tables splendides où on lui faisait la grâce de l’admettre, avec son modeste appartement garni et ses moyens précaires d’existence. » Les châteaux de La Brède, de Montbard, de Ferney, de Voré, des appartements garnis !

1626. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Ces raisons spirituellement superficielles pourraient trouver grâce auprès de quelques jeunes esprits dominés par leurs penchants philosophiques ou politiques, et trop disposés à faire bon marché de leurs opinions littéraires : nous y répondrons avec quelque détail.

1627. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Mais la lenteur du préambule, le grand nombre de personnages trop mollement dessinés, et une teinte romanesque à la Montolieu répandue sur l’ensemble, empêchent l’effet d’être vif et réel, bien que la facilité, la grâce et une certaine onction ne manquent pas.

1628. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Serait-il possible que l’éclat du talent ne pût, devant certains juges, obtenir grâce pour l’amour ardent de la liberté ?

1629. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Il avait le goût, la correction, la grâce.

1630. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Mais lisez maintenant cette page de Fromentin, d’un art absolument contraire : C’est une terre sans grâce, sans douceurs… Un grand pays de collines expirant dans un pays plus grand encore, et plat, baigné d’une éternelle lumière ; assez vide, assez désolé pour donner l’idée de cette chose surprenante qu’on appelle le désert ; avec un ciel toujours à peu près semblable, du silence, et de tous côtés des horizons tranquilles.

1631. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Les lapins n’ont de grâce et de gentillesse que pour un poète comme La Fontaine : ce nom fait voir au forestier des arbres rongés, avec des plantations dévastées, un ennemi qui pullule et qu’on ne peut exterminer.

1632. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Les Français même, au temps de Louis XVI, n’auraient pu indiquer personne autre que le prince de Ligne593 qui représentât la perfection de nos qualités mondaines : on aperçoit encore dans ses lettres cette souplesse d’esprit, cette universalité de connaissances, ce tact délicat, ce badinage aisé, cette grâce piquante qui séduisaient tour à tour Paris, Versailles, Joseph II, Frédéric II, Catherine.

1633. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Il se cache après Waterloo ; il écrit à Mme de Timey : « Venez et fuyons ensemble. » Elle hésite et répond : « Non. » Seconde lettre de Wolfgang : « Puisque vous ne voulez pas fuir avec moi, vous ne m’aimez plus, et je me constitue prisonnier. » Et, quoique le roi lui ait accordé spontanément sa grâce, il se tue dans sa prison.

1634. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Il n’est point de forme littéraire par où nous puissions exprimer avec autant de finesse et de grâce ce que nous avons d’important à dire.

1635. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Sans doute le sentiment de la couleur et de l’harmonie sommeillait et sans doute, à maintenir si longtemps dans cette pénible attitude doctorale l’esprit humain, on risquait de le paralyser, de le dessécher, de lui faire oublier la grâce de gestes plus vivants : le XVIIIe siècle, cette mare, puis ce torrent, est le loyer dont nous payâmes le XVIIe  Le Romantisme n’eut point d’autre fonction que de rappeler l’art français au souci du monde extérieur : sur l’Ame de Bossuet et de Racine, Hugo et Gautier jetèrent leur draperie splendide.

1636. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Grâce à ces images, il peut voir d’un coup d’œil ce que la déduction pure ne lui montrerait que successivement.

1637. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Grâce à lui, la foule apprit avec stupeur que le vicomte de Bornier n’incarnait pas à lui tout seul la Poésie française et qu’il y avait une autre esthétique que celle de Francisque Sarcey.

1638. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Des accents inconnus se font déjà entendre pour exalter le martyre et célébrer la puissance de « l’homme de douleur. » A propos de quelqu’un de ces sublimes patients qui, comme Jérémie, teignaient de leur sang les rues de Jérusalem, un inspiré fit un cantique sur les souffrances et le triomphe du « Serviteur de Dieu », où toute la force prophétique du génie d’Israël sembla concentrée 86. « Il s’élevait comme un faible arbuste, comme un rejeton qui monte d’un sol aride ; il n’avait ni grâce ni beauté.

1639. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Mettez dans cela toute la grâce, tout l’esprit et toute la modestie que vous pourrez imaginer117.

1640. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Moi, par exemple, je suis sans cesse étonné par la facilité et la grâce que met le hasard à seconder le développement harmonique de mes intentions. » L’inconscient applique, en effet, à l’exécution le conseil d’invention ; nous voyons le peintre ridicule faire son tableau à coups d’épongés, émerveillé à chaque instant, de la beauté de l’œuvre et du génie de l’ouvrier.

1641. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Grâce à ce despotisme cérébral qui s’est développé chez les animaux supérieurs, les centres de la moelle, de plus en plus dépourvus de spontanéité, sont devenus automatiques dans leur fonctionnement.

1642. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Que d’images pleines de grâce dans ces noms que le peuple donna aux fleurs !

1643. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Ou la grâce qu’il invoquait, ne serait point venue, ou elle ne serait venue que pour exciter son remords.

1644. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Ce livre est même plus gros, plus long, plus lourd, et à plus grandes prétentions que le premier, Mme Gustave Haller n’est plus une jolie femme, qui a voulu changer de succès et qui a jeté, avec une grâce impertinente, au nez du public, un petit livre auquel elle ne pense déjà plus.

1645. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Les bas-bleus n’ont pas, en général, la grâce du sourire.

1646. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Campez-vous où vous voudrez dans l’Histoire, jusqu’à l’avènement du Christianisme, cette grâce surnaturelle pour les nations comme pour l’homme, le monde tout entier n’est qu’un fauve.

1647. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Un peuple aimable, et réputé le plus aimable des peuples, perd les grâces toutes-puissantes par lesquelles il a régné, et même la politesse, cette fleur de bienveillance sociale, restée la dernière de ses dons, se fane aussi sur sa couronne.

1648. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Les facultés naïves, abondantes, plantureuses, abandonnées, confiantes, d’une grâce diffuse ou onduleuse, qui sont l’étoffe à pleine main et foisonnante du génie, firent toujours défaut à Montesquieu.

1649. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Grâce à un sens critique et une sûreté d’érudition dont nous parlerons tout à l’heure, il nous aide merveilleusement à séparer l’art et l’artiste des réalités de l’Histoire.

1650. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Grâce à lui, il n’y avait pas « dans toutes les mers de l’Orient — dit Georges Chastelain en ses chroniques — mât de vaisseau revêtu, sinon des fleurs de lys de France. » Il réalisait enfin au pied de la lettre la fière devise d’un blason nouvellement conquis : « À cœurs vaillants rien d’impossible ! 

1651. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Il était beau, il avait, comme François Ier, la grâce chevaleresque de la personne.

1652. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Il a eu de la force tout près de la grâce, et, ma foi !

1653. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Cette revue n’aurait pas supporté un homme qui, comme dans son livre des Femmes au temps d’Auguste 28, se permet la fantaisie dans les choses graves et le dandysme dans le ton, cette grâce un peu hautaine qui fait affoler les lourdauds.

1654. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

pour en faire une comédienne, soit enfin avec ses comédiens et sa colonie de Ferney, avec les pauvres dont il exigeait des quittances quand il leur donnait, l’implacable historien qui nous le retrace ne lui fait pas grâce d’une honte ou d’une bassesse, de la plus petite nuance d’indignité.

1655. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

L’homme et le saint sont tellement fondus en lui par le miracle d’une grâce infinie, que dans sa vie publique il est le même que dans sa vie privée.

1656. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

… Stendhal avait (je l’ai entendu), comme Talleyrand, la grâce des anecdotes, cette distillation d’histoire, faite, goutte par goutte, dans l’esprit des fins, par les superfins.

1657. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Il n’est pas séduit par les grâces de cet homme qui fut longtemps le Bien-Aimé, et qui l’est encore assez aux regards de certains esprits pour qu’ils soient tentés de l’excuser, quand il est sans excuse et sans atténuation devant l’Histoire.

1658. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Si c’était Racine, par exemple, si c’était la tragédie comme la comprenait ce chaste génie aux grâces décentes, Vacquerie écrirait-il encore : « L’admiration, chose admirable !

1659. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

C’est ce ton dandy, c’est ce fumet si particulièrement anglais, qui permet à Walpole de se passer impunément de tout ce qu’il n’a pas ; car, outre la chaleur absente, il n’a ni le mouvement, ni la rondeur, ni l’abandon, ni le flou, ni les grâces relevées ou tombantes, ni les flamboiements d’imagination qu’a, par exemple, le prince de Ligne, qui était un épistolier comme lui, un auteur comme lui, un châtelain comme lui, un jardinier comme lui, et qui eut le génie des lettres, quoiqu’il n’en ait pas écrit autant que lui.

1660. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

V Le portrait gravé par Rajon à la tête du volume, et qui représente ce Roi de beauté créé Roi politique par une femme, nous le montre avec son cou nu de taureau adouci découvert jusqu’à la poitrine, et ses magnifiques épaules pleines de promesses viriles et nonobstant d’une grâce tombante d’épaules de femme.

1661. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Tout ce petit roman de l’amitié de Jésus-Christ et de Marie-Madeleine nous offre beaucoup trop Notre-Seigneur Jésus-Christ sous cette forme humaine qui demande grâce pour sa divinité et qui l’obtient de messieurs les philosophes (de si bons princes !)

1662. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Mais il n’avait pas, il faut bien le dire, la grâce d’Arlequin.

1663. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Grâce à cette théocratie, que M. de Rémusat condamne dans son livre par la raison très philosophique que l’opinion de l’Europe moderne, qui a la tête déformée par les philosophes, lui est, en ce moment, hostile, l’influence du monde chrétien avait pris le monde musulman et pénétré l’Asie et l’Afrique.

1664. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Mais ce qui est rare chez les philosophes, c’est l’agrément, la grâce, l’esprit enfin qu’il a en plus, et pour lequel je le glorifie.

1665. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Caro est un esprit très fin et très clair, d’un timbre très pur, d’une sonorité d’harmonica très agréable, mais qui peut faire mal aux nerfs, à force de douceur, aux gens organisés comme moi… C’est un esprit infiniment cultivé, d’une rare aptitude aux choses de la philosophie, qu’il a toujours maniées, ces choses lourdes, avec une grande légèreté, prestesse et même grâce de main.

1666. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

quand elle s’y couchera le cœur tout entier, nous aurons un Canova de la poésie… Le poète aura fait le beau mariage de la Grâce et de la Profondeur.

1667. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Quinet ne craint pas d’y parler, en son propre et privé nom, à son lecteur, comme fait l’Arioste, et il s’y permet, avec un esprit à gros ventre, d’imiter les ondulations ravissantes de ce demi-Dieu de la grâce et de la fantaisie, moitié cygne et moitié serpent !

1668. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Elle l’emporte de toute sa hauteur et de toute son intensité sur les délicatesses, les mollesses et les grâces naïves, mélancoliques ou riantes, de la poésie élégiaque et de la poésie bucolique.

1669. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Le livre de l’Amour, — ce chef-d’œuvre de pointillé dans l’observation et de grâce inattendue dans le bien dire, que Sterne aurait admiré, et où les nuances, qui ondoient, chatoient, se fondent et s’évanouissent comme des lueurs d’opale dans le merveilleux observateur du Sentimental Journey, sont nettement fixées sous le regard par un procédé supérieur d’analyse sans rien perdre de leur ténuité et de leurs qualités presque immatérielles, — ce livre d’un agrafeur de nuances (ces mots-là sont faits pour lui seul), ce livre qui a tout dit et fait le tour du cœur, de ce muscle qui renferme l’infini, comme on fait le tour de la terre, de cette misérable petite chose que Voltaire appelait « un globule terraqué », nous ne croyons pas que Paulin Limayrac l’admire et l’aime mieux que nous.

1670. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

On n’a pas d’idée de la prestesse, de l’impétuosité, de la grâce, du flou, du pétillant et du croustillant de tout cela.

1671. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Les idiotismes les plus charmants, ces locutions de terroir si difficiles à traduire dans leur grâce native il les transporte dans la langue qu’il écrit et il l’en parfume, et c’est ainsi qu’il ajoute à l’individualité de son talent et de son langage l’individualité de son pays.

1672. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

C’est un esprit français, mais sans les grâces françaises.

1673. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Ce n’est pas là — vous le reconnaissez tout d’abord — le bouquet de cerises que Jean-Jacques jetait dans le corsage des jeunes filles de ses Confessions, et que Francis Wey, avec une grâce inconnue au pataud de Genève, ramassa un jour pour en faire, sous son habile main, quelque chose de mieux qu’un dessus déporté si vulgaire !

1674. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Il a la grâce charmante et phénoménale d’être heureux !

1675. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Nul doute qu’il ne lui ait emprunté souvent de ces inventions de langage, de ces grâces originales qui sont le charme d’une poésie savante et pourtant naturelle.

1676. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Au vers suivant (430), que le style en soit souple, et capable soit de grâce, soit d’élévation. […] Cela est faux ; mais quel motif relativement noble La Rochefoucauld va chercher là et inventer, et, de sa grâce, prêter à son hypocrite ! […] Seulement, il est comme bizarre que, tout en aimant la science profondément, les Encyclopédistes l’aient, de leur grâce, comme circonscrite, restreinte et rétrécie. […] Grâces soient donc rendues à des hommes qui ne se sont pas souciés sur ce point d’être très conséquents, ou grâces soient rendues pour un moment à ce besoin de démontrer l’innocence de la philosophie nouvelle, heureuse nécessité qui a fait des Encyclopédistes des apôtres inattendus de la charité. […] Ils attendent la grâce d’une providence intermittente, et déposent leurs vœux sur le chemin où elle doit passer.

1677. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Le diminutif est une grâce de la langue, dont le xvie  siècle avait abusé, je le sais bien, mais c’est une grâce de la langue, dont la langue française est très capable, et qu’il ne fallait pas laisser comme un privilège à l’italien. […] Nous n’en sentons pas la vertu et la grâce ; nous ne le sentons que quand il est nouveau, de récente création. […] Tiersot a su faire à force de ménagements adroits et de bonne grâce, sans jamais, du reste, trahir la vérité. […] Votre amie dort là, au sein d’une nature pleine de grâce et de force… Une jolie chapelle s’élève à deux pas du tombeau. […] Cherbuliez n’aura jamais les charmes de l’abandon, les grâces de la négligence et les attraits du nonchaloir.

1678. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

On y sent à chaque page la grâce remplacée par la grâce. […] Des formes des corps aux formes des poteries, les grâces de jadis sortent harmonieuses, jalonnent des rimes reviviscentes. […] Grâce à ces deux femmes, André prend une conscience plus nette de lui-même. […] N’est-ce pas une grâce de la poésie d’accaparer ainsi la mémoire ? […] Il ne nous fait pas grâce de leurs tares extérieures, puisqu’il compte nous expliquer plus tard comment elles sont compensées.

1679. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il y a de la galanterie, de la grâce et autant de gaieté du reste que dans les pièces les plus gaies de Molière. […] Son style a des grâces moelleuses et même, si l’on veut y un peu moles, qui sont fort convenables au sujet. […] Le roman de La Fontaine, « aimable, quoique beaucoup trop allongé », comme dit très bien Voltaire, a des grâces naïves qui laissent bien loin derrière elles la sécheresse d’Apulée. […] Pour qu’il fasse de pareilles fautes contre l’art, il faut que Molière ait pour les servantes une dévotion toute particulière qui aurait dû lui faire trouver grâce auprès de Jean-Jacques Rousseau. […] — De grâce, excusez-moi : j’ai quelque autre embarras.

1680. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Mme Claude Ritter en Ismène a été d’une grâce fort touchante. […] Ils ont su ajouter avec grâce et ils ont su effacer avec jugement. […] Elle a eu la grâce, la mélancolie, le désespoir et les fureurs sans cris et surtout sans criaillerie. […] Grâce à elle, quelle soirée ! […] Elle a contre elle son habitude de corps où je ne sais quelle force et vigueur plébéienne se marque, plus que la grâce alanguie, brisée et défaillante.

1681. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Sans doute, la grâce aérienne de la maîtresse de la maison entrait pour quelque chose dans cet enchantement. […] Cette grâce seule n’eût pas suffi. […] Lamartine, avec un geste plein de grâce caressante, m’entoura la taille et me conduisit doucement. […] Quand elle songe à la vieillesse, avec quelle grâce elle lui sourit ! […] D’autres presque dorées et pourtant fraîches faisaient songer à la grâce un peu morbide d’une enfant blonde.

1682. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Les légères imperfections elles-mêmes de son style, — une grâce abandonnée jusqu’à la mollesse, et cette inimitable fluidité qui le caractérisent partout, — bien loin de diminuer son originalité, y ajoutent, et concourent à faire de lui, dans l’histoire de notre littérature, le plus curieux modèle peut-être et le plus rare qu’il y ait de la souplesse infinie de l’esprit. […] « Avoir les armes à la main contre sa propre gloire42 », c’est résister au coup de la grâce et s’obstiner contre Dieu. […] Mais nous, ne brouillons pas les temps, ne transportons pas nos idées de revendication et de protestation dans le passé, ne voyons pas plus une attaque à la noblesse dans Les Fausses Confidences que dans les Plaideurs une attaque à la magistrature ; et, par grâce, dans le fin cristal de Marivaux, si délicatement taillé, ne versons pas le gros vin de nos utopies socialistes ! […] C’est une grâce que je vous demande instamment. […] Mais, monsieur, négligez toutes ces considérations, et que ce soit une grâce que vous m’ayez accordée.

1683. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Elle lui parla avec sa grâce ordinaire des charmantes journées, des courses et promenades à travers le vallon, des gais entretiens où la conversation animée du jeune homme avait mis un attrait de plus. […] Je le regardais, je l’écoutais avec recueillement ; j’admirais en silence la vivacité de ses souvenirs, les grâces de son esprit, la sérénité de son âme ; il me montrait les grands arbres qui s’élevaient au-dessus de nos têtes. « On est bien hardi de planter un arbre », disait-il en souriant. […] Depuis, Tocqueville m’avait écrit, comme à l’ordinaire, les lettres les plus rassurées, toujours d’une grâce d’amitié charmante, et témoignant d’une entière liberté d’esprit. […] Ce moment, où je vous vis paraître tout à coup, en robe blanche, avec cette grâce dont rien jusque-là ne m’avait donné l’idée, ne sortira jamais de mon souvenir. — Voilà tout juste dix ans de cela… » En parlant ainsi, il s’appliquait certainement le sonnet de Pétrarque : Benadetto sia’l giorno, e’l mese e l’anno, etc.

1684. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Pitt, dit-il, fit au collége des vers latins sur la mort de George Ier. « Dans cette pièce, les Muses sont priées de venir pleurer sur l’urne de César ; car César, dit le poëte, aimait les Muses, César qui n’était pas capable de lire un vers de Pope, et qui n’aimait rien que le punch et les femmes grasses. » — Ailleurs, dans la biographie de miss Burney, il raconte comment la pauvre jeune fille, devenue célèbre par ses deux premiers romans, reçut en récompense, et par grande faveur, une place de femme de chambre chez la reine Charlotte ; comment, épuisée de veilles, malade, presque mourante, elle demanda en grâce la permission de s’en aller ; comment « la douce reine » s’indigna de cette impertinence, ne pouvant comprendre qu’on refusât de mourir à son service et pour son service, ou qu’une femme de lettres préférât la santé, la vie et la gloire, à l’honneur de plier les robes de Sa Majesté. […] Je devrais peut-être, en achevant cette analyse, indiquer quelles imperfections sont l’effet de ces grandes qualités ; comment l’aisance, la grâce, la verve aimable, la variété, la simplicité, l’enjouement, manquent à cette mâle éloquence, à cette solide raison, à cette ardente dialectique ; pourquoi l’art d’écrire et la pureté classique ne se rencontrent point toujours dans cet homme de parti, combattant de tribune ; bref, pourquoi un Anglais n’est ni un Français ni un Athénien. […] Là étaient rassemblés, de toutes les parties d’un empire vaste, libre, éclairé et prospère, la grâce et l’amabilité féminines, l’esprit et la science, les représentants de toute science et de tout art. […] Il n’est pas véritablement artiste : quand il fait une peinture, il songe toujours à prouver quelque chose ; il insère des dissertations aux endroits les plus touchants ; il n’a ni grâce, ni légèreté, ni vivacité, ni finesse, mais une mémoire étonnante, une science énorme, une passion politique ardente, un grand talent d’avocat pour exposer et plaider toutes les causes, une connaissance précise des faits précis et petits qui attachent l’attention, font illusion, diversifient, animent et échauffent un récit.

1685. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

* * * — … Que d’heures, il y a une dizaine d’années, que d’heures aux Uffizi, à regarder les Primitifs, à contempler ces femmes, ces longs cous, ces fronts bombés d’innocence, ces yeux cernés de bistre, longuement et étroitement fendus, ces regards d’ange et de serpent coulant sous les paupières baissées, ces petits traits de tourment et de maigreur, ces minceurs pointues du menton, ce roux ardent de cheveux où le pinceau effile des lumières d’or, ces pâles couleurs de teints fleuris à l’ombre, ces demi-teintes doucement ombrées de verdâtre et comme baignées d’une transparence d’eau, ces mains fluettes et douloureuses où jouent des lumières de cire : tout ce musée de virginales physionomies maladives, qui montrent sous la naïveté d’un art la Nativité d’une Grâce. […] Mme C… L… Des mouvements lents de physionomie, des yeux paresseux, des ombres prud’honniennes mêlées à des grâces de créole, un grain de beauté que le sourire remue sans cesse. […] Elle y entre, en jetant sur la porte, à ma cravate blanche qu’elle croit la cravate du marié, le sourire d’adieu du libre amour : c’est le Plaisir, la Beauté, la Grâce d’orgie, l’Élégance, le Désordre, la Dette. […] Une leçon coupée de petites révoltes charmantes et de bougonnements pleins de grâce, au milieu de laquelle tombe soudainement une envie de manger du cocomero.

1686. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Grâce à elle, en effet, la curiosité se détache de ce que la représentation avait jusqu’alors de plus extérieur et comme de dispersé, pour se ramasser toute comme en un point moral. […] Aurait-on renfermé dans les moindres espaces La retraite d’amour et le séjour des grâces ? […] Oui, je sais, — et je vais le redire tout à l’heure, — je sais que cela ne va pas très profondément, et ce n’est, si vous le voulez, que le langage ou le jargon habituel de la galanterie du temps ; mais, déjà, quelle élégance, et quelle grâce, et quelle facilité de tour ! […] Et Quinault avait de l’esprit, de la grâce ; il avait surtout quelque chose de cette poésie pénétrante qu’insinue souvent dans le madrigal la vivacité même du désir de plaire. […] et grâces aux dieux, ce n’était pas ainsi qu’ils en étaient aimés !

1687. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

On n’est un poète qu’à tels moments fulgurants et rares, dans tels états de grâce. […] La facilité, la grâce, de ses lettres, de ses chroniques, des petits vers acrobatiques qu’il donnait, d’un tour de main, à ses amis, tout cela était pour lui une fumée de cigare qu’il excluait de sa littérature. […] Lui qui adora le Livre, qui vécut pour lui, il lui apporta, comme sa ferveur la plus fine, le détachement appâtent d’un La Rochefoucauld, la rareté, cette grâce plus légère du génie.

1688. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Grâce à elle les chefs-d’œuvre les plus connus de nos écrivains les plus commentés s’éclairent d’une haute lumière. […] Grâce à elle, les Allemands ont faussé quelques vérités politiques et camouflé en idéologies leurs éternels instincts de conquête déjà stigmatisés par Tacite. […] Il nous montre les internes serrés autour du lit, et une grave et douloureuse anxiété crispant ces jeunes visages, déjà mûris par la rude mais passionnante vie d’hôpital, devant cette grâce de la condamnée. […] Et quel récit, d’une prose si ferme et si facile, de tant de bonhomie dans l’héroïsme et de tant de grâce alerte dans sa rudesse ! […] Il se retourne et demande grâce.

1689. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Tant d’esprit et de courage, une si bonne tournure et une physionomie si expressive, ce génie inventif et ces inclinations de gourmet, le destinaient à vivre aux dépens d’autrui, à se cantonner dans le pays des riches aubaines, la cour, et à venir puiser le plus près possible à la source des grâces. […] Quand le chien, mourant de faim, lui demande en grâce de se baisser et de lui laisser prendre son dîner dans le panier : « Point de réponse, mot. »138 Il ne veut pas perdre un coup de dent ; il n’entend pas, il est sourd, vous remueriez aussi aisément une borne.

1690. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

La prière murmurée à demi-voix par le ministre du Tout-Puissant retentit sourdement sur toutes les lèvres qui la répètent, et emporte à Dieu les louanges, les actions de grâce et les vœux secrets de tout ce monde flottant. […] Quand la lune sereine de la campagne romaine se lève dans le ciel et laisse filtrer sa blanche lueur à travers les brèches du Colisée sur l’arène du Cirque, quelques humbles voix de solitaires s’élèvent et demandent grâce pour les forfaits et pour les orgueils de l’humanité.

1691. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

C’est comme dans les lais, virelais, ballades et pastourelles de Froissart : les jolies pièces abondent ; c’est quelque chose de fin, de vif, de charmant, une fantaisie discrète, une forme sobre ; mais une ingénuité d’opéra-comique dans les paysanneries, et partout une fausse naïveté, une adroite contrefaçon du sentiment, une grâce qui inquiète comme expression d’une incurable frivolité et puérilité d’esprit. […] Un sermon sur l’immaculée Conception est un débat entre Nature et Grâce, et un débat judiciaire avec plaidoiries et arrêt eu forme.

1692. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Il y a même dans la netteté lumineuse de son style quelque chose qui n’est pas français, qui donne l’impression de la grâce grecque : tel conte des gendarmes venant arrêter des paysans fait songer à Lysias676. […] Après un rude hiver et trois mois de fâcheux temps, pendant lesquels on n’a pu faire charrois ni labours, l’année s’ouvre enfin, les travaux reprennent leur cours. » Ses paysans, ses vignerons, amoureux de la terre, laborieux, rudes et simples, ont une sorte de grâce robuste qui évoque l’image des laboureurs attiques de la Paix : et lui-même s’est composé son personnage à demi idéal de vigneron tourangeau, tracassier, processif et bonhomme, d’une façon qui rappelle le talent des logo-graphes athéniens à dessiner les figures de leurs clients.

1693. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

De grâce, éloignez-vous, Madame. […] Et comme ce poète n’exprime ses idées et ses impressions que pour lui, par un vocabulaire et une musique à lui, sans doute, quand ces idées et ces impressions sont compliquées et troubles pour lui-même, elles nous deviennent à nous, incompréhensibles ; mais quand, par bonheur, elles sont simples et unies, il nous ravit par une grâce naturelle à laquelle nous ne sommes plus guère habitués, et la poésie de ce prétendu « déliquescent » ressemble alors beaucoup à la poésie populaire : Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville ; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur Ou bien : J’ai peur d’un baiser Comme d’une abeille ; Je souffre et je veille Sans me reposer J’ai peur d’un baiser Finissons sur ces riens, qui sont exquis, et disons : M. 

1694. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

« Et, de plus en plus, les mères et les pères économes te redoutent pour leurs fils ; et les jeunes femmes tremblent que ton odeur ne détourne leurs maris. » (Notez que ma traduction est médiocre et que la grâce des strophes saphiques en est forcément absente.) […] Grâce à quoi, on l’a enfin pris lui-même tantôt pour un membre du Caveau et tantôt pour un vieux monsieur dans le genre du regretté Camille Doucet.

1695. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

De tous temps, nos Français ont aimé avec passion les divertissements que le théâtre amène à sa suite : la forme du nez de Lekain, la maigreur de poitrine de la Guimard, les grâces de Mlle Gaussin, Duthé ou Dumesnil, les pirouettes de Vestris, sans compter les cabales, protections, dénigrements systématiques des critiques, ordres du pouvoir pour imposer ou retirer les comédies, tout cela s’est manifesté avec ardeur jadis. […] Mais, voilà bien où est la revanche du livre : c’est que c’est uniquement par le livre que peut durer le seul, le vrai théâtre : la passion de Racine, la grâce de Marivaux, l’ironie de Beaumarchais, la langueur de Musset, l’à-propos de Banville, la verve amère et railleuse de Becque se dégagent, se comprennent autrement mieux dans le silence du recueillement, dans la paix des lectures qu’au-devant de l’éclat des lustres et le feu des tréteaux.

1696. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

C’est du Murger sans la grâce pulmonique de Murger, sans la mélancolie d’un être qui doit bientôt mourir. Flaubert n’a ni grâce ni mélancolie.

1697. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Mais au milieu de ces oublis trop naturels à la jeunesse de tous les temps, ils avaient une pensée, un culte, l’amour de l’art, la curiosité passionnée d’une expression vive, d’un tour neuf, d’une image choisie, d’une rime brillante ; ils voulaient à chacun de leurs cadres un clou d’or : enfants si vous le voulez, mais enfants des muses, et qui ne sacrifièrent jamais à la grâce vulgaire.

1698. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Léon Dierx avec ses Poëmes et Poésies 39, empreints de force et de tristesse ; — Alphonse Daudet avec ses vers légers et ses agréables contes ; — Georges Lafenestre surtout, qu’on a fort salué dans ce jeune monde pour ses Espérances 40, espérances (c’est bien le mot) pleines de fraîcheur en effet, d’une sève abondante et riche, d’une fine grâce amoureuse ; — je les nomme tous trois ensemble, et ne crois faire injure à aucun.

1699. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Puis on s’est rejeté sur le tort qu’une semblable publication faisait à la mémoire de Fléchier, et on s’est porté pour vengeur de sa gloire officielle, comme si, après tout à l’heure deux siècles, il y avait une meilleure recommandation auprès d’une postérité blasée que de parvenir à l’intéresser encore, à l’instruire avec agrément et à faire preuve auprès d’elle des diverses sortes de qualités qui brillent dans cet écrit familier, esprit d’observation, grâce, ironie et finesse.

1700. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Depuis la révolution, on s’est jeté dans un défaut singulièrement destructeur de toutes les beautés du style ; on a voulu rendre toutes les expressions abstraites, abréger toutes les phrases par des verbes nouveaux qui dépouillent le style de toute sa grâce, sans lui donner même plus de précision69.

1701. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore.

1702. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Toutes les grâces de ce style sont « légères. » Il s’est comparé lui-même « à l’abeille, au papillon » qui va de fleur en fleur, et ne se pose qu’un instant au bord des roses poétiques.

1703. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

D’assez bonne maison pour ne pas s’inquiéter trop de sa fortune, aventureux et aventurier, il n’a l’âme ni féodale ni moderne : sans foi chevaleresque, et sans patriotique affection, il court le monde, pour sa fortune, mais surtout pour voir, curieux admirateur de tous les égoïsmes qui se déploient avec force ou avec grâce.

1704. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Cela est sensible, quand on passe de Rousseau à Bernardin de Saint-Pierre : Julie et Saint-Preux n’ont que la grâce française, l’expression des physionomies ; Paul et Virginie ont la noblesse antique, la pureté des lignes ; les premiers font un couple qui intéresse nos âmes, les autres un groupe qui séduit nos yeux.

1705. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Celle-ci, après avoir obtenu grâce pour la vie de celui qu’elle a aimé et qu’elle n’aime plus, lui ordonne d’aller vivre dans la solitude, et quant à elle, elle épouse Cinthio.

1706. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Ces différences originelles dans les volontés sont reconnues par la théologie catholique : les forces du libre-arbitre sont en nous plus ou moins débilitées et inclinées au mal ou au contraire aidées et fortifiées par la grâce. — C’est comme correctif à cette inégalité des forces du libre arbitre chez les différents individus, que la théologie catholique admet la doctrine de la réversibilité des mérites, de la solidarité universelle des âmes.

1707. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Le titre d’employé de ministère m’installa d’emblée dans les bonnes grâces de Mme Verlaine mère et, pour cérémonie d’investiture, cette brave femme me demanda, incontinent, de fermer les yeux et d’ouvrir la bouche où elle glissa malicieusement une poignée de sucre candi.

1708. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

« Grâce à ces moyens, ajoute-t-il, le ciel brillera pour vous d’un éclat plus vif, et le plaisir fera battre votre cœur.

1709. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Là où il me paraît tout à fait à l’aise et dans le milieu qui lui est propre, sans effort, avec une bonne grâce et une mesure de ton tout à fait naturelle, c’est quand il parle de la comédie, surtout de la comédie moyenne.

1710. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Mais, à voir sa jeunesse, sa bonne grâce et son aisance, la netteté élégante et incisive de sa parole et de sa diction, on oubliait naturellement, et les juges étaient les premiers de tous à oublier, qu’on avait affaire à un accusé ; on ne voyait que les commencements d’un orateur.

1711. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

La salle est comble, la vaste multitude regarde, écoute, aime, toutes les consciences émues jettent dehors leur feu intérieur, tous les yeux éclairent, la grosse bête à mille têtes est là, la Mob de Burke, la Plebs de Tite-Live, la Fex urbis de Cicéron, elle caresse le beau, elle lui sourit avec la grâce d’une femme, elle est très finement littéraire ; rien n’égal les délicatesses de ce monstre.

1712. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Grâce à la Décentralisation littéraire, il n’aura plus, pour s’y réfugier, Paris « ce lieu d’asile » où toute force a raison tôt ou tard de l’Envie.

1713. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Non seulement l’épreuve qu’on m’inflige ne m’est pas désagréable, mais je souhaite qu’elle dure et je ne suis pas prêt, quoi qu’on dise, à demander grâce.‌

1714. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Quand on en trouve un, comme Mlle Scudéry, par exemple, on s’arrête surpris de ce vilain phénomène dans le pays de la Légèreté et de la Grâce.

1715. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Dante et Shakspeare, qui sont de grands poëtes, ne sont certes, jamais des enfants… Ce sont toujours des hommes sublimes, si on veut, mais parfaitement des hommes ; tandis que Byron, pour qui sait voir, n’est ni un poëte ni un homme comme Shakspeare et Dante l’ont été, L’enfance, avec sa grâce et ses mille choses divines, et aussi avec ses enfantillages, puisqu’elle est l’enfance, se mêle à la grandeur de Byron, — de ce Byron le plus grand des poëtes de notre âge, et dont un des enfantillages, par exemple, et parmi tant d’autres, fut de vouloir être un dandy… Un jour, il écrivait, en 1821, à Ravenne : « Un des plus accablants et mortels sentiments de ma vie, c’est de sentir que je n’étais plus un enfant. » Mais quand il écrivait cela, comme il se trompait !

1716. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Les mandarins les plus fins et les plus fûtes, comme les fonctionnaires les moins sagaces, furent parfaitement dupes de cette excellente mascarade, dont le récit a la grâce d’une ironie pleine de gaîté et dans lequel Huc prend tour à tour les deux voix, — la voix du masque qui fait illusion et la voix vraie qui se moque de l’illusion faite, — et se félicite, avec une bonne humeur si communicative, d’avoir réussi.

1717. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Ce qui avait fait toujours horreur à ce prote, à cet homme presque de Genève, c’était la personnalité de l’écrivain quand elle était très vive ; ce que sa nature lourdaude et terne haïssait comme le bœuf hait l’écarlate, c’était l’éclat, la fantaisie, la grâce, tout ce qui fait du talent une chose qui flamboie, scintille et remue comme la lumière des astres.

1718. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

La toute-puissante situation qui élève souvent à son niveau les esprits les plus au-dessous d’elle et qui leur communique soudainement les grâces d’état les plus inattendues, n’avait point à faire à Léon XIII de ces fécondes violences.

1719. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

À la mort de la duchesse de Beaufort, qu’il allait épouser quand elle mourut, le duc de Retz lui dit en riant qu’il était bien heureux, et que Dieu lui avait fait une fière grâce par cette mort, en lui épargnant une grande sottise, il en convint et se consola si bien qu’en trois semaines Mlle d’Entragues, une gaîté de femme !

1720. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Il avait dans l’esprit les grâces d’une bayadère.

1721. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Son exemple dut recommander d’autant plus l’art nouveau dont il s’était servi avant qu’Hérodote, cet Homère de la prose, vînt charmer les Hellènes par sa grâce ionienne et la peinture de leurs exploits.

1722. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Je remercie les parrains et je félicite les filleuls ; mais, de bonne foi, si l’abbé Trublet, ayant flatté au lieu de critiquer l’auteur de la Henriade (c’est une supposition), avait eu ses bonnes grâces, au lieu de sa colère, croit-on qu’il eût été bien difficile à Voltaire de faire entrer dans le répertoire des choses qu’on admire toujours, et qu’on lit, les Essais de morale et de littérature, de Trublet, cinq fois réimprimés de 1735 à 1754, et où l’on trouve des pensées dignes de nos meilleurs moralistes41 ? […] « Je veux être sans grâces, bourru, pesant, d’une conversation si ennuyeuse qu’elle soit à charge dès qu’elle dure un peu ; il me suffit qu’on m’entende à l’hôtel de Bourgogne. […] C’est une forme fréquente de l’étourderie, chez les commentateurs, de dire : « Tel ouvrage a montré ce qu’on n’avait pas vu encore… Tel écrivain est le premier qui.. » Boileau a donné l’exemple et le modèle de ces façons inconsidérées de parler, dans le passage fameux de son Art poétique où il prétend que Malherbe, le premier, fit sentir dans les vers une juste cadence et que par lui les stances apprirent à tomber avec grâce. […] On va voir si les stances ont eu besoin de l’avènement de Malherbe pour apprendre « à tomber avec grâce » : Ne trouble point ta mort du regret de la vie, Et vis franc de la peur du trépas qui te suit ; Aussi bien, ô mortel ! […] Il y a, dans l’enfance des littératures, une simplicité naturelle, dont le charme est très grand parce que notre imagination est disposée à lui faire toutes les concessions et à voir des grâces dans ce qui est négligence ; son vrai nom est naïveté.

1723. (1923) Au service de la déesse

Une grâce de leur esprit leur a fait aimer les bornes que la sagacité de leur esprit leur a fait reconnaître ; et leur génie s’est épanoui dans un espace limité. […] Elle allait ainsi gentiment, une ou deux fois par minute, du néant à la grâce totale. […] La troisième, « le cœur lourd d’amour comme une rose pleine d’eau, laisse aller au pas le grison, et la grâce d’un de ses genoux remonté cache avec pudeur la gêne de l’autre ». […] Il le fait, d’habitude, avec une bonhomie très agréable ; cette fois-ci, avec moins de grâce et, pour ainsi dire, avec une certaine effronterie. […] Aussi excuserez-vous, de grâce, mes erreurs de lettres ou de syllabes : j’ai été si mal instruit ! 

1724. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Grâce à son « arche de Noé », M.  […] Convenons-en donc de bonne grâce ; mettons quelque chose au-dessus de nos goûts ; et puisqu’il faut de la critique, disons qu’il n’y en saurait avoir qui ne soit objective. […] L’air n’y circule pas, si je puis ainsi dire ; une certaine aisance y manque, une certaine largeur ou liberté de touche ; et je ne sais enfin quelle grâce de facilité d’autant plus nécessaire que la sévérité des idées, pour se faire accepter, devait ici s’envelopper de plus de séduction. […] Grâce à M.  […] Une erreur sur le sexe dans la rédaction d’un acte de naissance, la vingt-septième variété des Mormons, une Américaine qui devient un Américain… ni la grâce mutine de mademoiselle Müller, ni tout le talent de M. de Féraudy, ni les mines de M. 

1725. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

La langue est pauvre, parce que la pensée manque de hardiesse et d’ampleur ; la langue est rude, parce que le sentiment manque de délicatesse et de grâce ; enfin la langue est difficile à manier, parce que l’esprit ne sait pas encore distinguer, démêler, analyser les nuances. […] Il faut qu’il y ait des grâces d’état. […] C’est à peine s’il sort de la Bastille qu’il dédie son Œdipe à Madame, duchesse d’Orléans, avec quelle grâce dans le mensonge et quelle dignité spirituelle dans la flatterie ! […] Il espérait bien qu’en montant sur le trône, le roi n’oublierait pas le grammairien du prince royal, et qu’Achille, comme il l’appelait quelquefois, se ferait honneur et plaisir de ménager la paix de Voltaire avec Nestor, Nestor, le dispensateur des grâces, le vieux et timide cardinal Fleury. […] Même après la mort de la marquise, il hésitait encore, et sans doute il restait Français, s’il n’eût pas perdu, dans la même année 1750, les bonnes grâces de Marie Leczinska, reine de France, pour avoir loué sans mesure Mme de Pompadour, et la faveur de Mme de Pompadour pour ne l’avoir pas louée d’un air assez respectueux.

1726. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

.)… Claire (Mme Gandar) vous a dit que j’avais repris mes leçons ; j’en ai déjà fait trois, et, dès le commencement du mois de janvier, je ferai mon service comme à l’ordinaire, sans plus demander grâce… Quelle tâche d’ailleurs que la mienne en ce moment ! […] Descartes a aussi ses fidèles, quoique Descartes soit fort austère, vous le savez, et que je ne lui fasse pas l’injure de sacrifier aux Grâces. » Descartes faisait probablement l’objet de la petite leçon de chaque semaine, car il y a en Sorbonne grande et petite leçon : cette dernière est réservée à l’étude des textes qui figurent dans le programme de la licence. […] Gandar, certes, eût accepté de très bonne grâce cet éloge, lui qui disait un jour à M. 

1727. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Nous modifierons nous-même la traduction par quelques coups de pinceau, toutes les fois qu’elle nous paraîtra susceptible de plus de grâce ou de plus de force. […] Mais dans ces premiers jours, où d’un limon moins vieux La nature enfantait des monstres ou des dieux, Le ciel t’avait créé, dans sa magnificence, Comme un autre Océan, profond, sans rive, immense ; Sympathique miroir qui, dans son sein flottant, Sans altérer l’azur de son flot inconstant, Réfléchit tour à tour les grâces de ses rives, Les bergers poursuivant les nymphes fugitives, L’astre qui dort au ciel, le mât brisé qui fuit, Le vol de la tempête aux ailes de la nuit, Ou les traits serpentants de la foudre qui gronde, Rasant sa verte écume et s’éteignant dans l’onde ! […] Cette générosité, que nous appellerions aujourd’hui chevaleresque, atteste que la chevalerie, cette grâce dans l’héroïsme, était inventée bien avant les mœurs arabes et chrétiennes, et qu’elle était sortie du cœur de l’homme, même dans les temps que nous nommons barbares, comme une beauté innée des sentiments humains, beauté qui n’a pas d’autre date que celle du cœur humain lui-même.

1728. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Profondément versé dans les poètes, dans les philosophes et dans les orateurs grecs, il s’était, de bonne heure, proposé de donner à la parole dans le discours toute la solidité, toute la durée, toute l’élégance classiques, toute la grâce, tout l’atticisme de la parole écrite : on croyait lire en écoutant. […] Ne savons-nous pas que Catulus, ce citoyen si éminent dans tous les genres de mérite, qui ne demandait à son ancien collègue Marius que l’exil pour toute grâce, fut réduit à la nécessité de s’ôter la vie ? […] quelle grâce et en même temps quel enjouement dans ces leçons, s’écrie le philosophe du moyen âge, en étudiant le philosophe romain.

1729. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Le pacte en vertu duquel les enfants cachent leurs peccadilles, et qui leur apprend déjà l’honneur, fut nul à mon égard ; bien plus, je me vis souvent puni pour les fautes de mon frère, sans pouvoir réclamer contre cette injustice ; la courtisanerie, en germe chez les enfants, leur conseillait-elle de contribuer aux persécutions qui m’affligeaient, pour se ménager les bonnes grâces d’une mère également redoutée par eux ? […] Attendant toujours une douleur nouvelle, comme les martyrs attendaient un nouveau coup, tout mon être dut exprimer une résignation morne sous laquelle les grâces et les mouvements de l’enfance furent étouffés, attitude qui passa pour un symptôme d’idiotie et justifia les sinistres pronostics de ma mère. […] Son embonpoint ne détruisait ni la grâce de sa taille, ni la rondeur voulue pour que ses formes demeurassent belles quoique développées.

1730. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

« Avez-vous vu sur les coupes des Grecs et sur les bas-reliefs d’Herculanum, ces figures sveltes et légères, où tant de noblesse est alliée à tant de grâce et tant de pudeur à tant de volupté ? […] Grâce à ses longues et savantes expériences, la peinture à la cire est employée aujourd’hui pour peindre sur les murs des édifices. […] Il aurait fallu y mettre de la passion et de la grâce féminine, deux choses tout à fait étrangères au génie de l’auteur des Horaces. […] Les poésies sont suivies, dans l’édition des œuvres de Girodet, de deux morceaux en prose, l’un sur le Génie, l’autre sur la Grâce, dans lesquels la pompe académique remplace souvent les idées neuves ou fortes. […] Puis de temps en temps, et comme s’il lui fût venu une idée soudaine, il faisait des excuses aux assistants, leur demandant en grâce la permission de donner encore quelques touches… quelques touches seulement !

1731. (1908) Après le naturalisme

Cherchons en quoi notre époque se distingue de celles qui l’ont précédée ; ce qu’il y a de nouveau aujourd’hui sous le soleil et nous pourrons dire quelle sorte d’œuvres il en sortira — grâce aussi à une connaissance précise de l’évolution de l’esprit vers lui-même. […] Un équilibre s’établit grâce auquel l’existence lui devient moins précaire, et c’est un être défini qui se forme. […] Grâce au génie du poète, nous verrons les mille liens diversement nuancés qui nous attachent intimement à chaque minute qui passe. […] Grâce au jeu des acteurs, donnant l’apparence formelle de la réalité aux productions de la littérature, la conviction s’affirmera plus profonde au cœur des hésitants, de ceux qui ne croient pas assez aux Idées seules pour s’y conformer.

1732. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

. — Grâce à ces liaisons établies, un anatomiste, qui ouvre un corps humain, peut décrire d’avance la couleur, la forme, la structure, la disposition des cellules nerveuses et des lacis artériels que son microscope va lui montrer à tel endroit de tel organe. Grâce à ces liaisons établies, un astronome peut prédire la durée, la minute et la grandeur de l’éclipse qui, dans un siècle, cachera le soleil aux habitants de tel pays. […] Grâce à cet équivalent, on sait maintenant que le cas dans lequel le mouvement se ralentit et le cas dans lequel il ne se ralentit pas ne différent que par un caractère, à savoir, la résistance opposée dans le premier cas par des obstacles ; d’où il suit que cette résistance est l’antécédent cherché. — Telle est la troisième méthode, qui, composée de la première et de la seconde, est un substitut de la seconde, et qui leur est souvent supérieure, parce qu’elle détermine non seulement la qualité, mais encore la quantité de la condition inconnue95. […] De cette construction, on extrait les propriétés incluses, et l’on forme ainsi par analyse la proposition qu’on a formée d’abord par induction. — Grâce à ce second procédé, la portée de notre esprit s’accroît à l’infini.

1733. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Telle est la finesse d’esprit qui, transportée du raisonnement dans la littérature, a fait le goût « attique », c’est-à-dire le sentiment des nuances, la grâce légère, l’ironie imperceptible, la simplicité du style, l’aisance du discours, l’élégance de la preuve. […] On l’y voit s’égayer et rire ; quand il montre Arès surpris auprès d’Aphrodite, Apollon plaisante et demande à Hermès s’il voudrait être à la place d’Arès : « Plût aux dieux, ô royal archer Apollon, que cela arrivât, et que je fusse enveloppe de liens trois fois plus inextricables et que tous les dieux et les déesses le vissent, pourvu que je fusse auprès de la blonde Aphrodite. » Lisez l’hymne où Aphrodite vient s’offrir à Anchise et surtout l’hymne à Hermès qui, le jour de sa naissance, se trouve inventeur, voleur, menteur comme un Grec, mais avec tant de grâce, que le récit du poëte semble un badinage de sculpteur. […] Ils ont modifié de parti pris la rectitude grossière des formes mathématiques, ils les ont appropriées aux exigences secrètes de l’œil, ils ont renflé26 la colonne par une courbe savante aux deux tiers de sa hauteur, ils ont bombé toutes les lignes horizontales et incliné vers le centre toutes les lignes verticales du Parthénon, ils se sont dégagés des entraves de la symétrie mécanique ; ils ont donné des ailes inégales à leurs Propylées, des niveaux différents aux deux sanctuaires de leur Erecthéion ; ils ont entrecroisé, varié, infléchi leurs plans et leurs angles de manière à communiquer à la géométrie architecturale la grâce, la diversité, l’imprévu, la souplesse fuyante de la vie, et sans amoindrir l’effet de ses masses, ils ont brodé sur sa surface la plus élégante trame d’ornements peints et sculptés. […] On trouverait vingt passages dans le Ménexene, les Rivaux, ou le Charmide de Platon, qui saisissent au vol quelqu’une de ces attitudes ; un jeune homme ainsi élevé se sert bien et naturellement de ses membres ; il sait se pencher, être debout, s’appuyer d’une épaule contre une colonne, et, dans toutes ces attitudes, être aussi beau qu’une statue ; de même un gentilhomme, avant la Révolution, avait, pour saluer, prendre du tabac, écouter, l’aisance et la grâce cavalière que nous retrouvons dans les gravures et dans les portraits. […] Du côté du midi, à l’horizon, ils apercevaient la mer infinie, Poséidon, qui embrasse et ébranle la terre, le dieu azuré, dont les bras enserraient la côte et les îles, et du même regard ils le retrouvaient sous le couronnement occidental du Parthénon, debout, violent, dressant son torse musculeux, son puissant corps nu, avec un geste indigné de dieu farouche, pendant que derrière lui Amphitrite, Aphrodite presque nue sur les genoux de Thalassa, Latone avec ses deux enfants, Leucothoée, Hallirothios, Euryte, laissaient sentir, dans l’inflexion ondoyante de leurs formes enfantines ou féminines, la grâce, le chatoiement, la liberté, le rire éternel de la mer.

1734. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Grâce à elle, il découvrit non seulement le monde, l’automobile et les bals parés, ce qui est peu de chose, mais toute une atmosphère, libérée de soucis et de fatigues, où son esprit replié prit son dernier élan. […] Sa grâce cynique disparaît. […] Je préfère ses maladresses magnifiques, son allure gauche, sa grâce animale. […] Grâce à lui, nous pouvons vivre, il suffit de le lire avec minutie, avec paresse, avec enivrement, comme le premier homme aurait dû vivre pour nous rendre léger, heureux et sans prudence. […] Les deux volumes des Heures, de Pierre Jean Jouve, Livre de la nuit et Livre de la grâce, ont été publiés à Genève en 1919 et 1920.

1735. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

C’est la vie toscane qu’il a copiée avec une grâce délicieuse. […] Voici que notre petit tableau des Trois Grâces de Raphaël est à son tour soumis à l’enquête. Déjà le duc d’Aumale écartait ce nom des Trois Grâces et les remplaçait par cet autre les Trois Ages de la Femme, chacune tenant une boule qui figure le monde, « ce qui signifie », disait-il aux dames, « qu’à tout âge la femme tient l’empire du monde. » Une autre hypothèse, que M.  […] Cette dernière composition s’inspire manifestement du groupe de marbre ancien des Trois Grâces qui se trouve à la cathédrale de Sienne. […] La grâce est de tous les siècles, et celle du dix-huitième s’épanouit sur les murs de nos galeries aussi bien qu’au milieu des nombreux portraits de Carmontelle.

1736. (1930) Le roman français pp. 1-197

Daudet a de la grâce, naturellement, de la bonhomie, plus naturellement encore. […] La grâce, la légèreté — ni le scepticisme — empêcheront-elles d’en voir la profondeur — et la tendance ? […] Puis son hédonisme, sa philosophie, qui lui enseignaient qu’il faut jouir de la vie, communiquaient à son œuvre, non seulement une grâce spirituelle, mais de la gaîté. […] Un Européen par la grâce de la musique. […] D’aspect viril, sans grâce, sans beauté, la Bonifas, qui naquit et vécut dans une petite ville de province, sent ses désirs irrésistiblement portés vers le sexe auquel elle appartient par une erreur de la nature.

1737. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

« Fais-moi donc la grâce, sans renoncer à la compagnie de ces jeunes gens de ne pas oublier non plus un ami qui t’est bien dévoué. […] Je fus donc en état de lui répondre, et lui dis avec un peu moins de frayeur : — Ô Thrasymaque, ne t’emporte pas contre nous. » X Socrate laisse Thrasymaque déborder en un interminable discours contre l’utilité de la justice ; puis il reprend : « Fais-moi la grâce de me dire si un État, une armée, une troupe de brigands, de voleurs, ou toute société de ce genre, pourrait réussir dans ses entreprises injustes si les membres qui la composent violaient les uns à l’égard des autres les règles de la justice ?

1738. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Après une nuit sans sommeil, je me levai avant le jour pour essayer de travailler encore, car le travail est le devoir de celui qui doit ; je prenais déjà la plume quand on vint me dire que quatre femmes venant de Milly se promenaient sur la terrasse de Monceau attendant mon réveil, pour me voir et pour me parler ; je maudis leur obligeante curiosité qui allait me coûter une matinée de travail ; mais je rejetai loin de moi la plume et je descendis sous les grands arbres qui flanquent le château, et dont l’ombre aurait sans doute attiré les matinales visiteuses ; en les apercevant, en effet, assises sur un banc de pierre, je fus saisi de respect et d’admiration par leur extérieur empreint de modestie et de grâce. […] Ma mère avait le plus beau chez la veuve de l’ancien maire ; le lit, gonflé de feuilles de blé de maïs, était haut comme un monticule ; des buis bénits étaient suspendus à la muraille, un bénitier en argent doré contenait de l’eau bénite ; une image coloriée du Juif-Errant donnant cinq sous au bourgeois de Bruxelles, et une gravure représentant Bonaparte faisant grâce de la vie à une dame de Berlin, dont le mari avait raconté dans une lettre à son roi l’entrée triomphale de l’Empereur des Français dans sa capitale, avec des expressions de respect pour le souverain de la Prusse, décoraient les murs.

1739. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Embrasse-moi, de grâce, embrasse-moi ! […] Fille d’un ministre dont elle respira en naissant la popularité, favorite d’une nation qui flattait en elle son père, élevée sur les genoux des grands, des philosophes, des poëtes, habituée à entendre les premiers balbutiements de sa pensée applaudis comme des oracles de talent ; mêlée, sans en être trop rudoyée, au commencement d’une révolution qui grandit tout ce qu’elle touche, ses apôtres comme ses victimes ; abritée de la hache pendant les proscriptions par le toit paternel, au sein d’une nature poétique, écrivant dans le silence de cette opulente retraite des ouvrages politiques ou littéraires égaux aux plus beaux monuments de son siècle ; ne subissant qu’un peu les inconvénients de trop de gloire, en butte à une de ces persécutions modérées qui méritent à peine le nom de disgrâce, et qui donnent à celle qui les subit la grâce de la victoire sans les rigueurs de l’adversité ; vengée par l’Europe, de son ennemi, qu’elle a la consolation de voir tomber et de plaindre, remplissant le monde de son bruit, et mourant encore aimée dans son triomphe et dans son amour.

1740. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Ajoutez-y une grâce particulière, une certaine facilité à faire toutes ces choses si excellentes : voilà le charme des personnes naturelles ; c’est l’impression même qui résulte de ce que toute chose en elles est conforme à la raison. […] La même langue, parlée par deux hommes avec la même exactitude, reçoit du caractère de chacun quelque variété qui en fait la grâce.

1741. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

De grâce, laissons un entrepreneur de spectacles jouer Lohengrin si le cœur lui en dit ! […] Grâce à l’initiative de son chef — c’est M. 

1742. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

3 juillet J’étais, ces jours-ci, avec Sophie Arnould et la Saint-Huberty ; j’étais avec la famille des jolis dessinateurs qui s’appellent les Saint-Aubin ; je travaillais dans les archives et le papier galant de l’ancienne Académie de musique ; je tournais et retournais dans mes cartons et ceux de Destailleurs ; ces dessins de grâce qu’on a plus refaits ; je me sentais heureux, et je me trouvais dans le temps et avec les gens que j’aime… mais je me suis juré de reprendre mon roman en juillet. […] L’aîné, la force ; le jeune, la grâce, avec quelque chose d’une nature peuple poétique, qui trouverait son exutoire dans le fantastique, que le clown anglais apporte au tour de force.

1743. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Préambule Dans un de ces préambules pleins de grâce que Cicéron aime à placer, comme des portiques, à l’entrée de ses traités d’éloquence et de philosophie, dans un dialogue où les chefs de l’aristocratie romaine, réunis sous les ombrages d’une villa deTusculum, nous laissent entrevoir l’exquise urbanité d’une conversation patricienne et, pour ainsi parler, le grave sourire de ces maîtres du monde antique, l’orateur Crassus, prié de dire son avis sur un sujet littéraire, s’en défend par des paroles fort dédaigneuses pour la critique. […] Magistrats amateurs, ils nous accordent une grâce en montant sur leur siège : ils font solliciter leurs arrêts comme des services.

1744. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Mais ce n’est pas seulement cela que j’aurais voulu… René Mauperin n’aurait pas été moins grande et elle n’aurait plus été incroyable, si, bien avant de mourir, la religion, plus forte que la douleur, lui avait redonné la grâce de son sexe ; car je ne connais que la religion qui soit plus forte que ce bête d’orgueil ! […] Si nous avions dans le style les inépuisables ressources de leur vigueur, de leur souplesse presque fluide, de leur grâce ondoyante, de leur précision presque mathématique, de la propriété des mots, comme ils ont, eux !

1745. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

… Cet homme bouffi, qui a toujours les joues enflées comme un sonneur de trompe, comment pourra-t-il se dégonfler et avoir la grâce d’un rire franc ? […] Quand il veut avoir de la délicatesse ou de la grâce, ce Du Bar tas, qui a lu Gongora, devient sur-le-champ puéril.

1746. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Quand on demandera une grâce pour vous, il répondra : « Qui est-il ? […] M’accordera-t-on l’insigne grâce de me conduire à Meudon ?

1747. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Les succès de Bossuet dans les chaires de Paris, lorsqu’il y vient faire des apparitions périodiques et assez fréquentes pendant ses années de résidence habituelle à Metz, sont peints avec une vivacité et avec une grâce qu’on ne s’attendrait pas à trouver dans un compte rendu de sermons ; on y assiste à ce premier règne de la grande éloquence avant la venue de Bourdaloue.

1748. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Scherer eût recueilli dans un volume à part toutes ces discussions très élevées, très subtiles, mais d’une difficile lecture, sur le péché inné ou non inné, le libre arbitre, la coulpe et la grâce, etc.

1749. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Sût-on d’ailleurs faire revivre, par impossible, et ressaisir quelques-unes des finesses discrètes et des grâces qu’il représente, on peut grandement douter que l’emploi en fût applicable dans des jours aussi rudes que les nôtres, et quand le siècle de fer de la presse est véritablement déchaîné.

1750. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Amants des roses passagères, Ils ont les grâces mensongères Et le sort des rapides fleurs.

1751. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Il semblait, dès le jour du départ, se dire que ce voyage serait le dernier ; il embrassait, pour ainsi dire, d’une dernière et plus vivifiante étreinte cette grande nature dont il comprenait si bien les moindres accidents, les sévérités ou les sourires, l’âpreté d’un roc, comme il dit, l a grâce d’une broussaille .

1752. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

La grâce, ce charme suprême de la beauté, ne se développe que dans le repos du naturel, et de la confiance ; les inquiétudes et la contrainte ôtent les avantages mêmes qu’on possède ; le visage s’altère par la contraction de l’amour propre.

1753. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Je vous en fais juge : sans parler d’autres merveilles sur lesquelles M. d’Hervart m’obligea de jeter la vue. » Ici perce la pointe de gaieté sensuelle ; mais il revient et ajoute avec une grâce charmante : « Si cette jeune divinité qui est venue troubler mon repos y trouve un sujet de se divertir, je ne lui en saurai point mauvais gré.

1754. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Vous nierez que la sympathie, l’admiration dont on ne peut se défendre pour Alceste aillent contre le but de l’auteur, et vous reconnaîtrez au contraire que c’est un des plus merveilleux effets du génie de Molière, d’avoir su unir dans un même caractère la sympathie et le ridicule, comme il a su associer dans don Juan la souveraine grâce et l’odieux.

1755. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Il n’y a point de beauté ou d’esprit qui tienne : le premier mérite, le mérite fondamental de toute partie, de la plus petite comme de la plus grande, c’est de servir à soutenir le tout ; la grâce, le piquant, le plaisant, le sublime s’ajouteront par surcroît : il faut d’abord que la chose contribue à prouver ou à peindre, à pousser l’œuvre vers la fin qui lui est assignée.

1756. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

A Ronsard, orné de toutes « grâces et perfections », appartiendra d’imiter Homère, Virgile, Arioste, et de donner à la France une épopée.

1757. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Gros mangeur, gourmand, il ne nous fait pas grâce de ses indigestions : il est plein de son sujet, il faut qu’il parle.

1758. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Théodore de Banville Dans cette tête brune, chevelue, aux joues larges et d’un pur contour, à la barbe légère, calme comme celle d’un lion, fière comme celle d’un dieu, aux yeux doux, profonds, infinis, où le front olympien abrite la connaissance et les images de toutes les choses, où le nez droit, large à sa naissance, est d’une noblesse sans égale, où sous la légère moustache, écartée avec grâce, les lèvres rouges, épaisses, d’une ligne merveilleusement jeune, disent la joie tranquille des héros, dans cette noble tête aux. sourcils paisibles, qui si magnifiquement repose sur ce col énergique de combattant victorieux, superbe dans ce blanc vêtement flottant et entr’ouvert sur lequel est négligemment noué un mouchoir aux raies de couleurs vives, — 

1759. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Charles Van Lerberghe La meilleurs partie de l’œuvre de Verlaine me paraît être celle oh il fut dans toute la candeur de son âme, dans toute sa simple grâce charmante, cette sorte de Villon ingénu et repentant qu’il sut être jusque dans la vie.

1760. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

« Voyez-vous ce comédien qui tresse des palmes avec une pieuse et ineffable grâce, c’est Sylvain, le nouvel hôte des forêts du ciel (Selvano… selve). » Le jeu de mots qui termine ce second sonnet est intraduisible.

1761. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Grâce à Dieu, nous n’avons pas à craindre que ce jour soit près de nous.

1762. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Grâce aux synagogues, le judaïsme put traverser intact dix-huit siècles de persécution.

1763. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Il finit, ce semble, par y prendre plaisir, car il faisait de la meilleure grâce les miracles qu’on lui demandait en l’interpellant ainsi 679.

1764. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Le jour de grâce, si longtemps attendu par les âmes pures de Galilée, était devenu pour ces siècles de fer un jour de colère : Dies iræ, dies illa !

1765. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Ses conversations, d’ordinaire pleines de grâce, deviennent un feu roulant de disputes 969, une suite interminable de batailles scolastiques.

1766. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Grâce à une violence ministérielle, le Roi s’amuse n’aura eu qu’une représentation.

1767. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Dargaud, qui ne croit ni à la Chute ni à la Grâce, mais à la Nature, a l’optimisme de ceux qui pensent que, dans un temps donné, rien n’est impossible à la puissance de la raison.

1768. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

D’autres ont la grâce, d’autres ont l’ampleur, d’autres encore ont l’abondance ; Stendhal, lui, a la force, c’est-à-dire, après tout, la chose la plus rare qu’il y ait, dans ce temps de cerveaux et de cœurs ramollis.

1769. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

D’autres ont la grâce, d’autres ont l’ampleur, d’autres encore ont l’abondance : Stendhal, lui, a la force, c’est-à-dire, après tout, la chose la plus rare qu’il y ait dans ce temps de cerveaux et de cœurs ramollis.

1770. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Ce n’est guères qu’un rêveur ; mais sa rêverie a de la grâce et de la morbidezze.

1771. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

» On ne peut pas imaginer quelque chose de plus simple : c’est le critérium des critérium, grâce auquel vous pouvez juger tout ce qui existe sur le globe.

1772. (1915) La philosophie française « I »

Elle avait imprégné la Renaissance, grâce surtout à Platon.

1773. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Grâce à ces principes, les faits de l’histoire certaine retrouveront leurs origines primitives, faute desquelles ils semblent jusqu’ici n’avoir eu ni fondement commun, ni continuité, ni cohérence.

1774. (1881) Le roman expérimental

Il y a là simplement un reste de courtisanerie, un goût pour la grâce et l’heureux équilibre de la bonne société. […] Tant que le roman a été une récréation de l’esprit, un amusement auquel on ne demandait que de la grâce et de la verve, on comprend que la grande qualité était avant tout d’y montrer une invention abondante. […] On ne saurait se l’imaginer écrivant avec des grâces. […] Et remarquez qu’il n’a pas même l’air de s’en apercevoir, car il va escamoter ce point, lui si prolixe dans ses grâces du commencement. […] Reste à savoir si, fatalement, par une loi de nature, le roman est condamné à disparaître au bout d’un demi-siècle, lorsque le poème, par une grâce spéciale, serait d’essence immortelle.

1775. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

C’est un artiste charmant, qui manie la vieille langue comme un linguiste, avec beaucoup de grâce. […] Au demeurant, le meilleur compagnon du monde : quand il parle des autres avec éloge, sa condescendance est de la meilleure grâce et de la plus sincère, vous pouvez m’en croire. […] Ou qu’il ressuscite, non sans grâce, des tours et des vocables oubliés ? […] Que le grand décorateur Hugo et les petits hollandais de Médan cèdent de bonne grâce la place usurpée à Mallarmé, à Baudelaire, à Vigny, à Lamartine. […] Ils disent que c’est une grâce d’état.

1776. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Grâce au caractère particulier de leur patriotisme tel que nous l’avons expliqué, ils n’ont d’autre patrie que leur communauté d’origine. […] J’ai en effet la confiance qu’avec la grâce de Dieu j’arriverai à un état plus heureux, sans plus savoir comment je sortirai de ce monde que comment j’y suis entré. […] Cette pensée ainsi mutilée est-elle encore la mienne, et dois-je tenir pour un hommage des violations qui ont l’air de demander grâce pour mon génie ? […] Le ministre gallois est presque entièrement dénué de poésie, rarement il rencontre un rayon de grâce, et il n’arrive à l’imagination que par la véhémence morale. […] Grâce à ce salut miraculeux, M. 

1777. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Il se sent prédestiné, plein de la grâce qui ne lui manquera jamais ; donc celui qui lui résiste résiste à Dieu, et n’est bon qu’à pendre ; il peut le décrier, ce drôle-là, et le persécuter en conscience […] Grâce à toi, celui-là espère vainement qui a pris pour appui et pour guide la vérité, la justice et la pitié1167 !  […] Pour lui, il y a de la grâce dans les rondeurs mouvantes de cette vapeur que la bouilloire exhale ; il y a de la douceur dans cette concorde des hôtes d’une même maison assemblés autour de la même table. […] Avec un courage et une probité admirables, il refusa toute grâce, n’accepta que du temps, se mit à l’œuvre le jour même, écrivit infatigablement, paya en quatre ans soixante-dix mille livres, épuisa son cerveau jusqu’à devenir paralytique et mourut à la peine.

1778. (1925) Dissociations

Dans les campagnes, les bossus sont généralement tailleurs ambulants, passent toutes les journées avec les ménagères, ont tout le temps de faire valoir près d’elles, leur esprit, je ne dirai pas leurs grâces. Ils n’en ont guère, mais les femmes, pour ce qu’elles sont la grâce, y sont peu sensibles. […] Il faut louer beaucoup celles qui ont refusé les premières de revêtir ce burlesque uniforme et qui ont permis, d’étape et étape, l’apparition d’une Villany, l’apparition d’une femme selon toute la liberté de son allure et de sa grâce. […] Il ne sort pas davantage pour jouir de la rue, du mouvement, des couleurs, des physionomies ni des allures ni, quand il pousse jusqu’au bois ou jusque vers quelque jardin excentrique, de la grâce des arbres, de leur verdure heureuse ou des changements que leur imposent les saisons.

1779. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Une tache de couleur grise, derrière les massifs, assez loin, allait et venait, avec une grâce effacée ; elle se rapprocha : on vit revenir lentement Marc et Lilia ensemble. […] Et je devinai qu’elle souffrait, plus que de mourir, d’être vue ainsi, dans la déchéance de sa grâce de femme : — Qu’allez-vous penser de moi ? […] — Grâce à Dieu, reprit Marie-Thérèse, je ne regrette pas de partir… Je n’aurais plus le courage de recommencer à vivre. […] Les manières des individus représentent toujours un idéal quelconque ; en Angleterre, c’est la dignité ; en France, c’est la grâce qui est l’objectif. » Voilà qui est précieux à recueillir de la bouche d’un Anglais. […] Mais quel bonheur pourrait compenser l’indicible félicité de rester confondu en toi, d’être une partie de toi-même, un atome de ton essence, un souffle de ton esprit, et de participer sans cesse et toujours aux béatitudes, aux grâces, aux perfections, aux omnipotences de ton infini ?

1780. (1894) Critique de combat

Grâces en soient rendues au journal1 où ont paru ces articles, j’ai eu (rare avantage !) […] Il a de la grâce, du charme, une souplesse féminine et féline. […] Et ce n’est pas seulement à la grâce, à la souplesse, à l’allure un tantinet capricieuse (pardon !) […] le bouleau n’est pas le chêne, et pourtant sa grâce féminine a un charme qui manque au roi de la forêt. […] doués de vertus et de grâces sans nombre.

1781. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

C’est sur un ton digne de la Nouvelle Héloïse qu’il parlera de la bonne grâce de la bure, de la campagne sauvage plus pittoresque que les terrains cultivés, des sentiers plus charmants que les grands chemins. […] Et, pour accomplir un tel sacrifice, il ne suffit pas d’avoir des aspirations à l’énergie, des velléités de foi, de relire les Evangiles, de citer l’Imitation : il faut être touché de la grâce comme le fut Racine, il faut être entièrement converti. […] Renan, ondoyant et divers comme lui, plus que lui, habile au jeu des idées, sceptique avec délices et une pointe de cynisme, que sauvait la grâce de son style. […] Grâce à lui, le clavier des poètes est enrichi, et de combien de sentiments puissamment poétiques : « l’amour de Dieu, la haine de la nature, la foi, la charité, la pureté chevaleresque ; et c’est à lui que l’âme humaine doit d’être l’instrument rare et complet qu’elle est aujourd’hui ». […] On ne verra plus d’écrivain s’occupant uniquement des choses de l’esprit, et de le dire avec grâce et avec goût.

1782. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Ces grâces, pour être souriantes, n’en sont pas moins laborieuses. […] Grâce aux Stendhaliens, il devint difficile de parler de Stendhal sans un peu d’irritation. […] Grâce à lui, les années de jeunesse du mystérieux dandy de lettres n’ont plus pour nous de secret. […] Avoir conquis les femmes par sa grâce, ébloui les hommes par son esprit, et se sentir terrassé par la folie ! […] Grâce à lui le trésor presque anonyme de la chanson se sera enrichi de quelques romances et complaintes.

1783. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

* * * 23 avril Je dînais hier à l’ambassade, à côté d’une jeune femme, la femme de l’envoyé des États-Unis à Bruxelles, une Américaine, et voyant à l’œuvre cette grâce libre et conquérante, ce diable au corps d’une jeune race, cette virtualité de la coquetterie qui garde le charme et la domination de la flirtation chez ces jeunes filles devenues des épouses, et me rappelant d’autre part l’activité et l’entrance de certains Américains de Paris, je me disais que ces hommes et ces femmes semblaient destinés à devenir les futurs conquérants du monde. […] Enfin devant toute cette robustesse de l’œuvre molle et soufflée, un esprit indépendant arrive à se demander quand il compare le Moïse au Torse, si Michel-Ange n’est pas, dans le grossissement du muscle, et dans la recherche de la tourmente de la force physique, un décadent aussi corrompu que l’est Boucher, en sa recherche de la grâce. […] Et cela est d’autant plus marqué que le monsieur est un personnage allemand, muet et bellâtre, un gandin de la Borussie, dominant la fête de sa raie au milieu de la tête, et d’un sourire diplomatique, et que la femme, au milieu de son effort de grâce, a je ne sais quoi d’inquiétant d’une femme d’affaire en sa personne, avec des absorptions et des absences, où on dirait que son attention vous quitte pour aller aux deux petits cabinets de sa chambre : qui sont des coffres-forts de pierres précieuses, — et qu’on croit deviner en la terrible implacabilité de son visage de blonde, un passé qui fait peur.

1784. (1891) Esquisses contemporaines

Grâce à notre appauvrissement et aux efforts d’une instruction d’année en année plus intense et plus complète, ils devinrent nos maîtres comme nous avions été les leurs. […] D’autre part, sa langue est trop directe, trop pleine, trop massive parfois pour atteindre à la grâce subtile et à la séduction caressante des Vaines tendresses ou des Solitudes. […] Car les hommes du Réveil étaient des chrétiens authentiques, dont le cœur avait été vraiment touché par la grâce. […] L’horreur et la réalité du péché les terrassaient, et, les dépouillant de tout mérite, les jetaient prosternés, tremblants, indignes, aux pieds du Dieu trois fois saint, dont seule la grâce prévenante et gratuite pouvait les relever. […] Vinet édifie le nouvel homme dans la grâce, et, par une marche sûre vers la spiritualité chrétienne, rejette naturellement les entraves du matérialisme traditionnel.

1785. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

De ces derniers petits récits, j’aime la vérité simple, la grâce rustique et naturelle, la belle humeur et la moquerie sans ironie. […] Une certaine lenteur de ton qui se confond ici dans la grâce décente, l’honnêteté du cœur intacte avec la malice enjouée de l’esprit, la nature prise à point, respirent dans ces pages aimables : le sens moral qui en ressort tendrait à tuer surtout le grand ennemi en nous, c’est-à-dire la vanité.

1786. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Au moindre soupçon de soleil, elles sourient avec une grâce délicieuse ; on dirait de belles vierges timides et frêles sous un voile qu’on va lever. […] Ce n’est plus un ami de cœur à qui l’on confie ses menus désirs, ses petites peines, une sorte de directeur affectueux et tout humain ; ce n’est plus un roi dont on essaye de gagner les parents ou les courtisans, et de qui on espère des grâces ou des places : on ne voit en lui que le gardien du devoir, et on ne lui parle pas d’autre chose.

1787. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Tout était grâce et gaieté, même la pluie prochaine ; cette récidive, dont les muguets et les chèvrefeuilles devaient profiter, n’avait rien d’inquiétant ; les hirondelles faisaient la charmante menace de voler bas. […] « Grâce au sable, il n’y avait pas une tache de boue ; grâce à la pluie, il n’y avait pas un grain de cendre.

1788. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Sans doute la richesse et la grâce dans la structure d’une langue sont l’œuvre de la pensée, dont elles naissent comme de la fleur la plus délicate de l’esprit ; mais les deux sphères de la nature physique et de l’intelligence ou du sentiment n’en sont pas moins étroitement unies l’une à l’autre ; et c’est ce qui fait que nous n’avons pas voulu ôter à notre tableau du monde ce que pouvaient lui communiquer de coloris et de lumière ces considérations, toutes rapides qu’elles sont, sur les rapports des races et des langues. […] « Grâce à l’uniformité qui s’est conservée dans les mœurs et dans les habitudes de la vie nomade, les voyageurs modernes ont pu confirmer la vérité de ces tableaux.

1789. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Montesquieu crut devoir de nouveau sacrifier aux grâces, mais lui-même n’éleva qu’un monument factice, son Temple de Gnide, que madame du Deffand, frappée de la froideur étudiée qui le caractérisait, appela l’Apocalypse de la galanterie. […] « Je demande une grâce que je crains qu’on ne m’accorde pas : c’est de ne pas juger par la lecture d’un moment d’un travail de vingt années, d’approuver ou de condamner le livre entier, et non pas quelques phrases.

1790. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

La farce lui a appris à faire passer l’expression naïve et plaisante des sentiments avant l’arrangement curieux de l’intrigue et les grâces littéraires de l’esprit de mots. […] En général ses caractères féminins ont quelque chose de viril et de vigoureux ; et son honnête femme est tout à fait identique à un honnête homme : raison éclairée, volonté droite, voilà le type, qui est féminisé par la grâce affinée et par l’innocente coquetterie.

1791. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Grâce, au moins, pour les petits groupes de survivants d’un autre monde, où cette inoffensive erreur a entretenu la tradition du sacrifice ! […] C’était un petit modèle de sagesse et de grâce.

1792. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Grâce à lui, Hérode, Hérodiade, Antipas, Philippe, Anne, Caïphe, Pilate sont des personnages que nous touchons du doigt et que nous voyons vivre devant nous avec une frappante réalité. […] Grâce aux beaux travaux dont cette question a été l’objet depuis trente ans, un problème qu’on eût jugé autrefois inabordable est arrivé à une solution qui assurément laisse place encore à bien des incertitudes, mais qui suffit pleinement aux besoins de l’histoire.

1793. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Vous n’allez pas, je suppose, exiger d’un Allemand qu’il ait de l’esprit, de la grâce, de l’à-propos, de la politesse. […] Grâces soient donc rendues à l’Association artistique d’Angers.

1794. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Sur ce refus, j’alléguai la loi de l’empereur Théodose, qui, après avoir commandé par colère et trop précipitamment la mort d’un grand nombre de chrétiens, fut rejeté de la communion par saint Ambroise, qui le contraignit de venir à pénitence, et, pour une entière satisfaction, faire une loi par laquelle défense était faite aux gouverneurs en l’administration de la justice qui présidaient dans les provinces, de ne faire à l’avenir exécuter tels mandements extraordinaires qui étaient contre l’ordre et la forme de la justice, sans attendre trente jours, pendant lesquels ils enverraient à l’empereur pour avoir nouveau commandement en bonne et due forme ; ainsi qu’il fallait envoyer promptement au roi… Grâce à cet avis d’une ferme et respectueuse résistance qui prévalut et fut adopté, avant même qu’on eût envoyé vers le roi, le contrordre eut le temps d’arriver de Paris : la Bourgogne fut garantie du crime et du malheur commun, et le nom du comte de Charny est inscrit dans l’histoire à côté de ceux du comte de Tendes, de MM. de Saint-Hérem, d’Orthez et d’un petit nombre d’autres, comme étant resté pur de sang dans l’immense massacre.

1795. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Noble but, noble effort, et par lequel il réalisait un des vœux de sa première jeunesse, lorsqu’après le récit d’une de ses courses opiniâtres à travers les montagnes de la Sicile, il s’écriait en finissant : « Pour moi, je ne demande à Dieu qu’une grâce : qu’il m’accorde de me retrouver un jour voulant de la même manière une chose qui en vaille la peine ! 

1796. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Cette modestie qu’il a, non pas seulement extérieure et apparente, mais intime et sincère, le marque et le distingue entre tous : ce coin de faiblesse (car il y a un peu de faiblesse) me le fait aimer ; c’est une grâce de plus, c’est comme un pressentiment, si on le rapproche de sa fin prématurée.

1797. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

On ne sait pourquoi il fait grâce en un endroit à Montaigne, lequel pourtant a dit en son joli langage : « Et moi, je suis de ceux qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » M. de Laprade prend même le soin de rassurer les chrétiens, les âmes religieuses, contre l’ironie de Montaigne.

1798. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Là aussi, « dans cet ordre littéraire comme dans l’ordre religieux, a dit un pieux et savant Anglais44, un peu de foi et beaucoup d’humilité au point de départ sont souvent récompensés de la grâce et du don qui fait aimer, c’est-à-dire comprendre les belles choses. » Je n’irai pourtant pas jusqu’à dire, avec un autre critique de la même nation, « qu’il faut feindre le goût que l’on n’a pas jusqu’à ce que ce goût vienne, et que la fiction prolongée finit par devenir une réalité. » Ce serait donner de gaîté de cœur dans la superstition et l’idolâtrie.

1799. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

C’est alors que la Vierge, ainsi repoussée, en remercie presque son fils et le prie de l’excuser de ses faiblesses ; mais au même moment, tout en paraissant se soumettre, elle revient doucement à la charge en refaisant presque ses mêmes demandes, ses mêmes prières, en les faisant à mains jointes et comme les plus petites, les plus humbles, les plus attendrissantes supplications qui puissent, à pareille heure, sortir des lèvres d’une mère : Notre-Dame Au moins veuillez, de votre grâce, Mourir de mort brève et légère !

1800. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Non content d’écrire à Louvois pour réclamer des mesures de rigueur, et avant même d’avoir la réponse, Foucault s’adresse au Père de La Chaise pour lui suggérer d’autre part des moyens auxiliaires plus doux ; il propose non plus ici des cavaliers et des dragons, mais d’autoriser une conférence, par exemple, où les points controversés soient agités, disant que les ministres et les principaux religionnaires de ces contrées ne cherchaient qu’une porte honnête pour rentrer dans l’Église : « Ceux, ajoute-t-il, qui sont les plus considérés et les plus accrédités dans le parti m’ont assuré que c’était la seule voie qui pût faire réussir le grand projet des conversions ; que celles de rigueur, de privation des emplois, les pensions et les grâces seraient inutiles. » Dans un voyage qu’il fait à Paris, il en parle également au chancelier Le Tellier, lequel a d’ailleurs peu de goût pour Foucault, et qui ferme l’oreille à sa proposition : « Il la rejeta absolument, disant qu’une pareille assemblée aurait le même succès que le Colloque de Poissy ; que le pape trouverait mauvais que l’on fît une pareille conférence sans sa participation, et me défendit d’en parler au roi.

1801. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Feuillet, tout distingué qu’il est dans sa grâce et dans son comme il faut, n’est que secondaire.

1802. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

La grâce de son esprit et le charme de son commerce ont toujours conservé pour eux le même attrait. » Ces Mémoires sont écrits à la troisième personne et je dois en avertir, car je les cite textuellement en ayant l’air de les analyser.

1803. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Un certain goût modéré de bien-être matériel ne les révolte nullement ni ne les scandalise ; ils ne trouvent pas que le moral en souffre nécessairement, et ils se montrent disposés à prendre leur part des bienfaits acquis à tous ; ils admettent volontiers que la santé vaut mieux que la maladie ; et en se résignant aux maux inévitables, en s’y soumettant même avec constance ou douceur, il ne leur arrive plus guère, comme aux dures époques et aux âgés de fer, d’appeler à haute voix les calamités, de les demander au Ciel comme un moyen d’expiation, et de les saluer presque comme une bénédiction et comme une grâce.

1804. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ce portrait est un chef-d’œuvre de grâce, de gaieté douce, d’ironie pénétrante, d’impertinence polie, et il a tout l’air avec cela d’être la vérité.

1805. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Laujon, qui en était le grand artisan à Berny, le disait avec grâce en publiant après plus d’un demi-siècle son Mélange de Fêtes… « Puissiez-vous ne pas oublier que le principal attribut du poëte de société, c’est la complaisance, et que le désir de plaire est le seul vœu qu’elle lui prescrive ! 

1806. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Grâce à la conduite qu’il tint d’un bout à l’autre de cette campagne, son nom est désormais un des trois ou quatre qui viennent le plus naturellement sous la plume toutes les fois qu’on a à citer des généraux pitoyables de l’ancien régime, « les Villeroy et les Marsin, les Clermont et les Soubise. »

1807. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Une manière sentencieuse, une politesse froide, un air d’examen, voilà ce qui formait une défense autour de lui dans son rôle diplomatique. » Mais dans l’intérieur et l’intimité le masque tombait ou avait l’air de tomber tout à fait : il était alors charmant, familier, d’une grâce caressante, aux petits soins pour plaire, « se faisant amusant pour être amusé. » Son goût le plus vif semblait être celui de la conversation avec des esprits faits pour l’entendre, et il aimait à la prolonger jusque bien avant dans la nuit.

1808. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Grâce à la correspondance exacte des deux phénomènes, tout ce que nous découvrons de l’un nous éclaire sur l’autre.

1809. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Toutes les circonstances, au reste, eu préparaient la riche et facile floraison : tandis que le baron du Nord, entre les murs épais de sa maussade forteresse, menacé et menaçant, ne rêvait que la guerre, les nobles du Midi, en paix et pacifiques sous deux ou trois grands comtes, riches, hantant les villes, épris de fêtes, la joie dans l’âme et dans les yeux, l’esprit déjà sensible au jeu des idées, et l’oreille éprise de la grâce des rythmes se faisaient une littérature en harmonie avec les conditions physiques et sociales de leur vie.

1810. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Les chansons, les fabliaux, les farces, les mystères, dont l’excellent et sec Boileau méprisait la grossièreté et que d’ailleurs il ne lisait pas, nous les lisons, un peu vite parfois et en dissimulant quelque ennui ; mais aussi nous y découvrons souvent, dans une phrase, dans un vers (et tout le reste en bénéficie), des merveilles de grâce, de finesse, d’émotion, de poésie, une malice exquise, ou bien une tendresse, une piété qui nous vont à l’âme.

1811. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Je ne m’en indigne point et, rassurez-vous, je vous fais grâce ici d’un développement facile.

1812. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Quillard l’exaltent, il ne s’ensuit pas qu’ils participent de sa difficulté ; 3º Ce florilège est défiguré par les fautes d’impression ; 4º Les plus abscons des Poèmes sont commentés avec grâce par M. 

1813. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Ainsi tel écrivain emploiera toutes ses ressources à rendre sensible la mer ou la montagne dans ce qu’elles ont de plus grandiose ; tel autre mettra tout son art à reproduire les fins détails d’une fleur ou d’un visage féminin, la grâce d’un arbrisseau, d’une petite rivière, d’une clairière ensoleillée, d’une maisonnette tapissée de plantes grimpantes.

1814. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Quelle grâce dans Ruth !

1815. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Auprès du public actuel, animal faible et qui s’effare devant la décision comme devant une brutalité et une offense, ces quelques fuites et ces balancements timides servent peut-être le poète exquis autant que ses images un peu flottantes et ses couleurs aux grâces atténuées.

1816. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Et cette direction prenait un caractère d’éloquence persuasive et de grâce qui se répandait à distance, en raison d’une faculté particulière de diction qui était en lui.

1817. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

L’homme, créature de Dieu livrée à sa merci, s’éleva vers son Créateur en un perpétuel élan d’actions de grâce et de prières.

1818. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

C’était surtout le défaut d’élévation lyrique, et, pour la muse encore rustique du Latium, l’impuissance d’atteindre à ces grâces majestueuses et libres de la muse d’Athènes.

1819. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

« Il me répondit : — Leur belle renommée, qui retentit là-haut dans votre monde, trouve grâce dans le ciel, qui les distingue des autres. […] Achille Devéria surtout s’est fait remarquer au Salon de 1846 par un tableau, le Repos de la sainte famille, qui non seulement conserve toute la grâce particulière à ces charmants et fraternels génies, mais encore rappelle les sérieuses qualités des anciennes écoles ; — des écoles secondaires peut-être, qui ne l’emportent précisément ni par le dessin ni par la couleur, mais que l’ordonnance et la belle tradition placent néanmoins bien au-dessus des dévergondages propres aux époques de transition. […] Grâce à la nature, nos femmes n’ont pas tant d’esprit et ne sont pas si précieuses ; mais elle sont bien autrement romantiques. — Regardez la nature, monsieur ; ce n’est pas avec de l’esprit et des crayons minutieusement apointés qu’on fait de la peinture ; car quelques-uns vous rangent, je ne sais trop pourquoi, dans la noble famille des peintres. […] Ces plis grimaçants, et jouant comme des serpents autour d’une chair mortifiée, n’ont-ils pas leur grâce mystérieuse ?

1820. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Le matin elle fleurissait ; avec quelles grâces, vous le savez : le soir nous la vîmes séchée, et ces fortes expressions, par lesquelles l’Écriture Sainte exagère l’inconstance des choses humaines, dévoient être pour cette princesse si précises et si littérales. […] La ressemblance est frappante : pour peu que l’on continue en France à étudier les idiomes étrangers, et à nous inonder de traductions, notre langue perdra bientôt cette fleur native et ces gallicismes, qui faisaient son génie et sa grâce. […] Grâce aux travaux de M.  […] — Il aurait même excellé dans les grâces du langage, s’il avait voulu en faire une étude. […] On ne leur fait point une grâce en les investissant des charges de l’état ; ce sont eux au contraire qui, en acceptant ces charges, font à leur pays une véritable faveur et un très grand sacrifice.

1821. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

De là ses adorables sacrements qui aident au triomphe de la grâce et soutiennent le pécheur… » — « Je ne veux pas juger l’Eglise catholique, dit Benassis (Médecin de campagne), je suis très orthodoxe, je crois à ses œuvres et à ses lois… » Il serait aisé de signaler d’autres pages du même ordre dans beaucoup d’autres épisodes de la Comédie humaine : — ainsi la conversion du docteur Minoret dans Ursule Mirouet, l’entrée au couvent d’Albert Savarus et de la duchesse de Langeais, la confession de Mme de Mortsauf dans le Lys de la vallée, le magnifique dialogue d’Agathe Bridau mourante et de l’abbé Loraux dans le Ménage de garçon. […] Et tout de suite quelle grâce Virgilienne dans ce symbole de l’homme qui ne veut pas vieillir !‌ […] N’y a-t-il pas une réversibilité de la grâce qui agit sur nous à notre insu ?

1822. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Quand mon tour vint, j’avalai le condiment avec un sourire, je dis Bismillah, et je léchai mes lèvres avec un air de contentement aimable ; puis, quand on servit le plat voisin, j’en fis moi-même une boule avec tant de dextérité et je la fourrai dans le gosier du vieux galéongi avec tant de grâce, que son cœur fut gagné. […] De grâce, madame, vous raconterai-je quelques petites anecdotes sur milady Bareacres, votre maman ?  […] Elle n’est pas pire que son métier ; elle en a toutes les excuses innées, acquises, de tempérament, de tradition, de circonstance, de nécessité ; elle en a toutes les forces, l’abandon, la grâce, la gaieté folle, les alternatives de trivialité et d’élégance ; l’audace improvisée, les inventions comiques, la magnificence et le succès.

1823. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Décidément ce Jules Simon a un charme, une grâce, faite d’une certaine délicatesse de la pensée, jointe à la douceur de la parole. […] Sous l’envolement de cheveux blonds d’une nuance adorable, des yeux étrangement séducteurs, des yeux qu’une cernure artificielle aide à faire apparaître, dans la nuit de l’arcade sourcilière, comme des diamants noirs, un petit nez du dessin le plus précieux, avec l’ensemble de traits et de contours délicats, délicats, et un cou frêle sortant d’une robe de velours rouge, enfin une figure réalisant le joli dans toute sa grâce menue. […] Dans le gai salon donnant sur la place Vendôme, on trouvait ma tante, toujours lisant, sous un portrait en pied de sa mère, qui avait l’air d’un portrait d’une sœur, d’une sœur mondaine : — un des plus beaux Greuze que je connaisse, et où, sous les grâces de la peinture du maître français, il y a la fluide coulée du pinceau de Rubens.

1824. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Grâce à cette poétique conception et à un sentiment d’espérance qu’il nourrissait, la durée du siège se passa pour lui assez heureusement ; mais la terreur qui suivit n’en fut que plus accablante ; il s’enfuit à la campagne avec sa mère, et y souffrit de toutes les privations. […] Ballanche publia, en 1819, le Vieillard et le Jeune Homme, enseignement philosophique plein d’autorité et de grâce.

1825. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Avant de sortir, Julie m’apporta avec grâce les Lettres provinciales. […] Ce souvenir du bouquet, que nous trouvons consigné dans son journal, lui inspirait de plus des vers, les seuls dont nous citerons quelques-uns, à cause du mouvement qui les anime et de la grâce du dernier : Que j’aime à m’égarer dans ces routes fleuries Où je t’ai vue errer sous un dais de lilas !

1826. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Grâce à une association d’images, nous logeons nos événements dans la série des jours et des mois que fournit l’almanach, dans la série des années que fournit la chronologie. […] Nous frappons un chien, et aussitôt nous l’entendons crier ; entre cette condition de douleur et ce signe de douleur perçus tous deux avec certitude, nous insérons, par conjecture, une douleur semblable à celle que nous aurions ressentie en pareil cas. — Grâce à ces suggestions et à ces vérifications continues, l’univers extérieur, qui n’était encore peuplé que de corps, se peuple aussi d’âmes, et le moi solitaire conçoit et affirme autour de lui une multitude d’êtres plus ou moins pareils à lui.

1827. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

C’est le même abandon et la même grâce. […] Grâces à vos exemples, Ils n’ont devant les yeux que des objets d’horreur,     De mépris d’eux et de leurs temples, D’avarice qui va jusques à la fureur.

1828. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« Et ces concerts d’oiseaux, et ces floraisons des plages, et ces belles honnêtes femmes, les grâces, les douceurs et les enjouements, tout cela n’est à mes yeux qu’un désert peuplé de bêtes féroces et sauvages dont je détourne avec effroi les yeux !  […] Et si ces sensibilités profondes et délicates, comme celle de Pétrarque, ont été douées par la nature et par l’art du don d’exprimer avec force, grâce, naturel et harmonie leurs enthousiasmes, de chanter leurs soupirs, de moduler leurs larmes, de confondre leur passion profane pour une créature divinisée avec cette passion sainte pour l’éternelle beauté qui devient la sainteté de la passion, alors ces âmes s’emparent du monde par droit de consonance avec tout ce qui sent, souffre ou aime comme elles ont aimé ; car le cœur de l’homme a été fait, comme le bronze ou comme le cristal, sonore ; il vibre à l’unisson de tous les autres cœurs créés de la même argile et susceptibles des mêmes accords, dans le concert universel des sensations.

1829. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Quant aux Précieuses ridicules, si elles ne nous font pas ôter tous les livres des mains de nos filles, elles nous font adorer dans une femme la simplicité, la grâce, les soins du domestique portés légèrement, la femme qui sait être utile sans cesser d’être agréable. […] Il met de la force comique jusque dans des comédies-ballets, de la grâce mâle jusque dans ses ballets, du sel le plus fin jusque dans ses bouffonneries, qui sont toujours la charge de quelque vérité profonde.

1830. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Vous croyez me faire une grâce en me permettant de m’exercer sur quelques points non définis, en me jetant le monde comme une matière à dispute, en m’avertissant bien par avance que du premier mot jusqu’au dernier je n’y entendrai rien. […] L’orthodoxie met, si j’ose le dire, toute sa provision vitale dans un tube dur et résistant, qui est un fait extérieur et palpable, la révélation, sorte de carapace qui la protège, mais la rend lourde et sans grâce.

1831. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

car il n’est pas maître du mobile instrument dont les Cranach et les Dürer chantaient les terreurs de la Chute et de la Grâce. […] Klingsor : Je suis le Parsifal de l’autre ciel ; celui que n’a pas entendu la grâce du seigneur d’en-haut, l’entende Onan-et-Lucifer !

1832. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Dimanche 11 mars On sort de table… Femme au délicat profil, au joli petit nez droit, à la bouche d’une découpure si spirituelle, à la coiffure de bacchante donnant aujourd’hui à sa physionomie une grâce mutine et affolée, femme aux yeux étranges qui semblent rire, quand sa parole est sérieuse. […] Et le vaste palais de poésie du maître demeurera grand et charmant, comme ce géant de grâce mêlant Albert Durer à Michel-Ange, brouillant Rabelais et Palladio, ayant Gargantua dans sa tonne et l’Invicta Venus dans sa chapelle.

1833. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Et dans cette immense conception tous les détails sont, en naïveté, en force ou en grâce, égaux à la majesté de l’ensemble. […] « Elle dort », dit-il ; « elle dort maintenant sur cette terre nue, sous la branche ténébreuse, ma bien-aimée, elle qui jusqu’ici n’eut jamais à subir ni les ardeurs du soleil ni les intempéries des tempêtes, femme au sourire d’où coulent les grâces.

1834. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Grâce à cette traduction supérieure, qui a pénétré également la pensée de l’auteur et sa langue, nous avons pu aisément juger de l’effet produit par l’excentrique américain. […] Littérairement de l’école de Gulliver, il n’en a ni l’âme, ni la grâce, ni le sourire Et comment l’aurait-il ?

1835. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Dubois-Thainville ; elle bondissait là en toute liberté avec une grâce qui excitait notre admiration.

1836. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Il avait fait précéder sa visite de quelques vers légers, et Voltaire lui répondait par une lettre toute de grâce, d’intérêt, et même de conseils : Aux Délices, 5 avril (1755).

1837. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Grâce au président Jeannin et à son ménagement habile, à ses expédients ou, pour mieux dire, aux ressources de ce bon sens continu, entremêlé et aidé d’éloquence, le projet d’une trêve de douze ans alla à bon port : le traité entre les députés des archiducs et ceux des États-Généraux de Hollande fut conclu en avril 1609, par l’entremise des ambassadeurs de France et d’Angleterre, et garanti par ces deux dernières puissances.

1838. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il y a une limite qu’il ne franchit point : la dignité, la grâce, la délicatesse même, la noblesse naturelle, Léopold Robert a atteint tout cela, et il en est maître ; mais ce qui lui échappe, c’est la facilité et l’allégresse, cette aisance qui fait dire qu’on est chez soi.

1839. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Elle ne satisfait point l’homme de sensibilité et de goût, comme le font les stances de Racan sur La Retraite ou l’ode de Maynard À Alcippe ; elle a cependant son charme et sa grâce par une touche large et naïve, bien qu’il s’y mêle des tons déplaisants et même incohérents.

1840. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Personne n’a été moins honteux à demander des grâces et des grades ; il savait les pouvoir payer ensuite, et qu’il les mériterait hautement après les avoir reçus.

1841. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

À Genève mêmmadamee, des femmes distinguées, telles que Mme Necker de Saussure, Mme Rilliet-Huber, maintenaient dans leurs salons une grâce piquante et sérieuse.

1842. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Chacun d’eux, lorsqu’il est reçu dans ce corps, prononce un discours comme pour montrer de nouveau et de vive voix qu’il est digne du choix qu’on a fait en sa personne, et ce discours qui servira de modèle à d’autres, et qui montre sur quoi principalement un orateur a bonne grâce de s’exercer, doit contenir des éloges, des éloges donnés aux vivants et aux morts.

1843. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Les manières un peu roides de ces messieurs, leurs conditions toujours en avant et leur parti pris de n’aller jamais les uns sans les autres, l’éloignaient aussi ; il appelait cela un joug et s’y soumettait, après tout, d’assez bonne grâce.

1844. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Biot soldat, pas plus que Fauriel ou Droz ; ils le furent pourtant, et d’assez bonne grâce.

1845. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

nous ne sommes plus ici dans les grâces de Virgile ni sous le régime de Fénelon.

1846. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Sa taille est grande et bien formée, son air est doux et vénérable, ses cheveux sont d’une couleur qu’on ne saurait guère comparer : ils tombent par boucles jusqu’au-dessous des oreilles, d’où ils se répandent sur ses épaules avec beaucoup de grâce, et sont partagés sur le sommet de la tête à la manière des Nazaréens.

1847. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Grâce à Salammbô qui s’en revient avec sa conquête, Carthage a donc recouvré le voile sacré et a senti relever son espérance.

1848. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Cette seconde partie de Don Quichotte, qui déroule les faits et gestes du héros depuis sa troisième sortie, et où s’accomplit l’incomparable mystification de Sancho, soi-disant gouverneur de Barataria, est plus méditée, plus réfléchie que la première, et sans prétendre rien ôter à la grâce de celle-ci ni à sa charmante légèreté, elle la fortifie, la mûrit et la couronne admirablement.

1849. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Celui qui devait être l’héroïque soldat de Novarre, qui lui-même avait trop bien connu les vicissitudes morales, les conflits cruels et les déchirements qu’amène toute conversion, ne pouvait refuser une grâce ainsi demandée ; l’éloquence et la poésie avaient trouvé le chemin de son cœur.

1850. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Cette beauté blanche et vermeille, Qui des heures fait des instants, Divine femme de trente ans, Dont la grâce est une merveille ; Que j’aime et trouve sans pareille ; Oh !

1851. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Ayant épousé en secondes noces une Béthune, veuve elle-même du marquis de Grancey, il avait trouvé en elle une compagne aimable, une auxiliaire active et habile autant que délicate, la grâce jointe à de la vertu.

1852. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Mais il y a mieux que les vers spirituels : il y a la pensée sérieuse, excellente, rendue avec suite, avec nombre, avec grâce.

1853. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

La noblesse, l’élégance, la grâce des formes antiques semblaient devoir disparaître à jamais sous les pédantesques erreurs des écrivains théologiques.

1854. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Grâce à leur dépendance mutuelle et à la présence continue de l’un ou de l’autre, chacun d’eux peut suppléer l’autre.

1855. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Le singe de sa part disait : « Venez, de grâce, Venez, messieurs, je fais cent tours de passe.

1856. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Il n’a point de respect pour elles, n’y voyant que le reflet mental des impressions physiques ; et sans s’arrêter à en mesurer la qualité, la délicatesse, à noter la grâce de leurs frissons ou la majesté de leurs ondes, il les traite comme de brutales impulsions de l’instinct, qui se classent selon leur conformité à la raison et aux « jugements fermes et déterminés touchant la connaissance du bien et du mal » que la raison fournit.

1857. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

………………………………………………… J’ai vécu plus que toi : mes vers dureront moins ; Mais, au bord du tombeau, je mettrai tous mes soins À suivre les leçons de ta philosophie, À mépriser la mort en savourant la vie, À lire tes écrits pleins de grâce et de sens, Comme on boit d’un vin vieux qui rajeunit les sens.

1858. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Il nous le dit avec un mélange de modestie et d’orgueil, en nous demandant grâce pour ce qui n’a la prétention d’être au fond qu’une fable mythologique à la Louis XV, une « idylle mouchetée », comme il l’appelle.

1859. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Vivant ou mort, il ne faut pas que, de la part du maréchal, une approbation, une louange exprimée dans l’intimité semble venir solliciter une faveur et une grâce ; ce serait aller contre sa pensée.

1860. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Je ne veux pas trop presser ses défauts, on les sent trop bien aujourd’hui ; mais il eut, à son moment, sa grâce et son utilité relative.

1861. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Grâce à ce pouvoir d’enfermer les résultats de l’effort individuel dans cette forme transmissible, les générations peuvent ajouter bout à bout la suite de leurs efforts et en former une somme qui va toujours grossissant.

1862. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Il s’enrichit et s’affermit au contact de la réalité, se colore, s’infléchit et s’agite, pour rendre l’infinie complexité de délicates visions, s’irrite et s’énerve devant certains spectacles détestés, se subtilise, s’adoucit et s’enrichit encore, devient opulent et onctueux pour rendre la grâce resplendissante d’une certaine beauté supérieure, extraite et sublimée.

1863. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Otez à Watteau ses sites, sa couleur, la grâce de ses figures, celle de ses vêtements, ne voyez que la scène, et jugez.

1864. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Elle a moins de véhémence et plus de contour de femme ; mais ce contour, qui ne manque pas de grâce, Ramollit souvent et s’avachit.

1865. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

le scepticisme en toutes choses : l’amour du plaisir dans la vie ; en politique, des goûts démocratiques et des mœurs serviles ; dans l’art, la prédominance de la grâce ; dans la religion, l’anthropomorphisme ; dans la philosophie, qui est l’expression la plus générale de l’esprit d’un peuple, un empirisme plus ou moins ingénieux, une curiosité assez hardie, mais toujours dans le cercle et sous la direction de la sensibilité.

1866. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Dans le milieu est une beauté divine ; son œil la proclame de descendance bretonne, et son port de lion, son visage commandant le respect, et mêlé avec douceur d’une grâce virginale.

1867. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Ce sont les deux bouées grâce auxquelles il surnagea. […] Elle adore et vénère sa propre grâce physique. […] C’est un excellent poète de second ordre, d’une grâce et d’une élégance charmantes. […] Il ne suffit pas de vouloir faire des grâces, il faut encore être doué pour cela. […] Mais lisez Bienstock, qui ne nous fait grâce de rien.

1868. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

On s’est écrié que Molière même, s’il vivait de nos jours, ne trouverait pas grâce devant moi ! […] Ces deux noms surnagent à peu près seuls dans les premières années du siècle : en dehors d’eux, le théâtre froid et déclamatoire se traîne languissamment sur les traces effacées des maîtres ; le roman plat et décoloré n’a plus que la licence du xviiie  siècle, sans en avoir ni la passion ni la grâce. […] La plaisanterie y manque de grâce, l’observation de délicatesse ; si bien que l’ennui et le dégoût servent un peu de préservatif contre la corruption. […] Grâce à cette alliance de la presse quotidienne, le roman a pénétré dans notre société à des profondeurs immenses. […] Les grâces de l’esprit ou les séductions de l’imagination entrent-elles pour quelque chose dans leur culte ?

1869. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Cependant, et c’est Perrault lui-même qui nous l’a raconté — non sans esprit ni bonne grâce, — tandis qu’il lisait, Boileau murmurait ; et son voisin — c’était Huet, l’évêque de Soissons — avait toutes les peines du monde à l’empêcher d’exhaler sa colère. […] Grâce à l’anecdote et au renseignement biographique, c’est ce moyen que Villemain a trouvé. […] La sécheresse du premier, sa continence et sa frugalité ne se retrouvent-elles pas dans ses vers, dans le caractère de son style, dans cette absence de grâces, dans cette sévérité d’ajustements qui sentent le vieux célibataire ? […] Leur mère avait tout ; on ne lui conteste pas la grâce, mais à ceux qui voudraient lui refuser le sérieux et la raison, il n’est pas mal d’avoir à montrer la raison dans Mme de Grignan, la raison toute seule, sur le grand pied et dans toute sa pompé. […] Grâce à son talent d’écrivain, c’est M. 

1870. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

On est fondé à lui répondre comme au renard qui a la queue coupée : « Retournez-vous, de grâce, et l’on vous répondra. « Pour conseiller le désintéressement il faudrait être désintéressé soi-même. […] C’est croire que l’homme peut réaliser un idéal de liberté, de force libre, de beauté, de grâce, de noblesse et d’eurythmie. […] Contrition, déshonneur, humiliation, voilà les premières et les dernières conditions à quoi est attachée sa grâce. […] À celui à qui il a accordé sa grâce, il accorde aussi cette insouciance des suites naturelles du péché. […] Si la langue ne s’effrayait d’une pareille association de mots, on pourrait affirmer qu’il possédait un bon cœur dur et, dans sa façon de jouir, une imagination baroque et corrompue qui était presque la grâce de l’innocence.

1871. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Ainsi la finesse de leur talent témoigne de leur vertu militaire ; leur élégance d’écrivains a une grâce d’héroïsme. […] La nature, il la peint de couleurs ravissantes, avec un souci de grâce et de poésie. […] Potterat nous séduit dès l’abord ; il a tant de grâce et d’amabilité ! […] Et cet accord plus tard, qui l’a défait, défaisant ainsi l’une des grâces de l’âme française ? […] Sans doute aussi avait-il le goût de la grâce jeune.

1872. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

C’est parce que ce souffle ne passe plus sur nos fronts que la fleur de notre pensée se fane mélancoliquement dans la vanité de sa grâce et de sa force. […] Vous auriez été heureux de voire succès. » Il avait de ces grâces de mémoire qui révélaient combien cet homme si fort était demeuré tendre. […] … Qui nous rendra les jours de la grâce antique et ceux de l’adorable Renaissance avec la fête enivrée des sens et du cœur, avec les sentiments exaltés parmi les costumes somptueux et les architectures grandioses ? […] Seulement la glace que les Goncourt présentent à nos plaies est taillée en biseau et placée dans un cadre d’argent ciselé où sourit la grâce des Amours de l’autre siècle, de ce siècle qui, avant sa tragédie politique, vieillissait aussi gaiement que le nôtre vieillit tristement, — avant quelle tragédie sociale ? […] Ces cruelles influences furent épargnées à Tourguéniev, grâce à la franchise de ses impressions premières, grâce à la rusticité d’une partie de sa vie, grâce aussi à sa fortune et aux longues années de sa solitude parmi ses paysans.

1873. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Rien dans la nature inanimée n’a plus de grâce qu’une adolescence, plus de majesté qu’une âme dans son plein développement, plus de mélancolie que le déclin d’une existence humaine. […] Si le dramaturge a l’âme d’un poète, il donnera cette âme à ses personnages ; il en fera des créatures idéales, tout imprégnées de grâce et de charme, ou vibrantes d’émotions lyriques ; il leur fera dire les mots magiques qui enchantent l’imagination. […] Elle lui donne de la grâce. […] Parlant de Virgile et de Racine, Lamennais remarque que « les lignes de leur style ondulent avec la même pureté, la même finesse, la même grâce exquise, que celles des plus belles statues grecques31 ». […] De là d’ordinaire la grâce et l’aisance de son style.

1874. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Grâce au souci de l’intrigue, à la science de la charpente, au soin de ne peindre jamais que des passions et des sentiments très simples — l’amour, l’amour maternel, la haine, la jalousie, d’ambition — encore exagérés et grossis pour mieux frapper l’intelligence, ils étaient assurés de se voir compris et appréciés par les imaginations naïves pour lesquelles ils travaillaient. […] Mademoiselle de Maupin, inintelligible ; le Capitaine Fracasse pittoresque, mais inférieur dans sa seconde partie au moindre roman de cape et d’épée ; Albertus, un pur rien ; la Comédie de la Mort, un lieu commun d’écolier, insipide, sauf le frisson des dernières pages ; et ainsi de suite, pour chaque ouvrage en particulier, dans ce long réquisitoire où trouvent seulement grâce quelques fantaisies en vers, ou quelques fragments très courts, et d’allure légère. […] Son artificiel — cela va sans dire — n’a rien à voir avec les procédés de l’industrie, grâce auxquels le papier de couleur ou le carton-pâte comprimé peuvent donner l’illusion plus ou moins parfaite d’une touffe de fleurs ou d’une colonne de marbre ; mais on peut lui trouver un équivalent dans le génie fantaisiste de la Chine ou du Japon — civilisations très vieilles — qui ont enfanté en peinture et en sculpture ces monstres aux formes absolument chimériques, ces arbres, ces fleuves, ces ciels dont les teintes n’ont plus aucun rapport avec les combinaisons pourtant si variées du monde réel. […] Leur moi ne persiste pas : et cela grâce à leur tempérament physiologique, qu’ils ont d’ailleurs toujours développé, au lieu de le combattre autant qu’il était en leur pouvoir ; grâce aussi à leur méthode de travail, à leur collaboration. […] Les ans n’ont pas pesé sur ta grâce immortelle, La tombe bienheureuse a sauvé ta beauté : Il te revoit, avec tes yeux divins, et telle Que tu lui souriais en un monde enchanté.

1875. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Ils y tiennent école de sagesse, nous enseignant, avec une grâce renouvelée d’Aristophane, à mépriser la fausse vertu et le faux génie des heureux de ce monde et à sourire des sots, des méchants, des hypocrites. […] » — « Oui, chansonnier populaire », et la mine pileuse de l’esclave parut demander grâce. […] Figurez-vous qu’Apollon, le dieu de la lumière et de la poésie, — car lui aussi a dû subir cette humiliation, — revoit par une grâce spéciale, après des siècles d’absence, la splendeur du ciel olympien. […] Grâce à un miracle de dévouement exquis, elle rétablit le développement arrêté de son âme, et de cette fille sans pudeur renaît une femme pure, enlevée et comme consacrée par la mort à l’instant où la passion destructrice allait venir se mêler encore à sa destinée. […] Et l’âme du peuple était-elle inconnue à ceux même qui tâchaient de transporter les grâces naïves de la chanson populaire dans leurs poésies pleines d’entrain et de malices ?

1876. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Grâce à quelques consonnes, il franchissait l’obstacle et repartait de plus belle. […] Régnier causait quelque temps avec nous, puis nous quittait pour aller prendre le thé au salon et promener devant les dames la grâce nonchalante de son menton désabusé. « Il sera de l’Académie », disait Heredia. […] Régnier causait quelque temps avec nous, puis nous quittait pour aller prendre le thé au salon et promener devant les dames la grâce nonchalante de son menton désabusé. « Il sera de l’Académie », disait Heredia. […] Grâce à cette éducation toute aristocratique, il finit par ne plus lire que les classiques, depuis Homère et Sophocle, jusqu’à Bossuet et Racine. […] Il n’est pas un quémandeur qu’il ne reçût de bonne grâce, pas de détresse qu’il n’ait secourue.

1877. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Grâce à ceux qui, comme dit Childe-Harold, ont rendu légers nos travaux mortels, une certaine lumière a commencé à poindre. […] Il y mettait de l’ingénieux et même une sorte de grâce.

1878. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il y a une grâce charmante et moqueuse dans cette peinture d’une Université de filles. […] Au milieu ondoie une fontaine, et « les Muses et les Grâces, trois par trois, l’entourent de leurs groupes. » Après la leçon, les unes, dans l’herbe haute des prairies, caressent des paons apprivoisés ; d’autres, « appuyées sur une balustrade, —  au-dessus de la campagne empourprée, respirent la brise, —  qui, gorgée par les senteurs des innombrables roses, —  vient battre leurs paupières de son parfum1529. » On reconnaît à chaque geste, à chaque attitude, des jeunes filles anglaises ; c’est leur éclat, leur fraîcheur, leur innocence.

1879. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

La peinture, dans chacune de ces villes ou de ces nations, prit non seulement le caractère du chef d’école, mais elle prit le caractère de l’école et du peuple où elle fut cultivée par ces grands hommes du pinceau : Titanesque avec Michel-Ange, plus païen que chrétien dans ses œuvres, et qui semble avoir fait poser des Titans devant lui ; Tantôt mythologique, tantôt biblique, tantôt évangélique, toujours divine avec Raphaël, selon qu’il fait poser devant sa palette des Psychés, des saintes familles, des philosophes de l’école d’Athènes, le Dieu-homme se transfigurant dans les rayons de sa divinité devant ses disciples, des Vierges-mères adorant d’un double amour le Dieu de l’avenir dans l’enfant allaité par leur chaste sein ; Païenne avec les Carrache, décorateurs indifférents de l’Olympe ou du Paradis ; Pastorale et simple avec le Corrége, qui peint, dans les anges, l’enfance divinisée, et dont le pinceau a la mollesse et la grâce des bucoliques virgiliennes ; Souveraine et orientale avec Titien, qui règne à Venise pendant une vie de quatre-vingt-quinze ans sur la peinture comme sur son empire, roi de la couleur qu’il fond et nuance sur sa toile comme le soleil la fond et la nuance sur toute la nature ; Pensive et philosophique à Milan avec Léonard de Vinci, qui fait de la Cène de Jésus-Christ et de ses disciples un festin de Socrate discourant avec Platon des choses éternelles ; quelquefois voluptueux, mais avec le déboire et l’amertume de la coupe d’ivresse, comme dans Joconde, cette figure tant de fois répétée par lui du plaisir cuisant ; Monacale et mystique avec Vélasquez et Murillo en Espagne, faisant leurs tableaux, à l’image de leur pays, avec des chevaliers et des moines sur la terre et des houris célestes dans leur paradis chrétien ; Éblouissante avec Rubens, moins peintre que décorateur sublime, Michel-Ange flamand, romancier historique qui fait de l’histoire avec de la fable, et qui descend de l’Empyrée des dieux à la cour des princes et de la cour des princes au Calvaire de la descente de croix, avec la souplesse et l’indifférence d’un génie exubérant, mais universel ; Profonde et sobre avec Van-Dyck, qui peint la pensée à travers les traits ; Familière avec les mille peintres d’intérieur, ou de paysage, ou de marine, hollandais ; artistes bourgeois qui, pour une bourgeoisie riche et sédentaire, font de l’art un mobilier de la méditation ; Enfin mobile et capricieuse en France, comme le génie divers et fantastique de cette nation du mouvement : Pieuse avec Lesueur ; Grave et réfléchie avec Philippe de Champagne ; Rêveuse avec Poussin ; Lumineuse avec Claude Lorrain ; Fastueuse et vide avec Lebrun, ce décorateur de l’orgueil de Louis XIV ; Légère et licencieuse avec les Vanloo, les Wateau, les Boucher, sous Louis XV ; Correcte, romaine et guindée comme un squelette en attitude avec David, sous la République ; Militaire, triomphale, éclatante et monotone, alignée comme les uniformes d’une armée en revue, sous l’Empire ; Renaissante, luxuriante, variée comme la liberté, sous la Restauration ; tentant tous les genres, inventant des genres nouveaux, se pliant à tous les caprices de l’individualité, et non plus aux ordres d’un monarque ou d’un pontife ; Corrégienne avec Prud’hon ; Michelangelesque avec Géricault dans sa Méduse ; Raphaëlesque avec Ingres ; Flamande avec éclectisme et avec idéal dans Meyssonnier ; Sévère et poussinesque dans le paysage réfléchi avec Paul Huet ; Hollandaise avec le soleil d’Italie sous le pinceau trempé de rayons de Gudin ; Bolonaise avec Giroux, qui semble un fils des Carrache ; Idéale et expressive avec Ary Scheffer ; Italienne, espagnole, hollandaise, vénitienne, française de toutes les dates avec vingt autres maîtres d’écoles indépendantes, mais transcendantes ; Vaste manufacture de chefs-d’œuvre d’où le génie de la peinture moderne, émancipée de l’imitation, inonde la France et déborde sur l’Europe et sur l’Amérique ; magnifique époque où la liberté, conquise au moins par l’art, fait ce que n’a pu faire l’autorité ; république du génie qui se gouverne par son libre arbitre, qui se donne des lois par son propre goût, et qui se rémunère par son immense et glorieux travail. […] Thérésina, plus jeune, aussi belle, mais autrement belle que Maria Grazia, n’avait alors que seize ou dix-sept ans ; c’était la grâce de cette beauté dont sa sœur était la force.

1880. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Il se plaisait là où il plaisait lui-même ; il n’avait rien de séduisant, ni dans les traits du visage, ni dans les grâces de l’entretien, excepté son génie, mais il était attachant par son dévouement modeste et exclusif à ses amis. […] Sans doute il y a eu et il y a, aujourd’hui surtout, en France, où une génération de grands peintres prépare un second siècle de Léon X, en deçà des Alpes, il y a des peintres qui peignent, comme Géricault, ou dessinent, comme Michel-Ange, avec le crayon fougueux et infaillible qui calque les formes du Créateur, qui sculpte la charpente des os et des muscles du corps humain ; il y en a qui ont ravi à Titien le coloris, à Raphaël la grâce, à Rubens l’éblouissement et l’empâtement profond, délayés dans des rayons par leurs pinceaux ruisselants ; il y en a qui font nager, comme Huet, leurs paysages, sévèrement réfléchis par un œil pensif, dans les lumières sereines de Claude Lorrain ou dans les ombres transparentes de Poussin ; il y en a qui pétrissent, comme Delacroix, en pâtes splendides, les teintes de l’arc-en-ciel sur leurs palettes ; il y en a qui, comme Gudin, font onduler la lumière et étinceler l’écume sur les vagues remuées par le souffle de leurs lèvres ; il y en a, comme Meissonier, qui donnent aux scènes et aux intérieurs de la vie domestique l’intérêt, la réalité, le pittoresque et le classique de la peinture héroïque ; il y en a qui, comme mademoiselle Rosa Bonheur, transportent avec une vigueur masculine, sur la grande toile, les pastorales de Théocrite, les chevaux de charrette ou les taureaux fumants dans le sillon retourné par le soc luisant ; il y en a qui, comme les deux Lehmann, dont le plus jeune, dans sa Graziella écoutant le livre qu’on lui lit à la lueur du crépuscule, sur la terrasse de l’île de Procida, au bord de la mer, semblent avoir retrouvé sur leur palette l’âme mélodieuse de Léopold Robert.

1881. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

La fille de Jupiter, Minerve, lui prête un aspect plus grand et plus robuste, elle fait tomber de sa tête en boucles sa chevelure pareille à la fleur de l’hyacinthe ; et, comme un habile ouvrier à qui Vulcain et Pallas-Minerve ont enseigné la diversité de leur art, mêle l’or à l’argent pour en perfectionner les œuvres charmantes, ainsi la déesse a répandu la grâce sur la tête et les épaules d’Ulysse : bientôt il va s’asseoir à l’écart sur le rivage de la mer, resplendissant de grâce et de beauté.

1882. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Le Pape avait annoncé sa résolution : après avoir rendu grâces au Saint-Père ainsi qu’au sacré collège de la confiance qu’ils me témoignaient, — confiance que je savais ne point mériter, — je dis avec franchise et candeur que j’avais en ce moment un besoin extraordinaire de me souvenir de mes promesses et de mes serments d’obéissance aux volontés du Pape, promesses et serments articulés quand il me plaça le chapeau de cardinal sur la tête ; que cette foi soutenait mon courage et m’aidait à servir le pontife suprême et le Saint-Siège ; que mon désir de le faire était ardent, mais que ce secours m’était indispensable au moment d’accepter une mission si difficile et sa périlleuse, que j’avais tant et de si fortes raisons pour décliner. » II Le cardinal Doria fut choisi par le Pape et par Consalvi pour remplacer le cardinal-ministre en son absence. […] « Ce discours du comte de Cobenzel fut accompagné de beaucoup d’autres paroles sortant très réellement de la bouche d’un véritable homme de cour, toutes pleines de politesse et de grâce, ce en quoi il était fort expert.

1883. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Les enfants de Morven t’environnent : toujours ils protégèrent le faible : viens dans notre vaisseau, fille plus belle que cette lune qui brille à son couchant ; viens, nous dirigeons notre course vers les rochers de Berrathon, vers les murs retentissants de Finthormo. » Elle nous suivit : sa démarche développait toutes ses grâces. […] Cher amant, je ne te vois plus revenir de la chasse avec les grâces de la jeunesse.

1884. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Je ne sépare pas plus, dans ma pensée et mon attention, ces quatre siècles que les neuf Muses ou les trois Grâces, et je n’ai aucun classement à faire entre eux. […] C’est presque une action de grâces.

1885. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

», tout en reconnaissant qu’en fait d’intelligence l’inégalité est plus pénible au privilégié qu’à l’inférieur, il faut avouer que cette inégalité est dans la nature et que la formule théologique conserve ici sa parfaite vérité : tous ont la grâce suffisante pour faire leur salut, mais tous ne sont pas appelés à la même perfection. […] Grâce à Dieu, nous aussi nous avons vaincu.

1886. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

. — Le sacrifice de l’action de grâces ne pouvait être allumé que par le feu du temple de Delphes ; il fallait, en un jour, aller chercher et rapporter le rayon sacré. […] Les Dieux qui commençaient à rompre les gaines grossièrement substituées au corps, à décoller leurs bras d’un torse immobile, à détacher leurs pieds soudés sur une base, à remplacer par les expressions de la grâce et de la grandeur, le morne sourire figé sur leurs lèvres, se seraient renfoncés et endurcis dans leurs anciens types.

1887. (1894) Textes critiques

A coté de Hilde, le personnage épisodiquement nécessaire de Raïa Polsi, âme admirante de maître Solness, mais de Solness quel qu’il soit, sans le piédestal d’une haute tour, — en la grâce de Mlle Bady. […] Il en profite pour « rejeter, par ses seules forces, le joug de la supersitition », grâce aussi toutefois à Lourdes et autres œuvres de « maîtres de la pensée ».

1888. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Tandis que Victor chante en vers le sacre du roi, il publie, en prose, La vie anecdotique du comte d’Artois, aujourd’hui Charles X : « Aucun prince ne fut plus séduisant que le comte d’Artois… il est rempli de grâce, de franchise, de noblesse, etc. » et cela continue ainsi pendant des dizaines de pages. […] Cette phrase qui paraîtra un plagiat du mot historique de Béranger, est une profession de foi : elle voulait dire, qu’il allait accepter les grâces et faveurs de la monarchie, tout en restant républicain dans son for intérieur.

1889. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Il y avait là, sous les plis lourds des étoffes rouges et vertes des vêtements de ces villageoises, des beautés, des majestés, des grâces sévères que je n’ai jamais retrouvées qu’en parcourant les montagnes de la Sabine et du Vulturne, ou dans l’incomparable tableau des Moissonneurs de Léopold Robert, ce Virgile du pinceau, qui a égalé le Virgile des Géorgiques. […] Les traits de son visage, trop arrondis et trop obtus aussi, ne conservaient aucunes lignes pures de beauté idéale ; mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer.

1890. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Écoutez : Elles ont porté à la réforme le coup de grâce. […] À part cette flatterie involontaire dont nous parlions plus haut, à part cet éblouissement des quelques lueurs qui restent au front du Lucifer tombé, et cet attendrissement causé par ces fibres humaines qui étaient en Luther comme elles furent en Danton, du reste, et qui mettaient la grâce et la beauté des larmes dans ces deux natures de porcher, Audin a saisi Luther par toutes ses faces, extérieures ou intimes, élevées ou basses, éclatantes ou sombres, mais avec une force et une souplesse de préhension irrésistible.

1891. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Les lettres qu’on a de Henri IV à Gabrielle ont l’air authentique : ce ne sont que des billets, mais qui ont leur grâce.

1892. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Les grâces et les qualités rares de cette jeune personne, sa distinction naturelle, l’avaient mise, même dans ce monde de cour, sur un pied tout différent de celui où la plaçaient sa condition et sa naissance.

1893. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Il eut la faveur et la grâce ; l’autre avait eu la raison et le poids.

1894. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Il y a cinquante-deux ans que le dimanche 28 germinal an X (18 avril 1802), jour de Pâques, Le Moniteur publiait à la fois l’annonce de la ratification du traité de paix signé entre la France et l’Angleterre, la proclamation du Premier consul déclarant l’heureuse conclusion du Concordat devenu loi de l’État ; et, ce même jour où l’église de Notre-Dame se rouvrait à la solennité du culte par un Te Deum d’action de grâces, Le Moniteur insérait un article de Fontanes sur le Génie du christianisme qui venait de paraître et qui inaugurait sous de si brillants auspices la littérature du xixe  siècle.

1895. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

On avait parlé d’exclure de la nomination ceux qui tenaient des pensions du gouvernement ; il se crut obligé de déclarer à l’Assemblée qu’il tenait, des grâces et des pensions du gouvernement, la plus grande partie de sa fortune : Je ne crois pas que l’on pense à moi pour la députation, disait-il, mais je dois cet éclaircissement, qui m’en éloigne à jamais ; je crois même devoir prévenir mes collègues que dans le cas où, malgré cette motion et les motifs d’exclusion qu’elle établit, on me ferait l’honneur de me nommer, je me ferais un devoir de refuser.

1896. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

C’est ainsi qu’en d’autres passages, il présente la philosophie comme l’aînée de la théologie, de même que la nature est l’aînée de la grâce ; ce qui ne peut être dit raisonnablement que d’une philosophie capable d’atteindre d’elle-même, et par une pleine vue, à des principes que la théologie viendrait ensuite confirmer ou couronner.

1897. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Bossuet y répondait de Versailles par une lettre pleine de grâce et d’enjouement (15 avril 1690) : « Voilà, monsieur, ce que c’est de s’humilier.

1898. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Le duc de Rohan, par un article du traité, ou plutôt de la grâce (c’est le titre qu’on y donna), obtint en ce qui le concernait l’abolition générale et l’oubli du passé : il obtint de plus qu’on lui rendît ses biens et 100000 écus pour dédommagement des pertes qu’il avait subies (il en devait plus de 80000), et il dut sortir du royaume.

1899. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Le chapitre de la noce qui se fait aux Bertaux est un tableau achevé, d’une vérité copieuse et comme regorgeante, mélange de naturel et d’endimanché, de laideur, de roideur, de grosse joie ou de grâce, de bombance et de sensibilité.

1900. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Grace Dalrymple, née en Écosse vers 1765, la plus jeune de trois Grâces ou de trois sœurs, fille d’un père avocat en renom et d’une mère très belle, élevée dans un couvent en France jusqu’à l’âge de quinze ans, mariée inconsidérément à un homme qui aurait pu être son père, et devenue ainsi madame Elliott, secoua vite le joug, amena le divorce, devint à Londres la maîtresse du Prince-régent, de qui elle eut une fille, puis la maîtresse du duc d’Orléans, pour qui elle vint d’Angleterre en France.

1901. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Nous serions, en vérité, la plus légère et la plus ingrate des nations, si Béranger était un sujet qu’il ne fallût désormais aborder qu’en hésitant, et pour lequel on eût à demander grâce.

1902. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Et Gœthe faisait l’application de son idée à des talents en vue, à Mérimée qui montrait tant de maturité dans cette première œuvre de Clara Gazul ; et il cherchait un autre exemple saillant dans Béranger, non plus jeune, mais plein de grâce, d’esprit, d’ironie fine, bien que sorti d’une classe vulgaire.

1903. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Je veux te parler… » C’est assez vif, c’est sobre et assez fin : cela ne manque ni de grâce ni d’une naïveté assez heureuse.

1904. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Je fais grâce de l’horrible et acharnée description, à laquelle il ne manque ni les songes et les hallucinations des affamés moribonds, ni aucun des symptômes pathologiques rigoureusement observés en pareil cas, ni, au moral, les hideuses révélations de tendresse qui se déclarent à l’heure suprême entre les Hercule et les Hylas de ces bandes dépravées : de fait, après une pareille extermination, complétée par l’irruption et le choc des éléphants numides, la guerre est finie ; on a le bouquet.

1905. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Nous avons moins sujet de leur envier ces grâces domestiques, puisque nous avons les lettres de Ducis.

1906. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Grâce à je ne sais quel arrangement particulier conclu dans l’intervalle entre la France et l’électeur de Cologne (en même temps évêque de Liège), la France garda Dinant, et, au lieu d’une place, elle en eut deux.

1907. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il enfile et défile ses preuves d’un bout à l’autre, depuis la première jusqu’à la dernière ; il ne fait grâce d’aucun développement ; il les épuise, et il arrive ainsi à produire sur le public un effet incontestable.

1908. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Au point de vue moral complet et de l’expérience, ce qui peut sembler surtout avoir fait défaut à ces existences si méritantes, si austères, et ce qui, par son absence, a nui un peu à l’équilibre, ç’a été de toutes les sociétés la plus douce, celle qui fait perdre le plus de temps et le plus agréablement du monde, la société des femmes, cette sorte d’idéal plus ou moins romanesque qu’on caresse avec lenteur et qui nous le rend en mille grâces insensibles : ces laborieux, ces éloquents et ces empressés dévoreurs de livres n’ont pas été à même de cultiver de bonne heure cet art de plaire et de s’insinuer qui apprend aussi plus d’un secret utile pour la pratique et la philosophie de la vie.

1909. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Certes, s’il ne s’agit que d’apprécier les ressources et la portée du génie individuel, l’étendue de ressort qu’on lui pouvait supposer, les applications plus ou moins larges qui s’en pouvaient faire, nous dirons que M. de La Mennais dans son ordre, et M. de Lamartine dans le sien, ont témoigné une flexibilité, une vigueur ou une grâce, une amplitude en divers sens, que leurs premières œuvres ne démontraient pas.

1910. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Cette miss Nevil, avec sa grâce de jeune fille pourtant audacieuse, adoucit à point la couleur sans l’amollir ; un air de décence et de pureté virginale circule.

1911. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

De cette façon la science parfaite s’achèvera par une langue bien faite347  Grâce à ce renversement du procédé ordinaire, nous coupons court à toutes les disputes de mots, nous échappons aux illusions de la parole humaine, nous simplifions l’étude, nous refaisons l’enseignement, nous assurons la découverte, nous soumettons toute assertion au contrôle, et nous mettons toute vérité à la portée de tout esprit.

1912. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Il n’a pas le sens de l’art, si l’on entend par là l’adoration des formes harmonieuses et fines : la grâce souveraine de l’être équilibré dans sa perfection, la calme aisance dont il se possède en jouissant de soi, ne semblent pas l’avoir touché.

1913. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Ils ne nous font pas grâce d’une des conclusions de leur expérience.

1914. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Renan941 a le charme, la grâce, l’imagination, l’ironie, la souplesse délicieuse de l’intelligence, la richesse éblouissante des idées : peintre exquis de paysages, pénétrant analyseur d’âmes, penseur profond ; ce sont qualités et séductions que nul ne conteste à son œuvre.

1915. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Pierre Laffitte délibère : « Il faut s’habituer à regarder la croyance en Dieu comme incompatible avec toute fonction publique. » On proclame dans les réunions publiques : « Aucune entité ne doit trouver grâce devant la froide critique — aucune — même pas la Patrie ! 

1916. (1890) L’avenir de la science « XVI »

La religion a toujours été en France une sorte de roue à part, un préambule stéréotypé, comme Louis par la grâce de Dieu, n’ayant aucun rapport avec tout le reste et qu’on ne lit pas, une formule morte.

1917. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

A Sully Prudhomme55, elle apparaît, dévoilée et comme déflorée par la science, sous des traits durs et rigides : La nature n’est plus la nourrice au grand cœur ; Elle n’est plus la mère auguste et bénévole, Aimant à propager la grâce et la vigueur,   Celle qui lui semblait compatir à la peine, Fêter la joie, en qui l’homme avait cru sentir Une âme l’écouter, divinement humaine, Et des voix lui parler, trop simples pour mentir.

1918. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Ses lèvres avaient toujours leur arc attique et leur grâce ferme, passant aisément du sourire à la menace.

1919. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Portalis faisait de cette affreuse époque de la veille un tableau vrai, avec des traits tirés de Tacite ; il ajoutait avec une observation fine qui n’était qu’à lui : On poursuivait les talents, on redoutait la science, on bannissait les arts ; la fortune, l’éducation, les qualités aimables, les manières douces, un tour heureux de physionomie, les grâces du corps, la culture de l’esprit, tous les dons de la nature, étaient autant de causes infaillibles de proscription… Par un genre d’hypocrisie inconnu jusqu’à nos jours, des hommes qui n’étaient pas vicieux se croyaient obligés de le paraître… On craignait même d’être soi ; on changeait de nom ; on se déguisait sous des costumes grossiers et dégoûtants ; chacun redoutait de se ressembler à lui-même.

1920. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Oui, sans doute, on le sent bien à la lecture, il a manqué quelque chose à cette éloquence ; cet œil ne lançait point d’étincelles ni d’éclairs ; cette voix n’avait point d’éclats sonores, ni de ce qui vibre à distance ; mais du moins un sentiment juste, équitable, pénétré, animait cette gravité douce et abondante ; une imagination tempérée y jetait plutôt de la lumière que de la couleur ; parfois la finesse et une certaine grâce d’ironie n’y manquaient pas ; l’humanité surtout, avec la justice, en était l’âme, et cet orateur au ton sage avait en lui toutes les piétés.

1921. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Franklin, vieux, lisait peu les poètes ; il en est un pourtant qui, par son naturel, sa grâce simple, et la justesse de ses sentiments, sut trouver le chemin de son cœur : c’était William Cowper, l’humble poète de la vie morale et de la réalité.

1922. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Mais quand La Fontaine n’était pas dans sa veine de composition, quand il était arrêté sous le charme auprès de quelqu’une de ces femmes spirituelles et belles qu’il a célébrées et qui savaient l’agacer avec grâce, quand il voulait plaire enfin, tenez pour assuré qu’il avait tout ce qu’il faut pour y réussir, au moins en causant.

1923. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Quant à leur grâce, c’est l’aurore même.

1924. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Quoi qu’il en soit, le lecteur d’Horace est un homme sur qui ses premières études, grâce à telle circonstance ou à telle autre, grâce à l’abstention de ses professeurs à l’égard de la littérature antique, ou grâce, au contraire, à un professeur exceptionnel qui savait faire goûter les auteurs anciens, ont eu une influence très forte et très prolongée.

1925. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Nous causerons, et, s’il se dit quelque chose d’utile, vous en ferez ce qu’il vous plaira. » Le soir venu, il me prit la main avec sa grâce ordinaire, m’installa dans un fauteuil, me versa du thé, m’avertit d’en boire beaucoup, disant qu’il voulait me tenir éveillé, qu’il en avait besoin, qu’il allait faire le professeur, que c’était la première fois de sa vie, et que d’avance il m’en demandait pardon. « Je ne vous parlerai que d’analyse.

1926. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Grâce au pouvoir magique des sons, leurs âmes s’étaient un moment confondues dans l’étreinte d’un même sentiment de sympathie profonde. […] Ce badinage plutôt lourd, voilà sans doute ce que Nietzsche entendait, en 1888, par la gaya scienza, les pieds légers, la plaisanterie, le feu, la grâce, la grande logique, la danse des étoiles, l’insolente spiritualité, le frisson de lumière du Sud, dont il parle avec une affectation si parfaitement germanique ! […] Ce qui ne l’empêche pas de nous donner ailleurs, sur les mêmes maîtres et d’autres, des aperçus d’une subtilité et d’une grâce enchanteresses. […] Les philosophes ont des grâces d’état : ils peuvent énoncer impunément des choses qu’ils croient très profondes et qui ne résistent pas à une analyse sommaire. […] Mozart a une vivacité, une grâce naturelle, une ironie délicate et frondeuse, incompatibles avec l’esprit pieux et soumis de Racine et qui appartiennent bien plus aux artistes de la fin du xviiie  siècle.

1927. (1927) André Gide pp. 8-126

Dans le faire même de ce beau récit, des grâces piquantes et des ironies légères rappellent un peu par instants la manière d’Anatole France. […] Je crois qu’il faisait bien, et le fameux détachement ne me semble pas avoir très bonne grâce sur ce point, lorsque après tout on s’est voué au même culte, comme c’est le cas de l’auteur d’Incidences, qui n’est pas non plus un « amateur ». […] Il ne nous fait grâce ni d’un oncle, ni d’une cousine.

1928. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Addison, puis lady Giffard, une amie de vingt ans, lui ayant manqué, il refusa de les reprendre en grâce, s’ils ne lui demandaient pardon. […] Avec la même grâce et le même style, il tempêtera contre son cocher en pleine rue, dans le royaume dont il est gouverneur, et tout cela sans conséquence, parce que la chose est dans son naturel et que tout le monde s’y attend. […] Jusque dans son journal à Stella, il y a une sorte d’austérité impérieuse ; ses complaisances sont celles d’un maître pour un enfant. —  Ni la grâce ni le bonheur d’une jeune fille de seize ans ne l’amollissent986.

1929. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

. — Il a la grâce, la délicatesse et la mélancolie. — Il a aussi l’ironie légère. — Pourquoi la flamme de ses poésies latines n’a-t-elle pas passé dans ses vers français ? […] Graux : « la traduction d’Amyot possède une véritable valeur philologique ». — Que ce point est d’ailleurs ici secondaire ; — et que ce qui nous importe, c’est la forme du Plutarque d’Amyot. — Naïveté, naturel, grâce et force de la traduction d’Amyot. — Comparaison de quelques endroits d’Amyot avec les endroits correspondants de Rabelais [dans son Pantagruel, III, chap.  […] La tragédie l’emporte, grâce à la Poétique de Scaliger, 1561 ; — grâce à la popularité des tragédies de Sénèque ; — et grâce enfin au succès du Plutarque d’Amyot.

1930. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Ce bijou de dialogue rappelle, par l’esprit, la vivacité, l’étincellement, cet autre bijou : le Dialogue de l’esprit fort et d’un capucin, par le prince de Ligne, qui, lui, a sur Diderot l’avantage du christianisme, et qui soufflette avec tant de grâce les idées impies avec lesquelles Diderot se donne des airs et a l’impertinence de badiner. […] Son Jacques le fataliste est, doctrine à part, le Tristram Shandy de Sterne, sans l’adorable génie de Sterne, sans les grâces de son récit, sans l’oncle Tobÿ, sans le caporal Trim. […] quand on a lu attentivement Diderot, quand on sort de la cahotante lecture de ses œuvres, on ne peut pas lui demander ce qu’il n’a pas ; on ne peut pas lui reprocher de n’avoir point mis dans ses lettres ce qu’il n’a pas mis dans ses livres : la grâce, l’élégance, la souplesse, la sveltesse, la délicatesse, la finesse, la distinction naturelle, l’émotion naïve, aucune enfin de ces qualités patriciennes inconnues à sa nature de bourgeois, aucun des mille charmes de ceux-là qui ont le talent de la lettre, qui n’est pas le talent des lettres, car ces deux talents peuvent être séparés comme ils peuvent être réunis.

1931. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Il y a d’ailleurs dans toutes ces lettres bien de l’amabilité et de la grâce ; celle par laquelle il réclame de Mme de Charrière son audience de congé, à son passage de Lausanne à Berne, est d’un tour léger, à demi coquet, qui trahit un certain souci de plaire. […] Ce 14 septembre 1789. » La réponse ou le projet de réponse qu’elle lui adressait est sous nos yeux, sur le papier même et au revers de la lettre d’injure : « Faites-moi la grâce de me dire si vous êtes bien ingrat et bien mauvais, ou si vous n’êtes qu’un peu fou. […] Celle lettre est très-peu connue en France ; elle peint déjà le Benjamin tel qu’il sera un jour, avec sa légèreté, sa mobilité d’émotions, ses instincts de joueur et de moqueur, et aussi avec toute sa grâce. […] Grâce au ciel, le plan de Ferrand est inexécutable.

1932. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Les dames finirent par demander grâce… Quand on rapporta les lumières, deux d’entre elles étaient évanouies sur les divans ! […] Fulgence Girard est un des jeunes poètes de France dont le talent a le plus de grâce et de force à la fois, qualités qui s’excluent moins dans l’ordre moral que dans l’ordre physique, comme vous savez. […] Je l’ai entendue tenir avec infiniment de grâce et d’esprit, la conversation qui pivotait autour d’elle. […] Méry, qui avait mis une grâce inimaginable à nous montrer son vestiaire, comme il l’appelle, mon compagnon me raconta une petite anecdote qui lui revenait en mémoire au sujet du dernier voyage de M. 

1933. (1932) Le clavecin de Diderot

Celui qui n’a point assez de violence pour l’exercer à ses dépens, priera quelque principe céleste et vengeur, de lui accorder la grâce d’une petite torture. […] Grâce à cette coïncidence, il a retrouvé la trace d’Electre, sa sœur, il a retrouvé la trace de la femme qu’il avait assassinée en la personne de Clytemnestre. […] Ainsi, croyais-je, de par la grâce d’un arbre chimérique, renier un monde juste bon à être renié. […] Et ce fils se prête à ce petit jeu, d’aussi bonne grâce qu’Isaac suivit son père Abraham au bûcher et Jésus consentit à la crucifixion.

1934. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Jamais une larme dans mes yeux, d’ailleurs, je criais mais je ne pleurais pas ; je me défendais, mais je n’avais aucunement l’idée de demander grâce, ni de m’humilier. […] Je crus qu’on allait le tuer, qu’il demandait grâce, et je m’enfuis en courant, cette fois, pour ne pas voir. […] J’avais bien, tout d’abord, écouté attentivement l’histoire religieuse ; la toute-puissance, les grâces accordées, à qui les demandait d’un cœur fervent et en ayant la foi, m’intéressaient surtout, mais, au point de vue pratique. […] Moins timide maintenant, elle le portait avec plus de grâce, mais c’était en novembre, et elle grelottait un peu. […] C’est une gymnastique excellente qui vous donnera de la grâce et vous apprendra à marcher ; c’est, pour cette raison que j’ai cédé.

1935. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Ils l’envoient chez le perruquier qui la frise ou la lisse selon le goût du jour ; et cette mentalité postiche, de quelle grâce ils la campent sur leur crâne rasé comme la table des philosophes. […] Mais selon une autre image, je songe au dépouillement du vin qui, délivré de ses parties troubles, de ses vaines fumées, de ses fasses couleurs, se retrouve, quelque jour, gai de toute sa grâce, fier de toute sa force, limpide et souriant ainsi qu’une rose nouvelle. […] C’est par sa grâce que se développe chez les poêtes d’entre Malherbe et Racine un certain goût des choses de la nature, c’est dans l’Astrée que Jean-Jacques, avant de vivre par lui-même, commença l’éducation de sa sensibilité, et il lui en resta toujours quelque chose. […] La journée qui aura des lendemains plus riches est délicieuse dans la grâce de la lumière rajeunie. […] Il est d’ailleurs difficile d’oublier que ces deux mots sont latins, et qu’à leur suite vient un cantique d’action de grâces qui a une fonction liturgique.

1936. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Non certes, à moins qu’on ne pense qu’une mouche a de la grâce sur la joue d’un colosse, ou qu’une jolie femme au sommet de la tour Eiffel ajoute quelque chose à l’effet du monument. […] Ayant écrit ses vers badins entre deux invasions du pédantisme, il nous apparaît comme l’héritier et le sauveur du dépôt sacré de la grâce et de la gentillesse françaises. […] Aristophane, dont Platon disait que les Grâces avaient élu domicile dans son âme, fut, je n’ai garde d’en douter, un très grand poète, dont quelques gens de savoir et de goût sont capables de sentir à fond le mérite. […] Tous les critiques contemporains ont senti et ont regretté ce qu’un souci excessif des vérités de la philosophie ôte à la poésie du noble penseur Sully-Prudhomme de couleur brillante et de grâce légère. […] Grâce à l’épigramme de Racine, le monde se souviendra toujours que « Leclerc et son ami Goras » ont fait une Iphigénie.

1937. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Grâce au jeu de M.  […] Grâce à la communication si fine et si pénétrante de M.  […] Truffier, avec bonne grâce, mais avec peu de verve ; dans de mauvaises conditions d’ailleurs. […] Anatole France, avec beaucoup de bonne grâce, disait, l’autre jour, que cela tient à ce que, de nos jours, ce sont les critiques qui ont des idées, de grandes idées, de belles idées. […] Mais ils en prenaient leur part de bonne grâce.

1938. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il savait qu’une émotion sincère, exprimée sans surcharge, intéressera toujours le lecteur, j’entends celui qui vaut qu’on l’estime, plus que toutes les grâces du style et toutes les curiosités du pittoresque. […] Mais, comme toujours, c’est de côté maternel que sa grâce est venue à l’enfant. […] Ils étaient en proie à cette inquiétude du cœur, grâce et faiblesse des personnalités féminines et de celles qui leur ressemblent. […] C’est l’individuel et le particulier qui le préoccupe, et, par-dessus cette minutieuse investigation, il fait planer un certain Idéal de règle esthétique, grâce auquel il conclut et nous contraint de conclure. […] Il est aussi une grâce spéciale aux femmes de chacune de ces villes, et quand Beyle entra pour la première fois à Milan, quelle liberté intacte des mœurs !

1939. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Ce que le roi a de mieux à faire, c’est de ne pas leur donner lieu de s’unir et de s’entendre pour traiter avec lui ; c’est de les lasser et d’avoir bon marché de chacun en détail, en les laissant se diviser et achever de se morceler de plus en plus : Tant qu’enfin étant tous mal contents les uns des autres, et désespérés de leurs impertinents desseins, il faudra que tout ce qu’il y a de Français parmi eux se vienne jeter entre vos bras par pièces et lopins, comme vous devez désirer, ne reconnaissant que votre seule royauté, ne cherchant protection, appui ni support qu’en elle, ni n’espérant d’obtenir bienfaits, dignités, charges, offices ni bénéfices que de votre seule grâce et libéralité.

1940. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Tous les entretiens ordinaires des compagnies étaient des discours sur les sacrements, sur la grâce et sur les cérémonies, les dames même et les artisans ayant les épîtres de saint Paul à la bouche, et avec cela des invectives contre le pape et le Saint-Siège.

1941. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Le défaut de Duclos, dans ce monde élégant qui en souffrait quelquefois, est très finement noté par M. de Forcalquier : Ce qui lui manque de politesse, dit-il, fait voir combien elle est nécessaire avec les plus grandes qualités : car son expression est si rapide et quelquefois si dépourvue de grâce qu’il perd, avec les gens médiocres qui l’écoutent, ce qu’il gagne avec les gens d’esprit qui l’entendent.

1942. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Avec le Régent, on entra, en effet, dans le régime de la plaisanterie et de l’esprit qui ne respectait rien ; les premiers en dignité se moquaient d’eux-mêmes et des grâces qu’ils dispensaient et des efforts qu’on faisait pour les mériter, de ce qu’il y avait de plus sérieux dans le métier de politique, des choses de la religion et de celles de l’État : comment l’irrévérence n’eût-elle point gagné à l’entour ?

1943. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Tous ces menus détails de la vie intime, dont l’enchaînement constitue la journée, sont pour moi autant de nuances d’un charme continu qui va se développant d’un bout de journée à l’autre : — le salut du matin qui renouvelle en quelque sorte le plaisir de la première arrivée, car la formule avec laquelle on s’aborde est à peu près la même, et d’ailleurs la séparation de la nuit imite assez bien les séparations plus longues, comme elles étant pleine de dangers et d’incertitude ; — le déjeuner, repas dans lequel on fête immédiatement le bonheur de s’être retrouvés ; — la promenade qui suit, sorte de salut et d’adoration que nous allons rendre à la nature, car à mon avis, après avoir adoré Dieu directement dans la prière du matin, il est bon d’aller plier un genou devant cette puissance mystérieuse qu’il a livrée aux adorations secrètes de quelques hommes ; — notre rentrée et notre clôture dans une chambre toute lambrissée à l’antique, donnant sur la mer, inaccessible au bruit du ménage ; en un mot, vrai sanctuaire de travail ; — le dîner qui s’annonce non par le son de la cloche qui sent trop le collège ou la grande maison, mais par une voix douce qui nous appelle d’en bas ; la gaieté, les vives plaisanteries, les conversations brisées en mille pièces qui flottent sans cesse sur la table durant ce repas : le feu pétillant de branches sèches autour duquel nous pressons nos chaises après ce signe de croix qui porte au ciel nos actions de grâces ; les douces choses qui se disent à la chaleur, du feu qui bruit tandis que nous causons ; — et, s’il fait soleil, la promenade au bord de la mer qui voit venir à elle une mère portant son enfant dans ses bras, le père de cet enfant et un étranger, ces deux-ci un bâton à la main ; les petites lèvres de la petite fille qui parle en même temps que les flots, quelquefois les larmes qu’elle verse, et les cris de la douleur enfantine sur le rivage de la mer ; nos pensées à nous, en voyant la mère et l’enfant qui se sourient ou l’enfant qui pleure et la mère qui lâche de l’apaiser avec la douceur de ses caresses et de sa voix, et l’océan qui va toujours roulant son train de vagues et de bruits ; les branches mortes que nous coupons dans le taillis pour nous allumer au retour un feu vif et prompt ; ce petit travail de bûcheron qui nous rapproche de la nature par un contact immédiat et me rappelle l’ardeur de M. 

1944. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Ce que j’ose affirmer, c’est que cette Correspondance, à qui daignera la lire d’un bout à l’autre et voudra bien ne pas trop s’appesantir sur le commencement ni sur la fin, paraîtra respirer dans son ensemble la bonté et la gaieté, et aussi bien souvent la grâce.

1945. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Et M. de Rémusat, mûr dès la jeunesse, et Ampère, mobile d’humeur,« changeant comme avril » et Albert Stapfer, l’élève de Guizot, passé plus tard à Carrel ; et Sautelet au visage jeune, au front dépouillé qui attendait la balle mortelle ; et Duvergier de Hauranne, esprit net, perçant, ardent alors à toute question littéraire (je suis toujours tenté de lui demander grâce en politique au nom des amitiés de ce temps-là) ; et Artaud, jeune professeur destitué et promettant un littérateur ; et Guizard plus intelligent et plus discutant que disert, et Vitet dont le nom dit tout, et l’ironique et bon Dittmer, le demi-auteur des Soirées de Neuilly, si supérieur à Cavé ; et Dubois, du Globe si excité, si excitant, qui a commencé tant d’idées et qui, en causant, n’a jamais su finir une phrase ; et Paul-Louis Courier, aux cheveux négligés, qui apparaissait par instants comme un Grec sauvage et un chevrier de l’Attique, — large rire, rictus de satyre, et qui avait du miel aux lèvres ; — et Mérimée, dont M. 

1946. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Ducis, avec qui il avait quelque parenté de talent et d’origine, a dit dans un portrait qu’il a donné de lui : « Il aimait passionnément Molière, Montaigne et Shakespeare ; il y trouvait ce fonds immense de naturel, de raison,  de force, de grâce, de variété, de profondeur et de naïveté qui caractérise ces grands hommes ; aussi, était-il né avec un sens exquis et une âme excellente : c’était tout naturellement qu’il voyait juste, comme c’était tout bonnement qu’il était bon. » On est sous Louis XVI, aux premières et belles années, sous un jeune roi plein de mœurs et de bon sens.

1947. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Certains corps religieux ont eu, de tout temps, l’art d’élever et de captiver les jeunes esprits : ils ne négligent rien pour cela, ni les méthodes nouvelles, ni les études variées, ni même l’agrément et les grâces : tout est bon pour prendre les enfants du siècle.

1948. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

« La constance des sages n’est qu’un art avec lequel ils savent enfermer leur agitation dans leur cœur. » La générosité n’est que le désir de se donner le rôle où l’on se trouve le plus grand, le plus à sa gloire ; ou, comme il le dit avec sa subtilité profonde, « c’est un industrieux emploi du désintéressement pour aller plus tôt à un plus grand intérêt. » La magnanimité n’est qu’un trafic plus grand et plus hardi que les autres : « La magnanimité méprise tout, pour avoir tout. » Ou encore (et ceci, je le crois, est inédit en effet) : la magnanimité, c’est « le bon sens de l’orgueil et la voie la plus noble pour recevoir des louanges. » Les plus humbles vertus, après les grandes, y passent à leur tour ; pas une ne trouve grâce devant lui.

1949. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Villars de son lit de souffrance, envoyant au roi des drapeaux pris sur l’ennemi, put écrire sans trop de fanfaronnade : « Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits. » Ce qui reste vrai et ce qui est reconnu pour exact par les historiens militaires et les gens du métier les plus compétents, c’est que Villars, avec une armée inégale, recevant d’une telle vigueur le choc de ces énormes forces combinées des généraux alliés, et leur mettant plus de trente mille hommes hors de combat, garantit cette année-là nos frontières et obligea la Coalition à de nouveaux efforts qui demandaient du temps.

1950. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

. — La Bruyère seul (cela est à noter) obtient grâce et lui plaît de prédilection entre tous les auteurs dits du grand siècle. — Mais, pour la plupart du temps, ses vrais goûts sont ailleurs : Shakespeare, Gœthe, Heine, peuplent son ciel et sont ses dieux ; il sent plus volontiers le chef-d’œuvre étranger que le chef-d’œuvre national.

1951. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Quiconque a reçu la faculté de sentir et de penser ne peut nier cette mystérieuse assertion ; mais quiconque aussi voudra prouver l’existence de Dieu ne pourra l’expliquer qu’à l’aide d’arguments que je m’abstiens de qualifier, parce que toutes les croyances doivent être inviolables, et qu’elles sont toutes sacrées pour moi tant qu’elles ne me sont point imposées. » Les religions, on le voit, y sont respectées dans leur formes et honorées dans leur principe : « Je crois que toutes les religions sont bonnes, je crois que, hors le fanatisme, toutes les erreurs des cultes obtiendront grâce devant Dieu, car notre ignorance est aussi son ouvrage… J’adopte toutes les idées religieuses qui peuvent élever l’esprit, je rejette celles qui le rétrécissent ; et s’il fallait décider entre toutes les religions établies celle qui me paraîtrait la meilleure, je répondrais : — La plus tolérante. » À un endroit où le fils abandonné se suppose forçant enfin la destinée par sa vertu, parvenant à percer par ses œuvres, et méritant que sa mère revienne s’offrir à lui comme fit un jour la mère de D’Alembert au savant déjà illustre, il y a une apostrophe pieuse, un mouvement dans le goût de Jean-Jacques : « Dieu !

1952. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Du reste, je ne t’en fais pas mon compliment : elle est sans grâce, affectée.

1953. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

La satire en personne s’est exécutée de bonne grâce et s’est mise en frais pour louer la vertu.

1954. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

C’était un homme doux, gai, salé, sans vouloir l’être, et qui répandait naturellement les grâces dans la conversation ; très-sûr et extrêmement aimable… » Quand on a le bonheur d’avoir quelques lignes tout à fait particulières de la main d’un tel homme, et qui nous rendent le fond de son jugement, comment se plaire à le déprimer ?

1955. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Et toutefois, malgré ces excès, ces abus et ces prétentions dont je ne lui ai pas fait grâce, le comte de Clermont ne saurait passer pour un des violents de sa maison, et en général tout le monde rendait témoignage de sa douceur et de son affabilité.

1956. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Le dernier et le plus remarquable poëme de Jasmin, l’Aveugle de Castel-Cuillé, offre, plus qu’aucun des précédents, le caractère de sensibilité et de pathétique au milieu des grâces conservées d’une muse légère.

1957. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Le salon de Mme de Duras, sa personne, son ascendant, tout ce qui s’y rattache, exprime, on ne saurait mieux, l’époque de la Restauration par un aspect de grande existence encore et d’accès à demi aplani, par un composé d’aristocratie et d’affabilité, de sérieux sans pesanteur, d’esprit brillant et surtout non vulgaire, semi-libéral et progressif insensiblement, par toute cette face d’illusions et de transactions dont on avait ailleurs l’effort et la tentative, et dont on ne sentait là que la grâce.

1958. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Comme avec les nobles il comprend les anoblis, et que depuis deux siècles les magistrats, depuis un siècle les financiers ont acquis ou acheté la noblesse, il est clair qu’on y trouve presque toutes les grandes fortunes de France, anciennes ou nouvelles, transmises par héritage, obtenues par des grâces de cour, acquises dans les affaires ; quand une classe est au sommet, elle se recrute de tout ce qui monte ou grimpe.

1959. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

« L’âge même de Galba était un texte de dérision et d’impopularité pour ceux qui étaient accoutumés à la jeunesse de Néron, et qui, suivant le préjugé du vulgaire, ne jugeaient de leur maître qu’à la beauté et à la grâce du corps.

1960. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Augier ; à ce compte, le journalisme lui doit encore des actions de grâces.

1961. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

que le souffle de Platon semble donc loin, et que sa grâce divine est envolée !

1962. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Quoi qu’il en soit de son rêve, ce fut d’abord par ses observations de finesse et de grâce qu’il gagna le cœur de cette société aristocratique à laquelle il avait toujours aspiré.

1963. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

En la peignant, le style de Rousseau s’adoucit et s’amollit avec grâce, et en même temps on découvre aussitôt un trait, une veine essentielle qui est en lui et dans toute sa manière, je veux dire la sensualité.

1964. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Ce titre, cette qualification de roi qui ne fut donnée qu’au fils du Grand Électeur, et comme par grâce, semblait plutôt avoir diminué le nom prussien qu’elle ne l’avait rehaussé.

1965. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

On ne saurait dire, toutefois, qu’il ait méconnu ni encore moins calomnié Catherine, celui qui traçait d’elle dès l’abord ce mémorable et vivant portrait : Sa taille est agréable et noble ; sa démarche fière ; sa personne et son maintien remplis de grâces.

1966. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Quand vinrent les querelles de la Sorbonne sur la grâce, dont tout le monde parlait sans y rien entendre, Charles et Claude Perrault et quelques autres amis voulurent « savoir à fond de quoi il s’agissait ».

1967. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Elle les faisait valoir avec une sorte de grâce familière et brusque, qui n’excluait pas un souvenir d’élégance.

1968. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Mais dans le nom de Montausier, qui vient le dernier à titre d’espoir et de vœu, la malice avec un coin de grâce reparaît.

1969. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Grâce à une longue évolution des organismes, on voit aujourd’hui se produire les résultats suivants : 1° l’élément affectif du plaisir ou de la douleur s’ajoute aux impressions sensibles ou s’en retranche sans modifier, en apparence, l’état représentatif et perceptif.

1970. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Grâce à l’organisation du cerveau, produit de l’accumulation des siècles, chaque impression vient d’elle-même se placer dans sa case, qui à son tour vient se placer dans une case plus grande, et celle-ci dans une autre, comme par un emboîtement successif.

1971. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

J’admirais l’adresse, la grâce, avec laquelle ces hommes jonglaient, dans le noir de la nuit tombante, avec les méandres du fer, avec les rubans de feu, passant du rouge à l’orangé, de l’orangé au cerise.

1972. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

* * * — Aujourd’hui, pendant la messe de mort de Mme X…, je pensais à la beauté jolie de ses vingt-huit ans, au rosé de fleur de sa peau, à la grâce molle de sa taille, et je me revoyais, de quatorze à dix-sept ans, enfantinement amoureux d’elle, et tout heureux de me frotter à ses robes de mousseline blanche, de me trouver dans l’air où elle vivait.

1973. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Il y a donc une chose qui n’est pas celle que vous avez peinte, et une chose que vous avez peinte qui est entre le modèle premier et votre copie… mais où est le modèle premier… un moment, de grâce, et nous y viendrons peut-être.

1974. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Dans une introduction encore plus spirituelle qu’érudite, où il montre une aisance de généralisation qui est la grâce de la métaphysique, l’auteur de l’Histoire de la Comédie détermine, en maître, les conditions d’une pareille histoire, et il en indique les résultats.

1975. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Laissons sa capacité scientifique et un esprit qui a beaucoup de rapport, pour la souplesse et le mouvement, et la grâce même, avec l’esprit de Voltaire ; laissons sa vaste littérature et ce qui l’empêcha d’être complètement vil, sa bravoure au feu, ce sens de l’épée, qu’il avait tout comme un héros ; ne voyons que l’homme politique, qui dura si peu, et demandons-nous ce qu’il fût devenu s’il avait duré !

1976. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Mérimée, ce chat de palais, n’avait aucune des grâces de cet autre chat, — le chat de Bergame qu’on appelle Arlequin.

1977. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Inventeur ou non de la forme dont il s’est servi, il s’est joué dans cette forme avec tant d’aisance et de grâce, qu’il en a démontré, en s’y jouant, toute la supériorité.

1978. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il était de la race la plus distinguée des esprits, capable d’abstraction toute-puissante, avec la passion à côté, l’enthousiasme, toutes les grâces naïves et les noblesses de cœur qui font à un homme la plus belle aristocratie, et, malgré tout cela, c’est pourtant l’écrivain que, dans le silence dont nous nous plaignions pour lui au commencement de ce chapitre, un critique d’un talent aigu, mais épointé, ce jour-là, par le préjugé philosophique, n’a pas craint d’appeler « un marguillier ».

1979. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Il prépare les siens au deuil : « Prie le bon Dieu bien fort, chère petite femme, pour que le grand déclanchement qui ne peut tarder beaucoup désormais soit couronné de succès… Dis-toi que la souffrance est une grâce qui nous est offerte par Dieu et un bienfait pour qui sait en profiter.

1980. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Grâce à ces connaissances, quand je touche ce mur, je prononce qu’il est une substance, une cause, et qu’il dure comme moi.

1981. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

On a commencé, avec Duns Scot, par métamorphoser les rapports en substances, et l’on finit, comme les mystiques, par fabriquer des théories de la grâce et de l’illumination23.

1982. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Les préliminaires de la paix, voilà le seul fait accompli trouvant grâce devant ces hommes, en train de jeter tout à bas, et cela, sans qu’une voix proteste. […] Dans la jeune verdure et la flore des arbustes printaniers, ici des gardes nationaux couchés à côté de leurs armes, brillant au soleil, là une blonde cantinière versant à boire à un soldat, avec sa grâce parisienne, et à tout coin, et sous tout abri de feuillage, sur le drap militaire, des filtrées, des zigzags de couleur à la Diaz. […] Je me reproche la férocité de mon égoïsme et veux, dès le lendemain, aller chercher la pauvre fille restée dans ma maison, tout décidé à abandonner les choses à la grâce de Dieu. […] Tout est prêt pour le départ ; quand la pitié qui ne peut jamais abandonner l’homme, pousse quelques soldats de ligne, à promener leurs bidons au milieu des têtes de ces femmes, qui tendent une bouche altérée, dans des mouvements de grâce, et avec un œil espionnant le visage rébarbatif d’un vieux gendarme, qui ne leur dit rien de bon. […] Ce sont, dit-on, les coups de grâce donnés par un sergent de ville à ceux qui ne sont pas morts.

1983. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Helleu est avant tout, un croqueur des ondulations et des serpentements du corps de la femme, et il me disait qu’il avait chez lui, tout un arsenal de planches de cuivre, sa femme ne pouvant faire un mouvement qui ne fût de grâce et d’élégance, et dix fois par jour, il s’essayait à surprendre ces mouvements, dans une rapide pointe sèche. […] Et aussitôt, prenant la poste, il eut la bonne fortune, arrivé à Paris, de présenter, le 18 janvier, ses pois et ses roses au roi Louis XIV, par l’entremise de Bontems, qui lui fit la grâce de le mener, lui-même, au vieux Louvre. […] C’est le ménage Zola venant me remercier de l’accueil que leur fait Béhaine, et ne s’interrompant pas l’un et l’autre, dans l’effusion de leurs louanges, sur la bonne grâce et la bravoure de l’ambassadeur.

1984. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Le marquis remercia, hébété, comme un enfant qu’on soigne : — Mille grâces, monsieur le bourreau, fit Puyjoli, se voyant compris. […] Certes, ce n’est pas une œuvre qui se recommande par sa grâce et sa légèreté ; mais il n’y a pas, surtout aujourd’hui, place dans le roman que pour ceux qui ont ces deux qualités. […] Ce que Valentin voyait quand il marchait vers la lumière, c’était, dans un cadre de fleurs, une adorable tête de jeune fille, la vie et la grâce. […] Il continua ainsi sa tournée, passant avec grâce d’un spectre à l’autre et débitant sa leçon avec une mémoire imperturbable. […] J’ai tenu à citer ce morceau plein de charme et d’une grâce exquise à côté du superbe récit des cadavres de Saint-Michel.

1985. (1813) Réflexions sur le suicide

Vous pourriez, pour ainsi dire, gagner tout un peuple un à un, si chaque individu qui le compose avait le bonheur de s’entretenir un quart d’heure avec Vous, mais à côté de cette affabilité pleine de grâces, Votre mâle énergie Vous attache tous les caractères forts. […] — Oui, reprit-il encore. — Achevez de grâce, lui dis-je.

1986. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

D’abord, ils n’en sont que les échos, je ne dis pas les imitateurs ; et les préceptes qu’ils répètent après lui, en leur donnant plus de grâce, ne viennent pas de leur propre génie. […] Je ne parle pas de cette philosophie qui écrivait en vers et conservait, au grand préjudice de la pensée, les indécisions de la poésie, sans en garder les grâces.

1987. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Cette conception est en harmonie parfaite avec nos idées religieuses, d’après lesquelles nous sommes sauvés non seulement par notre propre force, mais aussi par le secours de la grâce divine. […] Nous avons prouvé qu’excepté sous le rapport de l’esprit épistolaire et de la grâce légère des poésies fugitives, Voltaire lui-même ne pouvait supporter la comparaison avec l’auteur de Faust.

1988. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« — Maintenant, très-noble Volkêr, je rends grâces au Dieu du ciel. […] L’Allemagne, l’Angleterre, la France, depuis Milton, Voltaire et Klopstock (Paradis perdu, Henriade, Messiade) ne l’égalent pas, si ce n’est en élégance de style moderne, mais comme force, grâce, naïveté, héroïsme et originalité des aventures, les Nibelungen selon moi dépassent tout.

1989. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Si, au surplus, pour faire vibrer, comme il convient, la note sentimentale, vous adjoignez à des types de forbans implacables le contraste de créatures angéliques, exposées aux pires infortunes et rachetées du mal par la grâce de leur innocence même, alors votre succès est assuré. […] Piquons au passage une anecdote instructive, uniquement pour nous rendre compte du degré d’aisance et de commodité auquel une grâce d’état spéciale leur permet de réduire le poids incommode des scrupules de l’art.

1990. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Bientôt après, son revenu s’accrut encore ; il refusa toujours à Stella cette grâce, ou plutôt cette justice. […] Pourquoi accrut-il par d’absurdes refus l’horreur de son agonie, et la laissa-t-il mourir désespérée, hors de la maison où elle avait le droit d’habiter, où elle lui demandait la grâce de mourir ?

1991. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Le Chansonnier des Grâces était le Moniteur officiel de ce sénat d’Horaces et d’Anacréons de restaurateur. […] Avec cette flexibilité de caractère qui est la faiblesse et la grâce de la jeunesse, il est naturel qu’il y ait admiré ces maîtres ; on comprend qu’il ait été possédé, au début, d’une certaine émulation pour rivaliser de jovialité et de gaudriole avec eux.

1992. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Dirigeant les choses humaines dans le sens des décrets ineffables de sa grâce, il avait établi le christianisme en opposant la vertu des martyrs à la puissance romaine, les miracles et la doctrine des pères à la vaine sagesse des Grecs ; mais il fallait arrêter les nouveaux ennemis qui menaçaient de toutes parts la foi chrétienne et la civilisation, au nord les Goths ariens, au midi les Arabes mahométans, qui contestaient également à l’auteur de la religion son divin caractère. […] Pour mieux comprendre ce droit, il entra dans l’étude du dogme ; cette étude devait le conduire plus tard à « chercher un principe du droit naturel qui pût expliquer les origines historiques du droit romain et en général du droit des nations païennes, et qui, sous le rapport moral, n’en fût pas moins conforme à la saine doctrine de la Grâce ».

1993. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Cependant le roi et Mme de Pompadour restaient mécontents de Bernis ; il recevait précisément dans le moment même le chapeau de cardinal ; il avait été comblé de faveurs et de grâces depuis deux ans ; nommé successivement abbé de Saint-Médard, abbé de Trois-Fontaines7, commandeur du Saint-Esprit, on pouvait s’étonner qu’il se lassât de servir justement à l’heure où il lui était difficile de rien obtenir de plus pour sa fortune.

1994. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Ce mémoire, qui n’a pas été mis en vente, mais qui a été donné et distribué en toute bonne grâce, est devenu comme le signal de ce mouvement de retour au xviie  siècle qui n’a fait que s’accroître et se développer depuis.

1995. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Son visage n’est pas beau, mais sa personne avec tout ce qui l’entoure est d’une grâce et d’une beauté admirables.

1996. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

On oublie que, par ces concours qu’elle ouvre à l’émulation des jeunes auteurs, l’Académie semble dire : « Jeune homme, avancez, et là, sur ce parquet uni, au son d’une flûte très simple, mais au son d’une flûte, exécutez devant nous un pas harmonieux ; débitez-nous un discours élégant, agréable, justement mesuré, où tout soit en cadence et qui fasse un tout ; où la pensée et l’expression s’accordent, s’enchaînent ; dont les membres aient du liant, de la souplesse, du nombre ; un discours animé d’un seul et même souffle, ayant fraîcheur et légèreté ; qui laisse voir le svelte et le gracieux de votre âge ; dans lequel, s’il se montre quelque embarras, ce soit celui de la pudeur ; quelque chose de vif, de court, de proportionné, de décent, qui fasse naître cette impression heureuse que procure aux vrais amis des lettres la grâce nouvelle de l’esprit et le brillant prélude du talent. » — Ainsi j’entends cet idéal de début académique, dont il ne se rencontre plus guère d’exemple.

1997. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

» Mais la vue de la récréation aux jours de fête, avec la division tranchée des trois groupes, est d’une belle observation morale et d’un effet lugubre, qui termine bien cette suite de tableaux : « Ces jours-là, après les grâces dites à l’église, les chartreux se promenaient dans le grand jardin, en formant trois groupes séparés : les vieillards excluaient leurs confrères au-dessous de quarante ans, et ceux-ci les confrères au-dessous de trente ; les jeunes erraient pour la plupart seuls, craignant de se communiquer leurs tristes et douloureuses pensées ; la tète baissée, ils regardaient la terre et me semblaient lui demander de se hâter de s’ouvrir pour eux.

1998. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Il parlait avec tant de grâce, tant de feu, tant de majesté, souvent une heure durant, il s’énonçait en si beaux termes, tantôt latins, tantôt français, et disait de si belles choses, si curieuses, si recherchées, que les gens qui n’étaient venus qu’à dessein de le critiquer (ils étaient sans doute en grand nombre) ne pouvaient s’empêcher d’admirer son érudition et de se récrier comme les autres sur sa mémoire.

1999. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Le sens moral et tendre de la danse exécutée par la danseuse arabe est interprété avec grâce, avec chasteté et mesure.

2000. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Continuons avec lui d’assister en idée à ce frais retour, à ce portrait parlant où tout respire le mouvement naïf et la grâce virginale : « Cette soirée-là fut pleine d’effusion.

2001. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

De son côté, don Diègue, après être allé se jeter aux pieds du roi pour conjurer la vengeance de Chimène et implorer la grâce de son fils, cherche partout ce fils devenu tout d’un coup invisible.

2002. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Coulmann, de ses inexactitudes, de ses fuites et peut-être de ses faux-fuyants ; elle le querelle, mais avec bonne grâce et cordialité.

2003. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Puis, après des élancements de pur amour, on devine des interruptions et des éclipses de grâce, des infidélités même confessées sous forme obscure.

2004. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Caliste, qui avait gardé ce nom pour avoir débuté au théâtre dans The fair Penitent, vendue par une mère cupide à un lord, était promptement revenue au repentir, et à une vie aussi relevée par les talents et la grâce qu’irréprochable par la décence.

2005. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

194 Ce mélange d’ironie, de familiarité, de grâce et d’enthousiasme, ne s’est jamais rencontré que dans Platon.

2006. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Sous leurs pinceaux, les accidents de la nature se transformèrent en esprits célestes : la Dryade se joua dans le cristal des fontaines ; les Heures, au vol rapide, ouvrirent les portes du jour ; l’Aurore rougit ses doigts, et cueillit ses pleurs sur les feuilles de roses humectées de la fraîcheur du matin ; Apollon monta sur son char de flammes ; Zéphire, à son aspect, se réfugia dans les bois, Téthys rentra dans ses palais humides, et Vénus, qui cherche l’ombre et le mystère, enlaçant de sa ceinture le beau chasseur Adonis, se retira avec lui et les Grâces dans l’épaisseur des forêts.

2007. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Grâce à lui et à quelques autres comme lui, la libre philosophie de notre âge a possédé dans son sein des vertus susceptibles d’être comparées à celles dont les religions sont le plus fières.

2008. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Musset n’a pas l’ampleur, la noblesse, l’abondance fluide et harmonieuse de Lamartine ; mais il a plus de grâce, d’esprit, de finesse, de passion.

2009. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Les Grâces posèrent sur ses tempes une couronne d’or, diadème royal et bestial, où le forgeron divin avait ironiquement ciselé « tous les animaux que nourrissent la terre et la mer ».

2010. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Dans une visite à Weimar, Napoléon voit l’illustre Goethe et se plaît à l’entretenir avec une grâce infinie : Après un repas splendide, dit M. 

2011. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

« Il n’aimait pas les Grecs, a dit quelqu’un, et les Grecs le lui ont bien rendu : il manque d’atticisme. » Il manque de grâce, de délicatesse et de charme.

2012. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

La langue est de cette manière légèrement antérieure à Louis XIV, qui unit à la grandeur un air suprême de négligence qui en fait la grâce.

2013. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise.

2014. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Ayant vu le cardinal Mazarin pour le remercier de sa grâce, il l’assure que ce séjour lui a fort donné à réfléchir sur sa mauvaise conduite, et qu’il a bien résolu d’éviter tout ce qui pourrait l’y faire remettre.

2015. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Tu me prêches sur la nécessité de plaire aux gens que l’on voit, et de faire des frais pour cela ; et, comme s’il ne tenait qu’à moi, tu m’y engages fort sérieusement et le plus joliment du monde : tu ne peux rien dire qu’avec grâce.

2016. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

L’objet de mon voyage lointain pourrait bien ne pas trouver grâce devant une piété sévère, et, si j’avais la dévotion et les scrupules de nos vieux pèlerins, peut-être me faudrait-il revenir une seconde fois aux saints lieux et faire un nouveau pèlerinage pour expier ce qu’il y a de mondain et de profane dans celui que j’achève maintenant.

2017. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Il n’a pas la grâce.

2018. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Le grand tort de Grimm envers Rousseau fut de l’avoir pénétré de bonne heure dans sa vanité et de ne pas lui avoir fait grâce.

2019. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Ce plié lent, les yeux baissés, la taille droite, et une manière de se relever en regardant alors modestement la personne, et en jetant avec grâce le corps en arrière ; tout cela est plus fin, plus délicat que la parole, mais très expressif comme marque de respect.

2020. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, ces végétations propres au gouffre, cette démagogie des nuées en plein ouragan, ces aigles dans l’écume, ces merveilleux levers, d’astres répercutés dans on ne sait quel mystérieux tumulte par des millions de cimes lumineuses, têtes confuses de l’innombrable, ces grandes foudres errantes qui semblent guetter, ces sanglots énormes, ces monstres entrevus, ces nuits de ténèbres coupées de rugissements, ces furies, ces frénésies, ces tourmentes, ces roches, ces naufrages, ces flottes qui se heurtent, ces tonnerres humains mêlés aux tonnerres divins, ce sang dans l’abîme ; puis ces grâces, ces douceurs, ces fêtes, ces gaies voiles blanches, ces bateaux de pêche, ces chants dans le fracas, ces ports splendides, ces fumées de la terre, ces villes à l’horizon, ce bleu profond de l’eau et du ciel, cette âcreté utile, cette amertume qui fait l’assainissement de l’univers, cet âpre sel sans lequel tout pourrirait ; ces colères et ces apaisements, ce tout dans un, cet inattendu dans l’immuable, ce vaste prodige de la monotonie inépuisablement variée, ce niveau après ce bouleversement, ces enfers et ces paradis de l’immensité éternellement émue, cet infini, cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, et alors cet esprit s’appelle génie, et vous avez Eschyle, vous avez Isaïe, vous avez Juvénal, vous avez Dante, vous avez Michel-Ange, vous avez Shakespeare, et c’est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l’Océan.

2021. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Grâce au ciel le grand roi n’a pas eu assez d’empire sur ce merveilleux génie pour polir et discipliner cette imagination biblique et orientale, naïve et sublime.

2022. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Grâce au combat perpétuel que tous les êtres vivants se livrent entre eux pour leurs moyens d’existence, toute variation, si légère qu’elle soit, et de quelque cause qu’elle procède, pourvu qu’elle soit en quelque degré avantageuse à l’individu dans lequel elle se produit en le favorisant dans ses relations complexes avec les autres êtres organisés ou inorganiques, tend à la conservation de cet individu et, le plus généralement, se transmet à sa postérité.

2023. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Une chose d’expression forte, un démoniaque qui se tord les bras, qui écume de la bouche, dont les yeux sont égarés, sera mieux senti de la multitude qu’une belle femme nue qui sommeille tranquillement et qui vous livre ses épaules et ses reins ; la multitude n’est pas faite pour recevoir toutes les chaînes imperceptibles qui émanent de cette figure, en saisir la mollesse, le naturel, la grâce, la volupté.

2024. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Assurément elle a dans l’esprit trop de grâce (c’en est une, en attendant l’autre) pour être jamais puritaine.

2025. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Grâce aux efforts d’un parti qui se croit l’Église militante, l’idée qu’exprime Saint-Chéron a pris consistance dans beaucoup d’esprits.

2026. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Jamais moquerie d’un sens plus profond et d’une grâce plus humoristique n’a fait plus amusante main basse sur cette philosophie si populaire en Allemagne qui tue Dieu au profit de l’homme, et fait de Nabuchodonosor, avant l’herbe, la seule réelle divinité.

2027. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Renan n’est guère bonne que pour des mandarins et des savants, et il en convient de bonne grâce.

2028. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Grâce à ce changement de sens, tout est retourné, réparé et démontré.

2029. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Grâce à la poésie et à la gloire, Pindare n’était pas compris dans cet anathème de sa ville natale.

2030. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il savait parfois descendre de sa hauteur solitaire ; il savait rire et plaisanter, non sans grâce. […] Il est donc convenu, de bonne grâce, que son roman péchait « en réunissant au suprême degré les deux grands défauts de l’école germanique, la naïveté maniérée et l’enthousiasme de la tête. » Et n’a-t-il pas fait mieux ? […] Grâce à Dieu, comme naguère Chateaubriand, il n’accomplit pas ce projet sinistre et eut recours à une solution moins violente ; il s’évada. […] Ironique action de grâces envers la Providence ! […] Au milieu de sa mélancolie, elle conserve son charme et sa grâce.

2031. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

« Moitié content, j’arrange :                                … le temps, Sur mon front large et pur que couronne la grâce Ces dix ans ont passé sans laisser plus de trace, Qu’un reflet d’hirondelle au miroir des étangs. « Large et pur me choque, il faut limpide à cause de miroir : Sur cette chair limpide, « et la fin du vers m’est donnée : frisson de la chair, frisson de l’eau :                       … où frissonne la grâce Ces dix ans, etc. […] Grâce à elle, le système s’est ébauché, mais une fois ébauché il n’a pu arriver à se constituer définitivement que sans elle. […] D’un côté l’innocence (bien relative), la gaucherie, l’inhabileté, la grâce, de l’autre l’adresse, l’habitude, la prudence, l’absence (relative encore) de naïveté, et une certaine corruption (en prenant le mot en son sens psychologique général). […] Mais sur ta chair limpide où frissonne la grâce......, etc.

2032. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

J’avais payé ces bonnes grâces d’un esprit supérieur par un portrait littéraire et par des articles de la Revue des deux mondes, à l’occasion de ses livres. […] M. de Musset qui est un poète de grand talent a jugé à propos d’affecter, à un certain moment, la négligence : cela peut être une grâce de plus chez lui, mais il faut la lui laisser et, en général, imiter le moins possible les défauts des autres, et même leurs qualités… CLXII Les amis jugés par les amis. — Au sortir d’une conférence de l’abbé Lacordaire, M. de Montalembert disait : « Quand on vient d’entendre ces choses, on sent le besoin de réciter son Credo !  […] quand l’élégance n’atteint pas la grâce, ce n’est rien du tout.

2033. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

« Pour passer le temps, je dirai à Votre Grâce un rêve que j’ai fait la nuit dernière. […] Certainement, après son latin, ceci est du bas-breton. » — Puis, au plus fort des malédictions des juges78 : « Au fait, et pas de phrases ; pas de grâce non plus. […] Bien plus encore, elle le sert auprès de la princesse Aréthusa qu’il aime ; elle justifie sa rivale, elle accomplit leur mariage, et pour toute grâce, demande à les servir tous deux89.

2034. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Il fut précédé d’une plainte particulière de Renaudot contre Gui Patin, lequel l’avait traité dans quelque préface latine avec sa bonne grâce ordinaire (nebulo, blatero, toujours le fripon et le polisson).

2035. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Il y a lieu de le relire, de lui rendre justice sur plus d’un détail, de sourire à ses finesses exquises et à ses grâces pleines de concert et de mignardise, mais non point de l’aller réhabiliter.

2036. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Il y avait tout à côté des réparations cependant et des hommages : « Celui, disait-il, qui a été aimé d’une femme sensible, douce, spirituelle et douée de sens actifs, a goûté ce que la vie peut offrir de plus délicieux. » Il avait dit encore (car M. de Meilhan n’oublie jamais ce qui est des sens) : « Un quart d’heure d’un commerce intime entre deux personnes d’un sexe différent, et qui ont, je ne dis pas de l’amour, mais du goût l’une pour l’autre, établit une confiance, un abandon, un tendre intérêt que la plus vive amitié ne fait pas éprouver après dix ans de durée. » Tout cela aurait dû lui faire trouver grâce, d’autant plus qu’il flattait les hommes moins encore que les femmes : « La femme, remarquait-il, est bien moins personnelle que l’homme, elle parle moins d’elle que de son amant : l’homme parle plus de lui que de son amour, et plus de son amour que de sa maîtresse. » — (Dans l’édition de 1789, l’auteur, en corrigeant, a supprimé çà et là quelques jolis traits.)

2037. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Je conçois que ces points-là ont pu nuire à mes ouvrages, parce que le monde ne s’élève pas jusqu’au degré où, s’il était juste, il trouverait abondamment de quoi se calmer et me faire grâce, au lieu qu’il n’est pas même assez mesuré pour me faire justice.

2038. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Et quand je me trouve avoir été cinq ans intendant de frontière, et avec assez d’approbation, puis quatorze ans au conseil, fort assidu et en bonne réputation d’intégrité, et que je joindrai à cela une connaissance des pays étrangers et des négociations, alors, si je mérite place dans quelque ministère, on ne dira pas que j’y suis promu comme tant d’autres, et je m’y soutiendrai plus aisément par la justice que par la grâce et la faveur.

2039. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Parlant des derniers rebelles qu’on réduisit, Villars laisse échapper un mot qui est bien d’un noble soldat : « Ravanel, dit-il, mourut de ses blessures dans une caverne ; La Rose, Salomon, La Valette, Masson, Brue, Joanni, Fidel, de La Salle, noms dont je ne devrais pas me souvenir, se soumirent, et je leur fis grâce, quoiqu’il y eût parmi eux des scélérats qui n’en méritaient aucune. » On sent, à ce simple mot de regret d’avoir pu loger de tels noms dans sa mémoire, le guerrier fait pour des luttes, plus généreuses et pour la gloire des héros, celui qui a hâte de jouer la partie en face des Marlborough et des Eugène.

2040. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Rigault a eu raison de louer (page 470) en les entendant redites de nos jours et retrouvées avec grâce par un homme de beaucoup d’esprit qu’il compare à M. de Tréville.

2041. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

» Henri IV a plus que le bon sens qui plante ses jalons sur la route ; il a l’éclair et l’illumination dans les périls, le rayon qui semble venir d’en haut : Les ignorants, conclut Du Fay, appelaient cela bonheur et félicité ; mais nous qui savons la vérité le devons nommer grâce et faveur de Dieu le grand monarque, le Dieu des batailles, et en tirer de là une conclusion nécessaire, que ce grand ouvrier ne fait rien à demi, et que, puisqu’il a si heureusement commencé son ouvrage en ce petit berger, il l’achèvera entièrement à sa gloire.

2042. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Vêtu avec magnificence, monté sur un cheval blanc richement caparaçonné, sa mine chétive et blême contrastait singulièrement avec celle de son jeune oncle, don Juan d’Autriche, qui était à sa gauche dans le cortège, et qui montrait à la foule, dans toute sa fleur de bonne grâce et d’audace, le futur vainqueur de Lépante.

2043. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Les Lettres de Balzac, en 1624, avaient produit une vive et agréable impression sur tout un cercle de lecteurs par la constante pureté de l’élocution, par un certain éclat de netteté, de grâce et de politesse, qui faisait dire à première vue : Que de fraîcheur !

2044. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Je laisse parler le capitaine Bernard : « Encore, dans cette misérable situation, s’il nous eût été permis de jouir d’un peu de liberté, nous eussions rendu grâces au ciel.

2045. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Lorsque, en 1827, à l’occasion du sujet proposé par l’Académie française, qui avait demandé le Tableau de notre littérature au xvie  siècle, quelques esprits curieux se portèrent plus particulièrement vers la poésie de ce temps-là, leur première impression fut la surprise : on leur avait tant dit que cette poésie, celle qui remplissait l’intervalle de Clément Marot à Malherbe, était barbare et ridicule, qu’ils furent frappés de voir, au contraire, combien elle l’était moins qu’on ne le répétait de confiance ; combien elle offrait, après un premier et rude effort, d’heureux exemples de grâce, d’esprit, et parfois d’élévation.

2046. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Et n’était-ce point, en effet, pour un esprit poétique et cultivé qui se sentait vieillir, un agréable et bien doux emploi des heures plus lentes, une bien aimable manie, que de se mettre ainsi à côté et sous l’invocation d’un Ancien, et, sous prétexte de lutter avec un maître et en s’en flattant, de s’appuyer sur lui, de vivre avec lui dans un commerce intime qui faisait pénétrer dans tous ses secrets de composition, dans toutes ses beautés et ses grâces de diction ?

2047. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Grâce aux promptes rivalités, aux défections, aux exigences, cet instrument dérouté se réfugie dans la musique et se sauve, comme il peut, par des traductions d’opéras italiens.

2048. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Mais la poésie, la grâce de son sujet, M.

2049. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Grâce à lui, l’histoire des premiers siècles de Rome est à refaire, ou mieux il demeure prouvé, je pense, qu’on ne saurait la refaire.

2050. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

La description du Bocage, dans le troisième chapitre, était toute de lui ; la préface en prévenait le lecteur, sans quoi on n’eût point songé à isoler le morceau, tant le tout se fondait avec goût et courait avec une grâce sévère.

2051. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Elle demanda pour toute grâce un prêtre fidèle à sa foi pour sceller sa mort du pardon divin.

2052. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Grâce aux modèles anciens, qu’il eut le mérite de comprendre et de sentir comme œuvres d’art, Boileau maintint la notion de l’art dans la littérature.

2053. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Des morts sortent du tombeau : le licencié Dominico Zapata, rôti à Valladodid l’an de grâce 1631, pose aux docteurs de l’Église soixante-sept questions subversives de la foi.

2054. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Combien il y a plus de mollesse et de grâce dans l’italien !

2055. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

* *  * Ce n’aura pas été le moindre prestige de cette physionomie complexe et si riche, que de s’être comme à demi idéalisée dans d’inappréciables persévérances méditatives, grâce auxquelles ce qu’elle a longtemps exprimé d’une vie intérieure aussi aride que résignée, a pu tout à coup nous apparaître susceptible d’une indéfinie perfectibilité.

2056. (1890) L’avenir de la science « II »

Il semble naturel de croire que la grâce vient d’en haut ; ce n’est que bien tard qu’on arrive à découvrir qu’elle sort du fond de la conscience.

2057. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

La Fontaine, avec sa grâce nonchalante, sa naïveté malicieuse, son talent de composer de vivants tableaux, a besoin que Molière se porte garant de son mérite.

2058. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Grâce aux récents événements, grâce à la fortune qu’il tient entre ses mains, M. 

2059. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Aussi bien que Dante, Eschyle est le maître de la grâce comme de la colère.

2060. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

On ne saurait assez déplorer cette publication de Manuel ; car de cette même masse de papiers, tombant en de dignes mains, au lieu de quatre volumes compromis et souillés, on aurait pu tirer, sans infidélité et moyennant de simples suppressions, deux ou trois volumes touchants, graves, éloquents, « un ouvrage à la fois attrayant et à peu près irréprochable, plein de piquants sujets d’études psychologiques et d’exemples de style, dont aucune impureté ne souillerait la grâce, dont aucun danger ne ferait condamner l’agrément ».

2061. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Il a de la grâce et de la séduction ; il acquerrait aisément de la finesse.

2062. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Ici commença, dans l’esprit du maréchal, une lutte morale sur laquelle il faudrait lui-même l’entendre : d’un côté, un ami, un bienfaiteur, le plus grand capitaine dont il avait été de bonne heure l’aide de camp et l’un des lieutenants préférés, mais ce grand capitaine, auteur lui-même de sa ruine, qui semblait déjà consommée ; de l’autre, un pays qui criait grâce, une situation politique désastreuse dont, plus éclairé que beaucoup d’autres, il avait le secret, et dont il envisageait toutes les extrémités.

2063. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

qui ne jetterait un cri de douleur en la voyant ainsi dépouillée de grâces, de vertus, et même de ces nobles traits de la physionomie qui semblaient héréditaires !

2064. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Trois députés, dont était Volney, furent signalés à la tribune pour avoir obtenu des places à la nomination du roi : les deux autres s’exécutèrent de bonne grâce, et donnèrent une prompte démission qui fut accueillie par l’Assemblée avec des applaudissements (séance du 27 janvier).

2065. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Grâce à cette volition inconsciente, aidée d’une représentation inconsciente, M. de Hartmann croit tenir la solution du problème.

2066. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Grâce à celle tentative méthodique et progressive de résurrection, le passé aurait repris d’un coup tout ce qui lui reste de vie dans ses monuments de tout ordre.

2067. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Il ne faut point mettre un ridicule où il n’y en a point, c’est se gâter le goût, c’est corrompre son jugement et celui des autres ; mais le ridicule qui est quelque part, il faut l’y voir, l’en tirer avec grâce, et d’une manière qui plaise et qui instruise.

2068. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Son Problème du Style, ses Épilogues, qu’ont une force durable, sa Culture des Idées, son Esthétique de la Langue Française ont des grâces saines, un aspect de vérité riante qu’on n’a pas coutume de rencontrer en de tels sujets.

2069. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Il m’écouta avec bonne grâce.

2070. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Tous les hommes ont le même fond de pensées communes, que l’homme ordinaire exprime sans agrément, et l’homme d’esprit avec grâce ; une grande idée n’appartient qu’aux grands génies ; les esprits médiocres ne l’ont que par emprunt ; ils montrent même, par les ornements qu’ils lui prêtent, qu’elle n’était point chez eux dans son terroir naturel, et s’y trouvait dénaturée et transplantée.

2071. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Grâce à Dieu, l’auteur de l’Histoire des Causes a senti que de telles manières de procéder n’étaient que des méthodes d’erreur pour soi et de mensonge pour les autres.

2072. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Philarète Chasles, cet écrivain à l’imagination humouristique, à la verve mousseuse et pétillante, à la grâce italienne, aurait mis, comme Beaumarchais, de la gaieté dans sa vengeance, — ce qui fait, en France, la vengeance meilleure.

2073. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Grâce aux innombrables chemins qui sillonnent en tous sens les nations modernes, leurs millions d’hommes sont capables de se concerter comme se concertaient, jadis, les milliers d’hommes des cités antiques.

2074. (1922) Gustave Flaubert

L’organisme encrassé, les poumons sans oxygène, demandent grâce. […] Le vrai péché originel de l’esprit pour Flaubert : être content de la vie, content de l’avoir transmise, être l’homme de la nature, méprisé par l’homme de la grâce. […] L’homme en proie à la tentation c’est l’homme en face des abîmes de sa nature, en présence de son mal intérieur, et privé de la grâce. […] On comprend qu’Antoine s’écrie : « Grâce ! Grâce !

2075. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Pecksniff aura des gestes de longanimité sublime, des sourires de compassion ineffable, des élans, des mouvements d’abandon, des grâces, des tendresses qui séduiront les plus difficiles et charmeront les plus délicats. […] Il abonde dans un pays d’aristocratie, et personne n’a raillé plus durement une aristocratie que Dickens ; tous ses portraits sont des sarcasmes : c’est celui de James Harthouse, dandy dégoûté de tout, principalement de lui-même, et ayant parfaitement raison ; c’est celui de sir Frederick, pauvre sot dupé, abruti par le vin, dont l’esprit consiste à regarder fixement les gens en mangeant le bout de sa canne ; c’est celui de lord Feenix, sorte de mécanique à phrases parlementaires, détraquée, et à peine capable d’achever les périodes ridicules où il a soin de toujours tomber ; c’est celui de mistress Skewton, hideuse vieille ruinée, coquette jusqu’à la mort, demandant pour son lit d’agonie des rideaux roses, et promenant sa fille dans tous les salons de l’Angleterre, pour la vendre à quelque mari vaniteux ; c’est celui de sir John Chester, scélérat de bonne compagnie, qui, de peur de se compromettre, refuse de sauver son fils naturel et refuse avec toutes sortes de grâces en achevant de manger son chocolat.

2076. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Pour que le temps nous fasse grâce, faisons-nous justice : nous y gagnerons tous. […] La dignité et la grâce se confondaient sur son beau visage ; c’était la séduction de l’aristocratie compatible avec la liberté moderne.

2077. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

La femme, considérant sa taille, touchée des grâces de sa figure, se prit à pleurer et, embrassant les genoux de son mari, le conjura, par tout ce qu’elle put imaginer propre à l’émouvoir, de ne point obéir. […] Mais, puisque le hasard a tout réparé, envoyez votre fils près de l’enfant qui vient de nous être rendu, et revenez à mon souper pour prendre part au sacrifice d’actions de grâces que je veux offrir aux dieux sauveurs. » « Harpagus, ayant entendu ces paroles, se prosterna pour adorer le roi ; et, se félicitant que sa faute non-seulement n’eût pas de suites fâcheuses, mais que, par une faveur de la fortune, elle lui procurât encore l’honneur d’être appelé au souper du roi, il retourna chez lui le plus vite qu’il put.

2078. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

J’avais ce soir, en chemin de fer, vis-à-vis de moi, une vieille femme, toute charmante, d’une grâce séductrice. […] Roger Marx m’entretient de la danseuse Loïe Fuller, qui le fréquente, et qui aurait un véritable goût d’art, s’étendant de sa danse à un tableau, à un bronze, et me dit, que rien n’est amusant comme une répétition, où elle essaie les couleurs de l’arc-en-ciel, dans lesquelles elle va développer la grâce de ses attitudes.

2079. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Au dix-huitième siècle, Buffon sans doute sentit quelque chose de la nature : par majestati naturae ; mais la nature n’a pas seulement la majesté et la noblesse, elle a la grâce, et Buffon l’a oublié tout à fait. […] Le vent avait molli, la mer se plissait paisiblement, on devinait à fleur d’eau quelques brisants où les panaches d’écume retombaient avec grâce ; il venait du large un murmure semblable à un bruit d’abeilles.

2080. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Mais le feuillage n’a de grâce, que sur la cime de l’arbre où il est né. […]                  Elle oscilla longtemps Dans un balancement qui donnait à ses traits         Une grâce vague de fantôme.

2081. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Éblouissant, séduisant comme on peut le croire, et même très-souvent gai dans la conversation, il y portait toutefois par moments une vivacité de timbre et de ton, quelque chose de vibrante, comme disent les Italiens, et l’accent seul en montant aurait semblé usurper une supériorité « qui ne m’appartient pas plus qu’à tout autre », s’empressait-il bien vite de confesser avec grâce. […] Toujours ce peuple aimable aura de nouveaux droits sur nos cœurs ; chez lui, les grâces s’allient à la grandeur ; la raison n’est jamais triste ; la valeur n’est jamais féroce, et les roses d’Anacréon se mêlent aux panaches guerriers des Du Guesclin… » M. de Maistre pensera toujours, plus qu’il n’en voudrait convenir, à la France et à Paris, à cette Athènes absente qu’il saluait si gracieusement au début ; mais il la peindra tout à l’heure moins anacréontique et un peu moins couleur de rose. […] Il avait, on l’a dit, de la grâce, de l’amabilité, pourtant toujours des duretés très-aisément, dès que s’émouvaient certaines vérités.

2082. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Si Ménandre et Térence dans le domaine de la comédie, comme Euripide dans celui de la tragédie, tendent déjà vers un art plus fermé, plus spécialement destiné aux délicats, le fait est qu’ils donneront au drame original le coup de grâce : il a cessé d’être après eux. […] Grâce à elles pourtant, ceux-ci auront porté l’art dramatique à un point de rigueur, d’intensité et de perfection inconnu avant eux et qu’on peut dire insurpassable : Corneille dans Polyeucte, Racine dans Britannicus. […] Grâce à l’emploi des chœurs parlés, nos « mystères)) tendent à rejoindre, sur le plan de la vérité, l’esthétique suprême de la tragédie hellénique.

2083. (1900) Molière pp. -283

. ; créatures primitives, en dépit des mœurs de civilisation avancée qu’elles partagent, et dont elles ne prennent pas le meilleur ; pétries de caprice, d’artifice et d’égoïsme ; en somme, malgré ce qu’elles montrent ou étalent de grâce légère ou de vive jeunesse, non moins redoutables qu’attrayantes, ou, tout au moins, pour qui sait réfléchir et prévoir, point désirables5. […] Tournez et voyez ces expressions comme vous voudrez, vous y trouverez langage et idées de village, comique absolu, humilité, passion entraînante, grâce touchante même, délicatesse, crédulité niaise, et tout ce qu’il faut qu’ait Charlotte en cette circonstance. […] Elles perdraient, à n’être qu’utiles, la grâce, qui est une de leurs plus incontestables qualités : il y a donc une théorie juste et très bien exprimée dans le vers : Il est bon qu’une femme ait des clartés de tout. […] Il y a une bonté naturelle qu’il faut recevoir du ciel en naissant, comme un don de la grâce divine, ou de la première éducation, comme un précieux héritage de famille, parce que tous les efforts les plus vifs et les plus soutenus ne sauraient ensuite nous y porter. […] L’industrieux Figaro, dans son ressentiment contre ceux qui ne s’étaient donné que la peine de naître, a tout détruit ; je regrette, messieurs, qu’il n’ait pas au moins sauvé du naufrage la grâce et les grandes manières d’Almaviva.

2084. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Par terreur du danger que court celui qu’elle aime, Inès révèle ce complot, et elle est la cause de l’exécution de son père dont elle obtient la grâce, mais trop tard. […] Quel contraste encore que le fastueux et lumineux Versailles où Inès vient implorer la grâce de son père, et le sombre Escurial où son frère François va demander, lui, la permission d’attaquer les soldats de M. de Parlan ! […] Grâce à ce double génie, il a su créer un type de roman si complet, si définitif, que tous ses successeurs relèvent plus ou moins de lui, notamment par le souci de la vérité du document. […] Cet homme si simple était un juste, et cela avec une bonne grâce où l’on devinait une immense et constante charité. […] Sa besogne légitime est de s’unir aux sens, quand il s’agit du monde des corps, et c’est la Science ; de se joindre aux impressions de la grâce sur le cœur, quand il s’agit du monde divin, et c’est la Foi.

2085. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Si vous vous décidez jamais, mon cher Lemaîre, — ce que tous vos amis souhaitent, — à écrire un jour votre autobiographie intellectuelle, vous nous raconterez ces étapes de votre esprit, avec la grâce souple qui est restée votre don incomparable. […] Le poète a dit : Gracia capia ferum viectorem cepit… La Lorraine vaincue conquiert de même son conquérant par le sage et agile esprit de Colette, par sa grâce aisée, par sa fierté frémissante. […] Avec la grâce malicieuse qui est le geste instinctif de votre esprit, vous avez voulu associer à votre investiture académique le souvenir de l’excentrique cabaret de Montmartre, où vous récitiez vos premiers vers, voici tout près de vingt ans, Le Chat-Noir, puisqu’il faut l’appeler par son nom ! […] Vous avez eu le secret d’en faire une idylle dont la grâce émue est baignée de rêve, et qui devient, à une minute, celle des adieux de vos Amants, une tragédie à la Bérénice. […] Il le fit avec succès, quoique le présent qu’il avait fait autrefois à cette fille, d’un collier de perles de la valeur de deux ou trois cents pistoles, contribuât sans doute à gagner ses bonnes grâces.

2086. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Il ne croit guère aux indulgences, il croit aux prières : « Les prières des gens de bien servent merveilleusement. » Quand il est près d’être continué dans sa charge de doyen (novembre 1651), sentant le poids et les devoirs qu’elle lui impose, il écrit à un ami : « Je me recommande à vos grâces et à vos bonnes prières. » Il a sur la mort en toute rencontre des réflexions philosophiques dont il relève la banalité par un sentiment vif et un certain mordant d’expression : M. le comte de R. est mort comme il a vécu.

2087. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Mme de Staël que quelque trait de plume avait blessée, s’en plaignait à lui en femme, avec bonne grâce, et lui disait un de ces mots qui n’accusent d’ailleurs autre chose en Roederer que l’indépendance d’un esprit critique et judicieux : « Je ne suis pas le premier des êtres qui vous ont aimé qui se soient plaints de l’impossibilité de fixer dans votre cœur un jugement durable. » C’est qu’en effet ce qui mérite le nom de jugement durable ne se fixe point dans le cœur, mais dans l’esprit, et encore, pour peu qu’on cherche le vrai, la balance y recommence toujours.

2088. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Vous me parez moi-même, mais avec tant de bonne grâce que, sans accepter toutes vos paroles, je n’ai cependant point à baisser les yeux.

2089. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Wagner, en donnant la quatrième édition du Virgile consacré, et en paraissant demander grâce pour s’être permis d’y indiquer quelques corrections et d’y ajouter partout où il avait pu des perfectionnements, terminait sa préface par cette sorte d’adjuration aux mânes vénérables : « Mais toi, Âme pieuse et ingénue de Heyne, si ta pensée s’abaisse encore sur ces choses, pardonne, je t’en supplie, s’il m’est échappé, chemin faisant, quelques mots non assez respectueux à ton égard ; pardonne, si ma médiocrité a avancé quelque chose qui ne soit pas assez digne d’un si grand nom et d’une si grande renommée dont tu as acquis la plus grande part par ton zèle à éclairer ces mêmes poèmes.

2090. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

La jeunesse pourtant, cette  puissance d’illusion et de tendresse dont elle est douée, cette gaieté naturelle qui en formait alors le plus bel apanage et dont notre poëte avait reçu du ciel une si heureuse mesure, toutes ces ressources intérieures triomphèrent, et la période nécessiteuse qu’il traversait brilla bientôt à ses yeux de mille grâces.

2091. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Après la première représentation du Déserteur, il reçut des suppliques de toutes les belles dames sensibles de Paris, qui réclamaient la grâce de l’intéressant malheureux : « J’en suis bien fâché, répondait-il de son ton d’oracle, je suis et je serai inflexible ; il faut qu’on lui casse la tête. » Ce dénoûment était en effet nécessaire à la moralité qu’il voulait qu’on en tirât.

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