Il avait donc, lui aussi, ses scrupules, mais très-arriérés, et il ne voulait pas qu’on les poussât trop loin, ni jusqu’à s’y asservir au préjudice de l’expression des pensées : « Il y en a, disait-il, qui, plutôt que d’employer une diction tant soit peu douteuse, renonceraient à la meilleure de leurs conceptions ; la crainte de dire une mauvaise parole leur fait abandonner volontairement ce qu’ils ont de meilleur dans l’esprit ; et il se trouve à la fin que, pour ne commettre point de vice, ils se sont éloignés de toute vertu. » Le fait est qu’avec le souci qu’ont perpétuellement les Vaugelas, les Pellisson, et en s’y tenant de trop près, on se retrancherait beaucoup de pensées à leur naissance, de peur d’être en peine de les exprimer. […] D’abord il semble que la matière, non-seulement n’est pas fort importante, mais qu’elle est tout à fait inutile et indigne d’un homme de votre âge, de votre condition, et, ce qui est plus considérable, de votre vertu et de votre esprit… » Et Godeau, faisant l’agréable, continue sur ce ton pendant une douzaine de pages, comme s’il avait pris à tâche de résumer toutes les objections des La Mothe-Le-Vayer et autres, et de rassembler tout ce qu’on avait pu adresser de critiques justes ou injustes à Vaugelas sur le peu de raison et de philosophie de sa méthode, sur le peu de solidité et de gravité de son livre ; puis, tout à la fin de la douzième ou treizième page, tournant court tout à coup et comme pirouettant sur le talon, il ajoute : « Mais, Monsieur, c’est assez me jouer et parler contre mes sentiments. Il est temps que je me démasque et que, tout de bon, je vous dise ce que je pense de voire ouvrage : il n’est indigne ni de votre esprit, ni de votre âge, ni de votre condition, ni de votre vertu. » C’est un jeu, on le voit, un compliment déguisé en contre-vérité ; mais la plaisanterie est un peu trop prolongée pour être agréable, et je ne sais comment le prit Vaugelas.
Vous n’ayez qu’à changer l’adresse du livre, et tout le venin dont il est rempli deviendra à l’instant vertu. […] Ce sera la seule révolution durable, la révolution de la vertu ! […] Allez, et revenez dans cinq ou six jours. » La reconnaissance est la vertu des malheureux, parce qu’ils savent l’amertume des pleurs et la joie de les essuyer.
Saint-Simon ne fut pas exempt de ce travers ; il n’était pas content de sa vertu s’il ne s’y mêlait un peu de dépit contre les vices des autres ; il ne pouvait pas s’estimer sans mépriser quelqu’un. […] Mais à Rome ainsi qu’à Versailles l’humeur du prince donnait seule le prix aux choses ; le vrai n’était vrai que s’il l’était selon la raison du maître, et la vertu qui ne songeait pas à plaire n’était pas innocente. […] Mais le lecteur n’est pas un confident, il ne faut pas lui demander les grandes vertus, et l’effort de réflexion en est une.
En fait de vertu, il n’était rien moins qu’un Thomas. […] La pensée seule, la réflexion solitaire console sans doute aussi ; mais cette méditation contemplative, chez un naturel ardent, exige une sorte de vertu pour qu’il ne tourne pas à l’aigreur et à l’envie quand il se mesure aux autres. […] En effet, Madame, le triomphe de la tendresse fraternelle, l’amitié généreuse et les combats magnanimes de deux héros avaient naturellement trop de droits sur votre âme, et peindre des vertus, c’était s’assurer l’honneur du suffrage de Votre Majesté. — Je suis avec un très profond respect, Madame, de Votre Majesté le très humble, très obéissant et très fidèle sujet, Chamfort. » 79.
Dans le monde, on se soucie bien de la vertu ! […] qui veut qu’elle ait sa récompense dans sa personne, et dont le roman est peut-être destiné à quelque prix académique, s’est fait dans son livre le sauveteur de ce que ce grand connaisseur croit la vertu. […] un diable du tout, puisqu’il fait des romans où la vertu et la passion sont dosées en globules homéopathiques à l’usage des jeunes personnes, comme disent d’un air si renchéri mesdames leurs mères, a diminué les enluminures d’un style qui brossait le paysage avec l’aisance pittoresque d’un homme de ce temps, — si fort en paysages !
Mais, la chose accordée, il convient aussi d’affirmer que le drame a son verbe propre qui n’est ni celui du poème, ni celui du roman ; s’il n’échappe à l’écrit, il est sans vie et sans vertu. […] Je dis que si au bout d’un siècle… ou de dix siècles, il ne subsiste de son œuvre que les mots, à ce prix seulement les mots qu’il laissera conserveront un peu de la vertu active propre au drame et au drame seul. […] Étant par nature action, si l’auteur n’a pas fait l’épreuve de ses vertus actives à la scène et sur le public, elle demeure virtuelle et rien de plus que l’idée d’un tableau ou d’une statue par rapport à la statue et au tableau. […] Il exprimait toute entière la vie de la société française, avec sa bonne humeur native, son bon sens, ses vertus et ses vices, ses qualités et ses travers — avec aussi sa foi. […] Ses médiocres émules au théâtre rompront tout commerce avec l’homme pour ne proposer au public que des héros glacés et, pour mieux dire, des vertus.
Le peuple athénien n’avait point cette moralité délicate qui peut suppléer au tact le plus fin de l’esprit ; il se livrait aux superstitions religieuses : mais il n’avait point d’idées fixes sur la vertu, et ne reconnaissait aucun principe, aucune borne, aucune pudeur dans les objets de ses amusements.
On n’y verra pas surtout des secrets merveilleux, qui opèrent par une sorte de vertu magique, pour donner sans aucune autre condition une perfection accomplie à ce qu’on fait.
Si les mots suivants ont la même vertu, le style est comme un flambeau qui, promené successivement devant toutes les parties d’une grande toile, fait passer devant nos yeux une suite de figures lumineuses, chacune accompagnée par le groupe vague des formes qui l’entourent, et sur lesquelles la clarté principale a égaré quelques rayons.
C’est une des raisons qui obligent de condamner l’ancienne théorie du style noble : elle attribuait aux mots un degré invariable d’énergie, et méconnaissait cette pénétration réciproque, cette sensible communication, qui reflète sur les uns la couleur des autres, et les imprègne de leur vertu.
Il a cru que l’art possédait une vertu intrinsèque qui consolait de tout, et il semble tout d’abord avoir fait de l’art pour oublier, mais bientôt repris par son démon, — qui était sa vie et sa flamme, — il en a poursuivi l’essence même et il a voulu tâter de ses mains et presser contre son cœur la pomme d’or dont les poètes s’étaient jusqu’à présent contentés de sentir la folle caresse des rayons.
La candeur, la bienfaisance, & les autres vertus de son ame, faisoient pardonner, par ceux dont il étoit connu, les illusions de sa Philosophie.
A son ardeur pour les plaisirs, la belle courtisane Lyonnoise joignoit un amour pour les vertus les plus héroïques.
Il y a plus ; c’est en effet la religion qui détermine la catastrophe : Virginie meurt pour conserver une des premières vertus recommandées par l’Évangile.
On ne nous montre plus de Mandane ni de Clélie triomphant par la vertu des faiblesses de l’âme et des sens. […] Elle l’a destitué de toutes les vertus qui faisaient son orgueil et sa beauté. […] Meyrac, qui a la première vertu du traditionniste, je veux dire la défiance, sait mieux que personne le danger des intermédiaires. […] C’était un homme d’une grande vertu. […] Et puis il ne faut pas oublier que la beauté est une des vertus de ce monde.
On peut apprendre à écrire mal, c’est-à-dire proprement et de manière à mériter un prix de vertu littéraire. […] Déterminer son origine serait donc déterminer, par cela même, l’époque où le Français commença à se croire un abrégé de toutes les vertus fortes. […] La mère de Yao fut fécondée par la clarté d’une étoile ; celle de Yu, par la vertu d’une perle qui tomba dans son sein46 ! […] Leur chasteté est un état physiologique et qui, en général, ne comporte pas plus l’idée de vertu que, chez un vieillard, la frigidité. […] La force a les droits de la force ; elle les outrepasse en jetant à travers le monde des aphorismes enveloppés de vertu comme des pièges cachés sous des feuilles mortes.
Elle avait tant vu familièrement la célébrité et la passion, qui n’avaient pas fait le bonheur de sa mère, qu’elle avait appris dès l’enfance à n’estimer que la vertu ; mais cette vertu était libre et grande, une vertu antique ; sa religion ne rétrécissait rien de ses pensées, sa foi donnait à sa physionomie une expression grave comme celle des femmes qui sortent des temples où elles ont eu commerce avec Dieu ; elle sortait à toute heure de l’infini. […] J’avais été très fier d’y être admis malgré mon obscurité, et j’y portais un véritable culte à ces prestiges de la beauté, du nom, de la fortune, de la vertu, dans une même famille.
Nous n’y entrons pas ; mais, en laissant de côté la théologie du prêtre, et ne considérant ici que la profession sacerdotale dans ses rapports avec le monde, nous devons reconnaître les supériorités morales et les privilèges inhérents à cette profession pour l’homme de génie et de vertu qui s’y consacre. Et d’abord un préjugé de piété, de force et de vertu se répand à l’instant sur le prêtre. […] Ainsi puisse-t-il vous être toujours un cher entretien ; ainsi puissiez-vous profiter de ses vertus ; et que sa mort, que vous déplorez, vous serve à la fois de consolation et d’exemple. […] « Jouissez, prince, de cette victoire ; jouissez-en éternellement par l’immortelle vertu de ce sacrifice.
Mathan, d’ailleurs, Mathan, ce prêtre sacrilège, Plus méchant qu’Athalie, à toute heure l’assiège ; Mathan, de nos autels infâme déserteur, Et de toute vertu zélé persécuteur. […] … Mais ce secret courroux, Cette oisive vertu, vous en contentez-vous ? […] Ainsi, de piège en piège et d’abîme en abîme, Corrompant de vos mœurs l’aimable pureté, Ils vous feront enfin haïr la vérité, Vous peindront la vertu sous une affreuse image. […] La vertu de ce drame est de n’avoir pas d’amour ; cette passion eût été déplacée dans le Temple ; ce sont les grandes et saintes passions divines qu’on veut y voir et y entendre.
C’est la littérature de la raison, du sentiment, de l’émotion par l’art, de la vérité, de la vertu, la littérature de l’âme. […] La chevalerie était la noble folie de la vertu ; les don Juan sont la folie du vice. […] Il me semblait que j’entendais la voix ricaneuse de don Juan, ou la voix plus grinçante de Heine le poète réprouvé de cette école, nous dire, en se faisant une joie de notre horreur : Tenez, regardez votre idéal : Ici la jeunesse, ici la beauté, ici l’innocence, ici l’amour, ici la pudeur, ici la vertu, ici la piété, ici la poésie, cette fleur de l’âme ! […] Est-ce que tu vis même par aucune de ces illusions généreuses et juvéniles qui poussent l’homme en avant sur les routes de l’idéal, de la passion, de l’activité, de l’étude, et qui sont les mirages de la liberté et de la vertu ?
Turgot, dans un sentiment de vertu ; Necker, dans un sentiment d’ambition et de haute renommée ; Calonne, Brienne, par des motifs moindres, se produisirent tour à tour en réformateurs ; ils échouèrent par la faute des autres ou par la leur : mais combien avortèrent dans l’ombre ! […] La lace de la société, en se renouvelant, amènera des vertus, des ambitions, des forfaits de tout genre ; l’héroïsme brillera dans les camps ; on entendra, comme dans l’Antiquité, de grandes voix d’orateurs ; quand le premier débordement de la fange sera passé, des mœurs nouvelles surnageront et s’établiront peu à peu, avec des classes actives, non encore atteintes par l’oisiveté.
La société italienne lui convenait peu ; au milieu d’un agrément extérieur, il n’y trouvait pas la satisfaction intime, ni ce sentiment de sévérité et de vertu que son éducation protestante lui rendait plus nécessaire que cela n’arrive habituellement chez les artistes. […] Je me souviens que mon excellente mère avait la même idée : je la comprends parfaitement, tout en disant pourtant que tous ces chagrins donnent à la vertu un caractère si touchant et si désintéressé, qu’on ne peut disconvenir que le bien ne soit à côté du mal.
À Zürich, il vit Gessner, et il l’eût volontiers opposé en exemple, dit-il, aux petits Pindares de toutes les nations en le leur montrant dans sa simplicité, sa candeur, et avec ces vertus douces qui accompagnent si bien un aimable génie. […] » Il eut presque autant de plaisir à voir à Zurich le vieux Bodmer, « le Nestor de la Suisse et le patriarche de la littérature allemande, qui avait conservé le feu, la gaieté de la jeunesse, et qui jouissait à la fois de sa gloire et de ses vertus ».
Le noble vieillard était flatté de se voir si compris et si adoré par une femme d’esprit et de vertu, qui avait encore des restes de beauté, et dont le mari, ne l’oublions point (car Buffon était sensible à ces choses), tenait une si grande place dans l’État : « Mon âme, lui écrivait-il galamment, prend des forces par la lecture de vos lettres sublimes, charmantes, et toutes les fois que je me rappelle votre image, mon adorable amie, le noir sombre se change en un bel incarnat. » Il a le cœur en presse, dit-il, la veille du jour où il doit l’aller voir ; mais s’il l’attend chez lui, elle, en visite, à Montbard, que sera-ce ? […] Je vous supplie donc à genoux, ma divine amie, de venir en effet illuminer de vos rayons célestes de gloire et de vertu cette voûte antique où je réside et rêve huit heures chaque jour.
Les grands vices, les grandes vertus sont des exceptions. […] En toutes choses il faut traiter les hommes de la sorte et leur supposer les vertus qu’on veut leur inspirer. » Je suis extrêmement frappé, dans ces paroles venues de Sainte-Hélène, du point de vue auquel se place invariablement Napoléon.
Elle s’imagine que de connaître les mystères de la déesse la soulagerait ; elle voudrait surtout la contempler dans son secret sanctuaire, voir de ses yeux la vieille idole couverte du manteau magnifique, du voile sacré d’où dépendent les destinées de Carthage ; il lui semble que ce voile défendu et dont le seul contact fait mourir, s’il lui était permis du moins de le considérer, lui communiquerait quelque chose de sa vertu. […] L’idée de Spendius est de se servir de Mâtho, plus fort et plus hardi que lui, pour enlever du temple de la déesse le voile sacré qui est comme le palladium de Carthage : il a de la peine, toutefois, à le décider, car Mâtho craint les dieux, et il est sérieusement persuadé de la vertu divine de l’objet ; il a peur de commettre un sacrilège.
Et puis fions-nous à l’honnêteté de ces hommes qui ne parlent que de vertu ! […] Il a une vertu du moins, il aime son métier, et il le considère comme un but, non comme un moyen.
Ce n’est plus la question classique ou romantique, si vous le voulez ; il s’agit de bien autre chose que d’une cocarde, que des coupes et des unités, — des formes et des couleurs — il s’agit du fond même et de la substance de nos jugements, des dispositions et des principes habituels en vertu desquels on sent et l’on est affecté. […] Leur tous-les-jours était assez ordinaire. — Non, il ne l’était pas autant qu’on le croirait, et cette simplicité, cette vertu, cette prud’homie touchante de Racine, couronnée d’une belle et douce mort, est-ce donc chose si ordinaire ?
Hâtons-nous d’effacer et de couvrir, par cette éclatante citation, les taches nombreuses qu’il nous a coûté de relever si sévèrement : Et toi qu’on veut flétrir, Jeunesse ardente et pure De guerriers, d’orateurs, toi, généreux Essaim, Qui sens fermenter dans ton sein Les germes dévorants de ta gloire future, Penché sur le cercueil que tes bras ont porté, De ta reconnaissance offre l’exemple au monde : Honorer la vertu, c’est la rendre féconde, Et la vertu produit la liberté.
L’hypocrisie dévote peut être de deux degrés : ou l’hypocrite a la foi et singe seulement les vertus qui lui manquent ; ou il simule en même temps les croyances et les vertus qu’il n’a pas.
N’a-t-il bu que de l’eau, quand il revient chez lui le soir, amenant avec soi des femmes d’une vertu délabrée ; et qu’il maltraite celle pour qui je suis, de paroles et de coups ? […] Chacun tâche de s’établir du mieux qu’il peut aux dépens d’autrui ; et la plus grande vertu dans mon empire, c’est d’avoir beaucoup de bien.
Je dirai, avant tout, qu’autant je trouverais inconvenant et irréfléchi qu’un romancier mît le pied dans Port-Royal, ce lieu de vérité et de sérieuse grandeur, autant il lui est permis peut-être de se glisser dans la maison de Toulouse qui s’intitulait la congrégation des Filles de l’Enfance, et qui n’offre pas les mêmes caractères de vertu et d’austérité. […] « La Supérieure, disait un des articles des Constitutions, est l’âme de la maison et le chef de tous les membres qui la composent ; toute leur vertu dépend de son influence. » Elle devait être âgée de trente ans au moins ; elle était perpétuelle.
Marie-Joseph Chénier a tracé la poétique de ces écrivains modérés et accomplis dans ces vers ou il se montre leur heureux disciple : C’est le bon sens, la raison qui fait tout, Vertu, génie, esprit, talent et goût. Qu’est-ce vertu ?
C’est lui qui fait ici de la psychologie appliquée : avec le cynisme d’un esprit lucide et sachant qu’il est autre, il se pare, aux yeux de la dupe qu’il a choisie, de qualités générales dont la représentation existe par avance, sous forme de notion, dans tous les esprits : générosité, vertu, bonté piété, religion et il compte, pour établir sur celle-ci son empire, que, prenant le change, elle l’identifiera avec ces concepts que son attitude évoque. […] La franc-maçonnerie du signe remplaçant l’acte complexe de l’intelligence sera donc ici toute-puissante, et ce qu’il faut admirer c’est l’étrange puérilité des simulacres qui, fortifiés par la vertu de l’association, suffisent à pénétrer les snobs de la conscience de leur valeur.
C’est ainsi que les peintres ont personifié les vertus, les vices, les roïaumes, les provinces, les villes, les saisons, les passions, les vents et les fleuves. […] Dans l’un, le peintre a répresenté l’homme tyrannisé par les passions, et dans l’autre, il exprime d’une maniere simbolique l’empire de la vertu sur les passions.
Et veuillez observer qu’on peut soutenir cette idée sans être, pour cela, partisan d’une éducation étroite, sans prendre parti pour la pruderie, la niaiserie et l’ignorance, qui n’ont jamais été des vertus, et qui sont aujourd’hui des dangers graves. Je suis de ceux qui pensent que les vertus les plus fermes, et peut-être aussi les plus pures, sont celles qui ont au moins un pressentiment ou un avertissement du mal.
Vous, tours de Jules César, opprobre durable de Londres, nourries de meurtres hideux, à l’heure de minuit, respectez la vertu fidèle de sa compagne, la renommée de son père ; épargnez la tête sainte d’un usurpateur clément. […] Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression.
Et ceux qui l’ont connu de près ajouteront : c’était un cœur droit, orné des plus douces vertus.
Le prince Henri avait de grandes vertus ; ses lumières, son humanité, sa justice l’avaient popularisé en Europe, et, auprès de la gloire de Frédéric, la sienne, moins brillante, semblait incomparablement plus pure : et ce même prince, sans songer à mal, invente la plus odieuse des iniquités politiques ; à l’occasion, il en cause avec Catherine, il en cause avec son frère ; la partie s’arrange, il s’en félicite, et, dans sa retraite de philosophe, s’en berce comme d’un doux et beau souvenir !
Jules Lemaître La reprise du Lion amoureux (au théâtre de l’Odéon) nous a montré, une fois de plus, que l’honnête Ponsard, tant raillé, est un bon et solide auteur dramatique, un de ceux qui parlent le mieux aux plus honorables instincts de la foule, un de ceux qui savent, le plus habilement et le plus naïvement à la fois, lui enseigner l’histoire simplifiée, lui donner les plus nobles et les plus claires leçons de vertu, lui développer les plus beaux traits de « morale en action », et la renvoyer, après un dénouement heureux, satisfaite, tranquille et toute pleine de bons sentiments dont elle se sait gré.
Mecenas , dit-il, étoit homme de bien, de ces gens de bien néanmoins doux, tendres, plus sensibles aux agrémens de la vie, que touchés de ces fortes vertus qu'on estimoit dans la République.
Ce qu’il faut retenir de ces développements, c’est que la réalité psychologique de quelque façon qu’on l’imagine, est bien un compromis entre deux forces dont l’une s’exprime en une tendance à agir et l’autre en une tendance à prendre conscience, à titre de spectacle, des actes accomplis, c’est que cette réalité qui a pour support les combinaisons les plus diverses, les états d’équilibre les plus variés entre ces deux tendances, se voit abolie dès que l’une d’elles, triomphant de l’autre absolument, l’exclut : en sorte que, selon un Bovarysme essentiel, l’existence de quelque réalité psychologique suppose l’antagonisme de ces deux forces, dont chacune tient les conditions de sa mort pour les conditions de son triomphe et ne persiste dans l’être que par la vertu de sa défaite tout au moins partielle.
Solon décerna des peines contre les citoyens qui, dans un temps de troubles, ne se déclareraient pas ouvertement pour un des partis : son objet était de tirer l’homme de bien d’une inaction funeste, de le jeter au milieu des factieux, et de sauver la république par l’ascendant de la vertu.
Pour une raison ou pour une autre : nature d’esprit, blessure au cœur, manque de bonté dans la vertu, tous les satiriques ont été cruels plus ou moins, soit dans leur rire, soit dans leur colère, soit dans leurs larmes ; or, pour la première fois, en voici un qui ne l’est pas, et dans les coups duquel on sent la pitié… Oui !
Sans doute, on vivait des jours bien misérables, mais tous croyaient à la vertu souveraine de leur sacrifice.
Si tu as les vertus dont il te loue, ton cœur doit te suffire ; si tu ne les as point, il t’encourage.
Cependant il s’y rencontre çà et là des douleurs que l’agglomération des vices et des vertus rend grandes et solennelles ; à leur aspect, les égoïsmes, les intérêts, s’arrêtent et s’apitoient ; mais l’impression qu’ils en reçoivent est comme un fruit savoureux promptement dévoré. […] Le pacte en vertu duquel les enfants cachent leurs peccadilles, et qui leur apprend déjà l’honneur, fut nul à mon égard ; bien plus, je me vis souvent puni pour les fautes de mon frère, sans pouvoir réclamer contre cette injustice ; la courtisanerie, en germe chez les enfants, leur conseillait-elle de contribuer aux persécutions qui m’affligeaient, pour se ménager les bonnes grâces d’une mère également redoutée par eux ? […] Elle était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, LE LIS DE CETTE VALLÉE où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus. […] Le reste est beau, mais vulgaire ; la femme n’a ni assez de vertu pour congédier l’amant, ni assez d’amour pour s’y livrer tout entière. […] Où renoncez à peindre l’amour, ou sacrifiez-le à la vertu.
On devrait défendre aux gens de compromettre ainsi la vertu. […] Il met toujours de l’amour dans sa vertu. […] Or, ces vertus de notre jeunesse, les avons-nous encore ? […] Cette copie machinale nous ôterait nos qualités sans nous donner les vertus de nos modèles. […] Par la vertu ?
Mais aujourd’hui laissons tout sujet de satire ; A Bâville aussi bien on t’en eût vu sourire, Et tu tâchais plutôt d’en détourner le cours, Avide d’ennoblir tes tranquilles discours, De chercher, tu l’as dit, sous quelque frais ombrage, Comme en un Tusculum, les entretiens du sage, Un concert de vertu, d’éloquence et d’honneur, Et quel vrai but conduit l’honnête homme au bonheur.
Cependant ces mêmes expressions, qui servent aux besoins les plus familiers de l’existence, que les plus grossières intelligences ravalent au niveau de leurs mesquines pensées, ont en elles-mêmes assez de sens et de vertu pour devenir égales sans effort aux plus hautes idées, aux plus nobles sentiments des grands esprits et des cœurs généreux.
Paris9, l’enlèvent à la poésie du moyen âge beaucoup de ce qui fait le charme et la profondeur de celle d’autres époques : l’inquiétude de l’homme sur sa destinée, le sentiment douloureux de grands problèmes moraux, le doute sur les bases mêmes du bonheur et de la vertu, les conflits tragiques entre l’aspiration individuelle et la règle sociale. » Elles tarissent en un mot les profondes sources du lyrisme.
Ses vertus étaient simples parce qu’elles ne lui coûtaient pas.
Ils ont disparu, après avoir fait le bien et compté dans une tradition de sérieux et de vertu.
Les principes du Christianisme, bien gravés dans le cœur, seroient infiniment plus forts que ce faux honneur des Monarchies, ces vertus humaines des Républiques, & cette crainte servile des Etats despotiques… Chose admirable, dit-il ailleurs, la Religion Chretienne, qui ne semble avoir d’objet que la félicité de l’autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci ».
Encore une fois, le polythéisme ne s’occupait point des vices et des vertus ; il était totalement séparé de la morale.
L’Europe surprise de le voir détourner à son avantage l’évenement qu’on avoit cru le devoir perdre, lui faisoit honneur pour ce succès de trois vertus qu’il n’avoit pas : c’est ainsi que sa réputation s’est établie.
Si, dans le même moment, elle eût voulu sauver sa vertu, elle échouait dans sa tâche.
De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages.
Luther dispense des œuvres, et elles recommencent, les vraies œuvres morales, celles de piété et de vertu. […] Ils annoncent « qu’ils enseignent la vertu. […] Quelle beauté, quelles espérances de vertu ! […] Cette piété un peu timorée contribua à le rendre honnête homme, et l’orgueil du rang confirma sa vertu. […] Caton et Brutus étaient peut-être le parti du passé ; à tout le moins, ils étaient le parti de la vertu.
Et Caërdal : « Que la facilité est donc une vertu perfide ! […] André Suarès, qui ont tant de vertus éclatantes, n’ont pas cette amabilité. […] Elle accomplit des miracles de vertu. […] « C’est une vertu tout humaine, que l’on peut croire née de la terre, sans palme céleste après la mort ; c’est la vertu de la vie » ; et c’est la suprême vertu, celle que librement on décide de pratiquer, une fois les évangiles oubliés, une vertu catégorique et sans récompense. […] Elle veut la clarté : le goût de la clarté est une vertu.
Désaugiers, dans son Hymne à la Gaieté, a dit : Il n’est donné qu’à la vertu D’éprouver ton heureux délire. Je n’oserais affirmer que la vertu et la gaieté se tiennent si étroitement ; la gaieté naît avant tout d’un tempérament heureusement mélangé par la nature, mais il faut aussi que ce tempérament ne soit pas altéré de bonne heure par des habitudes sociales et des influences factices trop contraires. […] Le curé de Saint-Roch ne le chicana en rien à l’article de la mort, et le digne ecclésiastique oublia ou ignora parfaitement qu’en racontant autrefois le refus de prières qui signala l’enterrement de Mlle Raucourt, Cadet Buteux avait chansonné sur l’air : Faut d’ la vertu, pas trop n’en faut… On se rappelle la lettre du bon chanoine que nous avons précédemment citée, et qui témoigne de l’indulgence du clergé en général pour Désaugiers ; il me semble maintenant que nous nous l’expliquons très-bien.
Il est trop question avec lui, au point de vue où il se place, de se croiser les bras et de regarder, — avec lui qui, à l’heure la plus ardente de sa jeunesse, peignant la noble élite dont il faisait partie, écrivait : « L’espérance des nouveaux jours est en eux ; ils en sont les apôtres prédestinés, et c’est dans leurs mains qu’est le salut du monde… Ils ont foi à la vérité et à la vertu, ou plutôt, par une providence conservatrice qu’on appelle aussi la force des choses, ces deux images impérissables de la Divinité, sans lesquelles le monde ne saurait aller longtemps, se sont emparées de leurs cœurs pour revivre par eux et pour rajeunir l’humanité. » Et c’est ici, peut-être, que s’explique un coin de l’énigme que nous nous posions plus haut, au sujet de ces intelligences si supérieures à leur action et à leur œuvre. […] En 1823, notre philosophe écrivait dans la solitude cet article, Comment les Dogmes finissent, où éclatent la vertu et la foi frémissantes sous la persécution, où retentit dans le langage de la philosophie comme un écho sacré des catacombes. […] Dans les larges cadres de la destinée que la Providence a faite au monde, il y a place pour la vertu et la folie des hommes, pour le dévouement des héros et l’égoïsme des lâches. » C’était dans sa chambre de la rue du Four-Saint-Honoré, à l’ouverture d’un des cours particuliers auxquels le confinait l’interdiction universitaire, que M.
Aucune vertu ne vous a manqué, même dans vos anarchies et dans vos corruptions, excepté la vertu qui fait les peuples, l’unité dans la volonté d’action ; grandes personnalités, nation anarchique, mille fois moins anarchique cependant que la Grèce. […] La liberté constitutionnelle à laquelle vous aspirez sera justement plus assurée chez vous qu’à Turin ; ce n’est plus l’arbitraire d’un roi soldat qui vous mesurera selon ses intérêts cette liberté constitutionnelle, et qui vous la changera en dictature militaire au premier tocsin ; c’est vous-mêmes qui vous la donnerez selon vos mœurs et vos lumières, et qui ne la mesurerez qu’à vos vertus publiques !
« Excepté la Bretagne, il n’y a pas de race française qui ait plus de vertus civiles et militaires innées que ce Jura. » XII Le Paysan du Danube était un ancêtre des Francs-Comtois ; l’esprit, sous une apparence de naïveté rurale, y est aussi poétique que la montagne, et il y a de l’Ossian dans ces cimes et dans ces nuées. […] C’est un même nom : ceux qui aiment ; ceux qui aiment sans intérêt ce qui mérite le plus d’être aimé ici-bas, le bien, le beau, la vertu, le génie, le rayon divin transperçant à travers toutes choses humaines, âme ou marbre ! […] XL Est-ce que Cervantès ne fut pas le satiriste de ces chevaliers de l’enthousiasme, de l’amour platonique et de la dévotion dans un livre, épopée du ridicule, qui amusa la malignité de son siècle aux dépens de ces excès de vertu et d’engouement des héros, des poètes contemplatifs, luxe risible du cœur humain sans doute, mais luxe qui prouvait sa richesse ?
L’assemblée constituante de 1848 n’avait pas reçu du temps et de la Providence les grandes nécessités d’initiation et de promulgation de principes de l’assemblée constituante de 1790, mais elle en avait le courage, le patriotisme, la haute raison, la vertu publique, souvent l’éloquence. […] Mais cependant cette tragédie même avait par sa nature pathétique, pour le cœur humain, l’intérêt palpitant et passionné qui attache l’âme aux combats du cirque, aux grands crimes, comme aux grandes vertus sur la scène où les peuples jouent les drames de Dieu. […] Les Machiavel, les Robespierre, les Danton ne sont au fond que des dupes qui ont mis leur génie à la torture pour chercher dans le crime ce que Dieu a caché dans la conscience et dans la vertu.
Le Vieillard et les trois Jeunes Hommes est presque d’une haute moralité, point encore tout à fait, il est bien certain que c’est seulement un conseil de sagesse, de prudence, de discrétion et de modestie, mais toutes ces choses, si elles ne sont pas des vertus, commencent à être de très belles qualités, et des demi-vertus si Ion peut ainsi dire. […] Remarquez que, même dans ses Contes et dans ses Fables, il est moraliste, et de premier ordre, c’est-à-dire qu’il parle avec infiniment de perspicacité, de grâce, de malice et quelquefois de profondeur, des vertus, peu, mais des ridicules et des vices des hommes. […] Mais est-il un psychologue, cest-à-dire un homme qui étudie les hommes et qui les regarde, non pas dans leurs vertus ou dans leurs vices généraux, mais en eux-mêmes, particulièrement et individuellement, comme un La Bruyère, est-il cet homme-là ?
Les petits hommes drôles sont capables de faire choir les vertus les plus revêches. Or, la vertu de Joséphine n’est point farouche. […] Car elle possède, au plus haut degré, la vertu coutumière de ses pareilles : la bonté. […] l’apothéose des vertus germaniques, au moment où l’Allemagne, de toutes parts, se soulève contre les Français ! […] On peut alors apprécier les vertus des colons hollandais de Java.
X Filis s’est amélioré moralement ; il est sérieux, il est fidèle en politique à de certains principes ; il s’est marié et a des vertus domestiques ; il pleure la mort d’un enfant, d’une mère, avec une douleur vraie et des larmes abondantes qui sortent du cœur. De tout temps goûté pour son esprit et son brillant, voilà que ceux même qui avaient des préventions contre lui, l’estiment pour son caractère ; on parlera bientôt de ses vertus. « Filis gagne beaucoup », dit-on de toutes parts. — Oui, vertus mondaines, acquises, estimables sans aucun doute ; — mais demandez-lui un peu s’il n’a pas à se reprocher d’être négligent, injuste, étouffant contre tel pauvre homme, jeune encore, de savoir, de mérite (il le sait bien), mais obscur et qui ne percera pas et qui n’écrit dans aucun journal, et dont il n’a à espérer aucun éloge, à redouter aucune attaque ; s’il ne le tient pas de son mieux en une place inférieure, avec une sorte de négligence hostile, parce que l’autre ne lui a pas assez fait la cour et ne peut jamais s’en faire craindre ; demandez-lui combien de temps cette iniquité durera, jusqu’à quand ce mauvais caprice ne sera pas lassé contre un homme de mérite sans monde et sans plainte… Et pourtant Filis s’améliore, dit-on ; il a bien gagné, répètent avec sincérité ceux dont il soigne l’opinion et qu’il ménage ; et au dessert, entre amis, si le discours tombe sur lui, on commence à parler de ses vertus. (1838) XI Chateaubriand n’aime pas ses enfants (en littérature), ni rien qui lui ressemble de près ou de loin. […] XXXV Aujourd’hui (14 juillet 1846) à l’Académie, il s’agissait des prix de vertu à donner ; P… avait fait un bête de rapport, et chacun était en train d’en chicaner les conclusions. […] la vertu est aimable. » CXXVII Il peut se faire de grandes choses de nos jours, de grandes découvertes par exemple, de grandes entreprises ; mais cela ne donne pas à notre époque de la grandeur. […] En revanche, ils aiment fort la satire, ce qui est bien différent : mais la vérité, c’est-à-dire cet ensemble non arrangé de qualités et de défauts, de vertus et de vices, qui constituent une personne humaine, ils ont toute la peine du monde à s’en accommoder.