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787. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Les Femmes savantes. […] Plus tard, il fit allusion à sa position entre ces deux femmes par les rôles de Clitandre, d’Henriette et d’Armande des Femmes savantes, et principalement par la scène ii du premier acte de ce chef-d’œuvre. […] Molière lui confia ceux de madame Pernelle du Tartuffe, de madame de Sotenville de George Dandin, de madame Jourdain du Bourgeois gentilhomme, de Philaminte des Femmes savantes, et de la comtesse dans La Comtesse d’Escarbagnas. […] On lit sur le livre de La Thorillière, au 8 juin : « À Phlipote 1 livre 10 sous. » Ce rôle avait bien peu d’importance, mais nous verrons plus tard le même système suivi notamment pour un rôle qui en avait beaucoup, pour celui de Martine des Femmes savantes. […] Voltaire donne la traduction d’un passage d’un livre des Indiens, écrit dans un langage que l’on parlait de temps immémorial aux bords du Gange, et recueilli par le savant colonel ; ce morceau renferme une anecdote qui, au dénouement près, a la plus grande conformité avec l’aventure du général thébain.

788. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Rhétorique excellente que celle du savant, car elle repose sur la justesse du style vrai, sobre, proportionné à ce qu’il s’agit d’exprimer, ou plutôt sur la logique, base unique, base éternelle du bon style. » La logique est en effet la base, et, dans les ouvrages purement scientifiques, elle est presque tout ; mais, dans l’œuvre d’art, elle est insuffisante. Si le style n’avait pour but que l’expression logique et « économique » des idées, l’idéal du style serait la langue universelle et impersonnelle rêvée par quelques savants. […] Mettez au commencement du siècle une littérature de purs savants, pondérée, exacte, logique, et la langue, affaiblie par trois cents ans d’usage classique, restait un outil émoussé, sans vigueur. « Il fallait une génération de poètes lyriques pour faire de la langue un instrument large, souple et brillant. […] Comme la musique, la littérature devient à la fois plus savante et plus harmonique, plus libre dans ses règles et plus vaste dans le domaine de ses applications. […] Ce qui est vrai, c’est que la prose tend, comme nous venons de le montrer, à s’organiser d’une manière à la fois plus savante et plus libre, mais en conservant ce qui a toujours fait le fond commun de la poésie et de la prose, à savoir l’image et le rythme, l’une s’adressant aux yeux, l’autre aux oreilles, tous deux cherchant à atteindre le cœur.

789. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Tel est l’état de l’individu dans ces sociétés d’insectes dont l’organisation est savante, mais l’automatisme complet. […] Il en fit surtout quelque chose de plus savant. […] Le Bouddhisme, plus savant d’un côté, est plus mystique encore de l’autre. […] Nous nous représentons donc la religion comme la cristallisation, opérée par un refroidissement savant, de ce que le mysticisme vint déposer, brûlant, dans l’âme de l’humanité. […] Quoi de plus construit, quoi de plus savant qu’une symphonie de Beethoven ?

790. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

On peut voir encore, dans un recueil de lettres inédites donné par Serieys, en 1802, trois lettres ingénieuses et galantes de Fléchier à Mlle de La Vigne, un bel esprit et une savante du temps ; et d’autres lettres du même genre et à la même, avec les réponses, au tome premier de la Revue rétrospective (1833), et provenant du tome xiiie des manuscrits de Conrart.

791. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine de Boileau »

Quand septembre apparu délivrait de la ville Le grave Parlement assis depuis dix mois, Bâville se peuplait des hôtes de son choix, Et, pour mieux animer son illustre retraite, Lamoignon conviait et savant et poëte.

792. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Profondément estimé en France de tous ceux qui avaient lu quelques-uns de ses morceaux de morale et de critique dans lesquels une pensée si forte et si fine se revêtait d’un style ingénieux et savant, il laisse un vide bien plus grand que la place même qu’il occupait, et il serait impossible de donner idée de la nature d’une telle perte à quiconque ne l’a pas vu au sein de ce monde un peu extérieur à la France, mais si étendu et si vivant, dont il était l’une des lumières.

793. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Peu s’en faut qu’on ne l’ait proposé pour modèle aux savants dans sa conduite politique.

794. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Il n’écrit ni vers sonores ou martelés, ni strophes à combinaisons savantes ; il n’est ni naturiste ni symboliste ; son style est un mélange de précision et de gaucherie, l’une naturelle, l’autre voulue.

795. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

On comprend après cela les dérisions des sceptiques qui ne veulent y voir qu’un jeu de patience, une construction de fantaisie, une simple amusette à savants, « une fable convenue », disait Fontenelle ; « l’art de choisir entre plusieurs mensonges », disait Jean-Jacques.

796. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

Kahn est en outre un critique et un savant.

797. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Savant, non pas comme un bénédictin, mais comme une congrégation de bénédictins tout entière, il n’en a pas moins été spirituel comme un Champcenetz et un Rivarol, satirique, auteur dramatique, critique littéraire, dilettante fébrilement exquis, dont la sensation équivaut à une création dans les arts.

798. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Cette haute estime dont elle a joui jusqu’à nous est l’effet de la vanité des nations, et surtout de celle des savants.

799. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

X Les savants ont beau disserter, il suffit à un voyageur comme moi d’avoir vu, dans les steppes du Danube, le noble pasteur équestre hongrois, au front élevé, à l’œil rêveur, à la taille lapidaire, au maintien ferme et immobile comme la statue de bronze, enveloppé de sa pelisse noire de poil de mouton, appuyé sur sa houlette de coudrier armée au bout d’un fer de lance, soldat, chevalier, pasteur à la fois. […] XXXIII C’est pour cette fouille savante et silencieuse, œuvre de sa vie mystérieusement active, quoique d’une activité sans bruit, comme celle des monastères contemplatifs du mont Athos ou du mont Jura, qu’il s’enferme pendant la moitié des années dans le donjon aux fenêtres fermées de Saint-Lupicin, qu’il voyage modestement le sac sur le dos en Attique, en Thessalie, en Arcadie, en Italie, en Angleterre, qu’il a recueilli et emporté les os de marbre de Phidias, et qu’il vient passer ses mois de loisir et d’hiver à Paris, caché non loin de moi et de ceux qu’il aime, dans une mansarde à grand horizon de l’avenue de Saint-Cloud, près l’arc de l’Étoile, mansarde élégante quoique modeste, véritable cellule d’un chartreux de l’art, toute tapissée de plâtres et de dessins, toute jonchée, sur les tapis, de livres de poésies et de sciences, toute poudreuse de poussière antique des fragments de marbre qu’il a recueillis. […] XXXVI Telle était la vie de ce solitaire, se nourrissant à l’ombre du toit de Saint-Lupicin de sa propre substance admirative, et trouvant d’ineffables délices d’esprit dans cette contemplation savante de tout ce que l’homme a fait de grand ou de beau sur ce globe, afin de se donner à lui-même et de pouvoir donner un jour aux autres un sursum corda scientifique, capable d’élever l’âme de son siècle et de la soutenir, au-dessus du plain-pied de la vie vulgaire, à la hauteur des plus sublimes manifestations du beau dans la morale, dans la politique et dans l’art.

800. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Voilà pourquoi les poëtes ne sont pas des penseurs ; ils emploient les dons de l’imagination à exprimer, sinon à exagérer ce qui plaît à leur temps ; et s’ils sont savants, c’est que la science elle-même est une mode. […] Dans Rabelais, outre l’humeur qui lui est propre, le médecin, le savant épris des curiosités de l’érudition, offusquent ou distraient le philosophe. […] Jugements des savants sur la traduction de Plutarque par Amyot ; Baillet, tom.

801. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

M. de Heredia la lui apporta en lui apprenant à faire des sonnets parnassiens et le savant put quitter ce monde sans trop de souffrance. […] Taine est un savant, mais encore c’est un philosophe. […] Taine, lui, était hargneux et fermé à toutes choses, mais on le disait très savant, il portait beaucoup de mots dans son cerveau, il les déchargeait dans ses livres.

802. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Considéré seulement comme versificateur, Émile Boissier a le métier le plus souple et le plus vivant, le plus savant et le plus naturel, Coppée et Heredia sont, auprès de lui, des ignorants et des maladroits. […] Aujourd’hui, mieux regardée et mieux comprise, c’est l’œuvre entière que j’aime en sa beauté diverse et savante, en la haute signification de son ensemble. […] Car le poète est complexe, savant, fougueux, amoureux du détail.

803. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

En comparaison d’eux, les Galilée, les Descartes, les Pascal, les Huyghens, et à plus forte raison un Swammerdam ou un Harvey, n’étaient que des « curieux. » Le titre même d’une comédie de Molière en témoigne : Les Femmes savantes, et les préoccupations de sa Philaminte ou de son Armande, qui sont « curieuses », il est vrai, de physique et d’astronomie, mais combien plus curieuses encore de petits vers, et des fatrasseries dont Gilles Ménage, Egidius Menagius, était le plus illustre représentant ! […] Il fallait que ce qui était acquis fût acquis, le fût à toujours ; et ils eussent dit volontiers, en parodiant un mot de Bossuet, que toute vérité, du moment et par cela seul qu’elle était sortie du cabinet ou du laboratoire du savant, « avait d’abord toute sa perfection. » Si cette conception de la science, — infiniment plus étroite et plus ennemie du progrès que celle qu’aucune Église s’est jamais formée de son dogme, — n’est pas encore tout à fait abolie, mais le sera bientôt sans doute, quand nous aurons cessé de subir l’influence des Renan et des Littré, personne assurément n’y aura plus contribué qu’Auguste Comte ; et ce n’est pas le moindre titre du positivisme, — il faut le dire et le redire, — que d’avoir opéré cette révolution. […] Dans un tableau d’Hogarth, qui fait partie de la série de son Mariage à la mode, et qui représente un laboratoire ou un capharnaüm d’apothicaire, on voit un appareil d’une complication singulière et presque menaçante ; on s’approche pour l’étudier ; et on s’aperçoit, ou du moins on croit s’apercevoir, car il ne faut répondre ici de rien, que cet appareil si savant, dont on ne peut s’empêcher d’admirer l’inventeur, n’a d’autre usage que de servir à déboucher les bouteilles.

804. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Faut-il que ce soit nous qui apprenions l’étymologie au philosophe, au philologue, au savant traducteur de Vico ? […] C’est à la fois de l’imagination la plus savante et là plus profonde. […] Tout le monde l’a exaltée, jusqu’au vieux Corneille, qui la tenait probablement du cardinal de Richelieu, lequel la tenait, lui, on ne sait nommément de qui, car ç’avait été un savant de Sorbonne que le cardinal de Richelieu, dans sa jeunesse, et M. 

805. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

François Baudry, neveu du peintre célèbre, était un jeune savant de vingt-quatre ans. […] Par une matinée de juin, avec trois compagnons, je circulais dans Ablain, pire qu’un désert, longue rue dépecée par la mitraille, où venait encore à de longs intervalles un obus, et soudain voici que d’une cave s’élève un air charmant et savant de Bach, chanté par un violoncelle que soutient un piano. […] Pleins de goût et de feu, ces jeunes doctrinaires formaient une société d’une espèce rare, une académie à la fois savante, policée et enthousiaste.

806. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Pour premier service, Molière, le savant, le grammairien, le latiniste, le lecteur de Montaigne, de Froissart et d’Amyot, Molière venge la langue française des perfections de l’hôtel de Rambouillet. […] de peindre les mœurs, de les corriger, de représenter ad vivum l’avare, la coquette, le bourru, l’hypocrite, les timides amoureux qui se regardent sans se rien dire, les vieillards jaloux de toute joie, et les précieuses, et les femmes savantes, le Don Juan adultère et débauché ? […] de toutes ces femmes de tant de grâce, de verve et d’esprit, élégants représentants de la plus belle société du monde, passions contenues, amours voilés, coquetterie savante et calme, de tout ce beau monde évanoui comme se sont évanouies toutes les grandeurs et toutes les élégances de ce beau siècle, il nous restait — aux premiers jours de la Révolution de 1830 — mademoiselle Mars ! […] Je ne crois pas que même, en lui tenant compte de l’Henriette des Femmes savantes, Molière ait créé une femme plus charmante que cette belle et honnête Elmire. […] Elle tient l’esprit en éveil, elle l’occupe, elle lui plaît, elle parle une langue à la fois claire et savante, et dont la recherche est de bon goût.

807. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Comparé aux autres savants, l’historien se trouve dans une situation très fâcheuse. […] L’historien est obligé de tirer parti de rapports très grossiers, dont aucun savant ne se contenterait62. […] Dans tous les pays, d’innombrables Sociétés savantes consacrent à cette œuvre capitale la plus grande partie de leurs ressources et de leur activité. […] Les observations contenues dans les documents historiques ne valent jamais celles des savants contemporains (on a montré pourquoi). […] Michelet, par exemple) n’étaient pas des techniciens, ni, à proprement parler, des savants.

808. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Flourens, au moment où il se promettait de ne pas me donner sa voix, me disait avec tendresse : « Je vous assure qu’il ne m’est jamais arrivé d’être reçu dans un corps savant, sans éprouver en même temps une véritable peine, une peine très vive, en songeant aux hommes de talent et de mérite qui se trouvaient évincés et ajournés par ma nomination : au milieu de ma satisfaction personnelle, j’en ressentais une sorte de douleur !  […] Flourens dit en causant : « Moi, monsieur, je suis toujours sincère. » — Les mérites du savant et ses travaux subsistent : je laisse entrevoir l’homme tel qu’il m’est apparu. […] LXXXVI Quand je vois combien la plupart de ceux qu’on appelle savants sont peu propres à pénétrer la vie du présent, je me demande si ce qu’ils nous disent du passé, est quelque chose de réel. […] Voici dans le Journal de l’Instruction publique (19 septembre 1855) un professeur qui, dans une énumération d’ouvrages et d’auteurs, en venant à mentionner le Voyage autour de mon jardin d’Alphonse Karr, le fait en ces termes : « Le Voyage autour de mon jardin du savant, spirituel et judicieux Alphonse Karr. » Que dira-t-on de plus de Bayle ou de Nicole ? […] [NdA] Ceci n’est qu’un trait ; voici une variante plus développée et plus étudiée : car ces messieurs les savants ou demi-savants frottés de rhétorique, qui se prodiguent en écrits, en harangues, en cours publics, ne sauraient être privilégiés ; ce sont des auteurs ; ils relèvent, eux aussi, de la critique littéraire et de la peinture morale.

809. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

comme le rythme en est savant à la fois et familier ! […] On lui préfère Le Misanthrope, Les Femmes savantes et surtout et avant tout cet immortel Tartuffe qui semble être le dernier effort de l’esprit humain. […] C’est une affaire et une grosse affaire de monter Les Femmes savantes, Le Misanthrope, L’Avare et tant d’autres comédies du maître. […] Il faut remplacer, par un art savant de minauderies rances, cet aimable éclat des vingt ans à jamais perdus. […] Tenez, on vient de nous jouer, à l’Odéon, Les Femmes savantes. — Eh bien !

810. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Qui oserait affirmer que Schiller, écrivant le drame des Brigands à vingt-deux ans, ce drame corrupteur de la moralité publique, l’aurait encore écrit, de sa plume refroidie, à l’âge fait où il écrivait ses belles œuvres savantes et morales, à son âge mûr ? […] alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre, avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] Jean-Paul, Tieck, les Schlegel, tout ce qui a un nom en Allemagne a vécu là autrefois et avec plaisir, et c’est encore aujourd’hui le point de réunion d’un grand nombre de savants, d’artistes et de personnes distinguées de tout genre. […] Et puis, la vie d’un savant d’Allemagne, qu’est-ce ?

811. (1884) Articles. Revue des deux mondes

De là la sympathie profonde d’Aristote pour les êtres innombrables qui, par la variété de leurs formes et de leurs instincts, sollicitent l’admiration raisonnée du savant. […] Mais la finalité, telle que l’entend Aristote, nous paraît assez voisine de celle que peut accepter un savant. […] Métaphysique si l’on veut ; mais quel savant n’est pas un peu métaphysicien, malgré qu’il en ait, quand il veut aller jusqu’au bout des sciences ? […] Le dernier grand savant de l’antiquité classique, Galien, est tout pénétré de l’esprit aristotélicien.

812. (1903) La renaissance classique pp. -

Il suffit de voir dans leur Journal à quelles pauvretés ils aboutissent chaque fois qu’ils tentent de reproduire même la simple conversation d’un savant ou d’un philosophe contemporain : tant il est juste de dire que le fond, en art, a autant d’importance que la forme, ou plus exactement que c’est tout un et qu’il faut se préoccuper de celui-là avec autant de sollicitude que de celle-ci ! […] Nous sommes avant tout, nous sommes uniquement des littérateurs et des artistes ; et si le savant a sa faculté propre, qui est l’analyse, nous avons la nôtre, qui est l’imagination poétique. […] Sous le voile du mythe, les mages de la Perse avec leur antinomie d’Ormuzd et d’Ahriman, les philosophes grecs qui, comme Empédocle, admettent le dualisme primordial de l’Amour et de la Haine, les théologiens du christianisme qui opposent le royaume de Dieu au royaume de Satan, — tous aboutissent en somme au même point que les savants modernes avec leur double principe d’évolution et de dissolution : l’un qui tend à ramener les choses à l’homogénéité primitive, l’autre qui s’efforce au contraire vers la différenciation en créant de véritables hiérarchies d’individus de plus en plus dissemblables. […] Il va sans dire que nous n’avons pas la prétention de répondre en savant, mais simplement en poète soucieux de voir clair dans des idées de sens commun familières aux gens de son métier.

813. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

La collection qu’elle avait formée était célèbre ; elle en avait confié la garde au savant Baudelot, qui avait toute l’érudition et la naïveté d’un antiquaire et dont elle s’amusait quelquefois. […] Elle nous le montre libertin, même dans les choses de l’esprit, même dans les choses de science, c’est-à-dire curieux et amoureux de tout ce qu’il voyait, et dégoûté de tout ce qu’il possédait : « Quoiqu’il parle de choses savantes, on voit pourtant bien qu’au lieu de lui faire plaisir, elles l’ennuient.

814. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Il prêchera Jésus dans Athènes, et le plus savant de ses sénateurs passera de l’Aréopage en l’école de ce barbare. […] Pour qu’il ne soit pas dit que je ne cherche chez lui que les leçons aux grands et aux puissants, dans ce même Sermon sur l’honneur, où il énumère et poursuit les différentes sortes de vanités, il n’oublie pas les hommes de lettres, les poètes, ceux aussi qui, à leur manière, se disputent le renom et l’empire : Ceux-là pensent être les plus raisonnables qui sont vains des dons de l’intelligence, les savants, les gens de littérature, les beaux esprits.

815. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

En même temps, un jeune érudit qui appartient à l’école fervente et savante d’Ozanam, M.  […] Boivin l’aîné, c’est le savant hérissé et sauvage tout pur ; il se vantait d’avoir en lui de l’oiseau de Minerve.

816. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

André Lefèvre, avec cette pensée philosophique qu’il met en avant, est un artiste, un savant artiste de forme. […] Pour des jeux plus savants un couple adroit s’isole ; Chacune à son tour plonge et remonte à fleur d’eau, D’une main sur son front retenant, son bandeau, De l’autre saisissant sa voisine à l’épaule.

817. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan, que l’opinion des compagnies savantes désignait pour son successeur, était tout prêt à déclarer sa candidature : des difficultés pressenties l’arrêtèrent. […] un professeur savant, respectueux, éloquent, mais d’une éloquence appropriée, qui ne fait en rien appel aux passions et qui ne s’adresse, qu’à l’entendement, ne pourrait obtenir, même de ceux qui se portent comme futurs contradicteurs, cette patience d’une heure entière d’horloge, ce silence indispensable pour être bien compris !

818. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Une verve inégale, intermittente, qui a ses allées et ses venues, ses fuites et ses retours, qui l’abandonne parfois, qui le ressaisit tout d’un coup, qui ne se soutient pas durant un long temps, mais une veine vraie et franche, toute de source, à laquelle il obéit et s’abandonne, et qui fait de lui, non pas un versificateur plus ou moins savant et habile, mais un véritable frère des poètes. […] — Dans un rhythme plus savant, et marchant par couplets de cinq vers chacun, il est une autre pièce écrite en pendant et en contraste du sacre de Charles X, toute champêtre, un peu ironique, et à la manière d’Horace, la Vallée de Champrosay ; celle-ci était déjà connue.

819. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Egger pour ses savants Mémoires où, sur quantité de sujets, grands ou moindres, sont rassemblées tant d’utiles et instructives analyses18 ? […] Je primai mon doute dans une lettre adressé à l’aimable savant même auquel je venais de faire cette espèce de provocation.

820. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Toutefois il a vu des plaies, il les a sondées, il a cru découvrir des dangers pour l’avenir et, à certains égards, des principes de décadence, si l’on n’y avisait et si l’on n’y portait remède ; et non seulement en bon citoyen il pousse un cri d’alarme, non seulement il avertit, mais en savant, en homme pratique, muni de toutes les lumières de son temps et de tous les matériaux particuliers qu’il a rassemblés, au fait de tous les ingrédients et les mobiles sociaux, sachant tous les rouages et tous les ressorts, il propose des moyens précis de se corriger et de s’arrêter à temps. […] Franck, le savant Israélite, professeur au Collège de France, parlait un jour de la tolérance et il en parlait avec feu ; un de ses auditeurs, qui était d’un avis différent, marqua sa désapprobation ; un autre auditeur, voisin du premier, et qui tenait pour la tolérance, indigné de la contradiction, donna un soufflet à l’interrupteur, et celui-ci se vit à l’instant honni et expulsé de la salle par un auditoire enthousiaste de la tolérance.

821. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Assurément ce style est savoureux, mais trop chargé, trop savant et, peu s’en faut, pédant. […] Nous sommes tentés de croire qu’un si savant homme, si profondément imbu des meilleures traditions littéraires, n’est pas un Touranien bien authentique ; que la glorification, dans toute son œuvre, des gueux et des irréguliers en tout genre n’est peut-être bien qu’un jeu d’esprit.

822. (1890) L’avenir de la science « V »

Les prêtres, ce sont les philosophes, les savants, les artistes, les poètes, c’est-à-dire les hommes qui ont pris l’idéal pour la part de leur héritage et ont renoncé à la portion terrestre 59. […] Fichte, dans l’ouvrage où se révèle le mieux son admirable sens moral, a merveilleusement exprimé ce sacerdoce de la science (De la destinée du savant et de l’homme de lettres, 4e leçon.

823. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Sentez-vous quel choc donné aux imaginations, quel élan imprimé à la poésie, quel champ ouvert aux savants, aux historiens, peut-être aux psychologues ? […] Les tempêtes, la pluie et le beau temps n’obéissent guère aux injonctions qui peuvent leur être adressées par un écrivain, fût-ce un savant, fût-ce un mage ou un journaliste.

824. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

En parlant d’une savante, l’auteur dit : D’où vient qu’elle a l’œil trouble et le teint si terni ? […] On voit dans une lettre de madame de Sévigné du 9 mars 1672, à sa fille, au sujet de cette pièce des Femmes savantes, qu’on nous assure avoir été faite jour lui donner une petite correction, ainsi qu’à madame de La Fayette, qu’elle avait ménagé au cardinal de Retz, retenu chez lui par la goutte, le plaisir d’en entendre la lecture de la bouche de Molière.

825. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Quand il écrivait ses mémoires dans sa retraite, il les adressait à un de ses amis, archevêque de Vienne, et il a l’air d’espérer que cet ami, ancien aumônier de Louis XI, et, de plus, savant médecin et astrologue, ne les lui a demandés que pour les mettre ensuite en latin et en composer quelque œuvre considérable. […] Mais ici la pensée est élevée, naturelle, et la même réflexion s’applique à de bien plus grosses batailles et de plus savantes que celle-là.

826. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Suivant moi, à part les cours tout à fait supérieurs et savants, tels que je me figure ceux du Collège de France ou des Facultés, les leçons de littérature, pour être utiles et remplir leur véritable objet, doivent se composer en grande partie de lectures, d’extraits abondants, faits avec choix, et plus ou moins commentés. […] Dans l’histoire des savants, dans celle des artistes, on trouverait amplement à puiser.

827. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Logé au château d’Emkendorf, chez le comte de Reventlau, il y trouva, ainsi que dans les châteaux voisins, tout un cercle de philosophes, de savants, de gens du monde, qu’on aurait vainement cherché à réunir ailleurs avec ce choix et cette distinction. […] Certes, dans ses relations avec le souverain pontife et avec les chefs de l’Église, Napoléon ne pouvait faire choix d’un organe ni d’un conseiller plus savant, plus pieux, plus pur, plus ferme en de certains cas, et plus doux dans le mode de résistance que ne l’était Portalis.

828. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

[NdA] L’arrivée de Franklin à Paris, en 1767, avait été, au reste, très remarquée des savants ; on lit dans les Mémoires secrets dits de Bachaumont, à la date du 19 septembre de cette même année : « M.  […] Tous les savants s’empressent de le voir et de conférer avec lui. » Il n’aurait fallu à Franklin que de parler un peu plus pour être déjà très recherché et pour devenir à la mode en 1767.

829. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Si l’on excepte les élèves qui croient sur parole, les professeurs qui croient par état, et les inventeurs qui croient à titre d’inventeurs, on trouve que sur la foule, savants, jeunes gens et gens du monde, cette philosophie n’a plus de prise, Ceux-ci admettent comme l’école Dieu, l’âme, le devoir ; mais l’obligation en est au catéchisme et à l’opinion plus qu’à l’école. […] Je lui vois deux portes ; il se peut qu’un savant comme Ampère et Geoffroy Saint-Hilaire réunisse les découvertes des sciences positives, forme avec elles un système du monde, et que ces vues d’ensemble s’imposent au public comme la loi d’attraction, ou l’hypothèse du plan animal unique.

830. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

On a cru devoir ajouter à cette première étude déjà un peu ancienne, une seconde, sur le même sujet, donnée au Journal des Savants en septembre 1894, à propos d’une publication de M.  […] Morpurgo, et au mérite de la publication d’un document vraiment curieux, il a joint celui d’un commentaire aussi agréable que savant. […] Je ne sais si mon savant confrère ne prête pas ici involontairement aux hommes du xiiie  siècle notre façon de penser et de sentir. […] Cet extrait est malheureusement très incomplet (il ne dit rien du pape et de l’absolution refusée) et même peu fidèle : j’ai donné plus haut un ou deux spécimens des fantaisies que s’est permises le savant belge. […] J’en dois la traduction à l’amitié de mon savant confrère M. 

831. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Quoique plus jeune, il le précéda dans les hautes charges ; et quoique aussi honnête homme, il lui survécut au ministère : protecteur des savants et des philosophes, il s’est conquis aussi leur reconnaissance et leurs éloges.

832. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Enfin, mademoiselle Plessy, qui remplissait le rôle de la chanoinesse Amélie de Moldaw, a été pleine de réserve et de bon goût, et dans deux ou trois de ces longues tirades où excellait mademoiselle Mars avec ses inflexions si savantes, elle s’est souvenue très-heureusement du parfait modèle.

833. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

C’est une acrobatie savante et délicieuse, qui n’éveille en nous que des idées de grâce, de douceur, de légèreté surnaturelle.

834. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Philosophie du costume contemporain » pp. 154-161

Chez nous autres, les différences ne sont que dans la qualité cachée des étoffes et dans leur coupe plus ou moins savante et précise.

835. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

« Furetières avait raison de regretter le nom énergique d’orgueil, employé par les ouvriers pour désigner l’appui qui fait dresser la tète du levier, et que les savants appelaient du beau nom d’hypomoclion. » Marty-Laveaux, De l’enseignement de notre langue (1872). — On se souvient des conseils donnés par Ronsard dans son Art poétique : « Tu practiqueras bien souvent les artisans de tous mestiers… »

836. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IX »

Cet estimable savant ne prend pas garde que la nomenclature française est internationale et que tous les noms géographiques dont la notoriété est européenne ne sont populaires que sous leur nom français.

837. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Nourri jusqu’à en pâlir des philosophes et des savants, entraîné au grand air par le lyrisme des Lamartine et des George Sand, mais encore bien âpre et livresque et provocant comme un curé breton, Renan eut tout pour séduire son siècle dès cet instant où Sainte-Beuve le fit homme de goût.‌

838. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

 » Le mal est ancien, héréditaire, il date de l’ancienne monarchie ; mais ce sont les législateurs modernes qui l’ont institué à demeure, par système, et qui, pour l’entretenir, l’étendre, l’empirer au-delà de toute mesure, ont employé la précision, la rigueur, l’universalité, la contrainte impérative et les plus savantes combinaisons de la loi4 »‌ ∾ Vous venez d’entendre Taine par-delà le tombeau.

839. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Le savant Mauryfeuilletait un livre dans sa mémoire et le lisait avec autant de certitude qu’un livre réel. […] Des savants, ou qui se croient tels, s’occupent depuis quelques années à reconstituer l’âme, ce fantôme évanoui. […] Buffon est un grand savant, en même temps qu’un grand écrivain. […] Renan fut un croyant, un fanatique : sulpicien de la science, et plus sulpicien encore que véritable savant. […] Ces contradictions sont d’origine savante ; la faute en est au grec, ce destructeur de notre vieille langue.

840. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

La confession d’Eudore, dans une lecture graduelle, dans un cours de littérature pratique (comme je le conçois), devrait précéder ; on y verrait le René agrandi, développé, hellénisé par une transposition ingénieuse et savante : on y admirerait Chateaubriand au complet dans son charme et sa splendeur.

841. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Cette poésie m’apparaît comme un jardin : mais ce n’est pas la solennité grandiose de Versailles ; ce n’est pas non plus le pittoresque vaste et théâtral de la savante Italie qui connaît si bien l’art d’édifier les jardins (ædificat hortos) ; pas même la Vallée des flûtes ou le Ténare de notre vieux Jean Paul.

842. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

S’ils étaient moins savants et moins raffinés que leurs rivaux, s’ils n’étaient pas aussi riches en inventions galantes ou burlesques, les comédiens français de la rue Mauconseil avaient pourtant leurs verves, comme disait Montaigne, et, dans leurs batelages, perçait parfois un génie comique qui promettait de dépasser la commedia dell’arte elle-même.

843. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

C’est pour l’orateur chrétien que ces paroles d’un roi semblent avoir été écrites : L’or et les perles sont assez communes, mais les lèvres savantes sont un vase rare et sans prix 195.

844. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Il croit faire œuvre de savant et demeure romancier. […] Il lui manquait, c’est vrai, d’avoir vivisecté des lapins et disséqué des grenouilles : mais on peut être savant sans scalpel ni microscope. […] Zola est convaincu qu’il fait acte de savant. […] Zola n’avait pas été entraîné par son tempérament d’artiste très loin de ses prétentions de savant, ses livres n’auraient ni la puissance ni la saveur qui en font l’intérêt. […] Il s’est proclamé savant, et cela lui a suffi.

845. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Philosophant alors sur elle, nous la comparerions à un organisme dont les cellules, unies par d’invisibles liens, se subordonnent les unes aux autres dans une hiérarchie savante et se plient naturellement, pour le plus grand bien du tout, à une discipline qui pourra exiger le sacrifice de la partie. […] Le savant lui-même peut à peine s’empêcher de croire que la loi « préside » aux faits et par conséquent les précède, semblable à l’Idée platonicienne sur laquelle les choses avaient à se régler. […] Nombreux sont d’ailleurs les cas où l’homme a trompé ainsi la nature, si savante et pourtant si naïve. […] La prétention de fonder la morale sur le respect de la logique a pu naître chez des philosophes et des savants habitués à s’incliner devant la logique en matière spéculative et portés ainsi à croire qu’en toute matière, et pour l’humanité tout entière, la logique s’impose avec nue autorité souveraine. Mais du fait que la science doit respecter la logique des choses et la logique en général si elle veut aboutir dans ses recherches, de ce que tel est l’intérêt du savant en tant que savant, on ne peut conclure à l’obligation pour nous de mettre toujours de la logique dans notre conduite, comme si tel était l’intérêt de l’homme en général ou même du savant en tant qu’homme.

846. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

On l’a « présenté » ; il assiste « au coucher. » Il est devenu légiste, avocat, savant, philosophe, le tout au profit de sa fortune. […] Il a vu des gens « experts et savants », et sait pourquoi Sa Majesté est languissante. […]     Mon ami, disait-il souvent          Au savant,     Vous vous croyez considérable ;     Mais dites-moi, tenez-vous table ? […] Du haut de son expérience improvisée, il contemple avec mépris la génération arriérée qui le précède, et sourit d’un air de grand homme, savant et pédant, en pensant à son père, « pauvre sire qui n’osait voyager, craintif au dernier point. » Cette vanité de bourgeois lui porte malheur. […] Au fond, l’artiste est un philosophe, et le génie, dans le poëte comme dans le savant, n’a qu’un objet et qu’un emploi.

847. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Nous sommes une génération savante ; la vie instinctive, spontanée, aveuglément féconde de la jeunesse, s’est retirée de nous ; tel est le fait irréparable. […] Aussi, êtes-vous destinés, sous peine d’effacement définitif, à vous isoler d’heure en heure du monde de l’action, pour vous réfugier dans la vie contemplative et savante, comme en un sanctuaire de repos et de purification. […] Le poète, le créateur d’idées, c’est-à-dire de formes visibles ou invisibles, d’images vivantes ou conçues, doit réaliser le Beau, dans la mesure de ses forces et de sa vision interne, par la combinaison complexe, savante, harmonique des lignes, des couleurs et des sons, non moins que par toutes les ressources de la passion, de la réflexion, de la science et de la fantaisie ; car toute œuvre de l’esprit, dénuée de ces conditions nécessaires de beauté sensible, ne peut être une œuvre d’art. […] C’est la même main cependant qui avait écrit la Dryade et Symétha, deux idylles qui, par la facture savante du vers et par la composition générale, se rapprochent beaucoup des études antiques de Chénier, mais dont le sentiment est tout moderne, comme d’habitude. […] Bien qu’aucun siècle n’ait été à l’égal du nôtre celui de la science universelle, bien que l’histoire, les langues, les mœurs, les théogonies des peuples anciens nous soient révélées d’année en année par tant de savants illustres ; que les faits et les idées, la vie intime et la vie extérieure, que tout ce qui constitue la raison d’être, de croire, de penser des hommes disparus appelle l’attention des intelligences élevées, nos grands poètes ont rarement tenté de rendre intellectuellement la vie au Passé.

848. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

La poésie des Latins, au contraire, était née tard et d’une étude savante ; elle n’avait pas eu d’enfance. […] Celle-ci est une délicate personne, une belle diseuse (dulce loquentem), une savante ou mieux une muse ; ce n’est pas d’elle qu’on pourrait dire qu’elle ne chante pas les vers de Sapho, elle en fait elle-même. […] et qu’est-ce qui empêche d’entr’ouvrir de la sorte, non dans la forme savante et philologique qu’on laisse à qui de droit, mais à la vieille manière française, légèrement rajeunie, bien des coins jusqu’ici réservés ?

849. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Le moyen âge, dans tout son développement, jusqu’au xvie  siècle où il expire, remplit le premier volume ; le deuxième s’ouvre par Ronsard, lequel est véritablement le poète inaugurateur de la Renaissance classique, et celui qui consomma la rupture avec la tradition du moyen âge, en la remplaçant par la tradition savante. […] Les savants critiques qui ont essayé de frayer un sentier et de tracer une voie dans la presse des détestables rimeurs et rhétoriqueurs qui encombrent la fin du XVe siècle ont bien du mérite, et il ne faut pas moins que leur autorité pour que je me sente la force de les y suivre. […] Ce style poétique si éclatant, si savant naguère, si ferme aux bons endroits sous la main des jeunes maîtres, s’est trouvé compromis de nouveau et remis en question, au moment même où il venait d’être reformé et recréé.

850. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Un savant italien, M.  […] Par eux, les aptitudes poétiques de la race celtique, engourdies sous la domination romaine par l’élégant rationalisme de la littérature savante, comme par la pression monotone de la protection administrative, furent réveillées : les âmes, préparées déjà par le christianisme, violemment secouées par l’instabilité du nouvel état social, recouvrèrent le sens et le don des symboles merveilleux ; et dans la famine intellectuelle que produisit la ruine des écoles, l’aristocratie gallo-romaine, sujette des rois francs et compagne de leurs leudes, associée aux fêtes comme aux affaires, quitta sa délicatesse et ses procédés raffinés de pensée et de langage : elle retourna à l’ignorance, au peuple ; elle se refit peuple, avec toute la rudesse, mais avec toute la spontanéité du génie populaire. […] Les clercs qui écrivent en latin nomment du nom de cantilène indifféremment les chants prétendus lyrico-épiques que nous n’avons pas et les chansons de geste qui nous sont parvenues : cantilène est le mot, légèrement méprisant, dont ils désignent toute poésie qui n’est pas savante et latine.

851. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Hugo déployait ses vastes images, assénait ses antithèses sentencieuses ; et sa volumineuse éloquence, abondante en grands effets et théâtralement machinée, soutenait des combats fréquents contre la parole unie et savante de Montalembert. […] Edgar Quinet707, mêlant Herder à Chateaubriand, jugeant parfois très bien son temps et son parti, connaissant et pressentant l’Allemagne comme peu de Français ont fait, anticlérical et religieux, savant et poète, prophète par-dessus le tout et faiseur d’apocalypses, esprit large et intelligent, avec quelque chose d’incohérent et de nuageux, artiste insuffisant en dépit ou en raison des placages de sentiment ou de couleur par lesquels il croyait se donner un grand style, — Quinet n’a pas réussi à faire une œuvre : on peut lire ses Lettres. […] Mais c’est un grand mérite d’avoir osé débrouiller un aussi vaste et redoutable sujet, et d’avoir si lestement parcouru une carrière où dix scrupuleux savants auraient usé leur vie.

852. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

C’est là la source inépuisable des erreurs où sont tombés toutes les nations, tous les savants, au sujet des commencements de l’humanité ; les premières s’étant mises à observer, les seconds à raisonner sur ce sujet dans des siècles d’une brillante civilisation, ils n’ont pas manqué de juger d’après leur temps, des premiers âges de l’humanité, qui naturellement ne devaient être que grossièreté, faiblesse, obscurité. […] À la vanité des nations, joignez celle des savants ; ils veulent que ce qu’ils savent soit aussi ancien que le monde. […] Tel est l’ordre que suivent les choses humaines : d’abord les forêts, puis les cabanes, puis, les villages, ensuite les cités, ou réunions de citoyens, enfin les académies, ou réunions de savants. — Autre grand principe étymologique, d’après lequel l’histoire des langues indigènes doit suivre cette série de changements que subissent les choses.

853. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Il lui a appliqué très ingénieusement, pour la savante disposition des plans et la distribution des diverses parties, le mot de Quintilien qui compare cette sorte d’orateur tacticien à un général habile qui sait ranger ses troupes dans le meilleur ordre. […] C’est en effet l’impression que donne la savante disposition de son discours, cette forme de dialectique morale et de démonstration ferme qui s’avance d’abord sur deux ou trois lignes de front, et qui aime encore à se subdiviser dans le détail par groupes de trois ou quatre arguments.

854. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

S’il s’agissait de quelque poème de Catulle, rectifié d’après un manuscrit, cette restitution ferait peut-être quelque bruit parmi les savants ; bornons-nous à remercier M.  […] Chapelle avait quelquefois des remords ; il faisait, le matin, de beaux projets, de grands serments ; il se proposait de revenir à l’étude, aux leçons savantes de son maître Gassendi, de s’appliquer à quelque ouvrage sérieux et qui lui fît honneur, qui lui donnât rang dans l’avenir.

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