En la peignant comme Boucher l’aurait peinte, il a cessé d’être grave ; il a été passionné, tendre, approbateur, courtisan, justaucorps bleu ; il a trouvé tout exquis ou à peu près… Et quand (ce qui est rare) le vieux instinct de l’écrivain politique ou du moraliste chrétien s’est réveillé, et qu’il a fallu, sous peine de se renier soi-même, blâmer quelque chose dans cette société qui, après tout, a quelquefois de de grisantes odeurs de cloaque et d’effroyables réalités, il n’a pas appuyé, il a glissé, un mot a suffi, et il est retourné vite au bonheur de ses admirations.
Reconnaissez pourtant dans ce roman, tout faible qu’il soit, un romancier qui, s’il se ressemble trop à lui-même, ne ressemble pas du moins à ceux-là, venus après lui, et qui tendent à s’élever sur ses débris… Octave Feuillet a encore à son front un reflet de romantisme de sa première heure.
L’homme, sanctifié par le spiritualisme, tendait la main à ses frères les anges, se croyant si près d’eux que le monde animal, le monde végétal n’étaient plus rien dans son esprit qu’un décor gracieux planté par le divin régisseur des forces cosmiques.
N’est-ce pas cette patrie, à laquelle je me confie, mère tendre et pieuse, dont le sein recouvre ceux qui m’ont donné le jour ?
Ce n’est pas du tout ce fiacre de Scarron qui est en lutte avec l’esprit de son temps, c’est Molière, et ce n’est pas du tout Racine qui est le favori du beau monde, c’est le tendre Quinault ; mais de Charles Perrault, le spirituel auteur du Parallèle des anciens et des modernes, et de l’exact auteur des Satires ou de l’Art poétique, sachons-le bien, le vrai fauteur de nouveautés, c’est Boileau. […] L’une se dépite et se mutine d’être prise au piège qu’elle-même a tendu, l’autre se désespère de tendre inutilement son piège, et que celui qu’elle voudrait ne s’y prenne pas. […] Or, il faut se défier quand ce diable d’homme fait tout ce tapage autour de l’une de ses brochures ou de l’un de ses livres : il a ses raisons, et c’est un piège qu’il tend à quelqu’un. […] On demandera peut-être où tendaient toutes ces manœuvres. […] Il n’est guère qu’un seul écrivain du siècle avec qui les rapports de Malesherbes, du premier jusqu’au dernier jour, soient restés non seulement bienveillants, mais presque tendres : c’est Rousseau.
Le comique Molière était né tendre et facilement amoureux, de même que le tendre Racine était né assez caustique et enclin à l’épigramme.
Ils restent longtemps, très longtemps, jusqu’au crépuscule, et dans le tête-à-tête et dans l’ombre, l’on cause avec une tendre expansion. […] Cette mère dont il cause volontiers, il me la peint, avec des paroles tendres.
Enfin, c’est encore ainsi que s’est introduite dans le roman la question d’argent, et naturellement, avec elle, tout ce que l’acquisition de la fortune, ou le soin de la conserver seulement, exigent de patience et d’efforts, d’arithmétique et d’algèbre, de calculs et de combinaisons, de chicanes et de procès, de défaites subies et de batailles gagnées… « Il ne les a pas logés, tous ses beaux jeunes gens sans le sou, dans des mansardes de convention, tendues de perse, à fenêtres festonnées de pois de senteur, et donnant sur des jardins ; il ne leur fait pas manger des mets simples, apprêtés par les mains de la nature ; il ne les habille pas de vêtements sans luxe, mais propres et commodes ; il les met en pension bourgeoise chez la maman Vauquer ou les accroupit dans l’angle d’un toit, les accoude aux tables grasses des gargotes infimes, les affuble d’habits noirs aux coutures grises, et ne craint pas de les envoyer au mont-de-piété, s’ils ont encore, chose rare, la montre de leur père. » C’est à Théophile Gautier que j’emprunte ces lignes. […] Des mains se tendirent, des fronts s’inclinèrent, Tom Lévis venait d’entrer ». […] Voilà l’image fidèle de la façon de composer qui tend à s’introduire dans le roman.
Enfin je sentis un jour dans le sacrifice de la mere des Machabées, les conditions que je cherchois : la nouveauté de l’action au théatre ; car qu’y a-t-il qui ressemble à la situation d’une mere si tendre, et cependant aussi vive pour exhorter son fils à la mort, qu’elle auroit pû l’être naturellement pour le sauver ? […] Je désirerois au reste qu’avec toutes ces attentions on tendît encore à donner à la tragedie une beauté qui semble être de son essence, et que pourtant elle n’a gueres parmi nous ; je veux dire ces actions frappantes qui demandent de l’appareil et du spectacle. […] Eh comment Alphonse tendre, comme elle le connoît, pourroit-il punir son fils d’un crime si promptement et si généreusement réparé ? […] Comment résister à des objets si tendres, et à qui la nature a donné des droits sur tous les coeurs !
Sanadon fasse sur moi un plus bel éfet, je regrète le sentiment tendre qu’elle me fait perdre. […] Nous avons dèja remarqué que les langues n’ont pas autant de mots que nous avons d’idées ; cette disète de mots a doné lieu à plusieurs métaphores ; par exemple : le coeur tendre, le coeur dur, un rayon de miel, les rayons d’une roue, etc : l’imagination vient, pour ainsi dire, au secours de cette disète ; elle suplée par les images et par les idées accessoires aux mots que la langue ne peut lui fournir, et il arive même, come nous l’avons dèja dit, que ces images et ces idées accessoires ocupent l’esprit plus agréablement que si l’on se servoit de mots propres, et qu’elles rendent le discours plus énergique ; par exemple, quand on dit d’un home endormi qu’il est enseveli dans le someil, cette métaphore dit plus que si l’on disoit simplement qu’il dort : les grecs surprirent Troie ensevelie dans le vin et dans le someil. (…). […] Un de nos poètes a dit : leurs cris remplissent l’air de leurs tendres souhaits. […] substantifs pris adjectivement, adjectifs pris substantivement, substantifs et adjectifs pris adverbialement. un nom substantif se prend quelquefois adjectivement, c’est-à-dire, dans le sens d’un atribut ; par exemple : un pére est toujours pére, cela veut dire qu’un pére est toujours tendre pour ses enfans, et que malgré leurs mauvais procédés, il a toujours des sentimens de pére à leur égard ; alors ces substantifs se construisent come de véritables adjectifs.
En son bel article sur Byron, déjà cité, il offense, il évince presque en deux mots du rang des vrais poëtes le tendre et profond Cowper, le sublime Wordsworth ; il les rejette négligemment parmi les esprits singuliers et maladifs, êtres sans puissance sur l’imagination des autres hommes.
Rouillé de n’avoir pas participé au traité de Vienne ; c’est pourquoi « on donne une pension de 6 000 livres à sa nièce, Mme de Castellane, et une autre de 10 000 à sa fille, Mme de Beuvron, fort riche » « M. de Puisieux jouit d’environ 76 ou 77 000 livres de rente des bienfaits du roi ; il est vrai qu’il a un bien considérable ; mais le revenu de ce bien est incertain, étant pour la plupart en vignes. » — « On vient de donner une pension de 10 000 livres à la marquise de Lède parce qu’elle a déplu à Madame Infante et pour qu’elle se retire. » — Les plus opulents tendent la main et prennent. « On a calculé que, la semaine dernière, il y eut pour 128 000 livres de pension données à des dames de la cour, tandis que depuis deux ans on n’a pas donné la moindre pension à des officiers : 8 000 livres à la duchesse de Chevreuse dont le mari a de 4 à 500 000 livres de rente, 12 000 livres à Mme de Luynes pour qu’elle ne soit pas jalouse, 10 000 à la duchesse de Brancas, 10 000 à la duchesse douairière de Brancas, mère de la précédente, etc. » En tête de ces sangsues sont les princes du sang. « Le roi vient de donner un million cinq cent mille livres à M. le prince de Conti pour payer ses dettes, dont un million sous prétexte de le dédommager du tort qu’on lui a fait par la vente d’Orange, et 500 000 livres de grâce. » « M. le duc d’Orléans avait ci-devant 50 000 écus de pension comme pauvre et en attendant la succession de son père.
où sont les peuples qui tendent la main à l’oppression universelle de l’Italie romaine ?
Un parti nombreux dans son sein voulait pousser les choses à leurs conséquences et tendre la situation jusqu’à ce qu’elle se rompît.
Personne ne l’arrête pour lui tendre une main banale dans la foule, il parle à peu de passants ; mais quand il en rencontre par hasard un qu’il goûte ou qu’il aime, il revient sur ses pas, et il l’accompagne en sens contraire de sa route, comme quelqu’un à qui il est égal d’aller ici, ou là, et de perdre des pas ou du temps, pourvu qu’il ne perde rien de son cœur, de son esprit et de son goût pour ceux qui lui plaisent.
Figurez-vous tout ce qu’il y a de naïf dans l’enfant, d’aimant dans la jeune vierge, de tendre dans la fille, de dévoué dans la sœur, d’affectueux dans l’amie, de religieux dans le sentiment, de pittoresque dans le coup d’œil, de délicat dans la perception, de nouveau dans le sens des choses morales et des paysages, sortant sans prétention, sans étude et sans effort, pendant vingt ans, d’une âme qui s’oublie elle-même pour se révéler à son Dieu, et qui trouve des accents, des images, des soupirs, des hymnes, comme l’éclair trouve son chemin dans les nuages, et comme l’abeille trouve son parfum dans les bouquets du printemps sur l’océan de fleurs de la prairie : voilà ce style !
Pour le punir, lavèh l’aveugle « le précipite dans le crime tendu », lui fait, dans un accès, de fureur, tuer son frère, qu’il aimait pourtant.
La musique, pour elles, tend à devenir aussi un mode d’expression oratoire.
Quels amis valent ces livres qui sont là toujours prêts à répondre à notre appel, et qui ne nous abandonnent ni dans le malheur, ni dans la prospérité Nous n’avons qu’à tendre la main, et aussitôt Homère, Virgile, Horace, Corneille, Molière, Racine, nous enivrent tour à tour des parfums de leur poésie.
Du Bellay a dit ce qu’il fallait laisser et où il fallait tendre ; il a rompu avec le passé, et il a ouvert une voie nouvelle.
Ses lettres, le plus aimable et peut-être le plus original de ses ouvrages, ont révélé dans ce penseur absolu, dans ce logicien inexorable, un père presque plus père que les plus tendres ; car tout ce que ceux-ci ont d’entrailles pour l’enfant qui vit sous leur toit, tout près de leur cœur, de Maistre l’avait pour une fille née le jour même où il quittait son pays, et dont il cherchait « à se représenter la figure », entrevue et devinée par le cœur dans les tristesses de l’exil, et embellie par l’orgueil paternel.
L’amour est chez eux un sentiment tendre, profond, affectueux, bien plus qu’une passion.
Il ne suffit pas en effet de savoir ce qui est ou ce qui a été pour dire ce qui sera ; si l’on reconnaît à l’homme le pouvoir de modifier par une conduite raisonnée, soit sa propre destinée, soit celle du groupe auquel il appartient, il faut bien admettre, au-delà et au-dessus de la science, se dégageant d’elle et la dépassant, un idéal qui tend à se réaliser par cela seul qu’il est conçu, qui est ainsi de la réalité en puissance, ou pour mieux dire encore, en voie de formation.
Remarquons surtout la poétique apparition de ce motif d’Harold à la fois noble, sombre et tendre, dans la marche des pèlerins (dans un rhythme allongé cette fois), la sérénade (de même, pendant qu’en même temps le cor anglais chante la mélodie de la sérénade) et l’orgie des brigands.
Dans le roman, les imaginations passionnées de George Sand répondent, à travers deux siècles, aux tendres rêveries d’Honoré d’Urfé, et le naturalisme de Flaubert et de Zola répète la réaction réaliste de Sorel et de Scarron.
Vos événements, pressés les uns sur les autres selon votre bon plaisir, sont plus romanesques qu’intéressants : ils se composent de la proscription d’un noble devenu chef de brigands, ce qui n’est pas nouveau ; d’un acte de générosité fait par un vieillard rodomont, jaloux et bavard, faible et fausse imitation du beau don Diègue de Corneille ; d’un galantin devenu empereur et philosophe profond au moment de son couronnement ; enfin, de la noce d’une demoiselle tant soit peu dévergondée ; et tout cela finit au bruit d’un cor merveilleux, qui force deux tendres amants, près de s’enivrer de la coupe du plaisir, à s’empoisonner de compagnie, le tout pour satisfaire la vengeance d’un vieillard stupide ; car c’est ainsi que vous l’appelez vous-même.
et c’est ainsi que, sans conviction et sans idées, il est entraîné par le courant du sophisme contemporain qui veut humaniser les êtres surnaturels dans l’histoire, pendant que la philosophie tend à diviniser les hommes.
Du reste, cet incroyable jugement, bâti sur les Charivaris du temps de Charlemagne (il y en avait), est bientôt réparé par l’inconséquence habituelle de l’auteur qui, dans un portrait, abominablement flatté, de l’empereur Frédéric Barberousse, pour lequel il se sent les plus tendres entrailles, compare, pour lui faire piédestal, le juste, le vaillant Frédéric, si ambitieux d’épargner ses ennemis, ambition nouvelle, à ce superstitieux et sanguinaire Charlemagne de la page 106, transformé, comme vous allez le voir à la page 468.
Et elle lape avec plus d’avidité dans l’auge qu’on lui tend.
Feydeau nous tend un livre d’archéologie ; de l’autre, un roman.
Les histoires de la littérature depuis trente ans, individuelles comme celle de Lanson, et surtout collectives, tendraient volontiers au syncrétisme que nous présentons ici cum grano salis. […] La fleur de la culture, à sa dernière période, tend vers un atticisme, ou plutôt elle retrouve, à travers un alexandrinisme inévitable, certains états plus ou moins purs d’atticisme. […] Ce nocturne de Lamartine a la mollesse de l’écharpe lactée sur la terre et les eaux, il est une vision déroulée dans une moiteur élyséenne et tendre, la sensation de la poussière cosmique où nous flottons, de l’espace vivant où vogue la planète. […] Lamartine a réalisé cet équilibre sans qu’il y ait rien d’apparent dans le dessein, de tendu dans l’effort. […] L’Arc est un monument artificiellement tendu, sans précédent dans la tradition architecturale de la France, sans rapport avec la taille, la réalité de l’homme, et contre lequel Viollet-le-Duc a écrit une page impitoyable.
Même après s’être décidé en principe à pratiquer cette défiance contre nature, on tend instinctivement à s’en délivrer le plus vite possible. […] Les erreurs personnelles tendent à diverger, ce sont les observations exactes qui concordent. […] Les érudits, habitués à recueillir tous les faits sans préférence personnelle, tendent à exiger surtout un recueil de faits complet, exact et objectif. […] Il faut qu’ils ne soient pas exceptionnels, ce qui est à présumer pour tous les cas qui se produisent dans des conditions exceptionnelles ; les auteurs de documents tendent à noter de préférence ce qui les surprend, par conséquent les cas exceptionnels tiennent dans les documents une place disproportionnée à leur nombre réel ; c’est une des principales sources d’erreur. 4° Le nombre des spécimens nécessaires pour généraliser doit être d’autant plus grand qu’il y a moins de moins de ressemblance entre tous les cas pris dans le champ. Il pourra être petit sur les points où les hommes tendent à se ressembler fortement, soit par imitation ou convention (langue, rites, cérémonies), soit par l’effet de coutumes ou de règlements obligatoires (institutions sociales, politiques dans les pays où l’autorité est obéie).
— ou bien elle voudra se retremper à ses sources vives et se fortifier par une sympathie tendre et ferme en même temps pour toutes ses manifestations sur le sol où elle s’est formée. » Je ne sais si M. […] Elle tend à faire croire que Malherbe aurait donné peu d’attention à la qualité de la rime ; et c’est le contraire qui est vrai. […] Incapable de se juger, son mouvement naturel, qui est en tout d’excéder la nature, tend de lui-même à l’éloigner de cette vérité que l’on peut bien distinguer, mais jamais entièrement séparer de la beauté dans l’art. […] Taine ; ou, si l’on veut encore, je doute qu’on eût compris, presque aussitôt leur apparition, où tendaient le théâtre de M. […] On n’imite déjà plus la nature tout entière ; on choisit, on assortit, on combine ; et ce n’est certes pas encore être idéaliste, mais pourtant on y tend, ou plutôt, et pour mieux dire, on le serait, — si l’on le pouvait.
Le prêtre descend de cette haute place où le droit de remettre les péchés et de régler la foi l’avait élevé par-dessus les têtes des laïques ; il rentre dans la société civile, il se marie comme eux, il tend à redevenir leur égal, il n’est qu’un homme plus savant et plus pieux que les autres, leur élu et leur conseiller. […] La nuit, on lui extraira une balle de la chair, ou des éclats enfoncés dans ses os ; il tendra sa bouche violemment fendue pour qu’on la lui recouse : tout cela pour un homme qu’il n’a jamais vu, ou par qui, s’il l’a vu, il n’a pas été remarqué, un homme qui l’enverra à la potence s’il essaye de fuir toutes ces misères372. » Voilà l’avantage de l’imagination complète sur la raison ordinaire. […] Une puissance extraordinaire, un gigantesque ressort d’action s’était tout d’un coup tendu dans l’âme, et il n’y avait aucune barrière dans la vie morale, ni aucun établissement dans la société civile que son effort ne pût renverser.
Il est disciple de Bacon, et le met au-dessus de tous les philosophes ; il juge que la véritable science date de lui, que les spéculations des anciens penseurs ne sont que des jeux d’esprit, que pendant deux mille ans l’esprit humain a fait fausse route, que depuis Bacon seulement il a découvert le but vers lequel il doit tendre et la méthode par laquelle il peut y parvenir. […] Les vieux murs gris étaient tendus d’écarlate ; les longues galeries étaient couvertes d’un auditoire tel qu’il s’en trouva rarement de semblable pour exciter les craintes ou l’émulation des orateurs.
Emerson a représente celle-ci par quelques géants41 qui, de siècle en siècle, se tendent la main au-dessus du troupeau des hommes. […] Il tend à instituer une Caisse nationale des Lettres, des Sciences et des Arts et de donner aux écrivains un statut légal.
* * * — J’ai gardé pour cette femme, à peine entrevue, je ne sais quel désir vague, et qui parfois me revient sur une note douce, et tendre. […] Lui est un passionné tendre et mélancolique, tandis que moi je suis un matérialiste mélancolique… Je sens encore en moi, de l’abbé du xviiie siècle, avec de petits côtés cruels du xvie siècle italien, non portés toutefois au sang, à la souffrance physique des autres, mais à la méchanceté de l’esprit6.
Je vous rappelle la situation : Arnolphe, qui veut épouser Agnès, lui explique tout l’honneur que ce sera pour elle d’être unie à un homme comme lui, et lui dresse tout son plan de conduite : Songez qu’en vous faisant moitié de ma personne, C’est mon honneur, Agnès, que je vous abandonne ; Que cet honneur est tendre, et se blesse de peu ; Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu ; Et qu’il est aux enfers des chaudières bouillantes Où l’on plonge à jamais les femmes mal-vivantes. […] Ce premier sens que je ne partage pas, et qui tendrait à substituer cette sorte de Dieu-Humanité au Dieu-Providence, ce qui est fort loin de mon idée, ce sens-là on ne peut refuser de le voir dans la scène du Pauvre, d’après tout ce qui précède. « Je n’ai pas voulu donner pour l’amour de Dieu, je donne pour l’amour des hommes. » Mais l’autre sens y est aussi, parce que, arrivé à cette limite extrême du grand seigneur effréné, Dom Juan est jeté, d’un mouvement en arrière, dans la conception la plus contraire à tout ce qui a inspiré sa vie jusque-là, dans ce grand sens du mot humanité où l’emploient tous les grands publicistes de notre temps. […] C’est de cet usage que sont nés ces singuliers chevaliers dont le théâtre de Dancourt est rempli ; c’est de cet usage que sont nés aussi tous ces petits abbés du xviiie siècle, qui, après que les roués de la Régence eurent mis l’athéisme et le libertinage à la mode, ne pouvaient pas faire un souper sans blasphémer, et dont Gilbert s’est si violemment moqué dans sa Satire du xviiie siècle, où, en parlant d’un de ces derniers, il a dit : Dans un cercle brillant de nymphes fortunées, Entends ce jeune abbé, sophiste bel esprit ; Monsieur fait le procès au Dieu qui le nourrit, Monsieur trouve plaisants les feux du purgatoire ; Et, pour mieux amuser son galant auditoire, Mêle aux tendres propos des blasphèmes charmants, Lui prêche de l’amour les doux égarements, Traite la piété d’aveugle fanatisme, Et donne, en se jouant, des leçons d’athéisme. […] Vous, pères de famille, très dévoués, très tendres pour vos enfants, prenez garde : quelque amour que vous ayez pour vos fils et pour vos filles, il y a une pente naturelle chez l’homme à vouloir toujours être le maître et dominer ce qui l’entoure ; et ce besoin de domination, faible chez les uns, violent chez les autres, a cela de redoutable, qu’il se déguise toujours à nos propres yeux sous les prétextes les plus saints ; c’est une faute, prenez donc garde.
Je conclus, de ce minutieux exemple, que sur tous les points de l’empire un travail à peu près semblable devait s’opérer pour mettre la langue conquérante, la langue romaine à la portée des ignorants et des étrangers, que cette langue se simplifiait, pour être apprise ; que, pour se simplifier, elle se corrompait, et, par cette décadence progressive, tendait vers la forme des langues modernes. […] « Rome, avec faux appeaux, tu tends tes filets, et tu manges maints mauvais morceaux. […] Lors Hugues lui dit en son latin : “Sire, ne tenez pas à mépris ces draps blancs ; ils vous donnent à entendre que chevalier doit tendre à conserver sa chair pure, s’il veut arriver à Dieu.” […] Vos yeux doivent la regarder, pour que vous ne tombiez en orgueil ; car orgueil ne doit pas régner dans un chevalier ; il doit toujours tendre à la simplicité. — Tout cela est fort beau à entendre, dit le roi ; il ne me déplaît pas.”
. — Tantôt enfin les conditions sociales ont imprimé leur marque, comme il y a dix-huit siècles par le christianisme, et vingt-cinq siècles par le bouddhisme, lorsque autour de la Méditerranée comme dans l’Hindoustan, les suites extrêmes de la conquête et de l’organisation aryenne amenèrent l’oppression intolérable, l’écrasement de l’individu, le désespoir complet, la malédiction jetée sur le monde, avec le développement de la métaphysique et du rêve, et que l’homme dans ce cachot de misères, sentant son cœur se fondre, conçut l’abnégation, la charité, l’amour tendre, la douceur, l’humilité, la fraternité humaine, là-bas dans l’idée du néant universel, ici sous la paternité de Dieu. — Que l’on regarde autour de soi les instincts régulateurs et les facultés implantées dans une race, bref le tour d’esprit d’après lequel aujourd’hui elle pense et elle agit ; on y découvrira le plus souvent l’œuvre de quelqu’une de ces situations prolongées, de ces circonstances enveloppantes, de ces persistantes et gigantesques pressions exercées sur un amas d’hommes qui, un à un, et tous ensemble, de génération en génération, n’ont pas cessé d’être ployés et façonnés par leur effort : en Espagne, une croisade de huit siècles contre les Musulmans, prolongée encore au-delà et jusqu’à l’épuisement de la nation par l’expulsion des Maures, par la spoliation des juifs, par l’établissement de l’inquisition, par les guerres catholiques ; en Angleterre, un établissement politique de huit siècles qui maintient l’homme debout et respectueux, dans l’indépendance et l’obéissance, et l’accoutume à lutter en corps sous l’autorité de la loi ; en France, une organisation latine qui, imposée d’abord à des barbares dociles, puis brisée dans la démolition universelle, se reforme d’elle-même sous la conspiration latente de l’instinct national, se développe sous des rois héréditaires, et finit par une sorte de république égalitaire, centralisée, administrative, sous des dynasties exposées à des révolutions.
Le cœur manque à ce buste de femme politique, comme il manque à presque toutes les femmes qui affectent une passion métaphysique et populaire faute d’une passion individuelle et tendre qui nourrisse leur âme au lieu de nourrir leur vanité.
Tous ses désirs tendaient à amener chez lui, en qualité d’épouse, la belle Caroline Dawscherode.
Deux ouvrages d’éducation, écrits à vingt ans de distance, le livre que le chevalier de la Tour Landry adressait à ses filles (1372) et le Ménagier de Paris, qu’un bourgeois déjà mûr dédiait à sa jeune femme (1302) nous font mesurer la différence des deux classes, la frivolité, l’ignorance, l’amoindrissement du sens moral chez l’excellent et bien intentionné seigneur : chez le bourgeois, le sérieux de l’esprit, la dignité des mœurs, la réflexion déjà mûre, la culture déjà développée, enfin la gravité tendre des affections domestiques, l’élargissement de l’âme au-delà de l’égoïsme personnel et familial par la justice et la pitié.
que Racine est bien le poète des femmes, et des plus douces, des plus sages, des plus tendres, aussi bien que des plus folles et des plus détraquées… Après Phèdre, lisez Bérénice, le drame par excellence du sacrifice de l’amour au préjugé social ; sujet éternel comme les autres.
En quoi l’objectivité des peintures, à laquelle ils tendent loyalement et non sans effort, implique-t-elle l’insensibilité, le dédain ou l’ironie du peintre ?
L’Anarchie, en politique comme en littérature, est l’idéal, je le crois, mais comme tous les idéals il est à l’infini, et l’on doit tendre vers lui sans espérer encore l’atteindre.
La science qu’il avait de l’erreur était toute spéculative, une cloison étanche empêchait la moindre infiltration des idées modernes de se faire dans le sanctuaire réservé de son cœur, où brûlait, à côté du pétrole, la petite lampe inextinguible d’une piété tendre et absolument souveraine.
Tandis qu’Artaxerxès croit qu’elle le prend à son service comme un bon esclave, Parysatis appelle les bourreaux qui l’écorchent vif, fait crucifier son corps, et tendre sa peau sur des pieux.
Les offres que vous me faites, l’intérêt que vous prenez à moi, les soins de votre tendre amitié, sont pour mon cœur des objets éternels d’attachement.
Combien de fois n’avons-nous pas vu dans ces dernières années la foule se porter en masse et en hâte dans les théâtres, dans les ateliers, chez les libraires, sur l’avis trompeur d’un farceur ou d’un intéressé ; et là, en présence du chef-d’œuvre, s’écarquiller les oreilles et les yeux, le cou tendu, la poitrine contenue, ne demandant qu’à se laisser violer dans son indifférence !
M. de Lamartine a jeté dans ses admirables chants élégiaques toute cette haute métaphysique sans laquelle il n’y a plus de poésie forte ; et ce que l’âme a de plus tendre et de plus douloureux s’y trouve incessamment mêlé avec ce que la pensée a de plus libre et de plus élevé.
Il avait le plus tendre et le plus durable, si je puis ainsi parler, à savoir Maucroix, qui habitait Reims, qui avait étudié endroit, lui aussi, et qui devait, lui, devenir chanoine à Reims.
J’ai vu des mères, affligées de squirres, prendre leur squirre pour un enfant et devenir tendres pour cette horrible chose qu’elles avaient dans le ventre.
Au silence et à l’air féroce du centurion, elle comprit qu’elle touchait à sa dernière heure ; elle dit : « L’empereur vivrait encore, s’il m’avait écoutée », et tendit la gorge au centurion, qui brisa la tête de l’enfant contre la muraille, après avoir égorgé la mère. […] Je dirai plus ; il est selon mon cœur, et peut-être est-il encore selon la justice, de hasarder une opinion qui tende à blanchir un personnage illustre, contre des autorités qui contredisent la teneur de sa vie, de sa doctrine, et l’estime générale dont il a joui. […] Un homme instruit et véridique racontait qu’un pieux fondateur d’ordre, un saint personnage que l’Église a canonisé, consulté par son frère, homme d’épée, sur la conduite qu’il avait à tenir avec un ennemi violent qui l’avait gravement insulté, ne lui dit point : « Tu ne tueras pas ; si l’on t’a frappé sur une joue, tends l’autre » ; mais qu’il se mit à genoux, et que, levant les mains au ciel, il adressa cette prière à Dieu : « Dieu miséricordieux, je te rends grâce de m’avoir conduit dans cet asile où je n’ai point d’injure à craindre ni à venger ; sans cela, l’insolent qui m’aurait outragé serait déjà mort. » Lecteur, je vous entends, vous condamnez le moine à prendre l’habit du militaire, et le militaire à prendre l’habit du moine ; mais blâmez-vous celui-ci ? […] Pour y attirer Agrippine, Néron lui écrit les lettres les plus tendres et les plus séduisantes ; il dit, avec une franchise qui en impose même aux courtisans, « que les pères et mères ont des droits ; que les enfants doivent supporter leurs vivacités135, et qu’il faut en étouffer le ressentiment. » Ces discours sont rendus à Agrippine : elle oublie et les affaires désagréables que son fils lui a suscitées depuis son exil de la cour et les insultes des passants de terre et de mer aux environs de sa retraite ; elle vient (Id. […] Mais à quoi tendent toutes ces disputes pour et contre les mœurs d’un philosophe ?
Viande tendre. […] D’autres enfin se placent également bien devant ou après leurs substantifs, c’est un savant homme, c’est un homme savant ; c’est un habile avocat ou un avocat habile ; & encore mieux, c’est un homme fort savant, c’est un avocat fort habile : mais on ne dit point c’est un expérimenté avocat, au lieu qu’on dit, c’est un avocat expérimenté, ou fort expérimenté ; c’est un beau livre, c’est un livre fort beau ; ami véritable, véritable ami ; de tendres regards, des regards tendres ; l’intelligence suprème, la suprème intelligence ; savoir profond, profond savoir ; affaire malheureuse, malheureuse affaire, &c.
en apparence, je ne suis pas très tendre. […] Depuis notre premier séjour à l’étranger, où je vous ai connue dans notre tendre enfance, j’ai été toujours attirée vers vous, et quelque chose me dit qu’un jour nous serons plus liées que nous ne pouvons l’être maintenant. […] Mais cela n’est pas possible, dit-on, car si vous trouvez des amateurs pour écrire vous n’en trouverez pas pour lire, et dès notre plus tendre enfance les mots lire et écrire tendrement unis sonnent à nos oreilles comme deux inséparables.
Ils ressentoient cet intérêt vif & tendre qu’inspire aux ames bien nées tout corps auquel on appartient. […] Elle se prit également pour lui de la passion la plus tendre : rien ne doit moins étonner. […] Parle, que t’a donc fait ton ami le plus tendre ?
Vérité ou sophisme, il n’y avait rien à répondre au premier aperçu à cet axiome, du moment qu’on admettait pour convenu cet autre axiome très contestable : L’homme est égal à l’homme devant le champ ; l’enfant plus avancé en âge et en force est égal à l’enfant nouveau venu, dénué d’années, de force, d’éducation, d’expérience de la vie ; l’enfant du sexe faible et subordonné par son sexe même est égal à l’enfant du sexe fort, viril et capable de défendre l’héritage de tous dans le sien ; l’enfant inintelligent est égal à l’enfant doué des facultés de l’esprit et du cœur, privilégié par ces dons de la nature ; l’enfant vicieux, ingrat, rebelle, oisif, déréglé, est égal au fils tendre, respectueux, obéissant, actif, premier sujet du père, premier serviteur de la maison, etc., etc.
Victor Hugo est bien mal choisi ou bien mal imaginé pour en faire l’objet d’un intérêt si tendre, et le modèle de si patientes vertus à l’œil de ses lecteurs.
Molière fait nombre dans une liste où figurent Les galants Sarrazin et les tendres Voiture.
Ma seule consolation était de lui écrire des lettres pleines d’un sentiment tendre et tout humides de regrets.
Rien de plus ingénu, de plus pudique, et de plus saintement tendre, que l’allégresse, la joie sans mélange d’arrière-pensée ou de rancœur jalouse, par lesquelles Elisabeth accueille son chevalier que lui amène Wolfram lui-même.
« Brusquement, dit Wagner, l’œil est ébloui par un amoncellement de couleurs éclatantes, un effet de rayonnement qui rend tout indistinct. » Aucune proportion, le monstrueux luxuriant après le monstrueux terrible ; des fleurs énormes et touffues, des orchidées gigantesques et bizarres sort un essaim de fleurs plus frêles, plus animées, vivantes, constamment mobiles ; émergeant à peine de la végétation, vagues, elles traversent la scène en courant ça et là ; puis, tout à coup, le mouvement cesse et ces apparitions prennent corps en devenant immobiles : elles sont couvertes de cépales aux couleurs tendres remontant et descendant de la taille à mi-sein et à mi-jambe ; de fixes étamines ondulent sur elles à chaque mouvement imperceptible.
16 avril, l’Action : publication des lettres de Wagner à sa couturière (la robe de satin ponceau avec traine, la robe en velours rose tendre à garniture céladon, les jupes à soufflet, etc. etc., qui ne furent sans doute que de simples robes de chambre quelque peu excentriques.)
Mais puisqu’ils m’ont forcé, par leurs calomnies, de me déclarer pour être le seul Auteur des Trois Siecles, je crois devoir réfuter les imputations qui tendent à persuader que j’ai eu des Coopérateurs.
Bientôt arrive le licteur au front bas et le glaive tendu, qui égorge la grande Bacchante sur son lit de pampres.
Si deux événements se sont succédé dans le monde extérieur avec une grande fréquence, niera-t-on que, par l’effet même de cette fréquence, l’image du premier événement tende à éveiller celle du second dans l’esprit ?
Chez les animaux, au contraire, quand on fait la section du canal de Sténon, la fistule ne persiste que très peu de temps, et tend à se détruire par un mécanisme tout à fait particulier qui est toujours à peu près le même. […] L’animal est placé sur le dos, le cou tendu et la tête renversée ; nous faisons une incision de 3 à 4 centimètres sur le bord interne de la mâchoire inférieure, et de telle façon que le milieu de l’incision corresponde à peu près au milieu de la mâchoire elle-même et au niveau de l’insertion antérieure du muscle digastrique. […] Leuret et Lassaigne tendaient aussi à cette même conclusion, quoique Tiedemann et Gmelin, dans leur travail publié à la même époque, commençassent déjà à indiquer des différences dans les propriétés du suc pancréatique comparées à celles de la salive. […] Lorsque l’expiration avait lieu, le diaphragme se retirant du côté de la poitrine, et les muscles abdominaux ne pouvant pas se contracter, l’air rentrait par la plaie pour remplir le vide qui tendait à se former. […] On plaça également une ligature sur chacun des conduits pancréatiques, et le tissu de l’organe était devenu plus dur et plus tendu après l’injection.